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Université de Poitiers

2ème année de droit, semestre 4


Cours : Droit des obligations : « La responsabilité civile extracontractuelle»

INTRODUCTION

- « L’homme libre est celui qui a conscience des conséquences de ses actes et en répond »,
Ph. Malaurie, Liberté et responsabilité, Defrénois 2004, p. 351.

- La responsabilité « est l’obligation de répondre d’un dommage devant la justice et d’en


assumer les conséquences civiles, pénales, disciplinaires, etc. », G. Cornu, Vocabulaire
juridique, 8ème éd. PUF, 2007, v° Responsabilité (sens 1).

Section 1 Les fondements de la responsabilité civile extracontractuelle

- Article 1240 du code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

- Article 1241 du code civil : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non
seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

- Article 1242 du code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l'on
cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on
doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens
mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers,
des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou
à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui
demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement
responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

1
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans
les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le
temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent
qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre
eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit
commun, par le demandeur, à l'instance ».

- « Le risque désigne un responsable : l’auteur de l’activité à l’occasion de laquelle le


dommage est survenu »1.

Section 2 Le domaine de la responsabilité civile extracontractuelle

- On « tente d’effacer, par une réaction juridique, les conséquences du fait perturbateur
imputable à quelqu’un (…) »2.

§ 1 La distinction de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité


extracontractuelle

A) Le débat sur l’existence de la responsabilité contractuelle

- Article 1217 du code civil : « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté,
ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts
peuvent toujours s'y ajouter ».

1
L. Andreu. N. Thomassin, Cours de droit des obligations, Gualino, 4ème édition, 2019, n° 1037.
2
Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité civile et des contrats, éd. Dalloz-Action, 2017-2018, n° 3.

2
- « La réparation est “ le dédommagement d’un préjudice par la personne qui en est
responsable civilement, le rétablissement de l’équilibre détruit par le dommage, consistant à
replacer si possible la victime dans la situation où elle se serait si le dommage ne s’était pas
produit” ; l’exécution est “ l’accomplissement par le débiteur de la prestation due, le fait de
remplir son obligation, impliquant satisfaction donnée au créancier” »3.

- « on exécute ce que l’on doit, c’est-à-dire ce qui a été promis par le contrat ; on répare le
dommage que l’on a causé par sa faute ou sa négligence »4.

- Cass. civ. 3ème, 29 janvier 2002, n° 99-20768 : « Qu'en statuant ainsi alors que
l'indemnisation du bailleur à raison de l'inexécution par le preneur des réparations locatives
prévues au bail n'est subordonnée ni à l'exécution de ces réparations, ni à l'existence d'un
préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

- Cass. civ. 3ème, 30 janvier 2002, n° 00-15784, Bull. civ. III, n° 17 : « Qu'en statuant ainsi,
alors que l'indemnisation du bailleur en raison de l'inexécution par le preneur des
réparations locatives prévues au bail n'est subordonnée ni à l'exécution de ces réparations ni
à la justification d'un préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

- Cass. civ. 3ème, 3 décembre 2003, n° 02-18033, Bull. civ. III, n° 221 : « Mais attendu que
des dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate
qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle ; que la cour d'appel, ayant relevé que
la SCI Place Saint-Jean avait donné à bail les locaux à une société Pat Nat Coiffure en les
déspécialisant et que l'installation dans les locaux d'un salon de coiffure avait nécessité un
réaménagement spécifique complet par le nouveau preneur, que le bailleur ne prétendait ni
avoir réalisé des travaux ou contribué à l'aménagement du nouveau preneur ni dû consentir

3
P. RÉMY-CORLAY, Exécution et réparation : deux concepts ?, RDC février 2005, p. 13.
4
P. RÉMY-CORLAY, op. cit., loc. cit. Dans le même sens, « il a été relevé que, du fait du regroupement du
contractuel et du délictuel, les dommages et intérêts contractuels sont envisagés principalement dans leur
fonction réparatrice et non pas comme une forme de l’exécution du contrat, l’exécution par équivalent. Or c’est
cet aspect qui doit prévaloir. Le contrat est fait d’abord pour être exécuté et la prétendue réparation n’est en
général que le substitut de l’exécution » (D. TALLON, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation,
RTD civ. 1994, p. 227 et 228).

3
un bail à des conditions plus défavorables que si l'état des lieux avait été différent, en a
exactement déduit que sa demande de dommages-intérêts devait être rejetée ».

B) Une distinction parfois laborieuse

- Cass. 1ère civ., 28 juin 2012, n° 10-28492 : « Qu'en statuant ainsi, quand elle avait constaté
que l'enfant avait fait usage de l'aire de jeux, exclusivement réservée à la clientèle du
restaurant, au cours d'un goûter auquel il participait en compagnie d'un adulte et d'autres
enfants, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le
second par fausse application ».

- Cass. civ. 1ère, 9 septembre 2020, n° 19-11.882 : « Vu les articles 1384, alinéa 1er, devenu
1242, alinéa 1er, du code civil et L. 221-1, alinéa 1er, devenu L. 421-3 du code de la
consommation :
4. La responsabilité de l'exploitant d'un magasin dont l'entrée est libre ne peut être engagée,
à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce magasin et dont une chose inerte serait à
l'origine, que sur le fondement du premier des textes susvisés, à charge pour la victime de
démontrer que cette chose, placée d ans une position anormale ou en mauvais état, a été
l'instrument du dommage.
5. Si le second de ces textes édicte au profit des consommateurs une obligation générale de
sécurité des produits et services, il ne soumet pas l'exploitant d'un tel magasin à une
obligation de sécurité de résultat à l'égard de la clientèle, contrairement à ce qui a été jugé
(1re Civ., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-19.109) ».

- Cass. 1ère civ., 1er décembre 2011, n° 10-19090 : « Vu les articles 1147 et 1384, alinéa 1er,
du code civil ;
Attendu que, pour retenir la responsabilité contractuelle de la SNCF et la condamner à payer
une provision à M. X..., l'arrêt retient qu'il importe peu à la solution du litige que celui-ci se
soit trompé de rame car, titulaire d'un abonnement régulier, il avait bien souscrit un contrat
de transport avec la SNCF ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'accident n'était pas survenu dans l'exécution du
contrat convenu entre les parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par
fausse application, le second par refus d'application ».

4
- Cass. civ. 1ère, 7 mars 1989, n° 87-11493 : « Mais attendu que, contrairement à ce que
soutient le pourvoi, l'obligation de sécurité consistant à conduire le voyageur sain et sauf à
destination, résultant de l'article 1147 du Code civil, n'existe à la charge du transporteur que
pendant l'exécution du contrat de transport, c'est-à-dire à partir du moment où le voyageur
commence à monter dans le véhicule et jusqu'au moment où il achève d'en descendre ; que le
moyen n'est donc pas fondé ».
« Attendu qu'en dehors de l'exécution du contrat de transport, la responsabilité du
transporteur à l'égard du voyageur est soumise aux règles de la responsabilité délictuelle ».

- Cass. civ. 2ème, 10 mai 1991, n° 90-11684 : « Mais attendu que l'arrêt énonce qu'il ne
saurait être reproché au conducteur de l'autobus d'avoir laissé descendre en dehors d'un
arrêt régulier les passagers qui le demandaient, la réglementation qui l'interdisait ne
s'appliquant pas en cas d'interruption du transport par la force majeure que constituait
l'obstruction de la chaussée pour un temps indéterminé, et retient que le conducteur n'avait
pas à mettre en garde les passagers contre les dangers de la marche sur la voie publique dont
chacun était à même de constater l'état dangereux, l'obligation de sécurité afférente au
contrat de transport cessant avec celui-ci, à partir de l'instant où les voyageurs, étant
descendus du véhicule, avaient repris leur autonomie ».

- Cass. civ. 1ère, 15 juillet 1999, n° 97-10268 : « Mais attendu que si un transporteur aérien
n'est tenu d'une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses passagers qu'en ce qui
concerne, outre le vol proprement dit, les opérations d'embarquement et de débarquement, il
reste tenu à leur égard d'une obligation de sécurité de moyens dans l'exécution du contrat le
liant à ses clients ; que la cour d'appel, statuant par motifs propres et adoptés, a constaté que
l'escale sur l'aérodrome de Koweït City, qui n'était pas mentionnée sur les billets d'avion,
avait été portée à la connaissance des passagers lors du départ de Londres et qu'elle avait été
réalisée à un moment où l'imminence d'un conflit armé était hautement prévisible, et cela
bien que l'avion ait disposé d'une réserve de carburant suffisante pour l'éviter, de sorte que
les passagers avaient été exposés sans raison valable à un risque de guerre ; qu'elle a pu
déduire de ces constatations que la compagnie British Airways avait failli à son obligation de
moyens ».

- CJUE, 7 novembre 2019, C-349/18 : « Il résulte ainsi des constatations du point précédent
que, d’un côté, en laissant un libre accès à son train, et, d’un autre côté, en montant à bord

5
de celui-ci en vue d’effectuer un trajet, tant l’entreprise ferroviaire que le voyageur
manifestent leurs volontés concordantes d’entrer dans une relation contractuelle, de sorte
que les conditions nécessaires pour établir l’existence d’un contrat de transport sont, en
principe, satisfaites ».
« Il découle ainsi clairement de ces éléments de contexte que le billet, aussi désigné, dans cet
appendice A, par les termes « titre de transport », n’est que l’instrument qui matérialise le
contrat de transport, au sens du règlement no 1371/2007 » et que « Le libellé de l’article 3,
point 8, du règlement no 1371/2007 et le contexte dans lequel s’insère cette disposition
conduisent, par conséquent, à considérer que la notion de « contrat de transport », au sens de
ladite disposition, doit, aux fins de ce règlement, s’entendre comme étant indépendante de la
détention, par le voyageur, d’un billet et en ce sens qu’elle englobe une situation dans
laquelle un voyageur monte à bord d’un train librement accessible en vue d’effectuer un
trajet sans s’être procuré de billet ».

- Cass. civ. 3ème, 18 mai 2011, n° 10-11721 : « Qu'en statuant ainsi, alors que par l'effet de
l'anéantissement rétroactif du contrat de bail annulé la responsabilité de Mme Z... ne pouvait
être recherchée que sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel, la cour d'appel a violé les
textes susvisés ».

§ 2 Les enjeux de la distinction

A) Les principes de non-cumul et de non-option

- Article 1231-3 du code civil : « Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont
été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque
l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive ».

- Art. 1233 de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile (juillet


2020) : « En cas d’inexécution du contrat, ni le débiteur ni le créancier ne peuvent se
soustraire à l’application des dispositions propres à la responsabilité contractuelle pour
opter en faveur des règles spécifiques à la responsabilité extracontractuelle.
Toutefois, lorsque cette inexécution provoque un dommage corporel, le cocontractant qui en
est victime peut également obtenir réparation du préjudice résultant de ce dommage sur le
fondement des règles spécifiques à la responsabilité extracontractuelle ».

6
B) L’étendue de l’indemnisation

C) Une exigence préalable à l’action

- Article 1231 du code civil : « A moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et
intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans
un délai raisonnable ».

D) La compétence juridictionnelle

- Article 42 du CPC : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition


contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.
S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où
demeure l'un d'eux.
Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du
lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger ».

- Article 46 du CPC : « Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où
demeure le défendeur :
- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du
lieu de l'exécution de la prestation de service ;
- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de
laquelle le dommage a été subi ;
- en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble ;
- en matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où
demeure le créancier ».

E) La prescription de la responsabilité civile

- Article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par
cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits
lui permettant de l'exercer ».

7
- Article 1648 du code civil : « L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée
par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ».

- Article 2226 du code civil : « L'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant
entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui
en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage
initial ou aggravé.
Toutefois, en cas de préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des
violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, l'action en responsabilité
civile est prescrite par vingt ans ».

F) Les conventions relatives à la responsabilité civile

- Article 1281 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (mars 2017) : « Les


clauses ayant pour objet ou pour effet d'exclure ou de limiter la responsabilité sont en
principe valables, aussi bien en matière contractuelle qu'extracontractuelle.
Toutefois, la responsabilité ne peut être limitée ou exclue par contrat en cas de dommage
corporel ».

- Article 1282 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (mars 2017) : « En


matière contractuelle, les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité n’ont point
d’effet en cas de faute lourde ou dolosive. Elles sont réputées non écrites lorsqu’elles privent
de sa substance l’obligation essentielle du débiteur ».

- Article 1283 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (mars 2017) : « En


matière extracontractuelle, on ne peut exclure ou limiter la responsabilité pour faute ».

- Art. 1284 de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile (juillet


2020) : « Sauf disposition législative contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet
d’exclure ou de limiter la responsabilité sont valables.
Toutefois, nul ne peut limiter ou exclure sa responsabilité à raison d’un dommage corporel ».

8
- Art. 1285 de la proposition de réforme (Juillet 2020) : « En matière contractuelle, les
clauses limitatives ou exclusives de responsabilité n’ont pas d’effet en cas de faute lourde ou
dolosive ».

- Art. 1286 de la proposition de réforme (Juillet 2020) : « En matière extracontractuelle,


nul ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour faute ».

- Article L. 212-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre


professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de
créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et
obligations des parties au contrat ».

Section 3 Bref regard sur l’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle

PARTIE I – LA FONCTION HISTORIQUE DE LA RESPONSABILITE CIVILE


EXTRACONTRACTUELLE : DE LA REPARATION A L’INDEMNISATION DES
PREJUDICES

TITRE I – LES CONSTANTES DE LA RESPONSABILITE CIVILE


EXTRACONTRACTUELLE

Chapitre 1 – L’exigence d’un préjudice

Section 1 : La distinction entre le dommage et le préjudice

§ 1 : L’absence de synonymie

- Art. 1235 de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile (juillet


2020) : « Est réparable tout préjudice certain résultant d’un dommage et consistant en la
lésion d’un intérêt licite, patrimonial ou extrapatrimonial ».

« Il est largement admis par la doctrine que les termes “dommage” et “préjudice” désignent
la même chose et sont donc synonymes. (…) Malgré tout, il est possible d’y voir une
différence de notion. Le dommage est constitué par le fait matériel, brut, et relève donc du

9
fait. Il désigne ainsi l’atteinte portée à la victime dans sa chair ou dans ses biens. (…) Au
contraire, le préjudice est la traduction juridique du dommage. Il ne s’agit plus de fait brut,
mais d’une notion juridique désignant les conséquences patrimoniales ou extrapatrimoniales
du dommage »5.

« Le dommage désigne, à proprement parler, la lésion subie, qui s’apprécie au siège de cette
lésion, tandis que le préjudice, qui est la conséquence de la lésion, apparaît comme l’effet ou
la suite du dommage : une atteinte à l’intégrité physique, c’est-à-dire du dommage corporel,
peut ainsi engendrer un préjudice patrimonial (…) et un préjudice extrapatrimonial (…) »6.

« Une chose est la lésion, l’atteinte, celle des corps, des choses ; autre chose sont les
répercussions de la lésion, de l’atteinte, répercussions sur le patrimoine, répercussions sur la
personne de la victime, sur ses avoirs et sur son être »7.

Le préjudice est « une notion seconde, juridique et subjective : seconde, en ce que le


préjudice est un effet du dommage, celui-ci étant la cause de celui-là ; juridique, en ce que le
préjudice est non pas une donnée matérielle mais une construction juridique, puisqu’il
s’étend des suites du dommage juridiquement réparables ; subjective, en ce que le préjudice
s’apprécie par rapport à une personne déterminée »8.

§ 2 : Une distinction présentant plusieurs intérêts

A) Une meilleure classification

« Il paraît plus rigoureux de distinguer d’une part, les dommages, répartis en considération
du siège de l’atteinte en trois catégories : dommage matériel, dommage corporel, dommage
immatériel et d’autre part, les préjudices, répartis suivant la nature du détriment subi en
deux catégories : préjudices patrimoniaux et préjudices extrapatrimoniaux »9.

B) La limitation des préjudices réparables

5
M. POUMARÈDE, Droit des obligations, 3ème éd. LGDJ, 2014, n° 823.
6
Ph. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité civile et des contrats, éd. Dalloz-Action, 2017-2018, n° 1305.
7
Ph. LE TOURNEAU, ibid., n° 1309.
8
F. LEDUC, Faut-il distinguer le dommage et le préjudice ?: point de vue privatiste, RCA mars 2010, p. 10.
9
F. LEDUC, op. cit., p. 15.

10
- Cass. civ. 2ème, 24 janvier 2002, n° 99-16576 : « Attendu qu'une victime ne peut obtenir la
réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ».
« Qu'en statuant ainsi alors que de telles rémunérations, provenant d'un travail dissimulé,
n'ouvrent pas droit à indemnisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

- Cass. civ. 2ème, 22 février 2007, n° 06-10131 : « Attendu qu'une victime ne peut obtenir la
réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ».
« Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le contrat de jeu liant M. X... à la société étant
nul, celui-ci devait être débouté de sa demande de paiement de son gain, la juridiction de
proximité, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres
constatations, a violé le texte susvisé ».

C) La réparation en nature et par équivalent

« Le préjudice ne peut que se compenser pécuniairement par un équivalent monétaire, tandis


que le dommage pourrait faire l’objet de mesures de réparation en nature (…) »10.

« La réparation en nature est, à proprement parler, remise en état, rétablissement ; elle agit
sur la lésion, sur le siège de l’atteinte, sur le dommage »11.

D) La reconnaissance de la cessation de l’illicite

« Il est vrai qu’une mesure de cessation de l’illicite peut être prononcée sans nécessité d’un
préjudice, et que la violation du droit consomme une illicéité ; cependant, des dommages et
intérêts indemnitaires présupposent l’existence d’un préjudice et s’y mesurent ; lorsque le
juge s’en passe, il faut donc remplir une fonction autre que réparatrice »12.

Section 2 : Les conditions du préjudice réparable

- Cass. 2ème civ., 16 avr. 1996, n° 94-13613 : « la seule preuve exigible était celle d'un
préjudice personnel direct et certain ».

10
G. VINEY et P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, 3ème éd. LGDJ, 2006, n° 246.
11
Ph. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité civile et des contrats, éd. Dalloz-Action, 2017-2018, n° 1309.
12
Ph. LE TOURNEAU, op. cit., n° 1307.

11
§ 1 : L’exigence d’un préjudice certain

- Article 1236 de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile (juillet


2020) : « Le préjudice futur est réparable lorsqu'il est la prolongation certaine et directe d'un
état de choses actuel ».

- Cass. Req, 1er juin 1932, D. 1933, 1, 102 : « Attendu que, s’il n’est pas possible d’allouer
des dommages et intérêts en réparation du préjudice purement éventuel, il en est autrement
lorsque le préjudice, bien que futur, apparaît aux juges du fait comme la prolongation
certaine et directe d’un état de chose actuel et comme étant susceptible d’estimation
immédiate ».

- Cass. 2ème civ., 10 juin 2004, n° 03-10434 : « Mais attendu que l'arrêt retient que par suite
d'un défaut de conception du tracé du golf la propriété de Mme X... était beaucoup plus
exposée que les autres riverains à des tirs de forte puissance, et qu'il ressortait clairement de
l'expertise que Mme X..., contrainte de vivre sous la menace constante d'une projection de
balles qui devait se produire d'une manière aléatoire et néanmoins inéluctable, et dont le lieu
et la force d'impact, comme la gravité des conséquences potentielles, étaient totalement
imprévisibles, continuait à subir des inconvénients qui excédaient dans de fortes proportions
ceux que l'on pouvait normalement attendre du voisinage d'un parcours de golf ».

§ 2 : L’exigence d’un préjudice personnel

- Article 31 du code de procédure civile : « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un
intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la
loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une
prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

- Art. 1235 de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile (juillet


2020) : « Est réparable tout préjudice certain résultant d’un dommage et consistant en la
lésion d’un intérêt licite, patrimonial ou extrapatrimonial ».

- Article 1246 du code civil : « Toute personne responsable d'un préjudice écologique est
tenue de le réparer ».

12
Article 1247 du code civil : « Est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le
préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux
fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement ».

- Article 1248 du code civil : « L'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à
toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l'Etat, l'Office français de la
biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné,
ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins
cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et
la défense de l'environnement ».

A) L’action propre aux victimes par « ricochet »

- Cass. mixte, 25 mars 2022, n° 20-17.072 : « 4. Les proches d'une personne, qui apprennent
que celle-ci se trouve ou s'est trouvée exposée, à l'occasion d'un événement, individuel ou
collectif, à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, éprouvent une
inquiétude liée à la découverte soudaine de ce danger et à l'incertitude pesant sur son sort.
5. La souffrance, qui survient antérieurement à la connaissance de la situation réelle de la
personne exposée au péril et qui naît de l'attente et de l'incertitude, est en soi constitutive
d'un préjudice directement lié aux circonstances contemporaines de l'événement.
6. Ce préjudice, qui se réalise ainsi entre la découverte de l'événement par les proches et leur
connaissance de son issue pour la personne exposée au péril, est, par sa nature et son
intensité, un préjudice spécifique qui ouvre droit à indemnisation lorsque la victime directe a
subi une atteinte grave ou est décédée des suites de cet événement.
7. Il résulte de ce qui précède que le préjudice d'attente et d'inquiétude que subissent les
victimes par ricochet ne se confond pas, ainsi que le retient exactement la cour d'appel, avec
le préjudice d'affection, et ne se rattache à aucun autre poste de préjudice indemnisant ces
victimes, mais constitue un préjudice spécifique qui est réparé de façon autonome.
8. Il s'ensuit que c'est sans indemniser deux fois le même préjudice que la cour d'appel a
accueilli les demandes présentées au titre de ce préjudice spécifique d'attente et
d'inquiétude ».

13
- Cass. civ. 2ème, 4 novembre 2010, n° 09-68903 : « Attendu que pour accueillir ce recours et
condamner le ministère de la défense à indemniser le préjudice moral subi par l'enfant
Maeve, le jugement retient que le préjudice tenant au fait que l'enfant est privée de son
grand-père et des liens affectifs qu'elle aurait pu tisser avec lui est nécessairement relié par
un lien de causalité au décès, lui-même conséquence de la faute inexcusable de l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'existait pas de lien de causalité entre le décès de Marcel
X..., survenu avant la naissance de l'enfant Maeve, et le préjudice allégué, le tribunal a violé
les textes susvisés ».

- Article 725 du code civil : « Pour succéder, il faut exister à l'instant de l'ouverture de la
succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable ».

- Cass. civ. 2ème, 14 décembre 2017, n° 16-26687 : « Mais attendu que, dès sa naissance,
l'enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père
survenu alors qu'il était conçu ; qu'ayant estimé que Zachary C... souffrait de l'absence
définitive de son père décédé dans l'accident du [...], la cour d'appel a caractérisé l'existence
d'un préjudice moral ainsi que le lien de causalité entre le décès accidentel de Abdallah C...
et ce préjudice ».

B) L’action transmise aux héritiers

- Cass. crim, 28 juin 2000, n° 99-85660 : « Attendu que le droit à réparation du dommage
causé par une infraction à une victime qui vient à décéder, se transmet à ses héritiers ; que
chacun de ceux-ci l'exerce dans son intégralité ».

- Cass. Ch. mixte, 30 avril 1976, Bull. n° 3 : « ATTENDU QU'IL RESULTE DE CES TEXTES QUE
TOUTE PERSONNE VICTIME D'UN DOMMAGE, QUELLE QU'EN SOIT LA NATURE, A DROIT D'EN
OBTENIR REPARATION DE CELUI QUI L'A CAUSE PAR SA FAUTE; QUE LE DROIT A REPARATION DU
DOMMAGE RESULTANT DE LA SOUFFRANCE PHYSIQUE EPROUVEE PAR LA VICTIME AVANT SON
DECES, ETANT NE DANS SON PATRIMOINE, SE TRANSMET A SES HERITIERS ».

- Cass. Ch. mixte, 30 avril 1976, Bull. n° 2 : « ATTENDU QU'IL RESULTE DE CES TEXTES QUE
TOUTE PERSONNE VICTIME D'UN DOMMAGE, QUELLE QU'EN SOIT LA NATURE, A DROIT D'EN
OBTENIR L'INDEMNISATION DE CELUI QUI L'A CAUSE PAR SA FAUTE; QUE LE DROIT A
REPARATION DU DOMMAGE RESULTANT DE LA SOUFFRANCE MORALE EPROUVEE PAR DES

14
PARENTS EN RAISON DE LA MORT DE LEUR FILS, VICTIME D'UN ACCIDENT, DONT LA
RESPONSABILITE INCOMBE A UN TIERS, ETANT NE DANS LEUR PATRIMOINE, SE TRANSMET A LEUR
DECES, A LEURS HERITIERS ».

§ 3 L’exigence d’un préjudice licite

- Cass. civ., 27 juillet 1937, DP 1938. 1.5 : « le demandeur d’une indemnité délictuelle ou
quasi-délictuelle doit justifier, non d’un dommage quelconque, mais de la lésion certaine
d’un intérêt légitime, juridiquement protégé ».
« Les relations établies par le concubinage ne peuvent, à raison de leur irrégularité même,
présenter la valeur d’intérêts légitimes, juridiquement protégés ; que, susceptibles de créer
des obligations à la charge des concubins, elles sont impuissantes à leur conférer des droits à
l’encontre d’autrui, et notamment contre l’auteur responsable de l’accident survenu à l’un
d’eux ».

- Cass. civ. 2ème, 13 décembre 1961, Bull. civ. II, n° 861 : « ATTENDU QUE LE DEMANDEUR
D'UNE INDEMNITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE DOIT JUSTIFIER, NON D'UN DOMMAGE
QUELCONQUE, MAIS DE LA LESION D'UN INTERET LEGITIME JURIDIQUEMENT PROTEGE ».

- Cour de cassation, ch. mixte, 27 février 1970, n° 68-10276 : « ATTENDU QUE CE TEXTE
ORDONNANT QUE L'AUTEUR DE TOUT FAIT AYANT CAUSE UN DOMMAGE A AUTRUI SERA TENU DE
LE REPARER, N'EXIGE PAS, EN CAS DE DECES, L'EXISTENCE D'UN LIEN DE DROIT ENTRE LE
DEFUNT ET LE DEMANDEUR EN INDEMNISATION ».

- Cass. civ. 2ème, 22 février 2007, n° 06-10131, Bull. civ. II, n° 49 : « Attendu qu'une victime
ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites »

- Cass. civ. 2ème, 19 juin 2008, n° 07-15341 : « Attendu qu'une victime ne peut obtenir la
réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ».

- Cass. civ. 2ème, 24 janvier 2002, n° 99-16576, Bull. civ. II, n° 5 : « Attendu qu'une victime
ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ».

- Cass. civ. 2ème, 28 mai 2009, n° 08-16143 : « Mais attendu que l'arrêt retient que la société
Axa se contentait de déduire l'illicéité des rémunérations perçues en Suisse de ce qu'elles
n'avaient fait l'objet d'aucune déclaration fiscale tant dans ce pays qu'en France ; que cette
15
seule considération de droit fiscal – qui devait d'ailleurs être appréciée au regard des
conventions internationales en la matière et de la spécificité des règles d'imposition sur le
revenu propres à chaque canton helvétique et qu'il n'appartenait pas à la cour d'appel de
juger dans le cadre du présent litige – était en elle-même insuffisante à donner ipso facto à
l'activité professionnelle de M. d'X... en Suisse le caractère illicite d'un travail dissimulé ;
qu'en effet l'activité professionnelle de M. d'X... au sein de la société de droit suisse SA Les
Vins Pillon n'était nullement dissimulée ; que cette société lui avait versé officiellement, de
1993 à 1994, des salaires rémunérant son activité de VRP ».

- Cass. civ. 2ème, 25 février 2010, n° 08-20587, Bull. civ. II, n° 49 : « Mais attendu que
l'arrêt retient d'abord que Krzystof X... travaillait pour une société dont la gérante a été
condamnée pénalement du chef de délit de travail dissimulé par dissimulation d"emplois
salariés, puis que par un arrêt du 12 février 2008 la chambre sociale de la cour d'appel a
reconnu qu'il était titulaire d'un contrat de travail, avant d'énoncer qu'en l'absence d'écrit la
durée de ce contrat devait être considérée comme indéterminée et ensuite d'évaluer le salaire
annuel de Krzystof X... au regard des sommes fixées par cet arrêt du 12 février 2008 ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement jugé que le
préjudice économique subi par les consorts Y... du fait du décès de leur mari et père pouvait
être évalué en tenant compte des rémunérations perçues par lui ».

Section 3 : La diversité des préjudices réparables

« Il paraît plus rigoureux de distinguer d’une part, les dommages, répartis en considération
du siège de l’atteinte en trois catégories : dommage matériel, dommage corporel, dommage
immatériel et d’autre part, les préjudices, répartis suivant la nature du détriment subi en
deux catégories : préjudices patrimoniaux et préjudices extrapatrimoniaux »13.

§1 Premières vues sur les préjudices réparables

- Cass. civ. 1ère, 27 janvier 1970, n° 68-12782 : « UN PREJUDICE PEUT ETRE INVOQUE DU
SEUL FAIT QU'UNE CHANCE EXISTAIT ET QU'ELLE A ETE PERDUE ».

13
F. LEDUC, op. cit., p. 15.

16
- Cass. civ. 1ère, 4 juin 2007, n°05-20213 : « seule constitue une perte de chance réparable,
la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ».

- Cass. civ. 2ème, 14 avril 2016, n°15-16625 : L’assureur fait valoir devant la Cour de
cassation que « l'indemnisation allouée à la victime doit réparer le préjudice subi sans qu'il
en résulte pour elle ni perte ni profit ; que l'acquisition en pleine propriété d'un logement
financé par l'assureur de l'auteur de l'accident constitue un enrichissement patrimonial, qui
va au-delà de la réparation du préjudice subi ; que le préjudice lié aux frais de logement
adapté, correspondant aux dépenses que la victime handicapée doit exposer pour bénéficier
d'un habitat en adéquation avec son handicap, ne saurait être indemnisé sans tenir compte
des sommes que la victime aurait de toute façon dû débourser pour se loger, si elle n'avait
pas subi de handicap ».
Réponse de la Cour de cassation : « la réparation intégrale du préjudice lié aux frais de
logement adapté prévue au contrat d'assurance commande que l'assureur prenne en charge
les dépenses nécessaires pour permettre à la victime de bénéficier d'un habitat adapté à son
handicap ».

- Cour d’appel de Fort-de-France, 17 février 2012, n°11/00094 : « Il est de principe que


toute victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a le droit d'en obtenir réparation de
celui qui l'a causé. Il s'en suit que le droit à réparation du dommage résultant de la
souffrance physique ou morale éprouvée par la victime avant son décès, étant né dans son
patrimoine, se transmet à ses héritiers (…). Les ayants droits de la victime recherchent la
réparation des souffrances subies par cette dernière avant son décès durant la chute de
l'appareil : souffrance physique liée à la dépressurisation et souffrance morale résultant de la
conscience qu'elle a eu d'une mort inexorable pendant de longues minutes. Les passagers ont
nécessairement vécu la chute de l'avion, quelque soit le temps écoulé entre la perte d'altitude
de l'appareil et son écrasement, dans l'angoisse d'une mort certaine. L'argumentation fondée
sur l'absence de preuve des circonstances de la chute de l'aéronef est encore vaine dès lors
que le processus lui-même de chute est constant, qu'il ne peut s'agir d'un phénomène
instantané et que, même de courte durée, il est générateur de souffrances morales
indubitables. Le jugement qui a fait une juste évaluation du préjudice des personnes décédées
à hauteur pour chacune de 20 000, 00 euros, doit être confirmé ».

17
- Cass. Crim., 27 septembre 2016, n° de pourvoi : 15-84.238 : « Attendu qu'en statuant
ainsi, et dès lors qu'il ressort de motifs non repris au moyen que Robert Y... est demeuré
conscient dans les minutes qui ont suivi l'accident, la cour d'appel, appréciant
souverainement l'existence d'un préjudice lié pour la victime à l'angoisse d'une mort
imminente, lequel est transmissible à ses héritiers, a justifié sa décision ».

- Cass. chambre mixte, 25 mars 2022, n° 20-15.624 : « 7. L'arrêt, par motifs adoptés, après
avoir constaté que les lésions consécutives à la multiplicité des plaies par arme blanche
présentes sur le corps de la victime lui avaient causé une souffrance importante, énonce qu'il
convient d'évaluer à 1 500 000 FCP l'indemnisation de l'indivision successorale au titre des
souffrances endurées par la victime entre son agression et son décès.
8. Il précise que, pour caractériser l'existence d'un préjudice distinct « d'angoisse de mort
imminente », il est nécessaire de démontrer l'état de conscience de la victime en se fondant
sur les circonstances de son décès.
9. Il retient que la nature et l'importance des blessures, rapportées au temps de survie de la
victime, âgée de seulement vingt-sept ans, dont l'état de conscience a conduit sa famille à
juger possible son transport
en voiture légère jusqu'à l'hôpital, démontrent que [R] [X] a souffert d'un préjudice
spécifique lié à la conscience de sa mort imminente, du fait de la dégradation progressive et
inéluctable de ses fonctions vitales causée par une hémorragie interne et externe massive, et
que le premier juge a procédé à sa juste évaluation.
10. C'est, dès lors, sans indemniser deux fois le même préjudice que la cour d'appel, tenue
d'assurer la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit pour la victime, a réparé,
d'une part, les souffrances endurées du fait des blessures, d'autre part, de façon autonome,
l'angoisse d'une mort imminente ».

- Cass. civ. 2ème, 20 octobre 2016, n° 14-28866 : « Mais attendu que la perte de sa vie ne fait
en elle même naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime ; que seul est
indemnisable le préjudice résultant de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort
prochaine ; qu'ayant relevé dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que, du
fait de ses blessures, Mme Y... avait éprouvé une souffrance physique et morale et avait eu la
conscience inéluctable de l'imminence de son décès, la cour d'appel a fait une exacte
application de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°

18
2016-131 du 10 février 2016, en indemnisant ce préjudice au seul titre des souffrances
endurées ».

- Nomenclature Dintilhac

§2 De quelques difficultés liées à la multiplication des préjudices réparables

- Cass. com. 15 mai 2012, n° 11-10278 : « Vu les articles 1147, 1382 et 1383 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la société La Pizzeria et de la société Jafa au titre
du préjudice moral, l'arrêt retient que s'agissant de sociétés elles ne peuvent prétendre à un
quelconque préjudice moral ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes des sociétés La
Pizzeria et Jafa au titre du préjudice moral, l'arrêt rendu le 12 juillet 2010 »

Chapitre 2 – L’exigence d’un lien de causalité

Section 1 : La définition du lien de causalité

§ 1 : Les théories relatives au lien de causalité

A) La théorie de l’équivalence des conditions

- Cass. 2ème civ., 27 mars 2003, n° 01-00850 : « Mais attendu que l'arrêt retient que
l'accident constitue une cause de la perte d'exploitation excédant les 200 jours subie
ultérieurement par M. Y..., que le lien de causalité est direct et certain puisqu'en l'absence de
survenance de l'accident, le dommage ne se serait pas produit alors que si des fautes
successives imputables à des auteurs différents ont pu jouer un rôle causal sur ce poste de
préjudice, ainsi que le soutient le FGA, cette pluralité des causes, à supposer qu'elle soit
démontrée, n'est pas de nature à faire obstacle à l'indemnisation de l'entier dommage par
l'auteur initial par application du principe de l'équivalence des causes dans la production
d'un même dommage en matière de responsabilité délictuelle ;

19
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations d'où il résulte que le dommage de perte
d'exploitation était en relation de causalité directe avec l'accident, la cour d'appel, répondant
aux conclusions dont elle était saisie, a légalement justifié sa décision ».

B) La théorie de la causalité adéquate

- Cass. Ch. réunies, 2 décembre 1941, Bull. civ., n°292, p. 523 (arrêt Franck) : « Attendu
que, dans leurs conclusions en cause d'appel, les consorts X... soutenaient que Y..., en
abandonnant sa voiture automobile sur la voie publique sans prendre aucune précaution en
vue d'éviter un vol, avait commis une faute, au sens de l'article 1382 du Code civil, faute qui
avait eu pour conséquence directe le dommage dont les demandeurs poursuivaient la
réparation ;
Que, pour rejeter ces conclusions, l'arrêt déclare qu'il n'y a lieu de rechercher si Y... a
commis la faute qui lui est imputée, aucun lien de cause à effet ne pouvant exister entre la
faute prétendue et l'accident dont X... a été victime ».

- Cass. civ. 2ème, 23 juin 1993, n° 91-21072 : « Mais attendu que la décision retient que si le
comportement de la victime a pu être considéré comme inconséquent dans la mesure où elle a
introduit un inconnu dans son habitation après avoir consommé de l'alcool avec lui, il
apparaît que la faute de la victime au sens du nouveau texte ne peut être retenue car le
comportement qui peut être qualifié d'imprudent ou d'irraisonné ne peut être rattaché à des
conséquences aussi imprévisibles et aussi dramatiques que celles imputables à l'auteur des
faits ;
Que, de ces énonciations, la Commission a pu déduire que la faute de la victime n'avait pas
de lien direct de causalité avec le dommage qu'elle avait subi ».

§ 2 : L’appréciation souple du lien de causalité

- Cass. 1ère civ., 17 février 1993, n° 91-17458 : « Mais attendu que, dans l'exercice de son
pouvoir souverain d'appréciation des éléments du rapport d'expertise concernant la
disproportion existant entre l'importance des dérivés sanguins transfusés après l'accident par
rapport aux produits administrés antérieurement à M. X..., la cour d'appel a pu considérer
que la contamination de celui-ci était la conséquence des transfusions massives reçues après
l'accident ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ».

20
- Cass. civ. 1ère, 23 septembre 2003, n° 01-13063 : « Attendu que la responsabilité du
producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut
du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ».
Cour d’appel : « Attendu que pour retenir la responsabilité du laboratoire, l'arrêt attaqué,
après avoir constaté que l'étiologie de la sclérose en plaques était inconnue et que ni les
expertises ni les études scientifiques ne concluaient à l'existence d'une association entre la
vaccination et cette maladie, relève que la possibilité d'une telle association ne peut être
exclue de façon certaine, que Mme X... était en parfaite santé jusqu'à la première injection du
vaccin, qu'il existe une concordance entre la vaccination et l'apparition de la maladie
également constatée chez d'autres malades et qu'il n'y a, dans le cas de Mme X..., aucune
autre cause de déclenchement de la maladie ».
Cour de cassation : « Qu'en se déterminant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses
constatations desquelles il résultait que le défaut du vaccin comme le lien de causalité entre
la vaccination et la maladie ne pouvaient être établis, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ».

- Cass. civ. 1ère, 22 mai 2008, n° 05-20317 : « Attendu, cependant, que si l'action en
responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du
lien de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter de
présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ;
D'où il suit qu'en se déterminant ainsi, en référence à une approche probabiliste déduite
exclusivement de l'absence de lien scientifique et statistique entre vaccination et
développement de la maladie, sans rechercher si les éléments de preuve qui lui étaient soumis
constituaient, ou non, des présomptions graves, précises et concordantes du caractère
défectueux du vaccin litigieux, comme du lien de causalité entre un éventuel défaut et le
dommage subi par M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

- Cass. civ. 1ère, 9 juillet 2009, n° 08-11073 : « Mais attendu qu'ayant relevé, d'abord, que si
les études scientifiques versées aux débats par la société Sanofi Pasteur MSD n'ont pas
permis de mettre en évidence une augmentation statistiquement significative du risque relatif
de sclérose en plaque ou de démyélinisation après vaccination contre l'hépatite B, elles
n'excluent pas, pour autant, un lien possible entre cette vaccination et la survenance d'une
démyélinisation de type sclérose en plaque ; qu'ayant, ensuite, relevé que les premières

21
manifestations de la sclérose en plaque avaient eu lieu moins de deux mois après la dernière
injection du produit ; que ni Mme X... ni aucun membre de sa famille n'avaient souffert
d'antécédents neurologiques, et que dès lors aucune autre cause ne pouvait expliquer cette
maladie, dont le lien avec la vaccination relevait de l'évidence selon le médecin traitant de
Mme X..., la cour d'appel, qui a souverainement estimé que ces faits constituaient des
présomptions graves, précises et concordantes, a pu en déduire un lien causal entre la
vaccination de Mme X..., et le préjudice subi par elle ».

- Article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité


sociale pour 2001 : « peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices : Les
personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par
l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de
la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité ».

- Article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 : « I.-Une allocation de cessation


anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de
fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de
calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils
cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes :
1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant
sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du
budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux
contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de
l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un
caractère significatif ».

- Cass. Soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241, Bull. n° 106 : « Mais attendu que, sans
méconnaître les dispositions du code de la sécurité sociale visées dans la seconde branche du
moyen, la cour d'appel a relevé que les salariés, qui avaient travaillé dans un des
établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par
arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des
matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation
d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à
l'amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver

22
cette angoisse ; qu'elle a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété et
légalement justifié sa décision ».

- Cass. Ass. Plén., 5 avril 2019, n° 18-17442 : « Mais attendu que l'article 41 de la loi n° 98-
1194 du 23 décembre 1998 modifiée a créé un régime particulier de préretraite permettant
notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux
contenant de l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous
certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA), sous réserve
qu'ils cessent toute activité professionnelle ; que, par un arrêt du 11 mai 2010 (Soc., 11 mai
2010, n° 09-42.241, Bull. n° 106), adopté en formation plénière de chambre et publié au
Rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu aux salariés ayant
travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur
une liste établie par arrêté ministériel, le droit d'obtenir réparation d'un préjudice spécifique
d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout
moment d'une maladie liée à l'amiante ; que la chambre sociale a instauré au bénéfice des
salariés éligibles à l'ACAATA un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à
la fois de leur exposition à l'amiante, de la faute de l'employeur et de leur préjudice, tout en
précisant que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété réparait l'ensemble des
troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions
d'existence ;
Qu'elle a néanmoins affirmé que la réparation du préjudice d'anxiété ne pouvait être admise,
pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues
par l'article 41 susmentionné et l'arrêté ministériel pris sur son fondement et dont
l'employeur entrait lui-même dans les prévisions de ce texte, de sorte que le salarié qui
n'avait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23
décembre 1998 modifiée ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre
de son exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à
son obligation de sécurité (Soc., 26 avril 2017, n° 15-19.037, Bull. n° 71) ;
Qu'il apparaît toutefois, à travers le développement de ce contentieux, que de nombreux
salariés, qui ne remplissent pas les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23
décembre 1998 modifiée ou dont l'employeur n'est pas inscrit sur la liste fixée par arrêté
ministériel, ont pu être exposés à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions de
nature à compromettre gravement leur santé ;

23
Que dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre, en application des règles de droit commun
régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, que le salarié qui justifie d'une exposition à
l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son
employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il
n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23
décembre 1998 modifiée ».

Section 2 : La divisibilité du lien de causalité

§ 1 : Le principe de l’indivisibilité du lien de causalité

- Cass. civ. 2ème, 2 avril 1997, n° 95-14428 : « Mais attendu que l'arrêt retient que, s'il n'a
pas été possible de déterminer l'auteur du coup mortel, la mort de la victime a eu pour cause
la volonté commune des jeunes gens du groupe de Besançon, animés d'un désir de vengeance
et d'intentions agressives, que Monsieur X... a accepté en connaissance de cause de
participer à cette expédition meurtrière en mettant son véhicule à la disposition du groupe, en
transportant une arme, en participant activement à la bagarre, sans envisager les
conséquences dommageables qui pouvaient résulter de ce comportement collectif et qui
paraissaient objectivement prévisibles ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, justifiant légalement sa décision, a
pu déduire que c'était l'enchaînement des comportements fautifs des membres de ce groupe
qui avait permis au drame de se réaliser et déclarer X... responsable in solidum du décès de
Y... ».

- Cass. civ. 2ème, 19 mai 1976, n° 74-15.063 : « ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'ARRET
ATTAQUE, PARTIELLEMENT INFIRMATIF, QUE PECHARD AVAIT ORGANISE UNE PARTIE DE CHASSE
AU GROS GIBIER ;
QU'APRES LA FIN DE LA CHASSE, UN GROUPE DE 12 CHASSEURS OUVRIT LE FEU SUR UNE BICHE
ET QU'ARNOULT, AUTRE CHASSEUR, QUI SE TROUVAIT A PROXIMITE, FUT ATTEINT D'UNE BALLE
ET BLESSE ;
QU'UNE INFORMATION PENALE, OUVERTE CONTRE X, FUT CLOTUREE PAR UNE ORDONNANCE DE
NON-LIEU, LE PROPRIETAIRE DU FUSIL, DONT LA BALLE AVAIT ATTEINT ARNOULT, N'AYANT PAS
ETE IDENTIFIE ;

24
QU'ARNOULT A RECLAME LA REPARATION DE SON PREJUDICE A PECHARD, PRESIDENT DE LA
CHASSE ET AUX 12 CHASSEURS AYANT PARTICIPE AU TIR, AINSI QU'AU FONDS DE GARANTIE
AUTOMOBILE ;
QUE LA RESPONSABILITE COLLECTIVE DES 12 CHASSEURS A ETE RETENUE ET QUE LE FONDS
DE GARANTIE A ETE MIS HORS DE CAUSE ;
ATTENDU QUE LE POURVOI FAIT GRIEF A L'ARRET DE N'AVOIR PAS DETERMINE L'IMPRUDENCE
PERSONNELLE QU'AURAIT COMMISE CHACUN DES CHASSEURS, ALORS QUE LA VICTIME A ETE
BLESSEE PAR UNE BALLE UNIQUE ET DE N'AVOIR PAS CARACTERISEE LE LIEN DE CAUSALITE
DIRECTE QUI AURAIT ETE NECESSAIRE A LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DE
CHACUN DES DEFENDEURS A L'ACTION ;
MAIS ATTENDU QUE L'ARRET CONSTATE QUE LES CHASSEURS MIS EN CAUSE ONT EXECUTE UN
TIR BIEN APRES QUE LE SIGNAL D'ARRET DE LA CHASSE EUT ETE DONNE PAR PECHARD AU SON
DE LA TROMPE, QU'ILS ONT TIRE ALORS QU'ILS REJOIGNAIENT PAR UN CHEMIN RURAL LE
PAVILLON DE RENDEZ-VOUS ET QU'ILS SE SONT LIVRES A CETTE ACTION EN UN LIEU OU ILS NE
DISPOSAIENT D'AUCUNE VISIBILITE QUE, PARTANT, L'ARRET RETIENT A LEUR ENCONTRE DE
"LOURDES IMPRUDENCES" ET "DES MALADRESSES" ;
QU'IL RELEVE ENSUITE QU'A LA VUE DE LA BICHE, LES CHASSEURS, SOUS L'EFFET D'UNE
EMULATION COLLECTIVE ET EN S'ALERTANT RECIPROQUEMENT, AVAIENT CONSTITUE D'EUX-
MEMES UNE LIGNE DE TIR ET S'ETAIENT MIS A TIRER "PRESQU'EN MEME TEMPS" SUR L'ANIMAL
QUI PROGRESSAIT RAPIDEMENT;
QUE L'ARRET ENONCE ENCORE QU'ILS AVAIENT CONSCIENCE D'AGIR ENSEMBLE ET QUE
L'ACCIDENT TROUVAIT SA CAUSE DANS UNE ACTION COMMUNE PROCEDANT D'UNE PLURALITE
D'ACTES CONNEXES, LESQUELS, EN RAISON DE LEUR COHERENCE DANS LA CONCEPTION ET DANS
L'EXECUTION NE POUVAIENT ETRE SEPARES ;
QUE L'ARRET PRECISE ENFIN, QU'ARNOULT N'AVAIT RESSENTI UNE VIOLENTE DOULEUR
QU'AUSSITOT APRES QUE TOUS LES COUPS EURENT ETE TIRES, UNE QUINZAINE ENVIRON, ET
QU'AINSI AUCUN ELEMENT NE PERMETTAIT D'AFFIRMER QUE CERTAINS CHASSEURS EUSSENT
TIRES "APRES LE COUP MALHEUREUX" ;
ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES CONSTATATIONS ET ENONCIATIONS, LES JUGES D'APPEL ONT
PU RETENIR LA RESPONSABILITE COLLECTIVE DES CHASSEURS INCRIMINES, LESQUELS,
DANS LEUR ACTION COMMUNE QUI A EU DES CONSEQUENCES DOMMAGEABLES, ONT, TOUS,

COMMIS DES FAUTES DONT LES ELEMENTS ETAIENT INDISSOCIABLES ».

- Cass. civ. 1ère, 24 septembre 2009, n° 08-16305 : « Qu'en se déterminant ainsi, après avoir
constaté que le DES avait bien été la cause directe de la pathologie tumorale, partant que
Mme Y... avait été exposée in utero à la molécule litigieuse, de sorte qu'il appartenait alors à
chacun des laboratoires de prouver que son produit n'était pas à l'origine du dommage, la
cour d'appel a violé les textes susvisés ».

25
- Cass. civ. 1ère, 17 juin 2010, n° 09-67011 : « lorsque la preuve d'une infection nosocomiale
est apportée mais que celle-ci est susceptible d'avoir été contractée dans plusieurs
établissements de santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée
d'établir qu'il n'est pas à l'origine de cette infection ».

- Art. 1267 de la proposition de réforme (juillet 2020) : « Lorsque plusieurs personnes sont
responsables d’un même dommage, elles sont solidairement tenues à réparation envers la
victime.
Si toutes ou certaines d’entre elles ont commis une faute, elles contribuent entre elles à
proportion de la gravité de leur faute respective et du rôle causal du fait générateur qui leur
est imputable. Si aucune d’elles n’a commis de faute, elles contribuent à proportion du rôle
causal du fait générateur qui leur est imputable, ou à défaut par parts égales ».

§ 2 : Les atténuations au principe de l’indivisibilité du lien de causalité

- Cass. civ. 1ère, 28 octobre 1997, n° 95-17274 : « Attendu que, pour fixer à 45 % le taux
d'incapacité permanente partielle dont se trouve atteint M. X... par suite de l'opération,
l'arrêt attaqué énonce que le taux d'incapacité de celui-ci peut être évalué à 70 % mais que,
compte tenu de la cécité de l'oeil droit et de la grande myopie de l'oeil gauche, le taux
d'incapacité résultant directement de l'accident opératoire devait être diminué ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'accident n'a pas eu seulement pour effet d'aggraver
une incapacité antérieure mais a transformé radicalement la nature de l'invalidité de sorte
que la victime qui, malgré son état antérieur, exerçait régulièrement une activité
professionnelle, se trouve atteinte d'une incapacité totale de travail et doit recourir à
l'assistance d'une tierce personne à mi-temps, la cour d'appel a méconnu le principe de la
réparation intégrale du préjudice et violé ainsi l'article susvisé ».

TITRE II – LES FAITS GENERATEURS DE LA RESPONSABILITE CIVILE


EXTRACONTRACTUELLE

CHAPITRE 1 – LA RESPONSABILITE DU FAIT PERSONNEL

- Article 1240 du code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

26
- Article 1241 du code civil : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non
seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

- Loi Aquilia, -289 à -286 approximativement

Section 1 : La définition de la faute

§ 1 : La définition classique de la faute

- Article 1352, avant-projet Catala (al. 2) : la faute est « une violation d’une règle de
conduite imposée par la loi ou un règlement ou le manquement au devoir général de
prudence ou de diligence ».

- Article 1242 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (mars 2017) :


« Constitue une faute la violation d'une prescription légale ou le manquement au devoir
général de prudence ou de diligence ».

- Art. 1241 de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile (juillet


2020) : « Constituent une faute la violation d’une prescription légale ou réglementaire, ainsi
que le manquement au devoir général de prudence ou de diligence ».

§ 2 La faute, un écart de conduite

Section 2 : Les éléments constitutifs de la faute

§ 1 L’élément matériel de la faute

- Article 1240 du code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

§ 2 L’élément légal de la faute

A) Une appréciation in abstracto de la faute

27
- Cass. civ. 2ème, 12 mai 1993, n° 91-19843 : « Mais attendu que l'arrêt constate que
l'accident s'est produit alors que M. Y..., qui avait simplement invité Mme X... à danser, avait
voulu la faire passer sur son dos, avait perdu l'équilibre, laissé choir sa cavalière et était
tombé sur elle, et retient que M. Y..., qui n'est qu'un danseur amateur, ne s'est pas contenté de
danser le " rock " mais a voulu faire une passe acrobatique qui exige une certaine expérience
et une particulière habileté ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que M. Y... avait
commis une imprudence qui était à l'origine des blessures occasionnées à Mme X... ;
Et attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que M. Y... ait soutenu que Mme
X... s'était volontairement exposée à des risques ».

B) L’appréciation particulière de la faute en matière sportive

- Cass. civ. 2ème, 14 avril 2016, n°15-16450 : « Attendu que, pour déclarer Mme Y...
responsable de l'accident de M. Hugo X... et la condamner in solidum avec la société MAAF
assurances à indemniser M. Hugo X... de son entier préjudice, l'arrêt énonce que Mme Y...
n'a pas contrevenu à la règle de bonne conduite sur les pistes de ski n° 6 établie par la
Fédération Internationale de Ski (FIS), selon laquelle tout skieur et snowboarder doit éviter
de stationner sans nécessité sur les pistes dans les passages étroits ou sans visibilité et qu'en
cas de chute le skieur et snowboarder doit dégager la piste le plus vite possible, la piste étant
large, balisée et sécurisée et la visibilité étant bonne car se présentant sous l'aspect d'une
pente de neige peu pentue avec une inclinaison de 15° et une largeur de 50 mètres environ ;
que, cependant, cette règle doit s'interpréter au regard également de la difficulté de la piste
dans son ensemble ; que celle-ci était classée rouge, c'est-à-dire empruntée par des skieurs
expérimentés désirant glisser le plus rapidement possible ; qu'en s'arrêtant sur la piste très
rapidement pour ramasser un bâton que le jeune qui la précédait avait perdu, après avoir
traversé la piste de gauche à droite, Mme Y... a eu un comportement imprudent, qui engage
sa responsabilité envers Hugo X... sur le fondement de l'article 1383 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, en retenant à la fois que Mme Y... avait commis une faute d'imprudence
engageant sa responsabilité civile et qu'elle n'avait pas méconnu de règle de la pratique du
ski alpin, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé le
texte susvisé ».

28
- Cass. civ. 2ème, 10 juin 2004, n° 02-18649 : « le principe posé par les règlements organisant
la pratique d'un sport, selon lequel la violation des règles du jeu est laissée à l'appréciation
de l'arbitre chargé de veiller à leur application, n'a pas pour effet de priver le juge civil, saisi
d'une action en responsabilité fondée sur la faute de l'un des pratiquants, de sa liberté
d'apprécier si le comportement de ce dernier a constitué une infraction aux règles du jeu de
nature à engager sa responsabilité ».

- Cass. 2ème civ., 20 novembre 2014, n°13-23759 : « Mais attendu que l'arrêt retient, par
motifs propres et adoptés, que la sanction de tacle par un carton jaune de l'arbitre, avec la
seule appréciation large et ambiguë de comportement anti-sportif ne suffit pas à établir
l'existence d'un comportement brutal fautif susceptible d'engager la responsabilité civile du
joueur gardien ; que les éléments versés aux débats ne permettent pas de retenir que M. Y... a
voulu bloquer M. X... à tout prix parce qu'il s'approchait dangereusement du but et que la
violence, la brutalité ou la déloyauté de son geste, sa force disproportionnée ou superflue, ne
peuvent être déduites de la seule gravité de ses blessures ; que M. X... ne rapporte pas la
preuve d'une faute caractérisée par une violation des règles du jeu ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que la
responsabilité de M. Y... n'était pas engagée ».

§ 3 : L’élément moral de la faute

- Article 414-3 du code civil : « Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous
l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation ».

- Cass. civ. 1ère, 20 juillet 1976, n° 74-10238 : « QUE LA COUR D'APPEL A RETENU SA
RESPONSABILITE CIVILE, SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 489-2 DU CODE CIVIL, ET A
CONDAMNE IN SOLIDUM SON PERE, ES QUALITES D'ADMINISTRATEUR LEGAL, ET LA COMPAGNIE
LA WINTERTHUR, ASSUREUR DE CELUI-CI, A PAYER DES DOMMAGES-INTERETS A DAME Y..., MERE
DE LA VICTIME ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF AUX JUGES DU FOND D'AVOIR AINSI STATUE, ALORS QUE LE
TEXTE PRECITE RESULTE DE LA LOI DU 3 JANVIER 1968, PORTANT REFORME DU DROIT DES
INCAPABLES MAJEURS, ET FIGURE DANS UNE RUBRIQUE INTITULEE DE LA MAJORITE ET DES
MAJEURS QUI SONT PROTEGES PAR LA LOI ;
QUE, PUISQUE A LA DIFFERENCE DES ARTICLES 1382 ET 1383, QUI N'ONT PAS ETE ABROGES OU
MODIFIES, IL N'EXIGE PLUS LA CONSTATION D'UNE FAUTE IMPUTABLE A L'AUTEUR DU

29
DOMMAGE, POUR QUE LA RESPONSABILITE DE CELUI-CI SOIT ENGAGEE, IL EST NECESSAIREMENT
D'INTERPRETATION RESTRICTIVE ;
QUE, DES LORS, IL NE SAURAIT RECEVOIR APPLICATION DANS LE CAS D'UN MINEUR EN ETAT DE
DEMENCE ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL RETIENT, A BON DROIT, QUE L'OBLIGATION A REPARATION
PREVUE A L'ARTICLE 489-2 DU CODE CIVIL CONCERNE TOUS CEUX - MAJEURS OU MINEURS - QUI,
SOUS L'EMPIRE D'UN TROUBLE MENTAL, ONT CAUSE UN DOMMAGE A AUTRUI ».

- Cass. Assemblée Plénière, 9 mai 1984, n° 80-14994 :« Attendu, selon l'arrêt attaqué
(Agen, 12 mai 1980), que le 30 juin 1975, l'enfant Eric X..., alors âgé de 3 ans, en tombant
d'une balançoire improvisée constituée par une planche qui se rompit, éborgna son camarade
Philippe Y... avec un bâton qu'il tenait à la main ; que M. Lucien Y..., agissant en qualité
d'administrateur légal des biens de son fils, assigna ses parents, les époux X..., en tant
qu'exerçant leur droit de garde, en responsabilité de l'accident ainsi survenu ; Attendu que
les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré Eric X... responsable sur le fondement de
l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, alors, selon le moyen, que l'imputation d'une
responsabilité présumée implique la faculté de discernement ; que la Cour d'appel a donc
violé par fausse application l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil ;
Mais attendu qu'en retenant que le jeune Eric avait l'usage, la direction et le contrôle du
bâton, la Cour d'appel qui n'avait pas, malgré le très jeune âge de ce mineur, à rechercher si
celui-ci avait un discernement, a légalement justifié sa décision »

- Cass. Assemblée Plénière, 9 mai 1984, n° 80-93031 : « Mais attendu que l'arrêt retient
qu'aucune indication ne pouvant être déduite de la position de l'interrupteur rotatif,
Dominique X... aurait dû, avant de visser l'ampoule, couper le courant en actionnant le
disjoncteur ;
Qu'en l'état de ces énonciations, la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de vérifier si le mineur
était capable de discerner les conséquences de son acte, a pu estimer sur le fondement de
l'article 1382 du Code civil que la victime avait commis une faute qui avait concouru, avec
celle de M. Y..., à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement
appréciée ».

- Article 1255 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (mars 2017) :


« Sauf si elle revêt les caractères de la force majeure, la faute de la victime privée de
discernement n’a pas d’effet exonératoire ». (Non modifié en juillet 2020)

30
Section 3 : Faits justificatifs et causes d’exonération

§ 1 : Les faits justificatifs

- Article 122-4 du code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui
accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.

N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité
légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ».

-Article 122-7 du code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à
un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte
nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les
moyens employés et la gravité de la menace ».

- Article 122-5 du code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant
une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte
commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a
disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.
N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime
ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire,
lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés
sont proportionnés à la gravité de l'infraction ».

- CEDH, 17 février 2005, n° 42758/98 : Pour la Cour d’appel, « Quant au consentement


donné par la victime, il ne pouvait, en l’espèce, passer pour une cause de justification, dès
lors que la loi pénale est d’ordre public et que le bien protégé par l’article 398, l’intégrité
physique, est un droit fondamental dont seul le législateur peut réduire les exigences dans
certains cas. Tout au plus le consentement de la victime pouvait-il agir comme cause
d’excuse et influer sur la peine à prononcer ».
Pour la CEDH : « 83. (…) Le droit d’entretenir des relations sexuelles découle du droit de
disposer de son corps, partie intégrante de la notion d’autonomie personnelle. A cet égard, «
la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l’entend peut également inclure la

31
possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou
moralement dommageables ou dangereuses pour sa personne. En d’autres termes, la notion
d’autonomie personnelle peut s’entendre au sens du droit d’opérer des choix concernant son
propre corps » (Pretty, précité, § 66) ».
« 84. Il en résulte que le droit pénal ne peut, en principe, intervenir dans le domaine des
pratiques sexuelles consenties qui relèvent du libre arbitre des individus. Il faut dès lors qu’il
existe des « raisons particulièrement graves » pour que soit justifiée, aux fins de l’article 8 §
2 de la Convention, une ingérence des pouvoirs publics dans le domaine de la sexualité ».
« 85. En l’espèce, en raison de la nature des faits incriminés, l’ingérence que constituent les
condamnations prononcées n’apparaît pas disproportionnée. Si une personne peut
revendiquer le droit d’exercer des pratiques sexuelles le plus librement possible, une limite
qui doit trouver application est celle du respect de la volonté de la « victime » de ces
pratiques, dont le propre droit au libre choix quant aux modalités d’exercice de sa sexualité
doit aussi être garanti. Ceci implique que les pratiques se déroulent dans des conditions qui
permettent un tel respect, ce qui ne fut pas le cas ».

§ 2 : Les causes d’exonération

A) La force majeure

- Cass. civ. 2ème, 23 janvier 2003, n° 00-15597 : « Mais attendu qu'après avoir relevé que le
système de fermeture des portes du train rend possible la descente d'un voyageur pendant un
court laps de temps entre les 5 à 6 secondes suivant le départ et le moment où le train
parvient à la vitesse de 7 km/h, l'arrêt retient que le fait pour la victime d'être descendue du
train en marche ne constituait pas pour la SNCF un fait imprévisible qui, compte tenu du
système mis en place, demeurait possible, bien que dangereux ».

- Article 1218 du code civil : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un


événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors
de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures
appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ».

- Cass., Ass. Plén., 14 avril 2006, n° 04-18902 : « Mais attendu que si la faute de la victime
n'exonère totalement le gardien qu'à la condition de présenter les caractères d'un événement

32
de force majeure, cette exigence est satisfaite lorsque cette faute présente, lors de l'accident,
un caractère imprévisible et irrésistible ; qu'ayant retenu que la chute de Corinne X... sur la
voie ne pouvait s'expliquer que par l'action volontaire de la victime, que le comportement de
celle-ci n'était pas prévisible dans la mesure où aucun des préposés de la RATP ne pouvait
deviner sa volonté de se précipiter contre la rame, qu'il n'avait été constaté aucun
manquement aux règles de sécurité imposées à l'exploitant du réseau et que celui-ci ne
saurait se voir reprocher de ne pas prendre toutes mesures rendant impossible le passage à
l'acte de personnes ayant la volonté de produire le dommage auquel elles s'exposent
volontairement, la cour d'appel a décidé à bon droit que la faute commise par la victime
exonérait la RATP de toute responsabilité ».

- Article 1253 de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile (juillet


2020) : « Le fait du tiers ou de la victime sont totalement exonératoires s’ils revêtent les
caractères de la force majeure.
En matière extracontractuelle, la force majeure est l’événement échappant au contrôle du
défendeur ou de la personne dont il doit répondre, et dont ceux-ci ne pouvaient éviter ni la
réalisation ni les conséquences par des mesures appropriées.
En matière contractuelle, la force majeure est définie à l’article 1218 ».

B) Le fait d’un tiers

- Cass. civ. 2ème, 11 juin 2009, n° 08-14287 : « Attendu qu'il résulte de ce texte que le gardien
de la chose instrument du dommage est, hors le cas de force majeure ou de faute de la
victime, tenu d'indemniser intégralement celle-ci sauf son recours éventuel contre les tiers qui
auraient concouru à la production du dommage »

C) Le fait de la victime

- Cass. civ. 2ème, 8 février 2018, n° 17-12456 : « la faute de la victime n'exonère totalement
le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure ».

CHAPITRE 2 – LES RESPONSABILITES DU FAIT DES CHOSES

33
- Article 1242 du code civil, al. 1er : « On est responsable non seulement du dommage que
l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes
dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ».

- Article 1243 du code civil : « Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant
qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût
sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ».

- Article 1244 du code civil : « Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage
causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de
sa construction ».

Section 1 : LA RESPONSABILITE GENERALE DU FAIT DES CHOSES

- « Certains juristes14 prirent brusquement conscience, à partir des années 1880, des
changements apportés par le développement dus au fait des choses. Ces auteurs s’aperçurent
notamment que la multiplication des accidents corporels, dont les premières victimes furent
les ouvriers de l’industrie exposés de plein fouet à l’action nocive d’un appareillage
industriel encore mal maîtrisé, posait un problème entièrement nouveau et dont la solution
était particulièrement urgente »15.

- L’article 1384 al. 1er « n’avait dans la pensée de ses rédacteurs aucune portée normative : il
constituait une simple transition formelle entre les articles précédents, et la suite des
dispositions sur la responsabilité »16.

- Arrêt Teffaine (1896)

- « c’est [bien] la considération du sort (…) [des] victimes des temps modernes qui a
déterminé une lecture tout à fait nouvelle et audacieuse de l’article 1384 alinéa 1er »17.

14
Il faut songer ici à Demolombe et Labbé qui ont d’abord pensé à élargir le champ de l’art. 1386 du Code civil
relatif à la responsabilité des propriétaires des bâtiments. Mais c’est surtout Laurent qui envisagea le premier à
conférer une valeur à l’alinéa 1er de l’art. 1384 du même code. Par la suite, Josserand et Saleilles se sont évertués
à théoriser cette hypothèse et à la soutenir jusqu’au fameux arrêt Teffaine.
15
G. VINEY et P. JOURDAIN, op. cit., n° 629.
16
Ph. LE TOURNEAU, op. cit., n° 7692. Dans le même sens, v. G. VINEY et P. JOURDAIN, op. cit., n° 628.
17
Ph. BRUN, op. cit., n° 346.

34
- « il est probable que s’il ne s’était pas agi de dommages à la personne, cet alinéa 1 er de
l’article 1384 n’aurait jamais été tiré, par les tribunaux de sa somnolence »18.

- « lorsque les tribunaux, inspirés par une doctrine audacieuse, ont créé une responsabilité
sans faute sur la base de l’article 1384, alinéa 1 er, leur intention était manifestement de
faciliter l’indemnisation des dommages corporels »19.

§ 1 : Le fait d’une chose

A) La chose

- Article 1244 du code civil : « Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage
causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de
sa construction ».

- Cass. civ. 2ème, 2 février 2017, n° 16-11718 : « Attendu que le second de ces textes, visant
spécialement la ruine d'un bâtiment, laquelle doit s'entendre non seulement de sa destruction
totale, mais encore de la dégradation partielle de toute partie de la construction ou de tout
élément mobilier ou immobilier qui y est incorporé de façon indissoluble, pour imposer sans
distinction au propriétaire la responsabilité de ce fait et la subordonner à la preuve d'un
défaut d'entretien ou d'un vice de construction, exclut l'application de la disposition générale
de l'article 1384, alinéa 1, relative à la responsabilité du fait de toute chose, mobilière ou
immobilière ».

- Cass. civ. 2ème, 30 novembre 1977, n° 76-11327 : « VU L'ARTICLE 1386 DU CODE CIVIL;
ATTENDU QUE LA RUINE D'UN BATIMENT AU SENS DE CE TEXTE DOIT S'ENTENDRE DE SA
DESTRUCTION TOTALE OU DE LA DEGRADATION PARTIELLE DE TOUTE PARTIE DE LA
CONSTRUCTION OU DE TOUT ELEMENT MOBILIER OU IMMOBILIER QUI Y EST INCORPORE D'UNE
FACON INDISSOLUBLE;
ATTENDU QUE, POUR RETENIR, SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 1386 DU CODE CIVIL, LA
RESPONSABILITE DU PROPRIETAIRE DE L'IMMEUBLE DANS L'ESCALIER DUQUEL ROBERT A FAIT

18
R. SAVATIER, Comment repenser la conception française actuelle de la responsabilité civile ?, D. 1966, chr., p.
150, spéc. n° 10.
19
J.-S. BORGHETTI, Des principaux délits spéciaux, in Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, éd.
Dalloz, 2011, p. 173.

35
UNE CHUTE ET S'EST BLESSE, L'ARRET ATTAQUE RELEVE QUE CETTE CHUTE A ETE PROVOQUEE
PAR LE MAUVAIS ETAT DES MARCHES DE L'ESCALIER ET EN DEDUIT QUE LE DOMMAGE EST LA
CONSEQUENCE DE LA RUINE DU BATIMENT CONSECUTIVE A UN DEFAUT D'ENTRETIEN;
QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR D'APPEL A, PAR FAUSSE APPLICATION, VIOLE LE TEXTE

SUSVISE ».

- Cass. civ. 2ème, 23 mars 2000, n° 97-19991 : « Vu les articles 1386 et 1384, alinéa 1er, du
Code civil ;
Attendu que le premier de ces textes n'exclut pas que les dispositions du second soient
invoquées à l'encontre du gardien non propriétaire ».

- Article 1243 du code civil : « Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant
qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût
sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ».

- Cass. civ. 2ème , 17 janvier 2019, n° 17-28861 : « Mais attendu qu'ayant relevé d'une part
qu'alors que les deux cavaliers avaient fait une vingtaine de mètres dans l'impasse dans
laquelle ils s'étaient engagés au pas, deux gros chiens qui jouaient ensemble se sont soudain
mis à courir vers eux, d'autre part que ces deux chiens de grosse taille, débouchant du talus
en surplomb en courant en direction des chevaux, ont manifestement affolé celui de M. F... ,
quand bien même ils ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux et n'ont
montré aucune agressivité et que la chute de Mme E... , cavalière confirmée et de très bon
niveau, ne peut s'expliquer que par l'emballement de son propre cheval, soit du fait des
chiens, soit du fait du cheval de M. F... lui-même affolé par les chiens et enfin souligné que le
fait que ces deux gros chiens non tenus en laisse soient arrivés en courant d'un talus en
surplomb non visible a accentué l'effet de surprise et de peur au moins pour le premier
cheval, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé le comportement anormal des chiens a pu, par
ces seuls motifs et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première
branche du moyen, retenir que Mme Y... et Mme Z..., propriétaires des chiens à l'origine du
dommage, devaient indemniser les consorts E... ».

- Cass. civ. 2ème, 10 février 1982, n° 81-40495 : « ATTENDU QUE, POUR DEBOUTER LES
CONSORTS LINDINI DE LEUR DEMANDE, FONDEE SUR L' ARTICLE 1384, ALINEA 1ER, DU CODE
CIVIL, L'ARRET ENONCE QUE LA DETENTION DE LA BOUTEILLE QUI ETAIT UNE RES NULLIUS
AVAIT ETE TROP PRECAIRE ET TROP BREVE POUR QU'IL Y AIT EU APPROPRIATION ET QUE SON

36
UTILISATION PAR GERARD HARDY NE REPONDAIT PAS A LA SATISFACTION D'UN BESOIN
DETERMINE ;
QU'EN DEDUISANT D'UN TEL MOTIF QUE GERARD HARDY N'AVAIT "AUCUN POUVOIR DE GARDE
SUR L'OBJET ", LA COUR D'APPEL A VIOLE LE TEXTE SUSVISE ».

- Cass. civ. 2ème, 17 octobre 1979, n° 78-12460 : « ATTENDU QUE, POUR ACCUEILLIR LA
DEMANDE DE DAME LEGORE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 1384, ALINEA 1ER DU CODE
CIVIL, L'ARRET ENONCE QUE LA COMPAGNIE DES COMPTEURS SCHLUMBERGER ETAIT DEVENUE
GARDIENNE DE LA NEIGE POUR S'ETRE ABSTENUE DE L'ENLEVER COMME ELLE DEVAIT LE FAIRE;
QU'EN SE DETERMINANT AINSI, SANS RECHERCHER SI LA COMPAGNIE DES COMPTEURS
SCHLUMBERGER EXERCAIT EFFECTIVEMENT SUR LA NEIGE LES POUVOIRS QUI CARACTERISENT
LA GARDE, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION ».

- Cass. civ. 2ème, 10 juin 2004, n° 03-10837 : « Mais attendu qu'appréciant souverainement
les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis l'arrêt retient, par motifs propres et
adoptés des premiers juges, qu'il est établi par l'enquête et les témoignages que l'accident
dans lequel Jean-Pierre X... a péri a été provoqué par des vagues, dont l'une avait une
hauteur de deux mètres, qui ont déferlé dans la crique où se trouvait celui-ci ; que ces vagues
ont été déclenchées par le passage du navire de la SNCM qui avait infléchi son cap lors de
son passage devant le lieu de l'accident, peu avant que celui-ci ne survienne, et qu'aucun
autre bateau pouvant être à l'origine des vagues n'est alors passé au large ; que c'est sans
dénaturation qu'il retient encore que, selon l'expert de la SNCM, ce sont les vagues qui
produisent le ressac, les courants tourbillonnants et les effets de cascade et de siphon
observés sur le lieu de l'accident ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, a pu déduire, abstraction faite du
motif surabondant critiqué par la cinquième branche du moyen, que le navire de la SNCM
avait été l'instrument du dommage causé à Jean-Pierre X... ».

B) Le fait d’une chose

- « La preuve de la causalité a deux objets, car établir que la chose a été la cause du
dommage est, en réalité, faire deux démonstrations successives. D’abord, établir que la chose
est matériellement intervenue dans la réalisation du dommage, ce que l’on peut appeler la

37
participation matérielle à l’accident. Puis démontrer que la chose est activement intervenue
dans la réalisation du dommage, qu’elle en a été la cause génératrice »20.

- Cass. Civ., 9 juin 1939, DH 1939, p. 449 : « attendu que pour l’application de l’article
1384, alinéa 1er, la chose inanimée doit être la cause du dommage, mais que du moment où il
est établi qu’elle a contribué à la réalisation du dommage, elle est présumée en être la cause
génératrice (…) ».

- CA Versailles, 21 avril 2000, D. 2000, ir., p. 154 : Des barrières automatiques fermant le
passage des véhicules, bien qu’en mouvement, ne pouvaient avoir joué un rôle actif dans la
mesure où leur fonctionnement était normal.

- Cass. Com., 13 mars 2007, n° 06-11704 : « Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le
navire en mouvement entré en contact avec le dispositif d'accostage endommagé avait
nécessairement contribué au dommage, peu important que la manoeuvre eût été effectuée
dans des conditions normales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

- Cass. 2ème Civ., 5 octobre 1977, n°76-12142 : « MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE C'EST PAR
UNE APPRECIATION SOUVERAINE DES ELEMENTS DE PREUVE QUI LUI ETAIENT SOUMIS, EXEMPTE
DE LA CONTRADICTION ALLEGUEE, QU'APRES AVOIR RELEVE QUE, D'APRES LES DECLARATIONS
D'UN PASSAGER, LA PORTIERE S'ETAIT OUVERTE AU MOMENT OU IL AVAIT ETE DONNE UN COUP
DE FREIN, ET EXAMINE L'ARGUMENTATION DE CHANTOME ET DE SON ASSUREUR, QUI
ALLEGUAIENT QUE X... AURAIT VOLONTAIREMENT OUVERT LA PORTIERE, LA COUR D'APPEL A
ESTIME QUE L'ENQUETE DE GENDARMERIE N'AVAIT PAS PERMIS D'ETABLIR LA CAUSE PRECISE DE
LA CHUTE;
ATTENDU, D'AUTRE PART, QU'AYANT, TANT PAR SES MOTIFS PROPRES QUE PAR CEUX DES
PREMIERS JUGES QU'ELLE A ADOPTES, CONSTATE QUE X... ETAIT TOMBE DU VEHICULE ALORS
QU'IL ROULAIT, PAR LA PORTIERE OUVERTE, SANS QUE FUT RAPPORTEE LA PREUVE QUE CETTE
OUVERTURE EUT ETE LA SUITE D'UNE IMPRUDENCE OU D'UNE MALADRESSE DE LA VICTIME, LA
COUR D'APPEL A PU DECIDER QUE LE CAMION AVAIT ETE L'INSTRUMENT DU DOMMAGE ET QUE
CHANTOME NE S'EXONERAIT PAS, MEME POUR PARTIE, DE LA RESPONSABILITE ATTACHEE A LA
GARDE DE SON VEHICULE ».

- Cass. 2ème Civ., 5 octobre 1977, n° 75-14577 : « ATTENDU QUE, SUR UNE DEMANDE EN
REPARATION DE PREJUDICE FORMEE PAR DE ABREU, BLESSE PAR UNE BOUTEILLE PROJETEE

20
Ph. MALAURIE, L. AYNÈS et Ph. STOFFEL-MUNCK, op. cit., n° 192.

38
D'UN TRAIN EN MARCHE, ET SUR INTERVENTION DE LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE
DU LOT ET DE CELLE DE L'ALLIER, L'ARRET ATTAQUE A DECLARE LA SOCIETE NATIONALE DES
CHEMINS DE FER FRANCAIS (SNCF) RESPONSABLE EN RAISON DU FAIT DU CONVOI DONT ELLE
AVAIT LA GARDE ET DONT LA VITESSE AVAIT IMPRIME A LA BOUTEILLE UNE IMPULSION;
QU'EN DEDUISANT DE CETTE SEULE CONSTATATION QUE LE CONVOI AVAIT ETE UN INSTRUMENT
DE DOMMAGE SUBI PAR DE ABREU, LA COUR D'APPEL A VIOLE, PAR FAUSSE APPLICATION, LE
TEXTE SUSVISE ».

- Cass. 2ème Civ., 25 octobre 2001, n° 99-21616 : « Attendu que, pour rejeter la demande, le
jugement énonce que la boîte aux lettres, répondant aux prescriptions de " l'administration
des PTT ", qui occupait une position normale et ne présentait aucun débordement excessif
susceptible de causer une gêne, n'a pu jouer un rôle causal dans la réalisation de l'accident ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations, que la boîte aux lettres
avait été, de par sa position, l'instrument du dommage, le Tribunal a violé le texte susvisé ».

- Cass. 2ème Civ., 28 novembre 2002, n° 01-11139 : « Attendu que, pour rejeter cette
demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que Mme X... a commis une faute
d'imprudence, en pénétrant de nuit, après en avoir ouvert le portail, dans une propriété
qu'elle ne connaissait pas et sans y avoir été invitée, puis en s'écartant du chemin d'accès
pour longer la plage d'une piscine, et estime que cette faute, d'une extrême gravité,
imprévisible et irrésistible pour les époux Y..., est de nature à exclure son droit à
indemnisation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le comportement de Mme X... ne constituait pas un événement
imprévisible, irrésistible et extérieur caractérisant la force majeure exonératoire de la
présomption de responsabilité pesant sur les gardiens du fonds, la cour d'appel a violé le
texte susvisé ».

- Cass. 2ème Civ., 17 février 2005, n° 01-15666 : « Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt
d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, que des constatations de l'arrêt, selon
lesquelles Mme X... avait glissé sur une plaque de verglas située dans la cour appartenant à
M. Y..., il résultait que la plaque de verglas avait été l'instrument du dommage ; d'où il suit
qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1, du Code
civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'engagement de la responsabilité du gardien d'une chose
inerte tels que la neige et le verglas suppose que leur présence ait eu un caractère anormal,

39
ce que ne démontrait pas Mme X... qui n'établissait pas davantage que la formation du
verglas était imputable à M. Y... ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que le sol de la cour
de M. Y... dont celui-ci avait la garde, ne pouvait être considéré comme ayant été, en l'espèce,
l'instrument du dommage ».

- Cass. 2ème Civ., 15 novembre 2005, n° 03-16503 : « Attendu que la société ne s'étant
prévalue dans ses conclusions d'aucune relation contractuelle avec la victime, la cour d'appel
qui relevait que le sol de la piste de danse avait été recouvert de mousse en raison de la
spécificité de la soirée, a pu, sans se contredire, en déduire que celui-ci, rendu anormalement
glissant, avait été l'instrument du dommage et, par ce seul motif, a légalement justifié sa
décision au regard du texte précité ».

- Cass. 2ème civ., 29 mars 2012, n° de pourvoi : 10-27553 : « Mais attendu que le jugement
retient que M. X... a chuté en heurtant un muret en béton en bon état large de 50 cm, haut de
10 cm et peint en blanc délimitant un chemin d'accès piétonnier à l'entrée de la surface de
vente ; que la couleur blanche tranche avec la couleur gris foncé du bitume recouvrant le
parking et que la configuration des murets les rend parfaitement visibles pour une personne
normalement attentive ; qu'il n'est de surcroît pas obligatoire de les franchir pour se rendre
dans le magasin, le parking étant conçu comme tout parking qu'il soit privé ou public et
laissant donc le choix au client du passage qu'il souhaite ; que M. X... ne démontre pas que ce
muret a joué un rôle actif dans sa chute ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation
de la valeur et de la portée des éléments de preuve, et dont il résultait que le muret en béton,
chose inerte, n'était pas placé dans une position anormale et n'avait joué aucun rôle actif
dans la chute de la victime, la juridiction de proximité a exactement déduit que le muret
n'avait pas été l'instrument du dommage ».

- Cass. 2ème civ., 21 mai 2015, n° 14-17769 : « Mais attendu que l'arrêt retient que la
circonstance que l'eau de la piscine ait été peu limpide et que le fond n'ait pas été visible
importe peu et ne saurait caractériser une anormalité de la chose ; qu'en effet, s'agissant
d'une piscine hors sol d'une hauteur de 0, 84 mètre un utilisateur normalement avisé avait
nécessairement conscience de ce que la profondeur de l'eau était inférieure à la hauteur de
ses parois, et donc très insuffisante pour qu'un adulte de taille moyenne puisse y plonger en

40
sécurité ; que les invités ayant témoigné relèvent qu'il n'existait pas d'éclairage spécifique,
mais qu'on pouvait voir la piscine car elle était située à proximité des fenêtres de la cuisine et
d'un préau éclairé, jouxtant la cuisine ; que les témoins qui se trouvaient non dans la piscine
mais à proximité indiquent tous que la piscine était visible lorsque M. Mathieu Y... a plongé,
et qu'ils ont d'ailleurs eux-mêmes pu voir que Mathieu gardait la tête sous l'eau après son
plongeon ; que ces éléments démontrent que même en l'absence d'un éclairage
spécifiquement dédié, la piscine était suffisamment éclairée pour que son emplacement et ses
dimensions puissent être distinguées, lors d'un usage nocturne ; qu'aucune anomalie de la
piscine n'est donc démontrée, dans sa position ou son état ; qu'en conséquence il convient de
dire qu'elle n'a eu aucun rôle actif dans le dommage ».

- Cass. civ. 2ème, 25 mai 2022, n° 20-17.123 : « Vu l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242,
alinéa 1er, du code civil :
5. Aux termes de ce texte, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par
son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit
répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
6. Pour retenir la responsabilité de la SAEM, l'arrêt relève que l'expert mentionne que
l'ensemble du bâtiment est en état moyen, voire vétuste, que dans leurs conclusions, les
assureurs indiquaient que la toiture était posée depuis plusieurs dizaines d'années, admettant
en outre que la solidité d'une telle toiture diminue au fil du temps, qu'il résulte des
déclarations de témoins directs des faits que ces derniers avaient cherché à dissuader [U]
[F] d'emprunter la toiture, en l'avertissant qu'elle était déjà fissurée.
7. L'arrêt constate que les normes de sécurité Afnor produites aux débats ne permettent pas à
elles seules d'établir l'existence d'un vice interne de la plaque ayant cédé sous le poids de [U]
[F], alors que leur « applicabilité » à l'époque de la construction du bâtiment n'est pas
établie.
8. L'arrêt en déduit qu'en conséquence d'un défaut d'entretien, le mauvais état des plaques de
fibrociment équipant le toit conduit à retenir le rôle actif de la plaque ayant cédé sous le
poids de [U] [F], laquelle a été ainsi l'instrument du dommage.
9. En se déterminant ainsi, en se fondant exclusivement sur le défaut d'entretien de la plaque
de fibrociment pour retenir son rôle actif dans la survenance du dommage, sans mettre en
évidence l'anormalité de cette chose, en recherchant si la plaque, même correctement
entretenue, n'aurait pas cédé sous le poids de [U] [F], la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision ».

41
§ 2 : Le gardien de la chose

A) La notion de garde

- Cass. Ch. réunies, 2 décembre 1941, Bull. civ., n°292, p. 523 (arrêt Franck) : « Attendu
que, pour rejeter la demande des consorts X..., l'arrêt déclare qu'au moment où l'accident
s'est produit, Y..., dépossédé de sa voiture par l'effet du vol, se trouvait dans l'impossibilité
d'exercer sur ladite voiture aucune surveillance ;
Qu'en l'état de cette constatation, de laquelle il résulte que Y..., privé de l'usage, de la
direction et du contrôle de sa voiture, n'en avait plus la garde et n'était plus dès lors soumis à
la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, la cour
d'appel, en statuant ainsi qu'elle l'a fait, n'a point violé le texte précité ».

- Cass. 2ème civ., 23 janvier 2003, n° 01-11043, Bull. civ. II , n° 19 : « Mais attendu que, par
motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que le détonateur, qui avait été transmis à Mme A...
avec la propriété de l'immeuble par son père, appartenait à celle-ci ; qu'elle a reconnu que
son père, ancien employé de la Manufacture d'armes de Tulle en 1936, utilisait, selon une
pratique locale alors répandue, des détonateurs pour extraire des pierres de construction ;
que Mme Z... ne démontrait pas que la garde de cet objet avait été transférée à l'entreprise,
dès lors qu'il se trouvait dans les gravats entreposés dans la cour de son immeuble et
provenant de la démolition récente d'un mur de la maison ; qu'enfin, l'expert ayant admis
qu'un jet de carreau sur les gravats avait pu suffire au déclenchement de l'explosion, Mme
Z... ne démontrait pas que M. X... eût commis une faute, alors que, s'agissant d'un matériel
spécifique de type ancien, cet ouvrier, qui travaillait dans des conditions normales ne pouvait
imaginer qu'il pût s'agir d'un détonateur dangereux ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant d'une appréciation souveraine
des éléments de preuve, la cour d'appel a pu retenir que la seule présence du détonateur,
quelqu'en fût l'origine, sur la propriété de Mme Z... la constituait gardienne de cette chose, et
a pu décider que le transfert de la garde du détonateur à l'entreprise de carrelage n'était pas
établi et que la victime n'avait pas commis de faute ».

B) Le transfert de la garde

42
- Cass. 2ème civ., 10 juin 1998, n° 96-21228 : « Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs
non critiqués, qu'aucune convention d'assistance n'était intervenue entre les parties, l'arrêt
retient, par motifs adoptés, que c'est M. X... qui a pris lui-même l'initiative de monter sur
l'échelle, que M. Y... observait seulement sa manière de procéder, sans surveiller ni diriger le
travail, et sans tenir l'échelle au pied de laquelle il était simplement resté ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la garde de
l'échelle avait été transférée à M. X... ».

- CA Toulouse, 1e Ch., 12 août 2018 : Pas de transfert de la garde de la jument prêtée à une
cavalière occasionnelle.

- Cass. civ. 2ème, 26 novembre 2020, n° 19-19.676 : « 5. Après avoir relevé que M... X...
s'était rendu dans le sous-sol du domicile des époux U... et s'était blessé accidentellement en
manipulant l'arme s'y trouvant, l'arrêt retient que les conditions dans lesquelles l'arme était
entreposée ont permis son appréhension matérielle par l'enfant, quand bien même ce dernier
n'aurait pas reçu l'autorisation de se rendre en ce lieu, et alors qu'il n'est pas soutenu qu'il lui
avait été interdit d'y aller. L'arrêt ajoute qu'à supposer que l'enfant ait procédé lui-même au
chargement de l'arme, cela implique nécessairement la présence d'une munition à proximité.
6. De ses constatations et énonciations, faisant ressortir que l'enfant, âgé de onze ans, ne
pouvait être considéré comme ayant acquis les pouvoirs de direction et de contrôle sur l'arme
dont il avait fait usage, la cour d'appel a pu déduire que la preuve du transfert de garde
invoqué par M. et Mme U... n'était pas rapportée.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé ».

C) La garde collective

- Cass. civ. 2ème, 20 novembre 1968 : « ATTENDU QU'AYANT CONSTATE QU'AU MOMENT DE
L'ACCIDENT, CHAQUE JOUEUR EXERCAIT SUR LA BALLE LES MEMES POUVOIRS DE DIRECTION ET
DE CONTROLE, LA COUR D'APPEL A PU DEDUIRE QUE CET USAGE COMMUN DE L'INSTRUMENT
DU DOMMAGE NE PERMETTAIT PAS A FORESTIER MARECHAL DE FONDER SON ACTION SUR
L'ARTICLE 1384, 1ER ALINEA, ET SANS ENCOURIR LES CRITIQUES DU POURVOI A DONNE UNE BASE
LEGALE A SA DECISION ».

43
- Cass. 2ème civ., 28 mars 2002, n° 00-10628 : « Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que
la balle de tennis avait été projetée vers la victime par le moyen d'une raquette de tennis dont
le jeune Mohamed Y... avait alors l'usage, la direction et le contrôle, ce dont il résultait que
la raquette avait été l'instrument du dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
« Attendu que pour rejeter l'action en réparation de M. Omar X..., la cour d'appel a, par
motifs propres et adoptés, retenu encore qu'en participant à ce jeu, la jeune Dounia avait
accepté les risques qu'il comportait, circonstance excluant l'application à son profit du texte
susvisé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a constaté par ailleurs que le dommage s'est produit à
l'occasion d'un jeu improvisé par des mineurs, et non dans le cadre d'une compétition
sportive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

- Cass. civ. 2ème, 14 avril 2016, n° 15-17732 : « Mais attendu que la cour d’appel a relevé,
par motifs propres et adoptés, qu’un side-car cross n’avait pas deux pilotes mais un pilote et
un passager, appelé « le singe », qui formaient un équipage ; que si l’action, acrobatique, du
passager avait pour objectif de corriger la trajectoire de l’engin, notamment dans le
franchissement des bosses et des virages, et de le rééquilibrer afin de lui permettre
d’atteindre une vitesse et une trajectoire optimales, celle du pilote, déterminante, consistait à
diriger la machine ce qui impliquait la maîtrise de la vitesse, du freinage et du braquage de
la roue avant en fonction de la direction qu’il choisissait ; que le pilote pouvait utiliser le
véhicule sans être assisté par le passager alors que l’inverse était impossible ; que le pilote,
dont le rôle était prépondérant dans la conduite du side-car cross, et le passager ne
disposaient pas de moyens identiques de direction et de contrôle de ce véhicule ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des
éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d’appel a exactement déduit que M. X... avait
été le seul gardien du side-car cross ».

- P. Brun, « Feu l’acceptation des risques. Feu la garde en commun ? », JCP G 2016,
610 : « la totale et indispensable complémentarité du pilote et du « singe » […] fait de
l’équipage un tout indissociable y compris quant à l’attribution des pouvoirs d’usage, de
direction et de contrôle ».

- Cass. civ. 2ème, 13 janvier 2005, n° 03-12884 : « Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs
propres et adoptés, qu'au cours du jeu collectif comme le football, qu'il soit amical ou

44
pratiqué dans une compétition officielle, tous les joueurs ont l'usage du ballon mais nul n'en a
individuellement le contrôle et la direction ; que l'action qui consiste à taper dans le ballon
pour le renvoyer à un autre joueur ou dans le but ne fait pas du joueur qui détient le ballon
un très bref instant le gardien de celui-ci ; que le joueur qui a le ballon est contraint en effet
de le renvoyer immédiatement ou de subir les attaques de ses adversaires qui tentent de
l'empêcher de le contrôler et de le diriger, en sorte qu'il ne dispose que d'un temps de
détention très bref pour exercer sur le ballon un pouvoir sans cesse disputé ; qu'en l'espèce,
M. Y... a dû sortir de la surface de réparation et ne pouvait donc se saisir du ballon sans
commettre une faute ; que, sous la menace de M. X..., il a choisi de renvoyer immédiatement
le ballon qu'il n'a pu contrôler et qu'il a frappé en "demie volée" ;
Que de ces constatations et énonciations, découlant de son appréciation souveraine de la
valeur et de la portée des éléments de preuve soumis au débat, la cour d'appel, qui n'était pas
tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a déduit à
bon droit qu'au moment de l'accident, M. Y... ne disposit pas sur le ballon des pouvoirs
d'usage, de direction et de contrôle caractérisant la garde de la chose instrument du
dommage ».

D) Garde de la structure et garde du comportement

- Cass. 2ème civ., 5 janvier 1956, n° 56-02126 : arrêt « Oxygène Liquide » : « Attendu que la
responsabilité du dommage causé par le fait d'une chose inanimée est liée à l'usage ainsi
qu'au pouvoir de surveillance et de contrôle qui caractérisent essentiellement la garde ; qu'à
ce titre, sauf l'effet de stipulations contraires valables entre les parties, le propriétaire de la
chose ne cesse d'en être responsable que s'il est établi que celui à qui il l'a confiée a reçu
corrélativement toute possibilité de prévenir lui-même le préjudice qu'elle peut causer ».
« Mais attendu qu'au lieu de se borner à caractériser la garde par la seule détention
matérielle, les juges du fond, devaient, à la lumière des faits de la cause et compte-tenu de la
nature particulière des récipients transportés et de leur conditionnement, rechercher si le
détenteur, auquel la garde aurait été transférée, avait l'usage de l'objet qui a causé le
préjudice ainsi que le pouvoir d'en surveiller et d'en contrôler tous les éléments ».

- Cass. civ. 2ème, 30 novembre 1988, n° 86-14325 : « Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt
d'avoir prononcé condamnation contre la société Téléavia in solidum avec M. Y... en
paiement d'une certaine somme au profit du GAMF, alors qu'en estimant que le constructeur

45
du poste de télévision avait conservé la garde de sa structure bien qu'il n'en fut plus
propriétaire depuis sept ans, sans rechercher les circonstances de nature à caractériser un
quelconque pouvoir de surveillance ou de contrôle exercé sur le poste par le constructeur, la
cour d'appel aurait privé sa décision de base légale ;
Mais attendu que, par motifs adoptés, la cour d'appel constate qu'il s'agit d'un vice caché de
fabrication, que, dès lors, sa décision se trouve justifiée au regard de l'article 1641 du Code
civil seul applicable en l'espèce ».

- Cass. civ. 2ème, 20 novembre 2003, n° 01-17977 : « Mais attendu que l'arrêt retient que le
dommage causé par les cigarettes est dû de manière indissociable aux produits contenus et
dégagés par elles, nicotine, goudron, gaz, et au comportement du fumeur qui consomme
excessivement ce produit, que la garde de la structure suppose que le fabricant d'un produit
même dangereux ait le pouvoir de surveiller, de contrôler les éléments de la chose et de
prévenir le dommage ; qu'il n'est pas démontré que la Seita ait fabriqué ses cigarettes de
manière anormale compte tenu des connaissances actuelles ; que la théorie distinguant garde
de la structure et garde du comportement, applicable uniquement aux choses dotées d'un
dynamisme propre et dangereuses ou encore dotées d'un dynamisme interne et affectées d'un
vice interne, n'est pas applicable aux cigarettes fumées par Richard X... ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la
responsabilité de plein droit de la Seita du fait des cigarettes détenues par Richard X..., qui
en était le seul gardien, ne pouvait être recherchée ».

§ 3 : Les causes d’exonération

- Cass. civ. 2ème, 7 avril 2022, n° 20-19.746 : « Vu l'article 1242, alinéa 1er, du code civil :
5. Seul le fait de la victime à l'origine exclusive de son dommage fait obstacle à l'examen de
la responsabilité du gardien de la chose, prévue au texte susvisé.
6. Pour écarter la responsabilité de M.[J], l'arrêt retient qu'il y a eu une faute d'imprudence
de la victime, alcoolisée et ayant consommé du cannabis, à s'asseoir en pleine nuit au 5ème
étage d'un immeuble, sur un rebord de fenêtre, qui habituellement n'est pas fait pour
s'asseoir, alors qu'elle ne connaissait pas les lieux, sans s'assurer qu'il n'y avait pas de risque
de chute.
7. L'arrêt en déduit que la faute de la victime apparaît déterminante dans la survenance du
dommage et que, par conséquent, la fenêtre, même basse et dépourvue de garde-corps, ne

46
peut être considérée comme étant anormale, et dès lors comme instrument du dommage.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la fenêtre située au 5ème étage et à 42 cm du
sol de l'appartement, était dépourvue de garde-corps susceptible d'empêcher une chute, ce
dont il se déduisait que l'imprudence de la victime n'était pas la cause exclusive du dommage,
la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

- Cass. 2ème civ., 4 novembre 2010, n° 09-65947 : « la victime d’un dommage causé par
une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l’article 1384, alinéa 1 er, du Code
civil, à l’encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être
opposée son acceptation des risques ».

- Article L. 321-3-1 du code du sport : « Les pratiquants ne peuvent être tenus pour
responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d'une chose
qu'ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l'article 1242 du code civil, à
l'occasion de l'exercice d'une pratique sportive au cours d'une manifestation sportive ou d'un
entraînement en vue de cette manifestation sportive sur un lieu réservé de manière
permanente ou temporaire à cette pratique ».

Section 2 : LES ACCIDENTS DE LA CIRCULATION

- Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes


d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.

- Cass. 2ème civ., 21 juillet 1982, n° 81-12850 (arrêt Desmares) : « Mais attendu que seul un
évènement constituant un cas de force majeure exonère le gardien de la chose, instrument du
dommage, de la responsabilité par lui encourue par application de l'article 1384, alinéa 1, du
Code civil ; que, dès lors, le comportement de la victime, s'il n'a pas été pour le gardien
imprévisible et irrésistible, ne peut l'en exonérer, même partiellement ».

- Article L. 221-1 du Code des assurances : « Toute personne physique ou toute personne
morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de
dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la
réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte
par une assurance garantissant cette responsabilité, dans les conditions fixées par décret en

47
Conseil d'Etat. Pour l'application du présent article, on entend par "véhicule" tout véhicule
terrestre à moteur, c'est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui
peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute
remorque, même non attelée ».

§ 1 : Le domaine d’application de la loi Badinter

- Article 1 de la loi du 5 juillet 1985 : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent,


même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la
circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques
ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies
qui leur sont propres ».

- Cass. 2e civ., 31 mars 2022, n° 20-15.448 : « Vu l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet
1985 et les articles L. 110-1,5°, L. 132-8 et L. 721-3, 1°, du code de commerce :
6. Il résulte du premier de ces textes, tel qu'interprété par la jurisprudence, que la loi du 5
juillet 1985 instaure un régime autonome et d'ordre public d'indemnisation, excluant
l'application du droit commun de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle,
qui fait peser sur le conducteur du véhicule impliqué, soumis à une obligation d'assurance, la
charge de cette indemnisation.
7. Cette loi, qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la
circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué
un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires
de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur
transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un
contrat de transport. Les conditions et modalités de la réparation de tels préjudices, d'ordre
exclusivement économique, sont déterminées par ce contrat et les dispositions du code de
commerce qui lui sont applicables ».

A) Un accident de la circulation

1. La notion d’accident

48
- Cass. civ. 2ème, 11 décembre 2003, n°00-20921 : « Mais attendu que l'arrêt retient que le
dommage corporel supporté par Mlle X... est la conséquence de violences volontaires
exercées par M. Y... ;
Que de cette énonciation, la cour d'appel a exactement déduit que les articles 1 à 6 de la loi
du 5 juillet 1985 n'étaient pas applicables ».

2. La notion de circulation

- Cass. 2ème civ., 17 novembre 2016, n° 15-27832 : « Mais attendu qu'une voie ferrée n'est
pas une voie commune aux chemins de fer et aux usagers de la route, ces derniers pouvant
seulement la traverser à hauteur d'un passage à niveau, sans pouvoir l'emprunter ; que
l'arrêt retient exactement que le train entré en collision avec le véhicule à bord duquel se
trouvaient Jacques X... et sa fille circulait, nonobstant la circonstance que l'accident soit
survenu à un passage à niveau pouvant être emprunté par d'autres usagers, sur une voie qui
lui est propre ».

- Cass. civ. 2ème, 21 octobre 1987, n° 86-15205 : « Mais attendu que la loi du 5 juillet 1985
s'applique aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule
terrestre à moteur, que celui-ci soit en mouvement ou en stationnement ;
Et attendu que l'arrêt retient qu'en circulant sur un trottoir dont rien ne lui interdisait
l'utilisation, Mme Y... a heurté le cyclomoteur de Mlle X..., lequel, par sa présence sur le
trottoir, a participé à la production du dommage subi par la victime ;
Qu'il résulte de ces énonciations que les conditions dans lesquelles le cyclomoteur stationnait
étant de nature à perturber la circulation de Mme Y..., ce véhicule s'était trouvé impliqué
dans l'accident ».

- Cass. civ. 2ème, 22 novembre 1995, n° 94-10046 : « Attendu que l'incendie provoqué par un
véhicule terrestre à moteur, ce dernier fût-il en stationnement, est régi par les dispositions de
la loi du 5 juillet 1985, et non par celles de l'article 1384, alinéa 2, du Code civil ».

- Cass. civ. 2ème, 20 octobre 2005, n° 04-15418 : « Qu'en statuant ainsi, alors que les
blessures avaient été provoquées par la projection d'un objet transporté et d'un tendeur
élastique, accessoire nécessaire au transport autorisé sur le toit d'un véhicule terrestre à
moteur, fût-il en stationnement sur la voie publique, moteur arrêté, ce dont il résultait que M.

49
X... avait été victime d'un accident de la circulation et que la garantie de l'assureur du
véhicule était due, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

- Cass. civ. 2ème, 26 novembre 2020, n° 18-26.846 : « 6. Après avoir relevé qu'en cas
d'incendie provoqué par un véhicule à moteur se trouvant en stationnement, y compris dans
un lieu privé et clos, la loi du 5 juillet 1985 peut s'appliquer mais à la condition qu'il s'agisse
d'un lieu où la circulation est possible, autorisée, prévue et aménagée à cet effet, l'arrêt
retient que l'incendie en cause est survenu dans le hall d'entrée d'un immeuble qui avait été
auparavant un garage mais qui était devenu interdit à la circulation et au stationnement des
véhicules à moteur et avait été aménagé à cette fin, et que le scooter de M. K... se trouvait
donc immobilisé dans un lieu d'habitation impropre à cette destination de stationnement. La
cour d'appel en a exactement déduit que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 devaient
être écartées ».

- Cass. civ. 2ème, 28 février 1996, n° 93-17457 : « Vu l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que les dispositions de cette loi ne sont pas applicables entre concurrents d'une
compétition sportive dans laquelle sont engagés des véhicules terrestres à moteur ».

- Cass. civ. 2ème, 13 janvier 1988, n° 84-16561 : application de la loi du 5 juillet 1985 à un
spectateur d’un rallye.

B) L’implication d’un véhicule terrestre à moteur

1. Un véhicule terrestre à moteur

- Cass. civ. 2ème, 18 mai 2017, n° 16-18421 : « Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que
ne relèvent pas des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 les accidents dont les circonstances
révèlent que l'engin était immobilisé et était utilisé dans sa fonction d'outil et non dans sa
fonction de déplacement ».

- Cass. civ. 2ème, 8 mars 2001, n° 98-17678 : « Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, le
véhicule étant immobile, seul un élément d'équipement utilitaire étranger à sa fonction de
déplacement était en cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

50
- Cass. civ. 2ème, 6 mai 2021, n° 20-14.551 : « Vu les articles 1er, 3 et 4 de la loi n° 85-677
du 5 juillet 1985 tels qu'interprétés à la lumière des objectifs assignés aux États par les
articles 1, 3 et 4 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30
mars 2007 :
8. Selon ces dispositions, la loi du 5 juillet 1985 s'applique, même lorsqu'elles sont
transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel
est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à
l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.
9. Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des
dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être
opposée leur propre faute, à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause
exclusive de l'accident.
10. Enfin, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de
limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.
11. Par l'instauration de ce dispositif d'indemnisation sans faute, le législateur, prenant en
considération les risques associés à la circulation de véhicules motorisés, a entendu réserver
une protection particulière à certaines catégories d'usagers de la route, à savoir les piétons,
les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées, et celles en situation de handicap.
12. Il en résulte qu'un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement
d'une personne en situation de handicap, n'est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de
la loi du 5 juillet 1985.
13. Pour dire que Mme [F] avait la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur,
l'arrêt retient que, muni d'un système de propulsion motorisée, d'une direction, d'un siège et
d'un dispositif d'accélération et de freinage, le fauteuil roulant de Mme [F] a vocation à
circuler de manière autonome et répond à la définition que l'article L. 211-1 du code des
assurances donne du véhicule terrestre à moteur et qu'à ce titre, le fauteuil roulant de Mme
[F] relève bien du champ d'application de la loi du 5 juillet 1985.
14. Il retient enfin que, si l'article R. 412-34 du code de la route assimile au piéton la
personne en situation de handicap se déplaçant en fauteuil roulant, ce texte ne vise pas les
fauteuils roulants motorisés mais les fauteuils roulants « mus par eux-mêmes », c'est-à-dire
dépourvus de motorisation.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les trois premiers textes susvisés ».

2. L’implication d’un véhicule terrestre à moteur

51
- Cass. civ. 2ème, 18 avril 2019, n° 18-14948 : « Mais attendu qu'ayant retenu par des
constatations souveraines qu'il était établi que M. W... avait perdu le contrôle de sa
motocyclette au moment où il se rabattait sur sa voie de circulation et que c'est la présence
du tracteur qui, alors qu'il était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et
empiétait sur la voie de circulation, l'avait contraint à cette manoeuvre de dépassement, la
cour d'appel a exactement décidé que ce tracteur était impliqué dans l'accident ».

§ 2 : L’étendue de l’indemnisation de la loi Badinter

- Art. 2 de la loi Badinter : « Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir
opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule
mentionné à l'article 1er ».

- Cass. civ. 2ème, 23 mars 2017, n° 15-25585 : « Qu'en statuant ainsi alors que le seul fait que
M. C... ait manoeuvré le volant n'établissait pas qu'il se soit substitué à Mme Y... dans la
conduite du véhicule et ait acquis la qualité de conducteur, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ».

- Cass. civ. 2ème, 31 mars 2022, n° 20-22.594 : « 4. L'arrêt relève que si le propriétaire d'un
véhicule impliqué dans un accident de la circulation en est présumé gardien, il peut apporter
la preuve qu'il en avait confié la garde à une autre personne et que, si l'accident trouve sa
cause dans un défaut du véhicule, remis à un tiers lors de l'accident, la qualité de gardien
peut, sauf si ce dernier avait été averti de ce vice, demeurer au propriétaire, en tant qu'il a la
garde de la structure du véhicule impliqué. Il ajoute qu'il résulte des opérations d'expertise
que le tracteur de M. [J], qui a roulé sur le corps de M. [P] et lui a occasionné des blessures,
était un véhicule dangereux en ce que la sécurité de démarrage, vitesse engagée, n'était plus
fonctionnelle et que selon un témoin, lorsque M. [J], à la demande de M. [P], a actionné la
clef de contact tout en restant debout près du tracteur, celui-ci a démarré, a avancé et est
passé sur le corps de M. [P].
5. L'arrêt retient ensuite que le tracteur ne se serait pas déplacé si une vitesse n'était pas
restée enclenchée, que la cause de l'accident réside dans la défaillance du système de sécurité
et que la preuve n'étant pas rapportée de ce que M. [J] avait averti M. [P] de cette absence
de sécurité, il y a lieu de considérer qu'il était resté gardien de la structure de son véhicule.

52
6. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que M. [J] avait
conservé la garde de son véhicule, de sorte qu'il était tenu, en cette qualité, d'indemniser la
victime en application de la loi du 5 juillet 1985 ».

A) Les victimes conductrices

- Article 4 de la loi Badinter : « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à


moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis ».

- Cass. civ. 2ème, 7 décembre 2006, n° 05-16720 : le conducteur « possédait à la fois la


qualité de conducteur et celle de gardien de son propre véhicule et qu'en l'absence d'un tiers
débiteur d'une indemnisation à son égard, M. X... ne pouvait se prévaloir des dispositions de
la loi du 5 juillet 1985 à l'encontre de son propre assureur pour obtenir l'indemnisation des
dommages qu'il avait subis, directement ou par ricochet ».

B) Les victimes non-conductrices

- Article 5 de la loi Badinter : « La faute, commise par la victime a pour effet de limiter ou
d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis. Toutefois, les fournitures et
appareils délivrés sur prescription médicale donnent lieu à indemnisation selon les règles
applicables à la réparation des atteintes à la personne ».

- Article 3 : « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont
indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que
puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été
la cause exclusive de l'accident.
Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou
de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au
moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou
d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages
résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.
Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par
l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a
volontairement recherché le dommage qu'elle a subi ».

53
- Cass. 2ème civ., 28 mars 2019, n°18-15168 : « Mais attendu qu'ayant relevé que C... J...,
qui se tenait debout à côté de sa voiture, stationnée en bon état de marche, sur un refuge où il
se trouvait en sécurité, s'est, sans raison valable connue, soudainement engagé à pied sur la
chaussée de l'autoroute, à la sortie d'une courbe masquant la visibilité pour les véhicules
arrivant sur les voies, devant un ensemble routier circulant sur la voie de droite à la vitesse
autorisée, qui n'a pas disposé d'une distance suffisante pour l'éviter, la cour d'appel, qui
n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de procéder à
la recherche visée par la seconde branche, qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire
qu'était caractérisée la faute inexcusable de la victime et que cette faute était la cause
exclusive de son dommage ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ».

- Cass. 2ème civ., 28 mars 2019, n°18-14125 : « Attendu que seule est inexcusable au sens
de ce texte la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son
auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ».

- Article 3 : « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont
indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que
puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été
la cause exclusive de l'accident.
Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou
de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au
moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou
d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages
résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.
Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par
l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a
volontairement recherché le dommage qu'elle a subi ».

§ 3 : Une procédure spéciale d’indemnisation


A) L’offre d’indemnité obligatoire pour l’assureur de responsabilité civile
1. Le débiteur de l’offre d’indemnité obligatoire

54
- Art. 12 de la loi Badinter : « L'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un
véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximum de huit mois à
compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne.
En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint.
Une offre doit aussi être faite aux autres victimes dans un délai de huit mois à compter de
leur demande d'indemnisation.
L'offre comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments
relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.
Elle peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de
l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive
d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle
l'assureur a été informé de cette consolidation.
En cas de pluralité de véhicules, et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur
mandaté par les autres.
Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux victimes à qui l'accident n'a
occasionné que des dommages aux biens ».

2. La forme de l’offre d’indemnité obligatoire

- Article 19 de la loi Badinter : « La victime peut, par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception, dénoncer la transaction dans les quinze jours de sa conclusion.
Toute clause de la transaction par laquelle la victime abandonne son droit de dénonciation
est nulle.
Les dispositions ci-dessus doivent être reproduites en caractères très apparents dans l'offre
de transaction et dans la transaction à peine de nullité relative de cette dernière ».

3. Le montant de l’offre d’indemnité obligatoire

B) L’offre d’indemnité facultative pour la victime


1. L’acceptation de l’offre d’indemnité

- Cass. 2ème civ., 16 novembre 2006, n° 05-18631 : « Qu'en statuant ainsi, alors que la loi
du 5 juillet 1985 instituant un régime d'indemnisation en faveur des victimes d'accident de la
circulation, d'ordre public, dérogatoire au droit commun, qualifie de transaction la

55
convention qui se forme lors de l'acceptation par la victime de l'offre de l'assureur et que
cette transaction ne peut être remise en cause à raison de l'absence de concessions
réciproques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

2. Le rejet de l’offre d’indemnité

Section 3 : Les produits défectueux

- Loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.

§ 1 : La délimitation de la responsabilité des produits défectueux

A) Un régime « commun » de responsabilité

- Article 1245 du code civil : « Le producteur est responsable du dommage causé par un
défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ».

B) Qui est responsable ?


1. Le producteur par principe responsable

- Article 1245-5 du code civil : « Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le
fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie
composante.
Est assimilée à un producteur pour l'application du présent chapitre toute personne agissant
à titre professionnel :
1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un
autre signe distinctif ;
2° Qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une
location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution.
Ne sont pas considérées comme producteurs, au sens du présent chapitre, les personnes dont
la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1792 à 1792-6 et 1646-
1 ».

2. L’extension des responsables

56
- Article 1245-6 du code civil : « Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur,
à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre
fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes
conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le
producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la
victime lui a été notifiée.
Le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande
émanant de la victime directe du défaut. Toutefois, il doit agir dans l'année suivant la date de
sa citation en justice ».

C) La notion de produit

- Article 1245-2 du code civil : « Est un produit tout bien meuble, même s'il est incorporé
dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche.
L'électricité est considérée comme un produit ».

- « L’électricité est constituée d’électrons en mouvement. Les électrons étant des atomes et
ces derniers constituant la matière, l’électricité revêt nécessairement, qu’elle corresponde à
une entité propre ou à un phénomène, la forme d’un bien corporel ou matériel. Cela est
d’autant plus vrai que la célèbre formule E=mc2 démontre que l’énergie est notamment
composée d’une masse et conséquemment de particules, c’est-à-dire, de matière. La prudence
dont fait preuve une partie de la doctrine à classer l’énergie électrique dans l’une de ces
catégories tient certainement au fait que l’électricité n’apparaît pas immédiatement aux sens,
bien que les victimes d’électrisation diront le contraire, mais ce n’est pas pour autant que
l’infiniment petit n’existe pas, qu’il n’a pas un corps propre ou du moins qu’il n’est pas
matière. (…) L’électricité est inévitablement un bien meuble dans la mesure où elle se définit
elle-même comme des électrons en mouvement. L’électricité se meut et participe alors à la
catégorie des biens meubles »21.

- Article L. 5111-1 du code de la santé publique : « I On entend par médicament à usage


humain toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives

21
« Au théâtre ce soir, les panneaux photovoltaïques nous électrisent », Panneaux photovoltaïques : où en est-
on ?, Revue Droit et ville, 2010, n° 70, p. 37, Séverin Jean.

57
ou préventives à l'égard des maladies humaines, ainsi que toute substance ou composition
pouvant être utilisée chez l'homme ou pouvant lui être administrée, en vue d'établir un
diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques en
exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ».

- Cass. 1ère civ., 25 février 2016, n° 15-11257 : « Attendu, ensuite, qu'aux termes de l'article
1386-4, alinéas 1er et 2, du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la
sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et qu'il doit être tenu compte, dans
l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, de toutes les
circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être
raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; que la constatation, par le
juge, du défaut d'un produit, à la suite de la mise en évidence de risques graves liés à son
utilisation que ne justifie pas le bénéfice qui en est attendu, n'implique pas que le producteur
ait eu connaissance de ces risques lors de la mise en circulation du produit ou de sa
prescription ».

- Article 1245-17 du code civil : « Les dispositions du présent chapitre ne portent pas
atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la
responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de
responsabilité.
Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont
il répond ».

- Cass. 1ère civ., 17 mars 2016, n° 13-18876 : « Mais attendu que, si le régime de la
responsabilité du fait des produits défectueux qui ne sont pas destinés à l'usage professionnel
ni utilisés pour cet usage n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité
contractuelle ou extracontractuelle, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des
fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, telles la garantie
des vices cachés ou la faute ; qu'il en résulte qu'ayant constaté que M. X... et le GAEC
n'établissaient pas l'existence d'une faute distincte du défaut de sécurité des plaques, la cour
d'appel a décidé à bon droit que leur action ne pouvait être fondée que sur les articles 1386-1
et suivants du code civil, et non sur les articles 1147 ou 1603 du même code ; que le moyen
n'est pas fondé ».

58
- Article 2 de la Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au
rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États
membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux : « Pour
l'application de la présente directive, le terme « produit » désigne tout meuble, à l'exception
des matières premières agricoles et des produits de la chasse, même s'il est incorporé dans un
autre meuble ou dans un immeuble. Par « matières premières agricoles », on entend les
produits du sol, de l'élevage et de la pêcherie, à l'exclusion des produits ayant subi une
première transformation. Le terme « produit » désigne également l'électricité ».

- Article 9 de la Directive : « Au sens de l'article 1er, le terme « dommage » désigne:


a) le dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles;
b) le dommage causé à une chose ou la destruction d'une chose, autre que le produit
défectueux lui-même, sous déduction d'une franchise de 500 Écus, à conditions que cette
chose:
i) soit d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privés
et
ii) ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés.
Le présent article ne porte pas préjudice aux dispositions nationales relatives aux dommages
immatériels ».

- Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2018, n° 17-20.154 : « Mais attendu, d'abord, que, d'une part,
selon l'article 9 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au
rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États
membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, les dispositions de
celle-ci s'appliquent à la réparation du dommage causé par la mort ou par des lésions
corporelles et au dommage causé à une chose ou la destruction d'une chose, autre que le
produit défectueux lui-même, sous déduction d'une franchise, à condition que cette chose soit
d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privés et ait été utilisée par la
victime principalement pour son usage ou sa consommation privés ; que, d'autre part,
l'article 1386-2, devenu 1245-1 du code civil, issu de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998,
transposant l'article 9 de cette directive, énonce que les dispositions relatives à la
responsabilité du fait des produits défectueux s'appliquent à la réparation du dommage qui
résulte d'une atteinte à la personne ainsi qu'à la réparation du dommage supérieur à un
montant déterminé par décret qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit

59
défectueux lui-même ; que, dès lors, le législateur national n'a pas limité le champ
d'application de ce régime de responsabilité à la réparation du dommage causé à un bien
destiné à l'usage ou à la consommation privés et utilisé à cette fin ;
Attendu, ensuite, que si, par une décision du 4 juin 2009 (Moteurs Leroy Somer, C-285/08),
rendue sur une question préjudicielle renvoyée par la Cour de cassation (Com., 24 juin 2008,
pourvoi n° 07-11.744, Bull. 2008, IV, n° 128), la Cour de justice des Communautés
européennes a dit pour droit que la réparation des dommages causés à une chose destinée à
l'usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d'application de la
directive précitée, elle a précisé que celle-ci doit être interprétée en ce sens qu'elle ne
s'oppose pas à l'interprétation d'un droit national ou à l'application d'une jurisprudence
interne établie selon lesquelles la victime peut demander réparation du dommage causé à une
chose destinée à l'usage professionnel et utilisée pour cet usage, dès lors que cette victime
rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre
ce défaut et le dommage ;
Attendu qu'il en résulte qu'en l'absence de limitation du droit national, l'article 1386-2,
devenu 1245-1 du code civil s'applique au dommage causé à un bien destiné à l'usage
professionnel ; que le moyen n'est pas fondé ».

§ 2 : Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité des produits défectueux

- Article 1245-8 du code civil : « Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien
de causalité entre le défaut et le dommage ».

- Article 1245-4 du code civil : « Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en
est dessaisi volontairement.
Un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation ».

- CJCE, 9 février 2006, n° C-127/04 : « A la lumière de ces considérations, un produit doit


être considéré comme ayant été mis en circulation, au sens de l'article 11 de la
directive, lorsqu'il est sorti du processus de fabrication mis en œuvre par le
producteur et qu'il est entré dans un processus de commercialisation dans lequel il se
trouve en l'état offert au public aux fins d'être utilisé ou consommé ».

A) Le défaut du produit

60
- Article 1245-3 du code civil : « Un produit est défectueux au sens du présent chapitre
lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu
compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui
peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.
Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus
perfectionné, a été mis postérieurement en circulation ».

- Cass. civ. 1ère, 4 février 2015, n° 13-19781 : « Mais attendu qu'ayant constaté que le gaz
propane est un gaz inflammable et dangereux, à capacité hautement explosive, dont la
moindre dispersion peut provoquer une déflagration ou une explosion, contrairement au gaz
butane, et que les détendeurs des gaz butane et propane sont similaires et peuvent être fixés
indifféremment sur toute bouteille de gaz, de sorte qu'en l'absence de connectique spécifique
qui rendrait impossible l'alimentation par une bouteille de gaz propane d'une installation
fonctionnant au gaz butane, un utilisateur tel que M. X... pouvait ne pas se rendre compte de
l'erreur commise, quant au gaz fourni, lors de l'échange d'une bouteille vide contre une
pleine, ce dont il résulte que la sécurité d'un utilisateur autre que l'acheteur de l'installation,
qui n'a pas nécessairement eu accès à la notice d'information du contrat de consignation,
n'était pas informé du risque présenté par l'utilisation de gaz propane pour l'alimentation
d'un appareil fonctionnant au gaz butane, la cour d'appel en a exactement déduit que la
bouteille de gaz propane utilisée par M. X... était un produit défectueux, au sens de l'article
1386-4 du code civil, et que la société Butagaz, en sa qualité de producteur, devait être
déclarée responsable des dommages causés, sans pouvoir se prévaloir de la faute de la
victime prévue à l'article 1386-13 du même code ; que le moyen, inopérant en ses quatre
premières branches et en ses sixième et septième branches, qui critiquent des motifs
surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ».

- Cour d’appel de Lyon, 11 avril 2019, n°17/06027 : « Si tout utilisateur normalement


vigilent sait qu’il est déraisonnable d’inhaler un tel désherbant, il peut penser que l’appareil
de protection des yeux et du visage est suffisant alors que tel n’est pas le cas ».

B) Imputabilité du dommage au produit et lien de causalité entre le défaut de sécurité


du produit et le dommage

61
C) L’exigence d’un dommage

- Article 1245-1 du code civil : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent à la


réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne.
Elles s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé
par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même ».

- Article 1er du décret n°2005-113 du 11 février 2005 pris pour l'application de l'article
1386-2 du code civil : « Le montant visé à l'article 1245-1 du code civil est fixé à 500
euros ».

§ 3 : L’exonération en matière de responsabilité des produits défectueux

- Article 1245 du code civil : « Le producteur est responsable du dommage causé par un
défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ».

- Article 1245-8 du code civil : « Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien
de causalité entre le défaut et le dommage ».

- Article 1245-10 du code civil : « Le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il
ne prouve :
1° Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;
2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le
dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce
défaut est né postérieurement ;
3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ;
4° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit
en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;
5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre
législatif ou réglementaire.
Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut
est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux
instructions données par le producteur de ce produit ».

62
- Article 1245-9 du code civil : « Le producteur peut être responsable du défaut alors même
que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou
qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative ».

- Article 1245-13 du code civil : « La responsabilité du producteur envers la victime n'est


pas réduite par le fait d'un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage ».

- Article 1245-12 du code civil : « La responsabilité du producteur peut être réduite ou


supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé
conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la
victime est responsable ».

- Cass. civ. 1ère, 7 novembre 2006, n° 05-11604, Bull. civ. I, n° 467 : « Mais attendu que la
cour d'appel a relevé, outre la non communication par la société de la composition exacte du
béton livré, que ses conditions générales de vente mentionnaient seulement des risques
d'allergies, rougeurs ou brûlures lors de la mise en oeuvre et le conseil de se munir de gants
et lunettes ; qu'en déduisant de ces constatations l'insuffisance d'une information qui n'attirait
en rien l'attention du client sur la nécessité de porter des couvre-bottes et des vêtements de
protection imperméables à l'eau pour éviter tout contact avec la peau, ainsi que celle de
retirer les vêtements et équipements de protection lorsqu'ils sont saturés de béton mouillé et
de laver immédiatement les zones exposées, puis en retenant, en conséquence, l'offre d'un
produit dépourvu de la sécurité à laquelle le client pouvait légitimement s'attendre, la cour
d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et sur la troisième branche, telle qu'exposée au mémoire en demande et reproduite en annexe
:
Attendu que c'est à partir d'une appréciation souveraine de la portée des déclarations de M.
X... aux organismes d'assurances que la cour d'appel a retenu que l'heure pendant laquelle il
avait conservé son pantalon mouillé ne caractérisait pas en l'espèce la faute exonératoire de
l'article 1386-13 du code civil ».

- Article 1245-14 du code civil : « Les clauses qui visent à écarter ou à limiter la
responsabilité du fait des produits défectueux sont interdites et réputées non écrites.

63
Toutefois, pour les dommages causés aux biens qui ne sont pas utilisés par la victime
principalement pour son usage ou sa consommation privée, les clauses stipulées entre
professionnels sont valables ».

§ 4 : La prescription de l’action en responsabilité des produits défectueux

A) Une prescription classique de l’action

- Article 1245-16 du code civil : « L'action en réparation fondée sur les dispositions du
présent chapitre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le
demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du
producteur ».

B) Une seconde prescription de l’action

- Article 1245-15 du code civil : « Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci,


fondée sur les dispositions du présent chapitre, est éteinte dix ans après la mise en circulation
du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait
engagé une action en justice ».

CHAPITRE 3 – LES RESPONSABILITES DU FAIT D’AUTRUI

- Article 1242 du code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l'on
cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on
doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens
mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers,
des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou
à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui
demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement
responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

64
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans
les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le
temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent
qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre
eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit
commun, par le demandeur, à l'instance ».

- « Tout ce qu’il était possible de réinterpréter le fut pour objectiver la responsabilité, la faire
passer d’une responsabilité pour faute personnelle liée à autrui à une responsabilité
objective à partir d’un nouveau fondement – l’autorité – qui conduit à assumer le risque de
dommage du fait d’autrui »22.

- « Le responsable du fait d’autrui doit en effet indemniser la victime en raison d’une


obligation personnelle qui lui incombe, celle de répondre des dommages causés par autrui en
raison de l’autorité exercée sur ce dernier »23.

Section 1 : Les responsabilités légales du fait d’autrui

§ 1 : La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs

A) Les conditions relatives aux parents

- Article 371-1 du code civil : « L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs
ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.
Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger
dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son
développement, dans le respect dû à sa personne.
L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques.

22
L. Andreu. N. Thomassin, Cours de droit des obligations, Gualino, 4ème édition, 2019, n° 1434.
23
Ch. RADÉ, Faut-il reconnaître l’existence d’un principe général du fait d’autrui ?, Mél. H. Groutel, éd. Litec,
2006, p. 387.

65
Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de
maturité ».

- Article 373-2 du code civil : « La séparation des parents est sans incidence sur les règles
de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale ».

- « La responsabilité du père, en raison du dommage causé par son enfant mineur habitant
avec lui, découle de ses obligations de surveillance et de direction sur la personne de ce
dernier »24.

- Cass. civ. 2ème, 19 février 1997, n° 94-21111, Bull. civ. II, n° 56 : « Mais attendu que,
l'arrêt ayant exactement énoncé que seule la force majeure ou la faute de la victime pouvait
exonérer M. X... de la responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés
par son fils mineur habitant avec lui, la cour d'appel n'avait pas à rechercher l'existence d'un
défaut de surveillance du père ».

B) Les conditions relatives à l’enfant mineur

1. L’exigence d’un enfant mineur

- Article 414 du code civil : « La majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge,
chacun est capable d'exercer les droits dont il a la jouissance ».

- Cass. civ. 2ème, 25 octobre 1989, n° 88-16210, Bull. civ. II, n° 194 : « La responsabilité
civile des parents s'apprécie au jour de l'accident ».

- Article 413-7 du code civil : « Le mineur émancipé cesse d'être sous l'autorité de ses père
et mère.
Ceux-ci ne sont pas responsables de plein droit, en leur seule qualité de père ou de mère, du
dommage qu'il pourra causer à autrui postérieurement à son émancipation ».

2. L’exigence d’une cohabitation avec les civilement responsables

24
Cass. 2ème Civ., 12 octobre 1955 (D. 1955, p. 301, note Rodière).

66
- Cass. civ. 2ème, 20 janvier 2000, n° 98-14479, Bull. civ. II, n° 14 : « Qu'en l'état de ces
constatations et énonciations, c'est à bon droit que la cour d'appel a estimé que ni ce
changement de résidence pour quelques jours, ni les distances entre la résidence de Mme
Andrée Y... et celles de Mme X... et de Mme Z... n'avaient fait cesser la cohabitation entre les
enfants et leurs mères ».

- Cass. Crim., 6 nov. 2012, n° 11-86857 : « Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors
que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée
ne peut, sans faute de sa part, être engagée, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le
principe ci-dessus énoncé ».

- Cass. Crim., 29 avr. 2014, n° 13-84207 : « Attendu que la responsabilité de plein droit
prévue par le premier de ces textes incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle
de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et
d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale et aurait commis une faute civile
personnelle dont l'appréciation ne relève pas du juge pénal ».

- Article 1245 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (juillet 2020) :


« Sont responsables de plein droit du dommage causé par un mineur :
1° Ses parents, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale ».

3. L’exigence d’un simple fait causal

- « La responsabilité des père et mère suppose une faute du fils mineur ayant causé un
préjudice »25.

- Cass. Ass. Plén., 9 mai 1984, n° 79-16612 : « Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 25
septembre 1979), que le 4 août 1975, Pascal Y..., alors âgé de 7 ans, décocha une flèche avec
un arc qu'il avait confectionné en direction de son camarade David X... et l'éborgna ; que M.
Guillaume X..., père de la victime, assigné en dommages-intérêts M. Raymond Y..., en sa
qualité de civilement responsable de son fils Pascal sur le fondement de l'article 1384 alinéa
4 du Code civil ; Attendu que M. Raymond Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir déclaré
entièrement responsable des conséquences de l'accident, alors, selon le moyen, que la Cour
25
Cass. 1ère Civ., 19 mai 1953, Gaz. Pal. 1953, 2, p. 138.

67
d'appel n'a pas recherché si Pascal Y... présentait un discernement suffisant pour que l'acte
puisse lui être imputé à faute, qu'elle a entaché sa décision d'un défaut de base légale et ainsi
violé les articles 1382 et 1384 alinéa 4 du Code civil ; Mais attendu que, pour que soit
présumée, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 4 du Code civil, la responsabilité des père
et mère d'un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la
cause directe du dommage invoqué par la victime ; que par ce motif de pur droit, substitué à
celui critiqué par le moyen, l'arrêt se trouve légalement justifié ».

- Cass. 2ème civ., 10 mai 2001, n° 99-11287 : « Attendu que la responsabilité de plein droit
encourue par les père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant
avec eux n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant »

- Cass. Ass. Plén., 13 décembre 2002, n° 01-14007, Bull. ass. plén., n° 4 : « Attendu que,
pour que la responsabilité de plein droit des père et mère exerçant l'autorité parentale sur un
mineur habitant avec eux puisse être recherchée, il suffit que le dommage invoqué par la
victime ait été directement causé par le fait, même non fautif, du mineur ; que seule la force
majeure ou la faute de la victime peut exonérer les père et mère de cette responsabilité ».

- Cass. 2ème Civ., 3 juillet 2003, Bull. civ. II, n° 230 : « Attendu que la responsabilité de
plein droit encourue par les père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur
habitant avec eux n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant ».

- Cass. 2ème Civ., 17 février 2011, n°10-30439 ; Bull. civ. II, n° 47 : « Attendu que pour que
la responsabilité de plein droit des père et mère exerçant l'autorité parentale sur un mineur
habitant avec eux puisse être recherchée, il suffit que le dommage invoqué par la victime ait
été directement causé par le fait, même non fautif, du mineur ; que seule la cause étrangère
ou la faute de la victime peut exonérer les père et mère de cette responsabilité ».

- Article 1244 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (juillet 2020) : « La


responsabilité du dommage causé par autrui suppose la preuve d’un fait de nature à engager
la responsabilité de l’auteur direct du dommage avec laquelle, sauf disposition contraire, elle
peut se cumuler ».

§ 2 : La responsabilité des commettants du fait de leurs préposés

68
- Article 1242 al. 5 du code civil : « Les maîtres et les commettants, [sont responsables] du
dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont
employés ».

A) Les conditions de mise en œuvre

1. L’exigence d’un lien de préposition

- Cass. crim., 7 novembre 1968, n° 68-90118 : « QU'EN EFFET LE LIEN DE SUBORDINATION,


D'OU DECOULE LA RESPONSABILITE MISE A LA CHARGE DES COMMETTANTS PAR L'ARTICLE 1384,
ALINEA 5 DU CODE CIVIL, SUPPOSE ESSENTIELLEMENT QUE CEUX-CI ONT LE DROIT DE FAIRE
ACTE D'AUTORITE EN DONNANT A LEURS PREPOSES DES ORDRES OU DES INSTRUCTIONS SUR LA
MANIERE DE REMPLIR, A TITRE TEMPORAIRE OU PERMANENT, AVEC OU SANS REMUNERATION,
FUT-CE EN L'ABSENCE DE TOUT LOUAGE DE SERVICES, LES EMPLOIS QUI LEUR ONT ETE CONFIES
POUR UN TEMPS ET UN OBJET DETERMINES ».

- Cass. crim., 5 mars 1992, n° 91-81888 : « l'indépendance professionnelle dont jouit le


médecin dans l'exercice même de son art n'est pas incompatible avec l'état de subordination
qui résulte d'un contrat de louage de services le liant à un tiers ».

- Cass. civ. 2ème, 18 mai 2017, n° 16-13491 : « Mais attendu qu'ayant d'abord constaté que
M. Y... était salarié de la société Mollard montage manutention, que la location consentie à
la société Comptoir polynésien d'import-export ne concernait pas uniquement la grue mais
qu'elle est intervenue avec mise à disposition d'un grutier, et qu'elle incluait selon la facture,
des « travaux de manutention de conduite métallique », et ensuite retenu qu'aucun contrat ne
prévoyait expressément l'attribution à la société locataire de la direction des opérations de
levage, que celle-ci ne possédait aucune compétence en matière d'utilisation d'une grue,
qu'elle ne se trouvait pas sur le chantier et n'avait nullement participé aux opérations de
levage, la cour d'appel a pu en déduire que M. Y... était resté le préposé de la société Mollard
montage manutention au moment de l'accident ».

- Cass. civ. 2ème, 6 février 2003, n° 01-16380 : « Mais attendu que l'arrêt retient qu'il résulte
des pièces versées aux débats que, le 21 septembre 1988, deux avions de type Tracker de la
Direction départementale de la sécurité civile des Bouches-du-Rhône ont décollé de Bastia

69
pour une mission de guet aérien et ont été, à 15 heures 18, sur ordre du Centre opérationnel
départemental d'incendie et de secours (Codis 2B), déroutés pour une intervention sur départ
de feu à San Andrea di Cotone ; que l'avion à l'origine du dommage dépendait ainsi du SDI
de Haute-Corse, établissement public départemental doté de la personnalité morale et de
l'autonomie financière qui, au sens de la loi du 31 décembre 1957, ayant fait appel aux
moyens dont il disposait pour circonscrire l'incendie conformément à sa mission de service
public, était celui au profit duquel l'intervention avait été effectuée ; qu'enfin, le pilote de
l'appareil n'ayant aucun pouvoir de contrôle et de surveillance caractérisant la notion de
garde, était resté soumis à l'autorité du commettant, seul gardien de la chose à l'origine du
dommage ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider, sans se
contredire, que par l'effet de l'ordre de déroutage donné par le Codis 2B, le SDI de Haute-
Corse était devenu temporairement le commettant du pilote de l'aéronef, et déclarer le
département et le SDI responsables du dommage causé par ce véhicule, justifiant ainsi
légalement sa décision ».

2. L’exigence d’une faute du préposé

- Cass. civ. 2ème, 8 octobre 1969, Bull. civ. II, n° 269 : « ATTENDU QUE LA RESPONSABILITE
CIVILE DU COMMETTANT NE PEUT ETRE ENGAGEE QU'EN CAS DE FAUTE DU PREPOSE ».

- Cass. civ. 2ème, 24 octobre 2002, n° 00-22639 : « Mais attendu que l'arrêt retient que la
société GST ne conteste ni qu'un transpalette a été dérobé le 8 novembre 1995 dans les
entrepôts de l'entreprise Heppner, ni qu'un de ses préposés se soit présenté dans lesdits
entrepôts le 16 janvier 1998 en possession de ce même transpalette qu'elle a d'ailleurs
immédiatement accepté de restituer sans réserve ni réticence à la société Heppner ; qu'il
appartient dans ce cas à la société GST d'établir dans quelles conditions elle s'est trouvée en
possession de ce bien ; que force est de constater que, comme elle le reconnaît elle-même,
elle ne justifie en rien de ces conditions ;
Que par ces motifs, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a caractérisé
un fait du préposé engageant la responsabilité de son commettant ».

- Cass. civ. 2ème, 8 avril 2004, n° 03-11653 : « Vu l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ;

70
Attendu, selon ce texte, que les commettants sont responsables du dommage causé par leurs
préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés et ne s'exonèrent de cette
responsabilité que si le préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans
autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; qu'au cours d'une compétition
sportive, engage la responsabilité de son employeur le préposé joueur professionnel salarié
qui cause un dommage à un autre participant par sa faute caractérisée par une violation des
règles du jeu ».

- Article 1244 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (juillet 2020) : « La


responsabilité du dommage causé par autrui suppose la preuve d’un fait de nature à engager
la responsabilité de l’auteur direct du dommage avec laquelle, sauf disposition contraire, elle
peut se cumuler ».

- Cass. civ. 2ème, 1er avril 1998, n° 96-17903 : « Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a
considéré que M. Jean-Claude X... était à la fois préposé de M. Z... et gardien de la
fourgonnette, alors que ces deux qualités sont incompatibles, a violé le texte susvisé ».

- Cass. civ. 2ème, 11 octobre 1989, n° 88-16219, Bull. civ. II, n° 175 : « Mais attendu que
l'existence d'un lien de préposition n'implique pas nécessairement, chez le commettant, les
connaissances techniques pour pouvoir donner des ordres avec compétence ; que la cour
d'appel retient que M. X..., propriétaire de l'arbre et de la tronçonneuse qui servait à son
abattage, se trouvait, lors de la réalisation du dommage, aux côtés de M. Picard auquel il
donnait des directives ;
Que, de ces énonciations, la cour d'appel a pu déduire, justifiant légalement sa décision, que
M. X... était, au moment de l'accident, le commettant de M. Y... et qu'il était resté gardien de
la chose instrument du dommage ».

3. L’exigence d’une faute du préposé dans le cadre de ses fonctions

- Cass. civ. 2ème, 22 mai 1995, n° 92-19172 : « Qu'en se déterminant ainsi, alors que le
préposé avait agi sur le lieu du travail confié par son employeur, pendant le temps et à
l'occasion de celui-ci, ce dont il résulte qu'il n'avait pas agi hors de ses fonctions, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ».

71
(ICI)
- Cass. crim., 23 juin 1988, n° 84-92915 : « Qu'en effet, le commettant ne s'exonère de sa
responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans
autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions ».

- Cass. ass. plén. 19 mai 1988, n° 87-82654 : « Mais attendu que le commettant ne s'exonère
de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé,
sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions ».

- « Si l’on a pu remarquer qu’à tort les cours et tribunaux emploient parfois le terme
d’exonération lorsque le commettant rapporte la preuve d’un abus de fonction de son
préposé, ce n’est qu’un abus de langage. Aucune confusion n’est possible entre les causes
d’inapplication d’un régime et les causes d’exonération » (M. POUMARÈDE, Droit des
obligations, 3ème éd. LGDJ, 2014, p. 854). Le professeur s’en explique : « alors que les
premières jouent en amont de la déclaration de responsabilité, les secondes jouent en aval de
celle-ci puisque « être exonéré signifie être déchargé », ce qui n’est pas le cas lorsque le
commettant rapporte la preuve d’un abus de fonction du préposé. Dans cette hypothèse, ce
sont les conditions de sa garantie qui ne sont pas réunies ; il ne s’agit pas d’exonération »
(M. POUMARÈDE, ibid., loc. cit.).

B) Les effets de la responsabilité du commettant du fait de son préposé

1. La relation entre la victime et le commettant

2. La relation entre la victime et le préposé

- Cass. Ass. Plén., 25 février 2000, n° 97-20152 ; Bull. ass. plén., n° 2 : « n'engage pas sa
responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui
lui a été impartie par son commettant ».

- Cass. civ. 1ère, 9 novembre 2004, n° 01-17168 : « la sage-femme salariée qui agit sans
excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l'établissement de santé privé,
n'engage pas sa responsabilité à l'égard de la patiente ».

72
- Cass. Ass. Plén., 14 décembre 2001, n° 00-82066 ; Bull. ass. plén., n° 17 : « Le préposé
condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fût-ce sur l'ordre du
commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile à
l'égard de celui-ci ».

- Cass. crim., 7 avril 2004, n° 03-86203 : « le préposé qui a intentionnellement commis une
infraction ayant porté préjudice à un tiers engage sa responsabilité civile à l'égard de celui-
ci, alors même que la juridiction répressive qui, saisie de la seule action civile, a déclaré
l'infraction constituée en tous ses éléments, n'a prononcé contre lui aucune condamnation
pénale ».

- Cass. civ. 2ème, 21 février 2008, n° 06-21182 : « N'engage pas sa responsabilité à l'égard
des tiers, le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par son
commettant, hors le cas où le préjudice de la victime résulte d'une infraction pénale ou d'une
faute intentionnelle ».

- Article 1248 al. 4 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (juillet 2020) :


« le préposé n’engage sa responsabilité personnelle qu'en cas de faute intentionnelle, ou
lorsque, sans autorisation, il a agi à des fins étrangères à ses attributions ».

- Cass. civ. 2ème, 10 décembre 2015, n° 14-26649 : « Attendu que pour retenir la
responsabilité personnelle de M. Jean-Philippe Y..., l'arrêt énonce qu'il n'est pas
sérieusement discuté que ce dernier a bien commis une faute de négligence, de nature à
engager sa responsabilité en ayant pris seul l'initiative d'enflammer le carburant déposé au
sol, sans s'être assuré, comme lors des deux essais précédents, que M. X... avait refermé le
bidon d'où provenait ledit carburant et l'avait reposé sur l'étagère ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que M. Jean-Philippe Y..., préposé de la société
Placo sud, avait excédé les limites de la mission qui lui avait été confiée, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale ».

3. La relation entre le commettant et le préposé

Section 2 : Les responsabilités jurisprudentielles du fait d’autrui

73
§1 : La responsabilité des personnes organisant et contrôlant le mode de vie d’autrui

- Cass. ass. Plén., 29 mars 1991, n° 89-15231 : « Qu'en l'état de ces constatations, d'où il
résulte que l'association avait accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre
permanent, le mode de vie de ce handicapé, la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'elle
devait répondre de celui-ci au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, et qu'elle était
tenue de réparer les dommages qu'il avait causés ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ».

A) Les conditions de la responsabilité des personnes organisant et contrôlant le mode de


vie d’autrui

1) Un rapport d’autorité juridique

- Cass. civ. 2ème, 6 juin 2002, n° 00-12014 : « Mais attendu qu'une association chargée par
décision d'un juge des enfants d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie
d'un mineur demeure, en application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, responsable
de plein droit du fait dommageable commis par ce mineur, même lorsque celui-ci habite avec
ses parents, dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission
éducative.
Et attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, relève que l'enfant Mickaël Y...
avait été confié par décision du juge des enfants à l'Association, laquelle avait accepté
d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de ce mineur ; que si, en vertu de
la décision du juge, Mickaël Y... avait pu séjourner au domicile de ses parents à compter du
28 juillet 1995, il ressortait néanmoins d'une lettre du directeur du centre de placement du 29
août 1995 adressée aux époux Y... que le jeune Mickaël était toujours sous la tutelle de cet
établissement puisqu'un rendez-vous était fixé à l'occasion de la rentrée scolaire pour
déterminer le choix de formation professionnelle de cet adolescent ; que par ailleurs,
l'Association ne soutenait pas que le placement de Mickaël Y... avait été interrompu ou
suspendu par une autre décision judiciaire ; que de ces constatations et énonciations,
desquelles il résulte que la garde juridique du mineur en danger n'avait pas été rendue aux
parents, la cour d'appel a déduit à bon droit que l'Association était responsable ».

- Cass. civ. 2ème, 18 septembre 1996, n° 94-20580 : « Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, qui
a mis hors de cause les père et mère, d'avoir rejeté la demande subsidiaire à l'encontre de la

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grand-mère et de la tante de l'enfant, ainsi que de leur assureur, alors, selon le moyen, que,
d'une part, on est responsable du dommage causé par le fait des personnes dont on doit
répondre ; que la grand-mère et la tante qui hébergent un enfant pendant les vacances
scolaires en un lieu éloigné du domicile de ses parents doivent répondre de celui-ci ; qu'en
ayant énoncé que la responsabilité de la grand-mère et de la tante ne pouvait être recherchée
sur le fondement de l'article 1384 du Code civil la cour d'appel aurait violé, par refus
d'application, le premier alinéa de ce texte ; que, d'autre part, les motifs surabondants de
l'arrêt selon lesquels la grand-mère et la tante n'auraient commis aucune faute au sens de
l'article 1382 du Code civil en laissant l'enfant circuler à bicyclette sont inopérants, la cour
d'appel devant seulement rechercher si le fait que l'enfant avait causé un accident
n'établissait pas par lui-même un manquement à l'obligation de surveillance dont elles étaient
tenues, d'où un manque de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que la responsabilité édictée par l'article
1384, alinéa 4, du Code civil ne s'applique qu'aux père et mère l'arrêt retient qu'aucune faute
n'est établie envers la grand-mère et la tante de l'enfant ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, alors que les conditions d'application de
l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil n'étaient pas réunies, l'arrêt a légalement justifié sa
décision ».

- Cass. civ. 2ème, 19 juin 2008, n° 07-12533 : « Mais attendu que l'arrêt, par motifs propres et
adoptés, après avoir constaté que l'AVVEJ ne s'était vu confier qu'une mesure d'action
éducative en milieu ouvert, dont l'objet est d'apporter aide et conseil à la famille et de suivre
le développement de l'enfant, énonce qu'une telle mesure n'est pas de nature à transférer à
l'association tout ou partie de l'autorité parentale (…).
Que de ces seules constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que
l'AVVEJ, qui n'était pas investie de la charge d'organiser, de diriger et de contrôler à titre
permanent le mode de vie de ce mineur, ne pouvait être déclarée responsable des dommages
causés par celui-ci ».

- Cass. civ. 1ère, 15 décembre 2011, n° 10-25740 : « Marcel Y..., auteur des coups mortels,
étant hébergé à la maison de retraite Les Opalines en vertu d'un contrat, la cour d'appel a
retenu à bon droit que cette dernière ne pouvait être considérée comme responsable, au titre
de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, des dommages causés par lui ».

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- Cass. civ. 2ème, 20 janvier 2000, n° 98-17005 : La Cour d’appel avait décidé « qu'il s'est
constitué un contrat entre le foyer et les parents de X... du fait du placement et que le principe
du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle interdit d'appliquer la
responsabilité de plein droit de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, pour les dommages
causés par un pensionnaire à un autre pensionnaire ».
Il y a cassation : « Attendu que la personne physique ou morale à qui le juge des enfants
confie la garde d'un mineur en danger en application des articles 375 et suivants du Code
civil, ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler le mode de vie du mineur, est
responsable des dommages qu'il cause à cette occasion, y compris aux autres enfants placés
dans l'établissement ».

- Cass. civ. 2ème, 12 mai 2005, n° 03-17994 : « Mais attendu que, par motifs propres et
adoptés, l'arrêt retient qu'il est hors de contestation que l'association Clair Soleil avait en
charge les victimes en dehors de toute décision de l'autorité publique ;
que les mineurs, tant Hassen X... que les victimes, ont été confiés à l'Institut Les Collines,
après décision d'orientation de la commission de l'éducation spéciale instaurée par la loi du
30 juin 1975, à la demande de leurs représentants légaux qui, après avoir eu connaissance du
fonctionnement de l'établissement et de ses objectifs, ont sollicité l'admission de leur enfant ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la
responsabilité de l'association ne pouvait être recherchée que sur le fondement de l'article
1147 du Code civil ».

2) Un fait générateur de responsabilité de l’auteur du dommage

B) Les causes d’exonération

- Cass. civ. 2ème, 6 juin 2002, n° 00-12014 : « Mais attendu qu'une association chargée par
décision d'un juge des enfants d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie
d'un mineur demeure, en application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, responsable
de plein droit du fait dommageable commis par ce mineur, même lorsque celui-ci habite avec
ses parents, dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission
éducative.

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§2 : La responsabilité des personnes organisant, dirigeant et contrôlant l’activité
d’autrui

- Cass. civ. 2ème, 22 mai 1995, n° 92-21197 : « les associations sportives ayant pour mission
d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions
sportives auxquelles ils participent sont responsables, au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du
Code civil, des dommages qu'ils causent à cette occasion ». V. aussi, du même jour, n° 92-
21871.

A) Les conditions de la responsabilité des personnes organisant, dirigeant et contrôlant


l’activité d’autrui

- Cass. civ. 2ème, 21 octobre 2004, n° 03-17910 : « Attendu selon ce texte, que les
associations sportives, ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de
leurs membres, sont responsables des dommages qu'ils causent à cette occasion, dès lors
qu'une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à l'un de ses
membres, même non identifié ».

- Cass. ass. plén. 29 juin 2007, n° 06-18141 : « les associations sportives ayant pour mission
d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres, sont responsables des
dommages qu'ils causent à cette occasion, dès lors qu'une faute caractérisée par une
violation des règles du jeu est imputable à un ou plusieurs de leurs membres, même non
identifiés ».

B) Le domaine d’application de la responsabilité des personnes organisant, dirigeant et


contrôlant l’activité d’autrui

- Cass. civ. 2ème, 12 décembre 2002, n° 00-13553 : « Mais attendu que l'arrêt, confirmatif sur
ce point, relève, par motifs propres et adoptés, que le dommage a été causé par un membre
de l'association, à l'occasion du défilé de majorettes organisée par celle-ci, laquelle avait
pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de ses membres au cours du
défilé ;
Que par ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu, sans avoir à tenir compte de
la dangerosité potentielle de l'activité exercée par un des membres de l'association, décider

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que celle-ci était tenue de plein droit de réparer, avec son assureur, le préjudice résultant du
fait dommageable commis par l'un de ses membres à l'occasion de la manifestation qu'elle
avait organisée ».

- Cass. civ. 2ème, 11 septembre 2008, n° 07-15842 : « Mais attendu qu'aux termes de l'article
L. 222-2 du code rural alors applicable, "les associations communales ou intercommunales
de chasse agréées ont pour but de favoriser sur leur territoire le développement du gibier et
la destruction des animaux nuisibles, la répression du braconnage, l'éducation cynégétique
de leurs membres dans le respect des propriétés et des récoltes, et, en général, d'assurer une
meilleure organisation technique de la chasse pour permettre aux chasseurs un meilleur
exercice de ce sport" ; qu'il en résulte que les associations de chasse n'ont pas pour mission
d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres et n'ont donc pas à
répondre de ceux-ci ».

- Cass. civ. 2ème, 26 octobre 2006, n° 04-11665 : « Mais attendu qu'un syndicat n'ayant ni
pour objet ni pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de ses adhérents
au cours de mouvements ou manifestations auxquels ces derniers participent, les fautes
commises personnellement par ceux-ci n'engagent pas la responsabilité de plein droit du
syndicat auquel ils appartiennent ;
Et attendu que le tribunal d'instance, ayant constaté que des membres de syndicats adhérents
de la FNSEA avaient dégradé les abords d'un supermarché au cours de la manifestation, a
dès lors décidé à bon droit que la FNSEA ne pouvait être déclarée responsable de plein droit,
sur le fondement du premier alinéa de l'article 1384 du code civil, des fautes de ses
membres ».

- Cass. mixte, 30 novembre 2018, n° 17-16047 : « Mais attendu que l'arrêt retient que le
président du syndicat est celui qui, par la teneur de ses propos, a pris en charge
l'organisation logistique des opérations et donné les instructions d'organisation de la
manifestation à tous les participants présents au rassemblement ; qu'il a donné dans ce cadre
les directives "pour garer et ranger les pneus chez Lactalis" ; qu'il a, ensuite, fixé un nouveau
rendez-vous aux manifestants à un rond-point d'où ils sont alors partis vers l'usine et qu'il
était sur place lorsque ces pneus ont été embrasés ;
Que la cour d'appel ayant fait ressortir la participation effective du syndicat aux actes
illicites commis à l'occasion de la manifestation en cause, il en résulte que l'action du

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syndicat constituait une complicité par provocation au sens de l'article 121-7 du code pénal,
de sorte que se trouvait caractérisée une faute de nature à engager sa responsabilité sur le
fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, sans que puisse être invoqué le
bénéfice de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 ».

§3 : Un principe général de responsabilité du fait d’autrui ?

- Article 1242, al. 1er, du code civil : « On est responsable non seulement du dommage que
l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes
dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

Conclusion générale

- Article 1266-1 de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile (mars 2017) :


« En matière extracontractuelle, lorsque l’auteur du dommage a délibérément commis une
faute en vue d'obtenir un gain ou une économie, le juge peut le condamner, à la demande de
la victime ou du ministère public et par une décision spécialement motivée, au paiement
d’une amende civile.
Cette amende est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives
de l'auteur et aux profits qu'il en aura retirés.
L’amende ne peut être supérieure au décuple du montant du profit réalisé.
Si le responsable est une personne morale, l’amende peut être portée à 5 % du montant du
chiffre d'affaires hors taxes le plus élevé réalisé en France au cours d'un des exercices clos
depuis l'exercice précédant celui au cours duquel la faute a été commise.
Cette amende est affectée au financement d’un fonds d’indemnisation en lien avec la nature
du dommage subi ou, à défaut, au Trésor public.
Elle n’est pas assurable ».

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