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DROIT CIVIL S4 : droit de la

responsabilité civile

PARTIE 1 : LA RESPONSABILITE CIVILE

Introduction :

Section 1 : la notion de responsabilité civile

Le mot responsabilité vient du latin respondere, qui veut dire répondre, c’est l’obligation de répondre
de ses actes, ou dans certains cas les actes d’autrui. C’est un gage d’humanité (« Être homme c’est être
responsable » A. de St Exupéry). Au sens juridique la responsabilité civile est l’obligation mise par la loi, à la
charge d’une personne, de réparer le dommage subi par une autre. La responsabilité se traduit donc
par une dette de réparation qui pèse sur l’auteur du dommage au profit de la victime. La responsabilité
civile poursuit une fonction de réparation. Les affaires de responsabilité civile sont parmi les plus nombreuses
que juge les tribunaux.

La responsabilité civile joue un rôle important, elle pose des règles de conduites, nécessaire à la vie en
société. Elle permettra de sanctionner les imprudences, les ingérences, et par là joue un rôle de prévention, de
dissuasion des comportements à risque.

Section 2 : La distinction de la responsabilité civile et de la responsabilité


pénale

La responsabilité pénale sanctionne (fonction de répression) le trouble causé à l’ordre public, à l’intérêt
public. Alors que la responsabilité civile répare (fonction de réparation) le trouble personnel de la victime et
l’atteinte à ses intérêts privés. Dans la responsabilité pénale l’amende va au Trésor public, au contraire en
responsabilité civile les dommage et intérêt sont versés à la victime.

Autrefois la distinction n’existait pas, et la vengeance privée avait à la fois le but de réparer et de punir.
Progressivement on a séparé la peine imposé par l’autorité publique et la réparation dû à la victime.

Certains faits ne constituent que des infractions pénales, et ne sont pas sources de responsabilité civile.
Par exemple les contravention au code de la route en l’absence de dommage. A l’inverse certains faits ne
constituent que des fautes civiles car le délit pénale suppose un élément intentionnel et implique un
discernement, ce qui n’est pas le cas de la faute civile. Certains faits sont à la fois des infractions pénales et
des fautes sources de responsabilité civile (ex : les blessures par imprudences, le vol, l’homicide). Dans ce cas
deux actions sont ouvertes :

® une action pénale qui tend au prononcé d’une peine


® une action civile qui tend à réparer la faute

La loi 10 juillet 2000 a posé un principe de dualité des fautes civiles et pénales non intentionnelles. Si le
juge pénale ne retient pas l’existence d’une infraction pénale non-intentionnelle, errant une décision de relaxe,

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cela n’empêche pas le juge civile de retenir une faute civile d’imprudence pour les mêmes faits, afin de permettre
d’indemnisation de la victime. Article 4-1 du code de la procédure pénale & 1241 Code Civil.

Section 3 : La distinction de la responsabilité civile et de la responsabilité


délictuelle

Paragraphe 1 : Le principe de distinction

Il existe deux types de responsabilité en droit civile :

® La responsabilité contractuel qui résulte de l’inexécution d’un contrat


® La responsabilité extracontractuelle ou délictuelle lorsque le dommage ne résulte pas de l’inexécution
d’un contrat liant l’auteur et la victime
Ces deux responsabilité impose une obligation de réparation, mais elles se distinguent par leurs domaines et
leurs régimes. Au niveau du régime elles supposent toutes les deux l’existence d’un dommage, d’une faute et
d’un lien de causalité, mais la notion de faute contractuelle se distingue de la notion de faute délictuelle. La
faute délictuelle se définie comme une erreur de conduite, et la plupart des règles de conduites ont une portées
générales. Alors que l’obligation contractuelle a une portée individuelle & relative. La faute contractuelle
contrairement à la faute délictuelle s’apprécie par référence aux obligations de moyen et de résultat. Lorsque
l’obligation est une obligation de résultat le débiteur engage sa responsabilité du seul fait que le résultat n’est
pas atteint. Elle ne laisse aucune place à l’appréciation de la conduite du débiteur. Cela est très différent de la
faute délictuelle dans lequel on apprécie la conduite. L’appréciation des deux fautes est assez différente.

Il existe une autre différence entre responsabilité contractuel et extracontractuel, puisqu’une mise en demeure
est exigée en matière contractuel seulement (art 1231 C.civ).

Les deux responsabilités se distinguent du point de vue de la compétence territoriale. En matière contractuelle
le débiteur peut saisir le tribunal du lieu de livraison de la chose. En matière délictuelle la victime du préjudice
peut saisir le tribunal du lieu du fait dommageable. En matière contractuelle, l’art 1231-3 limite la réparation au
dommage prévisible au moment du contrat. Ce texte exclu l’indemnisation du dommage imprévisible. En
matière contractuelle la réparation peut être partielle alors qu’elle peut être intégrale en matière
extracontractuelle.

Les responsabilités contractuelle et extracontractuelle se distingue aussi car les clauses limitatives ou
exonératoires de responsabilité, sont en principe valable en matière contractuelle, alors qu’elles sont frappées
de nullité en matière extracontractuelles. Il existe toutefois des exceptions, car même en matière contractuelle
ces clauses sont prohibées ente professionnels et consommateurs, car considérés comme abusive. Elles sont
aussi privées d’effet en cas de faute intentionnelle, ou en cas de manquement à une obligation essentielle (art
1170 C.civ).

En matière délictuelle la nullité de ces clauses est générale. La cour de cassation a affirmé que la responsabilité
délictuelle est d’ordre publique et ne peut pas être limité par convention. Les projets de réformes pourraient
admettre la validité des clauses limitative de réparation aussi bien en matière contractuelle qu’en matière
extracontractuelle. Les projets de réformes admettent la validité de ces clauses seulement dans les
responsabilités délictuelles sans faute et seulement pour les dommages matériels. Il existe des éléments de
rapprochement entre la responsabilité contractuel et extracontractuel. Il existe des régime spéciaux de
réparation qui n’applique pas la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle (en matière d’accident
de la circulation, produit défectueux). Loi du 19 mai 1998 relative au produit défectueux, et loi du 5 juillet
1985 sur les accidents de la circulation applique le même régime d’indemnisation à toute les victimes, qu’il
y est contrat ou pas. On constate un rapprochement des responsabilité contractuelle et délictuelle en matière
de prescription. Avant 2008, le délai de prescription était de 30 ans en matière contractuelle et 10 ans en matière
extracontractuelle, mais depuis la réforme du 17 juin 2008 l’article 2224 du C.civ prévoit un délai unique de
5 ans pour toutes les actions personnelle ou mobilière. L’article 2226 du C.civ prévoit un délai de 10 ans pour
la réparation du dommage corporel.

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Paragraphe 2 : Les conséquences de la distinction : le principe de non-cumul
des responsabilités contractuelle et délictuelle

Ce principe signifie que si les conditions de la responsabilité contractuelle sont réunies il faut
impérativement l’appliquer, et la victime du dommage ne peut pas agir sur le fondement de la responsabilité
délictuelle. C’est donc un principe de non-option, elle n’a pas le choix. Ce principe a été posé par la
jurisprudence, la Cour de cassation énonce, dans un arrêt du 11 janvier 1989 : « le créancier d’une obligation
contractuelle ne peut pas se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quant bien même il y aurait intérêt,
des règles de la responsabilité délictuelle ». Dans certains cas la victime d’une inexécution contractuelle pourrait
avoir intérêt à agir sur un fondement délictuel, notamment pour des raisons de preuves. La victime ne peut pas
opter selon son intérêt entre l’action contractuelle et délictuelle. Cela est le cas même en cas de dommage
corporel. Un arrêt de la cour de cassation du 28 juin 2012 a rappelé ce principe, en décidant que l’accident
dont est victime un enfant qui fait l’usage de l’air de jeux d’un restaurant réservé à la clientèle, relève de la
responsabilité contractuelle.

Le principe de non-cumul des responsabilités s’oppose à ce que la victime opte pour la voie
délictuelle, lorsque son action contractuelle ne peut plus aboutir. Soit en raison d’une clauses exonératoire
de responsabilité, soit parce qu’il n’y a pas eu mise en demeure, soit parce que le dommage contractuel était
imprévisible.

Le but de ce principe est d’éviter que les règles relative à la responsabilité contractuelle soit privée de
toute portée. Il a pour but de respecter l’économie du contrat, et les prévisions des parties. Les projets de
réforme de la responsabilité civile consacrent le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et
extracontractuelle à l’art 1233. Mais il prévoit une importante dérogation, puisque la proposition de loi du 29
juillet 2020 prévoit que la victime d’un dommage corporel résultant de l’inexécution d’un contrat dispose d’une
option entre la responsabilité contractuelle et extracontractuelle.

Section 4 : Les fondements de la responsabilité civile délictuelle

Rechercher le fondement de la responsabilité civile conduit à se demander pourquoi l’auteur du


dommage est tenu de le réparer ?

® Parce qu’il a commis une faute


® Parce qu’il a créé un risque pour autrui
® Parce qu’il doit garantir la victime contre les atteintes qui lui ont portées, même s’il n’a pas commis de
faute. Ce serait alors la gravité de l’atteinte portée à la victime qui fonderai la réparation, et non plus le
comportement du responsable.

Paragraphe 1 : La faute

La faute est le fondement le plus classique de la responsabilité civile. C’était le seul dans le Code civil
de 1804. Dans le code civil de 1804 la victime d’un dommage qui souhaite en tenir réparation doit
obligatoirement en trouver une faute. Et si le dommage est dû au hasard (accidentel) alors aucune réparation
en peut être obtenu. Le dommage reste alors à la charge de la victime ce qui peut paraître injuste.

A l’époque du Code civil de 1804 la France était un pays rural et les risques accidentels étaient plus
rare qu’aujourd’hui. Par la suite avec la Révolution industriel et le développement de la circulation automobile,
les accident se sont multiplié et la responsabilité pour faute est devenu insuffisante. Ex une machine explose
sans qu’on puisse prouver une faute de l’employeur. Dans cette hypothèse exigé la preuve d’une faute revient
à dénier aux victimes tout droit de réparation, puisqu’elles ne peuvent pas prouver. Un autre fondement de la
responsabilité civile a alors été imaginé, celui du risque.

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Paragraphe 2 : Le risque

La théorie du risque créé a été développé par Saleilles, et par Josserand au XIXéme siècle. Cette
théorie conduit à faire peser la réparation du dommage subi par la victime sur celui qui a créé le risque. Ainsi
la personne qui créé un risque par son activité doit en assumer les conséquences dommageable même si elle
n’a pas connu de faute. La théorie du risque profit a également été développé par Josserand. Celui qui profite
d’une chose ou d’une activité est responsable sans faute des dommages qu’elle cause.

La théorie du risque n’a pas été consacré en tant que telle mais a eu une certaine influence en droit
positif. Elle a inspiré la loi du 5 juillet 1985 qui admet que le conducteur d’un véhicule doit indemniser la victime
même s’il n’a pas commis de faute, en raison du risque créé par la circulation automobile. La loi du 19 mai
1998, admet que le fabriquant d’un produit défectueux est responsable même s’il n’a pas commis de faute, c’est
le risque créé par la mise en circulation du produit qui fonde cette responsabilité.

Paragraphe 3 : La garantie

Idée développé par B.Starck en 1947, selon laquelle on reproche aux théories de la faute et du risque
de rechercher le fondement de la responsabilité en se plaçant seulement du côté de l’auteur du dommage et
non du côté de la victime : renversement de perspective, c’est le type de dommage qui va justifier la réparation.
Il propose que l’on aborde le problème de la responsabilité civile du point de vue de la victime qui a un droit à
la sécurité et un droit à être garantie face aux atteintes qui lui sont portées, ce droit de garantie varierait en
fonction du type de dommage.

Certaines lois proposent comme le préconisait Starck de prendre en considération les différents types
de dommage et non plus les faits dommageables pour déterminer le régime d’indemnisation : loi de 1985 sur
les accidents de la circulation prévoit un régime différent pour les dommages matériels et pour les dommages
corporels. Même si la théorie du risque et de la garantie n’ont pas été consacré en tant que tels, aujourd’hui la
responsabilité civile ne peut plus être fondée sur un principe unique de faute comme en 1804.

Section 5 : Les évolutions de la responsabilité civile délictuelle

Paragraphe 1 : Le renouvellement de ses fonctions

Sa principale fonction est la fonction réparatrice, mais à côté de cette fonction principale, elle joue
parfois indirectement d’autres rôles.

A. La fonction préventive
Elle a toujours rempli une fonction préventive liée à sa fonction réparatrice, en prévoyant que l’auteur
du préjudice devra réparer les conséquences de ses actes, la responsabilité invite à la prudence. Certains
auteurs, défenseurs d’un principe de précaution souhaiteraient que ce rôle préventif soit accru, afin que la
responsabilité civile puisse anticiper les dangers et non plus seulement réparer les dommages réalisés.

Pour ces auteurs, le principe de précaution serait l’ultime étape d’une responsabilité pour risque et le
risque deviendrait en lui-même un facteur de responsabilité même lorsqu’il est inconnu.

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Le propre du principe de précaution est de prendre en compte des risques incertains/inconnus qui ne
peuvent même pas être calculés. Donc d’autres auteurs considèrent au contraire que la RC n’est pas
l’instrument adéquat pour la prévention des dommages incertains.

Étendre la responsabilité civile à une fonction d’anticipation du dommage reviendrait à écarter deux
conditions de la responsabilité civile : le dommage et le lien de causalité : donc cette fonction préventive n’est
pas consacrée par le droit positif. La JP n’admet pas que le risque incertain/inconnu contrairement au dommage
puisse être source de responsabilité.

Aujourd’hui, le principe de précaution ne constitue pas une règle de responsabilité civile applicable à
une personne privée mais il s’impose au pouvoir public et il est consacré par l’article 5 de la Charte de
l’Environnement.

B. La fonction punitive
La responsabilité civile n’a pas objectif de punir. La meilleure preuve est que la réparation sera toujours
identique quelle que soit la gravité de la faute. La fonction punitive de la responsabilité civile est néanmoins
sous-jacente à sa fonction réparatrice car en réparant le préjudice, elle sanctionne aussi indirectement l’auteur
de la faute.

En outre, s’il y a plusieurs coauteurs, la victime peut demander réparation de l’intégralité de son
dommage à n’importe lequel des coauteurs, mais celui qui l’indemnise dispose d’un recours contre les
coauteurs. Le partage entre eux de la réparation se fera en fonction de la gravité des fautes respectives.

Certains auteurs défendent l’idée qu’il faudrait introduire en droit français des dommages et intérêts
punitifs qui pourraient être utiles en cas de faute lucrative afin de confisquer le profit illicite : il serait nécessaire
que le juge en plus des dommages et intérêts compensatoires qui compensent le préjudice puissent condamner
le fautif au versement d’une somme d’argent supplémentaire.

La faute lucrative est une faute que l’auteur a intérêt à commettre car il tire de l’activité dommageable
un profit supérieur aux condamnations encourues.

Le projet prévoit une amende civile qui serait plafonnée en cas de faute délibérée permettant la
réalisation d’un profit (article 1266 indice 1 du projet) : versée au trésor public ou un fond d’indemnisation pour
éviter l’enrichissement de la victime.

Paragraphe 2 : Le développement des responsabilités objectives et des


systèmes d’indemnisation détachés de la responsabilité

Il y a de plus en plus de responsabilités objectives (qui ne sont pas fondées sur la faute). A l’époque du
Code Civil de 1804, la RC était fondée essentiellement sur la faute, c’est une responsabilité dite « subjective »
car c’est le comportement fautif du sujet de l’auteur du dommage qui justifie son obligation d’indemnisation.

Postérieurement au Code Civil de 1804, beaucoup de responsabilités objectives ont été consacré pour
faciliter l’indemnisation de la victime. En 1996, la JP a généralisé la responsabilité du fait des choses qui est
une responsabilité objective qui ne nécessite pas de prouver une faute du responsable mais des critères
objectifs (chose, rôle actif de la chose, gardien de la chose…). Cette responsabilité est plus avantageuse pour
la victime car elle est plus facile à mettre en œuvre et plus difficile à écarter pour le responsable.

D’autres responsabilités objectives ont été consacré par le législateur, par exemple la loi du 5 juillet
1985 a prévu que le conducteur d’un véhicule automobile doit indemniser la victime de l’accident même s’il n’a
pas commis de faute.

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A l’époque contemporaine, la responsabilité pour faute est concurrencée par d’autres responsabilités
civiles objectives, c’est-à-dire sans faute mais c’est aussi la RC elle-même qui est concurrencée par d’autres
systèmes d’indemnisation qui ne reposent plus sur la RC.

On assiste à une multiplication des fonds d’indemnisation qui marquent un déclin des responsabilités
individuelles, ce n’est plus une personne qui est responsable individuellement, mais c’est un fonds
d’indemnisation financé par tous les citoyens (une bonne partie) qui prendra en charge la réparation du
dommage.

® Il existe de plus en plus de fonds de garantie, par exemple en cas d’accident de la circulation, il existe
un fonds de garantie financé par les cotisations des assureurs et des assurés, il assure la réparation
des dommages lorsque le responsable est inconnu ou insolvable.

® Il existe aussi un fonds de garantie pour les victimes d’actes terroristes, de l’amiante, et pour les
victimes d’infraction dont l’auteur est inconnu ou insolvable.

® Il existe aussi l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) qui prend en charge
les dommages médicaux accidentels qui ne sont pas dus aux personnels.

® Il existe aussi le Fonds d’Indemnisation pour les Dommages dus à la Pollution par Hydrocarbures
(FIDPH).

Aujourd’hui la RC n’est plus la seule technique d’indemnisation même si elle reste essentielle.

Paragraphe 3 : La nécessité des réformes

Le premier pilier du droit des obligations qu’est le contrat, est réformé mais la réforme ne sera pas
complète tant que le second pilier qu’est la responsabilité ne le sera pas également. De nombreux auteurs
qualifient le droit de la RC, de droit en crise. Ce droit fait l’objet de critiques du fait de la multiplication des
régimes spéciaux, de ses lacunes et surtout de ses incohérences.

Les textes du Code Civil relatifs à la responsabilité délictuelle en outre, n’ont pas été retouché depuis
1804, et certains sont inadaptés.

Exemple : article 1242 alinéa 5 évoque encore les maitres et domestiques.

C’est la JP qui a forgé la plupart des règles, et il y a donc un décalage considérable entre la relative
stabilité des textes et l’ampleur des changements réels ce qui ne contribue pas à la sécurité et la lisibilité du
droit.

Aujourd’hui, ce droit est essentiellement d’origine JP et il est instable, parfois même incohérent, par
exemple les parents répondent plus sévèrement des dommages causés par autrui que les employeurs ou les
associations professionnelles.

Notre droit se caractérise par une faveur sans cesse grandissante pour les victimes, selon un auteur
l’idéologie de la réparation l’emporte aujourd’hui sur la responsabilité civile, le problème c’est que cela entraine
aussi l’augmentation des cotisations d’assurance.

Selon un auteur, « L’idéologie de la réparation l’emporte sur la responsabilité civile », cette progression
est liée au développement des assurances. Pour favoriser la réparation, la JP va parfois méconnaitre les
conditions de la responsabilité ou elle va déformer les concepts (arrêt 10/06/2001 a décidé que la responsabilité
des parents n’est plus subordonnée à une faute de l’enfant : ne repose plus sur un fait générateur). Il y a une
dénaturation de la responsabilité qui est transformée en un mécanisme de garantie des dommages accidentels.

Face à cette crise de la RC, plusieurs projets de réforme ont été proposé :

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® D’abord un avant-projet de réforme du DO rédigé en 2005 sous la direction du professeur CATALA ;

® Ensuite, un autre projet de réforme concurrent, a été élaboré en 2011 sous la direction du professeur
TERRÉ, ce projet est en rupture avec le droit positif, encore plus que le projet Catala car il tend à
restreindre la réparation de certains dommages. Le droit français ne limite pas le type de dommage
réparable, or le risque à trop vouloir réparer, est de réparer moins bien.
o Le projet TERRÉ propose donc une hiérarchisation des dommages réparables et un traitement
plus favorable pour les dommages corporels.

® A la suite de l’ordonnance du 10 février 2016 qui a réformé le droit des contrats, un projet de loi
réformant la RC a été rendu public le 13 mars 2017, le droit de la RC devrait être réformé dans un
avenir proche, mais pour l’instant ce n’est pas la priorité.

TITRE 1 : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE


CIVILE DELICTUELLE

Pour que la RC d’une personne soit engagée, il faut toujours qu’un dommage ait été subi et qu’il se
trouve en relation de causalité avec un fait générateur. C’est ce qu’énonce l’article 1240 du Code Civil (ancien
article 1382 du Code Civil) : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par
la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Il faut donc trois conditions : un dommage, un fait générateur (par exemple une faute, le fait d’une chose…)
ainsi qu’un lien de causalité.

Le dommage et le lien de causalité sont des éléments communs à tous les régimes de responsabilité.
Au contraire, le fait générateur varie d’une responsabilité à l’autre, c’est tantôt une faute, ou tantôt le fait d’une
chose.

Sous-titre 1 : Le dommage
Le dommage, c’est l’atteinte subie par la victime soit dans son corps ou ses biens. Dans le langage courant, on
considère que les notions de dommage et de préjudice sont synonymes, mais il existe une nuance entre les
deux qui est assez subtile :
® Le dommage est la lésion subie
® Le préjudice est la conséquence juridique de cette lésion, c’est-à-dire ce qui est porté devant le juge

Le dommage désigne le fait matériel de porter atteinte à la victime, alors que le préjudice se sont les
conséquences patrimoniales ou extrapatrimoniale de cette atteinte. Le préjudice, c’est la traduction juridique du
dommage.
Par exemple, le dommage corporel constitue une atteinte à l’intégrité physique qui va engendrer des
préjudices patrimoniaux (exemple : frais médicaux) et des préjudices extrapatrimoniaux (exemple : la
souffrance endurée).

Le dommage, est l’une des trois conditions de la RC et il se traduit juridiquement par un préjudice
réparable, cette notion de préjudice est consacrée par le projet de réforme à l’article 1235.

Si la RP peut parfois être mise en œuvre sans qu’un préjudice ne se réalise, au contraire en responsabilité
civile, sans dommage il n’y a pas de responsabilité civile. Aussi grave soit elle, une faute non dommageable
pour autrui ne peut pas être civilement sanctionnée.

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Section 1 : La nature du dommage

Paragraphe 1 : Le dommage corporel

C’est toute atteinte à la personne, à la vie ou à l’intégrité physique. Mais le dommage corporel en réalité
recoupe les deux autres catégories de dommages (matériel et moral) car il comprend tantôt des éléments
matériels, tantôt des éléments moraux comme le préjudice esthétique.
Il engendre à la fois les préjudices patrimoniaux et des préjudices extrapatrimoniaux ou moraux qui
seront réparés en tant que tel et non pas en tant que dommages corporels.

Paragraphe 2 : Le dommage matériel

On peut dire que c’est toute atteinte à un intérêt patrimonial, c’est celui qui est directement susceptible
d’évaluation pécuniaire, il peut prendre deux formes :

® Il constitue soit une perte subie : peut être définie comme un appauvrissement, elle peut résulter d’une
atteinte à un bien, elle peut aussi résulter d’une atteinte à la personne ;

® Soit un manque à gagner : il se définie comme la privation d’un enrichissement certain, c’est le gain qui
n’est pas obtenu.
o Exemple : la perte de salaire consécutive liée à une incapacité de travail.

Paragraphe 3 : Le dommage moral

C’est la catégorie la plus vaste, c’est difficile de le définir donc on le défini négativement, c’est celui qui
ne porte pas atteinte au patrimoine, c’est toute atteinte à un intérêt extrapatrimonial « c’est le dommage qui
touche l’être et non pas l’avoir ». Pendant très longtemps, on a dit que tout ce qui était moral ne devait pas être
réparé.

Sa réparation a été pendant longtemps controversée, certains auteurs considéraient que l’on ne pouvait
pas réparer une souffrance morale par le versement d’une somme d’argent.
« La douleur n’a pas de prix », écrivait un auteur du nom de RIPERT en 1948, l’argent ne peut donc pas effacer
la douleur.

Cet argument de l’imperfection de la réparation vaut également pour certains préjudices matériels. La
réparation en argent est aussi inadéquate en cas de destruction d’un bien irremplaçable.
En outre, on ne peut pas sous prétexte de l’imperfection de la réparation, stigmatiser les victimes de
dommages moraux en les traitant moins bien que les victimes d’un dommage matériels. Donc la réparation du
dommage moral a été admise dès le 19 siècle. Donc aujourd’hui, on admet très largement l’indemnisation de
ce préjudice. Le dommage moral peut prendre des formes variées :
® Il peut être la conséquence d’une atteinte aux droits de la personnalité (exemple : atteinte à la vie
privée, à l’image, au nom, à l’honneur…)
® Il peut être la conséquence d’une atteinte physique/corporelle, il peut prendre alors plusieurs formes :

o Préjudice de souffrance (PRETIUM DOLORIS : prix de la douleur) : ce sont les souffrances


physiques et psychiques et les troubles qui y sont associés
o Préjudice esthétique : c’est la douleur morale ressentie par la victime en raison des atteintes
portées à son aspect physique
o Préjudice d’agrément : c’est la souffrance morale due à la privation des activités sportives et
de loisirs qui ne peuvent plus être pratiquée ou dont la pratique doit être limitée :

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Avant la JP retenait une conception large du préjudice d’agrément : elle considérait qu’il incluait plus
largement la perte de qualité de vie ou la privation des agréments d’une vie normale : donc la victime n’avait
pas à justifier qu’elle se livrait avant l’accident à des activités particulières autres que celles de la vie courante.

Revirement : La Cour de Cassation par un arrêt du 28 mai 2009 : vise exclusivement la privation ou la
limitation d’une activité spéciale, la réparation du préjudice d’agrément vise exclusivement « l’indemnisation du
préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spéciale, sportive ou de loisir
qui était pratiquée avant l’accident.

Désormais, la victime doit justifier qu’elle pratiquait avant l’accident une activité sportive ou de loisir
spécifique.

Avec cet arrêt, la Cour de Cassation consacre la définition du préjudice d’agrément retenu par le rapport
DINTILHAC qui est un rapport élaboré par un groupe de travail en 2005 qui établit une nomenclature des
préjudices réparables.
Un arrêt de la 2nde chambre civile de la Cour de Cassation du 29/03/2018 a précisé que le préjudice
d’agrément inclus également la limitation d’une pratique antérieure même si la victime poursuit cette pratique.

Préjudice de déficit fonctionnel (défini par l’arrêt du 28/05/2009 mais aussi par le rapport Dintilhac) il y en a
deux :
® Déficit fonctionnel temporaire avant consolidation des lésions : quand les lésions ne sont pas encore
définitives : perte de qualité de vie temporaire pendant la maladie ou l’hospitalisation liée à la séparation
de la victime de son environnement familial ou social
® Déficit fonctionnel permanent après consolidation des lésions : quand les lésions sont devenues
définitives : perte de qualité de vie définitive liée à la perte d’autonomie et à l’atteinte aux fonctions
physiologiques pour la personne en situation d’handicap moteur.

Arrêt Cour de Cassation 28/05/2009 défini le DFP comme « les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte
de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles,
familiales, et sociales ». Le DFP a un double aspect : objectif (atteinte) et subjectif (trouble).

La JP a admis la réparation de tous les préjudices même si la victime est en état d’inconscience (le
coma) : arrêt Cour de Cassation du 22/02/1995 « L’état végétatif d’une personne n’exclue aucun chef
indemnitaire, son préjudice doit être réparé dans tous ses éléments ».
à Indemnisation du préjudice d’affection des proches de la victime, les préjudices matériels de la victime dans
le coma (frais médicaux, perte salaire…) mais aussi les préjudices esthétiques ou d’agrément.

Préjudice d’affection : préjudice moral subit par les proches ou les parents au sens large de la victime :
préjudice moral par ricochet, il est défini comme la douleur morale éprouvée par les proches en raison du décès
ou des souffrances de la victime directe.

S’il résulte le plus souvent d’une atteinte à l’intégrité physique, peut dans certains cas exceptionnels
résulter de la perte d’un animal : la JP a parfois indemnisé cette douleur liée à la perte de l’animal, elle l’a admis
pour la première fois dans un arrêt de la Cour de Cassation du 16/01/1962 au profit du propriétaire de son
cheval LUNUS.
Le projet de réforme de la responsabilité civile (Terré) a proposé de restreindre l’indemnisation de la perte d’un
animal : il faudrait que le préjudice/faute soit particulièrement grave.

Section 2 : Les caractères du dommage

Paragraphe 1 : Le caractère certain du dommage

Pour être réparable, le dommage doit être certain (réel) et non pas éventuel ou encore hypothétique :

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® Si le dommage est actuel, il s’est déjà produit et il est nécessairement certain
® Si le dommage est futur, il est réparable à condition d’être certain et inéluctable
® En revanche, le préjudice futur n’est pas réparable s’il est seulement hypothétique (dommage/risque).

Selon la JP, le dommage futur est réparable s’il est :


® La prolongation certaine et directe d’un état de chose actuel
® Susceptible d’évaluation immédiate.
Le projet de réforme reprend cette définition à l’article 1236.

Exemple : L’indemnité versée à la victime d’une incapacité de travail répare un dommage futur, certain. La
nomenclature Dintilhac comme la JP prévoit aussi l’indemnisation des dépenses de santé futures.

La JP admet aussi l’indemnisation de la perte d’une chance qui se distingue du dommage futur/certain :
elle est définie comme « la disparation certaine d’une éventualité favorable ». Cette éventualité favorable est
un avantage qui aurait pu être obtenu soit une perte qui aurait pu être évitée.

Exemple : La JP indemnise depuis assez longtemps, la perte d’une chance d’être reçu à un examen ou à un
concours pour un candidat victime d’un accident peu de temps avant. Mais la chance perdue doit être sérieuse
et les probabilités de succès seront évaluées en fonction des antécédents et du dossier de l’intéressé.

Exemple : La JP indemnise également la perte de chance de gagner un procès après une faute de l’avocat,
la JP indemnise aussi la perte de chance de guérison ou de survie après une faute d’un médecin, d’un chirurgien
et également la perte d’une chance de gagner pour un parieur qui a misé sur un cheval si le jockey a commis
une faute : arrêt 4 mai 1972.

Arrêt Cour de Cassation du 14 juin 2018 « Seul un fait ayant pour objet de porter atteinte sciemment atteinte à
l’aléa inhérent aux paries sportifs est de nature à engager la responsabilité du joueur à l’égard du parieur » :
seules les tricheries intentionnelles pourraient être retenues.

L’indemnisation de la perte de chance est soumise à certaines conditions :


® La chance perdue doit être en relation de cause à effet avec le fait générateur ;
® La chance perdue doit être certaine : la JP exige que la chance perdue soit réelle et sérieuse (elle doit
exister objectivement et elle doit être suffisamment probable mais aussi quantitativement importante) ;
® La chance perdue doit être raisonnable (arrêt 30/04/2014).

L’indemnisation de la perte de chance fait l’objet d’un régime particulier : dès lors que la chance perdue
dépendait d’un évènement aléatoire, il n’est pas possible de la réparer entièrement : donc la victime ne peut
pas obtenir la totalité de l’avantage espéré dès lors qu’il n’était pas certain.
à La JP n’indemnise pas la totalité du gain manqué mais seulement la chance perdue en fonction des
probabilités de succès.

La JP énonce : la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue, elle ne peut
être égale à l’avantage que la victime escomptait retirer de l’évènement auquel elle n’a pas pu participer.

Donc la perte de chance implique toujours un aléa qui la distingue du manque à gagner : la perte d’une chance
est un manque à gagner probable.

Paragraphe 2 : Le caractère direct du dommage

Pour être réparable, le dommage doit être direct : condition posée par l’article 1231-4 du Code Civil en
matière de responsabilité contractuelle, elle est transposable en matière délictuelle. Cette condition est aussi
posée par certains régimes spéciaux (loi 4 mars 2002 matière médicale), et elle est affirmée par la JP.

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Cette condition signifie que le dommage doit être la conséquence directe et immédiate de la faute ou
du fait générateur de responsabilité.

Il est fréquent qu’à la suite d’une seule faute, des dommages se produisent en cascade, or on ne peut
pas réparer toutes les conséquences dommageables de la faute sans limite : elles ne peuvent pas être toutes
mises à la charge de l’auteur du dommage.

Pour expliquer cela, POTIER donnait un exemple célèbre : un marchand de bestiaux a vendu à un
cultivateur une vache malade, celle-ci a contaminé toutes les vaches et les bœufs de la ferme qui sont tous
morts : donc le cultivateur a été ruiné : ses créanciers ont donc saisi tous ses biens : dommage en cascade. La
perte du troupeau est un préjudice direct mais la saisie des biens du cultivateur est un dommage indirect.

Paragraphe 3 : Le caractère légitime du dommage

Les juges ne réparent le préjudice que s’il est licite. Le projet de réforme de la RC défini le préjudice
comme « la lésion d’un intérêt licite patrimonial ou extrapatrimonial » (article 1235). C’est la traduction d’un
principe procédural, selon lequel il faut un intérêt légitime à toute action en justice (article 31 du CPC). La Cour
de Cassation a refusé à une salarié la réparation de son préjudice résultant de la perte de rémunération non-
déclarée : arrêt 24/01/2002.

Naissance :

En matière d’IVG, le problème de l’intérêt légitime s’est posé, la Cour de Cassation a considéré que la
naissance d’un enfant ne peut pas constituer pour sa mère un préjudice réparable même si elle est survenue
après une tentative d’IVG qui a échoué : arrêt 25/06/91+ la loi du 4 mars 2002 « nul ne peut se prévaloir d’un
préjudice du seul fait de sa naissance ».

Cette loi a été adopté à la suite de l’affaire Perruche : dans cette affaire, la rubéole avait été contracté
par une femme enceinte, et cette maladie est susceptible de provoquer des malformations chez la femme
enceinte, elle n’avait pas été décelée par le médecin dans le cas d’espèce à la suite d’une erreur de diagnostic :
l’enfant est né lourdement handicapé.

® La Cour de Cassation par un arrêt « Perruche » du 17 novembre 2000 admet que l’enfant peut
demander au médecin la réparation du préjudice résultant de son handicap causé par la faute médicale.
® Mais le préjudice n’était pas lié à la faute, il était lié à la maladie de la mère.
® Cet arrêt a été critiqué, car il n’existe aucun lien de causalité entre la faute du médecin et le handicap
de l’enfant : il est congénital, il est causé par la rubéole de la mère et non par une erreur de diagnostic.
® Le seul préjudice qui a été causé par la faute du médecin, c’est la naissance de l’enfant, mais il n’est
pas admissible du point de vue éthique de considérer le fait d’être né comme un préjudice réparable.

Cette JP a été condamné par la loi du 4/03/2002 qui a affirmé « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice
du seul fait de sa naissance ». La personne née avec un handicap pourra obtenir réparation de son préjudice
lorsque la faute du médecin aura provoqué ou aggravé le handicap. Les parents pourront aussi être indemnisés
lorsqu’une faute lourde du médecin a empêché de déceler le handicap.

Concubinage :

La légitime du préjudice a posé problème dans un autre problème, en matière de concubinage, pendant
longtemps la JP a considéré que la concubine n’avait pas d’intérêt légitime à obtenir réparation de son préjudice
matériel ou moral en cas de décès du concubin causé par la faute d’un tiers.
Mais la JP a opéré un revirement dans un arrêt de la Cour de Cassation du 27 février 1970 en admettant
l’indemnisation de la concubine.

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Paragraphe 4 : La spécificité du dommage par ricochet

Le dommage par ricochet, c’est le dommage personnel subit par les proches ou les parents (sens large)
de la victime immédiate : il peut être soit matériel soit moral.
Exemple : lorsqu’un père décède, ses proches peuvent subir la perte des revenus qui les faisaient vivre mais
aussi une souffrance morale.

Il y en a deux :
® Le dommage matériel par ricochet : perte des ressources qu’un proche obtenait antérieurement de celui
qui est décédé
® Le dommage moral par ricochet : préjudice d’affection, c’est la souffrance morale éprouvée par les
proches en raison soit du décès soit des souffrances de la victime directe.

Dans un premier temps, la JP a limité la réparation de ce préjudice à l’hypothèse où la victime directe


était décédée, mais depuis une décision du 22/10/1946, l’indemnisation du préjudice moral par ricochet est
admise même en cas d’accident n’ayant pas causé le décès de la victime directe : confirmé par l’arrêt de la
Chambre Criminelle du 9/02/1989.
NB : La 2ème Chambre Civile l’a admis bien avant 1989.

La JP exigeait aussi un lien de droit, c’est-à-dire un lien de parenté ou un lien d’alliance entre la victime
immédiate et la victime par ricochet, à défaut la victime par ricochet n’était pas indemnisée.
La concubine, la fiancée ou l’enfant non reconnu mais élevé par le défunt ne pouvaient être indemnisés :
revirement par l’arrêt de la Cour de Cassation du 27/02/70 (article 1240 Code Civil) qui énonce que « N’exige
pas en cas de décès l’existence d’un lien de droit entre le défunt et le demandeur en indemnisation ».
Tous les proches de la victime directe pourront invoquer un préjudice par ricochet à condition d’en rapporter la
preuve.

Pour le préjudice matériel par ricochet, la victime par ricochet devra prouver que la victime immédiate
lui procurait des ressources, qu’elle a subi un préjudice d’affection ou qu’elle assurait sa subsistance.

Pour le préjudice moral par ricochet, la victime par ricochet devra prouver que le décès ou les
blessures de la victime immédiate lui cause un préjudice d’affection.

Arrêt 23/07/2017 admet qu’une veuve dont le mari a été assassiné et qui souffre d’une grave dépression peut
invoquer en plus du préjudice d’affection, un préjudice de déficit fonctionnel.

Arrêt du 14/12/2017 : admet pour la première fois que l’enfant peut demander réparation de son préjudice moral
résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu mais non-encore né (intérimaire victime
d’un accident du travail ayant causé sa mort, et l’employeur a été condamné de réparer le préjudice moral de
l’enfant à naitre).

Sous-titre 2 : Le lien de causalité


Le lien de causalité est l’une des 3 conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile, c’est le
rapport de cause à effet entre le fait générateur de responsabilité et le dommage. Cette condition est posée par
l’article 1240 du Code Civil, elle apparait à travers l’emploi du verbe « causer ». Ce lien de causalité est une
condition commune à tous les régimes de responsabilité, le terme « causer » apparait aussi à l’article

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1241,1242,1243,1244,1245 par exemple. Cependant, seul le régime applicable aux accidents de la circulation
qui a remplacé la notion de « causalité » par celle « d’implication ».

En pratique, l’établissement du lien de causalité pose problème surtout lorsqu’il existe plusieurs
faits/causes à l’origine du dommage (s’il est dû à la faute de plusieurs personnes ou quand il est dû à la fois au
fait d’une chose et à une faute) : s’il y a un seul évènement, c’est facile, mais s’il y a plusieurs évènements c’est
plus complexe.

Dans un cas pratique, s’il n’y a qu’une seule cause à l’origine du dommage, la question du lien de causalité n’a
pas à être développé, elle doit l’être seulement lorsqu’il y a plusieurs responsables du dommage.

Section 1 : La définition du lien de causalité

Paragraphe 1 : La définition doctrinale du lien de causalité

L’absence de définition légale a conduit les auteurs à développer deux théories doctrinales. Il y a en effet deux
options possibles :

® Soit on retient comme cause du dommage tous les antécédents sans lesquels le dommage ne se serait
pas produit
® Soit on fait un choix pour n’en retenir que certains

A. La théorie de l’équivalence des conditions

Elle va considérer que tous les évènements précédents le dommage sont équivalents, donc on retient
toutes les fautes/évènements sans lesquels le dommage ne se serait pas produit. Donc cette théorie place
toutes les causes qui ont concourues au dommage sur le même plan. Elle considère qu’elles sont toutes
équivalentes et les retient toutes comme fait générateur du dommage.

B. La théorie de la causalité adéquate

Cette théorie, au contraire, ne retient que les fautes ou les faits qui ont joué un rôle déterminant dans
la réalisation du dommage et elle écarte ceux qui ont joué un rôle secondaire. Elle réduit le nombre de cause
et donc de responsable d’un même dommage.

Dans le projet de réforme, aucun choix n’est fait entre ces deux théories, donc aucune définition de ce
lien par le projet, certains auteurs considèrent qu’il serait nécessaire de le définir et de faire un choix entre les
2 (exemple : projet Terré choisissant la causalité adéquate) mais d’autres auteurs considèrent que cette
question nécessite flexibilité et souplesse et doit être laissée à l’appréciation du juge.

Paragraphe 2 : L’appréciation jurisprudentielle du lien de causalité

La JP consacre tantôt l’une, tantôt l’autre des deux théories doctrinales sans énoncer de formule de
principe, c’est donc selon l’intérêt de la victime.

Certains arrêts ont appliqué la théorie de l’équivalence des conditions :

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® Par exemple un arrêt du 24/05/1971 a décidé qu’un automobiliste qui avait mal fixé sur son toit un
bagage qui en tombant à effrayer un cheval qui s’est échappé de son enclot et a causé des dommages
à des tiers, est responsable.
o Ce n’est pas seulement le fait du cheval qui est à l’origine du dommage, mais aussi le fait de
l’automobiliste.
® Un arrêt du 4/12/2001 décide que l’automobiliste qui a causé un accident est responsable du préjudice
subi par la victime qui a été contaminé par le virus de l’hépatite B à la suite de la transfusion qu’elle a
subi du fait de l’accident
® Un arrêt du 18/04/2013 a retenu la faute de surveillance des adultes auxquels un enfant de 7 ans avait
été confié et qu’ils avaient laissé quitter la maison avec d’autres enfants pour aller jouer dans la maison
d’à côté sans surveillance, l’enfant a été renversé par une voiture alors qu’il allait récupérer un ballon
sur la route : on a retenu le fait de l’automobiliste et la faute de surveillance sans laquelle le dommage
ne se serait pas produit.

En pratique, on peut admettre l’application de la théorie de l’équivalence des conditions.

Néanmoins, d’autres arrêts parfois, ont appliqué la théorie de la causalité adéquate en ne retenant que les faits
qui ont joué un rôle déterminant :
® Un arrêt du 4/03/1981 avait décidé qu’un automobiliste qui avait commis une imprudence en laissant
les portières de sa voiture ouvertes, n’est pas responsable du dommage commis par le voleur de la
voiture au moyen du véhicule volé.
® Le propriétaire d’un hangar dans lequel étaient entreposés des détonateurs et qui commet une
négligence en n’interdisant pas l’accès, n’est pas à l’origine du dommage causé par le voleur qui a
provoqué une explosion.

Section 2 : La preuve du lien de causalité

En principe, c’est à la victime de prouver le lien de causalité, donc la charge de la preuve pèse sur le
demandeur qui engage l’action en responsabilité civile : donc elle doit prouver le préjudice, le fait du défendeur
et le lien de causalité entre les deux, mais par faveur pour la victime dans certains cas, on y déroge.

Donc, dans certains cas la preuve directe de celui-ci est difficile à rapporter, la JP allège la charge de
la preuve par exemple en matière de transfusion sanguine, la Cour de Cassation a décidé en 1995 que le lien
de causalité était établi lorsqu’il n’existe pas d’autre cause possible de contamination.

La JP atténue aussi la charge de la preuve en matière d’infection nosocomiale (infections contractées


à l’hôpital) : un arrêt du 17/06/2010 a décidé que lorsque la preuve de cette infection est apportée mais que
celle-ci est susceptible d’avoir été contracté dans plusieurs hôpitaux, il appartient à chacun d’entre eux de
prouver qu’ils ne sont pas à l’origine de l’infection : renversement de la charge de la preuve. La même décision
a été appliqué dans un arrêt de la Cour de Cassation concernant le distilbène.
Arrêt 24/09/2009 : dès lors que la victime a été exposé in utero à la molécule litigieuse il appartient à chacun
des laboratoires distributeur du produit de prouver que son produit n’est pas à l’origine du dommage.

Un contentieux est né par ailleurs du fait de l’apparition de certaines maladies et notamment la sclérose
en plaque à la suite de la vaccination contre l’hépatite B : le lien entre les deux n’a jamais été scientifiquement
prouvé.
La JP dans ce domaine a eu recourt à la technique des présomptions : arrêt 22/11/2008, elle énonce
que le lien de causalité entre le défaut et le dommage peut résulter de présomptions graves, précises et
concordantes. L’admission de la preuve par présomptions, implique que soit rassemblé un faisceau d’indices.
Arrêts de 2012-2013, la Cour de Cassation admet que tant la preuve du caractère défectueux que du lien de
causalité peut être établi par présomption : introduisent une distinction entre causalité juridique et scientifique,
car l’absence de causalité juridique n’empêche pas d’établir une causalité scientifique.

Les difficultés posées par cette JP et l’hétérogénéité des décisions ont conduit la Cour de Cassation a
posé une QP (préjudicielle) à la CJUE dans un arrêt du 12/11/15 pour savoir si la preuve du caractère
défectueux d’un vaccin et du lien de causalité peuvent être établis par présomption.

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Arrêt du 21 juin 2017, la CJUE admet qu’il y a possibilité de présomption de fait pour la preuve du caractère
défectueux et du lien de causalité : mais refuse la consécration d’une présomption de droit (donc pas de règle
générale) : cela veut dire que le juge conserve sa liberté d’appréciation au cas par cas.
S’il estime que les indices ne sont pas suffisants/pertinents, il n’admettra pas le lien de causalité entre
vaccination et maladie. Les derniers arrêts en date rejettent le lien de causalité.

Sous-titre 3 : Le fait générateur de responsabilité

CHAPITRE 1 : La responsabilité pour faute


Le Conseil Constitutionnel lui a reconnu une valeur constitutionnelle dans une décision du 9/11/1999
en se fondant sur l’article 4 de la DDHC de 1789 qui énonce « nul n’a le droit de nuire à autrui ».

Elle conserve aujourd’hui une place primordiale dans le droit de la responsabilité civile, il faut envisager à la
fois ses conditions puis les causes d’exonération.

Section 1 : Les conditions de la responsabilité pour faute


Outre le dommage et le lien de causalité, cette responsabilité suppose de prouver l’existence d’une
faute.

Paragraphe 1 : La définition de la faute

La notion de faute n’est pas définie par les textes, mais elle est conçue très largement puisque l’article
1240 du Code Civil vise « tout fait quelconque de l’homme ». La faute comporte un élément objectif, déterminant
alors que son élément subjectif est aujourd’hui indifférent.

A. L’élément objectif de la faute


Selon la conception de Planiol au 19ème la faute peut être définie comme « le manquement à une
obligation préexistante ».

Mais cette définition n’est celle pas retenue par les tribunaux car elle présente des inconvénients : elle
est trop vague car elle ne précise pas les obligations préexistantes dont la violation serait fautive.
En outre, cette définition est réductrice car elle semble limiter la faute à la transgression d’une obligation
légale, en effet si la violation d’un texte est toujours constitutive d’une faute, la faute peut exister dans d’autre
cas.

En matière civile on a une définition beaucoup plus large, si l’inobservation d’un texte est toujours
constitutive d’une faute, elle peut exister aussi dans d’autres cas ; celui qui agit en se conformant à une
obligation légale ou règlementaire peut toutefois être en faute.
Selon la conception retenue par le droit positif, la faute en matière extracontractuelle, se définit comme
une erreur de conduite. Cette définition est relativement large, souple.

Quant à son mode d'appréciation, elle s'apprécie « in abstracto », c’est-à-dire que l’écart de conduite
s'apprécie non pas par rapport au comportement personnel, habituel du fautif, ou par rapport à ses aptitudes
personnelles, mais par rapport au modèle abstrait d'une personne raisonnable normalement prudente et
diligente.

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Cette personne était appelée auparavant « le bon père de famille » mais la loi du 04.08.2014 sur
l'égalité homme-femme a supprimé cette notion pour la remplacer par « une personne standard normalement
prudente ou diligente ».

Il est admis que la référence abstraite peut être nuancée par la prise en considération de certains
éléments propres à l’espèce qui ne sont pas strictement personnels à l’auteur du dommage.

La faute étant un fait juridique, elle se prouve par tout moyen. La charge de la preuve pèse sur la
victime. La victime qui souhaite engager une action en responsabilité civile pour faute sur le fondement de
l'article 1240 du Code civil va devoir prouver son dommage, la faute du défendeur et le lien de causalité.

Aujourd'hui, il suffira de prouver cette erreur de conduite, pas besoin d'ajouter un élément subjectif qui a disparu.

B. L’élément subjectif de la faute

Auparavant, la faute devait comporter un élément subjectif pour être de nature à engager la
responsabilité civile de son auteur, La faute civile ne pouvait être retenue que si son auteur avait eu conscience
de son acte.
Il existait une condition d'imputabilité de sorte qu'il ne pouvait pas y avoir de faute si l'auteur du dommage, en
raison de son jeune âge ou d'un trouble mental, avait été privé de discernement.

Cette règle était justifiée dès lors qu'il paraît difficilement admissible de reprocher une faute à une personne qui
n’en a pas eu conscience. Toutefois, cette règle présentait un grave inconvénient puisque la victime d'une
personne atteinte de troubles mentaux ou d'un enfant en bas âge était totalement privée d'indemnisation.

Il y avait donc une inégalité de traitement entre les victimes selon qu'elles étaient blessées par un adulte
conscient de ses actes ou par une personne privée de discernement.
Cette exigence de discernement qui constituait cet élément subjectif de la faute a été abandonnée en plusieurs
étapes :

® D'abord, une loi du 03.01.1968 consacrée aux majeurs protégés a introduit un nouveau texte dans le
Code civil, l'article 489-2, qui est devenu aujourd'hui l'article 414-3.
o Cet article prévoit : « Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un
trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation ».

® La JP a admis par la suite, par un arrêt du 20.07.1976 que ce texte, cet article 414-3, devait s'appliquer
non seulement aux majeurs frappés de trouble mental mais aussi aux mineurs se trouvant dans la
même situation.
® La même solution a été retenue plus tard pour les enfants en bas-âge qui, même s’ils n'ont pas de
pathologie particulière, sont aussi privés de discernement. La JP a considéré que l'abandon de
l'exigence de discernement qui constituait l'élément subjectif de la faute, était général et valait
également pour les enfants en bas-âge.

Par 4 arrêts d'A.P du 09.05.1984, la Cour de cassation a admis que la responsabilité civile délictuelle
d'un mineur pouvait être engagée sans qu'il soit nécessaire de vérifier sa capacité de discernement, que l'enfant
soit l'auteur du dommage ou qu'il soit victime et qu'il ait contribué par sa faute à son propre préjudice, il peut
être responsable pour faute.

Cet abandon de la condition de discernement marque l'avènement d'une conception purement objective
de la faute : la faute aujourd'hui se définit comme une erreur de conduite, c’est-à-dire un comportement
objectivement anormal quelle que soit la capacité de discernement de son auteur. Au contraire, la faute pénale
requiert toujours un élément moral et la conscience de l'acte.

Le projet de réforme de 2017 prévoit une dérogation au ppe de l’absence d’incidence du non-
discernement du fautif : mais dérogation, l'article 1255 prévoit que la faute de la victime privée de discernement
n'a pas d'effet exonératoire.

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Paragraphe 2 : La diversité des faute

L'article 1240 vise tout fait quelconque de l'homme. Les fautes peuvent être très diverses : plus ou
moins grave, intentionnelle ou non-intentionnelle, une faute d'omission ou de commission. Le principe est que
toute faute, quelle que soit sa nature ou sa gravité, oblige son auteur à la réparation intégrale du dommage.

A. La faute intentionnelle et non intentionnelle


Le Code civil consacre cette distinction, il vise à la fois la faute intentionnelle à l'article 1240 qui était
autrefois l'article 1382. Il vise aussi la faute non-intentionnelle à l'article 1241. L'article 1240 est le texte général
qui régit la responsabilité pour faute. Sa portée va au-delà de la faute intentionnelle.

® La faute est intentionnelle : l’auteur a eu la volonté de commettre l’acte fautif mais aussi la volonté de
réaliser le dommage ie la volonté de blesser quelqu'un par des coups et blessures, ou la volonté en
matière commerciale de porter atteinte aux intérêts du concurrent en réalisant une concu déloyale.

® La faute est non-intentionnelle : l’auteur n’a pas voulu le dommage : c’est la faute d’imprudence qui
peut être de différents degrés : imprudence ou négligence soit volontaire et consciente soit involontaire
mais les conséquences dommageables ne sont pas voulues.

o La faute consiste à ne pas avoir prévu l'éventualité du dommage ou en avoir pris le risque.
o Elle peut être une faute de négligence caractérisée par une inattention ou une faute
d'imprudence, caractérisée par un défaut de précaution, ou une faute de surveillance.

Arrêt 18/04/2013 : une faute de surveillance avait été reproché aux adultes auxquels un enfant de 7 ans avait
été confié et qu’ils avaient laissé aller jouer tout seul dans une maison voisine.

En réalité, la distinction entre la faute I et N-I a peu de portée puisque dans tous les cas le ppe est que
toute faute quelle que soit sa gravité ou l’intention de l’auteur oblige à une réparation intégrale.
Véritable différence : l’assurance de responsabilité ne couvre pas les fautes intentionnelles. L'autre différence
est que la faute I, contrairement à la faute N-I, s'apprécie in concreto.

Une fois que l'erreur de conduite est établie, il faut rechercher si l'auteur a eu l'intention de nuire,
l'intention de réaliser le dommage, ce qui implique une appréciation in concreto.

Une personne privée de discernement ou atteinte de trouble mental peut en général commettre une
faute, elle ne peut pas en revanche se voir reprocher une faute I puisqu'elle n'a pas conscience de son acte.

Depuis la loi du 10.07.2000, si le juge pénal rend une décision de relaxe pour absence de faute pénale
d'imprudence, cela n'empêche pas le juge civil de retenir une faute d'imprudence pour les mêmes faits afin de
permettre l'indemnisation de la victime.

® Il existe également la faute lourde : c’est une faute volontaire d’une particulière gravité, mais elle n’est
pas I. Il sera possible de souscrire une assurance ici. Cette notion s’applique surtout en matière
contractuelle. Elle désigne l’inexécution délibérée de l’obligation mais sans intention de nuire et elle
prive le fautif des clauses limitatives de responsabilité qui devaient lui profiter.

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® Il existe aussi la faute inexcusable : la JP la définie comme une faute volontaire d’une exceptionnelle
gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience (propre
à des régimes spéciaux comme celui des accidents de la circulation ou celui du travail). Elle ne présente
d’intérêt que pour le régime spécial des A de la C.

B. La faute de commission et d’omission


La faute de commission est caractérisée par un acte positif mais il existe aussi la faute d’omission qui
se caractérise par une abstention (attitude passive). La sanction de la faute d’omission ne pose pas de difficulté
lorsqu’il existe une obligation légale ou règlementaire d’agir (article 223-6 CP : sanctionne celui qui s’abstient
volontairement alors qu’il n’y a pas de risque pour lui de porter secours à une personne en péril).

La JP sanctionne aussi la faute d’omission même s’il n’y a pas d’obligation légale d’agir lorsqu’il existe une
obligation professionnelle. La JP admet aussi parfois l'existence d'une faute civile d'omission même s’il n'existait
pas d'obligation formelle d'agir.

L'un des arrêts les plus célèbres qui a admis pour la première fois la faute d'omission est un arrêt de 27.02.1951,
Branly : il retient que la faute prévue par les articles 1240 et 1241 du Code civil peut consister aussi bien dans
une abstention que dans un acte positif.
Cet arrêt retient la responsabilité d'un historien qui écrivait une histoire de la radio et qui avait volontairement
omis de citer le nom du principal inventeur de la radio, Branly. On a considéré que cette omission était source
de responsabilité civile pour lui.

La faute d'omission, comme la faute de commission, est une erreur de conduite et elle ne suppose pas
nécessairement de caractériser la violation d'une obligation légale d'agir. Elle est appréciée par rapport au
comportement d'une personne normalement raisonnable et prudente.

C. La faute sportive
La pratique d'un sport notamment collectif suppose le respect de certaines règles et l'acceptation de
certains risques, les risques normaux du jeu. Cela suppose aussi que l'acceptation des risques modifie ici
l'appréciation de la faute. Par conséquent, n'importe quelle imprudence du sportif ou du joueur n'engagera pas
sa responsabilité pour faute.

La JP considère que la simple maladresse dans la pratique d'un sport n'est pas à elle seule constitutive
d'une faute. La maladresse involontaire ne suffit pas pour engager la responsabilité du sportif ou du club car
elle correspond aux risques normaux de la pratique sportive qui ont été acceptés par les joueurs. Par exemple,
l’effondrement d’une mêlée n’est pas une faute en soi.

Le risque est normal lorsqu’il résulte de la pratique loyale du sport, il ne l’est plus en revanche en cas de
brutalité volontaire ou de pratiques déloyales. La faute sportive présente un certain particularisme car elle ne
se définie pas comme une erreur de conduite ordinaire, le niveau de faute de requis pour engager la
responsabilité du sportif est plus élevé.

Pour que la faute soit constituée en matière sportive, il faut une violation délibérée des règles du jeu, une
faute contraire à la pratique loyale du sport qui expose les autres joueurs à des risques anormaux.

Exemple : il a été jugé que le plaquage régulier est une péripétie normale du jeu qui ne constitue pas une
faute à condition qu'il n'ait pas été conduit avec une particulière brutalité ou déloyauté.

Le juge peut tenir compte de l’appréciation qui a été faite par l’arbitre, mais n’est pas obligé de s’y tenir, il
a une libre appréciation.

Exemple : un arrêt du 10/06/2004, le juge peut retenir une faute civile même si l’arbitre n’a pas retenu la
faute de jeu.

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D. La faute dans l’exercice d’un droit
A première vue, il semble paradoxal qu’un comportement puisse être à la fois conforme et contraire au
droit, car être jugé fautif alors qu’on exerce un droit manque de logique.

La JP admet que l’exercice abusif d’un droit peut être constitutif d’une faute « le droit cesse là où l’abus
commence » (Planiol). Qu’il s’agisse du droit de propriété ou du droit d’agir en justice ou du droit d’exercer
l’autorité parentale ou du droit de rompre des fiançailles/PACS/concubinage ; en cas d’abus les juges pourront
retenir une faute de l’auteur de ce droit.

Il n’a pas toujours un critère unique caractérisant l’abus de droit, en outre certains droits sont considérés
comme discrétionnaires, ils sont insusceptibles d’abus, ils échappent à tout contrôle judiciaire (le droit pour les
parents de s’opposer au mariage d’un enfant, le droit de révoquer un testament, le droit de demander le partage
d’un bien en indivision).

Certains droits tel que le droit de propriété peuvent être exercés de manière abusive lorsqu’il y a
intention de nuire ou mauvaise foi. La JP l’avait admis pour la 1ère fois dans un arrêt du 03/08/1915 « Clément
Bayard » (la Cour de Cassation avait condamné un propriétaire qui avait installé chez lui des hauts piquets de
fer non pas dans son intérêt mais simplement dans le but de nuire à son voisin, la société Clément Bayard qui
pratiquait le dirigeable, donc un abus et une faute avaient été caractérisés).

D’autres droits doivent faire l’objet d’un usage prudent et raisonnable, dès lors tout usage déraisonnable
conduira à retenir la responsabilité du titulaire du droit (par exemple, le droit d’agir en justice) : la JP l’a rappelé
à plusieurs reprises : « toute faute dans l’exercice des voies de droit est susceptible d’engager la responsabilité
de son auteur ».

Section 2 Les causes d’exonération de la responsabilité pour faute

Paragraphe 1 : Les faits justificatifs


La notion est empruntée au droit pénal et possède la même signification en droit civil, elle fait disparaitre
la faute, et donc la RC.

Par exemple la légitime défense exclue la faute pénale ainsi que la faute civile à condition qu’elle soit
nécessaire pour faire face à une agression injuste et proportionnée.
Sont aussi admis l’ordre de la loi ainsi que le commandement de l’autorité légitime, lorsque la loi impose
un acte, cela ne peut pas constituer une faute. Il pourrait conduire à écarter la RC.
La fu
Enfin, l’état de nécessité peut aussi être retenu, il vise l’hypothèse dans laquelle un individu a
délibérément causé un dommage parce que c’était le seul moyen d’en éviter un autre encore plus grave : on
considère que la faute ne peut être retenu, alors que la nécessité de l’acte a été reconnu.

Paragraphe 2 : La force majeure


Elle est classique en droit civil, on la retrouve dans d’autre régime, cela peut être un fait de la nature, il
peut aussi s’agir d’un fait de l’homme. Cet évènement humain ou naturel qui est la force majeure doit présenter
certains caractères pour exonérer le défendeur de toutes responsabilités :

® Imprévisible : auquel on ne peut pas s’attendre, ce qui peut expliquer une certaine hétérogénéité des
solutions
o Un même évènement peut être un cas FM selon les circonstances (précipitations
exceptionnelles, enneigement, verglas…) mais la JP exclue la tempête annoncée par la météo
du cas de FM, une grève annoncée n’est pas non plus imprévisible.

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® Irrésistible : c’est-à-dire insurmontable, c’est l’application du ppe « à l’impossible, nul n’est tenu »
(appréciation in abstracto) : on ne recherche pas si le défendeur pouvait surmonter l’évènement et
éviter le dommage, mais si un individu normalement raisonnable placé dans les mêmes circonstances
aurait pu y résister.
o Il a été jugé qu’un cyclone annoncé par la météo entrainant la chute d’une grue sur un bâtiment
n’est pas une cause exonératoire pour le propriétaire, l’évènement n’est pas imprévisible et il
n’est pas irrésistible car la grue aurait pu être démonté au moins partiellement (arrêt Cour de
cassation 18/03/98). Il est dans la nature de la FM, d’être une cause étrangère, donc extérieure
à la personne du défendeur.

® Extérieur (au défendeur) : on parle souvent de cause étrangère extérieure au défendeur. Cela veut
donc dire que le défendeur ne peut s’exonérer qu’en invoquant un fait extérieur aux choses et aux
personnes dont il doit répondre (il ne peut pas invoquer le vice des choses qu’il a sous sa garde).
o En matière délictuelle, le trouble ou la maladie mentale dont le défendeur peut être affecté, ne
l’exonère pas non plus de sa responsabilité civile (article 414-3).
o Un arrêt de la Cour de Cassation du 14/04/2006 a supprimé le caractère d’extériorité en matière
contractuelle en décidant que le débiteur qui a été empêché d’exécuter le contrat en raison
d’une malade imprévisible et irrésistible est exonéré de sa responsabilité.

En matière délictuelle, le projet de réforme de la responsabilité civile (article 1253) prévoit que la force
majeure est un évènement échappant au contrôle du défendeur ou de la personne dont il doit répondre et dont
ceux-ci ne pouvaient éviter la réalisation ni les conséquences.

Quant à ses effets, la FM si elle est retenue entrainera l’exonération totale du défendeur car le lien de
causalité est alors rompu entre le fait du défendeur et le dommage subit par la victime. Ce n’est plus le fait du
défendeur poursuivi qui a causé le dommage, mais l’évènement de force majeure.

Paragraphe 3 : La faute de la victime

Si la victime a elle-même commis une faute qui a contribué à son propre dommage, cette faute de la
victime sera alors de nature à exonérer totalement ou partiellement le défendeur. Si la faute de la victime :

® Présente les caractères de la FM ou si elle est la cause exclusive du dommage, c’est alors une cause
d’exonération totale pour le défendeur
® Sinon c’est une cause d’exonération partielle

Un arrêt de la Cour de Cassation du 29 mars 2018 a décidé que la victime qui avait consommé de
l’alcool dans des proportions induisant une perte de vigilance et qui a effectué un plongeon dans une rivière
induisant un très lourd traumatisme, a commis une faute d’imprudence à l’origine exclusive de son dommage
exonérant totalement le défendeur.

S’il y a un concours de fautes, si le dommage est dû à la fois à une faute du défendeur et à une faute
de la victime qui ne présente pas les caractères de la FM, il y aura alors un partage de responsabilité en fonction
de la gravité des fautes respectives. La victime n’obtiendra pas une réparation intégrale de son préjudice, mais
partielle.

Le projet de réforme du 13 mars 2017 maintien l’effet de la faute exonératoire de la victime, il prévoit
deux exceptions afin d’en restreindre la portée :

® Il écarte l’exonération pour faute de la victime si elle est privée de discernement (article 1255)
® En cas de dommage corporel, seule une faute lourde de la victime et non plus une faute quelconque
serait une cause d’exonération partielle pour le défendeur.

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Paragraphe 4 : Le fait d’un tiers

A. L’absence d’exonération partielle du fait d’un tiers

Si le fait d’un tiers présente les caractères de la FM, c’est une cause d’exonération totale pour le
défendeur. Cela est rarement admis.

Si en revanche, le fait d’un tiers ne présente pas les caractères de la FM, ce n’est pas une cause
d’exonération partielle inopposable à la victime.

® Le fautif poursuivi devra indemniser la victime en totalité même s’il n’a contribué au dommage qu’en
partie, il ne pourra pas opposer le fait d’un tiers à la victime.
® Le fautif ne peut pas invoquer le fait qu’un tiers a participé à la survenance du dommage pour se
décharger d’une partie de la réparation due à la victime. Elle vaut pour tous les régimes de
responsabilité.

Le projet de réforme de la RC consacre aussi cette solution puisqu’à l’article 1254 il prévoit que
l’exonération partielle ne peut résulter que d’une faute de la victime ayant concouru à la production du
dommage.

Le fait d’un tiers n’est pas cause d’exonération partielle, car lorsque plusieurs personnes ont contribué
à la réalisation d’un même dommage, elles sont toutes tenues « IN SOLIDUM », c’est-à-dire solidairement.

B. La responsabilité in solidum des coauteurs


Cette règle a été dégagé par la JP, donc vis-à-vis de la victime, les coauteurs d’un dommage sont tenus
« in solidum ». Cela signifie que la victime peut poursuivre n’importe lequel d’entre eux pour lui réclamer
l’intégralité du paiement de la dette en réparation sans qu’il puisse s’exonérer partiellement en raison d’un
coauteur. La victime sera indemnisée en totalité même si l’un des coauteurs est insolvable, non identifié ou en
fuite.
Cette règle préserve ainsi la victime du risque d’insolvabilité de l’un des coauteurs, ce n’est qu’après
avoir indemnisé la victime en totalité que le coauteur poursuivi disposera d’un recours contre les autres
coauteurs (action récursoire soit un recours) pour obtenir le remboursement d’une partie de la dette de
réparation. Le partage de responsabilité entre les différents fautifs se fera en fonction de la gravité des fautes
respectives.

L’article 1265 du projet de réforme consacre cette solution JP, il prévoit que « lorsque plusieurs
personnes sont responsables d’un même dommage, elles sont solidairement tenues à réparation envers la
victime » : cela devient une solidarité légale qui remplacerait la solidarité « in solidum ».

CHAPITRE 2 : LA RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES

Il existe un régime général et des régimes spéciaux de la responsabilité du fait des choses (comme
celui applicable aux produits défectueux ou aux accidents de la circulation).

Section 1 Le régime général de responsabilité du fait des choses (art 1242


er
alinéa 1 )

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Paragraphe 1 : Les conditions de la responsabilité du fait des choses

Contrairement à la responsabilité pour faute, elle n'existe pas depuis le début. Les rédacteurs du Code
civil de 1804 n'avaient prévu que des régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses. Notamment, la
responsabilité du fait des animaux à l'article 1385, devenu 1243 ; puis la responsabilité du fait des bâtiments en
ruine, article 1386 devenu 1244. Cette responsabilité s'appliquait assez peu et à certains types de choses.

Les rédacteurs du Code Civil ne voyaient dans l'article 1242 alinéa 1, ancien 1384, qu'un texte
introductif qui annonçait les régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses. La faute était alors le
principal fondement de la responsabilité civile.
Près d'un siècle plus tard, dans un arrêt célèbre « Teffaine », 16.06.1896, la Cour de Cassation a
reconnu dans l'article 1384 alinéa 1 devenu 1242 alinéa 1er un ppe général de responsabilité du fait des choses.
Ce texte énonce : « On est responsable du fait des choses que l'on a sous sa garde » La JP a joué un rôle
créateur.

Dans l'arrêt Teffaine, la chaudière d'un remorqueur (bateau) avait explosé, tuant un ouvrier qui travaillait
à bord du bateau. La Cour de cassation a alors admis que le propriétaire du navire engageait sa responsabilité
civile sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 sans que les ayant-droits de la victime aient à prouver une
faute.

La Cour de cassation acceptait pour la 1ère fois d'appliquer la responsabilité du fait des choses en
dehors des cas prévus par la loi alors que la chose n'était ni un animal ni un bâtiment en ruine. Depuis cet arrêt,
désormais, l'article 1384 alinéa 1er devenait un fondement de responsabilité à part entière.

Cette responsabilité du fait des choses est une responsabilité objective contrairement à la
responsabilité pour faute qui est une responsabilité subjective fondée sur l'analyse du comportement du sujet,
de la personne. Au contraire, la responsabilité du fait des choses est détachée de toute analyse du
comportement du responsable.

Elle est fondée sur des critères objectifs qui sont extérieurs au comportement de la personne. Cette
responsabilité du fait des choses est plus avantageuse pour la victime parce qu'elle ne nécessite pas la preuve
d'une faute, donc la charge de la preuve est allégée, et parce que le responsable ne peut pas s'exonérer en
prouvant qu'il n'a pas commis de faute.

La nature objective de cette responsabilité a été affirmée par un arrêt important : « Jand'Heur »,
13.02.1930. Cet arrêt énonce : « la présomption de responsabilité établie par l'article 1384 alinéa 1 à l'encontre
de celui qui a sous sa garde la chose qui a causé un dommage à autrui, ne peut être détruite que par la preuve
d'un cas de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable, sans qu'il suffise au gardien
pour s'exonérer de cette responsabilité de prouver qu'il n'a commis aucune faute ». La Cour de Cassation
affirme que cette responsabilité n'est pas fondée sur la faute.

L'article 1384 alinéa 1, devenu 1242 alinéa 1, pose trois conditions pour mettre en œuvre cette responsabilité
du fait des choses :
® une chose
® un fait de la chose
® un gardien

A. La chose
L'article 1242 alinéa 1 évoque une chose sans distinction. Il faut donc que le dommage ait été causé
aux moyens d'une chose, quelle que soit sa nature, mobilière ou immobilière, dangereuse ou non-dangereuse,
inerte ou en mouvement.

Des distinctions ont été proposées par la doctrine pour limiter la portée de cette responsabilité du fait
des choses mais elles ont toutes été rejetées par la jurisprudence.

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Il a d'abord été proposé de limiter la responsabilité du fait des choses aux biens meubles. Mais la
jurisprudence l'a appliqué aux immeubles dès un arrêt de 1928. Aujourd'hui, elle l'applique aussi bien aux
meubles qu'aux immeubles.

L'application de l'article 1242 alinéa 1 est écartée seulement lorsque le dommage est causé par la ruine
d'un immeuble puisque c'est alors l'article 1244 qui s'applique.

La JP applique aussi l'article 1242 alinéa 1 lorsque le dommage est causé par le corps humain qui
forme un ensemble avec une chose telle qu'un vélo ou des skis, lorsque la chose imprime au corps un
mouvement. Même si le choc avec la victime s'est produit avec le corps humain et pas la chose, on pourra
appliquer l'article 1242.

Le doyen Ripert avait proposé de restreindre la responsabilité du fait des choses aux choses
dangereuses. La difficulté c’est que l’on peut avoir une chose inoffensive qui peut devenir dangereuse en
fonction de l’usage qu’on en fait. Cela a été écarté.

On s'est rendu compte que cette distinction était assez difficile à mettre en œuvre. La Cour de cassation
a condamné cette restriction dans l'arrêt Jand'heur. Il s'agissait en l'espèce d'un accident automobile et donc
d'une chose dangereuse mais contrairement aux arrêts antérieurs, l'arrêt n'y attache plus aucune importance.
Cela devient un élément anodin pour la Cour. En effet, en pratique, il est difficile de distinguer les choses
dangereuses et celles qui ne le sont pas.

L'arrêt Jand'heur énonce également qu'il n'y a pas lieu de distinguer suivant que la chose qui a causé
le dommage était ou non actionnée par l'homme. Il n'est pas nécessaire non plus que cette chose ait un vice
interne.

La responsabilité du fait des choses de l'article 1242 alinéa 1 s'applique donc à toute chose meuble,
immeuble, chose en mouvement ou inerte, dangereuse ou inoffensive, à l'exclusion des choses incorporelles
et des choses qui sont soumises à un régime spécial exclusif, c’est-à-dire les VTM, les animaux et les bâtiments
en ruine.
L'article 1242 alinéa 1 ne s'applique pas non plus aux choses inappropriées ou sans maître, c’est-à-dire les
choses qui n'appartiennent à personne.

Néanmoins, la JP applique l'article 1242 alinéa 1 lorsqu’une chose qui était à l'origine sans maître est
devenue appropriée ou gardée parce qu'une personne, par un geste volontaire, se comporte comme le gardien
de la chose. Un bien sans maître peut devenir gardé, un morceau de bois ramassé par quelqu'un : il en acquiert
la garde.
La responsabilité du fait des choses est aussi applicable lorsque la chose qui était à l'origine inappropriée s'est
fixée/incorporée à une chose appropriée (phénomène d'accession).

B. Le fait de la chose

1) La définition du fait de la chose


L'article 1242 alinéa 1 exige un fait de la chose pour que cette responsabilité s'applique, la JP considère
que celui-ci peut être défini comme le rôle causal joué par la chose dans la réalisation du dommage (instrument
du dommage). Le fait de la chose suppose deux éléments cumulatifs :

® Il faut que la chose soit intervenue matériellement dans la réalisation du dommage


® Il faut qu’elle ait joué un rôle actif (L'intervention matérielle signifie que la chose est intervenue dans le
dommage et le rôle actif signifie qu'elle est l'instrument du dommage).
o Il faut donc établir les deux à la fois.

En pratique, il peut y avoir intervention matérielle d'une chose dans la réalisation d'un dommage sans
que la chose ait pour autant joué un rôle actif (responsabilité du gardien de la chose ne sera pas alors engagée).
Exemple : arrêt 29/03/2018 écarte la responsabilité du gardien d’une rivière dans laquelle une personne avait
plongé alors qu’elle était en état d’ivresse.

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2) La preuve du fait de la chose

La victime doit prouver à la fois l'intervention matérielle de la chose et son rôle actif dans la réalisation
du dommage. Elle a donc une double preuve à rapporter. La preuve de l'intervention matérielle ne pose pas
généralement de difficulté. Elle sera établie s’il y a eu contact entre la chose et la victime.

Cependant, l'absence de contact n'exclut pas l'intervention matérielle de la chose dans la réalisation du
dommage mais elle doit alors être prouvée à l'aide d'autres éléments que le contact. Elle est beaucoup + rare.

Exemple : la JP a par exemple retenu le fait d'un taureau qui pose un préjudice à une femme sans la
toucher : arrêt 02.12.1940 ; également, elle a retenu le fait d'un véhicule qui par son passage très rapide, brutal,
avait provoqué un dommage sans heurter la victime.

Outre la preuve de l'intervention matérielle, la victime doit rapporter la preuve d'autre part que la chose
a joué un rôle actif dans la réalisation du dommage. S'agissant de la preuve du rôle actif, distinction avec deux
cas de figure :

® Si la chose est entrée en contact avec le siège du dommage, (la personne blessée ou le bien
endommagé, et si en outre la chose était en mouvement) : dans ce cas, son rôle actif dans la réalisation
du dommage est présumé. Mais les conditions sont cumulatives. La Cour de cassation pose une
présomption de rôle actif à la double condition qu'il y ait contact et mouvement. Donc la jurisprudence
le présume (fondée sur une vraisemblance).

® Si la chose est inerte ou si elle est en mouvement et qu'elle n'a pas heurté la victime, dans ce cas, son
rôle actif n'est pas présumé. Il doit être prouvé par la victime. La victime doit prouver le rôle actif de la
chose inerte en établissant qu'elle est affectée d'un défaut, un vice interne, soit un défaut d'entretien,
soit en prouvant que la chose a une position anormale, un emplacement anormal, ou un comportement
anormal.

La JP a parfois admis aussi le fait de la chose malgré l'absence de contact dès lors qu’une anormalité
permettait d'établir le rôle actif.

Arrêt 17/01/2019 : est retenu le comportement anormal de deux gros chiens non tenus en laisse qui ont
brusquement surgis d’un talus en surplomb et effrayé un cheval provoquant la chute de la cavalière alors qu’en
l’espèce les chiens étaient éloignés de plus de 10m (pas de contact avec la victime). Article 1243 du Code Civil
ici qui s’applique (le fait de l’animal a été retenu malgré l’absence de contact).

Il y a une différence de régime probatoire entre les choses inertes et les choses en mouvement, si la
chose est inerte ou s’il n’y a pas eu de contact, il faut prouver son caractère anormal pour établir le rôle actif.

Plusieurs décisions de JP ont été source de confusion car elles ont appliqué la présomption de RA à
des choses inertes (baie vitrée : arrêt Cour de Cassation 15/06/2000, boite aux lettres : arrêt 25/10/2001, plot
en ciment délimitant un passage pour piéton : arrêt 18/09/2003). Alors qu’aucune anormalité n’avait été prouvé.

Cette JP a été très critiqué car si la présomption de rôle actif se justifie pour les choses en mouvement,
compte tenu de la vraisemblance il n’y a plus aucune vraisemblance pour une chose inerte.

Cette JP critiquable a donc été abandonnée par deux arrêts du 24.02.2005 : était exigé que soit
rapportée la preuve de l'anormalité de la chose inerte. Ce revirement est d'autant plus certain que l'un des arrêts
a été rendu par rapport à une paroi vitrée : elle énonce que la porte vitrée qui s'était brisée était fragile, justifiant
le RA. Donc la chose, en raison de son anormalité, a été l'instrument du dommage.

La JP depuis réaffirme régulièrement la nécessité de la preuve de l’anormalité de la chose inerte afin


d’établir le RA :

® Arrêt 29/03/2012 : écarte le RA d’un muret en béton qui était placé dans une position normale ;
® Arrêt 21/05/2015 : décide qu’une piscine hors sol suffisamment éclairée et ne présentant aucune

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anomalie dans sa position ou son É n’a pas eu un RA dans le dommage de la victime qui a plongé de
nuit alors que la profondeur était insuffisante
® Arrêt 11/09/2014 : un escalier ne peut être l’instrument du dommage que si la preuve est rapportée de
son mauvais état ou de son caractère anormal.

C. Le gardien de la chose
Article 1242 alinéa 1er Code civil « on est responsable du fait des choses que l’on a sous sa garde » :
la garde est une condition de mise en œuvre de cette responsabilité, mais JP qui a œuvré pour sa définition.

1) La définition de la garde

La garde est un pouvoir indépendant d’usage de direction & de contrôle sur une chose

a. Un pouvoir d’usage, de direction et de contrôle

Dans un arrêt célèbre, l’arrêt Frank du 2/11/41, la Cour de Cassation a défini le gardien d’une chose :
c’est celui qui a un pouvoir d’usage, de direction et de contrôle sur cette chose. Dans cette affaire, un facteur
avait été tué par un véhicule appartenant au docteur Frank qui était mis en cause, mais le véhicule avait été
volé à son propriétaire quelque temps plus tôt et c’était le voleur qui conduisait au moment de l’accident.

Un premier arrêt rendu dans cette affaire avait retenu une conception juridique de la garde et avait
considéré que le propriétaire du véhicule devait être considéré comme le gardien parce qu’il avait un pouvoir
de droit sur la chose du fait de son droit de propriété. L’arrêt est cependant cassé par la Cour qui définit la garde
non pas comme un pouvoir de droit mais comme un pouvoir de fait supposant l’usage, la direction et le contrôle
de la chose. « Privé de l’usage, de la direction et du contrôle de sa voiture, le docteur Frank n’en avait plus la
garde », il n’était donc pas responsable du dommage causé.

b. Un pouvoir indépendant

Aux trois critères classiques, la JP ajoute un critère supplémentaire pour caractériser la garde, c’est le
critère de l’indépendance : arrêt 24/04/2003 énonce que la garde se caractère par un pouvoir d’usage, de
contrôle et de direction effectif et indépendant.

Ce critère de l’indépendance énoncé formellement dans cet arrêt a en réalité été consacré bien avant
par la JP. Elle a toujours énoncé que les qualités de préposé et de gardien sont incompatibles car le préposé
n’a pas un pouvoir indépendant sur la chose. Le préposé étant subordonné, soumis à l’autorité de son
employeur, il n’exerce pas un pouvoir indépendant sur les choses qu’il utilise. Il les utilise sur les ordres de son
supérieur. Il n’est pas indépendant, il n’est pas gardien.

Lorsqu’un employeur confie une chose à un employeur, c’est l’employeur qui devient gardien de la
chose même s’il n’en a plus l’usage.

Cette règle de l’incompatibilité des qualités de préposé et de gardien est parfois critiquée car la JP admet dans
le même temps qu’une personne privée de discernement peut avoir la qualité de gardien d’une chose.

2) La preuve de la garde
a. La présomption de garde

Pour alléger la charge de la preuve pesant sur la victime, la jurisprudence a posé une présomption en
vertu de laquelle le propriétaire de la chose est présumé en être le gardien.

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Cette présomption s’explique par le fait que le plus souvent en pratique, c’est le propriétaire de la chose
qui exerce sur celle-ci le pouvoir d’usage, de direction et de contrôle. Donc la jurisprudence va le présumer. Ça
reste un pouvoir de fait et non un pouvoir de droit.

Mais la présomption de garde pesant sur le propriétaire est une présomption simple, susceptible de
preuve contraire. Le propriétaire de la chose présumé gardien peut donc renverser cette présomption en
prouvant un transfert de la garde. Donc la victime aura une charge de la preuve allégée.

b. Le transfert de la garde

Le propriétaire peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a transféré la garde de la chose,


volontairement ou involontairement, à un tiers. Le transfert de la garde peut être involontaire lorsqu’il résulte
d’un vol, comme dans l’arrêt Franck de 1941, ou bien le transfert peut être volontaire lorsqu’il résulte d’un contrat
ou d’un fait volontaire.

Le transfert volontaire de la garde peut résulter d’un acte juridique ou d’un fait juridique, mais le plus souvent le
transfert de la garde résultera d’un contrat.

Le propriétaire de la chose transfère aussi volontairement la garde à un tiers lorsqu’il conclut un contrat
qui implique la perte des pouvoirs de contrôle sur la chose.

Par exemple, un arrêt du 12.12.2002 a décidé que le locataire d’un bien est responsable du dommage
causé par ce bien, c’était un volet de l’appartement tombé sur un véhicule garé en-dessous. Le locataire était
responsable dès lors que la garde lui avait été transférée. En effet, le contrat de bail implique l’obligation pour
le bailleur d’assurer la délivrance de la chose au locataire.

Dans certaines hypothèses de prêt, la jurisprudence a retenu toutefois une conception restrictive du
transfert de la garde. La jurisprudence admet que celui qui confie une chose à un tiers non pas pour qu’il l’utilise
librement mais pour qu’il effectue une tâche déterminée pour le compte du propriétaire, le propriétaire continu
à exercer un pouvoir général de contrôle sur l’utilisation qui est faite de la chose et le détenteur de la chose
n’en a pas la pleine maitrise.

Dans ces hypothèses, le propriétaire continue d’exercer un pouvoir général, de contrôle sur l’utilisation
qui est faite de la chose. Le détenteur de la chose n’en a donc pas une pleine maîtrise. Il a ainsi été jugé que
le propriétaire d’un escabeau ou d’une échelle, qui le confie à un tiers pour qu’il exécute des travaux pour son
compte, n’en a pas transféré la garde.

Par exemple, Cour de cassation, 07.05.2002. Dans cet arrêt, une personne demande à un ami de l’aider
à poser ses rideaux en montant sur un escabeau qui s’effondre car il était défectueux. La victime peut agir en
responsabilité contre le propriétaire de l’escabeau. Il n’y a pas eu transfert de la garde à l’utilisateur car il utilisait
la chose dans l’intérêt du propriétaire.
à Arrêt 11/02/1999 idem.

Cette jurisprudence s’explique par des raisons d’opportunité, les juges cherchent à faire peser la
réparation sur le propriétaire plutôt que sur l’utilisateur lorsqu’il est lui-même victime et qu’il a utilisé la chose
dans l’intérêt du propriétaire.

3) Le caractère alternatif de la garde

a. Le principe

La garde est un pouvoir exercé individuellement. Le principe est que la garde est alternative et non pas
cumulative. En principe, plusieurs personnes ne peuvent pas être gardiennes en même temps d’une chose.
Elle est attribuée au propriétaire, soit au locataire, soit au voleur, elle ne peut pas être attribuée aux deux en
même temps. En principe, une chose n’a qu’un seul gardien. Mais il existe 3 exceptions.

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b. Les tempéraments

Il existe trois tempéraments, trois exceptions :

® Plusieurs personnes peuvent être cumulativement gardiennes d’une même chose lorsqu’elles ont un
titre identique sur cette chose : Par exemple, un titre de propriétaire pour des copropriétaires ou des
colocataires qui seront co-gardiens de la même chose.

® La JP a parfois admis dans certains cas, par exemple en cas d’accident de chasse, qu’il pouvait y avoir
un garde en commun :

o En fait, il y a un garde en commun lorsqu’il y a exercice en commun de l’activité dommageable ;


o De sorte qu’il est impossible d’imputer le dommage à un participant déterminé, soit parce que
tous les participants sont gardiens soit car il est impossible d’identifier qui est gardien.

Certains arrêts ont considéré dans l’hypothèse d’un accident de chasse causé par le tir simultané de
plusieurs chasseurs que le groupe de chasseurs avait la garde en commun du fusil ou du plomb qui a causé le
dommage dès lors qu’il est impossible de savoir quel chasseur a blessé la victime. La jurisprudence a aussi
appliqué la garde en commun pour certains jeux collectifs de balle ou de tir à l’arc, ou à l’égard de groupes
d’enfants manipulant une allumette ou un briquet.

La conséquence de la garde en commun est de permettre la condamnation solidaire de toutes les


cogardiens ayant participé à l’activité dommageable. Ils sont toutes tenus à part égale (in solidum) et la victime
peut demander réparation de l’intégralité du dommage à n’importe laquelle, celle qui l’indemnisera disposera
ensuite d’un recours contre les autres.

Des arrêts postérieurs ont limité la portée de cette jurisprudence. On ne retient pas en revanche la
garde en commun même lorsque plusieurs personnes participent ensemble à une activité commune, lorsqu’un
seul des participants, bien identifié, avait l’usage, le contrôle et la direction de la chose : arrêt du 19.10.2006 (la
CA avait admis que les enfants étaient solidaires d’un incendie dès lors qu’il avait décidé ensemble d’allumer
les torches). La Cour de cassation constate qu’au moment de l’embrasement, un seul enfant tenait la torche
dans sa main, lui seul avait l’usage, la direction et le contrôle.

® Lorsque la jurisprudence distingue la garde de la structure et la garde du comportement : c’est une


distinction JP. Pour certaines choses dangereuses qui ont un dynamisme propre et dangereux, c’est-
à-dire des choses qui implosent, explosent ou s’enflamment seules, la JP distingue le gardien du
comportement qui est l’utilisateur de la chose, et le gardien de la structure, qui est le fabricant ou le
propriétaire de la chose.

Par conséquent, si le dommage est dû à l’utilisation de la chose, c’est le gardien du comportement qui
sera responsable. Au contraire, si le dommage est dû à un vice interne de la chose, c’est le gardien de la
structure qui sera responsable.

Cette distinction a été consacrée par un arrêt célèbre du 05.01.1956 dans l’affaire dite de l’oxygène
liquide. En l’espèce, des bouteilles d’oxygène avaient explosé au cours d’un déchargement en raison d’un vice
interne de la chose que le transporteur, le déchargeur des bouteilles, ne pouvait pas connaître, la Cour de
cassation décide que le propriétaire gardien de la structure est responsable et non pas le transporteur gardien
du comportement. D’autres arrêts ont fait application de cette distinction pour des bouteilles de gaz, des
extincteurs, des bombes aérosols, un téléviseur qui avait implosé dans une affaire.

Toutefois, cette distinction a aujourd’hui perdu de son intérêt depuis la consécration de la responsabilité
du fait des produits défectueux en 1998. Désormais, l’action contre le fabricant du produit défectueux sera
fondée sur le régime spécial : les articles 1245-1 et suivants du Code civil.
En revanche, l’action fondée sur la responsabilité du fait des choses reste envisageable contre le gardien du
comportement.

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Paragraphe 2 : Les causes d’exonération de la responsabilité du fait des choses

Pour la victime, l’un des avantages d’une action fondée sur la responsabilité du fait des choses est que
le gardien responsable ne pourra pas s’exonérer aussi facilement qu’un fautif.

L’individu dont on recherche la responsabilité sur le fondement de l’article 1240 Cciv pourra toujours
s’exonérer en démontrant sa prudence, sa diligence et qu’il n’est pas fautif, ce que ne pourra pas faire le gardien
dont on recherche la responsabilité sur le fondement de l’article 1242 alinéa 1er.

A. Les causes d’exonération rejetées


Le gardien de la chose ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a pas commis
de faute puisque la responsabilité du fait des choses n’est pas fondée sur la faute mais sur des critères objectifs.

La JP énonçait dès l’arrêt Jand’heur de 1930 que « la responsabilité établie à l’encontre de celui qui a
sous sa garde la chose qui a causé un dommage à autrui ne peut être détruite que par la preuve d’un cas de
FM ou d’une cause étrangère qui ne lui sont pas imputable » et l’arrêt ajoute « il ne suffit pas de prouver qu’il
n’a commis aucune faute ».

Le gardien de la chose ne peut pas s’exonérer en invoquant son absence de discernement. Même
chose que pour un fautif : la Cour de Cassation l’a admis dès l’arrêt « Trichard » du 18.12.1964 : « le trouble
mental ne fait pas obstacle à l’attribution de la qualité de gardien ».
à Par la suite, la loi du 03.01.1968 a admis de manière générale la responsabilité civile des personnes atteintes
de troubles mentaux.

Par la suite, deux arrêts d’Assemblée Plénière du 09.05.1984 Fullenwarth et Gabillet ont décidé qu’un
enfant en bas-âge peut engager sa responsabilité civile délictuelle en qualité de gardien d’une chose sans qu’il
soit nécessaire de rechercher sa capacité de discernement.
Arrêt Le Maire et Derguini sur le fondement de la responsabilité pour faute.

En dernier lieu, la question s’est posée de savoir si le gardien pouvait s’exonérer en renversant la
présomption de rôle actif lorsque la chose est en mouvement et en contact avec la victime. Lorsque la chose
est entrée en contact avec le siège du dommage et qu’en outre elle est en mouvement, son rôle actif est
présumé et la JP n’admet plus aujourd’hui que le gardien de la chose puisse renverser la présomption de rôle
actif.

B. Les causes d’exonération retenues

Le gardien d’une chose responsable sur le fondement de l’article 1242 alinéa 1er en démontrant que
cela est dû à un cas de FM ou à une faute de la victime.

La force majeure :

La force majeure est une cause d’exonération totale mais à condition de prouver un événement
imprévisible, irrésistible et extérieur.

L’évènement de force majeure doit être étranger à la chose et au gardien lui-même car la JP exige une
cause étrangère qui ne lui soit pas imputable. Le gardien ne peut donc pas s’exonérer lorsque le dommage est
dû à un vice interne de la chose. Toutefois, après avoir indemnisé la victime, il pourrait se retourner contre le
fabricant si la chose viciée constitue un produit défectueux.

La faute de la victime :

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Le gardien responsable peut aussi s’exonérer totalement ou partiellement :
® Si la faute de la victime présente les caractères de la force majeure, c’est une cause d’exonération
totale

® Au contraire, si la faute de la victime ne présente pas les caractères de la force majeure et qu’elle a
contribué en partie seulement, elle exonère le gardien partiellement.

L’arrêt Desmares du 21.07.1982 avait exclu l’exonération partielle du gardien en cas de faute de la
victime. Cet arrêt avait décidé que la faute ne lui est pas opposable si c’est un cas de force majeure.

En réalité, cet arrêt est un arrêt d’opportunité qui a été rendu à l’occasion d’un accident de la circulation
et a été motivé par le souci de garantir une meilleure indemnisation aux victimes d’accidents de la circulation,
qui à l’époque ne bénéficiaient pas d’un régime spécial. Il admettait restrictivement l’exonération du
responsable.

À la suite de cette JP, le législateur a adopté la loi du 05.07.1985 dite « Badinter 1 » qui mis en place
un régime spécial pour les victimes d’accidents de la circulation dans lequel la faute de la victime non-
conductrice n’est pas une cause d’exonération sauf si elle est inexcusable.

La JP Desmares a été remise en cause par la suite par 3 arrêts du 06.04.1987 qui ont rétabli la
possibilité d’une exonération partielle du gardien pour faute de la victime. Ces arrêts énoncent : « Le gardien
de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s’il prouve que la faute de
la victime a contribué au dommage ».

Dans l’arrêt du 29.03.2018 a retenu la faute de la victime pour Mr. X qui savait que l’eau était trouble et
peu profonde, qui après avoir consommé de l’alcool et a plongé dans la rivière et subi un traumatisme crânien
a commis une faute d’imprudence à l’origine exclusive de son dommage faisant obstacle à la responsabilité du
gardien de la berge de la rivière.

Le fait d’un tiers :

S’agissant du fait d’un tiers, s’il présente les caractères de la FM, c’est une cause d’exonération totale
pour le gardien de la chose. En revanche, si le fait d’un tiers ne présente pas les caractères de la FM, il n’est
pas une cause d’exonération partielle puisque le tiers et le gardien de la chose sont responsables in solidum à
l’égard de la victime qui peut donc demander réparation de l’entier dommage à n’importe lequel des deux.

Le gardien peut demander la totalité du remboursement au fautif à condition qu’il n’ait lui-même pas commis de
faute :

® Si que des fautifs : je partage selon gravité des fautes entre les fautifs

® Si deux gardiens : partage à égalité

® Si gardien et fautifs ont commis une faute : partage selon la gravité des fautes

® Si le gardien indemnise la victime pour le tout, il dispose ensuite d’un recours contre le tiers pour moitié
si le tiers est responsable en qualité de gardien d’une chose : il dispose d’un recours pour le tout si le
tiers a commis une faute et que le gardien de la chose n’en a pas commis.

o Le gardien de la chose peut demander remboursement de la totalité de la dette de réparation


au tiers fautif mais à condition de ne pas avoir lui-même commis de faute.

Si les différentes personnes ayant contribué à la réalisation du dommage ont toutes commis une faute,
le partage entre elles de la dette de réparation se fera en fonction de la gravité des fautes respectives.

L’acceptation des risques :

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Le gardien d’une chose peut aussi s’exonérer en invoquant l’acceptation des risques lorsque le
dommage est causé au cours d’une compétition sportive. L’acceptation des risques liée à la pratique d’un sport
modifie l’appréciation de la faute et peut aussi dans certains cas conduire à écarter la responsabilité du gardien
de la chose. Le Code du sport (L.321-3-1) prévoit que : « les pratiquants ne peuvent être tenus pour
responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d’une chose qu’ils ont sous leur
garde au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement ».

L’effet exonératoire de l’acceptation des risques est limité puisque le texte ne concerne que les dommages
matériels.

Pour les dommages corporels, l’acceptation des risques est inopposable à la victime comme l’a jugé la
Cour de cassation dans un arrêt du 04.11.2010. Le gardien de la moto n’a pas pu opposer l’acceptation des
risques à la victime, sa moto circulant sur un circuit fermé lors d’une course sportive.

Section 2 : Les régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses

L’article 1242 alinéa 2 du Code Civil prévoit un régime spécial en cas de communication d’incendie.
Dans le cas où un incendie ayant pris naissance dans le bien d’une personne a entraîné des dommages pour
le bien d’une autre, il existe un régime spécial qui déroge au régime général de responsabilité du fait des choses
(introduit par une loi de 1922).

Selon l’article 1242 alinéa 2 du Code Civil : « celui qui détient à un titre quelconque toute ou partie de
l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis
des tiers des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à faute ou à la faute
des personnes dont il est responsable ».

La victime de l’incendie survenu dans un bien voisin peut demander réparation de son dommage au
détenteur de ce bien, mais à condition de prouver sa faute. Le gardien de la chose n’est pas responsable de
plein droit sans faute s’il y a une communication d’incendie.

Paragraphe 1 : Les régimes traditionnels du Code civil

Le Code civil de 1804 avait prévu seulement deux régimes de responsabilité du fait des choses : la
responsabilité du fait des animaux (art. 1385 devenu 1243) et la responsabilité du fait des bâtiments en ruine
(art. 1386 devenu 1244).

Les auteurs réclament aujourd’hui leur abrogation et le projet de réforme de la responsabilité civile
supprime ces deux régimes spéciaux qui sont devenus obsolètes.
La responsabilité du fait des bâtiments en ruine apparaît aujourd’hui comme une dérogation injustifiée
au droit commun. La responsabilité du fait des animaux apparaît comme une reprise inutile du droit commun.
Pour des raisons différentes, ces deux régimes sont critiqués et n’ont plus de raison d’être. Ils ont vocation à
disparaître.

A. La responsabilité du fait des animaux (art. 1243)


Aujourd’hui, l’article 1243 énonce que le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est
à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fut sous sa garde, soit qu’il
fut égaré ou échappé. La seule spécificité de la garde c’est la fin.

Il faut que le dommage ait été causé par un animal pour que le texte s’applique et cet animal doit être
approprié, qu’il doit avoir un maître (pas sauvage). Le texte ne s’applique pas aux animaux sauvages. La victime
devra prouver à la fois l’intervention matérielle de l’animal et le rôle actif de celui-ci dans la réalisation du
dommage. Si l’animal était en mouvement et qu’il est entré en contact avec la victime ou le bien endommagé,
son rôle actif sera présumé.

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En revanche, en l’absence de contact ou de mouvement, le rôle actif de l’animal devra être prouvé donc
il faudra prouver l’agressivité particulière de l’animal, sa position anormale, le fait qu’il se place à un endroit
anormal : prouver le caractère anormal de l’animal : arrêt du 17.01.2019.

Le responsable sera le gardien de l’animal et la JP retient une définition de la garde de l’animal identique
à celle poser par l’arrêt Frank de 1941 en droit commun et le propriétaire est présumé gardien. Il peut toutefois
s’exonérer en prouvant un transfert volontaire/involontaire de la garde.

La seule particularité de ce régime tient au fait que le gardien ne pourra pas invoquer la fuite de l’animal
pour s’exonérer mais seulement la FM ou la faute de la victime.

La JP retient parfois aussi une conception restrictive du transfert de la garde, un arrêt du 15/02/2007
de la Cour de Cassation a décidé que le propriétaire de chevaux n’en a pas transféré la garde à son fils victime
d’un dommage alors qu’il s’occupait des chevaux dans l’intérêt de son père.
Cette JP peut être rapproché de celle rendue à propos du prêt de la tondeuse ou de l’escabeau dans l’intérêt
du propriétaire (arrêt 7/05/2002 et 19/06/2003).

B. La responsabilité du fait des bâtiments en ruine (art. 1244)


À l’origine, les rédacteurs du Code Civil avait conçu cette responsabilité spéciale pour protéger les
victimes de la ruine d’un bâtiment afin qu’elles disposent d’un régime plus avantageux que la RF.

Aujourd’hui, depuis la consécration du régime générale de responsabilité du fait des choses, ce régime
spécial de l’article 1244 n’est plus avantageux pour les victimes ; il est devenu avantageux pour les propriétaires
de bâtiments en ruine qui ne peuvent pas voir leur responsabilité engagée sur le fondement de l’article 1242
alinéa 1er. Le projet de réforme réclame l’abrogation de ce régime dérogatoire injustifié.

L’article 1244 du Code civil suppose deux conditions : *


® La ruine d’un bâtiment
® L’existence d’un défaut d’entretien

*Elle suppose donc l’existence d’un bâtiment (construction quelconque incorporée au sol de façon durable) ; il
faut ensuite démontrer la ruine du bâtiment (destruction totale ou partielle). La victime agissant sur ce fondement
n’a pas à prouver la faute du propriétaire du bâtiment mais un défaut d’entretien (la vétusté du bâtiment) ou
bien il faut prouver qu’il contient un vice de construction ; si ces conditions sont réunies c’est alors le propriétaire
du bâtiment qui est responsable du dommage causé.

Paragraphe 2 : La responsabilité du fait des produits défectueux (art 1245s.)

Cette responsabilité a été introduite dans le Code civil par une loi du 19/05/1998, qui a transposé une
directive européenne du 25/07/1985. Cette directive devait être transposée, au plus tard, le 30/07/1988, mais
la France l’a transposé avec dix ans de retard ; après avoir été condamnée deux fois par la CJUE.

Ce régime permet d’améliorer la situation des victimes du défaut d’un produit qui auparavant devait
prouver une faute du fabricant ; ce qui était difficile, ou qui devait agir sur le fondement de l’article 1242 alinéa
1er et sur le fondement de la garde de la structure, mais cette notion de garde de la structure n’était prise en
compte que pour les choses qui avaient un dynamisme propre.

Toutefois, sur certains points, ce régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux peut
être moins avantageux que le droit commun du fait du délai de prescription, des causes d’exonération ou de
l’existence d’une franchise ; cela explique les réticences de la France pour l’adopter.
Cette directive ne tend pas seulement à améliorer la situation des victimes mais aussi à harmoniser les
conditions de la concurrence entre les producteurs au sein de l’UE.

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La loi de 1998 a créé un régime de responsabilité sans faute, qui ignore la distinction entre
responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. Ainsi, ce régime s’applique absolument à toutes les
victimes d’un produit défectueux, peu importe qu’elle soit liée à l’auteur d’un dommage par un contrat ou non
(article 1245 du Code civil).
Selon ce texte, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit qu’il soit
ou non lié par un contrat avec la victime ; ce régime n’exclut pas forcément les autres responsabilités.

A. Le caractère non exclusif de la responsabilité du fait des produits défectueux


A contrario de la loi du 5 juillet 1985, relative aux accidents de la circulation, la responsabilité du fait
des produits défectueux, n’est pas un régime exclusif du droit commun.
L’article 1245-7 du Code civil prévoit que le régime spécial (introduit par la loi de 1998) ne prive pas la
victime du droit d’agir sur le fondement d’une autre responsabilité́ , qu'elle soit contractuelle ou
extracontractuelle.

Selon des auteurs la responsabilité générale du fait des choses doit donc pouvoir profiter aux victimes des
produits défectueux.

Dans un cas pratique, il faudrait donc envisager, à la fois l’action contre le producteur du produit
défectueux, qui est fondée sur les articles 1245 et suivants du Code civil ; et à la fois l’action contre l’utilisateur
de la chose qui en est le gardien, qui est fondée sur l’article 1242 alinéa 1er du Code civil, dans le cas uniquement
où l’utilisateur n’est pas la victime.
Également, dans un même cas, il faut aussi envisager l’action fondée sur la responsabilité pour faute,
mais à condition de prouver une faute distincte du défaut de sécurité du produit (tel qu’une faute de négligence
ou d’imprudence dans l’utilisation du produit).

En revanche, la responsabilité du fait des choses ou la responsabilité pour faute ne peuvent pas être
appliquées au producteur du produit défectueux.

En matière jurisprudentielle, la Cour de cassation (chambre commerciale), du 26/05/2010, a précisé


que la responsabilité pour faute peut être appliqué, à condition de prouver une faute “distincte” du défaut de
sécurité du produit. La solution a, d’ailleurs, été réaffirmée par une JP du 10/12/2014.
La CJUE, dans un arrêt « Gonzalez Sanchez », du 25/04/2002, affirme que seule est permise
l’application d’un régime de responsabilité, contractuelle ou délictuelle, reposant sur un fondement différent de
celui du produit défectueux.

Par exemple, il n’est pas possible de considérer que le fabricant ou le vendeur, d’un produit défectueux, commet
une faute à l’égard de la victime en fournissant un produit qui n’offre pas une sécurité suffisante. Il n’est pas
non plus possible d’invoquer la responsabilité générale du fait des choses à l’encontre du producteur du produit,
c’est ce qu’à rappeler un arrêt du 11/07/2018.

Dans l’arrêt du 11/07/2018, la Cour de Cassation énonce que selon l’article 1245-17 du Code civil, que
le régime de responsabilité des produits défectueux, ne porte pas atteinte aux droits de la victime à agir sur le
fondement d’un autre régime de responsabilité à la condition que ces régimes reposent sur un fondement
différent.
à Néanmoins, la victime ne peut pas invoquer la responsabilité du fait des choses contre le producteur.

Cependant, la responsabilité du fait des choses pourrait être invoquée contre l’utilisateur qui aurait
blessé la victime en utilisant le produit. Ainsi, cette responsabilité serait invoquée contre le gardien du
comportement, qui pourrait donc être responsable sur le fondement de l’article 1242 alinéa 1er du Code civil :
cela résulte d’un arrêt de la CJUE, du 21/12/2011 (« la responsabilité d’un prestataire de service qui utilise des
produits défectueux dont il n’est pas le producteur ne relève pas du champ d’application de la directive du
25/07/1985 relative aux produits défectueux »).
àOn peut donc appliquer la responsabilité du fait des produits défectueux à l’utilisateur mais pas au producteur.

En ce qui concerne donc le producteur, l’application du fait des produits défectueux a un caractère
impératif (cela depuis une JP du 04/07/2017), si les conditions sont remplies, le juge doit l’appliquer d’office,
responsabilité qui est d’OP.

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B. Les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux
L’article 1245-8 du Code civil pose les conditions : le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et
le lien de causalité entre le défaut et le dommage. L’article 1245-4 du Code civil indique que le produit
défectueux doit avoir été mis en circulation. La victime n’a, en revanche, pas à rapporter la faute du producteur.
Il s’agit donc d’une responsabilité objective, car elle n’est pas fondé sur la faute.

1) Le dommage

La victime du produit défectueux doit prouver le dommage qu’elle subit. Selon l’article 1245-1 du Code
civil, il peut s’agir de tous les dommages portant atteinte à la personne (tous les dommages corporels qui
présentent un caractère matériel ou moral) ou atteinte à un bien (tous les préjudices résultant de la destruction
ou de la détérioration d’une chose autre que le produit défectueux lui-même).

Depuis une loi du 9/12/2004 et un décret de 2005, l’article 1245-1 du Code civil prévoit une franchise
de 500 euros pour le dommage causé à une chose. En dessous de ce seuil, le dommage matériel résultant de
la détérioration d’une chose ne sera pas réparé.

2) Le défaut du produit mis en circulation

a. L’existence d’un produit

Selon l’article 1245-2 du Code civil, est un produit tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un
immeuble, y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse ou de la pêche.

Le produit peut être un produit industriel, soit une matière première, soit un produit fini, voire un produit
naturel (du sol ou de l’élevage). A travers cette formule ; sont vises les dommages qui pourraient être causés
par des animaux d’élevage.

Dès lors que les produits naturels sont visés, les produits du corps humain, notamment le sang, le sont
aussi. Le produit peut être un bien meuble, mais il peut être incorporé à un immeuble (exemple : le ciment).

b. Un produit mis en circulation

Selon l’article 1245-4 du Code civil, le produit doit avoir été mis en circulation,
c’est-à-dire que : “ le producteur s’en est dessaisi volontairement”. Cette exigence de volonté exclut donc que
le producteur puisse engager sa responsabilité si le produit a été volé.

à Le produit mis en circulation est donc le produit qui a été mis sur le marché, c’est-à-dire vendu ou donné en
location, voire remis pour stockage afin d’être vendu.

Un arrêt de la CJUE du 9/02/2006 énonce « qu’un produit est mis en circulation lorsqu’il est sorti du
processus de fabrication (mis en œuvre par le producteur) et qu’il est entré dans un processus de
commercialisation ».

c. Un défaut du produit

Selon l’article 1245-3 du Code civil : « le produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la
sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ».

Ce texte exige donc deux éléments : un élément matériel (l’absence de sécurité) et un élément
psychologique (l’absence doit être inattendue pour la victime). La défectuosité du produit peut être de 2 natures :
® Elle peut d’abord être intrinsèque, donc interne au produit : lorsque le produit est dangereux en lui-
même
® Elle peut être extrinsèque lorsqu’elle porte sur les informations, les instructions ou les mises en garde :
qui se révèlent insuffisantes pour garantir un usage en connaissance des risques du produit.

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Un produit est défectueux :

® Soit lorsqu’il présente une sécurité insuffisante en lui-même, du point de vue de sa nature
® Soit lorsqu’il présente une sécurité insuffisante en raison de son mode d’utilisation ou de sa
présentation.

Exemple : un arrêt Cour de cassation, 4 février 2015 : a décidé que l’absence de dispositif de sécurité
empêchant d’installer une bouteille de gaz propane sur une installation fonctionnant avec du gaz butane, rend
le produit défectueux. Dans cette affaire, un fils a été victime de l’explosion d’une bouteille de gaz propane qui
a explosé, non pas parce qu’elle contenait un vice interne, mais parce que l’utilisateur l’installait sur une
gazinière fonctionnant avec du gaz butane. Le produit n’était donc pas suffisamment sûr dans son mode
d’utilisation. En l’espèce, la différenciation des bouteilles de gaz par leurs couleurs est une mesure d’information
jugée insuffisante.

Un produit peut être aussi défectueux en raison de sa présentation. L’art 1245-3 du code civil, prévoit
que pour apprécier le caractère défectueux, il doit être tenu compte de la présentation du produit.

Exemple : Il a été jugé qu’un produit utilisé pour des soins esthétiques est défectueux, dès lors que la plaquette
d’information remise au patient ne fait pas état des risques d’effets indésirables, même si la notice d’utilisation
remise au médecin mentionnait ce risque (Arrêt 22 novembre 2007).

Ainsi, la sécurité d’un produit s’apprécie par rapport à ces destinataires. C’est ce qu’exprime l’art 1245-
3 du code civil, en visant la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Par la suite il y a eu plusieurs
arrêts :

® Un arrêt du 27/11/2019 : réaffirme la solution posée en 2007, à propos de la Dépaquine. Il s’agit d’un
médicament délivré pour traiter l’épilepsie et qui a provoqué des malformations pour le fœtus lorsqu’il
est donné à une femme enceinte. Il faut que les risques soient portés à la connaissance du patient et
non pas seulement du médecin.

® Un arrêt Chambre mixte, 7/07/2017 : confirme que le caractère défectueux d’un produit peut résulter
d’un défaut d’information sur sa dangerosité. Dans l’arrêt de 2017, il s’agissait d’un agriculteur qui avait
inhalé des produits désherbent, produits par la société Monsanto en nettoyant une cuve agricole sans
protection. La cour de cass considère que la responsabilité du fait des produits défectueux est
applicable ; le producteur aurait dû signaler les risques liés à l’inhalation du produit et préconiser
l’emploi d’un appareil de protection respiratoire lors du nettoyage des cuves. La défectuosité résulte du
manque d’informations.

o A chaque fois le défaut est lié à un manque d’informations.

Dans le domaine du contentieux médical, en raison de l’absence de certitudes scientifiques, la JP a


parfois dérogé aux principes juridiques. En principe, l’article 1245-8, prévoit que le demandeur doit prouver le
dommage, le défaut et le lien de causalité entre les deux.

La preuve de la défectuosité des vaccins, étant cependant très difficile à rapporter, la cour de cassation
a admis dans un arrêt du 26/09/2012 : que la preuve du lien de causalité et de la défectuosité du vaccin contre
l’hépatite B pouvait résulter de présomptions graves, précises et concordantes. Il s’agit d’indices chronologiques
qui permettent de présumer que peut être le vaccin est à l’origine de la maladie.

Certains indices, telles que l’absence de facteurs de prédisposition personnelle et la proximité


temporelle entre la vaccination et l’apparition de la maladie, ont parfois conduit à présumer la défectuosité.
Donc preuve par présomption à l’appui d’indices.

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3) Le lien de causalité

La victime doit prouver qu’il existe un lien de causalité, entre le défaut du produit et le dommage qu’elle
subit. La cour de cassation admet une preuve par présomption du lien de causalité dans le domaine de la
vaccination contre l’hépatite B. Alors distinction entre la causalité juridique et la causalité scientifique, puisque
l’absence de causalité scientifique, n’empêche pas d’établir une causalité juridique.

La Cour de Cassation, dans un arrêt le 12/11/2015 a posé une question préjudicielle à la CJUE, pour
savoir si la preuve du caractère défectueux d’un vaccin et du lien de causalité peut être établie pas présomption
ou bien si c’est contraire à l’art 4 de la directive du 25/07/1985 sur les produits défectueux. Car selon cet article
4, la charge de la preuve du lien de causalité pèse sur le demandeur.

La CJUE a répondu par un arrêt du 21/06/2017, où elle admet que la preuve du caractère défectueux
et du lien de causalité peut être établie par des présomptions de fait, mais elle refuse la consécration de
présomption de droit. La reconnaissance d’une présomption de fait et non de droit, signifie que le juge ne doit
pas automatiquement reconnaitre une valeur probatoire à telle ou telle indice. Il doit conserver sa liberté
d’appréciation et l’exercer au cas par cas.

Les derniers arrêts en date n’admettent pas l’existence d’un lien de causalité et d’un caractère défectueux du
vaccin :

® Arrêt 18 octobre 2017 : rejet


® Arrêt 4 juillet 2019 : rejet

4) Les délais pour agir

Le délai pour agir est spécifique. L’action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux
est enfermée dans un double délai.

® D’abord, l’article 1245-15, prévoit que la responsabilité du producteur est éteinte 10 ans après la mise
en circulation du produit qui a causé le dommage : Il s’agit d’un délai de forclusion, donc qui ne peut
être ni suspendu, ni interrompu.
o L’idée est que la responsabilité du fait des produits défectueux doit être une responsabilité
temporaire, car le producteur ne peut pas assumer les risques liés à la mise en circulation du
produit indéfiniment. Il y a une usure naturelle des produits, ce qui expliquent ce délai.

® Il y a ensuite un délai de prescription posé par l’art 1245-16 : de 3 ans à compter de la date à laquelle
le demandeur a eu connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur.

La victime doit agir dans ce double délai et le producteur ne sera jamais responsable au-delà de
10 ans

5) Les responsables

Le responsable à titre principal du défaut du produit, qui sera tenu de réparer le dommage qu’il a causé
est le producteur.

L’article 1245-5 précise qu’« est producteur lorsqu’il agit à titre professionnel, le fabricant d’un produit
fini, le producteur d’une matière 1ère, le fabricant d’une partie composante ; si le produit est incorporé dans un
autre, les deux fabricants sont responsables solidairement »

La loi prévoit la responsabilité principale du producteur, mais aussi la responsabilité subsidiaire des
fournisseurs, donc les vendeurs ou les loueurs du produit, lorsque le producteur demeure inconnu.

Selon l’article 1245-6, si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur ou tout autre
fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mm conditions que le

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producteur, à moins qu’il désigne son propre fournisseur ou le producteur dans un délai de 3 mois à compter
de la demande de la victime.

A l’origine, le droit français faisait peser la responsabilité de manière équivalente sur le producteur et le
fournisseur, qui étaient tenus in solidum à l’égard de la victime. Mais après avoir été condamnée par la CJUE,
la France a modifié ses règles par une loi du 9 décembre 2004 et du 5/04/2006.

C. Les causes d’exonération

1) Les causes d’exonération exclues

Le producteur ne peut pas s’exonérer en invoquant le fait que le produit a fait l’objet d’une autorisation
administrative de mise sur le marché (article 1245-9 du Code Civil)
Le producteur ne peut pas non plus s’exonérer en invoquant une clause limitative ou exclusive de responsabilité
(article 1245-14 alinéa 2 du Code Civil). Les clauses qui visent à écarter ou mm limiter la responsabilité du fait
des produits défectueux st interdites et réputées non-écrites.
Par exception, ces clauses sont valables dans les contrats conclus entre professionnels, seulement s’il s’agit
d’un dommage causé à un bien destiné à un usage professionnel et non pas si c’est un bien à usage personnel.

Comme en droit commun, le producteur ne peut pas non plus s’exonérer partiellement à l’égard de la
victime en invoquant le fait d’un tiers, ce qui n’exclut pas cependant par la suite une action récursoire (donc un
recours contre le tiers), après que le producteur a indemnisé la victime.

Le producteur après avoir indemnisé la victime pourrait se retourner, par exemple contre l’utilisateur de
la chose, qui a blessé la victime en utilisant le produit défectueux de manière imprudente, sans prendre de
précaution suffisante ou sans lire la notice ou qui a commis une erreur de manipulation.

2) Les causes d’exonération admises

La force majeure : Les textes ne visent pas la force majeure, mais l’exigence d’un lien de causalité entre
le défaut du produit et le dommage, conduit à exclure la responsabilité en cas de force majeure. En cas de force
majeure, le dommage a une cause autre que le défaut du produit et le producteur pourra donc s’exonérer
totalement de sa responsabilité

Le producteur peut également s’exonérer en cas de faute de la victime : Lorsque la victime a contribué
par son imprudence ou sa négligence à la réalisation du dommage, la faute de la victime sera une cause
d’exonération totale ou partielle, selon qu’elle présente ou pas les caractères de la force majeure. L’art 1245-
12 prévoit que la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, lorsque le dommage est causé
conjointement par la faute de la victime.

L’article 1245-10 du Code Civil prévoit 5 autres causes d’exonération, selon ce texte, le producteur est exonéré :

® Lorsqu’il n’a pas mis le produit en circulation


® Lorsque le produit n’avait pas de défaut lors de la mise en circulation
® Lorsque le produit n’était pas destiné à la vente
® Lorsque le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives, législatives ou
réglementaires : C’est l’hypothèse de l’ordre de la loi. Un auteur donne un exemple : ce serait le cas
d’un règlement qui interdirait au constructeur automobile d’installer des système de verrouillages des
portes-arrières en raison du risque d’immersion. Si le constructeur est assigné en justice pour la chute
d’un enfant dû à l’absence de verrouillage des portes, il pourrait s’exonérer en invoquant l’ordre de la

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loi. Mais c’est l’hypothèse où la règle légale est la cause du caractère défectueux.

® Lorsque le producteur prouve par expertise qu’en l’état de la science (connaissances scientifiques du
moment) au jour de la mise en circulation, le défaut du produit n’était pas décelable. On parle alors
d’exonération pour risque de développement. Le producteur, pour s’exonérer doit prouver que le défaut
est devenu décelable postérieurement a la mise en circulation grave au progrès scientifique. Cette
cause d’exonération est spécifique à ce régime et ne se retrouve pas en droit commun de la
responsabilité civile. Par exemple dans la responsabilité du fait des choses, le vice de la chose même
indécelable n’est pas une cause étrangère exonératoire en raison de l’absence d’extériorité.

Ce régime spécial (des produits défectueux) est moins avantageux pour les victimes que le droit
commun. En outre elle ne s’applique pas toujours, l’exonération pour risque de développement est écartée
lorsque le dommage est causé par des produits du corps humain. Le projet de réforme prévoit qu’elle sera
écartée pour tous les produits de santé/ médicaments.

Dans l’arrêt 20 Septembre 2017, la Cour de cassation s’est prononcé pour la première fois sur la Q° de
l’exonération d’un fabricant d’un produit défectueux pour risque de développement et l’exonération a été écarté.

Elle rejette l’exonération pour risque de développement qui était invoqué par le laboratoire producteur
du médiator. Elle considère que le défaut du médicament était décelable lors de la mise ne circulation en raison
de sa similitude avec d’autres médicaments qui ont la même composition chimique/proche et qui avait été jugés
dangereux. Elle considère que le laboratoire aurait du procéder a des investigations sur ce médicament.

Ce régime de responsabilité du fait des produits défectueux n’est pas exclusif du droit commun, on
pourra agir contre l’utilisateur du produit sur le fondement d’une autre responsabilité, a l’inverse du régime
applicable aux victimes d’accident de la circulation...

Paragraphe 3 : L’indemnisation des victimes d’accident de la circulation

Ce régime est instauré par la loi du 5 Juillet 1985 relative à l’indemnisation des victimes d’accident de
la circulation : régime spécial. On l’appelle la loi Badinter ; ce régime est plus favorable aux victimes que le
régime général de responsabilité́ du fait des choses (1242 alinéa 1 du Code Civil).
Ce régime spécial a un caractère exclusif : il exclut les autres régimes de responsabilité. Si les conditions
d’application de la loi du 5 Juillet 1985 sont réunies, alors la victime de l’accident ne peut demander réparation
sur un autre fondement.

Elle ne peut invoquer ni la responsabilité pour faute même si le conducteur du véhicule a commis une faute ni
la responsabilité́ du fait des choses.

La victime agira contre le responsable uniquement sur le fondement de la loi du 5 Juillet 1985 : arrêt 4
Mai 1987 énonce que l’indemnisation d’une victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué́ un
véhicule terrestre à moteur ne peut être fondé que sur les dispositions de la loi du 5 Juillet 1985 à l’exclusion
de celle des art 1240 et suivant du code civil. La JP dans cet arrêt pose le caractère exclusif de cette loi de
1985.

Toutefois, cette exclusion des régimes de responsabilité́ de droit commun ne vaut que dans les rapports
entre la victime de l’accident et les responsables de l’accident. Les règles sont différentes dans les rapports
des différents responsables de l’accidents entre eux.

Le conducteur qui a indemnisé la victime ou son assureur, peut ensuite exercer un recours contre un
tiers responsable en vertu des règles de droit commun de la responsabilité pour faute voire de la responsabilité́
du fait d’autrui.

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A. Les conditions d’application de la loi du 5 juillet 1985

Cette loi n’est pas codifié. C’est l’article 1er de la loi du 5 Juillet 1985 qui détermine les conditions
d’application de ce régime spécial. Selon ce texte, le régime est applicable « aux victimes d’un accident de la
circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur même lorsqu’elles sont transportées en vertu
d’un contrat ».

Ce texte pose 3 conditions pour que cette loi s’applique : il faut un VTM (véhicule terrestre à moteur), il faut
ensuite un accident de la circulation et enfin une implication du véhicule dans l’accident.

1) Un véhicule terrestre à moteur

a. Les véhicules concernés

La loi s’applique à tous les véhicules dotés d’un moteur circulant sur le sol et pouvant transporter des
personnes ou des choses. L’article L110-1 du code de la route défini le VTM : tout véhicule terrestre pourvu
d’un moteur de propulsion et circulation sur la route par ses moyens propres à l’exception des véhicules qui se
déplacent sur des rails.
La loi est donc applicable aux automobiles, autos, mobylettes, camions, mais aussi aux engins de chantier,
engins agricoles, aux tondeuses à gazon auto-porté. La loi n’est pas applicable aux véhicules non dotés d’un
moteur tel que les vélos, rollers, skateboard...

La loi s’applique aux remorques et aux caravanes qui sont attelés, un arrêt du 22 octobre 2015 a
également décidé qu’une mini moto piloté pour un enfant de 6 ans est un VTM et non un simple jouet même si
elle n’est pas soumise à une assurance obligatoire dès lorsqu’elle se déplace au moyen d’un moteur à
propulsion.

Le vélo électrique en revanche est exclu du champ d’application de la loi du 5 Juillet 9185, il n’est pas
un VTM car il est dépourvu de moteur à propulsion autonome, le moteur électrique ne faut qu’accompagner le
mouvement des pédales initié par le cycliste à la base.

b. Les véhicules exclus

L’article 1er de la loi de 1985 exclu de son domaine d’application les trains et les tramways circulant sur
des voies propres/ferrés. Les trains & tramway relève de la responsabilité́ générale du fait des choses comme
l’a rappelé par exemple un arrêt du 22 Octobre 2000. Dans un arrêt du 5 mars 2020 victime heurté par un
tramway circulant sur une voie propre, la Cour de cassation a exclue l’application de la loi de 1985.

Toutefois tous les projets de réforme de la responsabilité propose de supprimer cette exception. Elle
aboutit en effet à des solutions injustifiées car lors d’un accident survenu entre un train et un VTM à un passage
à niveau, le conducteur et le passager du véhicule ne peuvent pas invoquer la loi de 1985 à l’encontre de la
SNCF mais seulement la responsabilité générale du fait des choses. Alors que les passagers du train blessés
peuvent agir vs le conducteur de la voiture sur le fondement de la loi de 1985 qui prévoit un régime plus
avantageux.

2) Un accident de la circulation

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a. La notion d’accident de la circulation

Il faut un accident : un événement fortuit, imprévisible, générateur de dommage et indépendant de la


volonté de l’auteur. Lorsque le dommage résulte d’un acte intentionnel, ce sont les articles 706-3 et suivant du
code de procédure pénale qui s’appliqueront et non plus la loi de 85.

La notion de circulation est entendue très largement par la JP s’agissant du lieu de circulation et du fait
de circulation ; le lieu de circulation doit être une voie ouverte à la circulation qu’elle soit publique comme une
route/autoroute ou qu’elle soit privé comme une cour privé, un chemin, un parking d’immeuble. En revanche il
a été jugé que n’est pas un lieu de circulation le hall d’entrée d’un immeuble dans lequel était stationné un
cyclomoteur.

Le fait de circulation est entendu aussi largement : le véhicule peut être en mouvement ou à l’arrêt, il
peut être en stationnement irrégulier ou même correctement garé. La JP considère que le stationnement est un
fait de circulation au sens de l’article 1er de la loi de 85. Elle applique par exemple la loi de 85 notamment
lorsqu’un incendie est communiqué par un véhicule en stationnement, par exemple un arrêt du 13 Septembre
2012 a considèré qu’un véhicule frigorifique dans lequel un incendie s’est déclaré est impliqué́ dans un accident
de la circulation.

La loi n’est pas applicable lorsque le véhicule est utilisé non plus comme engin de locomotion mais
comme magasin dans un marché ou comme stand de foire. Par exemple un arrêt du 8 Mars 2001 a décidé que
la loi de 85 n’est pas applicable pour le dommage causé par l’auvent d’un camion de pizza immobile.

De même un arrêt du 18 mai 2017 n’a pas appliqué la loi de 85 à un chariot élévateur utilisé dans sa
fonction de levage et non pas de déplacement : les solutions auraient êtes différentes si les véhicules avaient
été en déplacement.

La loi de 1985 n’est pas non plus applicable entre concurrent d’une compétition sportive qui se déroule
en circuit fermé dans laquelle sont impliqués des VTM. Mais la loi serait applicable pour des dommages subis
par les spectateurs et non pas par les pilotes.

b. Les personnes en cause dans l’accident (les victimes, les responsables)

Toute personne victime d’un accident de la circulation peut agir sur le fondement de la loi du 5 Juillet
1985. Il faut préciser la situation des victimes et des responsables.

LES VICTIMES :

La loi s’applique à toutes les victimes d’un accident de la circulation, elle s’applique pour l’indemnisation
des piétons, mais aussi des passagers des véhicules, des cyclistes, et même des conducteurs des VTM blessés
dans l’accident. Elle s’applique à toute la victime quel que soit leur statut sauf dans un cas. Il y a un seul cas
où la loi ne s’appliquera pas : le conducteur d’un véhicule à moteur ne peut pas invoquer à son profit l’application
de la loi de 1985 lorsque seul son véhicule est impliqué dans l’accident (s’il est seul victime, où il ne peut agir
contre personne).

La loi de 1985 s’applique à toutes les victimes d’accidents de la circulation qu’elles soient transportés en vertu
d’un contrat ou non. La loi supprime la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle comme la loi
de 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux.

Les passagers des bus ou des taxis seront indemnisés sur le fondement de la loi de 1985 même s’ils
sont conclus un contrat de transport. L’article 1er de la loi du 5 Juillet 1985 précise qu’elle s’applique à toutes
les victimes d’un accident de la circulation même lorsqu’elles sont transportés en vertu d’un contrat.

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LES RESPONSABLES :

La loi désigne comme responsable à la fois le conducteur et le gardien du véhicule impliqué dans
l’accident. Ils sont tous les deux tenus d’indemniser les victimes avec leurs assureurs.

Le conducteur est celui qui au moment de l’accident était aux commandes du véhicule : celui qui était
au volant du véhicule. Le conducteur perd cette qualité lorsqu’il descend de son véhicule. En revanche il importe
peu que le véhicule soit à l’arrêt ou que le moteur soit éteint : un personne aux commandes d’un véhicule à
l’arrêt a la qualité de conducteur (cf stop/start).
Si le véhicule impliqué dans l’accident est en stationnement, et que personne n’est aux commandes c’est alors
le gardien qui est responsable voilà pourquoi la loi désigne deux responsables.

Le gardien est celui qui a l’usage, la direction et le contrôle du véhicule, il est le propriétaire du véhicule
: il est présumé en être le gardien.

En pratique les qualités de gardien et de conducteur seront le plus souvent confondues : c’est la même
personne qui sera à la fois gardien et conducteur du véhicule impliqué et qui sera tenu d’indemniser la victime.

Exceptionnellement, les qualités de gardien et de conducteur peuvent être dissociés, il en est ainsi par
exemple lorsque le propriétaire gardien du véhicule n’est pas le conducteur au moment de l’accident et qu’il n’a
pas pour autant transféré la garde au conducteur, par exemple le propriétaire qui fait appel à un
chauffeur/dépanneur qui conduit le véhicule alors que le propriétaire conserve la garde. Ou l’acheteur qui
procède à l’essai d’une voiture et qui prend le volant sous la surveillance du vendeur qui conserve la garde.

Dans ces hypothèses le gardien et le conducteur seront tous les deux responsables in solidum à l’égard de la
victime.

Lorsqu’un préposé/salarié conduit un véhicule qui appartient à son employeur dans le cadre de ses
fonctions il ne peut pas être poursuivi en tant que gardien car les qualités de préposé et de gardien sont
incompatibles.

Un arrêt du 28 Mai 2009 a également décidé qu’un préposé ne peut pas être poursuivi non plus en
qualité de conducteur quand il agit dans le cadre de sa mission, il bénéficie d’une immunité, il n’est pas
responsable personnellement : dans ce cas c’est le commettant, gardien du véhicule conduit par le préposé qui
sera tenu d’indemniser la victime sur le fondement de la loi du 5 Juillet 1985 et non pas sur le fondement de la
responsabilité du fait d’autrui de l’article 1242 alinéa 5.

Si le véhicule est conduit par un mineur, soit une mobylette si le mineur a plus de 14 ans soit une voiture
s’il a plus de 16 ans et qu’il cause un accident, la victime agira contre le conducteur mineur responsable de
l’accident et sera indemnisé par l’assureur. Dans ce cas la victime agira sur le fondement de la loi du 5 juillet
1985 et non pas sur le fondement de la responsabilité des parents de l’article 1242 al 4.

Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans l’accident (collision) : tous les conducteurs des
véhicules impliqués sont tenus in solidum de la réparation. Le conducteur qui a indemnisé la victime dispose
ensuite d’un recours contre les autres conducteurs.

® Si aucun conducteur n’a commis de faute, la dette de réparation est repartie à part égale entre les
différents conducteurs
® Si tous les conducteurs des différents véhicules impliqués dans l’accident ont commis des fautes, alors
l’indemnisation est répartie entre eux à proportion de la gravité de leurs fautes respectives.
® Si certains conducteurs ont commis une faute tandis que d’autres n’en ont pas commis, alors les
conducteurs fautifs supportent la charge exclusive de la réparation. Les conducteurs non fautifs ont un
recours pour le tout/la totalité de la dette contre les conducteurs fautifs.

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3) Une implication du véhicule dans l’accident

Selon l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, ce régime est applicable aux victimes d’un accident de la
circulation dans lequel est impliqué un VTM.

a. La notion d’implication

Selon la JP, un véhicule est impliqué dans un accident lorsqu’il est intervenu d’une manière ou d’une
autre dans cet accident. Il suffit que le véhicule ai contribué d’une manière ou d’une autre à l’accident.

La définition donné par le doyen Cornu de l’implication est : la participation matérielle d’un véhicule
dans un accident, qui suffit à engager la responsabilité́ civile de son conducteur, ou du gardien, sans qu’il soit
nécessaire que le véhicule ai été la cause certaine et immédiate du dommage.

La notion d’implication se distingue de la notion de lien de causalité et l’absence de lien de causalité


n’exclut pas que le véhicule puisse être impliqué. Il n’est pas nécessaire de prouver que le véhicule a été la
cause effective de l’accident, il suffit qu’il ait pu l’être. L’implication est donc la causalité possible et non pas la
causalité effective. La notion d’implication se distingue aussi de la notion de fait de la chose car il n’est pas
nécessaire de prouver le rôle actif du véhicule dans la réalisation du dommage, il suffit de prouver qu’il ait
intervenu dans l’accident.

b. La preuve de l’implication

Ici encore la JP a posé une présomption pour alléger la charge de la preuve pour la victime. En ppe, la
victime doit rapporter la preuve de l’implication du véhicule dans l’accident.

Mais pour simplifier sa tâche, la JP a posé́ une présomption en vertu de laquelle, lorsqu’il y a contact
entre le véhicule et le siège du dommage, le véhicule est nécessairement impliqué qu’il soit en mouvement ou
à l’arrêt. Un arrêt du 25 janvier 1995 énonce qu’est nécessairement impliqué dans un accident tout VTM qui a
été heurté qu’il soit à l’arrêt ou en mouvement. Il faut distinguer deux cas de figure :

® S’il y a eu contact entre le véhicule du défendeur et la victime ou un de ses biens, dans ce cas il y a
nécessairement implication que le véhicule soit en mouvement ou à l’arrêt et le conducteur est tenu
d’indemniser la victime. Si le véhicule est à l’arrêt il importe peu qu’il soit en stationnement régulier ou
irrégulier.
® A l’inverse, s’il n’y a pas eu de contact entre le véhicule du défendeur et le siège du dommage, cela
n’exclut pas l’implication mais dans ce cas elle n’est pas présumée, la présomption ne joue pas.

La victime doit alors démontrer que le véhicule en mouvement ou à l’arrêt a joué un rôle dans l’accident,
qu’il ait intervenu « d’une manière ou d’une autre dans l’accident ». Il faut prouver sa participation matérielle,
son intervention dans l’accident. Cela suppose l’existence d’une autre circonstance que le contact qui rattache
le véhicule à l’accident.

S’agissant du véhicule à l’arrêt il peut être impliqué même en l’absence de contact et même s’il est en
stationnement régulier ; par exemple il peut créer un obstacle à la visibilité ou à la circulation ou il peut prendre
feu. S’agissant du véhicule en mouvement, il peut aussi être impliqué en l’absence de contact, par exemple un
arrêt du 14 décembre 1997 avait admis qu’un camion est impliqué́ dans la chute d’un conducteur de mobylette
surpris par son passage brutal à grande vitesse alors qu’il n’y avait pas eu de contact.

Dans un autre arrêt, dans l’hypothèse d’une course poursuite entre les deux véhicules, le véhicule
poursuivant peut être impliqué dans l’accident du poursuivi même s’il n’y a pas de contact (arrêt du 18 Mai
2000). De même un véhicule en mouvement est impliqué́ si un piéton chute parce qu’il est surpris par le recul
du véhicule.

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Autre arrêt du 18 avril 2019 admet l’implication d’un tracteur dans la survenance d’un accident dès lors
que le tracteur a empiété sur la voie de circulation lors du fauchage du bas-côté de la route et en circulant à
une allure très réduite a contraint les autres véhicules à un dépassement.

B. Le régime d’indemnisation

Le régime d’indemnisation n’est pas le même pour les atteintes à la personne et pour les atteintes aux
biens. Dans tous les cas, l’une des spécificités de ce régime est que le dommage est indemnisé même en cas
de force majeur.

1) L’exclusion de l’exonération tirée de la force majeure et du fait d’un tiers

L’article 2 de la loi du 5 juillet 1985 prévoit que « les victimes y compris les conducteurs ne peuvent se
voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien du véhicule impliqué ».

Le défendeur ne peut donc pas, pour s’exonérer, opposer à la victime des événements naturels tel que
des tempêtes ou des orages même lorsqu’ils présentent les caractères de la FM. Le défendeur ne peut opposer
aucun événements imprévisible, irrésistible et extérieur pour s’exonérer.

Le défendeur conducteur ou gardien du véhicule impliqué ne peut pas non plus évoquer le fait d’un tiers
pour s’exonérer même s’il est imprévisible, irrésistible et extérieur. Le conducteur du véhicule impliqué ne peut
pas invoquer par exemple le mauvais entretien de la chaussée ou le fait d’un autre conducteur qu’il lui aurait
coupé la route ou le fait d’un piéton pour s’exonérer auprès de la victime.

2) L’indemnisation des atteintes à la personne

L’article 3 de la loi de 1985 vise les dommages résultant des atteintes à la personne. Il s’agit de tous
les dommages corporels au sens large, qu’ils présentent un caractère matériel comme les frais médicaux ou
plutôt un caractère moral comme le préjudice esthétique ou d’agrément. Pour ces dommages, la loi applique
un régime d’indemnisation différent aux victimes conducteurs et aux victimes non conducteurs.

Le projet de réforme de la responsabilité civile du 13 Mars 2017 envisage néanmoins de supprimer


cette différence de traitement entre les conducteurs et les non conducteurs qui est source d’inégalité.

a. Victimes non-conducteurs

Les victimes non-conducteurs sont les piétons, les cyclistes blessés dans l’accident, les passagers des
véhicules blessés dans l’accident.

Ces victimes bénéficient d’une indemnisation très large de leurs atteintes à la personne : elles ne
peuvent se voir opposer ni la force majeure ni le fait d’un tiers ni leur propre faute ordinaire par le conducteur
du véhicule impliqué pour réduire leur droit à réparation. Les victimes non-conducteurs sont privés
d’indemnisation dans deux cas seulement :

® Lorsqu’elles ont commis une faute intentionnelle = lorsqu’elles ont volontairement recherchés le
dommage subit (hypothèse du suicide)
® Lorsqu’elles sont commises une faute inexcusable qui est en outre la cause exclusive du dommage.

Pour certaines personnes particulièrement vulnérables en raison de leur handicap, de leur âge : par
exception la faute inexcusable n’est pas opposable à certaines victimes non conducteurs particulièrement
vulnérable qui bénéficient d’une protection renforcé.

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Il s’agit des victimes qui ont moins de 16 ans ou plus de 70 ans, ou qui, au moment de l’accident sont
titulaires d’un titre leur reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité supérieur ou égal à 80 %.

Selon l’article 3 alinéa 2 de la loi de 1985, ces personnes sont privées d’indemnisation dans un seul
cas : en cas de faute intentionnelle : lorsqu’elles ont volontairement recherché le dommage subit.

Les autres victimes non-conducteurs qui ont plus de 16 ans, moins de 70 ans et qui n’ont pas un taux
d’incapacité supérieur ou égal à 80 %, sont privés d’indemnisation si elles ont commis soit une faute
intentionnelle, soit une faute inexcusable cause exclusive de l’accident.

La Cour de cassation retient une conception assez stricte de la faute inexcusable, elle la défini dans
arrêt Assemblée plénière, 10 Novembre 1995 : la faute inexcusable est « une faute volontaire d’une
exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience
». La faute inexcusable suppose alors :

® Un élément objectif (un comportement d’une exceptionnelle gravité)


® Un élément subjectif (le caractère volontaire de la faute et la conscience du danger).

Mais la faute inexcusable n’est pas cependant une faute intentionnelle car élément volontaire porte sur
l’acte lui-même et non les conséquences dommageables.

L’exigence de conscience du danger exclu qu’une telle faute puisse être opposé à une personne privé
de discernement, c’est ce qu’a admis un arrêt de la Cour de cassation du 2 Mars 2017 : une personne a été
victime d’un accident de la circulation alors qu’elle était assise à l’arrière d’un taxi elle a ouvert la porte AR
coulissante du taxi qui circulait à 90km/h et est tombé sur la chaussée. La personne souffrait de troubles
pathologies l’ayant privé de discernement : la Cour de cassation considère que la victime était dans un état de
confusion mental et d’absence de discernement au moment de l’accident, elle ne pouvait pas en l’espèce se
voir opposer une faute inexcusable la priant d’indemnisation.

La faute inexcusable caractérise des comportements particulièrement graves et elle est rarement retenue
en pratique :

® Par exemple, a été́ jugé inexcusable le fait pour un piéton de franchir de nuit une barrière de sécurité
pour s’allonger sur une route nationale (29 Novembre 1997)
® A été jugé inexcusable le fait de monter sur le toit d’une voiture en mouvement (20 Octobre 1995)
® A été jugé inexcusable le fait pour un automobiliste interpelé pour conduite en état d’ivresse de sauter
du véhicule de police en marche.

En outre, pour que la faute inexcusable de la victime la prive d’indemnisation, elle doit être la cause
unique de l’accident = il faut que le défendeur n’ai pas commis de faute en face. Il ne faut pas que le conducteur
du véhicule impliqué auquel la réparation est demandé ai lui-même commis une faute.

Si le défendeur prouve l’existence d’une faute inexcusable de la victime, qui est la cause exclusive de l’accident,
cela constitue alors une cause d’exonération totale pour le défendeur.

La victime sera totalement privé d’indemnisation : arrêt 28 Mars 2019 de la Cour de cassation retiens
la faute inexcusable d’un piéton « qui se tenait debout a coté de sa voiture stationné en bon état de marche sur
un refuge où il se trouvait en sécurité et s’est sans raisons valable soudainement engagé à pied sur la chaussée
de l’autoroute a la sortie d’une courbe masquant la visibilité pour les véhicules qui arrivaient sur la voie ».

Un autre arrêt du même jour ne retient pas au contraire la faute inexcusable de deux cyclistes de 16 et 17 ans
qui ont empruntés la route départementale au lieu de la piste cyclable et qui circulaient sans éclairages.

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b. Victimes conducteurs

Lorsqu’un conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident a lui-même subit un dommage, il peut
demander réparation aux conducteurs des autres véhicules impliqués.

Le conducteur victime ne peut pas se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le défendeur. En
revanche il peut se voir opposer sa propre faute quelle qu’elle soit qui réduira ou supprimera son droit à
réparation.

La faute de la victime est ici une cause d’exonération pour le conducteur du véhicule impliqué selon
l’article 4 de la loi de 1985 la faute commise par le conducteur du VTM a pour effet de limiter ou d’exclure
l’indemnisation des dommages qu’il a subi.

Qu’elle que soit sa nature la faute de la victime qui était conductrice au moment de l’accident pourra ê une
cause d’exonération totale ou partielle pour le conducteur responsable selon sa gravité.

Par exemple : la JP a limité l’indemnisation des dommages corporels subis par un conducteur qui ne
portait pas de casque (Arrêt 16 octobre 1991), mais également un autre conducteur qui n’avait pas mis sa
ceinture de sécurité (Arrêt 15 mai 1992), ou encore un conducteur qui a commis un excès de vitesse, ou un
autre dans un arrêt de 2005 qui circulait en moto après avoir consommé de l’alcool = toute imprudence sera
opposable à la victime conductrice.

3) L’indemnisation des atteintes aux biens

Pour les dommages matériels, la loi ne distingue pas entre les victimes conducteurs et non-
conducteurs. Le mm régime s’applique à toutes les victimes. Selon l’article 5 de la loi du 5 juillet 1985, la faute
commise par la victime a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle a
subis. La faute de la victime est une cause d’exonération.

Tous les dommages aux biens sont les préjudices qui résultent de la destruction ou de la détérioration d’une
chose, appartenant à la victime. Exemple : son véhicule, ses effets personnels = tous biens matériels.

La victime de ces dommages matériels ne pourra pas se voir opposer la FM, ni le fait d’un tiers. Mais
elle pourra en revanche se voir opposer sa propre faute, qu’elle que soit sa nature, qui exclura ou limitera son
droit à réparation des dommages matériels.

Remarque : si collision entre une voiture et un vélo, avec 2 victimes (conducteur + cycliste), le cycliste peut agir
sur le fondement de la loi de 1985. Si le conducteur est blessé, alors il va agir sur le fondement du fait des
choses ou de la faute.

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CHAPITRE 3 : LE RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI

En admettant la responsabilité du fait d’autrui, le droit civil se distingue du droit pénal, qui pose cc
principe « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait » (art 121-1 du CP).

Il y a responsabilité civile du fait d’autrui, lorsqu’une personne doit réparer le dommage qu’elle n’a pas
causé, mais qui a été causé par une autre personne. Ce n’est donc pas la mm personne qui cause le dommage
et qui le répare.

L’article 1242 alinéa 1er, énonce « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par
son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ».

Les articles 1242 alinéa 4 et suivants, précisent ensuite les différents cas de responsabilité du fait d’autrui :

® Selon l’alinéa 4 : les père et mère sont responsables du fait de leur enfant mineur
® Selon l’alinéa 5 : les commettants sont responsables du fait de leur préposé
® Selon l’alinéa 6 : les instituteurs et artisans sont responsables du fait des élèves et apprentis

Ces responsabilités spéciales du fait d’autrui étaient les seules prévues par les rédacteurs du Code Civil en
1804. Mais par la suite, la JP a dégagé d’autres cas de responsabilités du fait d’autrui.

Section 1 Les responsabilités spéciales du fait d’autrui

Paragraphe 1 : La responsabilité des parents (art. 1242 al. 4 et 7)

Ces conditions sont posées par l’article 1242 alinéa 4, qui énonce que : « le père et la mère en tant
qu’ils exercent l’autorité parentale (AP) sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant
mineur, habitant avec eux ». Alors les conditions sont :

® l’AP (condition relative aux parents)


® le dommage causé (condition relative à l’enfant)
® le mineur (condition relative à l’enfant)
® la cohabitation (condition relative aux parents)

A. Les conditions de la responsabilité

1) Les conditions relatives à l’enfant

a. La minorité
Les parents ne sont responsables que du dommage causé par un enfant mineur, qu’il soit ou non doué
de discernement. L’enfant doit être mineur au jour du dommage et non pas au jour du jugement.

Il ne doit pas être émancipé. Selon l’art 413 alinéa 7 : les parents ne sont plus responsables de plein
droit du dommage causé par un mineur émancipé

La condition de minorité s’explique logiquement puisque l’AP, prend fin à la majorité de l’enfant, en mm
temps que la responsabilité de plein droit des parents.

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b. L’acte dommageable commis par l’enfant
Pour engager la responsabilité des père et mère, la JP exigeait traditionnellement un dommage & un
fait illicite du mineur : une faute générateur de responsabilité, une faute, ou fait d’une chose dont il était gardien.

La responsabilité des parents venait s’ajouter à celle de l’enfant et les parents n’étaient responsables que si le
mineur lui-même l’était (responsable), en tant que fautif ou gardien.

Un arrêt Cour de cassation, Assemblée Plénière, 9 mai 1984, Fullenwarth : a été sources d’incertitudes.
Selon cet arrêt, pour que la responsabilité des parents soient engagées « il suffit que le mineur ait commis un
acte, qui soit la cause directe du dommage ». La Cour de cassation visant seulement un acte, n’exige plus un
acte fautif ou un acte illicite du mineur.

Cependant cet arrêt est resté isolé, et la plupart des auteurs considéraient que la faute de l’enfant était sous-
entendue et qu’elle était toujours nécessaire pour engager la responsabilité des parents.

Des années plus tard, l’arrêt Cour de cassation, 10 mai 2001, Levert, a opéré un véritable revirement.
Il confirme l’arrêt Fullenwarth. En l’espèce, un enfant avait été blessé au cours d’une partie de rugby improvisée
dans une cours de récréation. En effet, un enfant avait blessé un autre enfant au cours d’un jeu collectif, mais
il n’avait pas commis de faute, car il n’avait violé aucune règle du jeu.

Les juges du fond, avaient considéré que le plaquage ne pouvait pas engager la responsabilité de l’enfant,
puisqu’il était régulier, ni celle de ses parents, car il n’était pas fautif.

L’arrêt est cassé par la Cour de cassation, qui énonce « la responsabilité de plein droit encourue par
les père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur, habitant avec eux n’est pas subordonnée
à l’existence d’une faute de l’enfant » : plus besoin de faute du mineur pour admettre la responsabilité du fait
d’autrui des parents. Depuis l’arrêt Levert, la seule exigence est désormais l’existence d’un dommage et d’un
lien de causalité entre le fait de l’enfant et le dommage. Cet arrêt a été confirmé par la suite par 2 arrêts Cour
de cassation, Ass Plénière, 13 décembre 2002 :

® Dans l’un de ces arrêts, il s’agissait aussi d’un jeu de ballon improvisé entre adolescents, au cours
duquel l’un d’eux avait été blessé par la chute d’un joueur
® Dans l’autre arrêt, un élève avait blessé un autre élève car il avait perdu l’équilibre en tombant.

Cette évolution JP est critiquée par les auteurs qui la jugent injuste, en effet, si dans les circonstances
des arrêts du 10 mai 2001 et du 13 décembre 2002, le dommage avait été causé par un jeune majeur et non
pas par un mineur, la victime n’aurait pu obtenir aucune indemnisation, puisqu’aucune faute ne pouvait être
imputée à l’auteur du dommage, ni aucun fait de la chose.

Cette responsabilité ne repose plus sur aucun fait générateur, elle est donc dénaturée. Les parents sont garants
des dommages causés par leur enfant.

En outre, la responsabilité des pères et mère se distingue sur ce pt des autres responsabilités du fait
d’autrui. Aujourd’hui, les parents sont plus sévèrement traités que les autres responsables du fait d’autrui.

La doctrine critique la JP Levert et le projet de réforme de la RC l’écarte, il énonce que : la responsabilité


du fait d’autrui, suppose la preuve d’un fait, de nature a engagé la responsabilité de l’auteur direct du dommage

Toutefois aujourd’hui la JP Levert continue à s’appliquer, le fait du mineur de nature à engager la responsabilité
de ses parents peut être de 3 types :

® Soit une faute


® Soit le fait d’une chose
® Soit un simple fait causal : donc un fait quelconque ayant causé un dommage.

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2) Les conditions relatives aux parents
a. L’autorité parentale

La loi du 4 mars 2002 a remplacé le terme de garde par celui d’AP. L’article 1242 alinéa 4 prévoit que
les père et mère sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur, en tant qu’ils
exercent l’AP.

L’AP est définie à l’article 371-1 du Code Civil, comme l’ensemble des droits et des devoirs ayant pour
finalité l’intérêt de l’enfant. Ces droits et ces devoirs sont reconnus pour l’intérêt de l’enfant, pour sa santé, sa
réputation, sa moralité. 3 cas de figure peuvent se présenter en pratique :

® Si les deux parents exercent en commun l’AP : ce qui est le cas le plus courant, ils sont solidairement
responsables du dommage causé par l’enfant
® Si l’un des parents est décédé, ou si la filiation n’est pas établie à son égard, ou s’il s’est vu retiré l’AP :
dans ce cas seul l’autre parent est responsable de plein droit du dommage causé par l’enfant.
® Lorsqu’aucun parent n’est investi de l’AP : l’article 1242 al 4 ne sera pas applicable. La JP refuse
d’applique ce régime de responsabilité du fait d’autrui à d’autres personnes que les parents. Puisque,
l’art 1242 al 4 vise expressément les père et mère. La JP décide donc que le texte n’est pas applicable
aux grands-parents, ni à la tante, ni au tuteur ;

Dans un arrêt Cour de cassation du 18 septembre 1996, elle a refusé que des grands-parents soient
responsables de plein droit du dommage causé par le mineur sur le fondement de l’art 1242 alinéa 4.

Toutefois, la responsabilité des grands-parents, pourrait être engagée si une faute est prouvée à leur encontre.
Il s’agirait alors d’une responsabilité du fait personnel, fondée sur les art 1240 et 1241 du c.c (sur la faute).

Un arrêt CA de Rouen de 1999, refuse que le beau-père d’un enfant se voit appliquer la responsabilité des père
et mère de l’art 1242 alinéa 4.

b. La cohabitation

Cette condition est la cohabitation de l’enfant avec le ou les parents exerçant l’AP. Le texte vise les
mineurs habitant avec eux. Cette condition est justifiée par le fait que la cohabitation permet aux parents
d’exercer concrètement une surveillance sur l’enfant.

La JP retenait auparavant, une conception matérielle et concrète de la cohabitation et elle décidait que
faute de cohabitation les parents ne sont plus responsables du dommage causé par l’enfant, par ex lorsqu’il est
en vacances chez ses grands-parents, ou lorsqu’il est en pension.

Aujourd’hui, la JP retient au contraire une conception abstraite et beaucoup plus large de la


cohabitation. Dans un arrêt du 20 janvier 2000, alors que des dommages avaient été causés par des enfants,
pendant qu’ils étaient chez leur grand-mère en vacances, la Cour de cassation décide que le changement de
résidence pour quelques jours, n’a pas fait cesser la cohabitation avec les parents.

La Cour de cassation énonce dans cet arrêt que : « la cohabitation de l’enfant avec ses père et mère résulte de
la résidence habituelle de l’enfant au domicile de ses parents ou de l’un d’eux » : la cohabitation est la résidence
habituelle de l’enfant.

Dès lors, seul importe le lieu où l’enfant est censé résider habituellement, même s’il n’y est pas effectivement
au moment du dommage.

Par la suite, il a été jugé par un arrêt du 29 mars 2001, que le fait de confier l’enfant à un établissement
scolaire, mm en régime d’internat, ne fait pas cesser la cohabitation de l’enfant avec ses parents. Il en est de
mm si l’enfant est confié à un centre de vacances (arrêt 29 octobre 2002).

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La JP décide également que l’hébergement de l’enfant par le parent qui n’exerce pas l’autorité parentale
ne fait pas cesser la cohabitation de l’enfant avec l’autre parent qui exerce l’autorité parentale : arrêt du 19
février 1999.

Un arrêt du 29 avril 2014 énonce qu’en cas de divorce, la responsabilité de plein droit prévue par l’article
1242 alinéa 4, incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée, quand bien
même l’autre parent bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement exercerait conjointement l’autorité
parentale. Donc que 2 conditions sont cumulatives : il faut autorité parentale + cohabitation avec le mineur.

Toutefois, le parent chez lequel l’enfant n’a pas sa résidence habituelle pourrait être responsable s’il
commet une faute, comme par exemple une faute de surveillance du mineur. Il serait responsable sur le
fondement des articles 1240 et 1241.

Lorsque le juge fixe le principe de la résidence alternée de l’enfant chez les 2 parents, ils seront tous
les deux responsables sur le fondement de l’article 1242 alinéa 4. Dans ce cas, le mineur a 2 résidences
habituelles.

àLa condition de cohabitation est conçue de manière de plus en plus extensible en JP.

Un arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2005 a même décidé que le fait que l’enfant ait été confié
par ses parents qui exerçaient toujours l’autorité parentale à sa grand-mère, qui l’élevait depuis 12ans, n’a pas
fait cesser la cohabitation de l’enfant avec ses parents (ici abandon de fait, mais pas abandon de droit).

Les parents ont un devoir de garde du mineur, qui fait partie des attributs de l’autorité parentale. Ils ont
le devoir de garder l’enfant à domicile, et d’assurer sa surveillance et son entretien. Ils ne doivent pas pouvoir
s’affranchir librement sans contrôle judiciaire de ce devoir pour échapper à la responsabilité.

Cette solution de l’arrêt du 8 février 2005 évite que les parents délaissent leur enfant pour échapper à
leur responsabilité. Mais, elle aboutit à une conception abstraite, artificielle de la cohabitation. La JP est passée
d’une conception matérielle et concrète de la cohabitation, à une conception juridique et abstraite qui définit la
cohabitation comme la résidence habituelle du mineur au domicile de ses parents ou de l’un deux.

Les parents demeurent responsables lorsque le défaut de cohabitation a une cause illégitime, résultant
par exemple d’une fugue du mineur ou d’une absence fautive du parent, ou d’un abandon du mineur comme
dans l’arrêt de 2005.

Les parents ne pourront invoquer une cessation de la cohabitation pour échapper à leur responsabilité du fait
d’autrui, que lorsqu’elle est intervenue en vertu d’une décision de justice.

Par exemple, dans un arrêt du 21 décembre 2006, il a été décidé qu’un père qui en vertu d’une décision
du JAF ne résidait pas avec l’enfant, n’était pas responsable.

De même, une mesure judiciaire de placement du mineur dans une association d’action éducative, fait
cesser la cohabitation avec les parents, y compris lorsque l’enfant se trouve chez ses parents au moment des
faits : arrêt du 6 juin 2002.

Lorsque le juge civil, ou le juge pénal décide de placer le mineur dans un établissement éducatif, il n’y
a plus cohabitation avec les parents. En ppe, toute décision judiciaire met fin à la cohabitation. Toutefois, une
simple mesure d’assistance éducative, en milieu ouvert, (AEMO) consistant à apporter aide et conseil à la
famille, ne fait pas cesser la cohabitation : arrêt Cour de cassation du 19 juin 2008.

La cohabitation cesse lorsque le mineur est confié à un tiers non pas par la seule volonté des parents,
mais par une décision judiciaire. Elle est en revanche maintenue lorsqu’il confie l’enfant à un tiers, en vertu d’un
simple contrat (exemple : centre de vacances, colo, centre de loisir).

Le projet de réforme de la responsabilité civile, supprime la condition de cohabitation, les parents étant
responsables du dommage causé par le mineur uniquement en tant qu’ils exercent l’autorité parentale.

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B. La portée de la responsabilité

1) Les effets de la responsabilité des parents

a. La responsabilité solidaire des parents

Si les 4 conditions d’application de l’art 1242 alinéa 4 sont réunies, à l’égard des deux parents, le texte
prévoit qu’ils sont “solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur”. Il ne s’agit pas d’une
simple obligation in solidum prévue par la jurisprudence, mais il s’agit d’une véritable solidarité légale.
En conséquence de cette solidarité, la victime peut donc demander réparation de l’intégralité du dommage à
n’importe lequel des 2 parents (si AP). Et celui qui l’indemnise, disposera ensuite d’un recours contre son
conjoint, recours pour moitié ou à proportion de la gravité des fautes. Cela permet à la victime d’être indemnisée
dans tous les cas, même si l’un des codébiteurs solidaires est insolvable.

Lorsqu’un enfant était sous le contrôle de son instituteur au moment où il a causé le dommage, la
victime peut poursuivre simultanément les parents, sur le fondement de l’art 1242 alinéa 4, et aussi l’instituteur
sur le fondement de l’article 1242 alinéa 6, et ils seront tenus in solidum. En outre, dans tous les cas, la
responsabilité des parents ne rend pas pour autant le mineur irresponsable.

b. Le maintien le cas échéant de la responsabilité personnelle de l’enfant

La responsabilité des parents, ne fait pas disparaître la responsabilité personnelle du mineur s’il a
commis une faute ou responsable en qualité de gardien d’une chose. Dans ce cas-là, la victime peut agir :

® Soit contre le mineur, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil
® Ou sur le fondement de l’article 1242 alinéa 1er, s’il est gardien d’une chose
® Soit la victime peut agir contre les parents, sur le fondement de l’article 1242 alinéa 4
® Elle peut aussi agir à la fois sur contre les parents et contre le mineur qui sont tenus in solidum
® Le ou les parents, peuvent aussi être responsables pour faute

Lorsque le mineur est fautif ou gardien d’une chose, les parents peuvent en outre exercer en théorie un
recours contre lui, après avoir dédommagé la victime.

Par exemple, dans un arrêt de la CA de Rouen du 16 mai 2003, un mineur avait commis un vol de
voiture, et sa mère avait été déclarée responsable du fait d’autrui. Et après sa majorité, elle lui avait réclamée
le remboursement, elle s’était retournée contre lui.

En revanche, un arrêt de la Cour de cassation du 11/09/2014, a retenu que la minorité de M. X. ne fait


pas obstacle à sa condamnation à indemniser la victime pour le dommage qu’elle a subi par la faute du mineur.
Il est tenu in soldium avec ses parents. Cet arrêt avait été rendu à propos d’un adolescent de 15ans qui avait
brulé un autre adolescent en lui jetant de l’alcool dessus. L’arrêt énonce dans l’attendu de principe “la
condamnation des pères et mères sur le fondement de l’art 1242 alinéa 4, ne fait pas obstacle à la condamnation
du mineur sur le fondement de l’art 1240”.

Il y a superposition des responsabilités, et non pas substitution. Le but des responsabilités du fait d’autrui est
d’améliorer l’indemnisation des victimes, et non pas d’exonérer l’auteur du préjudice.

Dans un autre arrêt du 20 octobre 2016, une assistante familiale accueillait à son domicile un mineur
de 17ans, et il avait agressé cette assistante, et l’arrêt réaffirme que la minorité de l’auteur du dommage, n’exclut
pas sa responsabilité.

En revanche, dans l’hypothèse où le dommage résulte d’un simple fait causal du mineur, qui n’est ni
fautif, ni responsable en tant que gardien d’une chose, la victime ne pourra agir que contre les parents sur le
fondement de l’article 1242 alinéa 4. Et les parents, n’auront pas de recours contre le mineur. C’est l’hypothèse
des jeux collectifs de ballon.

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2) Les causes d’exonération des parents

Avant le revirement de l’arrêt Bertrand du 19 février 1997, la JP permettait aux parents de s’exonérer
de la responsabilité du fait d’autrui, en prouvant qu’il n’avait pas commis de faute d’éducation ou de surveillance.

La responsabilité des pères et mères était alors fondée sur une présomption simple de faute de
surveillance susceptible de preuve contraire : les parents étaient donc exonérés chaque fois qu’ils prouvaient
qu’ils avaient correctement surveillé le mineur.

L’arrêt Bertrand du 19 février 1997, a par la suite opéré un revirement de JP, en décidant que celle la
FM ou la faute de la victime peut exonérer les parents de leur responsabilité de plein droit sur fait d’autrui,
encourue du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux.

Et cette solution a été rappelée par les arrêts d’assemblée plénière de la cour de cassation du 13 décembre
2002, ces arrêts de 2002 confirment à la fois l’arrêt Levert du 10 Mai 2001, et l’arrêt Bertrand du 19 dévrier
1997.

Les parents ne peuvent plus s’exonérer par la preuve de leur absence de faute personnelle, les parents
peuvent en revanche invoquer la FM, qui sera une cause d’exonération totale à condition de prouver un
évènement imprévisible, irrésistible et extérieur.

Et bien sûr, les parents ne peuvent pas se prévaloir du fait de l’enfant s’il a été pour eux imprévisible et
irrésistible pour s’exonérer. La condition d’extériorité interdit aux responsables du fait d’autrui de se prévaloir à
titre de cause étrangère du fait de celui dont il doit répondre.

Les parents peuvent aussi s’exonérer en prouvant une faute de la victime, qui sera une cause
d’exonération totale si elle présente les caractères de la FM, ou une cause d’exonération partielle si elle ne
présente pas les caractères de la FM. La faute de la victime, pourra lui être opposée sans rechercher sa
capacité de discernement, quelle que soit la gravité de cette faute.

La responsabilité des parents du fait du mineur, a été bouleversée par les arrêts Bertrand, puis Levert
dans le sens d’une sévérité accrue à l’égard des parents. Dès lors que les parents ne peuvent plus s’exonérer
en prouvant qu’ils n’ont pas commis de faute, cette responsabilité du fait d’autrui n’est plus fondée sur l’idée de
faute, mais sur l’idée de risque. Et cette évolution du fondement de la responsabilité des parents, explique aussi
l’effacement de l’exigence de cohabitation.

A partir du moment où cette responsabilité n’est plus fondée sur la faute de surveillance des parents, la condition
de cohabitation qui permettait d’effectuer concrètement cette surveillance, n’est plus justifiée. C’est pour cela,
que le projet de réforme envisage de la supprimer.

Paragraphe 2 : La responsabilité des artisans (art. 1242 al. 6)

® 1ère condition : il doit exister une relation de maître à apprenti, cela suppose que l’artisan donne une
formation professionnelle à l’apprenti.

® 2ème condition : l’artisan répond des dommages causés par son apprenti, seulement pendant le temps
où il est sous sa surveillance. C’est l’équivalent de la condition de cohabitation.

® 3ème condition : il était admis que la responsabilité de l’artisan était subordonnée à une faute de
l’apprenti. Mais, la JP Levert du 10 mai 2001 est ici transposable. Donc, un fait causal de l’apprenti,
suffirait à engager la responsabilité de l’artisan.

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Paragraphe 3 : La responsabilité des commettants (art. 1242 al. 5)

C’est l’article 1242 alinéa 5 code civil ; traditionnellement, cette responsabilité comme celle des parents,
s’ajoutait à celle de l’auteur direct du dommage : il y avait addition et non pas substitution de responsabilité : la
victime pouvait choisir d’agir contre le préposé ou bien contre le commettant : un arrêt du 25/02/2000 a
bouleversé ces ppes.

A. Les conditions de la responsabilité des commettants

Elles sont posées à l’article 1242 alinéa 5 du Code Civil, qui énonce que “les commettants sont
responsables du dommage causé par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés”. Il doit
donc exister un lien de préposition et un fait dommageable du préposé commis dans ses fonctions.

1) Le lien de préposition

Comme la responsabilité des parents suppose l’autorité parentale, celle des commettants suppose un
rapport de préposition, c’est la JP qui a défini la notion de « lien de préposition », il suppose une autorité du
commettant et une subordination du préposé ; il est caractérisé par le fait que le commettant doit avoir le pouvoir
de donner des ordres au préposé sur les objectifs à atteindre (dans le cadre des fonctions) et sur les moyens à
employer pour les atteindre.

Celui qui n’est pas subordonné et qui effectue une tâche pour le compte d’une autre personne en toute
indépendance n’est donc pas préposé (car la subordination est nécessaire) ; par exemple l’entrepreneur
indépendant qui a toute liberté pour diriger les travaux qu’il exécute pour le compte d’un client n’est pas préposé.

Le plus souvent le lien de préposition résulte d’un contrat et notamment d’un contrat de travail, le pouvoir
de donner des ordres est alors un pouvoir de droit et le lien de préposition est un lien de droit : tous les
salariés/employés sont préposés.

On s’est posé la question pour le médecin salarié (même en étant indépendant dans l’exercice de l’art :
liberté de prescription et de diagnostic), et on a considéré qu’il pouvait être salarié de la clinique qui l’emploi car
ils sont soumis à des contraintes matérielles, administratives, au respect d’horaire de travail. En dehors du
contrat de travail, le lien de préposition pourrait exister dans d’autres contrats :

® Par exemple un contrat de sous-traitance si l’entrepreneur ppl a le pouvoir de donner des ordres aux
sous-traitants
® Dans un contrat de mandat, si le mandataire n’est pas indépendant et reçoit des instructions précises…

A côté du lien de préposition de droit, le lien de préposition peut aussi exister en dehors de tout contrat
et il constitue alors un lien de fait. La JP assimile le pouvoir juridique de donner des ordres au fait d’en donner,
par exemple dans le cadre de relations amicale/familiale ; par exemple il a été jugé qu’une épouse peut être le
préposé de son mari et inversement.

La Cour de Cassation a aussi décidé qu’une personne venant aider gratuitement un restaurateur pour
effectuer le service dans son restaurant devient son préposé : arrêt 14/06/1990 (chambre criminelle) : la
responsabilité du restaurateur du fait d’autrui a été retenu (car le préposé tapait les personnes qui venaient
avec un pique-nique au restaurant).

Le lien de préposition peut exister même en l’absence de contrat de travail ou de rémunération, il


importe peu que le commettant ait choisi lui-même son préposé, par exemple une infirmière recrutée par une
clinique pourrait être le préposé occasionnel d’un médecin même s’il ne l’a pas choisi.

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Il importe peu que le commettant ait les connaissances techniques nécessaires pour donner des ordres
avec compétence : arrêt 11/10/1989 a jugé que le propriétaire d’un arbre et de la tronçonneuse ayant servi à
son abattage qui donne des instructions à une autre personne pour l’abattage de l’arbre, a la qualité de
commettant même s’il n’a pas de compétence en matière d’abattage d’arbre.

2) Le fait dommageable du préposé commis dans ses fonctions

a. La nécessité d’une faute du préposé

L’article 1242 alinéa 5 ne précise pas la nature du fait dommageable commis par le préposé, mais la
JP a toujours considéré que seule une faute commise par le préposé était de nature à engager la responsabilité
du commettant sur le fondement du même article. Le commettant engage sa responsabilité à condition que la
victime prouve une faute du préposé, donc une erreur de conduite appréciée in abstracto : il peut s’agir d’une
faute intentionnelle, d’imprudence, la condition de discernement n’est plus retenue depuis l’arrêt du 3/01/1968
et les arrêts du 9/05/1984.

Au lendemain de l’arrêt Levert du 10/05/2001, la question s’est posée de savoir si un simple fait causal
du préposé pourrait suffire pour engager la responsabilité du commettant : la JP ne l’a pas admis, un arrêt
postérieur de la Cour de Cassation du 8/04/2004 a rappelé qu’une faute du préposé est nécessaire pour
engager la responsabilité du commettant (un club sportif dont la responsabilité était recherchée en tant que
commettant du fait du dommage causé par l’un de ses préposés joueur préposé salarié au cours d’une
compétition). La Cour décide que la responsabilité du commettant est subordonnée à la preuve d’une faute du
préposé caractérisée par une violation des règles du jeu.

Il est exclu que la responsabilité du commettant soit engagée sur le fondement d’un simple fait causal
du préposé, sur ce point le régime de responsabilité des commettants diffère de celui des parents.

Si le fait du préposé ne peut pas être un simple fait causal, il ne peut pas être non plus le fait d’une
chose dont il a la garde car la JP considère que les qualités de gardien/préposé sont incompatibles : le préposé
étant subordonné, il ne peut pas avoir un pouvoir indépendant de direction et de contrôle sur les choses qu’il
utilise dans le cadre de ses fonctions.

Lorsque le dommage est causé par un préposé au moyen d’une chose, la victime doit agir contre le
commettant sur le fondement de la responsabilité du fait des choses de l’article 1242 alinéa 1er du Code Civil.
Dans ce cas, c’est le commettant qui a la garde de la chose même en n’ayant pas l’usage de cette chose.

Si le préposé est à la fois fautif et utilisateur d’une chose gardée par son commettant, dans ce cas, l’article 1242
alinéa 1er et l’article 1242 alinéa 5 sont tous deux applicables.

b. La nécessité d’un lien avec les fonctions

L’article 1242 alinéa 5 du Code civil prévoit que les commettants ne sont responsables que des
dommages causés par les préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. La responsabilité du
commettant est exclue si la faute du préposé n’a aucun rapport avec ses fonctions.

Le Code civil en l’article relatif à la responsabilité, n’a pas défini la faute du préposé en lien avec ses
fonctions, c’est la JP qui a défini cette faute, elle se définie négativement par l’absence d’abus de fonction ; elle
a donc posé 3 critères pour qu’il y ait abus de fonction dans l’arrêt d’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation
du 19/05/88 (le préposé d’une compagnie d’assurance avait détourné une partie des fonds versés par les
clients, la question était de savoir si la compagnie d’assurance devait être responsable).

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Dans cet arrêt, la Cour a admis la responsabilité du fait d’autrui de la compagnie d’assurance et elle
énonce : « le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions dans
lesquelles il était employé sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ». Ces trois conditions
sont cumulatives. Le commettant échappe à sa responsabilité :

® Si le préposé a agi sans autorisation : donc sans accord du commettant ou à son insu
® Il faut ensuite que le préposé ait agi à des fins étrangères à ses attributions : donc à des fins
personnelles (dans son propre intérêt ou dans un intérêt contraire à celui du commettant)
® Il faut que le préposé ait agi hors des fonctions : le fait dommageable du préposé ne peut pas être
rattaché à ses fonctions par une circonstance de temps/lieu ou moyen.

A l’inverse, si l’acte est commis pendant le temps de travail, ou sur le lieu de travail ou en usant des
moyens procurés par les fonctions, il n’y aura pas abus de fonction. Le commettant n’est plus responsable
seulement si le préposé agi sans autorisation, à des fins étrangères à ses attributions et en dehors du temps/lieu
de travail sans user des moyens procurés par ses fonctions. Cette définition de l’abus de fonction posé par
l’arrêt précédent, est reprise par le projet de réforme de la responsabilité civile et elle est très restrictive ; en
pratique les 3 conditions cumulatives seront rarement réunies :

® Par exemple, il a été jugé que les bagagistes préposés d’une compagnie aérienne qui commettent des
vols durant leurs heures de service alors qu’ils procèdent à l’embarquement des bagages dans les
soutes de l’avion n’agissent pas hors de leur fonction et le commettant est responsable : arrêt
22/01/1997

® Par exemple, il en est de même pour le préposé d’une entreprise de nettoyage commettant d’un vol
dans les locaux de la bijouterie qu’il était chargé de nettoyer durant ses heures de service : arrêt Cour
de Cassation 22/05/1995

® Par exemple, l’employé d’une résidence pour personnes âgées ayant abusé de la faiblesse d’une
pensionnaire en lui soutirant de l’argent, en lui faisant croire qu’elle risquait être renvoyée, n’agit pas
hors de ses fonctions dès lors que cet employé a été mis en relation avec la victime grâce à ses
fonctions : arrêt 16/06/2005

® Par exemple, un arrêt du 12/06/2011 a également considéré que des videurs de boite de nuit coupables
de violences volontaires pendant leur temps/lieu de travail, qui avaient violemment expulsé une
personne de la discothèque, n’ont pas agi hors des fonctions.

® Par exemple, un arrêt du 17/03/2011, a déclaré civilement responsable l’employeur d’un professeur de
musique qui avait commis des agressions sexuelles à l’égard de plusieurs élèves dans l’enceinte de
l’établissement

® Par exemple, un arrêt du 13/11/2018 a admis aussi qu’une clinique est responsable du harcèlement
commis par l’un de ses préposés, condamné pénalement.

A la lumière de ces arrêts, il apparait que l’abus de fonction de nature à écarter la responsabilité du
commettant, sera rarement constitué en pratique.

Un autre arrêt du 21/05/2015, démontre aussi la définition stricte de l’abus de fonction ; dans cette
affaire, le préposé d’une entreprise de transport avait participé en tant que complice, au vol d’une partie de la
cargaison d’un camion qui était composée de matériels informatiques, il avait été condamné pénalement. La
CA avait retenu l’abus de fonction et écarté la responsabilité du commettant au motif que l’action s’était produite
en dehors du temps/lieu de travail. L’arrêt est cassé au motif que le préposé avait « trouvé dans son emploi,
l’occasion et les moyens de commettre sa faute », il avait eu accès aux informations grâce à son emploi ; l’abus
de fonction n’était donc pas constitué.

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B. Les effets de la responsabilité des commettants
Traditionnellement la responsabilité des commettants n’avait pas pour effet de limiter celle du préposé.
Elle est conçue dans l’intérêt de la victime et non dans l’intérêt de l’auteur du dommage. La victime pouvait
donc auparavant engager librement une action contre le commettant ou contre le préposé. Aujourd’hui l’action
contre le préposé n’est admise que dans des cas limités.

1) L’action de la victime contre le commettant

Si elle agit contre le commettant sur le fondement de l’article 1242 al 5, il doit l’indemniser sauf s’il peut
se prévaloir d’une cause d’exonération.

a. L’obligation du commettant d’indemniser la victime

La victime doit prouver ses préjudices, l’existence du lien de préposition, elle doit prouver aussi la faute
commise par le préposé dans ses fonctions. Le commettant doit alors réparer intégralement le préjudice. Il ne
peut pas obliger la victime à mettre en cause préalablement le préposé.

b. Les causes d’exonération du commettant

On retrouve la FM et la faute de la victime + l’abus de fonction. Le commettant peut tout d’abord


invoquer le fait que les conditions d’application de sa responsabilité ne sont pas toutes réunies et que la faute
du préposé n’est pas commise dans ses fonctions.

Il devra alors démontrer les trois conditions de l’abus de fonction posé par l’arrêt d’AP du 19 Mai 1988,
il devra prouver que son préposé a agis hors des fonctions auxquels il était employé, sans autorisations et à
des fins étrangères à ses attributions.

Le commettant ne peut pas en revanche s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis personnellement
de faute. Il ne peut pas faire valoir qu’il a bien surveillé son préposé ou qu’il lui avait donné des consignes de
prudence. L’absence de faute du commettant comme l’absence de faute des parents n’est pas une cause
d’exonérations dans le cadre de ces responsabilités du fait d’autrui.

Le commettant peut seulement faire valoir les causes d’exonérations que le préposé́ aurait pu lui-même
opposer à la victime c’est à dire la FM, et la faute de la victime que le préposé aurait pu lui-même invoquer.

La victime pourra agir contre lui mais elle pourra aussi agir contre le préposé.

2) L’action de la victime contre le préposé

Traditionnellement, la victime pouvait agir contre le préposé sans aucunes restrictions. Celui-ci ayant
commis une faute engagé dans tous les cas sa responsabilité́ personnelle sur le fondement des articles 1240
et 1241. Toutefois un revirement est intervenu avec un arrêt important : « Costedoat » du 25 Février 2000 : il a
institué́ une immunité civile au profit du préposé qui désormais ne sera responsable personnellement que dans
des cas limités.

a. L’immunité de principe du préposé

L’arrêt « Costedoat » du 25 février 2000 qui est un arrêt d’AP de la Cour de Cassation, a décidé que «
n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers sur le fondement des articles 1240, 1241 cciv, le préposé qui
agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ».

Depuis cet arrêt, le préposé qui commet une faute dans le cadre de sa mission bénéficie d’une immunité́
civile et n’engage plus sa responsabilité pour faute. La victime du dommage ne peut donc plus agir contre lui
sur le fondement des articles 1240 ou 1241 cciv.

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Cette immunité civile octroyé au préposé agissant dans les limites de sa mission, a été entendu par la
suite au préposé conducteur d’un VTM : arrêt du 28 Mai 2009 énonce : « n’est pas tenu à indemnisation à
l’égard de la victime, le préposé conducteur d’un véhicule de son commettant impliqué dans un accident de la
circulation, qui agit dans les limites de sa mission ». Il ressort de cette JP que chaque fois que le préposé agis
dans le cadre de sa mission, seul le commettant est responsable et tenu d’indemniser la victime.

b. L’exclusion de l’immunité du préposé

L’immunité du préposé est exclue dans trois cas :

® 1er cas : l’immunité du préposé est exclue et sa responsabilité pourra être engagée sur le fondement
des articles 1240 et 1241 du Code Civil, lorsqu’il commet une faute en dehors de sa mission. l’immunité
tombe et la responsabilité réapparait : cela résulte de l’arrêt Costedoat interprète à contrario.

La notion de « mission » ne se confonds pas avec celle de « fonction », la mission est une tache précise
confié au préposé dans le cadre de ses fonctions. En réalité les deux notions de « mission » et de « fonction »
ont des domaines différents : elles servent à résoudre des questions différentes : la notion de « mission »
concerne la responsabilité personnelle du préposé, alors que la notion de « fonction » concerne la responsabilité́
du commettant.

En pratique le préposé peut excéder les limites de sa mission tout en demeurant dans ses fonctions.
Par exemple dans le cadre de ses fonctions d’employer de banque, pendant son temps de travail, sur son lieu
de travail, le préposé détourne de l’argent remis par les clients. Dans ces hypothèses il a dépassé sa mission
mais il n’est pas sorti de ses fonctions. Ou par exemple, dans le cadre de ses fonctions d’employé chargé du
nettoyage d’une bijouterie il commet un vol pendant son temps de travail (arrêt déjà cité). Ou bien encore dans
le cadre de ses fonctions de videur de boite de nuit il commet des actes de violence pendant son temps de
travail.

A chaque fois le préposé a dépassé sa mission dans tous ces exemples mais il n’y a pas pour autant
abus de fonction. Dans ces hypothèses, lorsque le préposé commet une faute en dehors de sa mission tout en
demeurant dans ses fonctions, le commettant et le préposé seront tous deux responsables mais pas sur le
même fondement :

® Commettant : 1242 alinéa 5 Code Civil

® Préposé : article 1240 & article 1241 Code Civil

Si la victime agit contre le commettant, celui-ci dispose d’un recours contre le préposé après avoir
indemnisé la victime.

® 2nd cas : l’immunité du préposé est aussi exclue en second lieu lorsqu’il commet une infraction pénale
intentionnelle (vol, violences volontaires, harcèlement moral...) : cela résulte de l’arrêt « Cousin » d’AP
de la Cour de Cassation du 14 décembre 2001 : elle a décidé́ qu’un préposé qui commet une infraction
pénale intentionnelle même sur l’ordre du commettant engage sa responsabilité personnelle à l’égard
de la victime.

Dans cet arrêt « cousin », il s’agissait d’un comptable salarié d’une société avait été condamné pour
faux et usage de faux commis sur ordre de son employeur, la Cour de cassation décidé qu’il engage sa
responsabilité́ personnelle pour faute car il s’agit d’une infraction pénale intentionnelle.

Il faut noter que seul l’infraction pénale INTENTIONNELLE exclue l’immunité́ civile du préposé́ mais
pas l’infraction pénale non intentionnelle. Dans une autre affaire, un préposé était poursuivi pour le délit de
blessures involontaires commis dans ses fonctions et dans sa mission.

Et un arrêt de la chambre criminelle du 27 Mars 2014 a décidé que l’infraction pénale non intentionnelle
ne prive pas le préposé de son immunité. Dans cette affaire il s’agissait d’un préposé qui était marin pêcheur,
il avait causé un dommage en commettant un délit de blessure par imprudence alors qu’il était en train de

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déplacer le produit de la pêche du jour dans le port sur ordre de son employeur. Dans cette affaire seul le
commettant a été condamné à indemniser la victime.

® 3ème cas : l’exclusion de l’immunité du préposé : un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de


cassation du 28 Mars 2006 a décidé que l’immunité du préposé doit être aussi écarté en cas d’infraction
pénale qualifié au sens de l’article 121-3 du code pénal c’est à dire en cas de faute pénale caractérisé
ou de faute pénale délibéré même s’il s’agit d’infraction pénale non intentionnelle.

La faute pénale délibéré c’est la violation délibéré d’une obligation particulière de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement. Et la faute pénale caractérisé c’est une faute exposant autrui à un
risque d’une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré (risque de mort ou de blessure grave). La faute
délibéré suppose la volonté de violer un texte et la faute caractérisé requiert outre une imprudence, l’existence
d’un risque d’une particulière gravité et la connaissance de ce risque par l’auteur de la faute. C’est ce que l’on
appelle les fautes pénales qualifiés.

Ces fautes ne constituent pas des fautes ordinaires mais des imprudences aggravées, ce sont des
prises de risques volontaires. Ces deux fautes pénales sont à l’article 121-3 CP.

Dans l’arrêt du 28 mars 2006 il s’agissait d’un préposé qui avait violé de façon manifestement délibéré
une obligation de sécurité relative à la sécurité dans le travail. Il s’agissait d’un chef de service salarié condamné
pour homicide involontaire qui avait omis de s’assurer que les travaux de construction de la toiture du stade de
France était accompli conformément aux règles de sécurité et l’un des ouvriers qui travaillait sur la toiture avait
fait une chute mortelle pendant les travaux.

L’imprudence caractérisée délibérée engage la responsabilité personnelle du préposé. Le préposé engage sa


responsabilité civile personnelle si :
® 1° s’il commet une faute en dehors de sa mission
® 2° s’il commet une faute pénale intentionnelle
® 3° s’il commet une faute pénale non intentionnelle délibéré ou caractérisée.

Dans ces trois hypothèses, la victime pourra agir contre le préposé sur le fondement des articles
1240/1241 cciv et le commettant disposera d’un recours contre le préposé si c’est lui qui indemnise la victime.

3) L’action de la victime contre le commettant et le préposé

Avant l’arrêt « Costedoat » la victime pourrait assigner à la fois le commettant et le préposé sans
restriction. Et ils étaient tenus IN SOLIDUM, elle pouvait donc réclamer la totalité des dommages et intérêts à
l’un ou à l’autre. Cette hypothèse est désormais plus rare depuis l’arrêt Costedoat.

La victime pourra agir à la fois contre le commettant et contre le préposé seulement sans le cas où l’immunité
du préposé est écarte sans qu’il y ait toutefois abus de fonction.

Lorsque le préposé commet une faute en dehors de sa mission mais ses fonctions ou lorsqu’il commet
une infraction pénale intentionnelle ou délibérée ou caractérisée dans ses fonctions, le commettant et le
préposé engagerons alors tous les deux leur responsabilité.

Le 1er sur le fondement de l’art 1242 al 5 et le second (préposé) sur le fondement des articles 1240 et 1241
cciv.

En résumé, on peut dire qu’il y a 4 cas de figure que l’on peut rencontrer :
® Soit le préposé commet une faute dans sa mission et dans ses fonctions : seul le commettant est
responsable (1242 al 5) et il ne dispose d’aucun recours contre son préposé après avoir indemnisé la
victime.

® Soit le préposé commet une faute en dehors de sa mission, et en dehors de ses fonctions (en dehors
du temps et du lieu de travail, sans user des moyens procurés, sans autorisations, et à des fins
étrangères) : seul le préposé est responsable sur le fondement des articles 1240 et 1241 cciv.

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® Soit le préposé commet une faute dans le cadre de ses fonctions mais en dehors de sa mission : ils
sont tous les deux responsables dans ce cas là et le commettant dispose d’un recours contre le
préposé.

® Soit le préposé commet une faute dans le cadre de ses fonctions qui constitue une infraction pénale
intentionnelle délibéré ou caractérisée : là aussi le commettant et le préposé sont tous les deux
responsables et le commettant a un recours contre le préposé.

Le projet de réforme de la responsabilité civile consacre l’immunité du préposé et clarifie les exceptions. La
responsabilité des instituteurs

Paragraphe 4 : La responsabilité des instituteurs (article 1242 alinéa 6 & 8)

La responsabilité des instituteurs pour les dommages causé à un tiers par un élève, est prévu à l’article
1242 alinéa 6 & 8 du Code Civil. En réalité ce n’est pas une responsabilité du fait d’autrui, mais d’un cas
particulier de la responsabilité du fait personnel. Une faute de l’instituteur doit être prouvé, c’est donc une
responsabilité du fait personnel pour faute. L’alinéa 8 expose « En ce qui concerne les instituteurs, les fautes,
imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être
prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »

Quand un élève cause une dommage a un autre élève ou à un tiers, alors qu’il était sous la
responsabilité de l’instituteur, la victime devra prouver une faute de l’instituteur pour agir en responsabilité. La
responsabilité de l’Etat test substitué à celle de l’instituteur mais l’Etat dispose d’un recours contre l’instituteur
s’il a commit une faute personnelle, règle de la responsabilité des fonctionnaires.

Section 2 Le régime général de responsabilité du fait d’autrui (article 1242


alinéa 1er)
Paragraphe 1 : Les conditions du régime général de responsabilité du fait
d’autrui

Jusqu’en 1991 seul certaine personnes limitativement énumérés par la loi, pouvait être responsable du
fait d’autrui : les parents, les commettants & les artisans. Il n’existait donc que de régimes spéciaux de
responsabilité du fait. La jurisprudence considérait que la liste des personnes responsables de plein droit du
fait d’autrui, posé par l’article 1242, était limitative et ne pouvait être étendue en dehors des cas expressément
prévus.

En dehors des cas prévus par l’article 1242, une personne pouvait être responsable du fait d’autrui mais
à condition d’avoir elle-même commis une faute. Par exemple : faute de surveillance. Mais il s’agissait alors
d’une responsabilité du fait personnel et non plus du fait d’autrui.

L’arrêt Blieck Cour de cassation 29 mars 1991, AP, revirement en reconnaissant à l’article 1242 alinéa
1, un nouveau principe de responsabilité du fait d’autrui. Cet arrêt intervient un siècle après l’arrêt Teffaine qui
a reconnu dans le même texte un principe général de responsabilité du fait des choses.

L’arrêt Blieck, a donc décelé une nouvelle responsabilité du fait d’autrui dans l’article 1242 alinéa 1. Ce
texte prévoit « on est responsable non seulement du dommage que l’on crée de son propre fait »

L’arrêt Blieck décide sur le fondement de ce texte qu’un centre d’aide par le travail qui exerce un pouvoir
d’organisation & de contrôle sur les personnes handicapées qu’il reçoit, est responsable du dommage causé
par la faute de l’une d’elle.

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A. La garde d’autrui

1) La garde permanente : le contrôle du mode de vie d’autrui

Il résulte de l’arrêt Blieck et des décisions postérieures que la garde d’autrui se définie comme le pouvoir
d’organisation, de direction et de contrôle de mode de vie d’autrui. La personne qui a un pouvoir d’organisation,
de direction et de contrôle du mode de vie d’une autre personne est responsable du dommage causé par la
faute de cette dernière.

Dans l’arrêt Blieck une personne handicapée résident dans un centre d’accueil, avait mis le feu dans
un pp voisine. La Cour de cassation retient la responsabilité du centre car « il a accepté la charge d’organiser
et contrôler à titre permanent le mode de vie de cette personne handicapée »

La jurisprudence postérieure a réaffirmé les critères de la garde d’autrui et a retenue par exemple la
responsabilité des instituts médical accueillant des personnes handicapées, arrêt du 25 juin 1998 ou encore
ces centres accueillant des mineurs délinquant, arrêt 7 mai 2003.

D’autres personnes, quo n’ont pas de pouvoirs suffisant sur le mode de vie d’autrui, ne peuvent pas se
voir appliquer cette responsabilité du fait d’autrui. C’est le cas du tuteur ou curateur du majeur, des grands
parents en l’absence de décision judiciaire leurs transférant la garde de l’enfant.

La garde d’autrui peut être détenue par une personne morale ou physique. Le tuteur du mineur à une
autorité analogue à celle des parents.

La plus souvent, la garde d’autrui est détenue par une personne morale, telle qu’une association ou
établissement désignée par le juge pénal ou civile de l’assistance éducative pour exercer un contrôle à l’égard
de mineur délinquant, en danger ou à l’égard de majeur en situation d’handicap.

L’article 375 du Code Civil prévoit que si la santé ou la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en
danger, ou si les conditions de son éducations ou de son développement sont compromises, des mesures
d’assistance éducative peuvent être ordonnée par justice à la requête des pères et mères conjointement, ou de
l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du
ministère public.

L’organisme responsable du fait d’autrui doit exercer un véritable contrôle du mode de vie d’autrui. Il a
été jugé qu’une simple mesure d’assistance éducative en milieu ouvert consistant à amener aide et conseil à
la famille, sans pouvoir de direction à l’égard du mineur, serait insuffisante.

Lorsque la mesure d’assistance éducative n’est pas en milieu ouvert, l’organisme prenant en charge le
mineur, aura le pouvoir d’organiser, de contrôler, et de diriger le mode de vie de l’enfant : arrêt 10 octobre 1996.

La garde d’autrui résulte d’une décision de justice, une mise sous tutelle, un placement d’un jeune
délinquant ou en danger, ou d’un majeur handicapée.

Il a été jugé que l’article 1242 alinéa 1 ne s’appliqué pas si le contrat est conclu avec un centre de
vacances ou une maison de retraite

Arrêt du 15 décembre 2011 : le pensionnaire d’une maison de retraire atteint d’Alzheimer avait
mortellement blessé un autre pensionnaire atteint de la même maladie. La Cour de cassation admet que la
maison de retraire n’est pas responsable sur le fondement de l’article 1242 alinéa 1 car la personne âgée auteur
du dommage été hébergée sous un contrat.

Les gardiens désigné par contrat et les gardiens de faits, auquel une personne est confiée sans
décisions judiciaires, ne seraient pas responsable de plein droit sur le fondement de l’article 1242 alinéa 1 du
Code Civil. en revanche il pourront être responsable pour faute.

Arrêt du 8 février 2005 n’a pas retenue la responsabilité d’une grand-mère où l’enfant vivait depuis 12
ans sans qu’il y est eu de décision judiciaires.

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La garde d’autrui qui fonde la responsabilité de l’article 1242 alinéa 1 du Code Civil, ne peut résulter
d’une situation de fait, ni d’un simple contrat, elle doit résulter d’une décision judiciaire.

2) La garde temporaire : le contrôle de l’activité d’autrui

Après l’arrêt Blieck la jurisprudence a admis un autre cas de la responsabilité du fait d’autrui en
application de l’article 1242 alinéa 1, fondé sur le contrôle de l’activité du fait d’autrui. Les associations sportives
par deux arrêt du 22 mai 1995, la Cour de cassation a décidé que les associations sportives ayant pour missions
de diriger, de contrôler des enfants au cours de compétions sportives sur le fondement de l’article 1242 alinéa
1, des dommages qu’ils causent.

Les arrêts du 22 mai 1995, se contente d’un contrôle intermittent & limité d’une activité.
Arrêt du 12 décembre 2002, application de cette responsabilité du fait d’autrui à une association de majorette.
Il décide qu’elle a pour mission d’organiser de diriger et de contrôler l’activité de ses membres lors des défilés.
Elle est responsable de plein droit du dommage d’une majorette qui en avait blessée une autre avec son bâton.

B. Le fait dommageable d’autrui

Paragraphe 2 : La portée du régime général de responsabilité du fait d’autrui

A. Les effets de la responsabilité

Si les conditions de l’article 1242 alinéa 1 sont remplies, la victime peut agir contre le gardien d’autrui
ou l’association qui contrôle l’activité d’autrui. Il faudra établir la faute de l’auteur du dommage ou le fait d’une
chose et le pouvoir d’organisation, de direction et de contrôle du fait d’autrui. Mais, la responsabilité du fait
d’autrui va se superposer à la responsabilité personnelle et non se substituer.

B. Les causes d’exonération

L’arrêt BLIECK du 22 mars 1991 n’a pas précisé les conditions d’exonérations de cette nouvelle
responsabilité du fait d’autrui de l’article 1242 alinéa 1er.
La question se posait notamment de savoir si le responsable du fait d’autrui pouvait s’exonérer en
prouvant qu’il avait bien surveillé la personne placée sous sa garde. La jurisprudence postérieure l’a
formellement exclu.
Un arrêt de la chambre criminelle du 26 mars 1997 a précisé que « les personnes tenues de répondre
du fait d’autrui au sens de l’art. 1384 al. 1er du Code civil, ne peuvent s’exonérer de la responsabilité de plein
droit résultant de ce texte, en démontrant qu’elles n’ont commis aucune faute. »
Le responsable du fait d’autrui ne peut pas s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute de
surveillance ou de négligence ou qu’il a correctement surveillé la personne dont il avait la charge.
Les seules causes d’exonération qui peuvent être invoquées sont donc la faute de la victime (cause
d’exonération totale ou partielle) et la force majeure.

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TITRE 2 : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE
CIVILE DELICTUELLE

CHAPITRE 1 : LE REPARTION DU DOMMAGE

Plusieurs règles gouvernent en droit français la réparation du dommage, tant en ce qui concerne le
montant de la réparation (S1) que le moment d’évaluation du préjudice (S2) ou les formes de la réparation (S3).

Section 1 Le montant de la réparation

Le principe en droit français est celui de la réparation intégrale du dommage (§1) mais ce principe
comporte des exceptions (§2).

Paragraphe 1 : Le principe de la réparation intégrale du dommage

A. La signification du principe

Le principe de la réparation intégrale du dommage ne figure pas dans les textes mais il a toujours été
consacré par la jurisprudence. Un arrêt de la Cour de cassation du 28 octobre 1954 énonçait déjà « le propre
de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de
replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu. »

Le projet de loi du 13 mars 2017 portant réforme de la responsabilité civile consacre aussi ce principe
de réparation intégrale du dommage dans les mêmes termes que la jurisprudence. [il énonce (art1258) que «
la réparation a pour objet de replacer la victime autant qu’il est possible dans la situation où elle se serait trouvée
si le fait dommageable n’avait pas eu lieu. Il ne doit en résulter pour elle ni perte ni profit »].

Le principe de réparation intégrale signifie que la victime doit être rétablie dans la situation dans laquelle
elle se serait trouvée si le fait dommageable n’avait pas eu lieu de sorte qu’il n’en résulte pour elle ni perte ni
profit. Il doit y a avoir une équivalence entre les préjudices subis par la victime et la réparation à laquelle l’auteur
du dommage sera condamné. La créance accordée à la victime doit correspondre à la totalité du dommage
subi. On ne peut pas par exemple ne réparer que les éléments les plus graves du dommage et écarter les
moins graves.

B. Les conséquences du principe

La conséquence principale du principe de réparation intégrale est que la gravité de la faute est
sans influence sur le montant de la réparation. Peu importe la gravité de la faute, le but de la responsabilité
civile étant d’indemniser la victime et non de punir le fautif. Que la faute commise soit grave, lourde, inexcusable
ou ordinaire, elle oblige dans tous les cas son auteur à la réparation intégrale du dommage.
Une faute légère pourra entraîner une lourde dette de responsabilité pour son auteur si elle cause un
dommage important. A l'inverse une faute intentionnelle commise de mauvaise foi peut ne donner lieu qu'à une
faible dette de réparation si le préjudice est minime.

Le principe de réparation intégrale qui prône l’équivalence entre le dommage et la réparation, a


également pour conséquence d’interdire en droit français les dommages et intérêts punitifs qui existent
dans certains droits étrangers. Il convient de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice car la
responsabilité civile a une fonction de réparation et non de sanction. Le projet de réforme du 13 mars 2017

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prévoit néanmoins la consécration d’une amende civile (plafonnée) (art 1266-1). Retirée dans la proposition de
loi du 29 juillet 2020.

Le principe de réparation intégrale a aussi pour conséquence que toute réparation forfaitaire ou
plafonnée est en principe exclue.

Si la victime doit obtenir une réparation intégrale de son préjudice, elle ne peut en revanche être
indemnisée plusieurs fois pour un même dommage. Or il arrive qu’à la suite d’un dommage, la victime
dispose de plusieurs droits à réparation, contre son assureur, contre la sécurité sociale et contre le responsable.
La question se pose alors du cumul des différentes créances indemnitaires. Le principe est que les créances
indemnitaires ne peuvent pas se cumuler si elles offrent à la victime une réparation qui dépasse le montant de
son préjudice. Si celui qui a versé une somme de nature indemnitaire à la victime n’est pas l’auteur du
dommage, il dispose d’un recours contre le responsable : c’est ce que l’on appelle le recours des tiers-payeurs.
Les différents organismes qui ont indemnisé par avance la victime (l’assureur de dommages ou la sécurité
sociale) disposent ainsi d’un recours contre le responsable. La sécurité sociale ou l’assureur prélèvera une
partie des condamnations prononcées au profit de la victime à la suite de l’action en justice.

Paragraphe 2 : Les exceptions au principe de la réparation intégrale du


dommage

Le principe de réparation intégrale n’ayant pas valeur constitutionnelle, le législateur peut y déroger.
Certains régimes spéciaux de responsabilité peuvent ainsi prévoir une réparation forfaitaire ou plafonnée.

A. Les plafonds de réparation


Par exception au principe de réparation intégrale du dommage il arrive que certains textes spéciaux
prévoient des plafonds de réparation en matière de responsabilité délictuelle.

Par exemple une loi du 30 octobre 1968 fixe un plafond de réparation (91 469 410 €) pour les
dommages nucléaires causés par un accident nucléaire. L’exploitant de l’installation nucléaire à laquelle
l’accident est imputable est responsable de plein droit à l’égard des victimes mais la réparation est plafonnée
en raison de l’ampleur du dommage.

La responsabilité du propriétaire d’un navire pour la réparation des préjudices dus à la pollution des
mers par les hydrocarbures est aussi limitée sauf s’il a commis une faute.

B. Les franchises
La franchise est une fraction du préjudice qui n’est pas réparée s’il ne dépasse pas un certain montant.
Le mécanisme des franchises est longtemps resté inconnu du droit français puis il a été admis dans certains
cas exceptionnels sous l’influence communautaire.

La loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux avait ainsi à l’origine exclu
toute franchise mais la France ayant été condamnée par la CJUE (25 avr 2002) a dû modifier sa législation par
une loi du 9 décembre 2004. Depuis cette loi et un décret du 11 février 2005, l’article 1245-2 prévoit une
franchise de 500€ pour le dommage causé à une chose par un produit défectueux.

C. Les clauses limitatives de réparation


En matière contractuelle le principe est celui de la validité des clauses limitatives de réparation. L’article
1231-3 prévoit en effet que « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus lors du
contrat ». Ces clauses sont cependant prohibées dans les contrats conclus entre professionnels et
consommateurs. Elles figurent dans la liste noire des clauses présumées abusives de manière irréfragables.
Elles sont aussi privées d’effet en cas de faute intentionnelle ou de faute lourde.

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En matière de responsabilité délictuelle, contrairement à la responsabilité contractuelle, le principe est
celui de la nullité des clauses limitatives de réparation. La Cour de cassation énonce ainsi que « sont nulles les
clauses d’exonération ou d’atténuation de 12 responsabilité en matière délictuelle, les articles 1240 et 1241 du
code civil étant d’ordre public et leur application ne pouvant être paralysée d’avance par une convention. »

Il existe de très rares exceptions. En matière de responsabilité du fait des produits défectueux l’article
1245-14 admet ainsi la validité exceptionnelle de ces clauses mais seulement entre professionnels et seulement
pour limiter la réparation des dommages matériels, causés aux biens professionnels de la victime.

Section 2 : Le moment de l’évaluation du dommage

Le principe est celui de l’évaluation du dommage au jour du jugement et non au jour du fait
dommageable.

Le juge doit évaluer le dommage au jour où il statue, au jour où il rend sa décision et non au jour où le
dommage est subi.

Le juge doit donc tenir compte des évolutions intervenues entre le jour du fait dommageable et le jour
où il statue. Le juge doit tenir compte du salaire auquel la victime aurait eu droit au jour où la décision est rendue
et non de celui perçu au jour de l’accident.

Si la victime subit une aggravation de son préjudice postérieurement à la décision du juge ayant évalué
le dommage, la victime peut toujours solliciter une réparation complémentaire dès lors que le préjudice invoqué
est différent du préjudice sur lequel le juge a déjà statué (autorité de chose jugée) et à condition qu’il soit en
lien causal avec le fait dommageable.

Section 3 : Les formes de la réparation


La réparation du dommage, due à la victime par le responsable peut prendre deux formes : elle peut
consister soit en une réparation pécuniaire soit en une réparation en nature.

La réparation pécuniaire consiste en une indemnité que le responsable verse à la victime sous forme
de dommages et intérêts. Elle est qualifiée de réparation par équivalent car la somme d’argent versée à la
victime doit compenser, par une valeur équivalente, ce qu’elle a perdu ou le gain dont elle a été privée.

La réparation en nature au contraire est beaucoup plus rare. Elle consiste à rétablir l’état de chose
antérieur au dommage en procurant à la victime ce dont elle a été privée. Il peut s’agir par exemple de
condamner le responsable à procéder à la remise en état d’un bien endommagé ou à divers travaux utiles à la
résorption du dommage (par exemple des travaux d’isolation ou d’entretien ou d’assainissement). La
destruction d’une construction empiétant sur la propriété d’autrui peut aussi être ordonnée. La publication du
jugement de condamnation ordonnée dans 13 les affaires de diffamation ou de concurrence déloyale est aussi
une mesure de réparation en nature

En pratique la réparation par équivalent est la plus fréquente puisque pour la réparation des
préjudices corporels ou moraux la réparation en nature est impossible. Et même pour certains préjudices
matériels le remplacement du bien n’est pas toujours possible.

CHAPITRE 2 : L’ACTION EN REPARATION DU DOMMAGE

La victime d’un dommage qui souhaite en obtenir réparation devant le juge, doit assigner le responsable
du dommage devant la juridiction compétente dans les délais prévu

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Section 1 Les parties à l’action en responsabilité

L’action en responsabilité civile oppose la victime au responsable du dommage, défendeur à l’action.

Paragraphe 1 : La victime

C’est la victime qui subit le préjudice qui a qualité pour intenter l’action en justice (art 31 C. Proc. Civ.).
Mais l’action est parfois offerte aussi à des groupements.

A. L’action individuelle
La victime d’un préjudice est le demandeur à l’action en réparation, qu’elle soit victime directe ou victime
par ricochet.

La victime peut être aussi représentée, le mineur sera ainsi représenté par ses père et mère qui
demanderont réparation en son nom et pour son compte.

L’action de la victime peut être aussi exercée par ses héritiers. Si la victime est décédée, l’action est
transmise à ses héritiers qui continuent la personne du défunt. Les héritiers peuvent à la fois exercer l’action
de la victime décédée & une action à titre personnel pour obtenir réparation de leur propre préjudice par ricochet.

Dans le cas où la victime néglige d’agir elle-même, ses créanciers peuvent aussi exercer l’action de la
victime, par le mécanisme de l’action oblique, mais seulement pour la réparation des préjudices matériels
(destruction d’un bien, frais médicaux, incapacité de travail).

B. L’action collective

L’action en justice peut être exercée dans certains cas par un groupement tel ou une association. La
loi Hamon du 17 mars 2014 introduit l’action de groupe qui concerne le droit de la consommation, réservée aux
associations de consommateurs agréées et limitée aux dommages matériels.

L’avantage de l’action de groupe est qu’elle permet d’envisager une action dans des hypothèses où les
actions individuelles ne seraient pas envisageables compte tenu du faible montant des demandes individuelles
(< 3€). Elle permet de réparer des dommages qui seraient insignifiants au niveau individuel. Ainsi par exemple
dans une affaire un producteur avait vendu des bouteilles contenant 1 cl ½ de moins que la contenance indiquée
ce qui lui avait procuré un profit illicite de plus de 2 millions d’euros alors que chaque consommateur
individuellement n’avait perdu que quelques centimes.

Paragraphe 2 : Le responsable

L’action en responsabilité civile engagée par la victime qui a subi un dommage est dirigée contre le
responsable, qui sera, suivant les cas, soit l’auteur de la faute, soit le gardien de la chose instrument du
dommage, soit le responsable du fait d’autrui, soit le conducteur du VTM, soit le producteur du produit
défectueux. Si le responsable est incapable c’est son représentant qui sera assigné et s’il est décédé l’action
en responsabilité peut être exercée contre ses héritiers. Si le responsable est assuré la jurisprudence admet
que la victime dispose d’une action directe lui permettant de réclamer la réparation du préjudice directement
auprès de l’assureur.

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Section 2 : La juridiction compétente

Quant à la compétence d’attribution, l’action en responsabilité civile est portée devant les juridictions
civiles, soit le tribunal judiciaire. S’agissant de la compétence territoriale, la victime doit en principe agir devant
le tribunal du domicile du défendeur (article 42 CPC) mais en matière de responsabilité délictuelle elle a
également la possibilité de saisir la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle
le dommage a été subi (article 46 CPC).

Section 3 : Le délai de prescription

Depuis la loi du 17 juin 2008, l’art 2224 du code civil prévoit que le délai de droit commun pour les
actions personnelles et mobilières est de 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû
connaître les faits lui permettant d’exercer l’action.

Le délai de 5 ans est donc désormais le délai de droit commun pour les actions en responsabilité civile
délictuelle et il court à compter de la connaissance du dommage qui coïncidera le plus souvent avec sa
naissance. Par exception le délai de prescription est allongé en cas de dommage corporel. L’article 2226 du
code civil prévoit que « l’action en responsabilité née à raison d’un événement ayant entraîné un dommage
corporel (…) se prescrit par 10 ans à compter de la consolidation du dommage initial ou aggravé ». La
consolidation est fixée par expertise médicale, c’est le moment où les lésions se fixent et prennent un
caractère permanent. Si les faits juridiques illicites déclenchent la mise en œuvre d’une action en
responsabilité civile, il existe aussi des faits juridiques licites : les quasi-contrats.

PARTIE 2 : LES QUASI-CONTRATS


L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats modifie la partie du Code civil
consacrée aux quasi-contrats. Elle est entrée en vigueur le 1er octobre 2016. Selon l’article 1300 du code civil
« les quasi-contrats sont les faits purement volontaires, dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans
y avoir droit et parfois un engagement de leur auteur envers autrui.»

L’expression de quasi-contrats pourrait laisser penser qu’ils sont proches des actes juridiques et des
contrats. Mais en réalité il n’en n’est rien, les quasi-contrats constituent des faits juridiques et l’art 1300 les
définit d’ailleurs comme des faits.

Les obligations résultant d’un quasi-contrat ne naissent pas de la volonté de la personne concernée, mais de
la loi. C’est la loi qui attache des conséquences juridiques à un fait et non la volonté qui crée des obligations.
Celui qui reçoit ainsi quelque chose qui ne lui était pas dû, doit le restituer par l’effet de la loi.

Si les quasi-contrats sont donc bien des faits juridiques, ce sont des faits juridiques licites qui se
distinguent de la responsabilité civile qui sanctionne les faits juridiques illicites, les fautes et faits illicites.
L’objectif de la responsabilité civile est de réparer le dommage injustement causé à autrui alors que l’objectif
des quasi-contrats est de restituer l’avantage injustement reçu d’autrui.

Comme l’explique le Professeur Le Tourneau, il faut distinguer « les faits juridiques dommageables et
les faits juridiques profitables, qui procurent un avantage immérité à autrui. L’engagement qui résulte des
premiers est une obligation de réparation, tandis que celui qui résulte des seconds est une obligation de
restitution » (Rép civ Dalloz, V. Quasi-contrats n°15).

Avant la réforme du 10 février 2016, le Code civil ne réglementait que 2 quasi-contrats : la gestion
d’affaires et la répétition de l’indu. L’ordonnance du 10 février 2016 a consacré légalement un troisième quasi-
contrat, qui avait été admis par la jurisprudence dès 1892 : « l’enrichissement injustifié ».

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CHAPITRE 1 : LA GESTION D’AFFAIRES

Définition : la gestion d’affaire est un quasi-contrat par lequel une personne (le gérant), accomplit un
acte dans l’intérêt d’une autre (le géré ou le maître de l’affaire), sans en avoir été chargée (art 1301).

Exemples : On trouve de nombreux exemples de gestion d’affaire en pratique. Par exemple une
personne fait procéder à des réparations urgentes sur la maison de son voisin en son absence ou un banquier
vend les actions de son client au moment où le cours est au plus haut, alors que le client est dans l’impossibilité
d’agir lui-même.

La reconnaissance d’un quasi-contrat de gestion d’affaire oblige alors le maître de l’affaire à remplir les
engagements pris par le gérant et à lui rembourser les dépenses engagées. Il faut envisager les conditions (S1)
et les effets (S2) de la gestion d’affaire posés par le Code civil.

Section 1 : Les conditions de la Gestion d’affaires

Paragraphe 1 : Les conditions relatives au maître : l’absence de consentement


et d’opposition

Il n’est pas nécessaire tout d’abord que le maître de l’affaire ait la capacité juridique puisque ce n’est
pas sa volonté qui est la source de ses obligations. Deux conditions seulement concernent donc le maître : il
ne doit pas avoir consenti à la gestion et il ne doit pas non plus, à l’inverse, s’y être opposé. L’article 1301 Code
Civil prévoit que le gérant doit gérer l’affaire d’autrui « sans y être tenu » & « à l’insu ou sans opposition du
maître ».

En 1er lieu, le maître ne doit pas avoir donné son consentement à la gestion, sinon il y aurait contrat (de
mandat ou d’entreprise) et non plus quasi-contrat.

En 2nd lieu Il ne faut pas que le maître se soit opposé à la gestion sinon les actes du gérant deviennent
alors illégitimes. Il y aurait alors quasi-délit et non plus quasi-contrat. Si le gérant agit alors que le maître le lui
a défendu, le gérant commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité.

Il est admis toutefois que le maître peut être au courant de la gestion dès lors qu’il ne s’y oppose pas
et n’y consent pas. L’article 1301 prévoit que le gérant peut agir soit à l’insu soit sans opposition du maître. Ce
sera le cas dans des situations exceptionnelles en cas d’éloignement du maître ou en cas d’actes de secours
ou d’assistance en faveur du maître lorsque sa personne ou ses biens sont en péril. Ce qui compte c’est que
le maître ou géré soit alors dans l’impossibilité d’agir lui-même.

Paragraphe 2 : Les conditions relatives au gérant : l’intention de gérer pour


autrui

Pour pouvoir invoquer la gestion d’affaires, le gérant doit avoir eu l’intention d’agir au nom et pour le
compte d’autrui. Cette condition résulte de l’article 1301 qui évoque celui qui « sciemment » gère l’affaire
d’autrui.

Il s’agit ici d’une exigence d’altruisme, caractéristique de la gestion d’affaires. Les conséquences de la
gestion d’affaire étant assez favorable au gérant, elles ne sont accordées qu’à ceux qui ont agi de manière
altruiste et désintéressée. La gestion d’affaire n’est pas applicable à ceux qui ont agi de façon intéressée, dans
leur intérêt propre ou qui étaient tenus d’agir.

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Il n’y a donc pas gestion d’affaires lorsque le gérant croit agir pour lui-même, pour son propre compte.
Par exemple, croyant avoir hérité d’un immeuble une personne le répare et découvre par la suite qu’elle n’en
n’est pas héritière, elle ne pourra pas invoquer la gestion d'affaires.

Il n’y a pas non plus gestion d'affaires lorsque l’auteur de l’acte n’a fait que remplir une obligation
contractuelle ou légale. Lorsque le gérant ne fait que remplir alors une obligation à laquelle il est soumis, en
vertu de la loi ou d’un contrat et le caractère altruiste disparaît. Il est toutefois admis que devient gérant, celui
qui dépasse le cadre de l’obligation à laquelle il est tenu. Par ex une pers va au-delà de l’obligation de porter
secours à une personne en péril dès lors qu’elle prend des risques pour elle-même ou un mandataire excède
ses pouvoirs.

Il est aussi admis qu’il peut y avoir gestion d'affaires lorsque le gérant agit à la fois dans son intérêt et
dans l’intérêt d’autrui. Il en est ainsi par exemple d’un indivisaire qui accomplit des actes sur le bien indivis à la
fois dans son intérêt propre et dans l’intérêt des autres indivisaires.

La jurisprudence énonce que « l’intérêt conjoint des parties n’est pas de nature à exclure la gestion
d'affaires » (com 16 nov 1976). L’article 1301-4 énonce que « l’intérêt personnel du gérant à se charger de
l’affaire d’autrui n’exclut pas l’application des règles de la gestion d’affaire. »

Paragraphe 3 : Les conditions relatives à la gestion

A. L’objet de la gestion

La gestion d'affaires peut concerner aussi bien des actes juridiques (contrats) que des actes matériels,
tels que des actes de sauvetage d’une personne en danger, de réparation d’un bien ou d’extinction d’un
incendie.

Ainsi celui qui répare lui-même le toit de son voisin mérite autant d’être indemnisé que celui qui conclut un contrat
avec un entrepreneur pour les réparations. L’article 1301 du Code Civil vise expressément « les actes matériels
et juridiques de gestion » et consacre ainsi la jurisprudence antérieure.

Lorsque la gestion d'affaires a pour objet des actes juridiques, le gérant conclut alors des contrats au
nom et pour le compte du maître de l’affaire. Il peut ainsi conclure un contrat d’entreprise pour faire effectuer
des réparations sur un immeuble ou placer en dépôt des objets appartenant au maître, ou payer des dettes,
conclure un bail ou un contrat d’assurance…

La gestion d'affaires peut avoir pour objet des actes conservatoires c’est-à-dire des actes de sauvegarde
du patrimoine du maître ; elle peut aussi avoir pour objet des actes d’administration, de mise en valeur du
patrimoine ou de gestion courante comme la conclusion d’un bail. La gestion d'affaires peut même avoir pour
objet des actes de disposition, les plus graves, qui font sortir un bien du patrimoine. Le gérant peut ainsi vendre
des denrées périssables ou des actions appartenant au propriétaire par exemple.

B. L’utilité de la gestion
L’article 1301 du Code Civil prévoit que le gérant doit gérer « utilement » l’affaire d’autrui. La gestion
doit donc être utile pour le maître. Cette condition dégagée par la jurisprudence est désormais expressément
posée par le code civil depuis la réforme du 10 février 2016. Le but de cette condition est d’éviter les immixtions
intempestives dans les affaires d’autrui.

En pratique a été jugé par exemple inutile la transformation par un garagiste d’un véhicule en un modèle
différent alors qu’il avait été confié seulement pour réparation (com 8 juin 1968). De même l’intervention d’un
généalogiste est inutile et ne peut donner lieu aux effets de la gestion d'affaires, dès lors que l’héritière devait
normalement avoir connaissance de la succession sans son intervention (civ 1ère 31 janv 1995 ; 16 janv 2007).

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En revanche, sont utiles les travaux entrepris par une épouse dans le château servant de résidence à
la famille et appartenant personnellement à son époux, alors que ce dernier purgeait une peine
d’emprisonnement (civ 1ère 5 mars 1985).

La jurisprudence considère que l’utilité de la gestion doit être appréciée au moment de la gestion et non
au moment où le gérant demande à être indemnisé. Il importe donc peu que l’utilité ait disparu par la suite en
raison de circonstances postérieures (peu importe ainsi qu’une toiture utilement réparée soit ensuite détruite par
une tempête). La jurisprudence admet également que la gestion peut être considérée comme utile alors même
qu’elle n’a abouti à aucun résultat favorable. Ainsi celui qui porte secours à une personne en péril et qui ne
parvient pas à la sauver de la noyade, n’en sera pas moins indemnisé par les héritiers du défunt s’il subit un
préjudice. L’utilité s’apprécie ainsi en fonction du résultat escompté et non en fonction du résultat obtenu.

Il y a là une différence entre la gestion d'affaires et l’enrichissement injustifié, où la personne enrichie


n’est tenue à restitution que dans la mesure de son enrichissement, alors que le maître est tenu d’indemniser
le gérant dès lors que la gestion est opportune même s’il n’en n’a retiré aucun profit.

Section 2 Les effets de la Gestion d’affaires

Paragraphe 1 : Les effets entre le gérant et le maître de l’affaire

A. Les obligations du gérant d’affaires


L’article 1301 du Code Civil prévoit que le gérant « est soumis à toutes les obligations d’un mandataire
». Le gérant, comme le mandataire doit ainsi rendre compte de sa gestion. Il doit donc par exemple restituer au
maître les sommes qu’il a pu encaisser pour lui. L’article 1301-1 du Code Civil prévoit par ailleurs qu’il « est
tenu d’apporter à la gestion de l’affaire tous les soins d’une personne raisonnable ».

Il en résulte donc qu’il répond de ses fautes éventuelles d’imprudence ou de négligence, qui sont appréciées in
abstracto. Toutefois le juge peut modérer les dommages et intérêts mis à la charge du gérant en considération
des circonstances (article 1301-1 du Code Civil).

Le gérant qui a commencé à intervenir doit également gérer intégralement l’affaire d’autrui sans
s’interrompre. Il ne doit pas abandonner la gestion qu’il a commencée. Selon l’art 1301-1 « le gérant doit
poursuivre la gestion commencée jusqu’à ce que le maître de l’affaire ou son successeur soit en mesure d’y
pourvoir. »

B. Les obligations du maître de l’affaire


Le maître est tenu d’une obligation d’indemnisation (mais non de rémunération) : il doit indemniser le
gérant qui a agi pour son compte et dans son intérêt. Selon l’article 1301-2 du Code Civil « celui dont l’affaire a
été utilement gérée… rembourse au gérant les dépenses faites dans son intérêt ». le maître doit rembourser
au gérant l’ensemble des dépenses utiles et nécessaires qu’il a faites.

Le maître doit aussi réparer les préjudices que le gérant a pu subir au cours de sa gestion, par exemple
les dommages corporels qu’il a pu subir au cours d’un acte d’assistance (article 1301-2 du Code Civil)

En revanche le maître n’a pas à rémunérer le gérant d’affaires. Celui-ci, contrairement au mandataire
n’agit pas à titre onéreux. Cela tient à l’esprit altruiste de l’institution.

Paragraphe 2 : Les effets à l’égard des tiers

Le problème des effets de la gestion d'affaires à l’égard des tiers se pose seulement lorsque la gestion
a eu pour objet des actes juridiques. Si par exemple le gérant a conclu un contrat avec un entrepreneur qu’il a

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chargé de réparer l’immeuble du maître, il faut déterminer les effets que produira ce contrat. Ces effets varient
selon qu’il y a gestion avec représentation ou sans représentation.

S’il y a gestion avec représentation, cela signifie que le gérant agit au nom et pour le compte du maître
de l’affaire et non en son nom personnel. Dans ce cas, aucune obligation personnelle ne naît à la charge, ni au
profit du gérant qui n’est qu’un représentant. La jurisprudence affirme qu’il « n’est pas personnellement obligé
envers le tiers avec lequel il contracte pour autrui (…) s’il s’est présenté à ce tiers comme agissant pour le
compte du maître de l’affaire » (com 18 fév 1969).

Le contrat conclu par le gérant produit directement ses effets à l’égard du maître, qui devient personnellement
créancier et débiteur du tiers. Dans l’exemple ci-dessus c’est donc le maître qui doit payer l’entrepreneur pour la
réparation de l’immeuble.

L’article 1301-2 du Code Civil prévoit en effet que « celui dont l’affaire a été utilement gérée doit remplir
les engagements contractés dans son intérêt par le gérant ». Si à l’inverse il y a gestion sans représentation, le
gérant agit alors pour le compte du maître mais en son nom personnel. Il ne déclare pas alors agir pour le
compte du maître.

Dans ce cas le gérant est seul tenu à l’égard des tiers qui peuvent lui réclamer l’exécution des
engagements qu’il a pris. Dans l’exemple ci-dessus, le gérant doit alors payer l’entrepreneur pour les
réparations de l’immeuble du maître. Ensuite seulement il pourra se retourner contre le maître de l’affaire pour
obtenir le remboursement. L’article 1301-2 du Code Civil prévoit en effet que le maître « rembourse au gérant les
dépenses faites dans son intérêt ».

CHAPITRE 2 : LA RESTITUION DE L’INDU

Définition : le paiement indu est la remise à une personne d’une chose dont on se croyait à tort débiteur.
Celui qui reçoit le paiement indu est appelé accipiens ou payé et celui qui effectue le paiement indu est appelé
solvens ou payeur. En cas de paiement indu la loi prévoit que l’accipiens est obligé à restitution envers le
solvens : c’est l’action en restitution de l’indu.

L’article 1302 du Code Civil prévoit ainsi que « tout paiement suppose une dette ; ce qui a été payé
sans être dû est sujet à restitution ». L’article 1302-1 du Code Civil ajoute « celui qui reçoit par erreur ou
sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».

Les paiements indus sont fréquents en pratique. Par exemple il arrive qu’à la suite d’une erreur la Caisse
de sécurité sociale verse à un assuré des prestations indues.

En droit, la notion de paiement a un sens beaucoup plus large que dans le langage courant et ne désigne
pas seulement le versement d’une somme d’argent. Le mot paiement désigne l’exécution d’une obligation, quel
qu’en soit l’objet, même s’il ne s’agit pas de la remise d’une somme d’argent.

Il y a ainsi paiement indu en cas de versement à tort d’une somme d’argent ou, plus largement, en cas
de remise d’une chose qui n’est pas due, par exemple un objet qui n’est pas livré au bon destinataire.

Section 1 Les conditions de la restitution de l’indu

La restitution de l’indu est subordonnée à deux conditions : l’absence de dette et l’erreur du payeur.
Mais cette 2de condition n’existe que pour certaines hypothèses de paiement indu seulement.

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Paragraphe 1 : L’absence de dette

Il faut un paiement indu cad un paiement sans dette. Il y a paiement indu soit lorsque la dette n’existe
pas en soi (indu objectif) soit lorsque la dette n’existe pas dans les rapports du solvens et de l’accipiens (indu
subjectif). Dans les deux cas le paiement est sans cause. Il existe 4 cas de paiement indu : deux hypothèses
d’indu objectif et deux hypothèses d’indu subjectif.

Dans le 1er cas de paiement indu, le solvens paie une dette qui n’existe pas, qui n’a jamais existé. C’est un
indu objectif. Par exemple la Caisse de sécurité sociale ou la Caisse d’allocations familiales verse à un
bénéficiaire une prestation totalement indue, à laquelle il n’a pas droit.

Dans le 2e cas de paiement indu, le solvens paie une dette qui a existé mais qui n’existe plus, qui est éteinte
ou qui a déjà été acquittée. C’est également un indu objectif. Par exemple, un paiement est effectué par un
héritier qui ignore que la dette a déjà été payée par le défunt. Ou bien une Caisse de retraite continue de verser
une pension de retraite sur le compte d’un retraité après le décès de celui-ci. Ou pôle emploi continue à verser
des indemnités chômage à une personne qui a retrouvé un emploi.

Dans le 3e cas de paiement indu, le solvens paie une dette qui existe, à laquelle il est tenu, mais à une personne
qui n’est pas son créancier. C’est un indu subjectif. Ainsi par exemple, à la suite du décès du créancier, un
débiteur paie sa dette à une personne qu’il croit à tort être l’héritier du créancier. Le payeur était bien débiteur
mais le paiement n’a pas été fait au titulaire de la créance.

Dans le 4e cas de paiement indu, le solvens paie au créancier une dette qui existe mais dont il n’est pas
débiteur. C’est l’hypothèse du paiement de la dette d’autrui et c’est aussi un indu subjectif. Par exemple, une
personne qui se croit à tort héritière paie une dette de la succession. Ou bien un commerçant se trompe et
facture à tort un bien vendu au mauvais client. Dans ces hypothèses le paiement est fait au véritable créancier
mais par une personne autre que le débiteur.

Dans les 2 derniers cas examinés de paiement indu, on parle d’indu subjectif et non d’indu objectif car
il y a un quiproquo non sur l’objet de la dette mais sur la qualité des personnes.

Paragraphe 2 : L’erreur du Solvens

Cette condition de l’erreur du solvens est expressément posée par l’article 1302-2 du Code Civil pour
le cas où le solvens paie une dette dont il n’est pas débiteur (4ème cas examiné de paiement indu). L’article
1302-2 Code Civil prévoit que « celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d’autrui peut agir
en restitution contre le créancier ».

Pendant longtemps les différentes hypothèses de paiement indu ont été soumises à un régime
identique. La jurisprudence, avait en effet généralisé l’exigence d’une erreur du solvens à toutes les hypothèses
de paiement indu.

Cette condition avait cependant été abandonnée par un arrêt d’Assemblée Plénière de la Cour de
cassation du 2 avril 1993 en cas d’indu objectif cad lorsque la dette est inexistante. La Cour de cassation a
décidé que dans le cas d’un indu objectif, le payeur n’a aucune autre preuve à rapporter que celle de l’absence
de dette.

En revanche en cas de paiement de la dette d’autrui qui constitue un indu subjectif, le solvens doit
rapporter la preuve qu’il croyait à tort être tenu de payer la dette au créancier, comme l’exige l’article 1302-2 du
Code Civil, à défaut, le paiement opéré en connaissance de cause ne peut donner lieu à restitution.

En effet, l’absence d’erreur signifie que le solvens qui paie la dette d’autrui a, soit voulu consentir au
véritable débiteur une avance de fonds, soit voulu lui faire une donation. Dans les 2 cas le paiement a une
cause et n’est donc pas susceptible de restitution.

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Section 2 Les effets de la restitution de l’indu

L’action en restitution de l’indu doit être exercée par le solvens à l’encontre de l’accipiens dans le délai
de droit commun de 5 ans, posé par la loi de réforme de la prescription du 17 juin 2008 (article 2224 Code Civil).
L’accipiens doit alors restituer ce qu’il a indûment reçu au solvens. Cependant cette obligation de restitution
peut varier dans son étendue et même dans certains cas être exclue.

Paragraphe 1 : L’étendue de l’obligation de restitution

L’étendue de l’obligation de restitution de l’accipiens dépend de sa bonne ou mauvaise foi et de la faute


éventuelle du solvens.

A. L’incidence de la bonne ou mauvaise foi de l’accipiens

1) L’accipiens de bonne foi

L’accipiens est de bonne foi lorsqu’il croit être le créancier du solvens. Il n’a donc pas conscience du
caractère indu du paiement qu’il a reçu. Il a cru qu’il était régulier.

Dans ce cas, il a une obligation de restitution de la chose indue et si la chose a péri par sa faute il doit
la restituer en valeur (article 1352-1 Code Civil). En revanche si elle a péri par cas fortuit, il n’est pas tenu de
sa perte (article 1352-1 Code Civil « celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui
en ont diminué la valeur, à moins qu’il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute. »)

Si l’accipiens a vendu la chose indûment reçue, il ne doit restituer que le prix perçu même s’il est inférieur à la
valeur de la chose (article 1352-2 Code Civil).

La jurisprudence antérieure à la réforme du 10 février 2016 décidait que l’accipiens de bonne foi n’est pas tenu
de reverser ni les intérêts ni les fruits de la chose qu’il doit restituer (sommes ou biens que rapportent
périodiquement les biens frugifères sans que leur substance soit entamée).

Depuis la réforme du 10 février 2016, les fruits et les intérêts doivent être restitués dans tous les cas même si
l’accipiens est de bonne foi (mais en cas de bonne foi ils sont dus à partir de la date de la demande en restitution
seulement et non à partir de la date du paiement indu).

2) L’accipiens de mauvaise foi

L’accipiens est de mauvaise foi lorsqu’il accepte le paiement alors qu’il sait que le solvens n’est pas
son débiteur ou que lui-même n’est pas le créancier. Il connaît alors l’irrégularité du paiement.

Il doit alors restituer le capital ou la chose indument reçus et si la chose a péri ou a été détériorée, il ne
répond pas seulement des pertes ou détériorations survenues par sa faute mais aussi de celles survenues par
cas fortuit (article 1352-1 Code Civil).

S’il a vendu la chose indûment reçue, il doit restituer la totalité de la valeur de la chose même si elle
est supérieure au prix de vente qu’il a perçu (article 1352-2 Code Civil).

Enfin, en cas de mauvaise foi, les fruits seront dus à partir de la date du paiement et non à partir de la
date de la demande en restitution (article 1352-7 Code Civil).

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B. L’incidence de la faute du solvens
La jurisprudence considère que la faute du solvens ne fait pas obstacle à la restitution mais elle peut
engager sa responsabilité envers l’accipiens qui peut alors réclamer des dommages et intérêts s’il a subi un
préjudice. L’obligation de restitution de l’accipiens sera alors diminuée du montant des dommages et intérêts
qui lui sont dus.

Un arrêt de la 1er chambre civile du 17 février 2010 énonce ainsi que « l’absence de faute de celui qui a
payé ne constitue pas une condition de mise en œuvre de l’action en répétition de l’indu, sauf à déduire, le cas
échéant, de la somme répétée, les dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice, résultant pour
l’accipiens de la faute commise par le solvens. »

Cette solution est consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016. L’article 1302-3 Code Civil prévoit
que « la restitution peut être réduite si le paiement procède d’une faute. »

Paragraphe 2 : l’exclusion de l’obligation de restitution

L’obligation de restitution de l’accipiens est exclue dans une hypothèse très particulière, visée par
l’article 1302-2 Code Civil, qui concerne le paiement de la dette d’autrui.

Le texte prévoit que la restitution du paiement indu est exclue lorsque l’accipiens, qui était réellement
créancier et qui a reçu paiement d’un autre que le débiteur, a détruit son titre de créance.

Dans cette hypothèse le solvens n’a pas de recours contre l’accipiens mais seulement contre le
véritable débiteur, à la place de qui il a payé, sur le fondement de l’enrichissement injustifié. Cette règle
s’explique par le fait que l’accipiens qui est bien créancier dans cette hypothèse, se trouve démuni de preuve
puisqu’il a détruit son titre après avoir été payé. Il ne peut donc plus exercer de recours contre le véritable
débiteur, faute de pouvoir rapporter la preuve de sa créance. La loi considère qu’il n’est donc pas tenu à
restitution à l’égard du solvens, sinon il subirait un préjudice. C’est le solvens dans ce cas qui exercera un
recours contre le véritable débiteur.

CHAPITRE 3 : L’ENRICHISSEMENT INJUSTIFIE

La réforme du droit des contrats a supprimé la notion de « cause » du droit du contrat. Par souci de
clarté et de cohérence avec l’abandon de la notion de cause elle a donc aussi rebaptisé l’enrichissement sans
cause qui s’appelle désormais l’enrichissement injustifié.

Définition : Il y a enrichissement injustifié lorsqu’un même fait enrichit une personne et en appauvrit une autre
sans qu’il y ait de justification.

Avant la réforme du 10 février 2016, le Code civil ne consacrait aucun principe général d’enrichissement
sans cause ou injustifié mais seulement quelques applications particulières. Ainsi par exemple l’article 555
prévoit que lorsqu’une personne réalise une construction sur le terrain d’autrui, le propriétaire du terrain devient
propriétaire des constructions mais il doit indemniser le constructeur, sinon il s’enrichirait injustement au
détriment d’autrui. L’enrichissement injustifié est un quasi-contrat d’origine jurisprudentielle, fondé sur « un
principe d’équité » en vertu duquel « nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui » (req 15 juin 1892
; civ 1ère 14 janv 2003). Il repose sur le devoir de ne pas s’enrichir injustement aux dépens d’autrui, comme la
responsabilité civile repose sur le devoir de ne pas nuire à autrui.

C’est la jurisprudence, sous l’influence de la doctrine d’Aubry et Rau qui a reconnu pour la 1ère fois
en 1892 à l’appauvri une action contre l’enrichi, dans l’affaire célèbre dite « du marchand d’engrais » (arrêt du
15 juin 1892 Patureau Miran c/ Boudier). Dans cette affaire, un fermier n’avait payé ni son loyer, ni ses engrais
et son bail rural avait été résilié. C’est donc le propriétaire qui avait fait la récolte. Le propriétaire a alors été
tenu de payer les engrais au vendeur parce qu’autrement il se serait enrichi de manière injustifiée, en profitant

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de la récolte. L’enrichissement sans cause admis par la jurisprudence, est aujourd’hui consacré par légalement
par la réforme du 10 février 2016 sous l’appellation d’enrichissement injustifié.

Il s’agit d’un quasi-contrat qui se distingue notamment de la gestion d'affaires car il n’y a pas intention de
gérer mais aussi du point de vue des effets car le gérant est intégralement indemnisé de ses dépenses alors
que l’indemnisation de l’appauvri est parfois inférieure à l’appauvrissement.

Section 1 : Les conditions de l’enrichissement injustifié

L’action de l’appauvri repose sur une condition économique d’abord : il faut un enrichissement et un
appauvrissement corrélatif. Elle repose ensuite sur des conditions juridiques : l’absence de justification et
l’absence d’autre voie de droit à la disposition de l’appauvri.

Paragraphe 1 : Un enrichissement et un appauvrissement corrélatif

L’enrichissement injustifié suppose tout d’abord une condition économique posée par la jurisprudence
dès 1892. Il doit exister un mouvement de valeurs entraînant un déséquilibre entre 2 patrimoines.

A. L’enrichissement du défendeur
La jurisprudence retient une conception large de l’enrichissement, c’est tout avantage appréciable en
argent. Il peut résulter d’un gain positif ou d’une dépense évitée.

L’enrichissement peut résulter en 1er lieu d’un gain positif, d’un accroissement d’actif ou de patrimoine.
Il s’agit de tout profit réalisé soit par l’acquisition d’un bien nouveau (une somme d’argent, une chose ou une
créance), soit par la plus-value conférée à un bien existant (améliorations apportées à un immeuble,
développement d’une clientèle…).

Il y a aussi enrichissement en 2nd lieu, lorsqu’une perte ou une dépense est évitée (diminution de passif
ou maintien d’actif). Il en est ainsi par exemple lorsque l’enrichi tire profit d’un service sans le rémunérer et évite
ainsi une dépense ou lorsqu’il fait usage du bien d’autrui.

B. L’appauvrissement du demandeur
La jurisprudence retient aussi une conception large de l’appauvrissement qui peut résulter soit d’une
perte subie (une diminution de patrimoine) soit d’un gain manqué. De même que l’enrichissement n’implique
pas nécessairement une augmentation de patrimoine, l’appauvrissement ne consiste pas seulement dans une
diminution de patrimoine.

Il y a perte subie et diminution d’actif, lorsque l’appauvri est privé de la propriété ou de la jouissance
d’un de ses biens ou lorsqu’il est contraint d’assumer une dépense ou lorsqu’un de ses biens subit une moins-
value. Mais il peut y avoir appauvrissement aussi en cas de manque à gagner, lorsqu’une personne rend service
ou fournit un travail sans rémunération (s’il s’agit d’une activité appréciable en argent). L’action a par exemple
été reconnue à l’époux ou au concubin qui travaille sans rémunération dans l’entreprise de l’autre.

C. La corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement


L’action de l’appauvri suppose un enrichissement et un appauvrissement mais il faut aussi qu’ils soient
liés. Il faut que l’appauvrissement soit la cause de l’enrichissement. Il faut un lien de connexité, de corrélation,
entre les deux. Le demandeur s’est appauvri parce que le défendeur s’est enrichi. Cette corrélation existe par ex
lorsque des travaux effectués sur l’immeuble d’autrui ont à la fois pour effet d’appauvrir celui qui les effectue et
d’enrichir le propriétaire qui en bénéficie. La corrélation existe aussi lorsque l’enrichi tire profit des services de
l’appauvri sans les rémunérer.

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Paragraphe 2 : L’absence de justification

L’existence d’un enrichissement et d’un appauvrissement corrélatif ne peut pas être une condition
suffisante pour justifier l’action en restitution de l’appauvri. Il y a en effet de nombreuses hypothèses où
l’enrichissement aux dépens d’autrui est légitime. Il en est ainsi par exemple lorsqu’un commerçant s’installe et
s’enrichit grâce à la clientèle qu’il crée, et appauvrit en même temps ses concurrents.

Ce n’est que dans l’hypothèse où l’enrichissement et l’appauvrissement sont sans justification juridique
que l’action en indemnisation est ouverte à l’appauvri. Il ne faut pas qu’il y ait de raison juridique qui justifie
l’enrichissement et l’appauvrissement. L’article 1303 Code Civil prévoit que l’enrichissement au détriment
d’autrui doit être « injustifié ». L’enrichissement injustifié est celui qui n’est pas fondé, qui n’est pas légitime.

L’article 1303-1 Code Civil ajoute « l’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de
l’accomplissement d’une obligation par l’appauvri ni de son intention libérale. » Si l’enrichissement au détriment
d’autrui résulte d’une règle légale ou d’une obligation contractuelle alors il n’est pas injustifié.

Ainsi par exemple une créance au bout d’un certain délai est prescrite et son paiement ne plus être
réclamé. Le débiteur de la créance prescrite s’enrichit puisqu’il évite le paiement de sa dette et le créancier
corrélativement s’appauvrit. Mais l’appauvri ne dispose d’aucune action puisque l’enrichissement à une cause
légale. L’appauvri avait l’obligation légale de réclamer le paiement de sa créance, l’enrichissement au détriment
d’autrui n’est donc pas injustifié.

L’enrichissement au détriment d’autrui n’est pas non plus injustifié lorsqu’il résulte d’une obligation
contractuelle. En effet la lésion en matière contractuelle, c'est à dire le déséquilibre économique des prestations
n’est pas en principe sanctionnée, sauf dans des cas exceptionnels (lésion de + des 7/12 au détriment du
vendeur d’immeuble). La personne qui s’est appauvrie en souscrivant un contrat déséquilibré ne peut donc pas
agir contre le contractant qui s’est enrichi. Ce serait contraire à la force obligatoire des contrats. Ainsi le vendeur
qui a vendu un bien trop bon marché ou l’acheteur qui a acheté un bien trop cher, ne peuvent pas invoquer
l’enrichissement injustifié.

L’enrichissement au détriment d’autrui n’est pas non plus injustifié lorsque l’appauvri a une intention
libérale c'est à dire qu’il a eu la volonté de gratifier l’enrichi en lui consentant un avantage gratuit. Dans ce cas
l’appauvrissement s’explique par la volonté de l’appauvri de se dépouiller sans contrepartie et de renoncer à
demander une contrepartie. L’appauvri ne peut pas non plus bénéficier d’une indemnisation lorsqu’il a agi dans
son intérêt personnel.

L’article 1303-2 Code Civil prévoit aussi qu’« il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement
procède d’un acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel. »

La jurisprudence a ainsi considéré par exemple que le propriétaire qui construit une digue dont profitent
aussi ses voisins, qui par la même s’enrichissent, ne peut invoquer l’enrichissement injustifié. Il en est de même
du concubin qui finance des travaux d’amélioration de la maison indivise qu’il partage avec sa concubine (Paris
22 janvier 2004) ou qui finance des travaux sur un immeuble appartenant à sa compagne, dans son intérêt
personnel, avec l’intention de s’y installer (civ 1ère 24 sept 2008).

La jurisprudence considérait aussi auparavant que l’appauvri ne peut bénéficier d’une indemnisation
lorsqu’il s’est appauvri par sa faute. Ainsi par exemple la jurisprudence a considéré qu’une grand-mère qui a
conservé la garde de ses petits-enfants alors qu’elle avait été condamnée à les remettre au père, ne peut
réclamer le remboursement des frais d’entretien (civ 1ère, 6 mai 1953).

De même le locataire qui, au lieu de respecter une ordonnance d’expulsion, engage des dépenses pour
les lieux loués, ne peut en réclamer le remboursement. Depuis la réforme du 10 février 2016, l’article 1303-2
alinéa 2 prévoit désormais que la faute de l’appauvri ne l’empêche pas d’invoquer l’enrichissement injustifié mais
« l’indemnisation peut être modérée par le juge. »

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Paragraphe 3 : Le caractère subsidiaire de l’action

L’action fondée sur l’enrichissement injustifié est subordonnée à une dernière condition qui résulte de
son caractère subsidiaire. Elle ne peut être exercée que si l’appauvri ne dispose d’aucune autre action à sa
disposition. Cette condition est aujourd’hui posée par l’article 1303-3 mais elle a été consacrée très tôt par la
jurisprudence.

La Cour de cassation énonce ainsi que la recevabilité de l’action suppose que « l’appauvri ne jouisse
d’aucune autre action naissant d’un contrat, d’un quasi-contrat, d’un délit, d’un quasi-délit » ou de la loi (civ 2
mars 1915).

Le but de ce principe de subsidiarité est d’éviter que les autres règles contractuelles, délictuelles ou
légales, soient contournées au moyen de l’enrichissement injustifié. L’action fondée sur l’enrichissement
injustifié est ainsi cantonnée dans un rôle de règle subsidiaire, d’appoint, qui n’intervient que lorsqu’aucune
autre règle n’est disponible. Elle ne peut être exercée que s’il n’y a pas d’autre voie de droit ouverte ou qui
aurait pu être ouverte au demandeur.

Le principe de subsidiarité signifie en 1er lieu que l’action est irrecevable lorsque l’appauvri dispose, à
l’égard de la personne enrichie ou d’un tiers, d’un autre moyen d’obtenir satisfaction, d’une autre action
juridique, qu’il peut effectivement mettre en œuvre, fondée sur un contrat, ou un autre quasi-contrat, ou fondée
sur la responsabilité civile ou sur la loi. Le demandeur ne peut en aucun cas éluder les actions normales dont
il dispose.

Ainsi, un créancier qui peut agir en responsabilité contractuelle contre son débiteur ne peut invoquer
l’enrichissement injustifié (civ 3, 1er février 1989) (quand bien- même il serait plus avantageux). L’appauvri qui
peut agir à l’encontre des cautions de son débiteur ne peut pas non plus invoquer l’enrichissement injustifié (com
10 octobre 2000).

A l’inverse, dans le domaine du concubinage où il n’existe pas de règle contractuelle ou légale


spécifique, permettant de régler la situation des concubins, l’application de l’enrichissement injustifié est plus
courante.

Le principe de subsidiarité signifie en 2d lieu que l’action est également irrecevable lorsque l’appauvri
disposait d’une autre action, qui ne peut plus être exercée en raison d’un obstacle de droit tel que la prescription
ou l’effet de l’autorité de chose jugée ou l’absence de preuve.

La Cour de cassation énonçait ainsi dans un arrêt du 29 avril 1971 « L'action fondée sur l'enrichissement
sans cause ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur ; elle ne peut l'être,
notamment, pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter par suite d'une prescription,
d'une déchéance ou forclusion ou par l'effet de l'autorité de la chose jugée ou parce qu'il ne peut apporter les
preuves qu'elle exige ou par suite de tout autre obstacle de droit »

Ainsi le créancier dont le droit est éteint par la prescription, ou qui ne rapporte pas la preuve du contrat
qu’il allègue, ne peut suppléer sa carence dans une action en se servant de l’enrichissement injustifié.

L’article 1303-3 du Code Civil prévoit que « l’appauvri n’a pas d’action lorsqu’une autre action lui est
ouverte ou se heurte à un obstacle de droit tel que la prescription. »

Section 2 : Les effets de l’enrichissement injustifié

Si les conditions sont réunies, la personne qui s’est injustement enrichi au détriment d’autrui va devoir
indemniser l’appauvri. Deux problèmes se posent néanmoins, celui du montant de l’indemnisation et celui du
moment d’évaluation de l’appauvrissement et de l’enrichissement corrélatif.

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Paragraphe 1 : La règle du double plafond

La détermination du montant de l’indemnisation ne pose pas de difficulté lorsque l’enrichissement


correspond exactement à l’appauvrissement.

Néanmoins il se peut qu’il n’y ait pas de correspondance entre le montant de l’enrichissement et le
montant de l’appauvrissement. Si par exemple des travaux ont été effectués sur le bien d’autrui, il faut alors
déterminer si l’indemnisation doit être égale à la plus- value conférée au bien de l’enrichi ou au coût des travaux
payés par l’appauvri.

S’il n’y a pas correspondance entre le montant de l’enrichissement et le montant de l’appauvrissement,


l’indemnité versée à l’appauvri doit être égale à la plus faible des deux sommes représentatives l’une de
l’enrichissement, l’autre de l’appauvrissement. C’est la règle dite du double plafond qui limite ainsi le montant
de l’indemnité. Cette règle admise par la jurisprudence est aujourd’hui consacrée par l’article 1303 du code civil.

Si par exemple les travaux effectués sur le bien d’autrui ont coûté 1000€ et qu’ils apportent une plus-
value à l’immeuble de 700€, l’indemnité versée à l’appauvri ne sera que de 700€ même s’il a engagé une
dépense de 1000€.

Toutefois si l’indemnité est en principe limitée à la plus faible des deux sommes représentatives de
l’enrichissement et de l’appauvrissement, il est fait exception à cette règle en cas de mauvaise foi de l’enrichi.
Dans ce cas la règle est inversée.

L’article 1303-4 du Code Civil prévoit que « en cas de mauvaise foi de l’enrichi, l’indemnité due est égale
à la plus forte de ces deux valeurs. »

Paragraphe 2 : La date d’évaluation

L’article 1303-4 du Code Civil prévoit que « l’appauvrissement est constaté au jour de la dépense »
alors que l’enrichissement est constaté « tel qu’il subsiste au jour de la demande ».

La jurisprudence antérieure considérait en effet que l’appauvrissement, doit être évalué à la date à
laquelle il s’est réalisé, à la date à laquelle la dépense est faite. Ainsi l’appauvrissement est évalué à la date à
laquelle l’appauvri paie la dette d’autrui, réalise des travaux sur le bien d’autrui ou à la date à laquelle son bien
est transféré à autrui.

Au contraire, l’enrichissement, contrairement à l’appauvrissement, peut être sujet à variations après


être entré dans le patrimoine du défendeur. Il peut se réduire ou s’accroître au fil du temps, entre sa réalisation
et la demande en justice. Il peut être successivement acquis puis perdu.

Il en est ainsi par exemple si des travaux effectués par l’appauvri sur l’immeuble d’autrui lui confèrent
une plus-value mais que le l’immeuble est postérieurement détruit par un incendie. La jurisprudence considère
dès lors que l’enrichissement doit être apprécié au jour de la demande en justice formée par l’appauvri. Ainsi
seul doit être considéré l’enrichissement actuel. Il en résulte une différence entre la gestion d’affaires et
l’enrichissement sans cause.

Si un gérant d’affaires répare l’immeuble du maître et si sa gestion est utile il est indemnisé du coût des
travaux, même s’ils sont supérieurs à la plus-value conférée au bien et même si l’immeuble a péri par la suite
avant le procès. Si au contraire une personne répare un immeuble qu’elle croit par erreur lui appartenir. N’ayant
pas l’intention de gérer l’affaire d’autrui, elle ne peut invoquer que l’enrichissement injustifié. Son indemnité sera
alors égale seulement à la plus-value si elle est inférieure à la dépense et elle n’aura droit à aucune indemnité
si l’immeuble a péri par cas fortuit avant le procès.

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