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Si, à certains égards, le système ainsi institué se rapproche de l’exécution forcée par
équivalent, en ce que les deux sanctions se traduisent par le paiement d’une somme
d’argent, il s’en distingue fondamentalement, en ce que l’octroi de dommages et
intérêts a pour finalité, non pas de garantir l’exécution du contrat, mais de réparer
le préjudice subi par le créancier du fait de l’inexécution du contrat. Les finalités
recherchées sont donc différentes.
==> Principe de non-cumul
Dans un arrêt du 11 janvier 1922 la haute juridiction a ainsi jugé que « les articles
1382 et suivants sont sans application lorsqu’il s’agit d’une faute commise dans
l’exécution d’une obligation résultant d’un contrat » (Cass. civ. 11 janv. 1922).
Dans un arrêt du 11 janvier 1989, la Cour de cassation a encore considéré que « le
créancier d’une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de
cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la
responsabilité délictuelle » (Cass. 1ère civ. 11 janv. 1989, n°86-17323).
Selon le principe du non-cumul encore qualifié de non-option, si un dommage se
rattache à l’exécution d’un contrat, il n’est pas possible d’en demander la réparation
sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Telles sont les raisons pour lesquelles, l’avant-projet de loi de réforme du droit de
la responsabilité civile consacre ce principe de non-cumul sous réserve d’une
exception très importante au profit des victimes de dommages corporels.
Celles-ci doivent pouvoir opter en faveur du régime qu’elles estiment leur être le
plus favorable, à condition toutefois d’être en mesure d’apporter la preuve des
conditions exigées pour justifier le type de responsabilité qu’elles invoquent.
La question qui alors se pose est de savoir en quoi ce manquement doit-il consister
pour être générateur de responsabilité contractuelle ; d’où il s’ensuit la
problématique de la preuve.
1. Problématique de la faute
Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil
semblait apporter deux réponses contradictoires à cette interrogation.
==> Critères de la distinction
En l’absence d’indications textuelles, il convient de se reporter à la jurisprudence
qui se détermine au moyen d’un faisceau d’indices.
Plusieurs critères – non cumulatifs – sont, en effet, retenus par le juge pour
déterminer si l’on est en présence d’une obligation de résultat ou de moyens :
Il est, en effet, certaines obligations qui peuvent être à cheval sur les deux
catégories, la jurisprudence admettant, parfois, que le débiteur d’une obligation de
résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve qu’il n’a commis aucune
faute.
Est-ce à dire que cette distinction a été abandonnée, de sorte qu’il n’a désormais
plus lieu d’envisager la responsabilité du débiteur selon que le manquement
contractuel porte sur une obligation de résultat ou de moyens ?
Pour la doctrine rien n’est joué. Il n’est, en effet, pas à exclure que la Cour de
cassation maintienne la distinction en s’appuyant sur les nouveaux articles 1231-
1 et 1197 du Code civil, lesquels reprennent respectivement les anciens articles
1147 et 1137.
La question qui immédiatement se pose est alors de savoir dans quelle mesure le
débiteur répond-il du fait d’autrui et du fait d’une chose.
En effet, celui-ci sera fondé, dans le cadre de l’exercice d’une action récursoire, à
obtenir le remboursement des sommes qu’il aura exposées auprès du tiers à
l’origine du dommage.
Dans cette décision, la troisième chambre civile avait, au visa de l’article 1147 du
Code civil ensemble l’article 1731, affirmé que « l’indemnisation du bailleur en
raison de l’inexécution par le preneur des réparations locatives prévues au bail
n’est subordonnée ni à l’exécution de ces réparations ni à la justification d’un
préjudice » (Cass. 3e civ. 30 janv. 2002, n°00-15784).
Par cette décision, il était donc admis qu’en matière de bail le créancier n’avait pas
à justifier d’un préjudice pour engager la responsabilité contractuelle du preneur.
À cet égard l’article 1145 disposait que « si l’obligation est de ne pas faire, celui
qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la
contravention. »
Aussi, la Cour de cassation en déduisait que pour les obligations de ne pas faire, il
n’y avait pas lieu pour le créancier de justifier d’un préjudice, ce qui était une
lecture pour le moins erronée du texte, celui-ci le dispensant seulement de mettre
en demeure son débiteur (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 10 mai 2005, n°02-15910).
En tout état de cause, l’article 1145 du Code civil a été écarté par l’ordonnance du
10 février 2016 qui a, en revanche, repris l’ancien article 1149 devenu 1231-2.
Cette disposition prévoit, pour mémoire, que « les dommages et intérêts dus au
créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé,
sauf les exceptions et modifications ci-après. »
La lettre du texte ne laisse que peu de place au doute quant à l’exigence d’établir un
préjudice pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur.
Soit actuelle
Soit future
a) Le préjudice actuel
Le dommage actuel est celui qui s’est déjà réalisé. À la vérité, lorsque le dommage
est déjà survenu, cette situation ne soulève guère de difficulté s’agissant de
l’indemnisation de la victime.
Mais quid lorsque le dommage ne s’est pas encore réalisé ? Peut-on réparer un
préjudice futur ?
b) Le préjudice futur
==> Préjudice futur et préjudice actuel
Au vrai, dès lors que le préjudice futur et le préjudice actuel présentent un caractère
certain, tous deux sont réparables.
Dès lors que l’éventualité du préjudice « ne s’est pas transformée en certitude »,
pour reprendre une expression de François Terré, le préjudice n’est pas réparable,
contrairement au préjudice futur dont la réalisation est certaine.
==> Le préjudice futur certain
Ce qui importe c’est donc que le préjudice futur soit certain pour être réparable.
Lorsque, toutefois, une faute lourde ou dolosive est susceptible d’être reprochée au
débiteur, le son cocontractant sera fondé à réclamer une réparation intégrale de son
préjudice, soit au-delà de ce qui avait été prévu au contrat.
==> Principe
En effet, l’article 1231-3 du Code civil dispose que « le débiteur n’est tenu que des
dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la
conclusion du contrat […] ».
Cette règle procède de l’idée, comme rappelé dans le Rapport au Président de la
République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 que le contrat est avant tout
un instrument de prévisibilité.
Il est donc logique d’en limiter la réparation aux dommages qui ont été prévus ou
qui étaient prévisibles lors de la conclusion du contrat.
À cet égard, la prévisibilité porte tant sur la cause du dommage (sa nature) que sur
sa quotité (son montant).
Il faut encore que les parties aient prévu la valeur des marchandises acheminées, en
particulier si elle est élevée. À défaut, l’indemnisation sera limitée au
remboursement du prix moyen des marchandises qu’il transporte habituellement.
Ainsi, l’exigence de prévisibilité du préjudice suppose que celui qui s’engage soit
en mesure de savoir à quoi il s’expose dans l’hypothèse où l’inexécution de son
obligation cause un dommage à son cocontractant.
Lorsque, dès lors, la prestation porte sur une chose, le débiteur doit en connaître la
valeur, faute de quoi en cas de perte, de disparition ou de détérioration, les
dommages et intérêts alloués au créancier de l’obligation inexécutée ne pourront
pas correspondre à cette valeur.
==> Exception
La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre
par faute dolosive et faute lourde.
La faute lourde
Elle est définie par la jurisprudence, selon la formule consacrée,
comme « le comportement d’une extrême gravité, confinant au dol et
dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de
la mission contractuelle qu’il avait accepté» (V. en ce sens Ch. Mixte 22
avr. 2005, n° 03-14112).
La faute lourde comprend donc deux éléments :
Un élément subjectif : le comportement confinant au dol, soit à
une faute d’une extrême gravité.
Un élément objectif: l’inaptitude quant à l’accomplissement de
la mission contractuelle.
La faute dolosive
Elle est définie quant à elle comme l’inexécution délibérée, et donc
volontaire, des obligations contractuelles.
À cet égard dans un arrêt du 27 juin 2001, la Cour de cassation a jugé
en ce sens que « le constructeur […] est sauf faute extérieure au contrat,
contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute
dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il
viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles»
( 3e civ. 27 juin 2001, n°99-21017).
Il ressort de la jurisprudence que la faute dolosive suppose que le
débiteur ait seulement voulu manquer à ses obligations contractuelles. Il
est indifférent qu’il ait voulu causer un préjudice à son cocontractant.
Nonobstant la différence qui existe entre ces deux notions, la faute lourde est
régulièrement assimilée à la faute dolosive par la jurisprudence.
Dans un arrêt du 29 octobre 2014, la Cour de cassation a ainsi rappelé que « la
faute lourde, assimilable au dol, empêche le contractant auquel elle est imputable
de limiter la réparation du préjudice qu’il a causé aux dommages prévus ou
prévisibles lors du contrat et de s’en affranchir par une clause de non-
responsabilité » (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2014, n°13-21980).
L’assimilation de la faute lourde à la faute dolosive aurait, selon le Rapport au
Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, été reconduite
par le législateur, de sorte que les solutions dégagées par la jurisprudence antérieure
sont toujours valides.
En tout état de cause, lorsque la faute lourde ou la faute dolosive sont caractérisées,
la limitation de l’indemnisation à concurrence du préjudice prévisible est écartée à
la faveur du principe de réparation intégrale qui trouve alors à s’appliquer.
Cette exigence est exprimée à l’article 1231-4 du Code civil qui dispose que « dans
le cas même où l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive, les
dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe
de l’inexécution. »
Autrement dit, selon ce texte, qui est une reprise de l’ancien article 1151 du Code
civil, y compris lorsque le débiteur a commis une faute lourde ou dolosive, il
n’engage sa responsabilité contractuelle qu’à la condition que soit établi un lien de
causalité entre le préjudice et l’inexécution du contrat.
Il ne suffit pas, en effet, d’établir l’existence d’un fait générateur et d’un dommage
pour que le cocontractant victime soit fondée à se prévaloir d’un droit à
indemnisation.
Pour que naisse l’obligation de réparation, encore faut-il que soit établie l’existence
d’une relation de cause à effet.
Il apparaît, dans ces conditions, que pour chaque dommage les causes sont
multiples.
Faut-il retenir toutes les causes qui ont concouru à la production du dommage
ou doit-on seulement en retenir certaines ?
==> Causes juridiques / causes scientifiques
Fort logiquement, le juge ne s’intéressera pas à toutes les causes qui ont concouru
à la production du dommage.
Ainsi, les causes scientifiques lui importeront peu, sauf à ce qu’elles conduisent à
une personne dont la responsabilité est susceptible d’être engagée
D’une part, le juge n’a pas vocation à recenser toutes les causes du
dommage. Cette tâche revient à l’expert.
D’autre part, sa mission se borne à déterminer si le défendeur doit ou non
répondre du dommage.
Ainsi, le juge ne s’intéressera qu’aux causes du dommage que l’on pourrait
qualifier de juridiques, soit aux seules causes génératrices de responsabilité.
L’analyse de la jurisprudence révèle que le préjudice indirect est celui, soit qui
n’est pas une conséquence immédiate de l’inexécution, soit qui résulte de la
survenance d’une cause étrangère (fait de la nature, fait d’un tiers ou fait du
créancier).
Pour mémoire :
C’est la raison pour laquelle, dès lors qu’elle est établie, la cause étrangère est
susceptible de constituer une cause d’exonération totale ou partielle de
responsabilité.
Si les textes relatifs à la responsabilité civile ne font nullement référence à la cause
étrangère, tel n’est pas le cas en matière de responsabilité contractuelle.
Les critères traditionnels que l’on prête à la force majeure ont-ils été repris
par l’article 1218 du Code civil qui définit la force majeure comme ?
À cet égard, il ne suffisait pas que l’exécution de l’obligation soit rendue plus
difficile ou plus onéreuse par la survenance de l’événement extérieur (Cass., com.,
12 novembre 1969), il fallait qu’elle soit effectivement impossible.
Si l’empêchement n’était que momentané, la jurisprudence considérait le débiteur
n’était pas libéré et l’exécution de l’obligation était, dans ces conditions, seulement
suspendue jusqu’au moment où l’événement extérieur venait à cesser (Cass.,
1ère civ., 24 février 1981).
La condition d’extériorité de l’événement n’était pas, non plus, caractérisée si
l’empêchement d’exécution du contrat résultait de l’attitude ou du comportement
fautif du débiteur (Cass., 1ère civ., 21 mars 2000).
Ainsi, le vendeur ne pouvait pas invoquer une force majeure extérieure pour
s’exonérer de sa responsabilité en cas de vice caché (Cass. 1ère civ., 29 octobre
1985), ni en principe le chef d’entreprise en cas de grève de son propre personnel
(Cass., Com., 24 novembre 1953).
Reste que la Cour de cassation a finalement renoncé à l’exigence d’extériorité de
l’événement pour retenir le cas de force majeure exonératoire de responsabilité.
Cette interrogation s’est d’autant plus renforcée par la suite que la troisième
chambre civile s’est, à son tour, référée dans un arrêt du 15 octobre 2013 au critère
de l’extériorité pour retenir un cas de force majeure (Cass. 3e civ. 15 oct. 2013,
n°12-23126).
Constatant que la jurisprudence ne parvenait pas à se fixer en arrêtant une
définition de la force majeure, le législateur a profité de la réforme du droit des
obligations pour mettre un terme, à tout le moins s’y essayer, à l’incertitude
jurisprudentielle qui perdurait jusqu’alors, nonobstant l’intervention de l’assemblée
plénière en 2006.
En première intention, on pourrait considérer qu’il s’agit d’un événement qui serait
étranger à son activité, car ne relevant pas de son contrôle. Cette interprétention
conduirait néanmoins à réintroduire le critère d’extériorité. Or cela serait contraire
à la volonté du législateur.
Le texte prévoit en ce sens que la force majeure est constituée lorsque notamment
l’événement invoqué « ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la
conclusion du contrat ».
La reprise du critère de l’imprévisibilité par le législateur appelle trois remarques :
En premier lieu, il peut être observé que l’imprévisibilité s’apprécie par référence à
une personne ou un contractant prudent et diligent, et en tenant compte des
circonstances de lieu, de temps, de saison. Il faut que le sujet n’ait pas pu prévoir la
réalisation du dommage.
En deuxième lieu, l’imprévisibilité doit s’apprécier au jour de la formation ou de la
conclusion du contrat, le débiteur ne s’étant engagé qu’en fonction de ce qui était
prévisible à cette date (Cass., com., 3 octobre 1989).
Tout s’ordonne, dans le domaine contractuel, autour des prévisions des parties et
des attentes légitimes du créancier : il faut que l’événement-obstacle crée une
difficulté d’exécution dont le créancier ne pouvait raisonnablement espérer la prise
en charge par le débiteur (20).
Pour que l’événement soit imprévisible, il faut, peut-on dire, qu’il provoque un
« effet de surprise » au regard du lieu, du moment et des circonstances dans
lesquels il se produit, de telle manière qu’il n’ait pu être prévu par un homme
prudent et avisé.
Pour que l’événement soit irrésistible il faut que la personne concernée ait été dans
l’impossibilité d’agir autrement qu’elle l’a fait.
La question qui alors se pose est de savoir dans quels cas cette rupture de la
causalité justifie que le débiteur de l’obligation inexécutée puisse s’exonérer de sa
responsabilité.
En tout état de cause, pour être exonératoire de responsabilité, elle devra présenter
les caractères de la force majeure, soit, conformément à l’article 1218, al. 1 er du
Code civil, consister en un « événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne
pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les
effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de
son obligation par le débiteur ».
A contrario, lorsque la cause étrangère ne revêt pas les caractères de la force
majeure, les conséquences de l’inexécution contractuelle devront intégralement être
supportées par le débiteur.
À l’examen, l’appréhension de la cause étrangère par la jurisprudence diffère selon
qu’elle résulte du fait d’autrui ou du fait du créancier.
Dans le cas contraire, le débiteur devra indemniser le créancier du préjudice qui lui
a été causé par autrui. Tout au plus, ce dernier disposera d’une action récursoire
contre le tiers impliqué dans l’inexécution du contrat.
Lorsque cette inexécution est imputable au créancier, deux situations doivent être
distinguées :
Ainsi, en cas de retard d’exécution d’une obligation portant sur une somme
d’argent, le texte prévoit que l’indemnisation du créancier pour le préjudice causé
par ce retard, consiste en l’octroi, à titre forfaitaire, d’intérêts – moratoires –
calculés au taux légal et dont l’assiette correspond au montant de la créance due.
L’article 1231-6 ayant une valeur supplétive, il n’est pas interdit aux parties de
prévoir un taux conventionnel. Ce taux conventionnel devra néanmoins, pour
s’appliquer, être expressément stipulé dans le contrat et ne peut être inférieur à trois
fois le taux légal.
L’alinéa 2 de cette disposition complète le dispositif en prévoyant que « en cas de
confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une
indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux
légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité
allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel ».
Deux situations doivent alors être distinguées :
Première forme
Il peut s’agir de clauses limitatives de réparation, se traduisant par une
diminution du montant de la réparation.
Seconde forme
Il peut s’agir de clauses dites « pénales », par lesquelles les
contractants évaluent forfaitairement et par avance les dommages et
intérêts dus par le débiteur en cas d’inexécution totale ou partielle, ou
d’exécution tardive du contrat.
Le forfait peut s’avérer soit plus élevé, soit plus faible que le préjudice
résultant de l’inexécution de l’obligation.
§1: La clause pénale
==> Notion
La clause pénale fait très souvent l’objet d’âpres discussions lors de la conclusion
de contrats commerciaux. Et pour cause, c’est à ce moment précis de la négociation
que les parties évoquent la question de la réparation du préjudice en cas de
manquement contractuel du prestataire.
Bien que la stipulation de cette clause tende à concurrencer, voire empiéter, sur le
monopole juridictionnel de l’État[2], elle n’en a pas moins toujours été admise en
droit français.
Ainsi, sous l’empire du droit antérieur, le Code civil abordait-il les clauses pénales,
d’abord, de manière générale, à l’article 1152, puis, de façon plus spécifique,
aux articles 1226 et suivants.
==> Nature
Pour certains, elle serait une peine privée contractuelle[3]. Les partisans de cette
thèse le justifient en soutenant, tout d’abord, que la fonction principale de la clause
pénale consiste à contraindre le débiteur à satisfaire à ses obligations.
Ainsi se caractériserait-elle, essentiellement, par sa fonction comminatoire[4]. Or
cette fonction est inhérente à la notion de peine.
Le deuxième argument – déterminant – avancé par les tenants de la thèse répressive
consiste à dire que l’inexécution d’une obligation contractuelle suffit à déclencher
l’application de la clause pénale.
Pour des auteurs tels que Demolombe, Josserand ou encore Philippe Le Tourneau,
la clause pénale ne serait, en réalité, qu’une clause de dommages-intérêts.
L’argument principal avancé repose sur l’ancien article 1229 du Code civil qui
disposait que « la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que
le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale ».
Sa fonction principale serait donc la réparation ; une réparation qui viendrait se
substituer à l’évaluation judiciaire. D’où la règle énoncée à l’alinéa 2 de l’article
1229, qui prévoyait que le bénéfice de la clause pénale ne peut pas se cumuler avec
l’exécution de l’obligation principale.
À l’examen, la majorité des auteurs estiment que la vérité se situerait au milieu, soit
entre la thèse répressive et la thèse réparatrice.
Pour justifier cette thèse il est avancé que, dans la mesure où le montant fixé
conventionnement par les parties peut être inférieur ou supérieur au préjudice
éprouvé par le créancier, la clause pénale s’apparenterait, tantôt à une clause
limitative de responsabilité, tantôt à une peine privée. D’où sa nature hybride.
Au total, il apparaît que, tant les théories monistes, que la théorie dualiste sont
séduisantes : chaque thèse a le mérite, en faisant ressortir un ou plusieurs traits
saillants de la clause pénale, de lever un peu plus le voile sur sa nature.
À cet égard, nonobstant leurs divergences, ces thèses partagent toutes un point en
commun : les auteurs admettent, en effet, unanimement que la clause pénale
remplit une fonction réparatrice.
Et si, pour les partisans de la thèse répressive, cette fonction n’est qu’accessoire,
elle n’en demeure pas moins pour eux une caractéristique de la clause pénale.
Denis Mazeaud affirme en ce sens que « quand un préjudice a été causé par
l’inexécution illicite imputable au débiteur, la peine fait accessoirement fonction
de réparation »[5].
Elle remplit ainsi la même fonction que la responsabilité contractuelle, à la
différence près, néanmoins, que la clause pénale vise, non pas à réparer le préjudice
effectivement subi par le cocontractant, mais à allouer au créancier une indemnité
de réparation forfaitaire.
L’article 1231-5 du Code civil prévoit que « lorsque le contrat stipule que celui qui
manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts,
il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. »
Il s’infère de cette disposition que la clause pénale présente un caractère forfaitaire,
en ce sens que, en cas d’inexécution contractuelle, elle fera office d’indemnité de
réparation indépendamment du montant du préjudice subi par le créancier.
L’enjeu pour les parties sera alors de fixer un montant de la clause pénale qui,
d’une part, ne risque pas d’être révisé par le juge, parce que excessif, d’autre part,
qui soit suffisamment élevé pour correspondre au préjudice qu’elle vise à réparer.
Dans la pratique, il est un débat récurrent qui revient entre les parties : la clause
pénale est-elle ou non libératoire ? L’enjeu de cette question ne saurait être
mésestimé.
Reste que si la clause pénale se voit assigner, même accessoirement, une fonction
réparatrice, il peut en être réduit qu’elle revêt, corrélativement, un caractère
libératoire.
L’ancien article 1229 du Code civil prévoyait en ce sens que « la clause pénale est
la compensation des dommages et intérêts ». Par compensation il fallait
comprendre que l’indemnité perçue par le créancier supplante l’indemnité
réparatrice qui lui aurait été allouée par le juge.
À cet égard, on peut ainsi lire sous la plume d’éminents auteurs que « l’évaluation
conventionnelle des dommages-intérêts est substituée à l’évaluation judiciaire
qu’elle rend inutile »[6].
Par ailleurs, si la clause pénale n’était pas libératoire, rien ne la distinguerait de
l’astreinte. Or le prononcé d’une astreinte peut se cumuler avec l’octroi de
dommages et intérêts (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 28 fév. 1989 : Bull. civ. I, n. 97).
L’application de la clause pénale ne saurait, en conséquence, se cumuler avec
l’octroi d’une indemnisation judiciaire. La cour de cassation abonde indirectement
en ce sens lorsqu’elle admet qu’un cumul n’est possible que dans l’hypothèse où le
préjudice dont la réparation est demandée est distinct de celui couvert par la clause
(Cass. soc., 21 nov. 1978 : Bull. civ. 1978, V, n° 589 ; Cass. com., 20 mai 1997 :
JCP G 1997, IV, 1441).
Mieux, dans un arrêt du 14 juin 2006, la Cour de cassation a jugé que la clause
pénale « constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice »
(Cass. com. 14 juin 2016 n°15-12734).
La solution ici dégagée par la Cour de cassation, qui ne laisse guère place au doute
sur le caractère libératoire de la clause pénale, a été confirmée par l’ordonnance du
10 février 2016 qui précise à l’article 1231-5 du Code civil que cette clause vise à
octroyer à cocontractant victime d’une inexécution contractuelle « une certaine
somme à titre de dommages et intérêts ».
Si le créancier perçoit des dommages et intérêts du chef de l’application de la
clause pénale, c’est que son préjudice a été réparé et que, par voie de conséquence,
l’objet du litige potentiel susceptible de l’opposer au débiteur est épuisé.
Autrement dit, il doit avoir été prévu, dans le contrat, le fait générateur qui ouvrira
le droit au paiement de pénalités.
À cet égard, il est indifférent que l’inexécution sanctionnée porte ou non sur une
obligation essentielle : ce qui importe c’est que l’obligation en cause soit
expressément visée par la clause pénale.
Cette exigence est directement reprise de l’ancien article 1230 du Code civil qui
prévoyait que « soit que l’obligation primitive contienne, soit qu’elle ne contienne
pas un terme dans lequel elle doive être accomplie, la peine n’est encourue que
lorsque celui qui s’est obligé soit à livrer, soit à prendre, soit à faire, est en
demeure. »
Si la mise en demeure est la règle, le créancier en sera dispensé lorsque
l’inexécution de l’obligation est définitive, soit lorsque le débiteur ne sera pas en
mesure de surmonter son retard. Tel est le cas, par exemple, lorsqu’il a failli à son
obligation d’acheminer au pli avant une date butoir.
En tout état de cause, dans les cas où elle est exigée, la mise en demeure devra être
adressée au débiteur selon les formes prévues aux articles 1344 et suivants du Code
civil.
Pour rappel, la mise en demeure se définit comme l’acte par lequel le créancier
commande à son débiteur d’exécuter son obligation.
Elle peut prendre la forme, selon les termes de l’article 1344 du Code civil, soit
d’une sommation, soit d’un acte portant interpellation suffisante.
À cet égard, l’absence de mise en demeure pourrait être invoquée par le débiteur
comme un moyen de défense au fond lequel est susceptible d’avoir pour effet de
tenir en échec la demande d’application de la clause pénale formulée par le
créancier.
D’un côté, il a été avancé que l’exercice de ce pouvoir de révision par le juge
est justifié lorsque le montant de clause pénale est manifestement excessif.
D’un autre côté, il est fait interdiction au juge de modifier les prévisions des
parties, sauf pour les cas de contrariété d’une clause à l’ordre public
En réaction à la jurisprudence qui avait refusé d’annuler les clauses pénales dont le
montant était excessif au motif qu’il n’appartenait pas au juge de s’ingérer dans les
relations contractuelles des parties, le législateur lui a reconnu ce pouvoir par
l’adoption de la loi du 9 juillet 1975.
Il était ainsi prévu à l’ancien article 1152, al. 2 du Code civil que « le juge peut,
même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est
manifestement excessive ou dérisoire. »
Ce pouvoir de révision de la clause pénale octroyé au juge a été confirmé par
l’ordonnance du 10 février 2016 qui a repris, dans les mêmes termes, à l’article
1231-5, al. 2 du Code civil, le second alinéa de l’ancien article 1152.
Il doit donc se livrer à une sorte de contrôle de proportionnalité, étant précisé qu’il
est interdit au juge de se référer, tant au comportement du débiteur (V. en ce
sens Cass. com. 11 févr. 1997, n°95-10851), qu’à sa situation financière (Cass.
1ère civ., 14 nov. 1995, no 94-04.008).
Le juge n’est autorisé à apprécier le caractère excessif du montant de la clause
qu’au regard du préjudice effectivement subi par le créancier. À cet égard, la
jurisprudence admet qu’il puisse se faire assister d’un expert (Cass. 3e civ., 13 nov.
2003, n°01-12.646).
Dans l’hypothèse où le juge estime que la clause est manifestement excessive,
aucune obligation ne lui est faite de ramener son montant au niveau du préjudice
subi par le créancier.
Par ailleurs, dans un arrêt du 24 juillet 1978, la Cour de cassation a précisé que
s’« ‘il appartient aux juges du fond, souverains dans l’appréciation du préjudice
subi par le créancier, de fixer librement le montant de l’indemnité résultant de
l’application d’une clause pénale dès lors qu’ils l’estiment manifestement
excessive », ils ne peuvent toutefois pas « allouer une somme inférieure au montant
du dommage ».
Il existe donc un seuil qui s’impose au juge – le montant du préjudice subi par le
créancier – en deçà duquel les pénalités dues ne peuvent pas être réduites.
Les solutions ci-dessus énoncées valent non seulement en cas d’inexécution totale
de l’obligation sanctionnée par la clause pénale, mais également en cas
d’inexécution partielle.
L’alinéa 3 de l’article 1231-5, qui lui reprend les termes de l’ancien article 1231,
dispose en ce sens que « lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité
convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt
que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de
l’alinéa précédent. »
§2: Les clauses limitatives et exonératoires de responsabilité
I) Le principe de validité des clauses exonératoires ou limitatives de
responsabilité
Alors que l’on assiste à une convergence des règles qui régissent la responsabilité
contractuelle et la responsabilité délictuelle, une différence subsiste : tandis que la
première peut être limitée, voire écartée par le jeu d’une convention, la seconde ne
peut souffrir d’aucun aménagement contractuel.
Elles sont particulièrement fréquentes, par exemple, dans les contrats de transport
ou de déménagement, dans lesquels sont insérées des clauses dont l’objet est de
fixer, une fois la faute contractuelle établie, le maximum des dommages et intérêts
que le créancier pourra recevoir, c’est-à-dire, en d’autres termes, un plafond de
réparation.
Reste, que la stipulation de ces clauses est prohibée dans un certain nombre de
contrats, sans compter que leurs effets sont susceptibles d’être neutralisés dans
plusieurs situations.
Aux côtés de ces textes spéciaux qui tendent à se multiplier et intéressent des
matières pour le moins variées, il faut également compter sur une disposition de
portée générale, introduite par l’ordonnance de 10 février 2016, qui vise à réputer
non-écrite toute clause qui porterait atteinte à une obligation essentielle du contrat.
La codification de cette dernière solution, sur une question qui a donné lieu à de
nombreux arrêts parfois inconciliables, permet de fixer clairement le droit positif
sur le sort de ces clauses.
Faits
Une société (la société Chronopost), spécialiste du transport rapide,
s’est engagée à livrer sous 24 heures un pli contenant une réponse à une
adjudication.
Le pli arrive trop tard, de sorte que la société cliente ne parvient pas à
remporter l’adjudication.
Demande
La société cliente demande réparation du préjudice subi auprès du
transporteur
Toutefois, la société Chronopost lui oppose une clause qui limite sa
responsabilité au montant du transport, soit 122 francs.
Procédure
Par un arrêt du 30 juin 1993, la Cour d’appel de Rennes, déboute la
requérante de sa demande.
Les juges du fond estiment que la responsabilité contractuelle du
transporteur n’aurait pu être recherchée que dans l’hypothèse où elle
avait commis une faute lourde.
Or selon la Cour d’appel le retard dans la livraison du pli ne constituait
pas une telle faute.
En conséquence, le client du transporteur ne pouvait être indemnisé du
préjudice subi qu’à hauteur du montant prévu par le contrat soit le coût
du transport : 122 francs.
Solution
Par un arrêt du 22 octobre 1996, la chambre commerciale casse et
annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article 1131 du Code civil.
La Cour de cassation affirme, au soutien de sa décision que dans la
mesure où la société Chronopost, spécialiste du transport rapide
garantissant, à ce titre, la fiabilité et la célérité de son service, s’était
engagée à livrer les plus de son client dans un délai déterminé, « en
raison du manquement à cette obligation essentielle la clause limitative
de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement
pris, devait être réputée non écrite».
Analyse
Tout d’abord, il peut être observé que, en visant l’ancien article
1131 du Code civil, la Cour de cassation assimile à l’absence de cause
l’hypothèse où la mise en œuvre de la clause limitative de responsabilité
a pour effet de contredire la portée de l’obligation essentielle contractée
par les parties.
En l’espèce, la société Chronopost, spécialisée dans le transport
rapide, s’est engagée à acheminer le plus confié dans un délai déterminé
en contrepartie de quoi elle facture à ses clients un prix bien supérieur à
ce qu’il est pour un envoi simple par voie postale.
En effet, c’est pour ce service, en particulier, que les clients de la
société Chronopost, se sont adressé à elle, sinon pourquoi ne pas
s’attacher les services d’un transporteur classique dont la prestation serait
bien moins chère.
Ainsi, y a-t-il manifestement dans le délai rapide d’acheminement une
obligation essentielle soit une obligation qui constitue l’essence même du
contrat : son noyau dur.
Pourtant, la société Chronopost a inséré dans ses conditions générales
une clause aux termes de laquelle elle limite sa responsabilité, en cas de
non-respect du délai d’acheminement fixé, au montant du transport, alors
même que le préjudice subi par le client est sans commune mesure.
D’où la question posée à la Cour de cassation : une telle clause ne
vide-t-elle pas de sa substance l’obligation essentielle du contrat, laquelle
n’est autre que la stipulation en considération de laquelle le client s’est
engagé ?
En d’autres termes, peut-on envisager que la société Chronopost
s’engage à acheminer des plis dans un délai rapide et, corrélativement,
limiter sa responsabilité en cas de non-respect du délai stipulé à la somme
de 122 francs ?
Il ressort du présent arrêt, que la Cour de cassation répond par la
négative à cette question.
Elle estime, en ce sens, que la stipulation de la clause limitative de
responsabilité était de nature à contredire la portée de l’engagement pris
au titre de l’obligation essentielle du contrat.
En réduisant à presque rien l’indemnisation en cas de manquement à
l’obligation essentielle du contrat, la clause litigieuse vide de sa
substance ladite obligation.
Aussi, cela reviendrait, selon la Cour de cassation qui vise l’article
1131 du Code civil, à priver de cause l’engagement du client, laquelle
cause résiderait dans l’obligation d’acheminer le pli dans un délai
déterminé.
Elle en déduit que la clause limitative de responsabilité doit être
réputée non-écrite.
Critiques
Plusieurs critiques ont été formulées à l’encontre de la solution retenue
par la haute juridiction
Le visa de la solution
Pourquoi annuler la clause du contrat sur le fondement de
l’ancien article 1131 du Code civil alors même qu’il existe une
contrepartie à l’obligation de chacun des contractants ?
La contrepartie de l’obligation de la société
Chronopost consiste en le paiement du prix par son client.
La contrepartie de l’obligation du client consiste
quant à elle en l’acheminement du pli par Chronopost.
Jusqu’alors, afin de contrôler l’existence d’une
contrepartie, le contrat était appréhendé globalement et non réduit
à une de ses clauses en particulier.
La subjectivisation de la cause
Autre critique formulée par les auteurs, la Cour de
cassation se serait attachée, en l’espèce, à la fin que les parties ont
poursuivie d’un commun accord, ce qui revient à recourir à la
notion de cause subjective alors que le contrôle de l’existence de
contrepartie s’opère, classiquement, au moyen de la seule cause
objective.
Pour la Cour de cassation, en concluant un contrat de
transport rapide, les parties ont voulu que le pli soit acheminé à
son destinataire dans un certain délai.
Or, si l’on s’en tient à un contrôle de la cause objective
(l’existence d’une contrepartie), cela ne permet pas d’annuler la
clause limitative de responsabilité dont la mise en œuvre porte
atteinte à l’obligation essentielle du contrat : l’obligation de
délivrer le pli dans le délai convenu.
Pour y parvenir, il est en effet nécessaire d’apprécier la
validité des clauses du contrat en considération de l’objectif
recherché par les contractants.
Le recours à la notion de cause subjective permet alors
d’écarter la clause qui contredit la portée de l’engagement pris,
car elle entrave la fin poursuivie et ainsi la cause qui a déterminé
les parties à contracter.
Tel est le cas de la clause limitative de responsabilité qui
fait obstacle à la réalisation du but poursuivi par les parties, cette
clause étant de nature à ne pas inciter la société Chronopost à
mettre en œuvre tous les moyens dont elle dispose afin d’exécuter
son obligation, soit acheminer les plis qui lui sont confiés dans le
délai stipulé.
Au total, la conception que la Cour de cassation se fait de
la cause renvoie à l’idée que la cause de l’obligation
correspondrait au but poursuivi par les parties, ce qui n’est pas
sans faire écho à l’arrêt Point club vidéo rendu le 3 juillet 1996,
soit trois mois plus tôt, où elle avait assimilé le défaut d’utilité de
l’opération économique envisagé par l’une des parties à l’absence
de cause.
La sanction de l’atteinte à l’obligation essentielle
La cause étant une condition de validité du contrat, son
absence était sanctionnée, en principe, par une nullité du contrat
lui-même.
Tel n’est cependant pas le cas dans l’arrêt Chronopost où
la Cour de cassation estime que la clause limitative de
responsabilité est seulement réputée non-écrite.
Pourquoi cette solution ?
De toute évidence, en l’espèce, la Cour de cassation a
statué pour partie en opportunité.
Si, en effet, elle avait prononcé la nullité du contrat dans
son ensemble, cela aurait abouti au même résultat que si l’on avait
considéré la clause valide :
Le client reprenait son pli
Chronopost reprend ses 122 francs.
Aussi, en réputant la clause non-écrite, cela permet
d’envisager la question de la responsabilité contractuelle de la
société Chronopost, la clause limitative de responsabilité ayant été
neutralisée.
Plus largement, la sanction retenue participe d’un
mouvement en faveur du maintien du contrat : plutôt que
d’anéantir l’acte dans son ensemble, on préfère le maintenir,
amputé de ses stipulations illicites.
La Cour de cassation parvient donc ici à une solution
équivalente à laquelle aurait conduit l’application des règles
relatives à la prohibition des clauses abusives.
Toutefois, ce corpus normatif ne trouve d’application que
dans le cadre des relations entre professionnels et consommateurs,
ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Dès lors, on peut estimer que la Cour de cassation s’est
servie dans cet arrêt du concept de cause comme d’un instrument
d’éradication d’une clause abusive stipulée dans un contrat qui,
par nature, échappait au droit de la consommation.
==> Deuxième acte : arrêt Chronopost du 9 juillet 2002
La solution retenue dans l’arrêt Chronopost n’a pas manqué de soulever plusieurs
questions, dont une en particulier : une fois que l’on a réputé la clause limitative de
responsabilité non-écrite comment apprécier la responsabilité de la société
Chronopost ? Autrement dit, quelle conséquence tirer de cette sanction ?
Faits
La Cour de cassation est amenée à se prononcer une seconde fois sur
l’affaire Chronopost jugée une première fois par elle le 22 octobre 1996
Elle statue ici sur le pourvoi formé par la société Chronopost contre
l’arrêt rendu sur renvoi le 5 janvier 1999 par la Cour d’appel de Rouen
Problématique
À l’instar du contrat vente, de bail ou encore de prêt, le contrat de
messagerie est encadré par des dispositions réglementaires.
Plus précisément il est réglementé par le décret du 4 mai 1988 qui
organise son régime juridique.
Aussi, dans le deuxième volet de l’affaire Chronopost, la question
s’est posée de savoir si le décret du 4 mai 1988 réglementant les contrats
de type transport était applicable au contrat conclu entre la société
Chronopost et son client ou si c’est le droit commun de la responsabilité
contractuelle qui devait s’appliquer.
Quel était l’enjeu ?
Si le décret s’applique, en cas de non-acheminement du pli dans
les délais par le transporteur, celui-ci prévoit une clause équivalente à
celle déclarée nulle par la Cour de cassation dans l’arrêt du 22 octobre
1996 : le remboursement du montant du transport, soit la somme de
122 francs, celle-là même prévue dans les conditions générales de la
société Chronopost.
Si, au contraire, c’est le droit commun de la responsabilité qui
s’applique, une réparation du préjudice subie par la société cliente du
transporteur est alors envisageable.
Solution
Tandis que la Cour d’appel condamne la société Chronopost sur le
terrain du droit commun (réparation intégrale du préjudice) estimant que
le contrat type messagerie était inapplicable en l’espèce, la Cour de
cassation considère que le décret du 4 mai 1988 avait bien vocation à
s’appliquer.
Au soutien de sa décision, la Cour de cassation affirme que dans la
mesure où la clause limitative de responsabilité du contrat pour retard à la
livraison était réputée non écrite, cela entraîne nécessairement
« l’application du plafond légal d’indemnisation que seule une faute
lourde du transporteur pouvait tenir en échec».
En appliquant le droit commun des transports, cela revient alors à
adopter une solution qui produit le même effet que si elle n’avait pas
annulé la clause litigieuse : le remboursement de la somme de 122
francs !
Dans cet arrêt, la Cour de cassation précise toutefois que le plafond
légal d’indemnisation est susceptible d’être écarté en rapportant la preuve
d’une faute lourde imputable au transporteur.
D’où la référence dans le visa, entre autres, à l’ancien article 1150 du
Code civil qui prévoyait que « le débiteur n’est tenu que des dommages
et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat,
lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée. »
La solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 9 juillet
2002 a immédiatement soulevé une nouvelle question :le manquement à
une obligation essentielle du contrat pouvait être assimilé à une faute
lourde, ce qui dès lors permettrait d’écarter le plafond légal
d’indemnisation prévu par le décret du 4 mai 1988.
==> Troisième acte : arrêts Chronopost du 22 avril 2005
Arrêts Chronopost III
(Cass. ch. mixte, 22 avril 2005)
Faits
Dans la première espèce
Une société qui avait décidé de concourir à un appel d’offres
ouvert par la ville de Calais et devant se clôturer le lundi 25 mai 1999
à 17 h 30, a confié à la société Chronopost, le vendredi 22 mai 1999
l’acheminement de
Sa candidature n’est cependant parvenue à destination que le 26
mai 1999 en raison d’un retard dans l’acheminement du pli.
Dans la seconde espèce
Une société a confié à la société Chronopost un pli destiné à la
ville de Vendôme, contenant son dossier de candidature à un
concours d’architectes.
Le dossier devait parvenir au jury avant le 4 janvier 1999.
Toutefois, il n’est délivré que le lendemain.
Demande
Dans les deux arrêts, les clients de la société Chronopost demandent
réparation du préjudice occasionné du fait du retard de livraison du pli
confié au transporteur
Procédure
Première espèce
Par un arrêt du 24 mai 2002, la Cour d’appel de Paris accède à
la requête du client de la société Chronopost.
Les juges du fond estiment que le plafond d’indemnisation
prévu au contrat-type messagerie devait être écarté dans la mesure où
le retard d’acheminement du pli qui avait été confié à la société
Chronopost « caractérise une négligence d’une extrême gravité,
constitutive d’une faute lourde et dénotant l’inaptitude du
transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission
contractuelle qu’il avait acceptée»
Seconde espèce
Par un arrêt du 7 février 2003, la Cour d’appel de Versailles
déboute le client de la société Chronopost de sa demande.
Les juges du fond estiment dans cette espèce que si l’obligation
de livrer dans les délais le pli confié au transporteur constitue une
obligation essentielle du contrat, le manquement à cette obligation ne
suffit pas à caractériser une faute lourde.
Dès lors, pour la Cour d’appel de Versailles, il n’y a pas lieu
d’écarter le plafond d’indemnisation prévu par le décret qui
réglemente les contrats-type messagerie.
Solution
Tandis que dans la première espèce, la Chambre mixte casse et annule
l’arrêt de la Cour d’appel, dans la seconde le pourvoi formé par le client
de la société Chronopost est rejeté.
Deux enseignements peuvent être tirés des deux arrêts rendus le même
jour par la chambre mixte le 22 avril 2005 :
Définition de la faute lourde
La Cour de cassation répond à l’interrogation née de
l’arrêt du 9 juillet 2002 : la définition de la faute lourde
Aussi, dans la deuxième espèce jugée par la chambre
mixte, la faute lourde est définie comme « le comportement d’une
extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du
débiteur de l’obligation à l’accomplissement de la mission
contractuelle qu’il avait accepté».
La faute lourde comprendrait donc deux éléments :
Un élément subjectif : le comportement confinant
au dol, soit à une faute d’une extrême gravité.
Un élément objectif: l’inaptitude quant à
l’accomplissement de la mission contractuelle.
Faute lourde et manquement à l’obligation essentielle
Dans la première espèce la Cour de cassation estime
que « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation
d’indemnisation prévue par le contrat-type ne saurait résulter du
seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir
d’éclaircissements sur la cause du retard »
Dans la seconde espèce, la haute juridiction affirme
encore que « la clause limitant la responsabilité de la société
Chronopost en cas de retard qui contredisait la portée de
l’engagement pris étant réputée non écrite, les dispositions
précitées étaient applicables à la cause, et constaté que la société
Dubosc ne prouvait aucun fait précis permettant de caractériser
l’existence d’une faute lourde imputable à la société Chronopost,
une telle faute ne pouvant résulter du seul retard de livraison »
En d’autres termes, il résulte des deux arrêts rendus par la
chambre mixte le 22 avril 2005 que le simple manquement à une
obligation essentielle du contrat ne saurait caractériser à lui seul
une faute lourde
Pour que la faute lourde soit retenue, il aurait fallu que
soit établie, en plus, l’existence d’un élément subjectif : le
comportement d’une extrême gravité confinant au dol.
Ainsi, était-il nécessaire de démontrer que la société
Chronopost avait délibérément livré le pli qui lui a été confié en
retard, ce qui n’était évidemment pas le cas en l’espèce.
D’où le refus de la Cour de cassation d’écarter le plafond
légal d’indemnisation prévu par le décret du 4 mai 1988.
La chambre mixte a dès lors fait le choix d’une approche
extrêmement restrictive de la faute lourde, à tel point que les
auteurs se sont demandé si cela ne revenait pas à exclure toute
possibilité d’écarter le plafond légal d’indemnisation en raison de
l’impossibilité de rapporter la preuve de la faute lourde.
==> Quatrième acte : Arrêt Chronopost du 30 mai 2006
Faits
Deux montres, confiées par une société au transporteur Chronopost
pour acheminement à Hong Kong, ont été perdues pendant ce transport
Demande
La société cliente engage la responsabilité de Chronopost.
Au soutien de sa demande, elle avance que la clause limitative de
responsabilité dont se prévaut le transporteur ne lui est pas opposable.
Procédure
Par un arrêt du 11 mars 2004, la Cour d’appel de Paris déboute le
client de la société Chronopost de toutes ses demandes.
Étonnamment, les juges du fond adoptent une solution pour le moins
différente de la jurisprudence initiée par la Cour de cassation dix ans plus
tôt.
Ils considèrent que, en confiant un pli à la société Chronopost pour
qu’elle l’achemine jusqu’à son destinataire, elle « avait nécessairement
admis, en déclarant accepter les conditions générales de la société
Chronopost, le principe et les modalités d’une indemnisation limitée en
cas de perte du colis transporté »
La clause limitative de responsabilité était, dans ces conditions,
parfaitement applicable à la société cliente.
Ainsi, la Cour d’appel refuse-t-elle d’apprécier la validité de la clause
limitative de responsabilité en se demandant si elle ne portait pas atteinte
à une obligation essentielle, ni même si la société Chronopost n’avait pas
manqué à son obligation de délivrer le pli dans le délai prévu par le
contrat.
Solution
Par un arrêt du 30 mai 2006, la Cour de cassation casse et annule
l’arrêt de la Cour d’appel de Paris au visa de l’article 1131 du Code civil.
Sans surprise, la chambre commerciale reproche aux juges du fond de
n’avoir pas recherché « si la clause limitative d’indemnisation dont se
prévalait la société Chronopost, qui n’était pas prévue par un contrat-
type établi par décret, ne devait pas être réputée non écrite par l’effet
d’un manquement du transporteur à une obligation essentielle du
contrat»
Ainsi, la haute juridiction fait-elle une exacte application de la solution
dégagée dans le premier arrêt Chronopost rendu le 22 octobre 1996.
==> Cinquième acte : Arrêt Chronopost du 13 juin 2006
Faits
Une société a confié à la société Chronopost l’acheminement d’un pli
contenant une soumission pour un marché d’équipement de matériel de
rafraîchissement et portant la mention : « livraison impérative vendredi
avant midi ».
Le délai de livraison n’ayant pas été respecté, l’offre n’a pu être
examinée
Demande
Le client de la société Chronopost engage sa responsabilité aux fins
d’obtenir réparation du préjudice subi
Procédure
Par un arrêt du 2 décembre 2004, la Cour d’appel de Paris accède à la
demande du demandeur en déclarant le plafond légal d’indemnisation
inapplicable,
La Cour d’appel relève pour ce faire que « la société Chronopost,
spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de
son service, s’était obligée de manière impérative à faire parvenir le pli
litigieux le vendredi avant midi à Champagnole, localité située à 25
kilomètres du lieu de son expédition, où il avait été déposé la veille avant
18 heures, qu’elle n’avait aucune difficulté à effectuer ce transport limité
à une très courte distance et que, au regard de ces circonstances, sa
carence révèle une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et
dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à
l’accomplissement de la mission qu’il avait acceptée»
Elle en déduit que, en l’espèce, la faute lourde ce qui, conformément à
l’ancien article 1150 du Code civil, rendait inapplicable la clause légale
de limitation de responsabilité du transporteur résultant de l’article 8,
paragraphe II, de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982.
Solution
Par un arrêt du 13 juin 2006, la Cour de cassation casse et annule la
décision des juges du fond notamment au visa de l’article 1150 du Code
civil.
La chambre commerciale réitère ici la solution dégagée par la chambre
mixte le 22 avril 2005 en affirmant que « la faute lourde de nature à
tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne
saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-
elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du
débiteur».
Or en l’espèce, le seul manquement susceptible d’être reproché au
transporteur était de n’avoir pas exécuté son obligation essentielle, de
sorte que cela n’était pas suffisant pour caractériser une faute lourde.
Pour y parvenir, la Cour de cassation rappelle que cela suppose de
démontrer d’adoption par le transporteur d’un comportement d’une
extrême gravité confinant au dol.
1.2 L’épilogue de la saga Chronopost : les arrêts Faurecia
La saga des arrêts Chronopost a donné lieu à un épilogue qui s’est déroulé en deux
actes.
On peut ainsi envisager que cela concerne, par exemple les clauses de non-
concurrence qui seraient stipulées sans contrepartie
Il peut encore s’agir des clauses dites de réclamation insérées dans les contrats
d’assurance vie aux termes desquelles la victime d’un sinistre doit, pour être
indemnisée par son assureur, présenté sa réclamation pendant la durée de validité
du contrat. À défaut, la clause a pour effet de priver l’assuré de l’indemnisation
d’un sinistre alors même que celui-ci est survenu pendant la durée d’efficacité du
contrat et que les primes d’assurance ont été dûment réglées.
Cela signifié que, non seulement la clause est privée d’effet, mais encore qu’elle
disparaît du contrat.
Est-ce à dire que, dans les différents arrêts Chronopost la suppression de la clause
limitative de responsabilité permettrait aux clients d’être indemnisés de leurs
préjudices ?
Une suppression de la clause serait donc inopérante, sauf à ce que le client soit
susceptible d’établir une faute lourde à l’encontre du transporteur, conformément à
la jurisprudence constante de la Cour de cassation (V. notamment l’arrêt Faurecia
II : com. 29 juin 2010).
III) La neutralisation des effets des clauses exonératoires ou limitatives de
responsabilité
Plusieurs moyens de droit sont susceptibles d’être invoqués aux fins de neutraliser
les effets d’une clause exonératoire ou limitative de responsabilité.
L’article 1119 du Code civil dispose en ce sens que « les conditions générales
invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées
à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. »
Il en résulte que la clause doit être insérée dans la documentation contractuelle et
être lisible. S’il est admis qu’elle puisse figurer sur une facture, c’est à la condition
qu’il soit établi que la partie contre laquelle elle est stipulée en a eu connaissance et
qu’elle y a consenti.
Lorsque, par ailleurs, la clause est contredite par des mentions manuscrites ou des
courriers échangés entre les parties, la Cour de cassation considère qu’elle est de
pur style, en conséquence de quoi elle est privée d’effet.
Dans un arrêt du 14 octobre 2008, la chambre commerciale a ainsi jugé que « c’est
sans dénaturation des conclusions de la société LCI mais par une interprétation
souveraine de la portée de la mention « sans reconnaissance de responsabilité de
la part des armateurs » que la cour d’appel, en relevant que cette mention était
contredite par les courriers échangés, en a déduit qu’elle n’était qu’une clause de
style dépourvue de valeur juridique » (Cass. com. 14 oct. 2008, n°07-18955).
Enfin, en cas de discordance entre clauses contractuelles, l’interprétation du contrat
doit se faire à la lumière des alinéas 2 et 3 de l’article 1119 du Code civil qui
prévoient que :
La faute lourde
Elle est définie par la jurisprudence, selon la formule consacrée,
comme « le comportement d’une extrême gravité, confinant au dol et
dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de
la mission contractuelle qu’il avait accepté» (V. en ce sens Ch. Mixte 22
avr. 2005, n° 03-14112).
La faute lourde comprend donc deux éléments :
Un élément subjectif : le comportement confinant au dol, soit à
une faute d’une extrême gravité.
Un élément objectif: l’inaptitude quant à l’accomplissement de
la mission contractuelle.
La faute dolosive
Elle est définie quant à elle comme l’inexécution délibérée, et donc
volontaire, des obligations contractuelles.
À cet égard dans un arrêt du 27 juin 2001, la Cour de cassation a jugé
en ce sens que « le constructeur […] est sauf faute extérieure au contrat,
contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute
dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il
viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles»
( 3e civ. 27 juin 2001, n°99-21017).
Il ressort de la jurisprudence que la faute dolosive suppose que le
débiteur ait seulement voulu manquer à ses obligations contractuelles. Il
est indifférent qu’il ait voulu causer un préjudice à son cocontractant.
Nonobstant la différence qui existe entre ces deux notions, la faute lourde est
régulièrement assimilée à la faute dolosive par la jurisprudence.
Dans un arrêt du 29 octobre 2014, la Cour de cassation a ainsi rappelé que « la
faute lourde, assimilable au dol, empêche le contractant auquel elle est imputable
de limiter la réparation du préjudice qu’il a causé aux dommages prévus ou
prévisibles lors du contrat et de s’en affranchir par une clause de non-
responsabilité » (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2014, n°13-21980).
L’assimilation de la faute lourde à la faute dolosive aurait, selon le Rapport au
Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, été reconduite
par le législateur, de sorte que les solutions dégagées par la jurisprudence antérieure
sont toujours valides.
En tout état de cause, lorsque la faute lourde ou la faute dolosive sont caractérisées,
la clause limitative ou exonératoire de responsabilité est écartée à la faveur du
principe de réparation intégrale qui trouve alors à s’appliquer.
[1] J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, éd. PUF, coll.
« Quadrige », 2004, t. 2, n°1094, p. 2222
[2] J. Béguin, Rapport sur l’adage « nul ne peut se faire justice soi-même » en
droit français, Travaux Association H. Capitant, t. XVIII, p. 41 s
[3] D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, coll. « bibliothèque de droit
privé », 1992, n°495, p. 287 et s.
[4] J. Mestre, obs. RTD civ. 1985, p. 372 s
[5] D. Mazeaud, op. cit., n°630, p. 359
[6] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil : les obligations, 9e éd. Dalloz,
coll. « Précis droit privé », 2005, n°624, p. 615
La restitution d’une chose autre qu’une somme d’argent: régime juridique
28 OCTOBRE 2019 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN
COMMENTAIRE
Lorsqu’un contrat est anéanti, soit par voie de nullité, soit par voie de résolution,
soit encore par voie de caducité, il y a lieu de liquider la situation contractuelle
dans laquelle se trouvent les parties et à laquelle il a été mis fin.
Pour ce faire, a été mis en place le système des restitutions. Ces restitutions
consistent, en somme, pour chaque partie à rendre à l’autre ce qu’elle a reçu.
Surtout, le but recherché était d’unifier la matière en rassemblant les règles dans un
même corpus normatif et que celui-ci s’applique à toutes formes de restitutions,
qu’elles soient consécutives à l’annulation, la résolution, la caducité ou encore la
répétition de l’indu.
D’une part, la restitution d’une chose autre qu’une somme d’argent se fait,
par principe, en nature et lorsque cela est impossible, par équivalent
monétaire
D’autre part, la restitution d’une somme d’argent inclut les intérêts au taux
légal et les taxes acquittées
Enfin, la restituons d’une prestation de service a lieu en valeur
Nous nous focaliserons sur la première forme de restitutions.
==> Textes
La restitution d’une chose autre qu’une somme d’argent est régie aux articles
1352 à 1352-3 du Code civil. L’article 1352-5 du Code civil en complète le régime.
==> Domaine
Par chose, il faut entendre, tant les meubles que les immeubles, à l’exclusion des
sommes d’argent.
Quant aux contrats dont l’anéantissement conduit à la restitution d’une chose autre
qu’une somme d’argent , il peut s’agir, tout aussi bien de contrats translatifs de
propriété (contrat de vente, contrat d’entreprise, donation, échange etc.), que de
contrats qui ne font que mettre à la disposition du débiteur une chose sans lui en
transférer la propriété (contrat de bail, contrat de dépôt, contrat de prêt, etc.).
==> Régime
Lorsque la restitution porte sur une chose autre qu’une somme d’argent, le principe
posé par l’article 1352 du Code civil, c’est la restitution en nature.
Aussi, le retour à ce statu quo ante suppose, avant toute chose, d’exiger des parties
qu’elles restituent à l’autre ce qui se trouve encore entre dans leurs patrimoines
respectifs.
Lorsqu’il s’agit de restituer en nature un corps certain, la partie qui le détient devra
restituer à son cocontractant le même corps certain que celui qui lui a été remis lors
de son entrée en possession.
Lorsque, en revanche, la restitution porte sur une chose de genre, la chose rendue
devra être de même nature, être restituée dans la même quotité et présenter les
mêmes qualités.
Elle peut, tout aussi bien avoir été détériorée ou s’être dégradée, qu’avoir fait
l’objet d’améliorations ou de réparations.
Des dépenses auront, par ailleurs, pu être exposées pour assurer sa conservation. La
chose peut encore avoir produit des fruits en même temps qu’il a été permis à son
détenteur d’en jouir.
Dans le silence des textes, les deux interprétations sont possibles. Reste que, par
analogie avec les règles qui régissent le contrat de bail, il peut être postulé que
l’usure normale de la chose restituée ne donne pas lieu à indemnisation, à l’instar
du local restitué au bailleur en fin de bail.
À cet égard, dans un arrêt du 8 mars 2005 la Cour de cassation avait considéré
que « l’effet rétroactif de la résolution d’une vente oblige l’acquéreur à indemniser
le vendeur de la dépréciation subie par la chose à raison de l’utilisation qu’il en a
faite, à l’exclusion de celle due à la vétusté » (Cass. 1ère civ., 8 mars 2005, n° 02-
11594).
Lorsque, en revanche, l’altération de l’état de la chose ne résulte pas de son usure
normale, alors le débiteur de l’obligation de restituer doit indemniser le créancier.
Pendant cette période, ce dernier a, tout d’abord, pu en jouir, soit tirer profit de sa
possession. Tel est le cas de l’acquéreur d’un véhicule qui dispose de la possibilité
de le conduire ou de l’acquéreur d’un immeuble qui peut l’habiter.
La possession d’une chose peut ensuite permettre à son détenteur d’en percevoir les
fruits. Selon la définition donnée par Gérard Cornu, les fruits, s’entendent « des
biens de toute sorte (sommes d’argent, biens en nature) que fournissent et
rapportent périodiquement les biens frugifères (sans que la substance de ceux-ci
soit entamée comme elle l’est par les produits au sens strict) ; espèce de revenus
issus des capitaux, à la différence des revenus du travail. Ex. : récoltes, intérêts des
fonds prêtés, loyers des maisons ou des terres louées, arrérages des rentes. ».
Si les avantages que procure la jouissance de la chose et, éventuellement, la
perception de ses fruits sont sans incidence sur sa substance, en ce sens que cela ne
lui apporte aucune moins-value, ni plus-value, sa seule restitution au créancier, en
cas d’anéantissement du contrat au titre duquel elle avait été transférée, ne permet
pas d’obtenir les effets recherchés par cet anéantissement, soit le retour des parties
au statu quo ante.
Tandis que le débiteur de l’obligation de restituer s’est enrichi en tirant profit de la
jouissance de la chose et en percevant les fruits, le créancier a, quant à lui, été privé
de son utilisation.
L’article 1352-7 précise toutefois que l’étendue de cette restitution varie selon que
le débiteur de l’obligation de restituer était de bonne ou de mauvaise foi au moment
où il a perçu les fruits ou a commencé à jouir de la chose.
Cette situation qui opposait les deux chambres a conduit la chambre mixte à se
prononcer. Son intervention n’a toutefois pas suffi à mettre fin au débat.
==> Droit antérieur
Sous l’empire du droit antérieur, pour déterminer si, en cas d’anéantissement d’un
acte, il y avait lieu de restituer les fruits procurés par la chose, la jurisprudence
distinguait selon que le débiteur était de bonne ou mauvaise foi.
En application de l’article 1352-3 du Code civil, les fruits doivent être restitués
sans que cette restitution dépende de la bonne ou mauvaise foi du débiteur de la
restitution.
Il ressort du 3e alinéa de cette disposition que la restitution des fruits doit, par
principe, avoir lieu en nature, ce qui n’est pas sans rappeler le principe général posé
par l’article 1352 du Code civil qui impose cette modalité de restitution pour la
chose elle-même.
Ce n’est que si la restitution des fruits en nature est impossible, qu’elle peut
intervenir en valeur.
Les contractants peuvent encore stipuler des modalités d’évaluation de la valeur des
fruits différentes de celles fixées par l’article 1352-3.
Si, conformément à l’article 2268 du Code civil la bonne foi est toujours présumée,
la mauvaise foi est, quant à elle, caractérisée lorsqu’il est établi que le débiteur de
l’obligation de restituer avait connaissance et de la cause d’anéantissement du
contrat et qu’il a malgré tout accepté de recevoir la chose.
Cette règle participe toujours de l’idée que si le débiteur ne doit pas s’être enrichi
en jouissant de la chose ou en en percevant les fruits, il en va de même pour le
créancier qui ne doit pas pouvoir tirer profit de la restitution de la chose lorsqu’elle
a fait l’objet d’améliorations ou que des frais de conservation ont été exposés par
son détenteur.
Pour cette raison, l’article 1352-5 du Code civil prévoit que les frais et dépenses
exposées par le débiteur de l’obligation de restituer durant l’exécution du contrat
doivent être supportés par le créancier.
Bien que simple en apparence, cette solution n’est toutefois pas sans soulever
plusieurs difficultés.
Plus délicate est, en revanche, la question pour les choses dont le débiteur est
toujours en possession mais pour lesquelles la restitution représenterait pour lui un
coût si élevé qu’il serait déconnecté de l’économie initiale du contrat.
Tel n’est pas le cas de l’article 1352 qui est silencieux sur ce point s’agissant de
l’exclusion de la restitution de la chose en nature.
Pour l’heure la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée, de sorte qu’il est
difficile de tirer des conclusions sur le maintien de la jurisprudence antérieure.
Cette disposition prévoit, plus précisément, que lorsque l’acquéreur revend la chose
qui lui a été délivrée, la restitution s’opère en valeur.
Si, de prime abord, l’on est tenté d’apprécier la bonne foi de l’acquéreur au
moment de la délivrance de la chose, certains auteurs plaident pour que cette
appréciation se fasse au stade de la revente[7].
Il peut, en effet, parfaitement être envisagé que l’acquéreur ignorât la cause
d’anéantissement du contrat au moment de la délivrance de la chose, mais que, en
revanche, il l’ait revendue en toute connaissance de cause.
L’objectif recherché par l’article 1352-2, al.2 étant de sanctionner l’acquéreur qui,
sciemment, a cherché à tirer profit de la revente de la chose au préjudice du
vendeur, il ne serait pas aberrant d’apprécier sa bonne foi au jour de la revente de la
chose.
Reste que, en toute hypothèse, il y a lieu de distinguer selon que l’acquéreur est de
bonne ou de mauvaise foi.
Autrement dit, il a voulu que les plus-values et moins values réalisées par le
débiteur soient prises en compte dans l’évaluation du montant de la restitution. Il ne
faudrait pas qu’une partie s’enrichisse au préjudice de l’autre, à raison de la
survenance de circonstances postérieures à la conclusion du contrat anéanti.
Autre question qui se pose lorsque la restitution de la chose a lieu en valeur : quid
du critère de son évaluation ? En d’autres termes, doit-on retenir le prix stipulé par
les parties dans le contrat ou doit-on se référer au prix du marché ?
L’article 1352 est silencieux sur ce point. Reste que dans un arrêt du 8 mars 2005,
la Cour de cassation avait considéré, au visa de l’ancien article 1184 du Code civil,
que « la créance de restitution en valeur d’un bien, est égale, non pas au prix
convenu, mais à la valeur effective, au jour de la vente, de la chose remise » (Cass.
1ère civ., 8 mars 2005, n° 02-11594).
Ainsi, est-ce une approche objective qui avait été retenue par la première chambre
civile, la position adoptée consistant à dire, en substance, que l’estimation de la
chose doit être effectuée sur la base de sa valeur effective au moment de sa
restitution et non en considération du prix initialement fixé par les parties.
Cette disposition prévoyait que « la condition résolutoire est celle qui, lorsqu’elle
s’accomplit, opère la révocation de l’obligation, et qui remet les choses au même
état que si l’obligation n’avait pas existé. »
La résolution avait ainsi pour conséquence d’anéantir l’acte, tant pour ses effets
passés, que pour ses effets futurs.
Une distinction avait néanmoins été introduite par la jurisprudence, entre, d’une
part, les contrats à exécution instantanée et, d’autre part, les contrats à exécution
successive.
Dorénavant, ces restitutions sont traitées à l’alinéa 3 de l’article 1229 du Code civil.
Elles n’ont lieu que lorsque les prestations échangées n’avaient d’utilité qu’en cas
d’exécution complète du contrat résolu, la distinction contrat instantané/contrat à
exécution successive ne paraissant pas toujours adaptée pour déterminer dans
quelle mesure les restitutions doivent avoir lieu.
Lorsque, en revanche, les prestations ont trouvé une utilité au fur et à mesure de
l’exécution réciproque du contrat, la résolution n’aura pas d’effet rétroactif.
I) L’anéantissement du contrat
A) La date de la résolution
L’article 1229, al. 2 du Code civil prévoit que « la résolution prend effet, selon les
cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la
réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date
fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice. »
Cette disposition, issue de l’ordonnance du 10 février 2016, fixe la date de prise
d’effet de la résolution, laquelle dépend du mode opératoire retenu.
La clause résolutoire
Lorsque la résolution du contrat procède de la mise en œuvre d’une
clause résolutoire, l’article 1229 prévoit qu’elle produit ses effets dans les
conditions stipulées par les parties.
Les parties sont ainsi libres de fixer la date prise d’effet de la
résolution.
A cet égard, elles peuvent prévoir que la résolution opèrera de plein
droit à la date de l’inexécution de l’obligation sans qu’il soit besoin pour
le créancier de mettre en demeure le débiteur.
Les contractants peuvent encore stipuler dans le contrat un délai à
l’expiration duquel la résolution produira ses effets, le fait générateur de
ce délai pouvant être, par exemple, la mise en demeure du débiteur, ou la
date d’exigibilité de l’obligation.
La résolution unilatérale par notification
Lorsque la résolution procède de l’exercice par le créancier de sa
faculté de mettre fin unilatéralement au contrat, la résolution prend effet à
la date de réception par le débiteur de la notification de sa décision.
La solution est logique dans la mesure où il s’agit là d’un acte
unilatéral de volonté et qui, à ce titre, ne produit ses effets que lorsqu’il
est porté à la connaissance de la personne contre laquelle le droit
potestatif est exercé.
La résolution judiciaire
Lorsque la résolution est judiciaire, l’article 1229 du Code civil
prévoit qu’elle prend effet « à la date fixée par le juge ou, à défaut, au
jour de l’assignation en justice.»
Ainsi, lorsque c’est le juge qui prononce la résolution du contrat, dans
le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 1228, il lui
appartient de fixer la date de prise d’effet de cette résolution qui donc
peut être différente de la date de la décision.
Cette faculté pour le juge de disjoindre les deux dates avait déjà été
admise par la jurisprudence (V. en ce sens 3e civ. 1er oct. 2008, n°07-
15338).
Faute de se prononcer, sur la date de prise d’effet de la résolution c’est
la date de l’assignation qui devra être retenue.
B) La rétroactivité
L’article 1229, al. 1er dispose que « la résolution met fin au contrat ». Cette
disposition rappelle ainsi l’effet principal de la résolution : elle rompt le lien
contractuel entre les parties en mettant fin au contrat.
La question qui immédiatement se pose est de savoir si l’effet rétroactif attaché
classiquement à la résolution est maintenu ou s’il a complètement été abandonné.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par
l’exécution complète du contrat résolu, la résolution est assortie d’un effet
rétroactif
Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de
l’exécution réciproque du contrat, la résolution ne produit aucun effet
rétroactif
Aussi, selon que les parties se trouvent dans l’une ou l’autre situation, l’étendue des
restitutions sera plus ou moins importante.
C) Les restitutions
Les restitutions consécutives à la résolution du contrat sont envisagées à l’alinéa
3e de l’article 1229 du Code civil.
Ces restitutions visent à liquider la situation contractuelle dans laquelle se trouvent
les parties et à laquelle la résolution a mis fin.
Ainsi que le résument des auteurs, au fond, il ne s’agira pas ici de « restaurer la
situation patrimoniale des parties au jour de la conclusion du contrat, mais [de]
corriger le déséquilibre consécutif à l’inexécution constatée, les deux hypothèses
pouvant au demeurant coïncider »[1].
1. L’étendue des restitutions
Le texte envisage les restitutions en opérant une distinction entre les prestations qui
ont trouvé une utilité dans l’exécution complète du contrat, et celles qui ont trouvé
leur utilité au fur et à mesure de son exécution.
Dans cette hypothèse, soit lorsque les prestations échangées ne peuvent trouver leur
utilité que par l’exécution complète du contrat, l’article 1229 prévoit que « les
parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à
l’autre ».
Ici la résolution opère un anéantissement rétroactif du contrat. Les restitutions qui
s’imposent aux parties concernent tant la période antérieure que postérieure à la
résolution.
Dans cette hypothèse, l’article 1229 prévoit « qu’il n’y a pas lieu à restitution pour
la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ».
Ainsi, lorsque les prestations ont trouvé une utilité au fur et à mesure de l’exécution
réciproque du contrat, la résolution n’a pas d’effet rétroactif. Cela signifie
qu’aucune restitution ne peut intervenir pour la période antérieure à l’inexécution
du contrat.
Le texte précise que « dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation ». Cette
précision tient à la demande formulée par certains praticiens du droit de conserver
le terme de « résiliation », couramment utilisé en matière contractuelle.
Reste que la résiliation correspond à un cas particulier de résolution aux contours
clairement délimités par le texte, car se caractérisant par son absence de restitutions
qu’elle entraîne pour la période antérieure à l’inexécution du contrat.
Ainsi que l’indique le rapport au Président de la République, la question des
restitutions est désormais détachée, formellement, de la rétroactivité, les restitutions
devenant un effet de la loi.
D’une part, la restitution d’une chose autre qu’une somme d’argent se fait,
par principe, en nature et lorsque cela est impossible, par équivalent
monétaire
D’autre part, la restitution d’une somme d’argent inclut les intérêts au taux
légal et les taxes acquittées
Enfin, la restituons d’une prestation de service a lieu en valeur
II) L’étendue de la résolution
A) La survivance à la résolution de certaines clauses contractuelles
Si, par principe, la résolution a pour effet d’anéantir le contrat, tantôt en produisant
un effet rétroactif, tantôt en opérant que pour l’avenir, l’article 1230 dispose que
certaines clauses sont susceptibles de lui survivre .
Cette disposition prévoit en ce sens que « la résolution n’affecte ni les clauses
relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en
cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence. »
La règle énoncée est directement inspirée de la pratique des affaires. Les Principes
de droit européen des contrats et le code Gandolfi la prévoient également.
Quid néanmoins, de l’hypothèse où, par exemple, un même bien fait l’objet de
plusieurs contrats de vente successifs ? Le vendeur initial doit-il être regardé
comme un véritable tiers pour le sous-acquéreur ? Ou peut-on estimer qu’existe un
lien contractuel indirect entre eux ?
La question qui alors se pose est de savoir si l’anéantissement de l’un des contrats
est susceptible d’affecter l’existence des autres contrats ?
L’approche stricte
Au nom d’une application stricte du principe de l’effet relatif, chaque
contrat de l’ensemble ne devrait produire d’effets qu’à l’égard de ses
contractants
Le sort de chacun des contrats ne devrait, en conséquence, être
déterminé que par son propre contenu et non par les exceptions ou causes
d’extinction susceptibles d’affecter les autres.
L’approche souple
Elle consiste à considérer que de la création d’un ensemble contractuel
naît un lien d’indivisibilité entre les contrats, de sorte qu’ils seraient
interdépendants
En raison de cette interdépendance, le sort des uns serait alors lié au
sort des autres.
Après s’être arc-boutés sur une position pour le moins orthodoxe pendant des
années, les tribunaux ont finalement opté pour l’approche souple. Ce mouvement
ne s’est cependant pas opéré sans tâtonnements.
Il ressort de l’article 1186, al. 2 du code civil que, semblablement à la Cour de
cassation dans ces dernières décisions, le législateur a combiné le critère objectif et
le critère subjectif pour définir l’indivisibilité.
Le critère objectif
La reconnaissance d’une indivisibilité suppose :
D’une part, que plusieurs contrats aient été « nécessaires à la
réalisation d’une même opération»
D’autre part, que l’un d’eux ait disparu
Enfin, que l’exécution ait été « rendue impossible par cette
disparition»
Ces trois éléments doivent être établis pour que le premier critère
objectif soit rempli, étant précisé qu’ils sont exigés cumulativement.
Le critère subjectif
Principe
La deuxième partie de l’alinéa 2 de l’article 1186 précise que
l’indivisibilité peut encore être établie dans l’hypothèse où les
contrats « pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une
condition déterminante du consentement d’une partie»
Ainsi l’indivisibilité contractuelle peut-elle résulter, en plus de
l’économie générale de l’opération, de la volonté des parties.
Dès lors, que les contractants ont voulu rendre plusieurs contrats
indivisibles, le juge est tenu d’en tirer toutes les conséquences qu’en
aux événements susceptibles d’affecter l’un des actes composant
l’ensemble.
Condition
L’alinéa 3 de l’article 1186 du Code civil pose une condition à
l’application du critère subjectif
Aux termes de cette disposition, « la caducité n’intervient
toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée
connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné
son consentement. »
L’anéantissement des contrats liés au contrat affecté par une
cause de disparition est donc subordonné à la connaissance par les
différents cocontractants de l’existence de l’ensemble, soit que les
contrats auxquels ils sont partie concourraient à la réalisation d’une
même opération économique.
Dès lors que les critères ainsi posés par l’article 1186 du Code civil sont remplis, la
disparition du contrat résolu entraînera donc, par effet de contamination,
l’anéantissement des autres contrats de l’ensemble contractuel auquel il appartient.
Cette sous-section comprend sept articles, les articles 1224 à 1230, et est organisée
autour des trois modes de résolution du contrat déjà bien connus en droit positif que
sont :
La clause résolutoire
La résolution unilatérale
La résolution judiciaire
Selon le rapport au Président de la république, il est apparu essentiel de traiter de la
résolution du contrat parmi les différents remèdes à l’inexécution, et non pas
seulement à l’occasion des articles relatifs à la condition résolutoire qui serait
toujours sous-entendue dans les contrats selon l’ancien article 1184.
Cette disposition prévoit, en ce sens, que « la résolution peut, en toute hypothèse,
être demandée en justice. »
==> La possibilité de recourir, en toute hypothèse, à la résolution judiciaire
L’assertion « en toute hypothèse » indique que le juge peut être saisi pour
prononcer la résolution judiciaire même si une clause résolutoire a été prévue au
contrat, ou même si une procédure de résolution par notification a été engagée,
conformément à la jurisprudence.
Le choix d’un mode de résolution n’est donc nullement exclusif de la résolution
judiciaire à laquelle il peut, par principe, toujours être recourue.
Alors que, sous l’empire du droit antérieur, la résolution judiciaire était envisagée
comme le principal mode de résolution du contrat, ce mode est dorénavant
subsidiaire, en ce sens qu’il a vocation à être mise en œuvre :
Il appartient donc à la juridiction saisie de vérifier, au cas par cas, que la restriction
ainsi consentie ne porte pas atteinte à la substance même du droit et au droit d’agir
en justice.
En outre, il est des cas où c’est la loi qui fera obstacle à la résolution judiciaire.
L’article L 622-21, 2° du Code de commerce dispose, en ce sens, que, en cas de
procédure collective, « le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action
en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au
I de l’article L. 622-17 et tendant […] à la résolution d’un contrat pour défaut de
paiement d’une somme d’argent. »
En dehors des restrictions textuelles du recours à la résolution judiciaire, elle est
donc, sauf clause contraire, toujours permise. Sa mise en œuvre est néanmoins
subordonnée à la réunion de plusieurs conditions dont le juge ne manquera pas
contrôler le respect.
Une inexécution
Pour que la résolution judiciaire soit prononcée une inexécution du
contrat doit pouvoir être constatée par le juge
La question qui immédiatement se pose est de savoir si cette
inexécution doit être totale ou seulement partielle.
Le texte ne le dit pas à la différence de celui qui régit la réduction du
prix.
On peut en déduire que rien n’interdit d’envisager qu’une exécution
imparfaite du contrat puisse justifier la résolution judiciaire du contrat.
Aussi, l’inexécution pourrait-elle consister, tant en un retard, qu’en
l’absence de délivrance de la chose et plus généralement à toute
fourniture de la prestation non conforme aux stipulations contractuelles.
Au vrai, ce qui importe, ce n’est pas tant que l’inexécution
contractuelle soit totale ou partielle, mais qu’elle soit suffisamment
grave, au sens de l’article 1224 du Code civil, pour justifier la résolution
du contrat.
Une inexécution non-imputable au créancier
Dans un arrêt du 21 octobre 1964, la Cour de cassation a jugé que « la
résiliation ne saurait être réclamée par le créancier lorsque
l’inexécution de ses obligations par le débiteur est la conséquence de sa
propre faute» ( 1ère civ. 21 oct. 1964).
Ainsi, lorsque l’inexécution contractuelle est imputable au créancier, il
est irrecevable à solliciter la résolution judiciaire du contrat.
La solution sera toutefois différente lorsque l’inexécution sera
imputable, tant au créancier, qu’au débiteur.
Dans cette hypothèse, le juge prononcera la résolution aux torts
réciproques des parties ( 3e civ. 3e, 6 sept. 2018, n° 17-22.026).
L’indifférence de la faute du débiteur et de la survenance d’une cause
étrangère
Il ressort de la jurisprudence qu’il est indifférent que l’inexécution
contractuelle ait été causé par la survenance d’un cas de force majeur ou
que le débiteur n’ait commis aucune faute : la résolution judiciaire est
encourue du seul fait d’une inexécution suffisamment grave du contrat
Dans un arrêt du 2 juin 1982, la première chambre civile a considéré
en ce sens que « la résolution d’un contrat synallagmatique peut être
prononcée en cas d’inexécution par l’une des parties de ses obligations,
même si cette inexécution n’est pas fautive et quel que soit le motif qui a
empêché cette partie de remplir ses engagements, alors même que cet
empêchement résulterait du fait d’un tiers ou de la force majeure ;»
( 1ère civ.2 juin 1982, n°81-10158).
Peu importe donc que le débiteur soit fautif, ou qu’il ait été empêché
par une cause étrangère, ce qui compte c’est la démonstration d’une
inexécution du contrat.
À cet égard, l’article 1218 issue de l’ordonnance du 10 février 2016 va
plus loin puisqu’il prévoit que, « si l’empêchement est définitif, le contrat
est résolu de plein droit».
Autrement dit, en cas de survenance d’un cas de force majeur, il n’est
pas nécessaire de saisir le juge : la résolution du contrat est acquise de
plein droit.
Une inexécution contractuelle suffisamment grave
Faute de précision à l’article 1227 du Code civil sur la teneur de
l’inexécution contractuelle susceptible de justifier la résolution judiciaire,
c’est vers l’article 1224 qu’il convient de se tourner.
À l’instar de la résolution unilatérale par notification, la mise en œuvre
de la résolution judiciaire est subordonnée à la démonstration d’une
inexécution suffisamment grave.
Que doit-on entendre par inexécution suffisamment grave ? Les textes
sont silencieux, la volonté du législateur étant de laisser une marge
d’appréciation au juge.
Il ressort de la jurisprudence que l’inexécution est suffisamment grave
pour justifier la résolution du contrat notamment dans les cas suivants :
Lorsque le manquement porte sur une obligation essentielle du
contrat
Lorsque le préjudice subi par le créancier est substantiel
Lorsque le débiteur est, soit de mauvaise foi, soit adopte une
conduite déloyale
Afin d’apprécier la gravité de l’inexécution, le juge doit tenir compte
de toutes les circonstances intervenues jusqu’au jour de la décision
( 3e civ. 5 mai 1993, n°91-17097)
L’indifférence de la mise en demeure du débiteur
À la différence de la mise en œuvre de la clause résolutoire ou de la
résolution unilatérale, la résolution judiciaire n’est pas subordonnée à la
mise en demeure du débiteur.
La Cour de cassation rappelle régulièrement en ce sens que
l’assignation en résolution vaut mise en demeure ( 1ère civ., 23 mai 2000,
n° 97-22.547).
Dans un arrêt du 9 octobre 1996 elle a encore jugé que « l’obligation
de délivrer un commandement de payer préalablement à l’assignation
n’était requis que pour l’application d’une clause résolutoire et non
lorsqu’il était demandé au juge de prononcer la résiliation du bail»
( 3e civ. 9 oct. 1996, n°92-17331).
Cette dispense de mise en demeure procède de l’idée que, en cas
d’assignation du débiteur, il peut toujours exécuter le contrat, ce qui dans
l’esprit du législateur, est l’issue qui doit primer sur toutes les autres.
Reste que, si la mise en demeure n’est pas une condition de mise en
œuvre de la résolution judiciaire, elle peut se révéler utile en cas
d’inexécution particulièrement grave du contrat.
Elle peut, en effet, permettre au créancier d’établir sa bonne foi et sa
volonté d’avoir tout tenté pour sauver le contrat avant de recourir le juge.
Il ne fait aucun doute que cette démarche sera favorablement appréciée
par la juridiction saisie qui, en l’absence de réaction du débiteur, ne
pourra que constater l’obstination du débiteur à ne pas exécuter ses
obligations.
II) Les pouvoirs du juge
En cas de saisine du juge, l’article 1228 vient préciser l’objet de son office. Les
pouvoirs du juge s’exerceront toutefois dans le cadre délimité par les demandes des
parties en application du principe dispositif qui préside au procès civil.
Le texte prévoit que le juge, peut, selon les circonstances, retenir plusieurs options :
La résolution du contrat
Selon le mode de résolution choisi par le créancier pour mettre fin au
contrat, le juge pourra :
Soit constater la résolution du contrat s’il intervient a
posteriori pour contrôler la mise en œuvre d’une clause résolutoire ou
d’une résolution unilatérale par notification.
Lorsque le Juge ne fait que constater la résolution du
contrat, il convient de noter que le fait générateur de cette
résolution réside, non pas dans la décision de justice rendue, mais
dans la décision prise par le créancier de mettre un terme au
contrat.
Dans ces conditions, la résolution ne devrait produire ses
effets
Soit dans les conditions prévues par la clause
résolutoire,
soit à la date de la réception par le débiteur de la
notification faite par le créancier,
Soit prononcer la résolution, s’il est saisi en ce sens, en cas
d’inexécution suffisamment grave
Dans cette hypothèse, c’est bien la décision de justice qui
produit l’effet résolutoire
Il en résulte que la résolution du contrat produit ses
effets :
Soit à la date fixée par le juge
Soit, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
En tout état de cause, que la résolution soit constatée ou
prononcée, dès lors que le juge fait droit à la demande du
créancier, la résolution du contrat s’imposera au débiteur.
L’exécution du contrat
Faute de constater ou de prononcer la résolution, l’article 1228 du
Code civil investi le juge du pouvoir d’ordonner l’exécution du contrat.
Il opterait pour cette solution lorsque :
Soit l’inexécution du contrat n’est pas établie
Soit l’inexécution contractuelle n’est pas suffisamment grave
pour justifier la résolution
Soit les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire ne
sont pas réunies
À cet égard, dans un arrêt du 27 octobre 2010, la Cour de cassation a
validé la décision d’une Cour d’appel qui avait estimé, en matière de
contrat de bail, que « les faits ne pouvaient justifier la résiliation du bail
que s’ils avaient persisté au jour où elle statuait» ( 3e civ. 27 oct. 2010,
n°09-11160).
C’est donc au jour où le juge statue qu’il convient de se situer pour
déterminer si l’inexécution contractuelle est de nature à justifier la
résolution du contrat.
L’octroi d’un délai
Lorsque le juge ordonne l’exécution du contrat, il peut octroyer un
délai au débiteur.
S’agit-il d’un délai de grâce ? S’il en présente les traits, ne serait-ce
que dans la similitude de rédaction de l’article 1228 avec l’article 1343-
5 du Code civil, les deux délais ne se confondent pas.
En effet, tandis que le délai de grâce ne peut être supérieur à deux ans
et est consenti au débiteur en considération de sa situation personnelle, tel
n’est pas le cas du délai énoncé à l’article 1228 qui n’est assorti d’aucune
limite temporelle et dont l’octroi dépend plutôt de la difficulté
d’exécution de la convention.
Ainsi ce délai sera consenti au débiteur si le juge estime que
l’exécution du contrat est encore possible.
L’octroi de dommages et intérêts
L’article 1228 rappelle que le juge peut aussi, n’allouer que des
dommages s’il considère que la résolution n’est pas suffisamment grave
pour justifier la résolution du contrat
Cet octroi de dommages et intérêt vise à réparer le préjudice subi par
le créancier résultant d’une inexécution insuffisamment grave, mais bien
réelle et préjudiciable pour ce dernier.
La résolution unilatérale du contrat par notification: régime juridique
8 OCTOBRE 2019 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN
COMMENTAIRE
==> Généralités
L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit dans le Code civil une sous-section
consacrée à la résolution du contrat.
Cette sous-section comprend sept articles, les articles 1224 à 1230, et est organisée
autour des trois modes de résolution du contrat déjà bien connus en droit positif que
sont :
La clause résolutoire
La résolution unilatérale
La résolution judiciaire
Selon le rapport au Président de la république, il est apparu essentiel de traiter de la
résolution du contrat parmi les différents remèdes à l’inexécution, et non pas
seulement à l’occasion des articles relatifs à la condition résolutoire qui serait
toujours sous-entendue dans les contrats selon l’ancien article 1184.
Néanmoins, son régime est plus rigoureusement encadré qu’en droit positif,
puisque le créancier qui choisit la voie de la résolution unilatérale est tenu de
mettre en demeure son débiteur de s’exécuter, et si celle-ci est infructueuse, d’une
obligation de motivation (article 1226).
==>Ratio legis
L’article 1226 introduit donc dans le code civil la résolution unilatérale par
notification du créancier de l’obligation non exécutée.
À cet égard, la Cour de cassation avait déjà défini les contours de la résolution
unilatérale par notification, en considérant que, d’une part, « la gravité du
comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin
de façon unilatérale à ses risques et périls » et que, d’autre part, « cette gravité
[…] n’est pas nécessairement exclusive d’un délai de préavis » (Cass. 1ère civ. 13
octobre 1998, n° 96-21485).
Dans un arrêt du 28 octobre 2003, elle avait précisé que peu importe que « le
contrat soit à durée déterminée ou non » (Cass. 1ère civ. 28 octobre 2003, n° 01-
03662).
Le texte voté consacre cette faculté. La résolution unilatérale n’est d’ailleurs plus
appréhendée comme une exception au principe de la résolution judiciaire, mais est
traitée comme une faculté autonome offerte au créancier qui, victime de
l’inexécution, aura désormais le choix, en particulier en l’absence de clause
résolutoire expresse, entre les deux modes de résolution, judiciaire ou unilatérale.
La question qui immédiatement se pose est de savoir si cette inexécution doit être
totale ou seulement partielle. Le texte ne le dit pas à la différence de celui qui régit
la réduction du prix.
Au vrai, ce qui importe, ce n’est pas tant que l’inexécution contractuelle soit totale
ou partielle, mais qu’elle soit suffisamment grave, au sens de l’article 1224 du
Code civil, pour justifier la résolution du contrat.
Autrement dit, les juridictions étaient invitées à se focaliser, moins sur le caractère
essentiel de l’obligation violée ou sur le préjudice subi par le créancier, que sur la
mauvaise foi du débiteur et sa déloyauté.
Désormais, ce qui autorise le créancier à mettre fin, de son propre chef, au contrat
c’est la seule gravité du manquement constaté. Cette gravité peut procéder, soit du
caractère essentiel de l’obligation qui a été violé, soit du préjudice particulièrement
lourd subi par le créancier.
Dans ces arrêts, en effet, elle maintient que « la gravité du manquement de l’une
des parties peut justifier que l’autre partie mette fin à l’engagement de manière
unilatérale à ses risques et périls » (V. notamment en ce sens Cass. com. 6 déc.
2016, n°15-12981)
Ainsi, l’exigence de se focaliser désormais sur la gravité de l’inexécution
contractuelle n’exclut pas d’apprécier cette gravité à la lumière du comportement
du débiteur. On songe, en particulier au comportement qui rendrait impossible le
maintien de la relation contractuelle dans des conditions normales (V. en ce
sens Cass. 1ère civ. 13 mars 2007, n°06-10229).
La question qui sans doute se posera sera de déterminer si la gravité de
l’inexécution contractuelle doit être appréciée objectivement ou subjectivement.
Pour rappel, la mise en demeure se définit comme l’acte par lequel le créancier
commande à son débiteur d’exécuter son obligation.
L’alinéa 2 précise que « la mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut
pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de
résoudre le contrat. »
À l’examen, la mise en demeure doit donc répondre à des exigences de forme et de
fond.
==> Exceptions
Cette notification peut intervenir soit, par voie d’exploit d’huissier, soit par voie de
mise en demeure. En tout état de cause, elle vise à porter à la connaissance du
débiteur la décision prise à son endroit.
Cette exigence vise à permettre, tant au débiteur, qu’au juge d’apprécier le bien-
fondé de la décision du créancier.
Dans l’hypothèse où le débiteur estimerait que le motif invoqué par le créancier
serait impropre à justifier la résolution du contrat, il pourra toujours saisir le juge
afin de faire trancher le litige.
En tout état de cause, en cas de saisine du juge par le débiteur, l’article 1226, al.
4e du Code civil pose que c’est au créancier qu’il reviendra de prouver la gravité de
l’inexécution
En simplifiant à l’extrême, trois issues sont alors possibles :
Cette sous-section comprend sept articles, les articles 1224 à 1230, et est organisée
autour des trois modes de résolution du contrat déjà bien connus en droit positif que
sont :
La clause résolutoire
La résolution unilatérale
La résolution judiciaire
Selon le rapport au Président de la république, il est apparu essentiel de traiter de la
résolution du contrat parmi les différents remèdes à l’inexécution, et non pas
seulement à l’occasion des articles relatifs à la condition résolutoire qui serait
toujours sous-entendue dans les contrats selon l’ancien article 1184.
Premier intérêt
La stipulation d’une clause résolutoire présente l’avantage, pour le
créancier, de disposer d’un moyen de pression sur le débiteur.
Un cas d’inexécution de l’une de ses obligations visée par la clause, il
s’expose à la résolution du contrat.
La stipulation d’une clause résolutoire apparaît ainsi comme un
excellent moyen de garantir l’efficacité du contrat.
Ajouté à cela, cette clause ne fait nullement obstacle à la mise en
œuvre des autres sanctions contractuelles qui restent à la disposition du
créancier.
Rien n’empêche, en effet, ce dernier de solliciter l’exécution forcée du
contrat, de se prévaloir de l’exception d’inexécution ou de saisir le juge
aux fins d’obtenir la résolution judiciaire.
La liberté du créancier quant au choix des sanctions demeure la plus
totale, nonobstant la stipulation d’une clause résolutoire.
Deuxième intérêt
Tout d’abord, la mise en œuvre de la clause résolutoire n’est pas
subordonnée à la démonstration « d’une inexécution suffisamment grave»
du contrat.
Dès lors qu’un manquement contractuel est visé par la clause
résolutoire, le créancier est fondé à mettre automatiquement fin au
contrat, peu importe la gravité du manquement dénoncé.
Mieux, dans un arrêt du 24 septembre 2003, la Cour de cassation a
jugé que la bonne foi du débiteur « est sans incidence sur l’acquisition
de la clause résolutoire» ( 3e civ. 24 sept. 2003).
À l’examen, seuls comptent les termes de la clause qui doivent être
suffisamment précis pour couvrir le manquement contractuel dont se
prévaut le créancier pour engager la résolution du contrat.
Troisième intérêt
La clause résolutoire a pour effet de limiter les pouvoirs du juge dont
l’appréciation se limite au contrôle des conditions de mise en œuvre de la
clause ( com. 14 déc. 2004, n°03-14380).
Lorsque la résolution est judiciaire ou unilatérale, il appartient au juge
d’apprécier la gravité de l’inexécution contractuelle.
Tel n’est pas le cas lorsqu’une clause résolutoire est stipulée, ce qui
n’est pas sans protéger les parties de l’ingérence du juge.
La stipulation d’une clause résolutoire est ainsi source de sécurité
contractuelle.
D’où l’enjeu de la rédaction de la clause qui doit être suffisamment
large et précise pour rendre compte de l’intention des parties et plus
précisément leur permettre de mettre fin au contrat chaque fois que le
manquement contractuel en cause le justifie.
I) Le contenu de la clause résolutoire
L’article 1225 du Code civil dispose que « la clause résolutoire précise les
engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. »
==> L’étendue de la clause
À cet égard, lors des travaux préparatoires portant sur la loi de ratification de
l’ordonnance du 10 février 2016, certains auteurs se sont demandé si l’obligation
pour les parties de préciser « les engagements dont l’inexécution entraînera la
résolution du contrat » devait les contraindre à dresser la liste, engagement par
engagement et si, de ce fait, les clauses résolutoires visant de manière générale tout
type de manquement, courantes en pratique, seraient désormais invalidées.
Pour la Commission des lois, tel ne devrait pas être le cas. Le texte autoriserait,
selon elle, la survivance de ces clauses dites « balais ».
À cet égard, dans un arrêt du 27 avril 2017, la Cour de cassation a jugé, après avoir
relevé que « la clause résolutoire avait été stipulée au seul profit du bailleur et que
celui-ci demandait la poursuite du bail […] que la locataire ne pouvait se
prévaloir de l’acquisition de la clause » (Cass. 3e civ. 27 avr. 2017, n°16-13625)
À l’analyse, seule la stipulation d’une clause résolutoire dont la mise en œuvre est
automatique, soit n’est pas subordonnée à la mise en demeure du débiteur, est
susceptible de faire échec à la renonciation du créancier à se prévaloir d’une autre
sanction, en particulier de l’exécution forcée (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 21 mars
1995, n° 93-12.177).
==> La mise en demeure du débiteur
L’article 1225 du Code civil pris en son second alinéa dispose que « la résolution
est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que
celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit
effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. »
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :
Bien que l’article 1225 soit silencieux sur la bonne foi des parties, il est de
jurisprudence constante que :
La bonne foi du créancier, d’une part, est une condition de mise en œuvre
de la clause résolutoire
Régulièrement la Cour de cassation rappelle que la mauvaise foi du
créancier neutralise l’application de la clause résolutoire dont il ne peut
alors pas se prévaloir ( 1ère civ. 16 févr. 1999, n°9–21997).
Cette règle procède du principe général énoncé à l’article 1104 du
Code civil aux termes duquel « les contrats doivent être négociés, formés
et exécutés de bonne foi.»
Ainsi, est-il constant que le bailleur se voit refuser l’acquisition de la
clause résolutoire en raison de la mauvaise foi dont il a fait montre au
cours de l’exécution du contrat (V. en ce sens 3e civ. 3 nov. 2010, n°09-
15937).
La bonne foi du débiteur, d’autre part, ne saurait fait échec au jeu de la
clause résolutoire
Dans un arrêt du 24 septembre 2003, la Cour de cassation a jugé que
« en cas d’inexécution de son engagement par le débiteur sa bonne foi
est sans incidence sur l’acquisition de la clause résolutoire» ( 3e civ., 24
sept. 2003, n° 02-12474).
L’intérêt de stipuler une clause résolutoire réside dans l’objectivité du
critère de sa mise en œuvre : elle est acquise en cas manquement
contractuel rentrant dans son champ d’application et indépendamment de
la gravité de l’inexécution.
Lier sa mise en œuvre à la bonne foi du débiteur reviendrait alors à
vider de sa substance l’intérêt de sa stipulation.
La résolution du contrat: vue générale
1 OCTOBRE 2019 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN
COMMENTAIRE
==> Notion
La résolution du contrat est l’une des cinq sanctions dont est susceptible de se
prévaloir le créancier en cas d’inexécution du contrat.
Résolution et nullité
Tandis que la nullité sanctionne le non-respect d’une condition de
validité d’un acte juridique lors de sa formation, la résolution sanctionne
une irrégularité qui procède de la survenance d’une circonstance
postérieure à la formation.
Ainsi, la nullité intervient au moment de la formation du contrat alors
que la résolution ne peut survenir qu’au cours de son exécution.
Résolution et résiliation
Bien que les deux notions soient proches, elles doivent être distinguées
Si les deux sont des remèdes qui visent à sanctionner l’inexécution du
contrat, elles ne produisent pas les mêmes effets : la résolution conduit à
un anéantissement rétroactif du contrat, tandis que la résiliation met
seulement fin à la convention pour l’avenir.
Par ailleurs, on parle de résiliation pour les contrats à exécution
successive et de résolution pour les contrats à exécution instantanée.
[table id=295 /]
Cette sous-section comprend sept articles, les articles 1224 à 1230, et est organisée
autour des trois modes de résolution du contrat déjà bien connus en droit positif que
sont :
La clause résolutoire
La résolution unilatérale
La résolution judiciaire
Selon le rapport au Président de la république, il est apparu essentiel de traiter de la
résolution du contrat parmi les différents remèdes à l’inexécution, et non pas
seulement à l’occasion des articles relatifs à la condition résolutoire qui serait
toujours sous-entendue dans les contrats selon l’ancien article 1184.
Néanmoins, son régime est plus rigoureusement encadré qu’en droit positif,
puisque le créancier qui choisit la voie de la résolution unilatérale est tenu de
mettre en demeure son débiteur de s’exécuter, et si celle-ci est infructueuse, d’une
obligation de motivation (article 1226).
Dans l’esprit des rédacteurs de l’ordonnance, il semble que cette absence d’offre de
la part du débiteur de l’obligation n’empêche pourtant pas le créancier d’« accepter
» son exécution imparfaite et de mettre en œuvre le mécanisme de réduction
proportionnelle du prix.
L’effet de la décision unilatérale était alors très fort puisque toute latitude était
laissée au créancier pour apprécier l’ampleur de l’inexécution et le montant de la
réduction demandée.
Cette deuxième hypothèse n’est pas sans avoir provoqué certaines inquiétudes,
notamment de la part des professions exerçant une activité de conseil, telle que la
profession d’avocat, qui craignaient des abus.
Lorsque le créancier a déjà payé le prix, il ne peut que « solliciter » une réduction
auprès du débiteur, alors que s’il n’a pas totalement payé, il peut « décider »
unilatéralement cette réduction.
Il en est résulté la suppression du terme « solliciter » qui s’appliquait à l’hypothèse
dans laquelle la réduction du prix intervenait alors que le créancier de l’obligation
imparfaitement exécutée s’était déjà acquitté du prix, bien conscient des limites de
cette solution, puisque cette décision unilatérale du créancier serait sans effet si le
débiteur refusait de rembourser les sommes déjà versées.
Par cohérence, le législateur a également modifié l’article 1217 du code civil, qui
énumère les différentes sanctions encourues en cas d’inexécution du contrat, pour
remplacer, concernant le mécanisme de la réduction du prix, le mot « solliciter »
par le mot « décider ».
Il en a, par ailleurs, profité pour détailler la formulation de l’article 1223 dont les
conditions de mise en œuvre sont désormais clarifiées.
==> Conditions de fond
Une exécution imparfaite
Pour que le créancier soit fondé à réduire le prix de la prestation, une
exécution imparfaite du contrat doit pouvoir être constatée
Aussi, en se référant à la notion d’« exécution imparfaite», le texte
vise l’hypothèse d’une exécution partielle de la prestation, ce qui, par
voie de conséquence, rend inéligible à la réduction du prix les cas où
l’inexécution de l’obligation est totale.
Une exécution imparfaite peut consister en un retard, en une
délivrance partielle de la chose et plus généralement à toute fourniture de
la prestation non conforme aux stipulations contractuelles.
La notification dans les meilleurs délais de la décision de réduction du
prix
Il ressort du premier alinéa de l’article 1223 du Code civil que la
réduction du prix suppose une notification du débiteur dans les meilleurs
délais.
Trois enseignements peuvent être tirés de la règle ainsi posée :
Premier enseignement
La réduction du prix procède d’une décision unilatérale
du créancier.
Aussi n’est-il pas nécessaire pour lui de saisir le juge pour
que, d’une part, soit constatée l’exécution imparfaite du contrat et,
d’autre part, pour que la sanction de la réduction s’applique.
Cette sanction est donc à la main du créancier qui dispose
d’un pouvoir discrétionnaire en la matière
Le débiteur demeure libre de contester en justice la
réduction du prix appliquée par le créancier s’il estime qu’elle est
mal fondée ou s’il considère qu’elle n’est pas proportionnelle à la
gravité de l’inexécution du contrat.
Deuxième enseignement
L’application de la sanction de réduction du prix de la
prestation est subordonnée à la notification de la décision du
créancier.
Cette notification peut intervenir soit, par voie d’exploit
d’huissier, soit par voie de mise en demeure.
Elle vise à porter à la connaissance du débiteur la
décision prise à son endroit.
En ce qu’elle est constitutive d’une déclaration de
volonté, conformément au droit commun, le créancier n’a pas à
motiver sa décision.
La notification matérialise l’exercice, par le créancier, de
son droit potestatif à réduire le prix de la prestation.
Troisième enseignement
L’article 1223, al. 1er du Code civil exige que la
notification de la décision du créancier intervienne dans les
meilleurs délais.
Autrement dit, le créancier ne doit pas tarder à informer le
débiteur de sa décision de réduire le prix de la prestation.
Une réduction du prix proportionnelle à l’inexécution
L’article 1223 du Code civil précise que la réduction du prix sollicitée
par le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée doit être
proportionnelle à la gravité de cette inexécution.
Cette exigence se justifie par la nature de la sanction que constitue la
réduction du prix.
Il s’agit, en effet, d’une sanction intermédiaire entre l’exception
d’inexécution et la résolution, qui permet de procéder à une révision du
contrat à hauteur de ce à quoi il a réellement été exécuté en lieu et place
de ce qui était contractuellement prévu.
L’exigence de proportionnalité de la réduction du prix vise à garantir
le maintien de l’équilibre contractuel qui ne doit pas être modifié par le
créancier sous prétexte de l’exécution imparfaite d’une obligation.
==> Conditions de forme
Notification par mise en demeure du créancier
La mise en œuvre de la sanction de réduction du prix est subordonnée
à la mise en demeure préalable du débiteur
Il convient de le prévenir sur le risque auquel il s’expose en cas
d’inaction, soit de se voir imposer une réduction du prix de la prestation.
La mise en demeure que le créancier adresse au débiteur doit répondre
aux exigences énoncées aux articles 1344 et suivants du Code civil.
Pour rappel, la mise en demeure se définit comme l’acte par lequel le
créancier commande à son débiteur d’exécuter son obligation.
Elle peut prendre la forme, selon les termes de l’article 1344 du Code
civil, soit d’une sommation, soit d’un acte portant interpellation
suffisante.
Quant au contenu de la mise en demeure, l’acte doit comporter :
Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur
Le délai – raisonnable – imparti au débiteur pour se conformer à
la mise en demeure
La menace d’une sanction
En application de l’article 1344 du Code civil, la mise en demeure
peut être notifiée au débiteur :
Soit par voie de signification
Soit au moyen d’une lettre missive
Par ailleurs, il ressort de l’article 1344 du Code civil que les parties au
contrat peuvent prévoir que l’exigibilité des obligations stipulées au
contrat vaudra mise en demeure du débiteur.
Dans cette hypothèse, la mise en œuvre de la réduction du prix ne sera
donc pas subordonnée à sa mise en demeure.
Acceptation par écrit du débiteur
Dans l’hypothèse où le créancier décide de réduire le prix de la
prestation, l’article 1223 al. 1er précise que « l’acceptation par le débiteur
de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par
écrit.»
L’acceptation – écrite – par le débiteur de la décision du créancier de
réduire le prix de la prestation a pour effet mettre définitivement fin à
toute contestation ultérieure du prix.
Si le débiteur n’acceptait pas la réduction de prix, il peut toujours
saisir le juge pour contester la décision du créancier.
II) La réduction du prix intervient après le paiement du prix par le débiteur
L’article 1223, alinéa 2 du Code civil dispose que « si le créancier a déjà payé, à
défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix. »
Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où le créancier de la prestation
aurait déjà payé l’intégralité du prix, il ne pourra que demander au juge d’ordonner
au débiteur un remboursement des sommes versées proportionnel à l’inexécution
constatée.
A l’évidence, lorsque c’est une réduction du prix de la prestation qui est sollicitée
par le créancier, seule l’exécution imparfaite du contrat devra être démontrée, ce
qui n’est pas sans faciliter la tâche du créancier sur lequel pèse la charge de la
preuve.
L’exécution forcée en nature: régime juridique
24 SEPTEMBRE 2019 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN
COMMENTAIRE
Parce que les contrats sont pourvus de la force obligatoire (art. 1103 C. civ),
lorsqu’une partie, qui s’est engagée à fournir une prestation ou une chose, ne
s’exécute pas, elle devrait, en toute logique, pouvoir y être contrainte. C’est la
raison pour laquelle la loi le lui permet.
Cette possibilité, pour le créancier, de contraindre le débiteur défaillant à honorer
ses obligations vise à obtenir ce que l’on appelle l’exécution forcée.
Elle peut avoir lieu en nature: le débiteur est contraint de fournir ce à quoi il
s’est engagé
Elle peut avoir lieu par équivalent: le débiteur verse au créancier une
somme d’argent qui correspond à la valeur de la prestation promise
initialement
Tandis que les rédacteurs du Code civil avaient fait de l’exécution par équivalent le
principe, pour les obligations de faire et de ne pas faire, l’ordonnance du 10 février
2016 a inversé ce principe en généralisant l’exécution forcée en nature dont le
recours n’est plus limité, en simplifiant à l’extrême, aux obligations de donner.
==> Droit antérieur
Pour mémoire, sous l’empire du droit antérieur, le Code civil distinguait trois sortes
d’obligations :
L’obligation de donner
L’obligation de donner consiste pour le débiteur à transférer au
créancier un droit réel dont il est titulaire
Exemple: dans un contrat de vente, le vendeur a l’obligation de
transférer la propriété de la chose vendue
L’obligation de faire
L’obligation de faire consiste pour le débiteur à fournir une prestation,
un service autre que le transfert d’un droit réel
Exemple: le menuisier s’engage, dans le cadre du contrat conclu avec
son client, à fabriquer un meuble
L’obligation de ne pas faire
L’obligation de ne pas faire consiste pour le débiteur en une
abstention. Il s’engage à s’abstenir d’une action.
Exemple: le débiteur d’une clause de non-concurrence souscrite à la
faveur de son employeur ou du cessionnaire de son fonds de commerce,
s’engage à ne pas exercer l’activité visée par ladite clause dans un temps
et sur espace géographique déterminé
L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a abandonné
la distinction entre ces obligations, à tout le moins elle n’y fait plus référence.
L’obligation de donner
Lorsque l’engagement souscrit consiste en une obligation de donner, il
y a lieu de distinguer selon qu’il s’agit de payer une somme d’argent ou
selon qu’il s’agit de transférer la propriété d’un bien :
Lorsqu’il s’agit d’une obligation de payer
Dans cette hypothèse, seule l’exécution forcée en nature
est envisageable.
En pareil cas, il ne saurait y avoir d’exécution par
équivalent, dans la mesure où, par hypothèse, il n’existe pas
d’autre équivalent à l’argent que l’argent.
Lorsqu’il s’agit de transférer la propriété d’un bien
En cas de défaillance du débiteur, l’exécution forcée n’a
pas lieu de jouer dans la mesure où la défaillance du débiteur
intéresse l’effet translatif du contrat.
Aussi, est-ce plutôt une action en revendication qui devra
être engagée par le créancier aux fins de voir reconnaître son droit
de propriété
Quant à l’obligation de délivrance de la chose, elle relève
de la catégorie, non pas des obligations de donner, mais de faire.
L’obligation de faire
Lorsque l’engagement pris consiste en une obligation de faire, les
deux formes d’exécution forcée sont possibles.
Reste que, dans certains cas, l’exécution forcée en nature d’une
obligation de faire soulèvera des difficultés.
En effet, forcer une personne à fournir la prestation promise pourrait
être considéré comme trop attentatoire à la liberté individuelle.
Ajouté à cela, contrainte une personne à fournir une prestation contre
sa volonté, serait susceptible d’exposer le créancier à une exécution
défectueuse de cette prestation qui, dès lors, ne répondrait pas aux
attendus stipulés dans le contrat.
L’obligation de ne pas faire
Il n’est guère plus envisageable de faire respecter, par la force, une
obligation de ne pas faire sauf à porter atteinte à la liberté individuelle.
L’obligation de ne pas faire se prête ainsi difficilement à l’exécution
forcée en nature.
Fort de ces constats, le législateur, en 1804, en avait tiré la conséquence à
l’ancien article 1142 du Code civil qui disposait que « toute obligation de faire ou
de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part
du débiteur. »
Le principe posé par ce texte était donc que les obligations de faire et les
obligations de ne pas faire ne pouvaient faire l’objet que d’une exécution forcée par
équivalent, soit se traduire par le versement d’une somme d’argent au créancier.
Par exception, la loi avait néanmoins envisagé certains cas où l’exécution forcée en
nature était possible pour les obligations de faire et de ne pas faire :
L’ancien article 1143 prévoyait que « néanmoins, le créancier a le droit de
demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit
détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur,
sans préjudice des dommages et intérêts s’il y a lieu»
L’ancien article 1145 disposait encore que « si l’obligation est de ne pas
faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de
la contravention».
Portée par une doctrine majoritairement favorable à une extension du domaine de
l’exécution forcée, la jurisprudence a progressivement admis qu’elle puisse être
envisagée pour les obligations de faire et de ne pas faire, dès lors qu’elles ne sont
pas intimement liées à la personne du débiteur (V. en ce sens pour les obligations
de faire Cass. 3e civ., 11 mai 2005, n°03-21136 ; pour les obligations de ne pas
faire Cass. 1ère civ., 16 janv. 2007, n°06-13983).
Pour ce faire, la Cour de cassation s’est notamment appuyée sur une lecture
audacieuse de l’ancien article 1184 du Code civil, combinée à une lecture
restrictive de l’ancien article 1142.
Aussi, la jurisprudence a-t-elle fait une application très restrictive des termes de
l’article 1142 du code civil, et paraît avoir reconnu, avec la majorité des auteurs, un
véritable droit à l’exécution forcée en nature, en considérant que tout créancier peut
exiger l’exécution de ce qui lui est dû lorsque cette exécution est possible (Cass.
3e civ., 19 février 1970, n°68-13.866 ; Cass. 3e civ., 3 novembre 2017, n°15-
23188). La possibilité d’obtenir l’exécution forcée en nature n’est donc exclue
qu’en cas d’impossibilité matérielle, juridique ou morale.
Manifestement, les auteurs qui plaidaient pour un abandon de la soustraction des
obligations de faire et de ne pas faire à l’exécution forcée en nature ont été
entendus par le législateur qui n’a pas manqué l’occasion, lors de l’ordonnance du
10 février 2016, d’inverser le principe posé à l’ancien article 1142 du Code civil,
conformément à la jurisprudence qui avait réduit à la portion congrue la portée de
ce texte.
Ainsi, ce texte rompt avec la lettre de l’ancien article 1142 du code civil, dont la
Cour de cassation avait déjà retenu une interprétation contraire au texte et qui était
également contredit par la procédure d’injonction de faire prévue par les articles
1425-1 à 1425-9 du code de procédure civile.
Le principe ainsi posé est repris, en des termes plus généraux, par l’article 1341 du
Code civil qui dispose que « le créancier a droit à l’exécution de l’obligation ; il
peut y contraindre le débiteur dans les conditions prévues par la loi. »
==> Indifférence de la nature des obligations en cause
Tandis que sous l’empire du droit antérieur, cette forme d’exécution forcée ne
pouvait intervenir que pour les obligations de payer, désormais, le texte ne
distingue plus selon que la prestation inexécutée consiste en une obligation de
donner, de faire ou de ne pas faire.
Toutes les obligations, quelle que soit leur nature, sont susceptibles de faire l’objet
d’une exécution forcée en nature.
Une interrogation demeure toutefois pour l’obligation de ne pas faire, dont on voit
mal comment elle pourrait donner lieu à une exécution forcée en nature. En effet,
contraindre le débiteur à s’abstenir de ne pas faire quelque chose que le contrat lui
interdit, reviendrait, par hypothèse, à porter une atteinte excessive à sa liberté
individuelle.
L’exécution forcée en nature est donc inenvisageable pour les obligations de ne pas
faire, à l’exception du cas prévu à l’article 1222 du Code civil qui autorise le
créancier à « détruire ce qui a été fait en violation » d’une obligation. Il pourra
alors « demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. »
En dehors du cas particulier de l’obligation de ne pas faire, l’exécution forcée en
nature est à la portée du créancier.
Est-ce à dire que l’exécution forcée en nature prime les autres sanctions que sont la
réduction du prix ou la résolution du contrat ?
Dans le silence du texte, il y a lieu de considérer que le principe posé est le libre
choix de la sanction dont se prévaut le créancier.
Au surplus, le choix fait par le créancier s’impose au juge dès lors que les
conditions d’application de la sanction invoquée sont réunies.
Le dernier alinéa de l’article 1217 règle l’articulation entre les différentes sanctions
qui, en application de ce texte, peuvent se cumuler, dès lors qu’elles ne sont pas
incompatibles.
D’une part, la créance dont se prévaut le créancier doit être certaine, liquide
et exigible
D’autre part, le débiteur doit avoir préalablement été mis en demeure de
s’exécuter
==> Caractère certain, liquide et exigible de la créance
Bien que les articles 1221 et 1222 du Code civil ne le prévoient pas expressément,
l’exécution forcée en nature ne se conçoit que si la créance dont se prévaut le
créancier est certaine, liquide et exigible.
Pour rappel, la mise en demeure se définit comme l’acte par lequel le créancier
commande à son débiteur d’exécuter son obligation.
Elle peut prendre la forme, selon les termes de l’article 1344 du Code civil, soit
d’une sommation, soit d’un acte portant interpellation suffisante.
À cet égard, l’absence de mise en demeure pourrait être invoquée par le débiteur
comme un moyen de défense au fond lequel est susceptible d’avoir pour effet de
tenir en échec la demande d’exécution forcée en nature formulée par le créancier.
==> Titre exécutoire
Bien que les articles 1221 et 1222 du Code civil suggèrent qu’il suffit au créancier
de remplir les conditions énoncées ses textes pour que l’exécution forcée en nature
puisse être mise en œuvre, il n’en est rien.
Cette dernière est, en effet, subordonnée à l’obtention, par le créancier, d’un titre
exécutoire. L’article 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose en
ce sens que « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance
liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son
débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »
Pour rappel, par titre exécutoire, il faut entendre, au sens de l’article L. 111-3 du
Code des procédures civiles d’exécution :
B) Exceptions
L’article 1221 du Code civil assortit le principe de l’exécution forcée en nature de
deux exceptions :
Cette règle n’est pas sans faire écho à l’adage latin nullus tenetur ad
impossibile qui signifie « à l’impossible nul n’est tenu ».
Surtout, elle ne fait que consacrer la jurisprudence antérieure qui, très tôt, avait
admis que l’exécution forcée en nature soit exclue en cas d’impossibilité rencontrée
par le débiteur.
Reste que la Cour de cassation a tours eu une approche pour le moins restrictive de
cette exception dont le champ d’application était circonscrit à l’impossibilité :
Tel est le cas, lorsque par exemple, l’acquéreur d’une maison individuelle contraint
le constructeur à la démolir pour la reconstruire, considérant que « le niveau de la
construction présentait une insuffisance de 0,33 mètre par rapport aux stipulations
contractuelles ». Nonobstant le coût des travaux à supporter par le constructeur, la
Cour de cassation avait considéré que « la partie envers laquelle l’engagement n’a
point été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est
possible » (Cass. 3e civ., 11 mai 2005, n° 03-21136).
La nouvelle exception introduite à l’article 1221 du Code civil a été présentée par
le législateur comme une déclinaison de l’abus de droit, formulée de façon plus
précise, pour encadrer l’appréciation du juge et offrir une sécurité juridique accrue.
Aussi, commettrait un abus de droit le créancier qui exigerait cette exécution alors
que l’intérêt qu’elle lui procurerait serait disproportionné au regard du coût qu’elle
représenterait pour le débiteur et que des dommages et intérêts pourraient lui
fournir une compensation adéquate à un prix inférieur pour le débiteur.
En tout état de cause, pour faire échec à la demande d’exécution forcée en nature
du créancier le débiteur devra démontrer qu’il existe une disproportion entre le coût
de l’exécution et l’intérêt pour le créancier de la mise en œuvre de cette exécution.
C’est donc à un test de proportionnalité que les juridictions vont devoir se livrer
pour apprécier l’application de l’exception au principe de l’exécution forcée en
nature dont ne priveront pas d’invoquer les débiteurs en délicatesse avec les
stipulations contractuelles.
La rédaction retenue pour l’article 1221 soulève cependant plusieurs interrogations
de la part de la doctrine et des praticiens du droit.
La principale crainte exprimée est celle de voir dans l’article 1221 du Code civil
une incitation pour le débiteur à exécuter son obligation de manière imparfaite
toutes les fois où le gain attendu de cette inexécution sera supérieur aux dommages
et intérêts qu’il pourrait être amené à verser, c’est-à-dire permettre au débiteur de
mauvaise foi de profiter de sa « faute lucrative ».
Sans aller jusqu’à évoquer de véritables gains pour le débiteur, n’est-il pas à
craindre qu’un constructeur ne pouvant honorer tous les contrats qu’il a en cours
choisisse de privilégier l’exécution parfaite de certains contrats au détriment
d’autres contrats, n’encourant plus l’exécution forcée en nature, le cas échéant très
coûteuse, mais seulement le versement de dommages et intérêts ?
L’article 1222 du Code civil doit ainsi être lu comme posant un principe, lequel
principe est assorti d’une exception.
==> Domaine
La faculté de remplacement dont est titulaire le créancier peut être exercée pour
toutes les obligations de faire, dès lors que le résultat recherché et prévu dans le
contrat peut être atteint.
Son domaine naturel d’élection est celui des obligations de fournir un bien
mobilier. Ainsi, l’acheteur qui n’a pas été livré de la chose convenue, peut exiger
qu’elle lui soit fournie par un tiers en cas de manquement par le vendeur à son
obligation de délivrance.
Il en va de même pour le preneur qui, en cas d’inaction de son bailleur, peut faire
solliciter les services d’un tiers pour que soient effectuées les réparations
nécessaires à la jouissance paisible de la chose louée.
==> Conditions
Cette obligation de saisir le juge vaut, tant lorsqu’il s’agit pour le créancier
d’exercer sa faculté de remplacement, que lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a
été fait en violation d’une obligation contractuelle.
Sanction de l’inexécution du contrat: la faculté de remplacement du créancier
24 SEPTEMBRE 2019 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN
COMMENTAIRE
L’article 1222 du Code civil prévoit que « après mise en demeure, le créancier
peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même
l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en
violation de celle-ci. »
À l’analyse, cette disposition octroie au créancier une alternative en lui permettant,
au lieu de poursuivre l’exécution forcée de l’obligation concernée, de faire exécuter
lui-même l’obligation ou détruire ce qui a été mal exécuté après mise en demeure
du débiteur, et de solliciter ensuite du débiteur le remboursement des sommes
exposées pour ce faire.
Ce mécanisme, que l’on appelle la faculté de remplacement) n’est pas nouveau,
puisqu’il reprend en substance les anciens articles 1143 et 1144 et ne fait, au fond.
L’article 1222 du Code civil doit ainsi être lu comme posant un principe, lequel
principe est assorti d’une exception.
==> Domaine
La faculté de remplacement dont est titulaire le créancier peut être exercée pour
toutes les obligations de faire, dès lors que le résultat recherché et prévu dans le
contrat peut être atteint.
Son domaine naturel d’élection est celui des obligations de fournir un bien
mobilier. Ainsi, l’acheteur qui n’a pas été livré de la chose convenue, peut exiger
qu’elle lui soit fournie par un tiers en cas de manquement par le vendeur à son
obligation de délivrance.
L’exercice de la faculté de remplacement est également admis en matière de contrat
d’entreprise.
Il en va de même pour le preneur qui, en cas d’inaction de son bailleur, peut faire
solliciter les services d’un tiers pour que soient effectuées les réparations
nécessaires à la jouissance paisible de la chose louée.
==> Conditions
Cette obligation de saisir le juge vaut, tant lorsqu’il s’agit pour le créancier
d’exercer sa faculté de remplacement, que lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a
été fait en violation d’une obligation contractuelle.
L’exception d’inexécution: domaine, conditions, effets
18 SEPTEMBRE 2019 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN
COMMENTAIRE
L’article 1217, al. 1er du Code civil dispose que la partie envers laquelle
l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
Soit refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
Soit poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
Soit obtenir une réduction du prix ;
Soit provoquer la résolution du contrat ;
Soit demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Au nombre des sanctions de l’inexécution d’une obligation figure ainsi ce que l’on
appelle l’exception d’inexécution.
==> Définition
L’exception d’inexécution, ou « exceptio non adimpleti contractus », est définie
classiquement comme le droit, pour une partie, de suspendre l’exécution de ses
obligations tant que son cocontractant n’a pas exécuté les siennes.
Il s’agit, en quelque sorte, d’un droit de légitime défense contractuelle susceptible
d’être exercé, tant par le créancier, que par le débiteur :
Bien que réservée, sinon contre (Cass. req., 1er déc. 1897), l’extension du champ
d’application de l’exception d’inexécution en dehors des textes où elle était
envisagée, la jurisprudence, sous l’impulsion des travaux de grande qualité de René
Cassin, a finalement admis qu’elle puisse être généralisée à l’ensemble des contrats
synallagmatiques.
Dans un arrêt du 5 mars 1974, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « le
contractant poursuivi en exécution de ses obligations, et qui estime que l’autre
partie n’a pas exécuté les siennes, a toujours le choix entre la contestation
judiciaire et l’exercice à ses risques et périls de l’exception d’inexécution » (Cass.
civ. 1re, 5 mars 1974)
La généralisation, par la jurisprudence, de l’exception d’inexécution reposait sur
deux principaux arguments qui consistaient à dire que :
D’une part, en autorisant la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été
exécuté à forcer l’autre à l’exécution de la convention, l’ancien article 1184,
al. 2 du Code civil n’interdisait nullement le recours à l’exception
d’inexécution dans la mesure où elle consiste précisément en un moyen
indirect de provoquer l’exécution du contrat
D’autre part, on ne saurait voir dans les textes qui envisagent l’exception
d’inexécution une portée restrictive, mais une application d’un principe
général
==> Consécration légale
Tandis que le premier de ces articles pose les conditions d’exercice de l’exception
d’inexécution, le second autorise, et c’est là une nouveauté, le créancier à mettre en
œuvre cette sanction de façon anticipée.
Le projet Terré prévoyait en ce sens que « si, dans un contrat synallagmatique, une
partie n’exécute pas son obligation, l’autre peut refuser, totalement ou
partiellement, d’exécuter la sienne, à condition que ce refus ne soit pas
disproportionné au regard du manquement ».
Ce cantonnement de l’exception d’inexécution au domaine des contrats
synallagmatiques n’a manifestement pas été repris par l’ordonnance du 10 février
2016 portant réforme du droit des obligations.
Aussi, il est fort probable que l’exception d’inexécution puisse jouer toutes les fois
qu’il sera démontré l’existence d’un rapport juridique qui met aux prises des
obligations réciproques et interdépendantes.
C’est la raison pour laquelle, l’existence d’une réciprocité des obligations est
primordiale. L’exception d’inexécution puise sa raison d’être dans cette réciprocité.
Bien que l’article 1219 du Code civil n’exige pas expressément que les obligations
des parties soient interdépendantes pour que l’exception d’inexécution puisse jouer,
il définit néanmoins cette sanction comme « la possibilité offerte à une partie de ne
pas exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne ».
L’exigence d’interdépendance est ici sous-jacente : l’exception d’inexécution est
subordonnée à la démonstration par le créancier que la créance inexécutée dont il se
prévaut est issue d’un rapport juridique ayant donné naissance à l’obligation qui lui
échoit envers son débiteur.
Un lien d’interdépendance (de connexité) doit donc exister entre les deux
obligations réciproques. Pour être interdépendances, ces obligations doivent se
servir mutuellement de cause, soit avoir été envisagées par les parties comme la
contrepartie de l’une à l’autre.
Ainsi, dans le contrat de vente, le prix est stipulé en contrepartie d’une chose,
raison pour laquelle on dit que les obligations de délivrance de la chose et de
paiement du prix sont interdépendantes.
==> Exigence du caractère certain, liquide et exigible de la créance du
créancier
2. Conditions
Outre les conditions propres à l’exception d’inexécution ordinaire que sont les
exigences de réciprocité et d’interdépendance des obligations, l’article 1220 pose
trois autres conditions que sont :
Ce qui donc peut justifier l’exercice de l’exception d’inexécution ce n’est donc pas
le risque de non-paiement du prix de la prestation par le débiteur, mais les
répercussions que ce défaut de paiement est susceptible d’avoir sur le créancier.
Le plus probable est que cette irrégularité soit considérée comme entachant
l’exercice par anticipation de l’exception d’inexécution d’une faute et que, par voie
de conséquence, cela expose le créancier à une condamnation au paiement de
dommages et intérêts.