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Module :
Droit comparé de la responsabilité civile
Semestre 3
Sous la direction de :
Pr LEKOUISSI Loubna
L’ÉTENDUE DE LA RÉPARATION
Préparé par :
Sanae ABDOUN
Souad ALOUKAS
Zineb HAMI
INTRODUCTION
CONCLUSION
INTRODUCTION
1
N. BLANC, M. LATINA et D. MAZEAUD, Droit des obligations, 4éme éd., LGDJ, 2023, p. 232.
1
commis une faute dolosive ou une faute lourde. Dans ce cas, le préjudice imprévisible est
réparable.
2
Pr Loubna LEKOUISSI, cours de la responsabilité civile.
3
V. par ex. Cass.crim.,17 déc.2019, n° 18-85191, PB.
4
L’obligation pour une partie à un litige contractuel de prendre des mesures raisonnables pour minimiser les pertes
causées par la violation de l'autre partie.
2
n’admet la réparation que s’il est « non négligeable »5. Ce qui constitue une atteinte au principe
de la réparation intégrale6.
5
C. civ., art 1247.
6
La disposition a été déclarée conforme à la constitution, v. Cons. Const., 5 févr. 2021, n° 2020-881 QPC.
3
I. Le principe de la réparation intégrale
L’étude statistique réalisée sur de très nombreuses décisions de juges du fond grâce aux
banques de données juridiques, montre que les indemnités allouées varient de manière assez
importante d’un tribunal à l’autre. Pour tenter de remédier à ces intégralités, les tribunaux
élaborent souvent des barèmes sous forme de calcul en fixant une somme correspondante à une
incapacité et ensuite multiplier cette somme par le taux réel d’incapacité de la victime pour
déterminer l’indemnité. L’utilisation de ces barèmes est toutefois officieuse sous peine de violer
la prohibition des arrêts de règlement. En outre si on peut prendre en compte l’état végétatif de
la victime qui n’a pas conscience de son préjudice pour limiter son indemnisation. La
jurisprudence s’y est refusée outre des considérations morales, une affirmation aurait heurté le
principe de réparation intégrale du préjudice. La jurisprudence opérait une distinction. Si les
soins sont pénibles ou risqués la victime peut les refuser sans que le montant de ses dommages-
intérêts ne soit réduit. A l’inverse, si les soins ne sont ni trop pénibles ni trop aléatoires, la
victime qui les refuse commet une faute et le dommage lié au refus de soins ne sera pas réparé.
La jurisprudence considère aussi que le refus de soin constitue un droit qui exclut toute
réduction de l’indemnité, d’une manière générale, les tribunaux ont affirmé que la victime
« n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable » refusant ainsi la
mitigation of damages que connait le droit anglais, même si une décision récente a pu être
interprétée comme la porte ouverte à une évolution. L’avant-projet Catala envisage une solution
mesurée qui es intégrer cette mitigation of damages dans le Code civil, sauf en cas de mesures
susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique de la victime, une solution voisine étant
4
reprise par le projet Terré7. Cette obligation de la victime de minimiser son dommage est
également prévue par les projets Lando8 et Grandolfi9.
En cas de dommages aux biens la victime qui bénéficie d’une assurance dommage pour
ses biens ne peut pas cumuler la somme versée par l’assureur avec l’indemnité due par le
responsable. La somme versée par l’assureur présente un caractère indemnitaire et la victime
ne peut réclamer au tiers qu’un éventuel complément pour obtenir réparation intégrale.
L’assureur bénéficie d’un recours subrogatoire contre le tiers responsable ou son assureur
responsabilité10. Et en cas de dommages à la personne la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant
à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des
procédures d'indemnisation. a accordé un recours subrogatoire à l’occasion du paiement de
7
C. civ., Art. 53.
8
Ibid., art. 4.
9
Ibid., art. 167.
10
C. assur., art. L. 121-12.
5
certaines sommes présentant un caractère indemnitaire11prestations versées par les organismes,
établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, prestations versées
par l’Etat à leurs agents, sommes versées en remboursement des frais de traitement médical,
salaires et accessoires maintenus par l’employeur pendant la période d’inactivité , indemnité
journalière de maladie et prestations d’invalidité versées par les regroupements mutualistes
régis par le Code civil de la mutualité. Le recours ne peut s’exercer que sur la part de l’indemnité
qui tend à réparer l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, pas sur celle correspondant aux
souffrances physiques ou morales ni au préjudice esthétique et d’agrément12. Cette solution est
logique puisque les prestations sociales indemnisent un préjudice économique, le recours ne
doit donc pas pouvoir s’exercer sur l’indemnisation du préjudice moral.
De plus, du fait que la subrogation, le recours du solvens ne doit pas lui permettre d’avoir
plus de droits que ce qu’il a payé. Faisant fi de ce dernier argument, la jurisprudence permettait
aux tiers payeurs un recours sur la totalité des indemnités réparant un préjudice non personnel
de la victime. Une loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale
pour 2007 a modifié la rédaction de l’article 31 précité. Le principe est que le recours des tiers
payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices à caractère
personnel13. Par exemple, si un organisme verse une somme à la victime au titre de la perte de
revenus, il ne pourra pas exercer son recours que sur la somme que le responsable a versé à la
victime au titre du préjudice lié à la perte de revenus.
En outre la loi n° 2006-1668 consacre la priorité des droits de la victime sur ceux du
tiers-payeurs, « conformément à l’article 1252 du Code civil, la subrogation ne peut nuire à la
victime subrogeant créancière de l’indemnisation lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie,
en ce cas elle peut exercer ses droits contre le responsable pour ce qui lui reste dû, par référence
au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une indemnisation partielle »14. Dans le cas d’une
limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette
du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel doit être intégralement
réparé pour chacun des postes, le tiers payeur ne pouvant exercer son recours que sur le reliquat
15
.
11
L. 85-677, art. 29.
12
Ibid., art. 31.
13
L. 2006-1668, art. 31 al. 1.
14
Ibid., art. 31 al. 2.
15
R. CABRILLAC, droit des obligations, Dalloz, Paris, 2012, p.282.
6
II. Les limites d'indemnisation en matière extra contractuelle et
contractuelle
Devant la diversité des dommages susceptibles de porter atteinte aux victimes, la cour
de cassation a un rôle central à jouer afin de diminuer, voire de lever les incertitudes en matière
de préjudice réparable. La responsabilité civile entend ainsi réparer intégralement les
conséquences du dommage subi par la victime, c’est-à-dire replacer cette dernière dans une
situation contrefactuelle, hypothèse selon laquelle, elle n’aurait jamais eu à subir le dommage.
Ce principe connaît cependant des difficultés d’application pratique, car ni la jurisprudence, ni
la doctrine ne définissent vraiment ce qu’est un dommage réparable. À la vérité le dommage
est moins défini qu’il n’est décrit16. Un dommage réparable est ainsi classiquement défini
comme répondant à certains critères (personnel, direct, actuel, certain et licite).
Pourtant, l’une des incertitudes que rencontrent à la fois les victimes et les responsables
de dommages (ou leurs assureurs) porte sur le fait que les indemnisations accordées par les
juges ne seraient ni identiques dans leurs caractéristiques ni uniformes dans leur montant pour
des dommages similaires. Ces différences tiennent bien entendu d’abord à la variété des
situations individuelles. C’est pourquoi, il convient d’appréhender d’une part les conditions
tendant à priver la victime de la réparation intégrale des préjudices subis (A), puis d’examiner
le rôle des clauses contractuelles quant à la limitation prévisible du droit à indemnisation (B).
Deux distinctions devront être effectuées quant à ces conditions, entre celles qui sont
propres aux victimes (1) et celles propres à la nature du dommage (2)
Néanmoins, si une indemnisation est prévue lorsque cette condition est réunie, il sera
toutefois possible de limiter l’indemnisation de la victime en cas de commission d’une faute.
16
C.G. ALBERT, « Les limites du préjudice juridiquement réparable », LegaVox , 2020.
7
Par ailleurs, dans un arrêt du 11/03/20, la Cour de cassation a pu rappeler qu’en matière de
responsabilité contractuelle, le dommage n’était indemnisable que s’il était prévisible lors de la
conclusion du contrat et constituait une suite immédiate et directe de l’inexécution de ce contrat.
Enfin, s’il était auparavant distingué entre les victimes directes et indirectes du dommage,
depuis l’arrêt Dangereux (27/02/70), un lien de droit, donc un rapport direct entre ces deux
types de victime n’est plus requis. En revanche, les conséquences qui en ont été tirées se veulent
unitaires, la faute de la victime directe peut ainsi être opposée à la victime par ricochet aux fins
de limiter son indemnisation.
Au titre des limites à l’indemnisation intégrale, il faut évoquer plus particulièrement
l’hypothèse de la faute de la victime. Certes, lorsque la faute de la victime opère comme une
cause d’exonération, totale ou partielle, pour le responsable, il n’existe pas d’atteinte au principe
de la réparation intégrale : la victime est par sa faute, cause de son propre dommage. Mais la
situation se présente différemment, en ce qui concerne celles que l’on appelle les victimes par
ricochet ainsi de l’épouse qui invoque la souffrance que lui impose la vue de son mari, paralysé
à la suite d’un accident. La question se pose ainsi lorsque la victime dite immédiate (le mari) a
commis une faute, cause partielle de son propre dommage, et n’a reçu qu’une réparation
diminuée, peut-on limiter la réparation du préjudice invoqué par la victime par ricochet (la
femme), dans la même proportion ? Alors, la faute de la victime immédiate est-elle opposable
à la victime par ricochet ? Si la réponse est positive, le principe de la réparation intégrale sera
méconnu, puisque la victime par ricochet ne sera pas intégralement indemnisée, en vertu d’une
faute qui n’est pas la sienne. Le problème est assurément très délicat et a entraîné de multiples
volte-face de la jurisprudence17.
17
J. PATRICE, les principes de la responsabilité civile, 6éme éd., Dalloz, 2003.
18
Cass. crim., 1er juin 1932.
8
du 17 juillet 1889 la Cour de cassation a reconnu, pour la première fois, le caractère réparable
de la perte de chance et depuis lors, la Cour de cassation reconnaît de façon constante à la perte
de chance le caractère de préjudice réparable. Cependant, ce principe est subordonné à certaines
limites (la disparition d’une éventualité favorable réelle et sérieuse), il ne sera alors réparé que
la probabilité de la réalisation de l’évènement favorable. Le juge devra donc toujours prendre
en compte l’aléa lors de la réparation du préjudice, ce qui limite théoriquement la possibilité
d’une réparation intégrale du préjudice subi. Enfin, il est également posé une condition de licéité
au regard de l’intérêt lésé.
En effet, il a été jugé que « le demandeur d’une indemnité délictuelle ou quasi délictuelle
doit justifier, non d’un dommage quelconque, mais de la lésion certaine d’un intérêt légitime
juridiquement protégé » Cette position a néanmoins cédé avec le rendu d’un arrêt notable du
24 janvier 2002, la deuxième chambre civile ayant estimé que « une victime ne peut obtenir la
réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ». Pour autant, cette
limitation de la réparation intégrale du préjudice ne concerne en fait que le seul préjudice
matériel, le préjudice corporel prime en effet sur toute autre considération. Ces règles tendent
cependant à s’appliquer à la responsabilité extracontractuelle, or, en matière contractuelle, il
faut préciser que celle-ci a une portée plus réduite, on ne peut en effet réparer que le dommage
prévisible19 résultant de l’inexécution du contrat20. Il convient donc d’examiner désormais les
clauses qui visent à limiter la réparation des dommages subis par les parties.
B. Les clauses qui visent à limiter la réparation des dommages subis par
les parties
Deux types de clauses peuvent dès lors être évoqués, les clauses de non responsabilité (1) et
les clauses limitatives de responsabilité (2).
19
C. civil, art. 1231-3.
20
« Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors
de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive ».
9
clauses peuvent parfois être considérée comme illicites ou bien abusif, surtout en droit de la
consommation, en fonction de l’état de la loi et des principes d’ordre public.
C’est pourquoi, même en présence de clauses de non-responsabilité, il sera parfois possible de
réputer celles-ci non écrites et de rechercher en conséquence la responsabilité contractuelle du
co-contractant, Ainsi dans un arrêt du 14/12/19, la Cour de cassation a pu censurer une CA
relevant qu’une clause pénale condamnant un promoteur pour non livraison à la date prévue
d’un bien immobilier pouvait empêcher ce dernier de faire valoir pour sa défense une clause
d’exception d’inexécution. De ce fait, il est parfois préférable en matière contractuelle
d’envisager des clauses limitatives de responsabilité en vue de limiter la réparation des
préjudices contractuels.
21
C. civil, art. 1170.
22
Ibid., art. 1281 al. 1.
23
Ibid., art. 1282.
24
Ibid., art. 1283.
10
CONCLUSION
Le principe de la réparation intégrale est un principe important en droit. Il permet
d'assurer une juste réparation du préjudice subi par la victime, et de rétablir l'équilibre entre les
parties. Cependant, ce principe connaît quelques limites, qui doivent être prises en compte par
le juge lors de l'évaluation du dommage, à savoir la réparation ne doit pas être excessive,
impossible ou inéquitable.
11
BIBLIOGRAPHIE
PATRICE (J.), Les principes de la responsabilité civile, 6éme éd., Dalloz, 2003.
PHILIPPE (C.), MAISTRE (P.) et FOURNIER (S.), La responsabilité civile délictuelle.
Presses universitaires de Grenoble, 2015.
Loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006 portant création d'un ordre national des infirmiers.
12
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE ...............................................................................................................................
INTRODUCTION .................................................................................................................... 1
B. Les clauses qui visent à limiter la réparation des dommages subis par les parties ..... 9
CONCLUSION ....................................................................................................................... 11
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 12
13