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Master : Droit Privé Comparé

Espace Afrique Francophone et Commonwealth

Module :
Droit comparé de la responsabilité civile

Semestre 3

Sous la direction de :
Pr LEKOUISSI Loubna

L’ÉTENDUE DE LA RÉPARATION

Préparé par :

Sanae ABDOUN
Souad ALOUKAS
Zineb HAMI

Année universitaire : 2023 – 2024


SOMMAIRE

INTRODUCTION

I. LE PRINCIPE DE LA RÉPARATION INTÉGRALE

A. LE DOMMAGE CORPOREL ET MATÉRIEL

B. LE CUMUL D’INDEMNITÉ PAR LA VICTIME

II. LES LIMITES D’INDEMNISATION EN MATIÈRE


DÉLICTUELLE

A. LES CONDITIONS TENDANT À PRIVER LA VICTIME DE LA


RÉPARATION INTÉGRALE DES PRÉJUDICES SUBIS

B. LES CLAUSES QUI VISENT À LIMITER LA RÉPARATION DES


DOMMAGES SUBIS PAR LES PARTIES

CONCLUSION
INTRODUCTION

La responsabilité civile est composée de deux ordres de responsabilité, à savoir la


responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. En matière contractuelle, seul le
préjudice prévisible lors de la conclusion du contrat est réparable. La règle repose sur l’idée que
le contrat est un acte de prévision. A ce titre les contractants apprécient et anticipent lors de la
conclusion du contrat, les conséquences de son éventuelle inexécution. Par conséquent, le
débiteur ne peut être condamné à réparer que les seuls dommages qu’il avait légitimement pu
prévoir lors de la conclusion du contrat ; il n’a pas à répondre des risques objectivement
imprévisibles. C’est le principe de la limitation de la réparation au seul dommage prévisible.
Tandis que la responsabilité délictuelle vise la réparation intégrale, la victime dispose d’un droit
à réparation et peut donc saisir le juge pour obtenir l’indemnisation de ses préjudices. La
responsabilité civile délictuelle est ainsi fondée sur l’article77 et 78 du dahir des obligations et
des contras et qui énonce que « Tout fait quelconque, de l'homme qui, sans l'autorité de la loi,
cause sciemment et volontairement à autrui un dommage matériel ou moral, oblige son auteur
à réparer le dit dommage, lorsqu'il est établi que ce fait en est la cause directe ». L’article 78 du
même dahir ajoute que « Chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu'il a causé,
non seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu'il est établi que cette faute en est la cause
directe ». L’article 1240 du Code civil français, dispose que « tout fait quelconque de l’homme,
qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Le droit à réparation nait au jour du fait dommageable même si l’évaluation du préjudice


subi est réalisée au jour où le juge statue. Dans ce contexte, plusieurs conditions doivent être
réunies pour engager la responsabilité civile délictuelle d’un individu ou d’une entité : Un fait
générateur, c’est-à-dire un acte (action ou omission) ayant causé un dommage ; Un dommage,
qui peut être matériel, corporel ou moral, et doit être certain, direct et légitime ; Un lien de
causalité entre le fait générateur et le dommage subi par la victime. En jurisprudence, et à
l’initiative de la SNCF, qui pour limiter la charge de réparation due aux passagers en cas de
retard, s’est souvenue qu’elle ne devait réparer que le dommage prévisible 1et qu’elle ignorait
ce que le passager voulait faire à destination…le principe de la réparation du seul préjudice
contractuel prévisible est écarté quand le créancier peut apporter la preuve que le débiteur a

1
N. BLANC, M. LATINA et D. MAZEAUD, Droit des obligations, 4éme éd., LGDJ, 2023, p. 232.

1
commis une faute dolosive ou une faute lourde. Dans ce cas, le préjudice imprévisible est
réparable.

En revanche, la responsabilité contractuelle peut être aménagé dans le contrat par la


volonté des contractants en prévoyant des clauses pour renforcer la maitrise de leur destin
contractuel commun. On trouve en premier lieu, les clauses relatives aux conditions de la
responsabilité contractuelle comme celles relatives à l’inexécution, soit par l’allégement des
obligations ou par l’engagement du débiteur en cas de faute grave, lourde ou dolosive. Les
clauses relatives au préjudice et au lien de causalité. En deuxième lieu les clauses relatives aux
conséquences de cette responsabilité à savoir celle qui exclut toute obligation de réparer le
préjudice contractuel, coupable mais pas responsable ; la clause limitative de réparation en
fixant un plafond de dommages et intérêts ; la clause pénale qui est à la fois une garantie de
l’exécution de l’obligation et une sanction de l’inexécution illicite et qui est dans l’intérêt du
créancier et la clause d’indemnisation forfaitaire qui permet une évaluation forfaitaire du
préjudice. Celles-ci ne peuvent porter que sur la responsabilité contractuelle des parties, et
nullement sur leur responsabilité délictuelle qui est d’ordre public et à laquelle il n’est donc pas
possible de déroger2.

Le principe de la réparation intégrale dans la responsabilité délictuelle est un principe


d’origine jurisprudentielle fréquemment rattaché à l’article 1240 du code civil français qui
stipule que, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui
par la faute duquel il est arrivé à le réparer », l’article 1241 ajoute que « chacun est responsable
du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais par sa négligence ou par son
imprudence ». Ce principe exclut l’appréciation forfaitaire du préjudice 3. La volonté de réparer
l’intégralité du préjudice subi par la victime semble expliquer le refus d’imposer à la victime
une obligation de minimiser son dommage dans l’intérêt du responsable. Le droit français ne
connait pas la mitigation of damages4 du droit anglo-saxon. En réalité, il faut comprendre que
le responsable doit réparer l’intégralité du préjudice éprouver par la victime sans que celle-ci
ait adopter une attitude visant à le limiter. Ainsi, n’est pas fautive et ne peut donc pas voir son
droit à indemnisation réduit la victime qui refuse de pratiquer une rééducation conseillée par
son médecin et dont l’état s’aggrave. En matière de dommage environnemental, le législateur

2
Pr Loubna LEKOUISSI, cours de la responsabilité civile.
3
V. par ex. Cass.crim.,17 déc.2019, n° 18-85191, PB.
4
L’obligation pour une partie à un litige contractuel de prendre des mesures raisonnables pour minimiser les pertes
causées par la violation de l'autre partie.

2
n’admet la réparation que s’il est « non négligeable »5. Ce qui constitue une atteinte au principe
de la réparation intégrale6.

5
C. civ., art 1247.
6
La disposition a été déclarée conforme à la constitution, v. Cons. Const., 5 févr. 2021, n° 2020-881 QPC.

3
I. Le principe de la réparation intégrale

A. Le dommage corporel et matériel


Si la réparation des frais occasionnés par les soins ne fait guère difficulté, les dommages
et intérêts, compensant l’incapacité de travail sont plus délicats à fixer. L’incapacité temporaire
totale ou l’incapacité temporaire partielle, incapacités de travail correspondant à la période
pendant laquelle une personne ne peut exercer d’activité professionnelle, posent moins de
problèmes que l’incapacité permanente totale ou l’incapacité permanente partielle, incapacités
permanentes d’exercer une activité professionnelle. Elles doivent prendre en compte les
différents dommages subis par la victime, non seulement une éventuelle diminution de salaire,
mais également le préjudice d’agrément, et les frais supplémentaires occasionnés.

L’étude statistique réalisée sur de très nombreuses décisions de juges du fond grâce aux
banques de données juridiques, montre que les indemnités allouées varient de manière assez
importante d’un tribunal à l’autre. Pour tenter de remédier à ces intégralités, les tribunaux
élaborent souvent des barèmes sous forme de calcul en fixant une somme correspondante à une
incapacité et ensuite multiplier cette somme par le taux réel d’incapacité de la victime pour
déterminer l’indemnité. L’utilisation de ces barèmes est toutefois officieuse sous peine de violer
la prohibition des arrêts de règlement. En outre si on peut prendre en compte l’état végétatif de
la victime qui n’a pas conscience de son préjudice pour limiter son indemnisation. La
jurisprudence s’y est refusée outre des considérations morales, une affirmation aurait heurté le
principe de réparation intégrale du préjudice. La jurisprudence opérait une distinction. Si les
soins sont pénibles ou risqués la victime peut les refuser sans que le montant de ses dommages-
intérêts ne soit réduit. A l’inverse, si les soins ne sont ni trop pénibles ni trop aléatoires, la
victime qui les refuse commet une faute et le dommage lié au refus de soins ne sera pas réparé.

La jurisprudence considère aussi que le refus de soin constitue un droit qui exclut toute
réduction de l’indemnité, d’une manière générale, les tribunaux ont affirmé que la victime
« n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable » refusant ainsi la
mitigation of damages que connait le droit anglais, même si une décision récente a pu être
interprétée comme la porte ouverte à une évolution. L’avant-projet Catala envisage une solution
mesurée qui es intégrer cette mitigation of damages dans le Code civil, sauf en cas de mesures
susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique de la victime, une solution voisine étant

4
reprise par le projet Terré7. Cette obligation de la victime de minimiser son dommage est
également prévue par les projets Lando8 et Grandolfi9.

Il existe aussi le dommage matériel c’est-à-dire que si un bien a été seulement


endommagé, le principe de réparation intégrale aboutit au versement de dommages-intérêts
destinés à le remettre en état, si le bien a été détruit les dommages et intérêts doivent permettre
son remplacement. Mais la remise en état ou le remplacement d’un bien peuvent aboutir à un
enrichissement de la victime, car il faut prendre en compte un coefficient de vétusté. La cour
de cassation a donc refusée pour permettre à la victime d’acquérir effectivement un bien de
nature comparable à celui qui a été détruit. Une autre difficulté peut se poser lorsque les frais
de remise en état du bien se révèlent supérieurs au prix de remplacement, la jurisprudence a
posé que le droit au remboursement des frais de réparation a pour limite le prix de remplacement
du bien.

B. Le cumul d’indemnité par la victime


La victime d’un dommage peut souvent être indemnisée par plusieurs personnes, outre
l’action contre le civilement responsable, une victime verra une partie de ses frais médicaux
pris en charge par la sécurité sociale, peut se voir attribuer une indemnité complémentaire par
son employeur, une indemnité par l’Etat en tant que fonctionnaire ou bénéficier du versement
d’un capital lié à une assurance volontaire. Le principe de réparation intégrale du dommage en
vertu duquel la réparation ne doit pas aller au-delà du dommage conduirait au non-cumul. À
l’inverse, l’indemnisation reçue par la victime trouvant souvent sa cause dans des primes ou
cotisations qu’elle a versées, elle devrait pouvoir cumuler.

En cas de dommages aux biens la victime qui bénéficie d’une assurance dommage pour
ses biens ne peut pas cumuler la somme versée par l’assureur avec l’indemnité due par le
responsable. La somme versée par l’assureur présente un caractère indemnitaire et la victime
ne peut réclamer au tiers qu’un éventuel complément pour obtenir réparation intégrale.
L’assureur bénéficie d’un recours subrogatoire contre le tiers responsable ou son assureur
responsabilité10. Et en cas de dommages à la personne la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant
à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des
procédures d'indemnisation. a accordé un recours subrogatoire à l’occasion du paiement de

7
C. civ., Art. 53.
8
Ibid., art. 4.
9
Ibid., art. 167.
10
C. assur., art. L. 121-12.

5
certaines sommes présentant un caractère indemnitaire11prestations versées par les organismes,
établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, prestations versées
par l’Etat à leurs agents, sommes versées en remboursement des frais de traitement médical,
salaires et accessoires maintenus par l’employeur pendant la période d’inactivité , indemnité
journalière de maladie et prestations d’invalidité versées par les regroupements mutualistes
régis par le Code civil de la mutualité. Le recours ne peut s’exercer que sur la part de l’indemnité
qui tend à réparer l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, pas sur celle correspondant aux
souffrances physiques ou morales ni au préjudice esthétique et d’agrément12. Cette solution est
logique puisque les prestations sociales indemnisent un préjudice économique, le recours ne
doit donc pas pouvoir s’exercer sur l’indemnisation du préjudice moral.

De plus, du fait que la subrogation, le recours du solvens ne doit pas lui permettre d’avoir
plus de droits que ce qu’il a payé. Faisant fi de ce dernier argument, la jurisprudence permettait
aux tiers payeurs un recours sur la totalité des indemnités réparant un préjudice non personnel
de la victime. Une loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale
pour 2007 a modifié la rédaction de l’article 31 précité. Le principe est que le recours des tiers
payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices à caractère
personnel13. Par exemple, si un organisme verse une somme à la victime au titre de la perte de
revenus, il ne pourra pas exercer son recours que sur la somme que le responsable a versé à la
victime au titre du préjudice lié à la perte de revenus.

En outre la loi n° 2006-1668 consacre la priorité des droits de la victime sur ceux du
tiers-payeurs, « conformément à l’article 1252 du Code civil, la subrogation ne peut nuire à la
victime subrogeant créancière de l’indemnisation lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie,
en ce cas elle peut exercer ses droits contre le responsable pour ce qui lui reste dû, par référence
au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une indemnisation partielle »14. Dans le cas d’une
limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette
du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel doit être intégralement
réparé pour chacun des postes, le tiers payeur ne pouvant exercer son recours que sur le reliquat
15
.

11
L. 85-677, art. 29.
12
Ibid., art. 31.
13
L. 2006-1668, art. 31 al. 1.
14
Ibid., art. 31 al. 2.
15
R. CABRILLAC, droit des obligations, Dalloz, Paris, 2012, p.282.

6
II. Les limites d'indemnisation en matière extra contractuelle et
contractuelle
Devant la diversité des dommages susceptibles de porter atteinte aux victimes, la cour
de cassation a un rôle central à jouer afin de diminuer, voire de lever les incertitudes en matière
de préjudice réparable. La responsabilité civile entend ainsi réparer intégralement les
conséquences du dommage subi par la victime, c’est-à-dire replacer cette dernière dans une
situation contrefactuelle, hypothèse selon laquelle, elle n’aurait jamais eu à subir le dommage.
Ce principe connaît cependant des difficultés d’application pratique, car ni la jurisprudence, ni
la doctrine ne définissent vraiment ce qu’est un dommage réparable. À la vérité le dommage
est moins défini qu’il n’est décrit16. Un dommage réparable est ainsi classiquement défini
comme répondant à certains critères (personnel, direct, actuel, certain et licite).

Pourtant, l’une des incertitudes que rencontrent à la fois les victimes et les responsables
de dommages (ou leurs assureurs) porte sur le fait que les indemnisations accordées par les
juges ne seraient ni identiques dans leurs caractéristiques ni uniformes dans leur montant pour
des dommages similaires. Ces différences tiennent bien entendu d’abord à la variété des
situations individuelles. C’est pourquoi, il convient d’appréhender d’une part les conditions
tendant à priver la victime de la réparation intégrale des préjudices subis (A), puis d’examiner
le rôle des clauses contractuelles quant à la limitation prévisible du droit à indemnisation (B).

A. Les conditions tendant à priver la victime de la réparation intégrale des préjudices


subis

Deux distinctions devront être effectuées quant à ces conditions, entre celles qui sont
propres aux victimes (1) et celles propres à la nature du dommage (2)

1. Les limites du préjudice réparable propres aux victimes


Il est exigé que le dommage soit personnel et direct, ce qui relève en fait plus de la
problématique du lien de causalité que du dommage en lui-même. La notion de préjudice
personnel signifie en effet que la victime doit être affectée en personne par le fait générateur,
Cette condition est disposée notamment à l’article 31 du CPC.

Néanmoins, si une indemnisation est prévue lorsque cette condition est réunie, il sera
toutefois possible de limiter l’indemnisation de la victime en cas de commission d’une faute.

16
C.G. ALBERT, « Les limites du préjudice juridiquement réparable », LegaVox , 2020.

7
Par ailleurs, dans un arrêt du 11/03/20, la Cour de cassation a pu rappeler qu’en matière de
responsabilité contractuelle, le dommage n’était indemnisable que s’il était prévisible lors de la
conclusion du contrat et constituait une suite immédiate et directe de l’inexécution de ce contrat.
Enfin, s’il était auparavant distingué entre les victimes directes et indirectes du dommage,
depuis l’arrêt Dangereux (27/02/70), un lien de droit, donc un rapport direct entre ces deux
types de victime n’est plus requis. En revanche, les conséquences qui en ont été tirées se veulent
unitaires, la faute de la victime directe peut ainsi être opposée à la victime par ricochet aux fins
de limiter son indemnisation.
Au titre des limites à l’indemnisation intégrale, il faut évoquer plus particulièrement
l’hypothèse de la faute de la victime. Certes, lorsque la faute de la victime opère comme une
cause d’exonération, totale ou partielle, pour le responsable, il n’existe pas d’atteinte au principe
de la réparation intégrale : la victime est par sa faute, cause de son propre dommage. Mais la
situation se présente différemment, en ce qui concerne celles que l’on appelle les victimes par
ricochet ainsi de l’épouse qui invoque la souffrance que lui impose la vue de son mari, paralysé
à la suite d’un accident. La question se pose ainsi lorsque la victime dite immédiate (le mari) a
commis une faute, cause partielle de son propre dommage, et n’a reçu qu’une réparation
diminuée, peut-on limiter la réparation du préjudice invoqué par la victime par ricochet (la
femme), dans la même proportion ? Alors, la faute de la victime immédiate est-elle opposable
à la victime par ricochet ? Si la réponse est positive, le principe de la réparation intégrale sera
méconnu, puisque la victime par ricochet ne sera pas intégralement indemnisée, en vertu d’une
faute qui n’est pas la sienne. Le problème est assurément très délicat et a entraîné de multiples
volte-face de la jurisprudence17.

2. Les limites du préjudice réparable propres aux dommages


Il est également requis, que le dommage soit actuel et certain, c’est-à-dire que la probabilité
de la réalisation du dommage soit certaine et son évaluation aux fins de réparation soit possible.
La Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer ce principe en jugeant, dès 1932 que « s’il n’est
pas possible d’allouer des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice purement éventuel,
il en est autrement lorsque le préjudice, bien que futur, apparaît aux juges du fait comme la
prolongation certaine et directe d’un état de choses actuel et comme étant susceptible
d’estimation immédiate »18. Par ailleurs, le dommage réparable ne consiste pas toujours en une
perte pour la victime ; il peut également s’agir d’un manque à gagner. Dans un arrêt fondateur

17
J. PATRICE, les principes de la responsabilité civile, 6éme éd., Dalloz, 2003.
18
Cass. crim., 1er juin 1932.

8
du 17 juillet 1889 la Cour de cassation a reconnu, pour la première fois, le caractère réparable
de la perte de chance et depuis lors, la Cour de cassation reconnaît de façon constante à la perte
de chance le caractère de préjudice réparable. Cependant, ce principe est subordonné à certaines
limites (la disparition d’une éventualité favorable réelle et sérieuse), il ne sera alors réparé que
la probabilité de la réalisation de l’évènement favorable. Le juge devra donc toujours prendre
en compte l’aléa lors de la réparation du préjudice, ce qui limite théoriquement la possibilité
d’une réparation intégrale du préjudice subi. Enfin, il est également posé une condition de licéité
au regard de l’intérêt lésé.

En effet, il a été jugé que « le demandeur d’une indemnité délictuelle ou quasi délictuelle
doit justifier, non d’un dommage quelconque, mais de la lésion certaine d’un intérêt légitime
juridiquement protégé » Cette position a néanmoins cédé avec le rendu d’un arrêt notable du
24 janvier 2002, la deuxième chambre civile ayant estimé que « une victime ne peut obtenir la
réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ». Pour autant, cette
limitation de la réparation intégrale du préjudice ne concerne en fait que le seul préjudice
matériel, le préjudice corporel prime en effet sur toute autre considération. Ces règles tendent
cependant à s’appliquer à la responsabilité extracontractuelle, or, en matière contractuelle, il
faut préciser que celle-ci a une portée plus réduite, on ne peut en effet réparer que le dommage
prévisible19 résultant de l’inexécution du contrat20. Il convient donc d’examiner désormais les
clauses qui visent à limiter la réparation des dommages subis par les parties.

B. Les clauses qui visent à limiter la réparation des dommages subis par
les parties
Deux types de clauses peuvent dès lors être évoqués, les clauses de non responsabilité (1) et
les clauses limitatives de responsabilité (2).

1. Les clauses de non responsabilité


Une clause de non-responsabilité est une clause, insérée dans un contrat, par laquelle une partie
entend se décharger, vis à vis de l’autre, de la responsabilité induite par une non-exécution ou
une mauvaise exécution contractuelle de sa part. Cette dernière vient ainsi de fait limiter voire
anéantir les conséquences du dommage et donc la réparation du préjudice. Néanmoins, ces

19
C. civil, art. 1231-3.
20
« Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors
de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive ».

9
clauses peuvent parfois être considérée comme illicites ou bien abusif, surtout en droit de la
consommation, en fonction de l’état de la loi et des principes d’ordre public.
C’est pourquoi, même en présence de clauses de non-responsabilité, il sera parfois possible de
réputer celles-ci non écrites et de rechercher en conséquence la responsabilité contractuelle du
co-contractant, Ainsi dans un arrêt du 14/12/19, la Cour de cassation a pu censurer une CA
relevant qu’une clause pénale condamnant un promoteur pour non livraison à la date prévue
d’un bien immobilier pouvait empêcher ce dernier de faire valoir pour sa défense une clause
d’exception d’inexécution. De ce fait, il est parfois préférable en matière contractuelle
d’envisager des clauses limitatives de responsabilité en vue de limiter la réparation des
préjudices contractuels.

2. Les clauses limitatives de responsabilité :


Les clauses limitatives de responsabilité sont interdites en matière extracontractuelle (car
disposition d’ordre public), mais peuvent être aménagées en matière contractuelle, elle vise en
effet dès lors qu’elles sont licites à prévoir la limitation du préjudice réparable de la victime
d’une inexécution ou d’une mauvaise exécution contractuelle. En revanche, l’article 1231-3 du
code civil neutralise les clauses limitatives de responsabilité en présence d’une faute lourde.
Elles sont alors réputées non écrites21.
En droit prospectif, le projet de réforme présenté par la Chancellerie intègre ces remarques
et propose d’autoriser les clauses limitatives de responsabilité en matière extracontractuelle,
comme en matière contractuelle. Mais ce principe est immédiatement assorti de limites. La
réparation ne saurait être limitée par contrat s’agissant d’un dommage corporel 22. Ensuite,
s’agissant plus spécifiquement de la responsabilité contractuelle, les clauses limitatives de
responsabilité seraient privées d’effet en cas de faute lourde ou dolosive. Elles seraient
également privées d’effet lorsqu’elles portent atteinte à l’obligation essentielle du
débiteur23. Enfin, s’agissant uniquement de la matière extracontractuelle, les clauses limitatives
de responsabilité ne sauraient recevoir application lorsque la responsabilité est fondée sur la
faute personnelle24 .

21
C. civil, art. 1170.
22
Ibid., art. 1281 al. 1.
23
Ibid., art. 1282.
24
Ibid., art. 1283.

10
CONCLUSION
Le principe de la réparation intégrale est un principe important en droit. Il permet
d'assurer une juste réparation du préjudice subi par la victime, et de rétablir l'équilibre entre les
parties. Cependant, ce principe connaît quelques limites, qui doivent être prises en compte par
le juge lors de l'évaluation du dommage, à savoir la réparation ne doit pas être excessive,
impossible ou inéquitable.

11
BIBLIOGRAPHIE

I. Ouvrages, articles et contributions

ALBERT (C.G.), « Les limites du préjudice juridiquement réparable », LegaVox, 2020.


BLANC (N.), LATINA (M.) et MAZEAUD (D.), Droit des obligations, 4éme éd., LGDJ,
2023.
CABRILLAC (R.), droit des obligations, Dalloz, Paris, 2012.
LEKOUISSI (L.), cours de la responsabilité civile.

PATRICE (J.), Les principes de la responsabilité civile, 6éme éd., Dalloz, 2003.
PHILIPPE (C.), MAISTRE (P.) et FOURNIER (S.), La responsabilité civile délictuelle.
Presses universitaires de Grenoble, 2015.

II. Textes de loi

Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes


d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.

Loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006 portant création d'un ordre national des infirmiers.

Code des assurances français.

Code civil français.

Dahir des obligations et contrats.

12
TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE ...............................................................................................................................

INTRODUCTION .................................................................................................................... 1

I. Le principe de la réparation intégrale............................................................................. 4

A. Le dommage corporel et matériel .................................................................................... 4

B. Le cumul d’indemnité par la victime .............................................................................. 5

II. Les limites d'indemnisation en matière extra contractuelle et contractuelle ........... 7

A. Les conditions tendant à priver la victime de la réparation intégrale des préjudices


subis ........................................................................................................................................... 7

1. Les limites du préjudice réparable propres aux victimes.................................................. 7

2. Les limites du préjudice réparable propres aux dommages ............................................. 8

B. Les clauses qui visent à limiter la réparation des dommages subis par les parties ..... 9

1. Les clauses de non responsabilité ...................................................................................... 9

2. Les clauses limitatives de responsabilité : ....................................................................... 10

CONCLUSION ....................................................................................................................... 11

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 12

13

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