Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Le concept de faute en responsabilité civile a évolué au fil du temps, émergeant sous l'influence
de la morale chrétienne au XVIIe siècle. Au Maroc, la responsabilité du fait personnel repose
sur la notion de faute, définie par le dahir des obligations et contrats. En France, tout fait causant
un dommage oblige à réparation. La faute est considérée comme une erreur de conduite,
impliquant une responsabilité subjective nécessitant la démonstration de la faute. La
responsabilité pour faute est distincte de la responsabilité objective. La charge de la preuve
incombe à la victime, et l'exercice légitime d'un droit ne constitue pas une faute, sauf en cas
d'abus de droit. La responsabilité du fait d'autrui repose sur le principe de responsabilité des
actes des personnes dont on doit répondre. La responsabilité du fait des choses est une
responsabilité sans faute prouvée, où le gardien de la chose est responsable du dommage causé,
sauf en cas de force majeure, cas fortuit, ou faute de la victime. En résumé, la faute joue un rôle
essentiel en tant que fondement de la responsabilité civile, mais d'autres formes de
responsabilité sans faute existent également.
La théorie de la responsabilité sans faute, initiée par Saleilles et Josserand, remet en question le
fondement de la responsabilité civile basée sur la faute. Selon cette approche, celui qui exerce
une activité créant un risque pour autrui est tenu de réparer le dommage, même en l'absence de
preuve de faute. Cette évolution, amorcée au XIXe siècle, répond aux lacunes de la
responsabilité basée sur la faute, offrant une alternative face à la difficulté des victimes à
prouver la faute. L'arrêt Teffaine de 1896 marque un tournant vers une responsabilité centrée
sur la victime plutôt que sur le responsable. Les théories du "risque-profit" et du "risque créé"
cherchent à attribuer la responsabilité à celui qui a bénéficié de l'activité génératrice de risque.
Ces approches transforment la responsabilité en contrepartie du gain économique issu de
l'activité dommageable. La théorie de la garantie, proposée par Boris Starck, explore l'idée de
garantie comme fondement de la responsabilité civile
B. La théorie de la garantie
La théorie de la garantie, formulée par Boris Starck, propose une vision novatrice de la
responsabilité civile. Elle repose sur la comparaison entre le droit à la sécurité de la victime et
le droit d'action de l'auteur du dommage. Starck souligne le droit fondamental à l'intégrité
physique et matérielle de chaque individu, privilégiant le droit à la sécurité. La réparation
dépend du type de dommage, permettant l'établissement de la responsabilité sans prouver une
faute en cas de préjudice corporel ou matériel. En cas de préjudice économique ou moral
découlant de la confrontation entre droits d'action, la réparation nécessite la démonstration d'une
faute. La garantie des droits essentiels constitue le fondement de la responsabilité civile, la
distinguant des systèmes d'indemnisation. La responsabilité civile découle de l'anormalité d'une
activité causant le dommage, avec la faute comme une hypothèse parmi d'autres. En somme,
elle implique la considération du dommage, du fait anormal, et l'identification du responsable
comme garant de la réparation envers la victime.
Exposé 2 : la faute lucrative
Le droit français démontre des faiblesses dès lors qu’une faute lucrative est commise
En droit français, la faute lucrative, bien que non formellement reconnue, désigne le
comportement immoral visant à tirer un bénéfice financier de la violation de la règle et de
l'éthique. Principalement délictuelle, elle concerne des entreprises agissant pour tirer profit de
l'effort d'autrui, prendre l'avantage sur un concurrent, ou poursuivre des objectifs égoïstes.
Initialement présente dans des domaines spécifiques tels que la vie privée, la concurrence
déloyale, ou la propriété intellectuelle, la faute lucrative prend de l'ampleur avec l'évolution
technologique et économique. Elle peut également s'appliquer en matière contractuelle,
notamment lorsque l'une des parties exploite un rapport de force déséquilibré. La faute lucrative
implique une intention calculée de l'auteur pour obtenir un gain, conduisant souvent les
tribunaux à prononcer des sanctions conséquentes au-delà de la réparation intégrale, soulignant
ainsi son caractère répréhensible.
La faute lucrative, définie doctrinalement par Boris Starck comme une faute qui, malgré les
dommages et intérêts payés, laisse à son auteur une marge bénéficiaire, souligne un résultat
économique favorable. D'autres juristes, tels que Monsieur Jourdain et Monsieur Mesa, mettent
l'accent sur l'intention du fautif et le profit subsistant. Des propositions législatives, telles que
l'avant-projet de réforme du droit des obligations (projet Catala) ou les recommandations du
Sénat, abordent la faute lucrative, soulignant son caractère délibéré et illicite. Monsieur Terré
propose l'introduction de la faute lucrative en droit civil, mettant l'accent sur l'élément
intentionnel. Bien que l'ordonnance portant réforme du droit des contrats ne mentionne pas
spécifiquement la faute lucrative, elle régule la réparation en cas de dol en précisant que les
dommages et intérêts ne doivent couvrir que les pertes et le gain manqué résultant directement
de l'inexécution du contrat.
B. L'AMENDE CIVILE
L'amende civile, considérée comme une véritable peine prononcée au profit du Trésor Public
en cas d'abus procédural ou d'initiative judiciaire dilatoire, émerge comme une alternative aux
dommages et intérêts punitifs, particulièrement dans le contexte des fautes lucratives. Elle se
présente comme une sanction préférable à l'amende pénale, offrant une flexibilité procédurale
et s'appliquant selon les principes du droit civil, tout en étant moins contraignante que le droit
pénal. Malgré son plafonnement, l'amende civile peut avoir une vertu dissuasive comparable
aux dommages et intérêts punitifs, tout en évitant les effets négatifs de ces derniers, notamment
en ne touchant pas au principe de la réparation intégrale du préjudice. Cette approche semble
particulièrement pertinente dans les domaines économiques tels que la concurrence déloyale,
où l'amende civile, versée au Trésor Public, évite à la victime de bénéficier d'un avantage
concurrentiel indu. Cependant, le choix entre l'amende civile et les dommages et intérêts
punitifs peut varier en fonction des circonstances spécifiques de chaque affaire.
Dans le cadre de la réparation des préjudices corporels et matériels, les dommages et intérêts
visent à compenser l'incapacité de travail, qu'elle soit temporaire ou permanente, en prenant en
compte divers éléments tels que la diminution de salaire, le préjudice d'agrément et les frais
supplémentaires engagés. Les tribunaux, malgré l'interdiction des barèmes officiels, élaborent
souvent des calculs basés sur des taux d'incapacité pour déterminer les indemnités. Concernant
les soins, la jurisprudence distingue entre les soins pénibles ou risqués, que la victime peut
refuser sans réduction des dommages-intérêts, et les soins jugés acceptables, dont le refus peut
constituer une faute entraînant une non-réparation du préjudice lié au refus. En matière de
dommage matériel, le principe de réparation intégrale vise à indemniser la remise en état ou le
remplacement d'un bien endommagé ou détruit. Cependant, des considérations telles que la
vétusté du bien et la limite des frais de remise en état par rapport au prix de remplacement sont
prises en compte pour éviter un enrichissement injustifié de la victime.
Le cumul d'indemnités pour la victime d'un dommage peut se produire lorsque plusieurs parties
sont responsables de la réparation. La victime peut être indemnisée par le responsable
civilement, la sécurité sociale, l'employeur, l'État ou une assurance volontaire. Toutefois, des
règles de non-cumul s'appliquent, notamment en cas de dommages aux biens, où l'assureur ne
permet pas à la victime de cumuler la somme versée avec l'indemnité due par le responsable.
En cas de dommages à la personne, la loi accorde un recours subrogatoire à certains organismes
pour des prestations spécifiques, mais ce recours s'exerce uniquement sur la part de l'indemnité
visant à réparer l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, excluant les préjudices moral,
esthétique et d'agrément. Une modification législative récente précise que le recours des tiers
payeurs s'exerce poste par poste, uniquement sur les indemnités réparant les préjudices à
caractère personnel. De plus, la priorité des droits de la victime sur ceux des tiers payeurs est
consacrée, permettant à la victime d'exercer ses droits contre le responsable pour ce qui lui reste
dû, malgré l'indemnisation partielle reçue du tiers payeur
Devant la diversité des dommages susceptibles de porter atteinte aux victimes, la cour de
cassation a un rôle central à jouer afin de diminuer, voire de lever les incertitudes en matière de
préjudice réparable. La responsabilité civile entend ainsi réparer intégralement les
conséquences du dommage subi par la victime, c’est-à-dire replacer cette dernière dans une
situation contrefactuelle, hypothèse selon laquelle, elle n’aurait jamais eu à subir le dommage.
Ce principe connaît cependant des difficultés d’application pratique, car ni la jurisprudence, ni
la doctrine ne définissent vraiment ce qu’est un dommage réparable
Les conditions limitant la réparation intégrale des préjudices peuvent être divisées en deux
catégories : celles liées aux victimes et celles liées à la nature du dommage. Concernant les
victimes, il est essentiel que le dommage soit personnel et direct. Cela implique que la victime
soit directement affectée par le fait générateur du dommage. Cependant, en cas de faute de la
victime, l'indemnisation peut être limitée. De plus, en responsabilité contractuelle, le dommage
doit être prévisible lors de la conclusion du contrat. La question de la faute de la victime directe
peut également influencer l'indemnisation des victimes par ricochet. En ce qui concerne les
limites liées à la nature du dommage, il doit être actuel, certain et évaluable. La perte de chance
est reconnue comme un préjudice réparable, mais son indemnisation est soumise à des
conditions strictes. En matière contractuelle, la réparation se limite au dommage prévisible
résultant de l'inexécution du contrat. En résumé, les conditions de réparation intégrale varient
en fonction des circonstances et peuvent être restreintes en présence de faute, de prévisibilité
limitée, ou d'autres considérations spécifiques à chaque situation.
B. Les clauses qui visent à limiter la réparation des dommages subis par
les parties
Les clauses de limitation de responsabilité dans les contrats se déclinent en deux types : les
clauses de non-responsabilité, visant à décharger une partie de sa responsabilité contractuelle,
et les clauses limitatives de responsabilité, qui cherchent à limiter le préjudice réparable en cas
d'inexécution contractuelle. Les clauses de non-responsabilité peuvent être considérées comme
illicites, mais même en leur présence, elles peuvent être annulées, permettant de rechercher la
responsabilité du co-contractant. En revanche, les clauses limitatives de responsabilité sont
autorisées en matière contractuelle, sauf en cas de faute lourde. Un projet de réforme envisage
d'étendre l'utilisation de ces clauses tout en imposant des limites, notamment pour les
dommages corporels et les fautes personnelles en responsabilité extracontractuelle.
Exposé 4 : La cause étrangère
La notion de cause étrangère n'est directement définie ni dans les législations française ni
marocaine, mais plutôt illustrée par des exemples. En France, la force majeure est utilisée
comme synonyme de cause étrangère en matière contractuelle, tandis que des exemples de
causes étrangères sont évoqués en matière extracontractuelle. Au Maroc, la cause étrangère
est exprimée comme une "cause qui ne peut être imputée" dans le contexte contractuel, avec
des exemples illustratifs. Sur le plan doctrinal, la cause étrangère est définie comme un
événement imprévisible, irrésistible et extérieur, englobant des faits tels que la force majeure,
le fait du tiers et le cas fortuit. Certains considèrent la force majeure comme distincte de la
cause étrangère, alors que d'autres la voient comme une manifestation de celle-ci. Certains
estiment que l'exonération est totale lorsque la cause étrangère revêt le caractère de force
majeure, tandis que d'autres considèrent que l'exonération ne peut être que partielle dans ce
cas
La cause étrangère, qu'elle se manifeste sous la forme de force majeure, de cas fortuit ou de
faute d'un tiers, impacte la relation contractuelle en engendrant une impossibilité d'exécution
d'une obligation. En cas d'impossibilité totale, l'obligation du débiteur est éteinte, le déchargeant
automatiquement de sa responsabilité, avec la possibilité de convenir d'un nouveau contrat par
accord mutuel. L'impossibilité totale entraîne l'extinction des obligations accessoires, le
transfert des droits relatifs au créancier, et l'application des règles du paiement de l'indu.
Lorsque l'impossibilité est partielle, la législation marocaine permet au créancier de choisir
entre l'exécution partielle ou la résolution totale de l'obligation, sauf si cela causerait un
préjudice. L'exonération de responsabilité du débiteur en cas de cause étrangère est consacrée
par l'article 268 du DOC au Maroc, prévoyant une exonération totale en présence de force
majeure, cas fortuit ou demeure du créancier. La question de l'exonération partielle reste
débattue, avec une évolution jurisprudentielle française en faveur de l'exonération totale depuis
1982.
En droit civil, la responsabilité civile du médecin découle de son obligation de fournir des soins
médicaux attentifs et consciencieux envers ses patients, plutôt que de garantir la guérison. La
responsabilité peut être engagée en cas d'inexécution des engagements contractuels ou de
violation des règles générales régissant la profession médicale. Les risques liés à l'exercice de
la médecine rendent les médecins susceptibles d'encourir des responsabilités, une notion
présente depuis des millénaires comme en témoigne le code d'Hammourabi. La rigueur de la
responsabilité médicale souligne l'importance pour les praticiens de respecter les normes
professionnelles afin d'éviter des conséquences juridiques
A. La faute médicale
La faute médicale, définie comme une défaillance d'un médecin normalement compétent
agissant dans les mêmes circonstances, englobe diverses formes telles que le refus de soigner
un patient, le défaut de consentement, la faute de diagnostic, l'omission d'information, la faute
dans l'intervention médicale, la chirurgie esthétique, la prescription du traitement, et la
surveillance post-opératoire. Au Maroc, la législation souligne la liberté du médecin tout en
imposant des restrictions, notamment en cas d'urgence. La responsabilité médicale varie en
fonction des spécificités de chaque situation, et la spécialisation d'un médecin est souvent prise
en compte, avec des attentes plus élevées envers les spécialistes. En somme, la faute médicale
peut résulter de plusieurs facteurs, nécessitant une évaluation attentive au cas par cas.
Les clauses limitatives de réparation sont des dispositifs insérés dans les contrats permettant
aux parties de restreindre la responsabilité en cas de non-respect des obligations contractuelles.
Ces clauses, relevant de la liberté contractuelle, peuvent prendre différentes formes, telles que
la clause de non-responsabilité ou la clause limitative de réparation fixant un plafond
indemnitaire. Leur inclusion dans les contrats vise à anticiper et gérer les litiges en établissant
par avance les compensations en cas de manquement. La rédaction de ces clauses nécessite une
attention particulière, et bien que le Code civil ne spécifie aucun formalisme, des conditions de
validité doivent être respectées, notamment l'absence de contournement des obligations
essentielles et l'absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Néanmoins, ces clauses peuvent être nulles si elles contreviennent à des dispositions
législatives, s'appliquent à des contrats avec des consommateurs ou en cas de faute lourde ou
dolosive.
Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité entre les parties peuvent voir leur
efficacité limitée de deux manières principales. Premièrement, la paralysie de ces clauses peut
résulter du comportement gravement fautif du débiteur ou de l'auteur du dommage, excluant
ainsi l'application de la clause lorsque la faute commise est particulièrement grave à l'origine
de l'inexécution du contrat ou du préjudice subi. Cette règle, toujours en vigueur, est essentielle
pour garantir la cohérence du régime des clauses relatives à la responsabilité. Deuxièmement,
certaines fautes, telles que la faute dolosive, assimilée à la faute lourde, ainsi que la faute
inexcusable dans certains droits spéciaux, ont le pouvoir de paralyser ces clauses. La nécessité
émerge de définir de nouveaux critères pour mieux distinguer ces fautes et de redéfinir les
comportements très graves, au-delà de l'exceptionnellement grave, afin de maintenir un
équilibre dans le régime des clauses de responsabilité.
Les clauses aggravantes de responsabilité visent à accroître les conséquences d'un manquement
contractuel en introduisant des sanctions plus sévères que celles prévues initialement dans le
contrat. Elles peuvent, par exemple, transformer une obligation de moyen en obligation de
résultat. Ces clauses permettent aux parties de définir des conditions de responsabilité plus
strictes que celles prévues par la loi, comme en cas de force majeure. En principe, leur validité
n'est pas remise en cause, car elles renforcent l'exécution rigoureuse des obligations
contractuelles. Cependant, des limites légales et des critères d'interprétation sont imposés pour
éviter les abus et garantir l'équité. Les clauses aggravantes influencent directement la
responsabilité des parties, entraînant des conséquences financières et juridiques plus lourdes en
cas de litiges, tout en agissant comme un mécanisme dissuasif pour assurer le respect des
engagements contractuels
Exposé 7 : La mesure de réparation
I. La mesure de réparation
Les principes de calcul des dommages-intérêts reposent sur quatre éléments fondamentaux.
Tout d'abord, la réparation dépend de l'ampleur du préjudice subi, et non de la gravité de la
faute commise. Ensuite, la victime doit recevoir une compensation intégrale pour son préjudice,
sans réduction du montant des dommages-intérêts en dessous du préjudice réellement subi. De
plus, le préjudice ne peut être indemnisé qu'une seule fois, même si l'assurance a été souscrite.
Enfin, les juges du fond ont un pouvoir souverain dans l'appréciation du montant des
dommages-intérêts, basé sur des règles établies mais sujets à leur appréciation. L'évaluation du
dommage peut concerner des aspects matériels, physiques, moraux, ou esthétiques, et peut
inclure des considérations professionnelles. La demande initiale de dommages-intérêts doit être
complète, et le tribunal est lié par cette demande lors de sa décision finale.
Le préjudice moral, également appelé préjudice immatériel, est un dommage qui ne touche pas
directement le patrimoine matériel d'une personne, mais affecte ses émotions et ses sentiments.
Il résulte généralement d'une atteinte à des droits extrapatrimoniaux, tels que la considération,
l'honneur, l'affection, ou d'une violation des droits fondamentaux d'une personne. Ce préjudice
accompagne souvent d'autres types de dommages, comme le préjudice financier ou corporel.
Sur le plan juridique, le préjudice moral est universellement reconnu et compensé dans le
cadre de la responsabilité civile. Au Maroc, l'article 77 du Code des obligations et contrats
établit ce principe, imposant la réparation du dommage matériel ou moral causé
volontairement à autrui. En France, bien que le préjudice moral ne soit pas défini de manière
spécifique, il est régulièrement reconnu par la jurisprudence comme les souffrances
psychologiques résultant d'un dommage corporel. La complexité réside dans l'évaluation
monétaire de cette souffrance subjective. Le préjudice moral peut affecter la victime directe,
mais aussi ses proches, englobant des pertes financières ou des atteintes aux sentiments
d'affection. Le cadre légal distingue le dommage corporel du préjudice corporel, ce dernier
représentant les conséquences à court, moyen ou long terme. En France, la loi du 5 juillet
1985 établit clairement cette distinction. Le préjudice moral peut également se manifester
par ricochet, touchant les proches de la victime. La jurisprudence française reconnaît la
possibilité d'indemniser les conjoints, enfants, parents, grands-parents, frères et sœurs, ainsi
que d'autres personnes non liées par le sang, mais impactées par le décès de la victime.
Le préjudice moral, en France comme au Maroc, revêt différentes formes selon qu'il affecte la
victime directe ou ses proches. Pour la victime directe, il peut se manifester sous trois formes
principales : le préjudice esthétique, reflétant les altérations physiques causées par un
événement dommageable ; le préjudice d'agrément, englobant la privation des activités de
loisirs et des plaisirs habituels de la vie ; et enfin le préjudice d'établissement, qui traduit la
perte de perspectives futures, notamment familiales, en raison d'un handicap grave. Pour les
proches de la victime, le préjudice moral prend la forme du préjudice d'affection, exprimant la
douleur émotionnelle causée par la perte d'un être cher, et du préjudice d'accompagnement, qui
indemnise la souffrance morale endurée en voyant un proche gravement blessé. Ces
distinctions, établies par la jurisprudence et les textes de loi, visent à évaluer et à réparer les
souffrances psychologiques résultant de situations traumatisantes.
La reconnaissance et l'indemnisation du préjudice moral ont suscité des débats et révélé des
limites, tant en France qu'au Maroc. La complexité d'évaluer les souffrances émotionnelles et
psychologiques a conduit à des réticences, notamment en France, où la jurisprudence a
longtemps considéré que certaines peines ne pouvaient être compensées financièrement. Les
tribunaux marocains ont également montré une réticence similaire, exigeant des preuves
tangibles. Toutefois, une évolution positive s'observe, notamment dans la reconnaissance du
préjudice moral pour les personnes morales et les victimes directes. La jurisprudence française
a élargi cette reconnaissance, reflétant une meilleure prise en compte des souffrances morales,
bien que l'évaluation demeure complexe, mêlant des considérations objectives et subjectives
ainsi qu'une analyse du lien entre la faute commise et la souffrance de la victime.
La réparation par équivalent pécuniaire consiste à allouer une somme d'argent en compensation
du préjudice, lorsque la réparation en nature est impossible. Cette méthode est souvent utilisée
pour les dommages écologiques, même si évaluer ces dommages et déterminer le montant de
la compensation sont des défis. Le préjudice écologique pur, en particulier, pose des problèmes
car l'environnement n'a pas de valeur monétaire intrinsèque. Malgré ces difficultés, la réparation
pécuniaire est fréquemment ordonnée par les tribunaux, notamment en l'absence d'alternatives.
Au Maroc, la loi relative à la protection de l'environnement encadre également cette forme de
réparation.
Exposé 10 : le préjudice matériel
Le préjudice matériel, également appelé pécuniaire, patrimonial ou économique, est celui qui
peut être évalué directement en termes monétaires. En responsabilité contractuelle et
délictuelle, il englobe à la fois la perte subie (damnum emergens) et le gain manqué (lucrum
cessans). Ce type de préjudice comprend les dommages directs tels que les dégâts matériels, les
pertes d'exploitation, les frais médicaux, et les pertes de revenus. De plus, il peut inclure les
gains perdus, comme les opportunités commerciales manquées. Il convient de distinguer le gain
manqué de la perte d'une chance, cette dernière étant une opportunité perdue probable, alors
que le gain manqué est une perte certaine.
Le préjudice matériel peut affecter directement les victimes ou se manifester par ricochet,
touchant ainsi des tiers liés à la victime directe. La notion de préjudice direct implique une
relation causale claire entre le fait dommageable et le préjudice subi. Les personnes
indirectement affectées, comme les membres de la famille ou les associés de la victime directe,
peuvent également réclamer des dommages-intérêts. La certitude du préjudice est essentielle
pour qu'il soit réparable : le dommage doit être actuel ou futur certain, et non simplement
éventuel. La preuve de l'existence et de l'étendue du préjudice est nécessaire, avec une attention
particulière à la causalité entre le fait dommageable et le préjudice.
L'évaluation pécuniaire du dommage en droit civil est généralement facilitée par la présentation
de factures ou de reçus pour les dépenses engagées, que ce soit pour la réparation ou le
remplacement d'un bien, ou pour compenser la perte de salaire due à une absence au travail. Le
principe de la réparation intégrale, indépendant de la faute du responsable, vise à indemniser la
victime de manière totale, même en présence de prédispositions pathologiques. En cas
d'indemnisation par des tiers, seules les prestations indemnitaires sont déduites de l'indemnité
due par le responsable, tandis que les prestations forfaitaires peuvent être cumulées avec
l'indemnisation complète du dommage. Les tiers payeurs ont un recours limité contre le
responsable, récupérant uniquement les sommes versées pour les préjudices réparés par les
prestations. Cependant, des incohérences persistent dans le traitement des différents tiers
payeurs en matière de recours, selon la nature des prestations versées.
Exposé 11 : le préjudice corporel
Le dommage corporel, constituant l'une des catégories de dommages reconnues en droit civil,
se définit comme toute atteinte à l'intégrité physique d'une personne, englobant les blessures,
souffrances physiques, préjudices esthétiques, etc. En droit français, sa délimitation est clarifiée
par la loi, notamment celle du 5 juillet 1985 et du 9 septembre 1986, qui distingue les dommages
corporels des autres dommages. Au Québec, sa prise en charge est rigoureusement encadrée,
avec une impossibilité d'exclure sa responsabilité contractuelle et une prescription fixée à 3 ans.
Les victimes directes, atteintes physiquement, ainsi que les victimes indirectes, telles que les
proches affectés, ont droit à une réparation. Le dommage corporel doit être actuel, personnel et
direct, impliquant une existence effective au moment de l'action en justice, une lésion
personnelle, et une relation de causalité directe avec l'infraction.