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Master juriste d’affaires (M1)

Module : Droit de la responsabilité civile

L’évolution de la responsabilité civile

Réalisé par : Sous l’encadrement de :


Kenza IDRISSI BOURHIM Pr Ahmed EL HAJJAMI
Khaoula KECHACHE

Année universitaire : 2022/2023

1
Plan

Introduction

Chapitre 1 : L’évolution de la responsabilité civile à travers les fondements

Section 1 : La théorie subjective comme fondement de la responsabilité civile

A. Le contenu de la théorie subjective (la faute)


B. Les insuffisances et les faiblesses de la théorie subjective

Section 2 : L’objectivisation de la responsabilité civile

A. La théorie du risque
B. L'élargissement de l’évolution d'une responsabilité objective ( La garantie
et la précaution )

Chapitre2 : Les aspects évolutifs des régimes de la responsabilité civile

Section 1 : Les régimes généraux de la responsabilité civile

Section 2 : Les régimes spéciaux de la responsabilité civile

A. La responsabilité civile environnementale


B. La responsabilité du fait des produits défectueux

Conclusion

2
Introduction

« Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité » V. HUGO.

S’agissant d’un adage qui a mis au point la relation entre la liberté et la responsabilité. Il est
notable que l’homme est, en principe, libre dans sa vie quotidienne, mais cette liberté ne doit
en aucun cas nuire aux autres. Dès que la personne cause un dommage à autrui, elle s’en
trouve responsable. C’est dire que l’homme doit réparer ledit dommage. Mais, cette réparation
n’est pas toujours obligatoire1. A cet égard la question qui s’impose est celle de savoir quand
est-ce que l’homme est obligé de réparer ?

C’est la réponse à cette question qui a donné lieu à l’évolution du domaine de la


responsabilité civile. La chose qui a suscité un débat profondément et durablement
controversé sur les fondements de ladite responsabilité.

Afin de pouvoir engager la responsabilité d’une personne, trois conditions sont nécessaires,
premièrement l’existence d’un dommage ou d’un préjudice, ensuite l’existence d’une faute
qu’elle soit volontaire ou non et finalement l’existence d’un lien de causalité entre la faute et
le dommage. Lorsque ces conditions sont toutes réunies, la responsabilité civile entrainera la
naissance d’une obligation de la part de l’auteur du préjudice, l’obligation de réparer le
préjudice physique, matériel ou moral subi par la victime et qui s’effectuera, en général par
l’octroi de dommages-intérêts2.

Il convient de revenir sur la période antérieure au code civile et DOC pour comprendre
comment celui-ci a révolutionné le droit de responsabilité. En effet sous le droit romain, la
vengeance était privée. La victime ou ses proches vengeaient pour apaiser leurs souffrances et
pour punir le coupable. La responsabilité était donc un remède en même temps qu’une
punition et il n’y avait aucune différence entre responsabilité pénale et civile. Il faut voir que

1
- J. FLOUR, JL. AUBERT, E. SAVAUX, « DROIT CIVILE, les obligations : 2.le fait juridique », 9eme édition, DELTA,
2001, P. 59.
2
Professeur AGOURRAM, responsabilité civile.

3
la responsabilité dans les deux cas cités était une responsabilité objective pour apaiser les
victimes et non juger une conduite morale.

Le droit romain était un droit de délits spéciaux, ce qui signifie que les préjudices n’étaient
réparés que si la loi accordait une action. En outre, la réparation du préjudice et la punition de
l’auteur du dommage n’étaient pas véritablement distinguées. Souvent, la loi du talion (œil
pour œil, dent pour dent) était appliquée, de manière obligatoire ou au choix de la victime. Par
comparaison, notre droit connaît aujourd’hui une clause générale de responsabilité (tout
dommage est susceptible d’être réparé), et essentiellement réparateur. Progressivement, après
la redécouverte du droit romain au XIe siècle, les auteurs en sont venus à forger la distinction
entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale, et ont formulé un principe général de
responsabilité civile3.

La codification napoléonienne a consacré la séparation de la responsabilité civile et la


responsabilité pénale. C’est suite à la révolution qu’un double mouvement s’opère. D’une part
en 1795 le code des délits et des peines, la responsabilité civile se détache et se distingue de la
responsabilité pénale. Le code civile institutionnalise la responsabilité civile en prenant
comme principe que tout dommage doit donner lieu à réparation. D’autre part ce dualisme va
être confirmé par l’existence même de deux code : le code civil et par le code pénal.

Au Maroc, comme dans tous les pays musulmans, la seule et unique base légale était le «
Coran » et « La Sounna », c'est ainsi que la religion islamique a prévu le « Kissas » comme
punition en cas de crime intentionnel, surtout que la pratique de la vengeance était un fléau
inéluctable dans les histoires du temps passé par application de l'adage «œil pour œil et dent
pour dent » Le D.O.C et le code civil français consacrent la faute comme fondement privilégié
de la responsabilité civile, sauf que ce fondement a connu une grande évolution, transformant
le droit de la responsabilité tout entier et ce , par l'apparition de d'autres formes de
responsabilité par le passage d'une responsabilité basée sur la faute à une responsabilité sans
faute.

Dans le même ordre d’idées, on trouve que la responsabilité civile englobe deux variantes :
l’une est contractuelle et l’autre délictuelle appelée aussi « responsabilité
extracontractuelle » ; Elle est contractuelle si le dommage causé résulte de l'inexécution d'un
contrat liant le responsable et la victime et on parle de responsabilité délictuelle lorsque le
dommage résulte d'une faute intentionnelle, c'est-à-dire s'il est causé volontairement, et de

3
-F.TERRE,P.SIMLER,Y.LEQUETTE ,F.CHENEDE,les obligations , Dalloz, 2019

4
responsabilité quasi délictuelle s'il résulte d'une faute non intentionnelle (imprudence,
négligence, maladresse, inattention…) ou du fait d'une personne (enfant, salarié) ou d'une
chose dont on doit répondre.

Dans l'ordre juridique, la responsabilité civile (délictuelle ou contractuelle) se distingue de la


responsabilité pénale qui désigne la personne devant répondre des dommages causés, non plus
à des individus, mais à la société tout entière. Ces dommages « sociaux » sont érigés par la loi
en infractions. En revanche, la responsabilité administrative n'est qu'une forme particulière de
responsabilité civile qui oblige l'administration et les établissements publics au lieu de viser
des personnes privées4.

De même, il est à distinguer entre cette responsabilité et l’assurance et spécialement de


l'assurance de dommage qui tend également à l'indemnisation des victimes et représente une
alternative à la responsabilité civile. Mais tandis que l'assureur est totalement étranger au
dommage, le responsable entretient nécessairement avec celui-ci une relation plus ou moins
étroite, même s'il n'en est pas l'auteur.

De manière générale, on pourrait définir le droit de la responsabilité civile comme étant le


droit qui regroupe l’ensemble des règles régissant l’obligation qui incombe à l’auteur d’un
dommage causé à autrui de le réparer5. En effet, le but primordial de la responsabilité civile
consiste dans la protection de l’intérêt privé de la victime. Contrairement à la responsabilité
pénale ayant pour objectif la protection de l’intérêt général de la société.

L’intérêt de notre sujet réside dans l’étude de processus d’évolution de la responsabilité civile,
cette dernière cherche toujours à obtenir des solutions juridiques susceptibles de réparer les
dommages dans les cas où les règles générales classiques n’arrivent pas à réparer lesdits
dommages et surtout les cas où il est difficile de prouver la faute.

Sur ceux une problématique essentielle peut être révélée :

Dans quelle mesure l’évolution de la société et du progrès technologique ont contribué à


l’amélioration du droit de la responsabilité civile ?

Pour pouvoir répondre à cette problématique, il convient de traiter dans un premier lieu
l’évolution de la responsabilité civile à travers les fondement (chapitre I) , et de mettre
l’accent dans un second sur les aspects évolutifs de ladite responsabilité (chapitre II).

4
- P. JOURDAIN, , les principes de la responsabilité civile, Dalloz, 2007, P. 02.
5
M. HAUTEREAU-BOUTONNET, « Responsabilité civile environnementale », Dalloz, 2020, P. 09.

5
Chapitre 1 : L’évolution de la responsabilité civile à travers les
fondements

La responsabilité civile est l’obligation de répondre des conséquences dommageables de son


comportement. Que le dommage soit causé par un médecin, par un enfant, un proposé, le droit
de la responsabilité a vocation à s’appliquer.

Cette responsabilité revêt un caractère très important en théorie sur l’organisation sociale car
elle permet de délimiter le domaine du licite et de l’illicite. Quand peut-on agir impunément et
quand doit-on répondre de ces actes dommageables.

Pour analyser l’évolution de la responsabilité civile, nous allons étudier dans la première
section la théorie subjective comme fondement de la responsabilité civile. Alors que, la
seconde section sera réservée à l’analyse de l’objectivisation de la responsabilité civile.

Section 1 : la théorie subjective comme fondement de la responsabilité civile

La théorie de la faute est considérée comme étant le premier fondement sur lequel la
responsabilité est fondée. Il s’agit d’une responsabilité qui tient en compte les considérations
personnelles (subjectives) et non objectives, et ce en présence de la faute. Si de celui-ci cause
un préjudice à autrui, son auteur se trouve obligé de le réparer. Dans cette section, nous allons
traiter le contenu de la théorie subjective (A) et l’insuffisance de celle-ci (B).

A. Le contenu de la théorie subjective (la faute)

La faute n’est pas considérée seulement comme une condition essentielle de la responsabilité,
mais également le fondement sur lequel elle se fonde. Elle doit être obligatoirement prouvée
comme le cas de la responsabilité fondée sur le fait personnel ou la faute présumé comme le
cas de la responsabilité fondée sur le fait d’autrui ou le fait des choses. Sachant que le
fondement de la responsabilité dans tous les cas est la faute. Cela signifie que la
responsabilité, selon cette théorie, repose toujours sur la faute.

6
Cette théorie, dont elle suppose une faute au chef de l’auteur du dommage 6, ne peut constituer
que la conséquence d’une philosophie générale du courant individualiste qui régnait dans une
période donnée, attendu que la protection de l’individu et de sa volonté consiste à ne pas faire
des actes fautifs. C’est-à-dire que l’homme ne peut être poursuivi pour réparer un dommage
causé à autrui en l’absence d’une faute et en ne dépassant pas le cadre de ses droits. C’est ce
qui explique, en effet, l’irresponsabilité d’une personne dépourvue de discernement à cause de
l’absence d’une volonté saine.

En effet, à cette expression de responsabilité fondée sur la faute, on substitue parfois celle de
responsabilité subjective, en entendant que, pour dire si celle-ci est engagée ou non dans telle
ou telle circonstance, il faut d’abord porter un jugement de valeur sur la manière dont le sujet
de droit, auteur du droit, s’est comporté. Par opposition la responsabilité sans faute est dite
« objective » ,la formule « responsabilité subjective » est d’ailleurs assez mal choisie. Pour
juger si l’auteur a commis une faute, on compare, en effet sa conduite à celle qu’aurait eue un
homme normalement prudent et diligent- référence abstraite et, par conséquent, objective- de
surcroit, sans se soucier de la faculté de discernement di sujet- ce qui fait de la faute elle-
même une notion objective. Il est donc préférable de parler de responsabilité fondée sur la
faute7.

B. le déclin de la faute

Si la théorie subjective de la responsabilité civile a persisté pour une longue durée, l’évolution
accompagnée de la révolution industrielle ayant dominé la vie contemporaine a participé dans
le développement des risques, la chose qui a rendu difficile la détermination de l’auteur du
préjudice ; est-ce que le dommage en question relève du fait de l’homme ou des machines,
sans oublier les revendications de la société civile basé sur le principe de la démocratie.

C’est exactement dans cette période qu’un nouveau principe a vu le jour à savoir ; « là où il y
préjudice, il y a réparation ». En fait, la nouvelle situation (le progrès technologique) s’impose
sur la réalité de la responsabilité civile qui se trouvait censée de changer ses mécanismes pour
répondre à ce changement, c’est pour cette raison que l’idée de la faute était conçue comme
incapable de réparer tous les dommages. D’où l’apparition d’un nouveau courant qui
revendique d’autres fondements de la responsabilité autre que la faute.

6
B. BOUCKAERT, « RESPONSABILITE CIVILE : subjective ou objective », centre international de recherche sur les
problèmes de l’Environnement, 1987, P. 1.
7
J. FLOUR, OP.CIT, P. 63.

7
En fait, la responsabilité civile fondée sur la faute apparaissait totalement incapable pour la
protection des victimes dont le nombre a été massivement augmenté avec l’accroissement des
risques. la chose qui a poussé la doctrine à essayer d’élargir le domaine de la responsabilité à
travers l’allègement des conditions requises pour que les victimes puissent obtenir la
réparation du préjudice subi. Ainsi, les effets de ce mouvement, qui s’étalaient tout au long du
20ème siècle, entrainaient l’émergence de nouveaux phénomènes tels le partage de la
responsabilité et l’objectivisation de la responsabilité. Cela dit que la nature de la
responsabilité, qui a été purement objective, se transformait en une responsabilité de nature
objective.

Section 2 : L’objectivisation de la responsabilité civile

La responsabilité fondée sur la faute suffisait en 1804 parce que, dans les conditions
économiques d’alors, l’homme diligent causait peu de dommages, ou n’en causé, et de gravité
accrue, par des moyens techniques plus puissants et plus difficilement maitrisables sont mis à
leur disposition.

S’agissant d’une idéologie nouvelle ; la nouvelle situation matérielle, que l’on vient d’évoquer
a eu un écho sur le plan idéologique, là se trouve la seconde raison pour laquelle les règles du
code ont été estimées insuffisantes

Ceux qui sont particulièrement exposés aux accidents dus au machinisme nouveau sont plus
nombreux que ceux qui les causent ; et ils se trouvent dans une situation économique et
sociale inférieure, plus largement, dans une situation de faiblesse : qui sont les ouvriers,
piétons.

Dans cette optique, l’accident était devenu un synonyme de misère et la nécessité d’établir
l’existence d’une faute prouvée à l’origine du dommage, laissait souvent les victimes en
situation de faiblesse. « accident corporel signifie misère »8.

Pour cela, il convenait d’assigner à la responsabilité un autre fondement que la faute.

Ce fut la théorie du risque, de la garantie et le principe de précaution.

A. la théorie du risque :

Apparue à la fin du XIXème siècle, la théorie du risque a connu une vogue et exercé une
influence qui ne l’ont cependant pas mise à l’abri de toute critique, en tant du moins qu’il

8
G. VINEY « introduction à la responsabilité du droit civil », édition LGDG et ALPHA, 4ème édition, 2019. P. 49.

8
s’agirait- comme c’était le dessein de ses premiers partisans- d’en faire un principe unique et
absolue de responsabilité .

En effet ladite théorie a été mise en lumière à cette époque par SALEILLES puis développée
par JOSSERAND au début du XXe siècle. Selon JOSSRAND, dans une société plus
industrialisée, les accidents prennent un caractère anonyme. Le développement de l’industrie
était à l’origine de nombreux événements dont il est très difficile, voire impossible, de
déterminer la cause précise, et notamment, de déceler s’ils sont dus à une faute.

Pour substituer le risque à la faute comme fondement de la responsabilité trois idées –


voisines certes, mais néanmoins distinctes-ont été développés :

La première est celle du risque créé : Lorsqu'un individu introduit un danger dans la vie
sociale cela doit être à ses risques et périls, non aux risques et périls d'autrui. Toute activité à
risques dommageable, même non fautive, doit donc être génératrice de responsabilité. Ainsi
en est-il, tout particulièrement, pour les accidents de travail et les accidents de la circulation: à
dangers nouveaux, responsabilités nouvelles.

La seconde idée est celle du risque-contrepartie du profit. L'homme recueille les bénéfices
de son activité; il doit, par réciprocité, en supporter les charges selon l’adage : là où il y a
l’émolument (gain), là doit être la charge.9. Cette théorie a sans conteste inspiré la loi sur les
accidents de travail. Exemple : lorsqu’un accident de travail survient, l’employeur a
l’obligation de réparer le dommage causé à la victime employée. Le travail profite à
l’employeur donc il doit en répondre. Le risque est en quelque sorte la contrepartie du profit
retiré.

L'une et l'autre raisons conduisent à dénoncer l'exigence de la faute, en tant que condition de
l'obligation à réparation, comme une survivance injustifiée de la confusion entre
responsabilité civile et responsabilité pénale. Celle-ci doit demeurer subjective, car on ne peut
punir que celui qui a démérité. Celle-là doit devenir objective, car elle a pour seule fin
d'indemniser. Dans l'attribution du dommage, il y a un choix à faire entre auteur et victime. Il
est juste d'en faire peser la charge sur le premier, qui a agi et cherché un bénéfice, plutôt que
sur la seconde, qui n'a rien fait. C'est également conforme à l'intérêt social: la menace d'une
responsabilité plus large préviendra ou modérera les activités dangereuses.10

9
Là où (est) l’avantage, là doit être la charge
10
J. FLOUR, JL. AUBERT, E. SAVAUX, « DROIT CIVILE, les obligations : 2.le fait juridique », 9eme édition, DELTA,
2001, P.79.

9
A cela s’ajoute la théorie mixte : risque et faute, la nécessité d’un mariage entre faute et
risque paraissant conforme aux données positives (lois et jurisprudence), deux conceptions
principales en découlent :

1) Pour certains auteurs (SAVATIER, CARBONNIER et LE TOURNEAU), la faute reste la


source principale de la responsabilité. Le risque n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsque
l’équité exige de venir au secours de la victime.

2) Pour JOSSERAND et pour beaucoup d’auteurs, la responsabilité civile a deux pôles


d’attraction : la faute et le risque ; il n’y a pas de prééminence de l’une sur l’autre ; ils se
trouvent sur le même plan. Ces deux conceptions se heurtent à de nombreuses objections. La
première nécessité que l’on retrouve aucune faute de l’auteur à l’origine du dommage. Or,
dans plusieurs cas le dommage peut être causé par deux ou plusieurs auteurs.11

Vu dans cette perspective, le problème de la responsabilité n'est plus un problème moral,


d'appréciation d'une conduite humaine. Il devient un problème scientifique, de causalité. Celui
qui a causé un dommage du fait d'une activité à risques est, à cette seule condition, tenu de le
réparer.

B. L'élargissement de l’évolution d'une responsabilité objective : La

garantie et la précaution.

 La théorie de la garantie

L'idée essentielle de la théorie de la garantie est d'inverser la perspective à partir de laquelle


on fonde la responsabilité.12

En effet ,On a toujours recherché le fondement de la responsabilité dans la conduite de


l'auteur au dommage. C'est une évidence dans le système de la faute, ou l'obligation de apater
est précisément justice par le comportement de l'auteur du dommage cela reste vrai dans le
système du risque , ou la même obligation et rattachée à l’exercice d’une activité génératrice
de profit ou créatrice de dangers .

Or, ce qui est essentiel, selon STARCK, c'est le dommage subi par la victime ou, plus
précisément, l'atteinte portée à un de ses droits, qui, à elle seule, légitime une protection : une
garantie juridique. Mais le droit de la victime ne doit pas méconnaitre le droit d’agir reconnu à

11
A.Bamdé et J.Bourdoiseau, l’imputabilité de la faute en matière de responsabilité du fait personnel.
12
STARCK, Essai d'une théorie générale de la responsabilité civile, considérée en sa double fonction de garantie
et de peine privée, thèse Paris. 1947

10
l’auteur. Droit à la sécurité et droit d’agir entrent ainsi en conflit. Pour le résoudre, B.
STARCK opère une distinction entre le type de dommage causé. Le droit d’agir l’emporte
quand le dommage est de nature économique ou moral. La responsabilité n’est alors engagée
qu’en cas de faute de l’auteur. Il s’agit de droits de nuire consacrées par le droit positif. Les
dommages sont d’une certaine façon nécessaire

Lorsque les dommages ne comportent pas ce caractère de nécessite, lorsqu’il est possible
d’agir sans les causer, le droit à la victime va prévaloir et justifier la responsabilité de l’auteur.
Tel est le cas des dommages matériels ou corporels (les accidents de circulation où « le
permis de conduire n’est pas un permis de conduire n’est pas un permis de tuer »).

Cette théorie a essayé de donner plus de cohérence au droit de la responsabilité civile : le


dommage matériel et le dommage corporel donnent lieu à réparation sans faute, en vertu du
droit à la sécurité.

Le dommage économique ou moral exige une faute prouvée de l’auteur en vertu du droit
d’agir.

En effet, la théorie de la garantie peut être schématisée en deux propositions :

 Le dommage matériel et le dommage corporel donnant lieu à réparation,


indépendamment de toute recherche de la faute, en vertu des droits à la sécurité
reconnus à la victime.
 La réparation du dommage purement économique ou morale est subordonnée à la
preuve d’une faute commise par l’auteur, ce dernier étant jusque-là à l’abri de
toute responsabilité en vertu du droit d’agir qui lui est reconnu.13
 Principe de précaution :

C’est de manière beaucoup plus limitée, pour faire face aux risques de dommages graves et
irréversibles en matière d’environnement, particulièrement –qu'’un autre auteur, empruntant
largement la réflexion philosophique moderne , a plaidé pour la reconnaissance d’une
« responsabilité préventive »14 .

Contrairement à la responsabilité juridique classique, qui se préoccupe d'imputer des actes


déjà accomplis et de réparer les dommages qui en sont effectivement résultés, il s’agit t d'une

13
J. FLOUR, JL. AUBERT, E. SAVAUX, op,cit p88-89 .
14
THIBIERGE « libre propos sur l’évolution du droit de la responsabilité (vers un élargissement de la fonction de
responsabilité civile ? », 1999, P. 561.

11
responsabilité tournée vers l'avenir, rendant l'homme garant de la préservation de son milieu
et du bien-être des générations futures.

Le principe serait alors un instrument de gestion des risques suspectables. La responsabilité se


verrait ainsi confier une mission nouvelle d'anticipation, d’évitement.

Le but du principe de précaution est ainsi d’obliger quiconque le peut à déployer tous les
moyens pour enrayer par avance ce genre de risques. Cette obligation n’est subordonnée qu’à
deux conditions : l’importance des dommages (« graves et irréversibles ») qui pourraient
découler de la réalisation du risque ; le caractère raisonnable (« économiquement acceptable»)
du coût des mesures susceptibles de prévenir la réalisation de ce risque.

Concrètement, cette « réorientation » se traduirait par une densification des devoirs imposés
aux professionnels dont les activités et les produits sont potentiellement risqués pour la santé,
la sécurité et l’environnement.

D’une part, en vertu d’une obligation de vigie ou de veille, les professionnels, créateurs de
risques susceptibles, seraient d’abord tenus de « tenter de détecter tout ce qui peut alerter sur
un danger, non encore établi, ni même probable, mais déjà potentiel ». Pour ce faire, il leur
faudrait donc s’informer eux-mêmes sur les dangers potentiels inhérents à leurs activités.
Enfin, dans l’hypothèse où ils apprendraient l’existence potentielle d’un risque grave pour la
santé, la sécurité de l’homme ou son environnement, ils seraient alors tenus, par une
obligation d’alerte, de prévenir les pouvoirs publics pour que ceux-ci puissent diligenter les
mesures appropriées pour neutraliser ce risque potentiel.

D’autre part, ces professionnels seraient astreints à une très rigoureuse obligation
d’information et de mise en garde sur ces simples risques susceptibles à l’égard des
contractants ou des tiers qui y sont exposés. C’est, ensuite, une obligation de suivi qui
s’imposerait aux créateurs de tels risques et qui les obligerait à suivre avec la plus grande
attention l’évolution des connaissances scientifiques et techniques relatives au risque
potentiel, par le biais de procédures de contrôle permanentes et d’expertises régulières, pour
anticiper les conséquences dommageables. Enfin, prolongement du devoir précité, une
obligation de retrait des produits d’ores et déjà commercialisés s’imposerait lorsque
l’éventualité du risque se préciserait.15

15
Youri MOSSOUX, L’APPLICATION DU PRINCIPE DU POLLUEUR-PAYEUR A LA GESTION DU RISQUE
ENVIRONNEMENTAL ET A LA MUTUALISATION DES COUTS DE LA POLLUTION, Lex Electronica, vol. 17.1
(Été/Summer 2012).

12
L’application du principe de précaution conduirait donc à sanctionner une faute de précaution
qui constituerait un instrument juridique nouveau, spécifique et particulièrement approprié à
l’indemnisation des risques sériels d’ores et déjà subis.

La réalisation d’un dommage n’y est plus en effet une condition essentielle. La responsabilité
sanctionne la négligence quant aux mesures qui devaient être prises pour éviter le dommage et
non le dommage lui-même.

13
Chapitre 2 : les aspects évolutifs des régimes de la responsabilité
civile

Le droit positif de la responsabilité sans faute s’est développé, il constitue une responsabilité
objective ou de pleins droits indépendants de toute considération psychologique et morale,
reposant sur un rapport de causalité purement matériel entre le dommage et son auteur. Quand
la jurisprudence de l'époque : elle était très influencée par celle française consacrée avant
l'intervention de la loi de 9 Avril 1898, les tribunaux donnaient une interprétation différente
des dispositions de l'art749 du D.O.C se fondant sur une présomption de responsabilité,
exonérant l'employé de la preuve de la faute de l'employeur, ce dernier ne peut écarter sa
responsabilité que s'il démontre : qu'il a fait tout ce qui était nécessaire afin d'empêcher le
dommage et que celui-ci dépendait, soit d'un cas fortuit, soit d'une force majeure, soit de la
faute de celui qui en est victime ;et ce ; par application de l'article 88 .16

Section 1 : Les régimes généraux de la responsabilité civile

Ces régimes sont là pour répondre si la victime doit, ou non, prouver la faute, et sur le
caractère que doit présenter le fait dommageable qui est l’événement humain ou non humain
qui a été à l’origine du dommage. Toute la question est de saisir qu’elles sont les conditions
que doit remplir ce fait dommageable pour entrainer la responsabilité. Par conséquent, une
personne peut engager sa responsabilité civile pour un dommage qu’elle a personnellement et
directement causé (I) et elle peut engager sa responsabilité pour un dommage causé par une
autre personne (II) et enfin une personne peut engager sa responsabilité pour un dommage
causé par l’utilisation d’une chose (III)

I- RESPONSABILITE DU FAIT PERSONNEL :

Elle est réglementée par les articles 77 et 78 du DOC, la caractéristique essentielle de cette
responsabilité est fondée sur la faute, l’article 78 dispose que la faute consiste soit à omettre
ce dont on était tenu de faire, soit à faire ce dont on était tenu de s’abstenir.

Cette notion de faute suppose trois éléments, à savoir ;

 Un comportement

16
Master de Droit privé général Dirigé par le professeur Laurent Leveneur 2020 Les conventions sur la
responsabilité civile extracontractuelle Auteur : Manon ZYCH Sous la direction du professeur Jean-Sébastien
Borghetti

14
 Illicite
 Un comportement illicite imputable à son auteur .

La faute est un comportement : Les articles 77 et 78 édictent un principe général de


responsabilité par faute ; soit volontaire, soit involontaire. Dans les deux cas, le régime de la
responsabilité est le même, en principe peu importe la gravité de la faute, l’effet est le même.
Le dommage doit être entièrement réparé17.

En effet deux comportements susceptibles de constituer une faute, à savoir, la faute par
commission et la faute par omission18.

Le comportement illicite : Le comportement doit être illicite, lorsqu’il révèle une intention
de nuire et lorsque ce comportement viole une règle légale précise, ou en cas d’abus de droit.

Il y a faute, chaque fois que l’agent enfreint une loi ou un règlement qui peut être ; pénal,
administratif ou une règle d’origine morale.

L’imputabilité du comportement : En principe, la faute suppose la faculté de discernement


au si peut-on considérer comme responsable, quelqu’un qui n’était par conscient de ses actes,
la règle en droit marocain est prévue par les articles 96, 97, et 93.19

II-RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI :

Le législateur marocain a appliqué une théorie plus favorable à la victime en lui exonérant du
fardeau de la preuve. C’est dire que le demandeur d’une réparation n’est pas obligé de
prouver la faute du défendeur car ladite faute est présumée.

Le particularisme de ce régime propre de droit civil et qu'il va faire supporter la réparation des
dommages causés à la victime à une personne qui ne les a pas commis. C'est la responsabilité
du fait d'autrui.

La jurisprudence va donner à cette responsabilité le même rôle de responsabilité de plein droit


sans faute qu'en matière de responsabilité du fait des choses. Cette tendance a été lancée avec
l'arrêt Blieck le 29 mars 1991, qui pose le principe général de responsabilité du fait d'autrui.La
responsabilité de plein droit s'est ensuite étendue.

17
Art 98 du DOC.
18
Art 98, al 3.
19
https://www.juristudes.com/2018/08/les-differents-regimes-de_10.html

15
L’article 85 du D.O.C énumère les cas dont lesquels peut exister une responsabilité du fait
d’autrui à savoir :

 La responsabilité des parents du fait de leurs enfants :

Avant, les parents étaient considérés comme fautifs en cas de dommages causés par leurs
enfants mineurs car il était considéré que ceux-ci avaient mal surveillé ou éduqué leur enfant.

En cas de preuve du contraire, leur responsabilité était écartée. Maintenant, allant dans le sens
d'une objectivisation du droit de la responsabilité civile et d'une meilleure garantie
d'indemnisation pour les victimes, les parents, depuis l'arrêt Fullenwarth de 1984 et l'arrêt de
Bertrand de 1997, sont responsables de plein droit du fait de leurs enfants et ne peuvent se
dégager de cette responsabilité qu'en prouvant la faute de la victime.20

L’article 85 dispose que le père et la mère après le décès du père sont responsables du
dommage causé par leurs enfants mineurs habitants avec eux.

a- la minorité : les parents ne sont pas responsables de leurs enfants majeurs.

b- la cohabitation : la responsabilité des parents n’est engagé que dans la mesure où les
enfants habitent avec eux, et de ce fait, ils ont le pouvoir de les surveiller. Ce principe doit
être nuancé, parce qu’il y a des cas où la séparation avec la famille est normale légitime, et il
y a des cas où cette séparation n’est pas normale.

c - la faute de l’enfant : les parents ne sont en effet responsables que dans la mesure où le
dommage a été causé par la faute du mineur. Il suffit que le comportement de l’enfant soit
objectivement anormal pour engager la responsabilité des parents. Supposant que les 3
conditions se trouvent réunies, les parents sont présumés responsables, cette présomption est
de faute c'est-à-dire, les parents ont mal surveillé leur enfant. Cette présomption est simple
c'est-à-dire que les parents peuvent s’exonérer en apportant la preuve contraire. Pour
s’exonérer, ils devront prouver qu’ils ont correctement surveillés l’enfant et que le dommage
a été causé en dépit d’une surveillance correcte. Il est à noter que cette responsabilité est
fondée sur une présomption simple. Les parents peuvent s’exonérer de cette responsabilité en
apportant la preuve qu’ils n’ont pas pu éviter le fait dommageable.

20
https://www.doc-du-juriste.com/droit-prive-et-contrat/droit-civil/dissertation/evolution-
droit-responsabilite-civile

16
 La responsabilité des parents du fait de leurs enfants aliénés mentaux :

L’article 85 dispose que le père, la mère, les autres parents, ou conjoints, répondent des
dommages causés par les insensés et autres infirmes d’esprit, même majeurs habitants avec
eux. Ce texte prévoit essentiellement que les parents seront responsables des dommages
causés par les enfants aliénés mentaux, même lorsqu’ils sont majeurs à condition qu’ils
habitent avec eux ; il s’agit de la responsabilité de l’ensemble de la cellule familiale, car ils
sont tous responsables et en même temps la responsabilité est présumée. Les personnes
responsables peuvent s’exonérer en prouvant qu’ils ont exercés sur ces personnes toute la
surveillance nécessaire.

 La responsabilité des commettants du fait de leurs préposés (art 85)

En se référant au 3ème alinéa de l’article 85 du D.O.C on trouve que ; « les maitres et les
commettants (sont responsables) du dommage causé par leur domestique et préposés dans les
fonctions auxquelles ils les ont employé ». En fait, le commettant est responsable du fait
dommageable de son préposé à chaque fois qu’il existe un lien de subordination et que le fait
générateur imputable au préposé soit intervenu dans la période de subordination. Cette
situation a suscité l’apparition de deux courants distincts ; l’un estime que cette responsabilité
est fondée sur une présomption simple de faute qui se manifeste dans le mauvais choix du
préposé et dans la négligence en ce qui concerne la surveillance 21. Elle concrétise aussi la
théorie des risques22. Alors que l’autre courant qui se fonde sur la théorie de la garantie estime
que le commettant peut couvrir tout ce qui résulte du fait de son préposé à condition de la
réunion des conditions de la garantie23.

III-RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES :

Selon l’art 88 doc « Chacun doit répondre du dommage causé par les choses qu'il a sous sa
garde, lorsqu'il est justifié que ces choses sont la cause directe du dommage, s'il ne démontre :

1- Qu'il a fait tout ce qui était nécessaire afin d'empêcher le dommage,

2- Et que le dommage dépend, soit d'un cas fortuit, soit d'une force majeure, soit de la
faute de celui qui en est victime »

21
M.B. AATTAR, « la théorie générale des obligations à la lumière du droit marocain », IMPRIMERIE ANNAJAH,
EL JADIDA, Casablanca, 1ère édition, 2011, P. 463.
22
Objet de la prochaine partie.
23
Idem,

17
La victime d’un dommage qui demande réparation sur la base de l’article 88 du DOC n’est
pas tenue de prouver une faute quelconque commise par le civilement responsable. Il lui suffit
de démontrer que le dommage est causé par une chose (a), ou plus exactement par le fait de la
chose (b) dont celui-là avait la garde (c).24

Dans ce sens La doctrine et la jurisprudence ont opté pour une nouvelle approche de la
présomption de la faute appelée une présomption « irréfragable »25 qui consiste à donner à
cette faute une présomption absolue qui ne peut être combattue par la preuve du contraire.
C’est-à-dire que l’auteur du dommage sera toujours responsable du dommage qu’il a causé à
autrui et ne peut en aucun cas déclarée irresponsable.

La chose (a) : il s’agit en principe de toute chose, Dans un arrêt du 28 novembre1937 la Cour
d’appel de Rabat avait, en application des articles 88 et 89 du DOC, retenu une notion assez
curieuse de la chose. Elle avait décidé que « le principe de responsabilité du fait des choses
(art 88DOC) basé sur une présomption de faute de celui qui en a la garde ne concerne que les
meubles et ne saurait être étendu aux immeubles. La responsabilité du fait des immeubles
étant régie par l’art.89 du DOC, en dehors des cas limitativement fixés par cet article, c’est
dans les articles 77et 78 du DOC que doit être recherchée la responsabilité quasi-délictuelle
du propriétaire ou du gardien d’un immeuble... ». De cette décision, on retient que pour la
Cour d’appel, la responsabilité du fait des immeubles ne peut jamais être présumée, sauf si le
préjudice est dû à l’écroulement ou à la ruine partielle de l’immeuble, tel qu’il ressort de
l’article 89 du DOC, encore faut-il que la victime prouve que cette ruine est due à la vétusté, à
un défaut d’entretien ou à un vice de construction de l’immeuble. En dehors de ces cas la
responsabilité du fait des immeubles ne peut être présumée.26

(B) le fait de la chose : Les juridictions marocaines entendent par « fait de la chose » la «
participation » de celle-ci à la réalisation du dommage. Dans un arrêt de la Cour d’appel de
Rabat de 1940, il a été décidé que faute pour la victime de « démontrer la participation
matérielle de la chose au dommage dont elle demande réparation, son action ne peut être
admise contre le gardien10 ». Ainsi, ne suffit-il pas que la chose ait été à l’occasion du

24
LA RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES : UNE REVUE DE LA JURISPRUDENCE MAROCAINE1 DJIGLE
Doundongue Docteur en Droit Université Mohammed V de Rabat
25
Dit aussi présomption absolue.
26
17G.T.M., 1937, n°714, pp.45, Voir François-Paul Blanc, DOC annoté, art.88 note 106

18
dommage27, mais qu’elle « ait joué un rôle actif dans la réalisation du dommage, par un heurt,
un choc reçu ou donné »

(C) la garde de la chose : L’article 88 du DOC évoque de façon laconique la « garde » des
choses sans préciser en quoi consiste-t-elle. Deux conceptions doctrinales ont été avancées à
ce propos. L’une consistant à faire de la garde un élément de fait, considère comme gardien
celui qui a l’usage de la chose au moment où le dommage est survenu. L’autre consiste à faire
de la garde un élément de droit et par conséquent faire du propriétaire le gardien de la chose.
La Cour de cassation a adopté une position mixte. « Le gardien d'une chose est celui qui a sur
elle les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle15 ». Ainsi, « caractérise suffisamment
ces pouvoirs et donne une base légale à sa décision, la Cour d'appel qui, pour condamner sur
le fondement de l'article 88 du Code des obligations et contrats un garagiste à réparer les
conséquences d'un accident causé par un camion poussé à la main, constate que ce garagiste
s'était chargé d'amener ce véhicule en remorque dans un dépôt, que cette opération comportait
toutes les manœuvres nécessaires pour la mener à bien, y compris sa phase finale consistant à
ranger le camion le long d'un bâtiment, et que peu importait que ledit garagiste ait estimé
préférable de ne pas utiliser le véhicule remorqueur pour cette ultime manœuvre opérée sous
la surveillance de son chauffeur et alors que son graisseur était au volant du camion
manœuvré. »28

Section 2 : les régimes spéciaux de responsabilité

Il existe plusieurs régimes spéciaux de la responsabilité civile qui démontre l’évolution de


cette dernière, dont plusieurs projecteurs sont rejetés vers une responsabilité objective. Nous
se limiterons à traiter deux aspects évolutifs du régime spécial de la responsabilité civile : la
responsabilité civile, en matière des dommages environnementaux (A), et la responsabilité
civile des produits défectueux (B).

A. La responsabilité civile, en matière des dommages environnementaux

La «responsabilité civile environnementale » devrait s’entendre de l’obligation pour toute


personne privée de réparer le préjudice causé à autrui qui résulte d’une atteinte à
l’environnement. Toutefois, au regard des évolutions réalisées ces dernières années sous
l’action du juge et du législateur dans ce domaine et des spécificités caractérisant, la
responsabilité civile environnementale doit être comprise plus largement. Elle s’entend de

27
TPI de Rabat, 31 mars 1937, R.L.J.M., 1937, p.127, cité par F-P BLANC in DOC annoté sous l’article 88, note 11
28
Cour suprême, Chambre civile, 02 novembre 1965, in www.juricaf.org

19
l’obligation de réparer et de prévenir et/ou de faire cesser les préjudices résultant des atteintes
à l’environnement causés certes à autrui, mais aussi à l’environnement. La responsabilité
civile environnementale est ainsi marquée par l’extension tout aussi bien des préjudices
réparables – préjudices causés aux hommes et à l’environnement – que de ses finalités –
responsabilité pour le passé et pour le futur29.

En effet plusieurs motifs ont poussé le législateur marocain à chercher un nouveau régime de
la responsabilité environnementale basée sur un fondement qui va garantir les droits des
victimes, notamment en matière de la preuve de la faute génératrice du
dommage ,environnemental et cela revient à l’insuffisance des ressources des victimes, ainsi
que la nature même des dommages environnementaux qui peut constituer parfois un obstacle
à la prouver , sachant que lesdits dommages n’apparaissent pas immédiatement. Leur
découverte nécessite une longue durée. sans oublier la pluralité et la multiplicité des pollueurs
qui contribuent tous dans la pollution à travers leurs activités ce qui ne permet pas la
détermination exacte de la personne fautive.

En effet, responsabilité civile environnementale, est actuellement réglementée par un texte


spécial ,il s’agit de la loi n° 11-03 du 12 mai 2003 relative à la protection et la mise en valeur
de l’environnement qui a pour objet de mettre en place un régime spécifique de responsabilité
garantissant la réparation des dommages causés à l’environnement et l’indemnisation des
victimes.

Selon article 63 : « est responsable même en cas d’absence de preuve de faute toute personne
physique ou morale stockant transportant ou utilisant des hydrocarbures ou des substances
nocives et dangereuse ou tout exploitant d’une installation classée telle que définie par les
textes pris en application de la présente loi, ayant causé un dommage corporel ou matériel ... »
Il s’agit d’une responsabilité d’une responsabilité objective sans faute30.

De ce fait, les législations ont adopté de nouvelles règles voir principes spécifiques
destinées à régir ce type de responsabilité. . Parmi les plus importants sont : le principe de
pollueur payeur et la responsabilité solidaire en matière des dommages environnementaux
 Le principe de pollueur-payeur :

29
- Hautereau-Boutonnet, Mathilde, « la responsabilité civile environnementale », première édition, 2020, P.9.
30
Mustapha MEKKI, Responsabilité civile et droit de l’environnement Vers un droit de la responsabilité
environnementale ?

20
À l’origine, le principe du pollueur-payeur est un principe économique né à la suite d’une
interprétation de la théorie des externalités telle que développée par Arthur Cecil Pigou . Une
externalité est l’impact des actions d’un agent sur le bien-être des personnes non concernées a
priori par ces actions . Ces externalités doivent être « internalisées », c’est-à-dire que le coût
social de la production ou de la consommation d’un bien ou d’un service doit être intégré dans
le prix de celui-ci.

Ce principe est d’abord apparu dans les recommandations (non contraignantes) de l’OCDE
(Organisation de la coopération et du développement économique)31.

Dans ces contextes, le principe pollueur-payeur était compris comme un principe économique,
interdisant les aides d’État en faveur des entreprises polluantes et concernant les coûts de la
prévention de la pollution et non de la restauration de l’environnement. Le but était la
réduction des distorsions de concurrence.32

En droit marocain, ledit principe a été consacré par la loi n° 11-03 susmentionnée, et plus
exactement dans son deuxième article qui dispose ce qui suit : « l’application des dispositions
de la présente loi se base sur les principes généraux suivants : […] la mise en application
effective des principes de l’usager payeur et du pollueur payeur en ce qui concerne la
réalisation et la gestion des projets économiques et sociaux et la prestation de services ».
 Le principe de précaution (de prévention) :

le principe de précaution consiste, selon la loi-cadre n° 99-12 du 06 Mars 2014 portant charte
nationale de l’environnement et du développement durable à prendre des mesures adéquates,
économiques et socialement viables et acceptables, destinées à faire face à des dommages
environnementaux hypothétiques graves ou irréversible, ou à des risques potentiels, même en
l’absence de cette certitude scientifique absolue au sujet des impacts réels de ceux-ci.

 La règle de la responsabilité solidaire en matière environnementale :


Pour donner plus de garantie aux victimes des risques environnementaux, la concrétisation de
la règle de solidarité constitue l’un des mécanismes à travers lequel les législations modernes
limitent les risques environnementaux. Surtout si on prend en considération les difficultés
qu’affrontent les victimes dans la détermination du fait générateur du dommage.

31
Recommandation du 26 mai 1972 sur les principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques
d’environnement sur le plan international, C (72) 128, OCDE, 1972
32
Youri MOSSOUX,L’APPLICATION DU PRINCIPE DU POLLUEUR-PAYEUR A LA GESTION DU RISQUE
ENVIRONNEMENTAL ET A LA MUTUALISATION DES COUTS DE LA POLLUTION,Lex Electronica, vol. 17.1
(Été/Summer 2012),CVdeBoss: le meilleur générateur de CV en ligne.

21
Dans ce cadre, le législateur marocain a consacré cette règle dans certains textes juridiques
relatifs à l’environnement. Notamment, la loi 00-28 relative à la gestion des déchets et à leur
élimination qui dispose dans son article 34 que : « Toute personne physique ou morale qui
dépose ou fait déposer des déchets dangereux, auprès d'une personne physique ou morale non
autorisée, est solidairement responsable avec elle de tout dommage causé par ces déchets ».

B. Régime de la responsabilité civile des produits défectueux:

Au Maroc, le régime de la responsabilité des produits défectueux a été fixé par une loi n°24-
09 du 17 Août 2011 promulguée par le Dahir n°1-11-140 du 16 Ramadan 1432, qui s’est
inspirée de la loi française du 19 Mai 1998.

Cette loi a insérée dans le D.O.C un nouveau chapitre dans son titre premier du livre premier,
contenant 65 articles, qui organisent un régime de responsabilité de plein droit pour les
dommages causés par le défaut d’un produit.

La responsabilité du fait des produits défectueux ainsi mise en place relève, sans aucun doute,
de la théorie du risque : c’est le risque créé par la mise en circulation du produit qui fonde
cette responsabilité.

Pour les personnes qui peuvent être déclarées responsables ; sont ,en premiers lieu, les
producteurs ; le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant
d'une partie composante, ou son mandataire établi au Maroc, ou toute personne qui se
présente comme fabricant en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe
distinctif, ou celle qui procède à la transformation ou au reconditionnement du produit.

L’article 3 assimile aux producteurs les autres professionnels de chaine de commercialisation,


dans la mesure où leurs activités peuvent affectées la sécurité du produit, et les importateurs
du produit, lorsque le producteur n’est situé sur le territoire du Royaume du Maroc, ou lorsqu’
il ne peut être identifié. Ajoutant à cela les fournisseurs du produit .

Pour ce qui est des bénéficiaires de ce régime (des victimes du défaut du produit) ; sont
admises à se prévaloir du régime organisé par la loi 24-09, toutes les victimes qui sont en
mesure de justifier d’un dommage causé par le défaut du produit. La loi ne distingue pas selon

22
que la victime est ou non liée contractuellement avec le producteur. Il n’est, au surplus, fait
aucune différence entre consommateurs et professionnels33.

Trois conditions pour que cette responsabilité soit mise en œuvre ;

1)- un défaut de produit,

2)- un dommage,

3)- un lien de causalité.

33
J.FLOUR,OP.CIT, P.293

23
Conclusion

Il ressort clairement que la question de la responsabilité civile a connu un développement


important à travers un ensemble de lois modernes et que la notion a changé avec le fil du
temps en dépassant une théorie classique qui repose seulement sur la faute , compte tenu des
transformations et la révolution industrielle et technologique, on a noté un passage vers une
responsabilité objective et l’abandonnement progressivement de la responsabilité subjective
dite personnelle, qui n'est plus à les yeux de Certaines jurisprudences compatible avec la
logique et le progrès technologique, car depuis la séparation de responsabilité civile et la
responsabilité pénale, l'indemnisation civile est n’ a plus de relation avec la sanction pénale ,
donc la responsabilité civile doit être surtout fondée sur le dommage susceptible d’une
réparation.

Cette modification fondamentale a permis un élargissement du champ d’application de la


responsabilité pour permettre de réparer les préjudices non seulement causé par une faute
prouvée mais aussi en l’absence de faute. Ainsi dans la responsabilité du fait d’autrui ou du
fait de la chose, la faute est seulement présumée et pourtant le DOC a très tôt admis
réparation.

En outre, les nouvelles théories de responsabilité ont permis une évolution vers plus de
subjectivé ce qui a permis d’ouvrir le chemin vers des responsabilités spéciales à travers les
nouveaux textes nés à partir de la pratique.

24
Bibliographie :
Ouvrages :
 F.TERRE,P.SIMLER,Y.LEQUETTE ,F.CHENEDE,les obligations , Dalloz, 2019.
 G. VINEY « introduction à la responsabilité du droit civil », édition LGDG et ALPHA, 4ème
édition, 2019.
 Hautereau-Boutonnet, Mathilde, « la responsabilité civile environnementale », première
édition, 2020.
 J. FLOUR, JL. AUBERT, E. SAVAUX, « DROIT CIVILE, les obligations : 2.le fait
juridique », 9eme édition, DELTA, 2001.
 P. JOURDAIN, les principes de la responsabilité civile, Dalloz, 2007
 LE TOURNEAU (PH), « La responsabilité civile », éd 2003,

Thèses :
 Master de Droit privé général Dirigé par le professeur Laurent Leveneur 2020, « Les
conventions sur la responsabilité civile extracontractuelle », Auteur : Manon ZYCH Sous la
direction du professeur Jean-Sébastien Borghetti Leveneur-Azémar M., Etude sur les clauses
limitatives et exonératoires de responsabilité, thèse, LGDJ, 2017, n° 3

Textes de loi :
 Dahir formant code des obligations et contrats.
 Loi n° 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement.
 loi n°24-09 du 17 Août 2011 promulguée par le Dahir n°1-11-140 du 16 Ramadan
1432.
 la loi 00-28 relative à la gestion des déchets.

Articles :
 Mustapha MEKKI,« Responsabilité civile et droit de l’environnement Vers un droit de la
responsabilité environnementale ? »
 « Responsabilité du fait d’autrui », Publié le 10 février 2006 par ufr droit des assurances –
Casablanca.
 Youri MOSSOUX, L’APPLICATION DU PRINCIPE DU POLLUEUR-PAYEUR A LA
GESTION DU RISQUE ENVIRONNEMENTAL ET A LA MUTUALISATION DES
COUTS DE LA POLLUTION, Lex Electronica, vol. 17.1 (Été/Summer 2012)

Jurisprudence :
 Cour suprême, Chambre civile, 02 novembre 1965, in www.juricaf.org

25
Webographie :
 https://www.doc-du-juriste.com/droit-prive-et-contrat/droit-civil/dissertation/evolution-
droit-responsabilite-civile.
 https://www.juristudes.com/2018/08/les-differents-regimes-de_10.html

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