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Mohammed EL FADILI
Docteur en droit public à l’Université Paul-Cézanne, France
Depuis les deux dernières décennies, des efforts importants ont été accomplis pour
rendre plus facilement accessibles les normes de droit. Dans le même temps, les pouvoirs
publics se sont montrés plus soucieux de la qualité de la rédaction des textes normatifs (1).
Le contexte, en effet, est marqué à la fois par la prolifération de normes juridiques de plus
en plus complexes et par la dégradation de la qualité de ces normes, comportant le risque
d’une insécurité juridique. L’inflation législative (2) est désormais un mal bien connu.
L’augmentation régulière des dispositions législatives se traduit par une perte de confiance
dans la loi et l’impression d’une moindre application.
L’amélioration de la qualité de la loi implique bien sûr de concentrer les efforts en amont,
lors de l’élaboration de la loi : réforme du travail parlementaire, renforcement du rôle du
Conseil d’État auquel sont soumis les projets de loi, détermination claire par le Gouvernement
des politiques qu’ils entend mettre en œuvre par les projets de lois… autant de remises en
ordre du travail législatif nécessaires et connues mais qui, pour l’instant, résonnent comme
des vœux pieux. Si la dénonciation de ce phénomène est aujourd’hui unanime, trois acteurs
(1) Ainsi, en France, un Guide pour l’élaboration des textes législatifs et réglementaires, élaboré conjointement par les
membres du Conseil d’Etat et le Secrétariat général du gouvernement, a été rédigé. Il vise à présenter l’ensemble des
règles, principes et méthodes devant être observés dans la préparation des textes normatifs, lois, ordonnances, décrets
et arrêtés. Au Maroc, c’est le Secrétariat général du Gouvernement qui joue ce rôle. Il a pour mission de coordonner la
préparation des projets de loi et de règlement, et d’assurer le parcours de tout projet de texte en vérifiant sa conformité
avec les dispositions constitutionnelles et sa compatibilité avec les textes législatif et réglementaire ne vigueur.
(2) L’accroissement des normes législatives est fréquemment associé au terme « inflation » depuis un article fondateur du
doyen René Savatier, intitulé, l’Inflation législative et l’indignation du corps social, Dalloz, 1977, chron., p. 43.
10 Mohammed El Fadili
ont joué un rôle important dans la prise de conscience d’une perte de qualité de la norme
législative : le Conseil d’Etat (3), la doctrine et les assemblées parlementaires elles-mêmes.
Mais il convient aussi d’évoquer le rôle du juge constitutionnel qui, au cours des dernières
années, est intervenu pour lutter contre la dégradation de la qualité de la norme législative. Il
a élaboré une jurisprudence qui, en cherchant à mettre un terme à ces dérives, non seulement
encadre l’activité du législateur, en lui fixant de plus grandes contraintes sur la procédure
législative, mais également lui impose désormais des exigences que la rédaction de la loi
elle-même doit respecter pour ne pas encourir le risque de censure.
Il serait possible de résumer les principes posés par la jurisprudence constitutionnelle en
la matière de la façon suivante : non seulement le législateur a l’obligation de légiférer, mais
il doit « bien » légiférer, parce que les représentants sont les élus du peuple souverain, et
donc ces citoyens, qu’ils doivent exercer pleinement leur compétence et édicter une volonté
générale qui ne peut être que le fait d’un débat démocratique sincère.
Pourtant ni le droit constitutionnel français, ni le droit constitutionnel marocain
n’organise de contrôle de l’inconstitutionnalité par omission. En effet, les articles 61 de la
Constitution française de 1958 et 131 de la Constitution marocaine de 2011 ne prévoient
de saisine de la juridiction constitutionnelle que pour se prononcer sur la validité d’un acte
voté par le Parlement, pas pour statuer sur l’inaction de celui-ci. Le juge constitutionnel,
dans les deux systèmes, est donc impuissant à censurer l’abstention totale du législateur.
Il s’est, en revanche, mis en mesure d’en sanctionner les abstentions partielles lorsque la
loi n’épuise pas la matière qu’elle prétend régir. C’est qu’il considère qu’en lui attribuant
une compétence, la Constitution ne se limite pas à conférer au Parlement un pouvoir, mais
l’investit d’une responsabilité dont il lui incombe de s’acquitter consciencieusement. De son
point de vue, la dévolution constitutionnelle de compétence implique l’obligation juridique
de légiférer suffisamment. Il sanctionne le non-respect de cette obligation par la déclaration
de l’inconstitutionnalité de la carence.
A ce titre, la République française et le Royaume du Maroc se caractérisent par le
traitement qu’ils réservent à la délimitation de compétences entre les domaines législatif et
réglementaire. Les deux systèmes sont marqués par un réajustement des rapports Législatif-
Exécutif, au profit du second. Le déclin du Parlement devient une constante du régime
constitutionnel et politique. Or, ce constat n’est pas exempt de paradoxes, comme le
révèle le droit constitutionnel jurisprudentiel développé, grâce à la jurisprudence le juge
constitutionnel, dans le but de réguler l’activité normative des pouvoirs publics (4). Parmi les
(3) En 1991 et 2006, le Conseil d’Etat, consacrant son rapport public annuel au thème de la sécurité juridique, avait
appelé l’attention des pouvoirs publics et de l’opinion sur la complexité des lois et la prolifération législative. Il avait
alors dénoncé « la loi bavarde » ainsi qu’« un droit mou, un droit flou, un droit à l’état gazeux ».
(4) L. Favoreu, « Le Conseil constitutionnel, régulateur de l’activité normative des pouvoirs publics », RDP, 1987,
p. 4-20 ; G. Knaub, « Le Conseil constitutionnel et la régulation des rapports entre les organes de l’Etat », RDP, 1983-II,
p. 1149-1168.
sujets de réflexion offerts par ce droit constitutionnel jurisprudentiel (5), figure la question
de la compétence du législateur.
De prime abord, le thème de la compétence du législateur est peu mobile et peu par
conséquent susceptible de rebondissements. En substance, il se trouve pourtant nuancé et
renouvelé ces dernières années. Ainsi, par exemple, on peut se demander si la rationalisation
du Parlement suffit à affirmer que la compétence législative a été affaiblie, ou remise en
cause, dans les deux systèmes, pour ce qui est de sa fonction principale, légiférer ? Une
réponse affirmative nécessiterait un exercice d’explication pour démontrer comment cette
compétence principale de la représentation nationale a été atteinte, et la fonction de légiférer
amoindrie. Or, en réalité, c’est une réponse négative qu’impose le droit constitutionnel
jurisprudentiel construit depuis plus de deux décennies. En effet, le champ d’intervention
offert à la compétence du législateur paraît toujours plus étendu (6), in abstracto au moins,
bénéficiant d’un domaine de compétence conféré par le bloc de constitutionnalité, révélé et
interprété par le juge constitutionnel de manière extensive. Sur la base de diverses dispositions
constitutionnelles (7), la compétence du législateur est saisie à l’occasion de contrôle de la
constitutionnalité des lois, et ne cesse d’être vérifiée dans la jurisprudence constitutionnelle.
Décidemment, la compétence du législateur est de plus en plus protégée par le juge contre
les parlementaires eux-mêmes. En réalité, cette jurisprudence n’est pas détachable d’un
contexte, celui de la complexification des sociétés modernes, caractérisées par la demande
de juridicisation des rapports sociaux, favorise l’explosion du droit (8) et offre au législateur
un pouvoir fort étendu pour légiférer. Cependant, ce pouvoir potentiel du législateur n’est
pas arbitraire, il s’exerce dans le respect des textes. La loi, a jugé le juge constitutionnel
français, « n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution » et la haute
juridiction constitutionnelle y veille activement (9).
Cependant, c’est hors de l’explication juridique, qu’il faudrait rechercher les raisons de
déclin de la fonction législative du Parlement (10). Dans la jurisprudence constitutionnelle,
une loi entachée d’incompétence négative et foncièrement une loi mal faite qui traduit la
méconnaissance par le législateur de son obligation de précision (11). En ce qui concerne
(17) CCF, décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, Rec.
p. 72 ; n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société d’information,
Rec. p. 88.
(18) H. Roussillion, le Conseil constitutionnel, 6e éd., Dalloz, 2008 ; L. Hamon, les Juges de la loi. Naissance d’un rôle
et d’un contre pouvoir : le Conseil constitutionnel, Fayard, 1987.
(19) L. Favoreu, « Le Conseil constitutionnel, régulateur de l’activité normative des pouvoirs publics », op. cit., p. 5 ;
M. Achargui, « Le Conseil constitutionnel marocain », CCC, n° 30, 2011, p. 215.
Cette expression d’« incompétence négative » issue du droit administratif (22) conserve
de sa discipline de naissance, son sens général, sens que lui reconnaît également le droit
constitutionnel. Mais c’est véritablement à partir de 1995 en France et 1998 au Maroc,
que « l’incompétence négative » du législateur acquiert une signification plus autonome
en droit constitutionnel français et marocain : elle est un des deux cas du contrôle de la
constitutionnalité externe (23) d’une loi exercé par le juge constitutionnel dont le rôle est de
confronter la loi dont il est saisi au bloc de constitutionnalité ; elle est aussi intrinsèquement
liée à cet acte particulier qu’est la loi, qui n’est ni assimilable, ni réductible aux simples
actes administratifs et aux vices de compétence qu’organise le droit administratif à leur
endroit ; enfin elle recoupe majoritairement les relations entre Parlement et Gouvernement
traditionnellement attraits aux commentaires de droit constitutionnel ou de science
politique.
Pourtant, c’est principalement l’attitude de la haute juridiction constitutionnelle devant
la question de la compétence du législateur qui lui a donné son intérêt. La haute juridiction
effectue, à partir de lettres de saisissants (24) ou par saisine d’office (25), deux sortes d’examen
de l’incompétence du Parlement : s’elle peut censurer l’incompétence positive du législateur
lorsque l’intervention du Parlement empiète sur un domaine qui n’est pas le sien (26), elle
a notamment développé l’examen de l’incompétence négative du législateur, à savoir le fait
pour le législateur de ne pas exercer la plénitude de ses attributions constitutionnelles. Les
deux situations sont différentes. Avec l’incompétence négative du législateur, ce qui est
dénoncé par le juge constitutionnel c’est « la rétention de compétence du Parlement » (27),
non le développement de compétence positive qu’il aurait organisé volontairement.
En la matière, l’expression « d’incompétence négative » est pour la première fois utilisée
expressément par la juridiction constitutionnelle française dans sa décision n° 94-358 DC
du 26 janvier 1995 (28). Toutefois, la haute juridiction en faisant déjà application, sans la
nommer, depuis sa décision n° 67-31 DC du 26 juillet 1967 (29). Au Maroc, la décision
(22) Nous pouvons renvoyer sur les premières explications de la notion administrative à : Laferrière, Traité de la
juridiction administrative et du recours contentieux, éd., Berger-Levrault, Paris, 1896.
(23) Au titre du contrôle de constitutionnalité externe, on rencontre dans les deux systèmes étudiés, le vice de procédure
et l’incompétence, tandis que le contrôle de constitutionnalité interne de la loi est ouvert pour les cas de violation du bloc
de constitutionnalité et de détournement de pouvoir.
(24) Il s’agit des requêtes concernant les lois ordinaires.
(25) Il s’agit de la saisine d’office concernant les lois organiques.
(26) Le juge constitutionnel marocain, quant à lui, a constamment affirmé que le domaine de la loi est constitutionnellement
séparé de celui du règlement. Conseil constitutionnel marocain (CCM ci-après), décision n° 250-98 CC du 24 octobre
1998, « Loi organique n° 7-98 relative à la loi de finance », RCC n° 2/2002, p. 30. Voy. Kh. Naciri, « La loi et le règlement
dans la Constitution », in Trente années de vie constitutionnelle au Maroc, D. Basri, M. Rousset et G. Vedel (sous la dir.),
LGDJ, Paris 1993, p. 288.
(27) F. Priet, op. cit., p. 64.
(28) CCF, décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995, « Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du
territoire », Rec. p. 183.
(29) CCF, décision n° 67-31 DC du 26 juillet 1967, Indépendance et inamovibilité des magistrats, Rec. p. 19.
n° 250-98 CC du 24 octobre 1998 (30) peut être désignée comme la première décision
constitutionnelle sanctionnant l’inconstitutionnalité de la loi pour « incompétence négative »
du législateur. Ces décisions marquent la naissance d’une jurisprudence constitutionnelle
de l’incompétence négative du législateur, qui s’édifie depuis, et que le juge continue de
construire par plusieurs décisions constitutionnelles (31).
Cette continuité de décisions ramène « l’incompétence négative » du législateur à
un phénomène, susceptible de se produire lors du processus de création de la norme, et
qui pourrait l’entraver, si le juge atteste son existence. Sous l’angle phénoménologique,
l’existence de l’incompétence négative du législateur est relevée, dans différentes situations.
Lors de la méconnaissance involontaire du législateur de sa compétence (32), ou lors de
l’abandon opportun de ses compétences par le Parlement, parfois pris en défaut de laisser à
des autorités réglementaires la charge de préciser des mesures à peine évoquées dans le texte
de loi, voire inexistantes dans celui-ci. Un nombre de ces autorités délégataires apparaît
aujourd’hui dans des décisions constitutionnelles (33), ainsi qu’un nombre de mesures qu’il
appartient au législateur d’édicter avec précision (34), clarté, sans préjudice d’un exercice
de définition de notions (35) auquel le législateur ne doit pas contrevenir notamment quand
l’applicabilité apaisée d’une loi dans le corpus législatif en dépend. Finalement, ce sont
autant d’attitudes constitutives d’incompétence négative du législateur qui sont mises en
lumière et sanctionnées : le fait de laisser la faculté discrétionnaire à une quelconque autorité
(36) CCF, décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, « Juge unique », Rec. p. 32. Effectivement, pour le juge constitutionnel,
une loi ne peut laisser au président du tribunal de grande instance le soin de décider de la composition collégiale ou
individuelle du tribunal correctionnel statuant en toutes matières sauf en matière de délits de presse.
(37) CCM, décision n° 386-2000 CC du 20 mars 2000, « Loi modifiant l’article 20 de la loi de finances pour l’année
1999-2000 », RCC n° 2/2002, p. 70.
(38) CCF, décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, « Loi de nationalisation », Rec. p. 18.
(39) CCM, décision n° 250-98 du 24 octobre 1998, préc.
la loi Savary (40). D’autres décisions examinent les dispositions législatives renvoyant à une
autorité indépendante, ainsi la décision n° 88-248 DC portant sur la loi relative à la liberté
de communication (41) qui refuse le transfert de certaines compétences réglementaires au
Conseil supérieur de l’audiovisuel, ou celle n° 96-378 DC portant sur la loi de réglementation
des télécommunications (42) qui empêche qu’une loi laisse au même CSA le soin d’élaborer
des recommandations déontologiques pour l’accès et la diffusion des messages sur réseaux
télématiques et internet ou la décision examinant la régularité du renvoi à la Banque de
France (43). En réalité, c’est vers le Gouvernement disposant d’un pouvoir réglementaire
qu’est prévu le plus grand nombre de renvois, contrôlés également par le juge constitutionnel.
Celui-ci sanctionne alors des renvois forts différents : la délégation au pouvoir réglementaire
de créer par décret des comptes spéciaux et des budgets autonomes en dehors du cadre de
la loi de finances au profit de certains services (44), ou en matière de fonction publique
territoriale, le fait de laisser à un décret en Conseil d’État la décision relative à la composition
et au mode de désignation des conseils d’administration des centres de gestion (45).
Aussi, la jurisprudence de l’incompétence négative du législateur peut être présentée, non
plus par catégories d’autorités, mais par grands domaines d’intervention du Parlement. À ce
titre, deux champs d’intervention se distinguent particulièrement. D’abord, l’incompétence
négative du législateur a souvent été relevée en matière de droit économique d’abord,
entraînant des censures partielles de lois modifiant l’article 20 de la loi de finances pour
l’année 1999-2000 (46), aux règles pouvant être aménagées par le Gouvernement, à propos
de la loi relative à la sécurité et la transparence du marché financier (47). L’incompétence
négative du législateur est également relevée en matière de fiscalité (48), où le législateur
est sanctionné pour n’avoir pas suffisamment exercé sa compétence fiscale en matière de
détermination de l’assiette (49), en matière de modalités de recouvrement de l’impôt (50), et
est contrôlé régulièrement par des saisines sur les lois de finances (51).
(40) CCF, décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, « Statut des universités », Rec. p. 204.
(41) CCF, décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, « Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à
la liberté de communication », Rec. p. 18. Dans le considérant n° 16, le juge constitutionnel déclare « qu’en raison de sa
portée très étendue, cette habilitation méconnait les dispositions de l’article 21 de la Constitution ».
(42) CCF, décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996, « Loi de réglementation des télécommunications », Rec. p. 99.
(43) CCF, décision n° 93-324 DC du 3 août 1993, « Loi relative à la Banque de France et à l’activité et au contrôle des
établissements de crédits », Rec. p. 208.
(44) CCM, décision n° 250-98 CC du 24 octobre 1998, préc.
(45) CCF, décision 83-168 DC du 20 janvier 1984, préc.
(46) Ibid.
(47) CC, décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, « Loi relative à la sécurité et transparence du marché financier », préc.
(48) Cf., L. Philip, « Le contrôle de constitutionnalité des dispositions fiscales des lois de finances », Droit fiscal, n° 8,
2002, p. 358-362.
(49) CCF, décision n° 85-191 DC du 10 juillet 1985, « Dispositions d’ordre économique et financier », Rec. p. 46.
(50) CCF, décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, Rec. p. 326. Le juge constitutionnel a censuré pour incompétence
négative du législateur le fait de n’avoir pas déterminé les modalités de recouvrement de la taxe sur les activités à
caractère saisonnier que les services de l’administration municipale recouvrent à leur profit.
(51) CCF, n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, « Loi de finances pour l’année 1984 », Rec. p. 67 ; CCM, décision
n° 386-2000 CC du 20 mars 2000, préc.
(52) J. Robert, « La protection des droits fondamentaux et le droit constitutionnel français. Bilan et réforme », RDP, 1990,
p. 1255 ; O. Bendourou, « Le Conseil constitutionnel et les droits fondamentaux », REMALD, n° 56, 2004, p. 23-38.
(53) Concernant les décisions relatives au principe de libre administration des collectivités territoriales : CCF, décision
n° 83-168 DC des 19 et 20 janvier 1984, préc ; n° 87-231 DC du 5 janvier 1988, Rec. p. 7.
(54) CCM, décision n° 382-2002 CC du 15 mars 2000, préc.
(55) Au Maroc, ce genre de lois échappent, en règle générale, au contrôle du juge constitutionnel car soit il y a une forme
de consensus entre les partis politiques autour de ses questions, soit la question est pilotée par le Roi en personne, réglée
par dahir royal et par conséquent ne peut faire l’objet d’un recours contentieux.
(56) J.-E. Schoettl, « La loi de modernisation devant le Conseil constitutionnel », LPA, n° 15, 21 janvier 2002, p. 3-30 ;
« L’examen par le Conseil constitutionnel de la loi d’orientation et de programmation pour la justice », note sous Conseil
constitutionnel, 29 aout 2002, la Gazette du Palais, n° 247, 4 septembre 2002, p. 3-26.
(57) CC, décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, préc.
question de l’incompétence négative est souvent mêlée à d’autres points dans les décisions,
la construction d’une jurisprudence constitutionnelle de l’incompétence négative du
législateur, reste liée à la question de la défense de la compétence du Parlement. Dans les
deux systèmes de contrôle étudiés, les méthodes du juge constitutionnel pour encadrer et
défendre la compétence législative n’ont jamais manqué (58). Les actes du Gouvernement
concurrençant la norme législative reculent, tandis qu’est organisé un procédé de délégation
de compétences au Gouvernement sous forme d’ordonnance (59) ou de décret-loi (60) sous
contrôle du juge constitutionnel. La définition de la loi progresse, avec une jurisprudence qui
établit désormais que les empiétements de la loi sur le domaine réglementaire n’encourent pas
l’inconstitutionnalité (61). Aux éléments de défense de la loi, peuvent toutefois être opposés
l’inspiration exécutive de nombre de lois promulguées, le développement pratique de la
norme réglementaire multiforme pour des raisons techniques et de diligence essentiellement,
l’emprise gouvernementale indéniable au long de la procédure législative, enfin la
transformation du rôle du Parlement qui voit la réduction de certaines de ses attributions,
en même temps que lui échoient de nouvelles activités. Il n’est alors pas excessif d’estimer
que le nouveau rapport établi entre la juridiction constitutionnelle et le Parlement, et créé à
l’occasion du contrôle de constitutionnalité des lois, s’est bâti dans un contexte de nature à
entraver l’action de l’institution parlementaire.
La jurisprudence constitutionnelle qui examine les textes de loi sous l’angle du respect des
attributions constitutionnelles du législateur, construit au final la compétence du Parlement
à deux titres. D’une part, en élargissant cette compétence (1), d’autre part, en clarifiant la
répartition des compétences entre organes constitutionnels (2).
(62) Articles 34, 61, al. 1 et 2, 64, 72, 73, 74 de la Constitution française de 1958 mais aussi les articles 3, 4, 11 et 16 de
la déclaration de 1789. Articles 71, 112, 146 de la Constitution marocaine de 2011.
(63) CCF, décision n° 86-223 DC du 29 décembre 1986, « Loi de finances rectificative pour 1986 », Rec. p. 184 ;
n° 90-277 DC du 25 juillet 1990, « Loi relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la
détermination des bases des impôts directs locaux », Rec. p. 70.
(64) CCM, décision n° 288-99 CC du 29 avril 1999, « Loi n° 34-98 et loi n° 35-98, autorisant le transfert d’entreprises
publiques au secteur privé », RCC n° 2-2002, p. 62.
(65) CCF, décision n° 99-419 DC, du 9 novembre 1999, « Loi relative au Pacte civil de solidarité », Rec. p. 116 ; n° 97-
393 DC du 18 décembre 1997, « Allocations familiales », Rec. p. 320 ; n° 98-404 DC, du 18 décembre 1998, « Loi de
sécurité sociale », Rec. p. 312.
(66) G. Carcassonne, « La stratégie de ceux qui saisissent », in Vingt ans de saisine parlementaire du Conseil
constitutionnel, Economica-PUAM, 1995, p. 50 et suiv ; M.-A. Benabdellah, « Contribution à la doctrine du droit
constitutionnel marocain », REMALD, coll. “Manuels et travaux universitaires”, n° 60, 2005.
(67) Par exemple, dans la décision n° 99-409 DC du 15 mars 1999, « Loi relative à la Nouvelle-Calédonie », Rec. p. 63, le
juge constitutionnel français a déclaré l’inconstitutionnalité d’une disposition adoptée selon une procédure non conforme
à la Constitution. Concernant le cas marocain : voir les décisions n° 37-94 CC du 16 août 1994, « Loi n° 33/93 portant
ratification du décret-loi n° 2-91-388 du 13 octobre 1992 instituant une taxe à l’installation des stations terriennes de
réception, à titre privé, des signaux de radiodiffusion par satellite », RCC, n° 2/2002, p. 55 ; n° 386-2000 CC du 20 mars
2000, « Loi modifiant l’article 20 de la loi de finances pour l’année 1999-2000 », RCC, n° 2/2002, p. 70 ; n° 228-98 CC
du 5 août 1998, RCC, n° 2/2002, p. 113.
(68) Ph. Terneyre, « La procédure législative ordinaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », RDP, 1985,
p. 691.
(69) Au Maroc, une loi peut être censurée pour empiètement sur le domaine réglementaire.
son autorité sur des matières qui avaient basculé dans le domaine de la loi. C’est donc la
sanction du transfert de la compétence législative à l’exécutif qui est la ligne essentielle de
défense de la compétence du Parlement. Sont concernées ces situations où le législateur a
attribué à une autre autorité le soin de déterminer les règles dans une matière dont il aurait à
connaître et dans laquelle il devrait être actif (70). Au niveau de la norme que le législateur
national entend créer et inscrire au corpus législatif, l’incompétence négative du législateur
se rattache à la question des rapports de complémentarité entre la Loi et le Règlement (71),
nécessairement imbriqués pour réaliser la mise en œuvre effective d’une loi nouvelle (72),
complétée utilement par toutes mesures d’application nécessaires, prises en la forme
réglementaire. Au plan institutionnel, l’incompétence négative recoupe prioritairement les
transferts établis, des assemblées parlementaires vers l’autorité réglementaire.
A ce titre, il peut s’agir de transferts en formes légales, comme avec le procédé de
l’ordonnance en France et de décret-loi au Maroc, ou de transferts plus simples, et sans
formalisme particulier telle une mention d’un simple renvoi à l’autorité gouvernementale
dans le texte de loi. L’hypothèse textuelle la plus classique est celle du renvoi à un
décret. En la matière, toute délégation irrégulière de compétence est sanctionnée pour
inconstitutionnalité (73). La réserve de loi étant opposable au législateur, celui-ci ne peut
déléguer sa compétence que dans les conditions prévues par la Constitution. Ceci indique
que l’organe législatif devra lui-même légiférer et débattre publiquement sur les matières
que la Constitution lui réserve.
Respectueuse du principe de séparation des pouvoirs, la sanction de la juridiction
constitutionnelle en incompétence négative s’inscrit dans une perspective de défense de
la loi. Elle est un second volet de la conception selon laquelle, en vertu de la hiérarchie
des normes, le législateur n’a pas à consentir de délégation autrement que de manière
dérogatoire (74). Cette dérogation à la compétence du Parlement est prévue, interprétée
restrictivement, et contrôlée par le juge, c’est le transfert de compétence par ordonnance et
décret-loi, qui nécessite des lois d’habilitation déléguant une part de pouvoir législatif dans
une matière précise et pour un temps déterminé, à l’exécutif. A ce cas de figure prévu par
(70) CCM, décision n° 630-2007 CC du 23 janvier 2007, « Loi organique n° 22-06 modifiant et complétant la loi
organique n° 31-97 relative à la Chambre des représentants », BORM n° 4598 du 8 février 2007, p. 586-588 ; n° 250-98
CC du 24 octobre 1998, préc.
(71) Sur cette question, voy. Kh. Naciri, op. cit., p. 288-299 ; X. Prétot, « La délimitation des compétences législatives et
réglementaires », Dr. soc., 1986, p. 258 et suiv.
(72) Effectivement, la question de « l’incompétence négative » doit être rattachée à celle de « l’effectivité du droit » et à
celle de « la sécurité juridique ». Voy. concernant ces deux questions : M.-A. Frison-Roche, « Le souci de l’effectivité du
droit », Recueil Dalloz, 1996, chron. p. 301 et suiv. ; F. Luchaire, la Sécurité juridique en droit constitutionnel français,
CCC, n° 11, 2001, p. 67-69.
(73) CCF, décision n° 80-115 DC du 1er juillet 1980, Rec. p. 34 ; n° 85-189, DC du 17 juillet 1985, Rec. p. 49. CCM,
décision n° 382-2000 CC du 15 mars 2000, préc. n° 250-98 CC du 24 octobre 1998, préc.
(74) CCM, décision n° 250-98 CC du 24 octobre 1998, « Loi organique n° 7-98 relative à la loi de finances », RCC
n° 2/2002, p. 33.
(77) J.-M. Garrigou Lagrange, « L’obligation de légiférer », in Droit et politique à la croisée des cultures, Mélanges
en l’honneur de Philippe Ardent, LGDJ, 1999, p. 305-321 ; F. Miatti, « Le juge constitutionnel, le juge administratif, et
l’abstention du législateur », op. cit., p. 4.
(78) Article 61-1 de la Constitution française. Article 133 de la Constitution marocaine.
(79) A.-L. Cassard-Valembois, « De l’usage de la gomme, comme du crayon, par le Conseil constitutionnel face aux
malfaçons législatives », Constitutions, juillet-septembre, 2011-3, p. 316-319.
(80) Sur la sanction législative moderne, voy. notre article : « Quelle autorité exécutoire des décisions du Conseil
constitutionnel marocain ? », Revue de la recherche juridique, 2011-1, p. 315-336 ; A. Pizzorusso, « Les effets des
décisions du juge constitutionnel », AIJC, 1994, p. 11 et suiv.
(81) C. Emeri, « Gouvernement des juges ou veto des sages », RDP, 1990, p. 335.
(82) Ph. Blacher, Contrôle de constitutionnalité et volonté générale, op. cit., p. 168.
(83) Pour comparaison, voy. C. Grewe et H. Ruiz-Fabri, Droits constitutionnels européens, PUF, 1995 ; M. Fromont, la
Justice constitutionnelle dans le monde, Dalloz, 1996.
(84) Article 62, al. 3 de la Constitution française. Article 134, al. 3 de la Constitution marocaine.
(85) Voy. D. Broussolle, « Les lois déclarées inopérantes par le juge constitutionnel », RDP, 1985-3, p. 751-784.
(86) CCM, décision n° 583-2004 CC du 11 août 2004, « Loi organique n° 63-00 relative à la Haute cour », BORM
n° 5246 du 9 septembre 2004, p. 3331.
(87) CCM, décision n° 382-2000 CC du 15 mars 2000, « Loi n° 15-97 formant code de recouvrement des créances
publiques », RCC n° 2/2002, p. 67 ; CCF, n° 85-198 DC du 13 décembre 1985, Amendement Tour Eiffel, Rec. p. 78 ;
n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, préc ; n° 93-322 du 28 juillet 1993, préc.
(88) Qu’il nous soit permis de renvoyer sur cette question à notre article : « La protection constitutionnelle du principe
de la division du pouvoir au Maghreb : vers la promotion d’un pouvoir juridictionnel du juge », RELAMD, n° 96, 2011,
p. 71-89.
(89) J. Meunier, le Pouvoir du Conseil constitutionnel. Essai d’analyse stratégique, Bruylant-LGDJ, 1994 ;
M. Cappelletti, le Pouvoir des juges, Economica-PUAM, 1990 ; S. Belaid, Essai sur le pouvoir créateur et normatif du
juge, LGDJ, 1974.
(90) CCM, décision n° 817-2011 du 13 octobre 2011, « Loi organique relative à la Chambre des représentants », BORM
n° 5987 du 17 octobre 2011, p. 5084 ; CCF, décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011, Mme Marie-Christine D, JORF
du 26 mars 2011, p. 5404.
(91) F. Priet, op. cit., p. 67.
(92) Ici, l’expression « méconnaissance de sa compétence » ne signifie pas que le législateur est allé au-delà de ses
prérogatives, en empiétant par exemple sur le domaine du Gouvernement ; en France d’ailleurs, contrairement au Maroc,
ces débordements positifs ne sont par ailleurs pas constitutifs d’une inconstitutionnalité ; ils peuvent être déclassés, après
la promulgation de la loi, pour revenir à plus d’orthodoxie dans la répartition des rôles et des compétences.
(93) P. Rrapi, « L’incompétence négative dans la QPC : de la double négation à la double incompréhension », CCC,
n° 34, 2012, p. 163 et suiv.
(94) F. Miatti, op. cit., p. 8-11.
(95) J.-M. Garrigou-Lagrange, « Les partenaires du Conseil constitutionnel ou de la fonction interpellatrice des juges »,
RDP, 1986, p. 647-694.
législateur et ces exigences (96). En second lieu, sous couvert d’examen de la compétence, le
juge s’avance parfois par incursions successives dans le domaine du pouvoir discrétionnaire
du législateur (2). C’est donc par rapport aux questions du texte législatif déféré, et du
pouvoir discrétionnaire du législateur, que l’on tente d’approcher ce dessin d’une obligation
de « bien légiférer » esquissée par la haute juridiction constitutionnelle.
(96) Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, « Loi de modernisation sociale », Rec. p. 49.
(97) CCF, décision n° 85-191 DC du 10 juillet 1985, « Loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier »,
Rec. p. 46.
(98) CCM, décision n° 250-98 CC du 24 octobre 1998, préc ; CCF, décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, préc.
(99) F. Luchaire, les Sources des compétences législatives et réglementaires, AJDA, n° 6, 1979, p. 3.
(100) « Considérant que le législateur n’a pas respecté la procédure prescrite, il s’ensuit que la loi n° 24-00 est contraire
à la loi organique n° 7-98 et partant à la Constitution » (CCM, décision n° 386-2000 CC du 30 mars 2000, préc).
(101) CCM, décision n° 386-2000 CC du 30 mars 2000, préc.
(102) CCM, décision n° 125-97 du 26 aout 1997, « Loi organique n° 32-97 relative à la Chambre des conseillers », RCC
n° 2/2002, p. 18, n° 250-98 du 24 octobre 1998, préc.
(103) L. Milano, « Contrôle de constitutionnalité et qualité de la loi », RDP, 2006-3, p. 637-671.
(104) CCM, décision n° 382-2000 CC du 15 mars 2000. Dans le cas d’espèce, le législateur avait seulement édicté une
loi incomplète, et non le fait de s’être dessaisi au profit de l’exécutif, qu’avait amené le juge constitutionnel à déclarer
l’inconstitutionnalité partielle de la loi. Voy. M.- A. Benabdallah, « La constitutionnalité des cas d’incompatibilité », note
sous CC du 15 mars 2000, REMALD, n° 33, 2000, p. 143 et suiv.
(105) CCF, décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, « Loi portant habilitation du gouvernement à procéder, par
ordonnance, à l’adoption de la partie législative de certains codes », Rec. p. 136.
(106) Se reporter à L. Favoreu et L. Philip, les Grandes décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 2009.
(107) Les procédures de l’article 37 al. 2 et 41 de la Constitution sont alors mises en œuvre. On peut noter une évolution
du contrôle de l’étendue du pouvoir réglementaire par la juridiction constitutionnelle. (CC, décision n° 99-184 L du
18 mars 1999, Rec. p. 65 ; n° 99-187 L du 6 octobre 1999, Rec. p. 114). La conséquence est que le Conseil en vient parfois
à contrôler le réglementaire en plus du contrôle effectué par le Conseil d’Etat, juge naturel en la matière). Au Maroc, le
juge constitutionnel a considéré que « lorsqu’il est saisi d’une loi portant ratification d’un décret-loi, pour en apprécier
la constitutionnalité, le Conseil constitutionnel doit faire porter son examen à la fois sur la loi de ratification et le décret
ratifié qui forment dès lors un tout indissociable » (décision n° 37-94 CC du 16 août 1994, préc).
recours à la juridiction constitutionnelle pour évaluer sans cesse la qualité des lois, en est
une démonstration. La jurisprudence fait donc transparaître un contenu matériel minimum
de la loi, que le législateur peut étendre, mais ne peut réduire, dans les domaines que le bloc
de constitutionnalité lui impose.
C’est notamment avec ce que nous enseigne empiriquement la jurisprudence
constitutionnelle examinant la suffisance ou l’insuffisance de la loi, que la question du
contenu minimum du texte de loi est éclairée, ou obscurcie d’ailleurs. Ainsi le texte de loi doit
posséder un contenu « essentiel », « fondamental », un « noyau dur » de dispositions (108), qui
ne peuvent être seulement générales et imprécises, mais doivent constituer « une véritable
substance normative » (109). A ce titre, les décisions rendues par le juge constitutionnel
marquent sans doute un nouveau tournant jurisprudentiel et une implication plus active
de la haute juridiction. A l’occasion d’une décision (110) qui a focalisé l’attention, le juge
constitutionnel a adressé au législateur l’avertissement suivant, « la loi a pour vocation
d’énoncer des règles et doit par la suite être revêtue d’une portée normative ». Une disposition
législative dépourvue d’effet normatif ne rempli cette fonction de compte rendu qui permet
à ses destinataires, à sa seule lecture de savoir si elle a pour objet d’autoriser, d’ordonner,
d’interdire, de créer des droits et des obligations (111).
Si on imagine aisément qu’il y a une compétence minimale et indivisible de la loi, il est
des matières où cette compétence minimale est insondable. Et plus on s’éloigne du centre de
compétence, plus l’incertitude grandit ; quelles dispositions devront être traitées dans le cadre
de la loi, lesquelles échappent à la gravité du noyau de compétence, enfin quelles échappées
seront acceptées par le juge, sa jurisprudence est elle prévisible (112), et peut-on prévenir
les lacunes d’un texte avant de le déférer ? Le fait que le contenu varie, suivant le risque que
comporte le domaine dans lequel le texte de loi intervient, ajoute de l’hétérogénéité : ainsi
la part obligatoire de prescriptions qui revient au Parlement est plus importante selon que le
texte affecte le domaine des droits et libertés fondamentaux, ou un domaine plus marginal,
à plus faible portée. On peut penser que les décisions relatives à des lois affectant des droits
fondamentaux sont plus à même de renseigner sur le contenu minimum du texte (113). Le
(108) Voy. sur cette question notre thèse : « Le Conseil constitutionnel et la théorie de la séparation des pouvoirs au
Maroc », op. cit., p. 113 et suiv.
(109) L. Milano, op. cit., p. 661 et suiv. ; F. Priet, op. cit., p. 82.
(110) CCF, décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, « Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités
territoriales », Rec. p. 116 ; n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, « Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de
l’école », Rec. p. 72.
(111) CCF, décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, « Loi pour la sécurité intérieure », Rec. p. 211 ; n° 2000-435 DC
du 7 décembre 2000, « Loi d’orientation pour l’outre-mer », Rec. p. 164.
(112) B. Genevois, « La jurisprudence du Conseil constitutionnelle est-elle imprévisible ? », Pouvoirs, n° 59, 1991,
p. 129 et suiv.
(113) CCM, décision n° 786-2010 du 2 mars 2010, « Loi organique relative au Conseil économique et social », BORM
n° 5820 du 11 mars 2010, p. 967. Dans cette décision, le juge constitutionnel a considéré que le Préambule intégré à cette
loi organique était dépourvu de caractère normatif ou fondamental et par conséquent ne devait pas figurer dans ce texte.
juge constitutionnel a largement inclus, dans la réserve de loi, l’exercice des droits et libertés
constitutionnellement garantis comme étant une matière dans laquelle l’organe législatif est
seul appelé à intervenir, sans pouvoir renvoyer celle-ci aux autorités chargées d’appliquer la loi
(juge, administration, autorités indépendantes). La sphère juridique laissée à l’intervention de
l’Etat dans le domaine d’exercice des droits fondamentaux relève de la compétence exclusive
du législateur (114). On mesure la tâche qui pèse sur le Gouvernement, le Parlement, et surtout
sur le juge constitutionnel, lors de la genèse d’un texte.
Le recours du juge constitutionnel à la notion d’incompétence négative est effectué
avec prudence, et en relation avec le niveau de garanties accordées aux citoyens, qu’il
évalue suffisant ou insuffisant dans le texte de loi. Cette attitude jurisprudentielle laisse
néanmoins à penser qu’il y a, dans l’incompétence négative, différents degrés d’erreur,
d’irrégularité ou d’incapacité susceptibles d’être commises par le législateur. La juridiction
constitutionnelle ne sanctionne pas les dispositions litigieuses si le législateur subordonne
leur élaboration au respect de garanties essentielles (115) ; il n’y a pas non plus de sanction
pour incompétence négative si ces garanties sont présentes et assurées avec la loi déférée ;
on a à l’esprit, par exemple, la décision Principes d’aménagement de 1985 visant une loi sur
l’aménagement foncier (116), ou la décision sur la loi autorisant le transfert d’entreprises
publiques au secteur privé (117). Corrélativement, en matière de garanties, le juge censure
et tente d’étendre le contenu minimum de la loi ; on renvoie ici à la décision l’exploitation
des services de radio-télévision livrés à disposition du public sur des réseaux câblés, dans
laquelle le juge rattache la définition du réseau câblé à la mise à disposition du public d’un
service de radio-télévision, et y voit une garantie fondamentale pour laquelle la compétence
législative est nécessaire (118). Parmi la jurisprudence qui exige à ce que la loi respecte le
principe constitutionnel de répartition des compétences, et ce faisant, comporte des garanties
essentielles pour sauvegarder des droits et libertés fondamentaux, la décision du 15 mars
2000 sur le recouvrement des créances publiques visant des garanties destinées à protéger
les droits fondamentaux (119). Dans cette décision illustrant la compétence du législateur, au
titre de l’article 71, pour fixer les règles concernant les droits civiques, politiques et garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, il appartient
au législateur non seulement de définir les fonctions officielles et électives concernées par
les dispositions de l’article 142 de cette loi, mais aussi de fixer les procédures à suivre pour
la déclaration de l’incompatibilité et les autorités chargées de la constater qui doivent, selon
le juge constitutionnel, répondre aux conditions d’impartialité et d’intégrité permettant
d’éviter tout abus et garantissant l’indépendance du législateur dans le cadre de la séparation
des pouvoirs et du respect des attributions dévolues aux institutions constitutionnelles, en
tant que principes à valeur constitutionnelle.
Le contenu a minima n’est pas uniquement celui d’une compétence rationne materiae,
ce n’est pas simplement la nature substantielle du contenu de la norme qui importe. En
effet, ce contenu normatif doit aussi être « dense » et « précis » et il est confié en l’état de ces
remarques au législateur pour réécriture, en cas d’inconstitutionnalité de la loi (120).
Quoique exigeant, le débat sur la précision suffisante ne vise pas à imposer que la loi
traite et prévoie tout, dans le corps du texte, obligation est faite au législateur de présenter
un corps de texte comportant suffisamment de précisions. La rédaction du texte est invitée
à exprimer une coordination entre la loi et le projet de société qu’elle amène. Ainsi, le texte
doit permettre l’application légale et effective des objectifs qu’il poursuit. Bien que par
principe, cette jurisprudence impose au législateur de véritables contraintes, il ne s’agit pas
de dire que la juridiction constitutionnelle veille au développement d’une norme législative-
cadre, mais de rappeler la place hiérarchique et la fonction d’encadrement de la loi, en
n’autorisant la promulgation que de textes complets, respectant l’étendue de la compétence
législative, synthétisant le projet de réforme de la société, sans oublier l’exigence de précision
nécessaire à l’effectivité d’une loi. Ainsi la décision relative aux établissements publics
à caractère scientifique, culturel et professionnel (121) témoigne d’un juge qui exige du
législateur qu’il prévoit, et aménage, dans la loi la diversité institutionnelle qui peut exister
dans les établissements d’enseignement supérieur ; la diversité y est possible, mais toute
tentative d’organisation doit nécessairement s’inscrire dans un cadre constitutionnel (122).
Enfin, le dernier aspect du contrôle de la qualité de la norme est constitué par un cas
jurisprudentiel insolite, celui de la censure frappant un texte de loi parce qu’il aurait dû
contenir certaines dispositions. Le législateur n’a pas agi lui-même et n’a pas renvoyé à une
autre autorité, son texte encourt une déclaration de non conformité à la Constitution pour
(120) CCM, décision n° 661-2007 CC du 23 septembre 2007, « Loi organique n° 51-06 modifiant et complétant la
loi organique n° 32-97 relative à la chambre des conseillers », BORM., n° 5571 du 22 octobre 2007, p. 3453 ; décision
n° 660-2007 CC du 23 septembre 2007, « Loi organique n° 50-06 modifiant et complétant la loi organique n° 31-97
relative à la Chambre des représentants », BORM., n° 5571 du 22 octobre 2007, p. 3451) ; CCF, décision n° 2001-452 DC
du 6 décembre 2001, « Loi portant mesures urgentes à caractère économique et financier », préc.
(121) CCF, décision n° 93-322 DC du 23 juillet 1993, Rec. p. 204.
(122) D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 137.
silence du législateur (123). Ce silence devient parfois un sérieux obstacle pour faire valider
un texte de loi. Dans la décision du 15 mars 2000 sur la loi formant code de recouvrement
des créances publiques, déjà évoquée, la juridiction constitutionnelle marocaine considère,
que le silence du législateur est constitutif d’incompétence négative et qu’il fait du texte
de loi un texte non conforme à la Constitution alors même que la loi aurait dû permettre
(bien écrite et complète) d’atteindre l’objectif constitutionnel de protection des droits
fondamentaux. Deux décisions du Conseil constitutionnel français illustrent également ce
cas de figure, la décision n° 84-183 DC (124) rendue à l’encontre d’une loi ne définissant pas
le contenu d’une incrimination ou la décision n° 85-198 DC (125), Amendement Tour Eiffel,
à propos d’une loi qui n’a pas déterminé de garanties propres à sauvegarder les libertés
pendant l’installation de moyens de diffusion par voie hertzienne sur les propriétés bâties.
Reste un cas plus problématique, celui du renvoi par la loi à une loi ultérieure, s’agit-
il d’une délégation explicite de compétence au législateur futur qui doit être identifiée
comme un vice d’incompétence ou s’agit-il d’un défaut d’accessibilité et d’intelligibilité
assimilable à un vice de forme ? Le renvoi à une loi ultérieure n’est pas condamnable en
soi, si le Conseil condamne cette pratique dans la décision 2004-499 DC (126), c’est parce
que posant un principe général, le législateur a renvoyé à des lois futures le soin d’apporter
des éclaircissements nécessaires, faisant de la loi future une sorte de « loi d’application » de
la loi antérieure. Le Conseil censure ce renvoi sous l’angle de l’incompétence négative ; on
peut s’interroger sur la pertinence de l’utilisation du vice d’incompétence car, dans cette
hypothèse, le renvoi ne se fait pas au profit d’une autorité incompétente puisque le législateur
renvoie au législateur futur.
Somme toute, on mesure bien le chemin parcouru depuis les premières décisions du juge
constitutionnel et combien cette référence au contrôle des compétences a d’implications.
Le bouleversement pourrait être résumé, selon le doyen Louis Favoreu, dans le fait que :
« le partage d’attributions entre le législateur et le pouvoir réglementaire s’effectue non
pas en considération de la matière donc « en surface », mais eu égard à l’importance de la
question traitée » (127). La question est moins de savoir si la matière appartient au législatif
ou à l’exécutif, que de permettre que la loi apporte davantage de garanties ou ne détruise
pas celles accordées. Cette attitude volontariste du juge constitutionnel pourrait heurter et
paraître néanmoins trop peu juridique, l’incompétence négative du législateur sert donc de
caution juridique, permettant de garantir le meilleur exercice de la compétence législative
par des pouvoirs différents, mais elle porte certainement plus que cela. La part préservée du
(128) D. Rousseau, le Contrôle de l’opportunité de l’action administrative par le juge administratif, ANRT, Lille,
1984.
(129) Voy. P. Delvolvé, « Existe-il un contrôle de l’opportunité ? », in le Conseil constitutionnel et Conseil d’Etat, Paris,
LGDJ-Montchrestien, 1988, p. 269 et suiv.
(130) A. Bockel, Contribution à l’étude du pouvoir discrétionnaire de l’administration, AJDA, 1978, p. 355 ; A. de
Laubadère, « Le contrôle juridictionnel du pouvoir discrétionnaire dans la jurisprudence récente du Conseil d’Etat », in
Mélanges Marcel Waline, LGDJ, 1974, p. 531.
(131) G. Schmitter, op. cit., p. 159.
dispositions dont la portée et les conséquences auraient pu faire penser qu’elles devaient
relever du domaine d’intervention de la loi. Pour la haute juridiction constitutionnelle ni
l’article 34 de la Constitution ni aucune autre règle de valeur constitutionnelle n’exige que
les conditions de passation des marchés publics et contrats passés par l’Etat soient défini par
la loi ; que la procédure de publicité et de mise en concurrence du choix du cocontractant de
l’Etat relève du décret en Conseil d’Etat sous le contrôle de la juridiction administrative ; et
par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le législateur n’est pas
resté en deçà de la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution.
La conciliation de principes concurrents, la conformité sous réserve (139), permettent de
laisser au législateur le pouvoir discrétionnaire et au juge de faire interprétation d’un texte
dans une situation donnée. La technique de conformité sous réserve, instrument récurrent
du contrôle de constitutionnalité, permet ainsi au juge de sauver la norme, en l’entourant
d’un certain nombre de garanties qui s’accommodent avec l’ensemble du texte voté par le
Parlement, et respectent les exigences de la norme constitutionnelle (140).
Cependant, l’équilibre est-il si facile à trouver ? Une chose frappe dans la jurisprudence
constitutionnelle, c’est que la conformité sous réserve n’est pas exempte d’ambiguïté,
notamment quant aux lois impliquant des choix de société (141). Certes, le contrôle de
constitutionnalité externe ne peut porter que sur des données objectives, normalement
comprises dans les situations de délégation de compétences tolérées ou censurées par le
juge constitutionnel. Pourtant, il arrive que l’on ne voit plus exactement si l’incompétence
négative, assortie de réserves d’interprétation, demeure sur le terrain interne. Au-delà des
considérations générales, on peut observer qu’en rejetant une délégation de compétence, le
juge constitutionnel impose à la disposition que le législateur avait prescrite, non seulement,
des contraintes rédactionnelles, mais aussi de fonds, et limite également le pouvoir d’agir
de l’autorité réglementaire. Ainsi, en restreignant la répartition de compétences adoptée, le
pouvoir du Parlement de pouvoir choisir quel type de norme s’exprimera davantage sur une
matière se trouve sensiblement réduit.
De surcroît, ces situations de délégation de compétences dont la haute juridiction se
trouve saisi ont des explications, en amont, qui complètent la disposition litigieuse immédiate
(139) Afin de sortir du diptyque classique constitutionnalité/inconstitutionnalité, inadapté à la réalité juridique de nos
jours, le juge constitutionnel a développé la technique de réserve d’interprétation. Certaines décisions témoignent en
effet qu’il réécrit parfois des dispositions législatives pour les faire échapper à la censure, notamment lorsqu’il est
confronté à des malfaçons législatives. (CCF, décision n° 2011-628 DC du 12 avril 2011, « Loi organique relative à
l’élection des députés et des sénateurs », JORF du 19 avril 2011, p. 6836). Voy. sur cette question : A. Viala, les Réserves
d’interprétation dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, LGDJ, 1999, p. 102.
(140) CCM, décision n° 818-11 du 20 octobre 2011, « Loi organique relative aux partis politiques », BORM n° 5989 du
24 octobre 2011, p. 5201 ; n° 817-11 du 13 octobre 2011, « Loi organique relative à la Chambre des représentants », BORM
n° 5987 du 17 octobre 2011, p. 5084 ; n° 786-2010 du 2 mars 2010, « Loi organique relative au Conseil économique et
social », BORM n° 5820 du 11 mars 2010, p. 967.
(141) A. Viala, « Les réserves d’interprétation : un outil de resserrement de la contrainte de constitutionnalité », RDP,
1997, p. 1047 ; J. Trémeau, la Réserve de loi, Economica-PUAM, 1997.
(qu’est par exemple la mention formelle du renvoi dans un texte) sur laquelle, seul, le juge
est censé rendre sa décision. L’attitude de l’auteur de la compétence non exercée, et les
raisons pragmatiques ou sociétales à l’inaction de l’institution normalement compétente,
sont autant de paramètres livrées également à la réflexion de la haute juridiction bien que ces
éléments ne figurent dans les considérants des décisions constitutionnelles. Si obligation de
bien légiférer il y a, Parlement, Gouvernement, et juridiction constitutionnelle participent à
sa définition chacun pour leur part. Dans le compromis qu’ils installent, est-on certain que
le juge constitutionnel conserve le dernier mot ?
Sans confronter pouvoir discrétionnaire du législateur et marge de liberté de la juridiction
constitutionnelle (142), il faut reconnaître que l’artifice juridique est souvent sous-jacent dans
ce découpage entre esprit et corps de la norme examinée, entre contrôle interne et externe.
Assurément, à l’occasion du contrôle de constitutionnalité externe et surtout interne, « le
juge apporte sa contribution (…) à l’œuvre législative du Parlement » (143). L’influence de
la juridiction constitutionnelle sur la vie politique est de plus en plus perceptible : on assiste
non seulement à une « juridicisation » (144) de la vie politique mais plus généralement à
une « constitutionnalisation » (145) du droit. Néanmoins, la juridiction constitutionnelle ne
dispose que d’une faculté d’empêcher par laquelle en cas de non conformité il renvoie le
texte censuré au pouvoir politique, pourtant elle lui permet de devenir « co-législateur »
selon la thèse développée par Michel Troper (146) et « législateur implicite et constituant
secondaire » selon l’expression consacrée par Thierry Renoux et Michel de Villiers (147).
Le juge résiste à cette tentation vers laquelle il peut être poussé par les requérants, en
rappelant dans un considérant de principe que les dispositions constitutionnelles relatives au
contrôle de constitutionnalité, « ne lui confère pas un pouvoir général d’appréciation et de
décision identique à celui du Parlement » (148) ; en refusant de « rechercher si les objectifs
que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les
modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriés à ces objectifs » (149),
le Conseil ne se prononce pas sur l’opportunité de loi (150). Notamment, c’est à l’occasion
(142) P. Pactet, « A propos de la marge de liberté du Conseil constitutionnel », in Libertés, Mélanges Jacques Robert,
Montchrestien, 1998.
(143) Th. Renoux et M. de Villiers, Code constitutionnel, LexisNexis-Litec, 2011, p. 513.
(144) B. François, « Le Conseil constitutionnel et la Ve République. Réflexion sur l’émergence et les effets du contrôle de
constitutionnalité en France », RFSP, 1997, p. 304.
(145) L. Favoreu, « La constitutionnalisation de l’ordre juridique. Considérations générales », RBDC, 1998, p. 233-243.
(146) M. Troper, « Justice constitutionnelle et démocratie », RFDC, n° 1, 1990, p. 29.
(147) Ibid., p. 514.
(148) CCM, décision n° 817-2011, « Loi organique relative à la Chambre des représentants », BORM n° 5987 du
17 octobre 2011, p. 5084 ; n° 215-98 CC du 3 juillet 1998, « Application du règlement intérieur de la Chambre des
représentants en matière du vote du programme du Gouvernement », RCC n° 2-2002, p. 111 ; CCF, décision n° 74-54 DC
du 15 janvier 1975, « Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse », Rec. p. 19.
(149) CCF, décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, préc.
(150) CCF, décision n° 84-179 DC du 12 septembre 1984, « Loi relative à la limite d’âge dans la fonction publique et
secteur public », Rec. p. 73 (considérant n° 33).
(151) CC, décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991, « Loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier »,
Rec. p. 82.
(152) CCM, décision n° 37-94 CC du 16 août 1994, préc.
(153) Y. Gaudemet, « Fonction interprétative et fonction législative : aménagements juridiques de leurs rapports », in
Interprétation et droit, P. Amselek (dir.), PUAM, 1995, p. 200 et suiv. ; M. Troper, « La liberté d’interprétation du juge
constitutionnel », in Interprétation et droit, op. cit., p. 235 et suiv.
(154) M. Troper, « Le bon usage des spectres. Du gouvernement des juges au gouvernement pas les juges », in le
Renouveau du constitutionnalisme, Mélanges en l’honneur de Gérard Conac, Paris, Economica, 2001, p. 62.
(155) Cité par R. Badinter, « Du côté du Conseil constitutionnel », RFDA, 2002, p. 207 et B. Genevois, « Un universitaire
au Conseil constitutionnel. Le doyen Vedel », RFDA, 2004, p. 215.
(156) R. Etien, « Le pluralisme : objectif de valeur constitutionnelle », Revue adm., 1986, p. 567.
(157) G. Vedel, « Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoir exécutif », CCC, n° 1, 1996, p. 57 et n° 2, 1997, p. 77.
(158) Voy. G. Drago, B. François et N. Molfessis, la Légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica,
1999 ; L. Favoreu, « La légitimité du juge constitutionnel », RIDC, n° 2, 19994, p. 556 ; B. Manin, « Volonté générale ou
délibération ? Esquisse d’une théorie de la délibération publique », le Débat, n° 33, 1985, p. 72 et suiv.
(159) G. Vedel, « Réflexions sur les singularités de la procédure devant le Conseil constitutionnel », in Nouveaux juges,
nouveaux pouvoirs ?, Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 541.
(160) D. de Béchillon, Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l’Etat, Economica-PUAM, 1996.
(161) P. Pactet, « La loi, permanence et changements », in Droit administratif, Mélanges René Chapus, Paris,
Montchrestien, 1992, p. 507 et suiv ; B. Mathieu, la Loi, Dalloz, 1996 ; G. Burdeau, « Le déclin de la loi », Archives de
philosophie du droit, 1963, p. 35 et suiv.
(162) Voy. sur cette question notre thèse : le Conseil constitutionnel et la théorie de la séparation des pouvoirs au Maroc,
op. cit., p. 550 à 564.
(163) Voy. A. Delcamp, « Le Conseil constitutionnel et le Parlement », RFDC, 2004-1, n° 57, p. 37-83.
(164) Article 61-1 de la Constitution française. Article 133 de la Constitution marocaine.
(165) L’incompétence négative dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), reste un problème
de renvoi du domaine d’exercice des droits fondamentaux par le législateur au pouvoir d’application de la loi, et n’est
en aucun cas un problème d’intervention du législateur. Autrement dit, le juge constitutionnel ne demande pas au
législateur d’intervenir afin de protéger les droits et libertés constitutionnellement garantis, il exige qu’il prédétermine
une fois intervenu, l’acteur des autorités chargées d’appliquer la loi. Car une carence du législateur peut ouvrir la porte à
l’arbitraire. Plus précisément, cette carence est de nature à permettre la violation d’un droit ou d’une liberté.
d’exercice des droits et libertés fondamentaux, matière que la Constitution lui réserve
exclusivement (166). Dans le contrôle a priori, l’incompétence négative du législateur est
peu à peu passée du statut de fondement procédural, formel, à une question démocratique
substantielle : seule la représentation démocratique peut s’ingérer dans les libertés des
citoyens. Lorsqu’elle le fait, elle doit le faire précisément et pleinement. Mais, dans la
mesure où cette règle de compétence vient garantir que les destinataires de la norme en
sont au moins indirectement les acteurs, le recours à l’incompétence négative du législateur
dans le cadre du contrôle a posteriori ne conduit-elle pas à la reconnaissance, à l’égard du
justiciable, d’un droit à l’édiction démocratique (167) de la norme qu’on veut lui appliquer.
Au final, l’amélioration de la qualité de la loi, comme objectif du contrôle de l’incompétence
négative, implique un contrôle renforcé du respect de ces exigences constitutionnelles
et un effort de systématisation des causes de malfaçons législatives. En ce sens, le juge
constitutionnel, les parlementaires, le citoyen (168) et la science constitutionnelle ont chacun
dans leur domaine un rôle déterminant à jouer dans la lutte pour la qualité de la loi, ce qui
témoigne de la complémentarité nécessaire entre le travail du juge, des représentants, des
justiciables et leurs conseils, et celui de la doctrine.
(166) Voy. par exemple : CCF, décision n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010, SNC Kimberly-Clark, JORF du 19 juin 2010,
p. 11149 (considérant 3) ; n° 2010-45 QPC du 6 octobre 2010, M. Mathieu P., JORF du 7 octobre 2010, p. 18156
(considérant 6) ; n° 2010-83 QPC du 13 janvier 2011, M. Claude G., JORF du 14 janvier 2011, p. 811 (considérant 6).
(167) A.-M. Le Pourhiet, « Question prioritaire de constitutionnalité, démocratie et séparation des pouvoirs », Constitutions,
2011, p. 47 : « On peut certainement affirmé que les citoyens se voient reconnaître par le texte constitutionnel un droit à
l’élaboration démocratique des normes et à la fixation des prélèvements fiscaux de façon autrement plus explicite que les
droits à une justice impartiale, à un procès équitable ou à l’indépendance des professeurs d’Université qui ne sont écrits
nulle part dans la Constitution. »
(168) Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a posteriori.