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DISSERTATION DROIT CONSTITUTIONNEL

Sujet : Quelles sont les autorités constitutionnelles dont les rapports peuvent être
organisés par le juge constitutionnel ?

Introduction :

« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des
Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » (Article 16 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789). Le respect de cet éminent principe devenu le socle même de
l’État de droit a conduit à la mise en place d’un contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des
actes des autorités constitutionnelles. C’est-à-dire des institutions de l’État qui se sont vues
investies certains pouvoirs pas la Constitution : l’Exécutif et le Parlement. Un contrôle
juridictionnel donc, au sens de la protection du respect de la répartition constitutionnelle des
pouvoirs entre ces autorités.
La pensée de la séparation des pouvoirs et la pertinence d’un contrôle juridictionnel de sa mise en
œuvre ne se sont cependant pas imposées d’elles-mêmes dans la démocratie occidentale en
général, et en France plus particulièrement. Il a fallu de longues années et moult prudences pour
que le contrôle juridictionnel soit enfin accepté. Et c’est donc ainsi que le Conseil constitutionnel
s’est vu attribuer un rôle d’arbitre dans les rapports entre l’Exécutif et le Parlement. La question
qui se pose maintenant est de savoir comment se manifeste l’organisation par le juge
constitutionnel des rapports entre ces deux piliers de l’État de droit.
Pour pouvoir répondre correctement à cette question, nous allons dans un premier temps, voir
comment, par le truchement du contrôle de la loi, le juge constitutionnel peut jouer un rôle
d’arbitrage entre les deux autorités constitutionnelles (I). Puis nous étudierons comment se passe
concrètement la mise en œuvre de cette mission d’arbitrage dans un deuxième temps (II).

I. L’arbitrage par le truchement du contrôle de la loi


Le contrôle juridictionnel de la séparation des pouvoirs est un principe dont la mise en place et
l’application ont pris du temps.
A. Un rôle d’arbitrage institué par la Constitution de 1958
Le Conseil constitutionnel est né avec la Constitution du 4 octobre 1958 (JO 5 oct. 1958,
p. 9151). Sa naissance est donc relativement récente. Une naissance tardive qui s’explique par «
la tradition constitutionnelle française profondément attachée à la souveraineté absolue de la
loi, “expression de la volonté générale” (LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL FRANÇAIS,
Yves GUĒNA, Président du Conseil constitutionnel,
https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/pdf/Conseil/armenie.pdf).
Une naissance qui se justifie par le besoin d’avoir un Exécutif libre des entraves d’un régime
d’assemblée et de ses dérives, un Exécutif qui a les moyens de gouverner.
La naissance du Conseil constitutionnel revient ainsi sur une interprétation française de la
séparation des pouvoirs qui a été, jusque-là, caractérisée par la méfiance à l’égard des juges et
plus particulièrement du gouvernement des juges. Dans l’interprétation classique du principe, le
juge est sensé prononcer les paroles de la loi, il n’a pas la vocation de la créer ou la contrôler.
Tout comme il ne peut pas non plus contrôler ou s’immiscer dans les affaires de l’Exécutif ( loi
des 16-24 août 1790).
Depuis 1958 et l’introduction du Conseil constitutionnel dans la Constitution, le juge
constitutionnel a désormais le pouvoir d’exercer un contrôle sur les actes de l’Exécutif et du
Parlement, mais également sur les rapports qu’ils entretiennent entre eux.

B. Un rôle d’arbitrage qui organise la mise en œuvre de la séparation des


pouvoirs

C’est le Conseil constitutionnel lui-même qui a posé le principe de son rôle de de gardien de la
séparation des pouvoirs quand, dans sa décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979 il affirme ainsi
que “que le législateur n’ayant fait qu’user des pouvoirs qui lui appartiennent de fixer les
conditions de mise en vigueur des règles qu’il édicte, n’a méconnu ni le principe de la séparation
des pouvoirs ni les dispositions constitutionnelles qui le mettent en œuvre” (CC n° 79-104 DC,
23 mai 1979, Loi modifiant les modes d’élection de l’Assemblée territoriale et du Conseil de
gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles
générales de l’aide technique et financière contractuelle de l’État, Rec., p. 27).
Ce rôle de gardien lui permet alors de sanctionner toutes les atteintes qui pourraient être faites à
ce principe constitutionnel. Atteintes caractérisées notamment par le non-respect des domaines
respectifs de la loi et du règlement, tel que posé par l’article 34 de la Constitution. En veillant au
respect de cet article 34, le juge constitutionnel maintient l’équilibre dans l’exercice des deux
pouvoirs mis en place par la Constitution.
Dans l’exercice de son contrôle, le juge constitutionnel a ainsi sanctionné les injonctions faites
par le Parlement au Gouvernement de consulter une commission parlementaire, une telle
injonction méconnaissant le principe de la séparation des pouvoirs (CC n° 70-41 DC,
30 décembre 1970, Loi de finances rectificative pour 1970, Rec., p. 29 ; CC n° 2009-577 DC,
3 mars 2009, Loi relative à la communication audiovisuelle, Rec., p. 64, cons. 29 à 31 ; CC
n° 2009-581 DC, 25 juin 2009, Résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée
nationale, Rec., p. 120, cons. 62).
Et de la même façon, il a également sanctionné le fait pour le Gouvernement de prêter son
concours à un organe d’une assemblée parlementaire dans l’évaluation des politiques publiques
par le truchement d’experts placés sous sa responsabilité (CC n° 2009-581 DC préc., cons. 59, 61
et 62).
Le juge constitutionnel organise donc bien les rapports entre les deux autorités constitutionnelles,
mais comment cette organisation est-elle mise en œuvre ?

II. La mise en œuvre du rôle d’arbitrage du juge constitutionnel

Pour mettre en œuvre le rôle d’organisation du juge constitutionnel, la Constitution a mis en


place trois procédures. Celles de la délégalisation et des fins de non-recevoir des articles 37 et 41
(A) et celle prévue à l’article 61 (B).

A. La procédure de délégalisation de l’article 37-2 et celle des fins de non-


recevoir de l’article 41 de la Constitution

Après avoir posé le principe de la délimitation du domaine de la loi dans l’article 34 de la


Constitution, le constituant a également prévu la possibilité pour le juge constitutionnel de
procéder à une “délégalisation”. C’est-à-dire, à la demande du Gouvernement, de reconnaître le
caractère réglementaire d’une disposition de la loi. Ce qui permettrait à ce dernier de modifier de
telles dispositions par décrets pris après décision du Conseil constitutionnel constatant leur
caractère règlementaire.
Dans cette procédure, le juge constitutionnel n’exerce pas un contrôle de conformité de la loi à la
Constitution. La procédure n’est donc pas fondée sur la violation de l’un des droits fondamentaux
à caractère constitutionnel. Ce qui signifie que le juge constitutionnel doit seulement se
prononcer sur le fait que “les dispositions qui lui sont soumises relèvent du domaine législatif ou
du domaine réglementaire” (Cons. const., déc. n° 95-177 L, 8 juin 1995). Il n’est pas amené à
censurer un texte de loi, il est amené à permettre que le texte soit modifié par Décret.
L’article 41 de la Constitution permet ensuite au juge constitutionnel de trancher un conflit entre
le Gouvernement et le Parlement pendant le déroulement de la procédure parlementaire. Si la
procédure de l’article 37-2 permet un contrôle des textes de formes législatives, la procédure de
l’article 41 elle permet un “contrôle de la loi proposée” (F. Luchaire, Le Conseil constitutionnel :
Économica, 2e éd., 1997). Cette procédure organise un “examen des fins de non-recevoir” (Ord.
n° 58-1067, 7 nov. 1958, chap. IV) permet ainsi au Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité à
une proposition ou un amendement. Cependant, cette exception d’irrecevabilité est valable dans
les deux sens, et le juge constitutionnel peut ainsi l’utiliser autant pour protéger le domaine
législatif (en permettant par exemple à une proposition de loi de reprendre un texte réglementaire
ou d’en modifier le contenu ou encore de l’abroger, Cons. const., déc. n° 59-1, 27 nov. 1959) que
le domaine règlementaire.
Tout comme la procédure de la délégalisation, la procédure de fin de non-recevoir permet de
contrôler la répartition des compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et non de
contrôler la conformité de la proposition de loi à la Constitution. Une telle procédure n’est
permise que par l’article 61 de la Constitution (Cons. const., déc. n° 79-10, 26 avr. 1979).

B. La procédure exceptionnelle de l’article 61 de la Constitution

L’article 61 qui permet donc un contrôle de conformité de la loi à la Constitution. C’est d’ailleurs
la finalité principale de la procédure, le contrôle du respect de la séparation des pouvoirs étant
secondaire ici. Secondaire, mais pas inexistant. En effet, il arrive que la défense de la
Constitution passe également par le respect de la répartition des compétences entre le
Gouvernement et le Parlement.
L’article 61 permet ainsi au juge constitutionnel de préserver la compétence du pouvoir législatif
en lui interdisant d’abandonner certaines de ses prérogatives au profit du pouvoir règlementaire.
C’est ainsi que le juge constitutionnel a élaboré une jurisprudence de “l’incompétence négative”
(F. Priet, L’incompétence négative du législateur : RFD const. 1994). Le juge constitutionnel a
ainsi été amené à préserver les compétences du législateur qui entendait s’autolimiter et
restreindre sa compétence en s’interdisant de modifier une loi (Cons. const., déc. n° 83-160 DC,
19 juill. 1983).
Notons que le contrôle de la séparation des pouvoir ne peut s’opérer que dans ce sens dans le
cadre de l’article 61. Cet article n’a donc pas vocation à s’appliquer quand il s’agit de faire
respecter le domaine respectif de la loi et du règlement, puisque les article 37-2 et 41 prévoient
déjà des procédures spécifiques dans ce sens. Cela signifie que le juge constitutionnel considérera
inopérant la saisine du Conseil sur la base de l’article 61 en vue de faire reconnaître
l’inconstitutionnalité d’une loi intervenue dans le domaine règlementaire ( Cons. const., déc.
n° 82-143 DC, 30 juill. 1982).

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