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Sujet : Quelles sont les autorités constitutionnelles dont les rapports peuvent être
organisés par le juge constitutionnel ?
Introduction :
« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des
Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » (Article 16 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789). Le respect de cet éminent principe devenu le socle même de
l’État de droit a conduit à la mise en place d’un contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des
actes des autorités constitutionnelles. C’est-à-dire des institutions de l’État qui se sont vues
investies certains pouvoirs pas la Constitution : l’Exécutif et le Parlement. Un contrôle
juridictionnel donc, au sens de la protection du respect de la répartition constitutionnelle des
pouvoirs entre ces autorités.
La pensée de la séparation des pouvoirs et la pertinence d’un contrôle juridictionnel de sa mise en
œuvre ne se sont cependant pas imposées d’elles-mêmes dans la démocratie occidentale en
général, et en France plus particulièrement. Il a fallu de longues années et moult prudences pour
que le contrôle juridictionnel soit enfin accepté. Et c’est donc ainsi que le Conseil constitutionnel
s’est vu attribuer un rôle d’arbitre dans les rapports entre l’Exécutif et le Parlement. La question
qui se pose maintenant est de savoir comment se manifeste l’organisation par le juge
constitutionnel des rapports entre ces deux piliers de l’État de droit.
Pour pouvoir répondre correctement à cette question, nous allons dans un premier temps, voir
comment, par le truchement du contrôle de la loi, le juge constitutionnel peut jouer un rôle
d’arbitrage entre les deux autorités constitutionnelles (I). Puis nous étudierons comment se passe
concrètement la mise en œuvre de cette mission d’arbitrage dans un deuxième temps (II).
C’est le Conseil constitutionnel lui-même qui a posé le principe de son rôle de de gardien de la
séparation des pouvoirs quand, dans sa décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979 il affirme ainsi
que “que le législateur n’ayant fait qu’user des pouvoirs qui lui appartiennent de fixer les
conditions de mise en vigueur des règles qu’il édicte, n’a méconnu ni le principe de la séparation
des pouvoirs ni les dispositions constitutionnelles qui le mettent en œuvre” (CC n° 79-104 DC,
23 mai 1979, Loi modifiant les modes d’élection de l’Assemblée territoriale et du Conseil de
gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles
générales de l’aide technique et financière contractuelle de l’État, Rec., p. 27).
Ce rôle de gardien lui permet alors de sanctionner toutes les atteintes qui pourraient être faites à
ce principe constitutionnel. Atteintes caractérisées notamment par le non-respect des domaines
respectifs de la loi et du règlement, tel que posé par l’article 34 de la Constitution. En veillant au
respect de cet article 34, le juge constitutionnel maintient l’équilibre dans l’exercice des deux
pouvoirs mis en place par la Constitution.
Dans l’exercice de son contrôle, le juge constitutionnel a ainsi sanctionné les injonctions faites
par le Parlement au Gouvernement de consulter une commission parlementaire, une telle
injonction méconnaissant le principe de la séparation des pouvoirs (CC n° 70-41 DC,
30 décembre 1970, Loi de finances rectificative pour 1970, Rec., p. 29 ; CC n° 2009-577 DC,
3 mars 2009, Loi relative à la communication audiovisuelle, Rec., p. 64, cons. 29 à 31 ; CC
n° 2009-581 DC, 25 juin 2009, Résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée
nationale, Rec., p. 120, cons. 62).
Et de la même façon, il a également sanctionné le fait pour le Gouvernement de prêter son
concours à un organe d’une assemblée parlementaire dans l’évaluation des politiques publiques
par le truchement d’experts placés sous sa responsabilité (CC n° 2009-581 DC préc., cons. 59, 61
et 62).
Le juge constitutionnel organise donc bien les rapports entre les deux autorités constitutionnelles,
mais comment cette organisation est-elle mise en œuvre ?
L’article 61 qui permet donc un contrôle de conformité de la loi à la Constitution. C’est d’ailleurs
la finalité principale de la procédure, le contrôle du respect de la séparation des pouvoirs étant
secondaire ici. Secondaire, mais pas inexistant. En effet, il arrive que la défense de la
Constitution passe également par le respect de la répartition des compétences entre le
Gouvernement et le Parlement.
L’article 61 permet ainsi au juge constitutionnel de préserver la compétence du pouvoir législatif
en lui interdisant d’abandonner certaines de ses prérogatives au profit du pouvoir règlementaire.
C’est ainsi que le juge constitutionnel a élaboré une jurisprudence de “l’incompétence négative”
(F. Priet, L’incompétence négative du législateur : RFD const. 1994). Le juge constitutionnel a
ainsi été amené à préserver les compétences du législateur qui entendait s’autolimiter et
restreindre sa compétence en s’interdisant de modifier une loi (Cons. const., déc. n° 83-160 DC,
19 juill. 1983).
Notons que le contrôle de la séparation des pouvoir ne peut s’opérer que dans ce sens dans le
cadre de l’article 61. Cet article n’a donc pas vocation à s’appliquer quand il s’agit de faire
respecter le domaine respectif de la loi et du règlement, puisque les article 37-2 et 41 prévoient
déjà des procédures spécifiques dans ce sens. Cela signifie que le juge constitutionnel considérera
inopérant la saisine du Conseil sur la base de l’article 61 en vue de faire reconnaître
l’inconstitutionnalité d’une loi intervenue dans le domaine règlementaire ( Cons. const., déc.
n° 82-143 DC, 30 juill. 1982).