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Cours de Droit budgétaire

Arnaud Patrick EBANG NKOULOU


Docteur en droit public
Spécialiste en droit public financier

1
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
I. Ouvrages
BOUVIER (M.), M-C. ESCLASSAN, J-P LASSALE, Finances publique, LGDJ, 19e éd.2020.

CATTEAU (D.), Droit budgétaire, Comptabilité publique, Hachette, 3e éd., 2016.


DAMAREY (S.), Droit public financier, Paris, Dalloz, 2018.
DIOUKHANE (A.), Les finances publiques dans l’UEMOA. Le budget du Sénégal, Paris,
L’Harmattan, 2015.
GAUDEMET (P-M.), MOLINIER (J.), Les finances publiques, tome 1 : Budget-Trésor, Paris,
Montchrestien, 8e éd, 2016.
GILLES (W.), Les principes budgétaires et comptables publics, Paris, LGDJ, 2009.
MENGUE ME ENGOUANG (F.), Les finances publiques au Gabon. Droit budgétaire et droit
de la comptabilité publique, Paris, L’Harmattan, 2018.

MÉDÉ (N.), Finances publiques Espace UEMOA/UMOA, Dakar, L’harmattan-Sénégal, 2016.

ORSONI (G.), Science et législation financière, Paris, Economica, 2005.


II. Thèses et mémoires
EBANG NKOULOU Arnaud Patrick, La Constitution financière des pays francophones. Etude
comparative des exemples français, gabonais, sénégalais et suisse, Thèse, Université Omar
Bongo, 2023.
JEAN-ANTOINE (B.), Les normes constitutionnelles financières en droit français de 1789 à
nos jours, Thèse, Paris1, 2009.

LAURENT (C.), L’encadrement normatif des politiques budgétaires sous la Vème République,
Thèse, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2007.

MAUCOUR-ISABELLE (A), La rénovation des pouvoirs budgétaires du Parlement sous la Ve


République, Thèse, Paris I Panthléon-Sorbonne, 2003.

MEZUI OSSENE (W.R.), Les normes constitutionnelles financières au Gabon, Mémoire


master droit public, Université Omar Bongo, 2021.

MOMBO MOUBELE (M.R.), La saisine de la Cour constitutionnelle gabonaise par les


citoyens, Mémoire master droit public, Université Omar Bongo, 2020.

2
III. Articles
AVOM (D.), « La coordination des politiques budgétaires dans une union monétaire :
l’expérience des pays de la CEMAC », Revue tiers monde, 2007, n°192, p. 878.

EBANG NKOULOU Arnaud Patrick, « Le bloc de constitutionnalité et l’équilibre du budget


de l’Etat au Gabon » (à paraître)

ESSONO OVONO (A.), « La loi organique relative aux lois de finances et à l’exécution du
budget au Gabon au prisme de la nouvelle gouvernance financière publique », in Les finances
publiques entre dynamiques locales, Mélanges en l’honneur de Diarra ELOI et Yonaba
SALIFOU, Dakar, L’Harmattan-Sénégal, 2021, p.236.

GUIGUE (A), « Du besoin à l’obligation de sincérité », RFFP, 2010, n° 111, p.2.


LASCOMBE (M.), « Le Parlement et la loi des finances », in Réformes des finances publiques
et Modernisation de l’Administration, Mélanges en l’honneur de Robert HERTZOG, Paris,
Economica, 2010, p. 315.

JEAN-ANTOINE (B.), « La règle d’équilibre ou ‘’règle d’or’’, approche comparée », RFFP,


n°177, 2012.

KWAHOU (S.),

-« Le contrôle de constitutionnalité des lois de finances au Gabon », Afrique


juridique et politique, 2008, vol.3, n°1 et 2, p. 153.

-« L’influence du droit communautaire sur les finances publiques nationales : le


cas des États de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
(CEMAC) », Revue de droit international et de droit comparé, 2013, n°3, p. 388

MARTURCCI (F.), « La discipline budgétaire au service de la stabilité financière dans l’Union


monétaire », in R. HERTZOG, C. MESTRE, Y. PETIT (dir.) , La crise financière et budgétaire
en Europe, Presses universitaires de Nancy, 2013, p.163.

OLIVA (E.), « Les principes budgétaires et comptables à valeur constitutionnelle –


Considérations autour de la « vraie » Constitution financière de la France » in Long Cours,
Mélanges en l’honneur de Pierre BON, Paris, Dalloz, 2014, p. 470 ;
ONDO (T.),

-« Vers un droit constitutionnel financier au Gabon », RJP, n°1-2017, p.43 ;

3
- « Le bloc de constitutionnalité au Gabon », Hebdo informations, n°562, 2009, pp.25-
28.

4
INTRODUCTION
Ce cours est consacré à l’une des branches des finances publiques (ou droit public
financier)1 : le droit budgétaire. Pour trouver l’origine de la notion de finances publiques, il faut
remonter aux XIIIe et XIVe siècles où le mot finance, venant du latin finis, signifiait la fin ou
le terme. En droit, il était entendu comme désignant la fin des opérations juridiques, autrement
dit le paiement d’une somme d’argent. Au pluriel, l’expression « finances » signifiait, jusqu’à
la fin du XVIIIe siècle, « les derniers et revenus publics destinés à subvenir aux charges de
l’Etat »2.

A partir de cette étymologie, on doit retenir que les finances publiques renvoient aux
recettes et aux dépenses publiques.

On doit donc d’abord considérer ces finances comme celles des personnes morales de
droit public. Au niveau interne, il s’agit de l’Etat, des collectivités locales et des établissements
publics. Au niveau externe, il s’agit des organisations internationales et communautaires (ONU,
UA, CEMAC etc.). Elles pour objet de traiter les problèmes financiers de ces personnes par la
prise en compte l’ensemble des ressources et des charges se rapportant à leurs activités.

Ensuite, les finances publiques doivent être vues comme les finances des administrations
publiques. Ces dernières sont des entités qui exercent des activités non marchandes et dont le
financement repose principalement sur des prélèvements obligatoires et non obligatoires. La
Directive CEMAC n°05/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 relative au Tableau des
opérations financières de l’État (TOFE), en son article 2, alinéa 1, précise que ces
administrations ont pour fonctions principales de fournir à la collectivité des biens et services
non marchands destinés à la consommation collectives ou individuelle et à redistribuer le
revenu et la richesse au moyen de transferts. Elle divise les administrations publiques en trois
sous-secteurs3 :

-le sous-secteur administration centrale dont les compétences s’étendent sur la totalité
du territoire national et qui comprend l’État et d’autres unités d’administration publiques (y
compris ses institutions sans but non lucratif (ISBL) et unités extrabudgétaires) ayant un statut
légal distinct de l’État et une certaine autonomie vis-à-vis de lui ;

1 5
Les autres branches sont le droit fiscal, le droit de la comptabilité publique, les finances locales et les finances
communautaires.
2
G. Jèze, Cours de finances publiques, 1928-1929-Paris, M. Giard, 1929, p.2.
3
Art.5 de la Directive portant TOFE
-le sous-secteur des administrations locales, qui exercent leurs compétences sur un
territoire restreint, et qui comprends les collectivités locales et d’autres unités d’administration
publique (y compris leurs ISBL et unités extrabudgétaires) ;

-le sous-secteur de la sécurité sociale comprenant les régimes de protection sociale.

Enfin, les finances publiques se présentent comme les finances du secteur public. Cette
définition permet d’englober les finances des entreprises publiques. Il s’agit d’entreprises
industrielles ou commerciales sous contrôle de la puissance publique. En droit gabonais, le
régime juridique de ces entités est prévu par la loi n°11/82 du 24 janvier 1983 portant régime
juridique des établissements publics, des sociétés d’Etat, des sociétés d’économie mixte et des
sociétés à participation financière publique. Son article 17 définit les entreprises publiques
comme des « sociétés commerciales dont l’Etat, les collectivités ou les établissements publics
détiennent la totalité du capital et qui exercent une activité d’intérêt général ou interviennent
dans un domaine stratégique de l’économie du pays ».

L’apparition des finances publiques est liée à celle du droit de regard des parlementaires
sur les questions financières. Celui-ci a été favorisé par la règle du consentement de l’impôt,
née en Angleterre au XIIIe siècle.

En France, c’est avec la Restauration et l’avènement au pouvoir de Louis XVIII que les
finances publiques vont connaitre un réel essor. Les premières règles budgétaires ont été posées
par le baron Louis et le comte de Villèle, deux ministres des finances sous son règne.

Au Gabon, comme l’explique F. MENGUE ME ENGOUANG, on peut parler d’édiction


de règles financières nationales dès la naissance de la Vème république en France : « En 1958,
l’avènement de la Ve République française conduit à l’instauration de la ‘’communauté franco-
africaine’’. Le Gabon, comme les autres territoires d’outre-mer, accède alors à un régime
d’autonomie interne complète et acquiert, par voie de conséquence, une véritable autonomie
financière. En effet, son budget, alimenté par des ressources propres, est préparé sur place par
le gouvernement local et voté par l’Assemblée législative »4. L’accession à l’indépendance en
1960 a permis autorités d’établir d’autres textes financiers publics.

4 6
F. MENGUE ME ENGOUANG (F.), Les finances publiques au Gabon. Droit budgétaire et droit de la
comptabilité publique, Paris, L’Harmattan, 2018, pp. 29-30
La doctrine distingue deux grandes conceptions des finances publiques nées de
l’évolution du rôle de l’Etat : la conception classique et la conception moderne. La première
expose les particularités de ces finances jusqu’au XIXe siècle. L’Etat se présentait
essentiellement comme un Etat gendarme du fait de sa vocation sécuritaire. Ses missions se
limitaient à assurer quelques fonctions régaliennes : défense, justice, diplomatie, administration
etc. La puissance publique n’était donc pas habilitée à intervenir dans l’activité économique.
Celle-ci devait, de façon exclusive, dépendre de l’initiative privée et obéir aux lois du marché
et de la libre concurrence. Ses dépenses étaient donc extrêmement limitées.

La seconde conception admet un Etat avec des compétences plus importantes. Il a été
baptisé sous la dénomination d’« Etat providence ». C’est l’Etat qui intervient dans l’activité
économique et dans le domaine social. Les conséquences deux guerres mondiales et la crise
économique de 1929 sont au cœur de la naissance de ce nouvel Etat. Sa particularité
« financière » réside dans l’élargissement de ses dépenses et un recours croissant à
l’endettement.

Le droit budgétaire désigne les règles encadrant l’élaboration et l’adoption du budget. Il


se limite aux règles qui régissent le budget de l’Etat. Le terme « budget » est généralement
défini comme un document qui récapitule l’ensemble des recettes et des dépenses d’une entité
morale ou d’une personne physique. Au niveau étatique, il est considéré par la doctrine
majoritaire comme un simple acte de prévision à la différence de la loi de finances, notion très
proche, qui est un acte d’autorisation5. C’est donc cette loi qui conférerait au budget une valeur
juridique6.

Le droit positif gabonais semble utilisé les deux termes dans un même sens. En effet,
l’article 4 du décret n° 094/PR/MBCP du 8 février 2016 portant Règlement général sur la
comptabilité publique définit le budget comme « l’acte législatif par lequel sont prévues et
autorisées les recettes et les dépenses des entités publiques. Il est élaboré, arrêté, voté et exécuté
conformément aux dispositions des textes en vigueur ».

L’étude du droit budgétaire est importante au regard des rôles conférés au budget depuis
l’avènement de « l’Etat providence ». Celui-ci est en effet un instrument financier à travers
lequel la puissance publique remplie la fonction de garant de la satisfaction des besoins des
acteurs économiques et sociaux en exploitant au mieux et d’une façon optimale les ressources

5
A. BAUDU, Droit des finances publiques, Paris, Dalloz, 2e éd., p. 431. 7
6
P-M. GAUDEMET, J. MOLINIER, Finances publiques, Paris, Montchrestien, T. 1, 1989, p.249.
offertes. Le budget permet donc de mettre en œuvre des politiques économiques et sociaux dans
le but d’atteindre des objectifs de développement.

Plan du Cours :
Chapitre 1 : Les sources et les principes du droit budgétaire
Chapitre 2 : Le cadre juridique du budget de l’Etat : les lois de finances

8
Chapitre 1 : Les sources et les principes du droit budgétaire

Les sources du droit budgétaire sont importantes et variées (Section 1). Après leur
analyse, on va s’intéresser aux principes budgétaires (Section 2).

Section 1 : Les sources du droit budgétaire

On dénombre une diversité de sources du droit budgétaire. Elles peuvent être regroupées
en sources internes (§1) et en sources externes (§2).

§2 : Les sources internes

Les sources internes sont constituées de normes juridiques nationales. On peut distinguer
les sources écrites (A) et les sources non écrites (B).

A. Les sources écrites


Il s’agit de sources constitutionnelles (1), législatives (2) et réglementaires (3).

1. Les sources constitutionnelles


Les sources constitutionnelles occupent une place importante dans le domaine
budgétaire.

Ces sources découlent du bloc de constitutionnalité. Cette notion, dégagée par Louis
FAVOREU7 et reprise par la Cour constitutionnelle8, dans sa version purement textuelle, est
utilisée « pour désigner l’ensemble des textes au regard desquels les lois sont contrôlées »9. Il
s’agit de la Constitution proprement dite et des textes de renvoi du préambule10. Parmi ces
textes, seule la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 comporte des
dispositions qui intéressent directement le droit budgétaire.

7
L.FAVOREU, « Bloc de constitutionnalité » in O. DUHAMEL ET Y. MENY (dir.), Dictionnaire constitutionnel,
9
Paris, PUF, 1992, p.87.
8
Lors de sa première décision du 28 février 1992 (Décision n°001/CC du 28 février 1992), cette juridiction avait
en indiqué que « la conformité d’un texte de loi à la Constitution doit s’apprécier non seulement par rapport aux
dispositions de celle-ci, mais aussi par rapport au contenu des textes et normes de valeur constitutionnelle
énumérées dans le préambule de la Constitution, auxquels le peuple gabonais a solennellement affirmé son
attachement et qui constituent, avec la Constitution, ce qu’il est convenu d’appeler le bloc de constitutionnalité ».
9
D.ROUSSEAU, P-y. GAHDOUN, J. BONNET, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, LGDJ, 11e éd., 2016,
P. 231.
10
La valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution a été reconnue par le juge constitutionnel dans sa
décision du 28 février 1992 précitée.
Le préambule de la Constitution gabonaise (Constitution du 26 mars 1991) comprend les textes suivants : la
Déclaration des droits de l’homme et des peuples, la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte nationale des libertés.
A ces deux instruments, la Cour constitutionnelle avait ajouté les règlements des
assemblées parlementaires11 et les organiques12.

En ce qui concerne la Constitution (à laquelle, au regard du contexte politique actuel, il


faut associer la Charte de la transition du 4 septembre 2023) certaines de ses dispositions fixent
les règles essentielles en matière budgétaire. On y retrouve, entre autres, les règles de
compétence, certains principes fondamentaux et les règles de procédure dont le contenu sera
présenté plus bas.

S’agissant de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, trois de ses dix-sept


articles concernent les finances publiques. Il s’agit des articles 13, 14 et 15. L’article 13 énonce
un principe de répartition équitable de l’impôt en fonction des facultés contributives de chacun :
« Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution
commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de
leurs facultés ». L’article 14 introduit la nécessité de l’impôt et son approbation par le peuple :
« Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la
nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploie et d’en
déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». La doctrine majoritaire considère
cet article comme le fondement du droit budgétaire. Enfin, l’article 15 fixe les limites au
fonctionnement de l’administration en précisant que « la société a le droit de demander compte
à tout agent de son administration ».

Les règlements des assemblées parlementaires sont destinés à organiser le


fonctionnement interne des assemblées, à préciser les procédures de délibération et à déterminer
les règles disciplinaires s’appliquant à leurs membres. Ces textes comportent plusieurs
dispositions qui complètent la Constitution dans de nombreux domaines budgétaires comme
l’organisation des séances d’examen et d’adoption du projet de loi de finances (PLF) et
l’exercice du droit d’amendement.

Sur les lois organiques, il importe de préciser qu’à ce jour, il n’existe au Gabon qu’un
seul texte organique qui régit les finances publiques : la loi organique n° 020/2014 du 21 mai

11
Décision n°175/CC du 11 octobre 2007. 10
12
Décision n°11/CC du 10 février 2003. Dans cette décision, après quelques revirements, la Cour constitutionnelle
consacrait définitivement la valeur constitutionnelle des lois organiques : « En vertu des dispositions des articles
88 de la Constitution, 60 et 61 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, celle-ci dispose du pouvoir
d’interpréter la Constitution et les autres textes à valeur constitutionnelle, telle une loi organique… »
2015 relative aux lois des finances et à l’exécution du budget (LOLFEB)13. Celle-ci transpose
dans l’ordre interne la Directive CEMAC n° 01/08-UEAC-190-CM-17 du 20 juin 2008 relative
aux lois de finances. Contrairement à la LOLF française, la LOLFEB, comme toutes les autres
lois organiques, on l’a dit, à une valeur constitutionnelle. C’est donc de manière malencontreuse
que la doctrine majoritaire hexagonale qualifie ce texte de « Constitution financière »14.

2. Les sources législatives


Elles sont constituées des différentes catégories de lois de finances : les lois de finances
initiales, les lois de finances rectificatives et les lois de règlements (On y reviendra !).

3. Les sources réglementaires


Selon M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, « malgré la prééminence de
l’intervention du législateur qui trouve sa justification dans le principe du consentement de
l’impôt, le pouvoir réglementaire n’est totalement pas absent du domaine budgétaire »15.

Le rôle du Gouvernement consiste à prendre des textes règlementaires permettant la mise


en œuvre de la loi de finances. Il s’agit, d’une part, de textes visant à répartir les crédits adoptés
par le législateur. Ces derniers sont mis à la disposition des gestionnaires. L’article 64, alinéa
1, de la loi organique de 2015 constitue le fondement de ces instruments : « Sans préjudice des
dispositions des lois spécifiques relatives aux institutions constitutionnelles jouissant de
l’autonomie de gestion financière, dès la promulgation de la loi de finances de l’année, les
crédits du budget voté sont mis à la disposition des ministres sectoriels et des responsables des
institutions et des autorités administratives indépendantes, par arrêtés du Ministre chargé du
Budget ».

D’autre part, les sources réglementaires du droit budgétaires sont constituées de textes
adoptés en cours d’année par les autorités exécutives afin de modifier les autorisations
budgétaires. Il s’agit des décrets d’avance, des transferts, virements, annulations, reports de
crédits, etc…Le régime juridique de certains de ces actes sera analysé à la section 2 du présent
chapitre.

13
En France, on retrouve trois catégories de lois organiques relatives aux finances publiques : la loi organique 11
relative aux lois de finances de 2001, pour l’élaboration du budget de l’Etat ; la loi organique du 02 aout 2005,
pour l’adoption des lois de financement de la Sécurité sociale et la loi organique prise en application de l’article
72-2 de la Constitution relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales.
14
Les origines de cette notion sont à rechercher en Allemagne dans la doctrine ordolibérale. Dans le contexte
francophone, elle fait référence à l’ensemble des normes qui encadrent les pouvoirs de décision du Parlement en
matière financière. Voir A. EBANG NKOULOU, La Constitution financière des pays francophones. Etude
comparative des exemples français, gabonais, sénégalais et suisse, Thèse, Université Omar Bongo, p.16.
15
M. LASCOMBE ET X. VANDENDRIESSCHE, Finances publiques, 9e éd., Dalloz, 2017, p.29.
B : Les sources non écrites

Il s’agit essentiellement de sources jurisprudentielles. On dénombre à ce jour plusieurs


décisions rendues par le juge constitutionnel gabonais en matière financière. Celles-ci portent
notamment sur les délais de dépôt et de vote des projets de lois de finances, les principes
budgétaires et sur le contenu des textes financiers. Ces décisions, sur le fondement de l’article
92 de la loi fondamentale de 199116, s’imposent notamment aux principaux acteurs de la
décision budgétaire : le Parlement et le Gouvernement. Le contenu et la portée de certaines de
ces décisions seront analysés dans le chapitre suivant.

§2 : Les sources externes

Depuis plusieurs années, on assiste, du fait principalement de la mondialisation des


échanges, à une influence croissante du pouvoir budgétaire des Etats par des règles élaborées
par des organes externes, donc non élus par les citoyens.

A ce sujet, Michel BOUVIER indiquait que « le domaine des finances publiques est
marqué par la coexistence, voire la confrontation, de deux types de légitimité dont la nature est
à première vue diamétralement différente ; d’un côté une légitimité politique ancienne, qui
procède de la tradition démocratique et qui privilégie dans l’organisation et le fonctionnement
du pouvoir financier la capacité politique, on veut dire celle des élus ; lui fait désormais face
une légitimité gestionnaire, plus récente dans le secteur public, qui répond quand elle à des
impératifs économiques et qui privilégie la capacité d’expertise technique des décideurs »17.

Les sources externes du droit budgétaire doivent être divisées en sources internationales
(A) et en sources communautaires (B).

A : Les sources internationales

Les sources internationales procèdent de normes budgétaires internationales. Celles-ci


découlent de protocoles de prêts négociés entre Etats, des accords multilatéraux et des actes
unilatéraux émanant des institutions financières internationales.

Les derniers instruments constituent les seules véritables sources internationales du droit
budgétaire gabonais. Elaborés principalement par le Fonds monétaire international (FMI) et par

16
Cet article dispose que « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles 12
s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes
physiques et morales ».
17
M. BOUVIER, « Les avatars de la légitimité du processus de décision financière publique », op.cit., p.19.
la Banque mondiale (BM), ils constituent un moyen de promotion de la bonne gouvernance
dans la gestion des finances publiques avec comme recommandation principale : la transparence
financière.

Ainsi, ils se présentent comme des modèles budgétaires de référence, des lignes de
conduite budgétaire considérées comme régulières. Selon André BARILARI, il s’agit d’un
« modèle universel autour d’un consensus sur les techniques les plus efficaces de gestion des
politiques publiques (…) un ensemble de remèdes formant un modèle standard de gouvernance
»18.

Cependant, la valeur juridique des normes budgétaires invoquées est très limitée. Elles
ne s’imposent réellement aux Etats que dans le cadre d’un plan à l’ajustement structurel. Les
institutions financières publiques internationales conditionnent souvent leur soutien financier
par le respect de ces instruments.

B : Les sources communautaires

Elles sont formées par tous les textes adoptés par les autorités de la Communauté
économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) applicables aux budgets des Etats
membres.

La CEMAC19 Union vise la coordination des politiques économiques et fiscales et


l’adoption d’une politique monétaire et d’une monnaie communes.

18 13
A. BARILARI, « Crise des finances publiques, crise de la gouvernance », RGFP, 2012, n°3, p.93. Voir
également Michel BOUVIER, « Les normes budgétaires internationales : quelle légitimité ? », RFFP, 2012, n°119,
p.1.
19
Le Traité instituant cette Communauté a été adopté le 16 mars 1994. Elle regroupe six États : Cameroun,
Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale et Tchad.
Avant l’entrée en vigueur de ce Traité, ces Etats étaient regroupés au sein de l’Union douanière et
Economique de l’Afrique Centrale (UDEAC). C’est le constat de l’échec de cette dernière qui avait pour objet de
« renforcer l’union des économies en créant un véritable marché » (voir préambule du Traité institutif du 8
décembre 1964) qui a conduit à l’initiation d’une profonde réforme ayant abouti à sa substitution par la CEMAC..
Elle est formée de deux unions : l’Union monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) et de l’Union économique de
l’Afrique centrale (UEAC) créées par deux conventions distinctes.
La première a pour objet de participer à l’exercice de la surveillance multilatérale par la coordination des
politiques économiques et la mise en cohérence des politiques budgétaires nationales avec la politique monétaire
commune. Elle assure également la stabilité financière de la Communauté (voir art. 4 de la Convention de
l’UMAC).
La seconde a pour but :
-de renforcer la compétitivité des activités économiques et financières en harmonisant les règles qui
régissent leur fonctionnement ;
-d’assurer la convergence vers des performances soutenables par la coordination des politiques économiques et la
mise en cohérence des politiques budgétaires nationales avec la politique monétaire commune ;
La convention régissant l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) constitue la
première source. Son 55, alinéas 2 et 3 dispose que « les Etats membres s’interdissent tout
déficit public excessif. Ils s’astreignent dans domaine à respecter une discipline budgétaire.

Un déficit budgétaire est qualifié d’excessif notamment lorsqu’il n’est pas compatible
avec les objectifs de la politique monétaire, et en particulier en ce qui concerne son financement
et le taux de couverture extérieure de l’émission monétaire ».

En droit européen, une règle similaire est consacrée par l’article 126 du Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Le droit communautaire CEMAC, comme on
peut le voir, impose aux Etats membres de respecter une discipline budgétaire. Celle-ci vise à
lutter contre les déficits et les endettements excessifs.

Depuis 2016, avec l’adoption de la directive n° 02/16-UEAC-093-CM-30 modifiant et


complétant la directive n° 01/01-UEAC-094-CM -06 du 03 août 2001 fixant les critères et
indicateurs macroéconomiques de la surveillance multilatérale, le solde budgétaire de base20 a
été remplacé par un solde budgétaire de référence (SBR). Il constitue la différence entre le solde
budgétaire global, dons compris et les ressources pétrolières à épargner sous forme financière
(RPEF) et doit être supérieur ou égal à -1,5% du PIB. Le taux d’endettement a été maintenu à
70% du PIB et comprend toujours les dettes contractées ou garanties par l’Etat21.

Ces deux instruments sont extrêmement liés. En effet, un État dont le solde budgétaire
est déficitaire, en raison de l’accroissement de ses dépenses publiques, cherchera à s’endetter
afin de faire face à ces dépenses. Si son taux d’endettement devient trop important, et si le
produit de la dette publique n’a pas permis de créer la richesse ou de dynamiser son économie,
il pourrait connaitre une crise pouvant se manifester par une réduction de ses capacités
d’investissement, des difficultés à utiliser le budget comme un instrument de régulation
économique, une baisse de sa croissance économique à long terme, des limitations de ses
possibilités d’accès aux marchés financiers etc. Cette crise, au départ purement interne, pourrait
se transformer en crise communautaire et mettre tous les autres États membres dans une
situation identique. En d’autres termes, les règles communautaires visent à éviter qu’une
politique budgétaire individualiste et permissive d’un État membre puisse avoir des effets

-de créer un marché commun fondé sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des 14
personnes ;
-d’instituer une coordination des politiques sectorielles nationales (voir art.2 de la Convention régissant
l’UEAC).
20
21
Cf.art.4 de la Directive.
néfastes sur la politique monétaire commune, la stabilité des prix et sur les politiques
budgétaires des autres États.

Les articles 61 et 62 de la Convention de l’UEAC prévoient des sanctions au cas où un


Etat ne respecterait les règles de discipline budgétaire. Ces sanctions se subdivisent en sanctions
positives et en sanctions négatives. Les premières s’appliquent aux pays qui ont mis en œuvre
les recommandations du Conseil des Ministres après constatation des déficits excessifs. Elles
se matérialisent par la publication d’un communiqué du Président de la Commission et par le
soutien financier de l’Union par la mobilisation de ressources nécessaires au financement des
mesures d’ajustement préconisées. Les secondes sont celles qui, à première vue, ont un
caractère dissuasif. En effet, elles sont prononcées à l’encontre des pays qui n’ont pas pu
élaborer et exécuter dans les délais prescrit par la Conseil des Ministres, sur proposition de la
Commission, un programme d’ajustement. Elles se manifestent par la publication d’un
communiqué sur l’état de leurs finances et par le retrait des subventions de la Communauté.

Section 2 : Les principes budgétaires

Les principes budgétaires constituent un ensemble de règles visant à garantir une saine
gestion des finances publiques. En France, ils ont été conçus pour renforcer les droits du
parlement et imposer au gouvernement le respect de certaines règles lors de l’élaboration et de
la présentation du projet de budget22. Gilbert ORSONI écrivait à ce sujet que « c’est de la
pression parlementaire et de sa volonté de contrôle de l’action gouvernementale que sont nées,
dès la période de la Restauration, les grandes règles budgétaires »23.

Ces règles peuvent être divisées en deux grandes catégories : les principes classiques et
les principes modernes (§2).

§1 : Les principes classiques

Il s’agit des principes de l’annualité (A), de l’unité (B), de l’universalité (C), de spécialité
(D) et de l’équilibre budgétaires (E).

A- Le principe de l’annualité budgétaire


Il est l’un des plus anciens principes budgétaires car il est lié à la règle du consentement
de l’impôt. C’est à partir de ce principe que se fonde la vie budgétaire et financière publique. Il
découle, au Gabon, de l’article 48, alinéa 1, de la Constitution qui dispose que « toutes les

22
J. LAFERRIERE, M. WALINE, Traité élémentaire de science et de la législation financière, LGDJ, 1952, p.45. 15
23
G. ORSONI, Science et législation financières, Economica, 2005, p.124.
ressources et toutes les charges de l’Etat doivent, pour chaque exercice financier, être évaluées
et inscrites dans le projet annuel de la loi de finances (…). Au niveau organique, il est repris
par l’article 11 de la loi organique relatives aux lois de finances de 2015 qui énonce que « la loi
de finances de l’année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources
et des charges de l’Etat ».

Concrètement, le principe de l’annualité budgétaire signifie que la loi de finances est


établie pour une seule année qui coïncide avec l’année civile (du 1er janvier au 31 décembre).
Il comporte ainsi deux principaux aspects : l’annualité de l’autorisation et l’annualité de
l’exécution. L’annualité de l’autorisation signifie, d’une part, que les crédits sont accordés pour
un an et d’autre part, que l’autorisation doit être donnée avant le début de l’exercice budgétaire.
L’annualité de l’exécution signifie que l’exécutif ne peut exécuter les opérations de la loi de
finances que pendant une année.

En d’autres termes, selon certains auteurs, la « règle se présente sous un double aspect.
Elle signifie d’une part que l’Etat choisit de limiter à un an son horizon financier. Interprétée
strictement, elle interdit d’inscrire dans la loi de finances des autorisations portant sur
plusieurs années. Elle signifie, d’autre part, que le Gouvernement doit utiliser dans l’année les
autorisations accordées »24.

Plusieurs justifications peuvent être trouvées à l’appui du principe de l’annualité :

-d’abord, il y a la justification technique : le cycle annuel n’est ni trop long pour


permettre des prévisions raisonnables, ni trop court pour autoriser le fonctionnement normal
des services publics financés sur des ressources autorisées par la loi de finances ;

-ensuite, il y a une justification politique. Le vote annuel de la loi de finances rend


possible un contrôle régulier des finances publiques. Le consentement de l’impôt ;

-enfin, il y a une justification économique et sociale. Le cycle annuel correspond au


rythme de la vie des affaires et des activités sociales.

En pratique, le principe de l’annualité est soumis à plusieurs tempéraments. Ces derniers


visent à répondre aux contraintes temporelles de la gestion financière : assurer la continuité des
moyens financiers de l’action publique, pouvoir faire face financièrement aux impératifs de

24
M. BOUVIER (M.), M-C. ESCLASSAN, J-P LASSALE, Finances publique, LGDJ, 19e éd.2020, p. 351. 16
changement, et enfin pouvoir s’engager financièrement et prévoir au-delà de l’horizon annuel.
Il s’agit des modifications en cours d’année des lois de finances et de la pluriannualité
budgétaire et financière.

En ce qui concerne les modifications en cours d’année, elles sont effectuées par voie
législative ou par voie réglementaire. Les modifications par voie législative se font au moyen
de lois de finances rectificatives (ou collectifs budgétaires, on y reviendra).

Les modifications par voie réglementaire, selon Stéphanie DAMAREY, « sont


généralement justifiées par les circonstances et notamment l’urgence de la situation à laquelle
l’adoption d’une loi de finances rectificative ne permettra pas de faire face - une loi de finances
rectificative suppose un projet de loi, soumis pour avis préalable au Conseil d’État, un passage
en Conseil des Ministres avant le dépôt sur le bureau des assemblées parlementaires et la
navette législative au terme de laquelle, seulement, la loi de finances rectificative peut être
adoptée »25. Elles sont opérées par des décrets d’avance, les virements et les transferts et par
les reports de crédits.

Les décrets d’avance correspondent à des ouvertures de crédits en cas d’urgence. C’est
l’article 46 de la LOLFEB qui pose leur régime juridique : « En cas d’urgence et insuffisance
de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, des décrets pris sur proposition du
Ministre chargé des finances, après avis du ou des ministres concernés, peuvent ouvrir des
crédits supplémentaires à condition de ne pas dégrader l’équilibre budgétaire défini par la loi
de finances. A cette fin, les décrets d’avance procèdent à l’annulation de crédits ou constatent
des recettes supplémentaires. Le montant cumulé des crédits ainsi ouverts ne peut excéder 1%
des crédits fixés par la loi de finances de l’année. Ils sont immédiatement communiqués, pour
information, au Parlement.

En cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national, des crédits supplémentaires


ayant pour effet de sauvegarder l’équilibre budgétaire défini par la loi de finances peuvent être
ouverts par décret d’avance pris en Conseil des Ministres ou texte de niveau équivalent. Un
projet de loi de finances portant ratification de ces crédits est déposé immédiatement au
Parlement ».

Les virements de crédits peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes
d’un même ministère ou entre dotations. Le montant cumulé des virements, au cours d’une

25 25
S. Damarey, Droit public financier, op.cit p.672. 17
même année, ne peut dépasser 2% des crédits ouverts par la loi des finances pour chacun des
programmes ou dotations concernés (art. 45 de la LOLEB).

Les transferts de crédits peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes de
ministères distincts, dans la mesure où l’emploi des crédits ainsi transférés, pour un objet
déterminé, correspond à des actions du programme d’origine (art.45 alinéa 2 de la LOLFB).
L’alinéa 4 de l’article 45 de la LOLEB précise que les virements et transferts sont autorisés par
décret pris sur proposition du Ministre chargé du Budget, après avis du ministre, des
responsables des institutions ou des autorités administratives indépendantes.

Les reports de crédits sont des opérations consistant à ajouter des crédits accordés pour
une année donnée et non utilisés en fin d’année sur une dotation correspondante du budget
suivant. En permettant d’ajouter un crédit non consommé en fin d’année au budget de l’année
suivante, les reports de crédits constituent donc un assouplissement au principe de l’annualité
budgétaire. L’article 48 de la LOLEB de 2015 n’admet des reports de crédits que pour les crédits
de paiement relatif aux dépenses d’investissement disponibles sur un programme. Ils peuvent
être reportés sur le même programme ou la même dotation dans la limite des autorisations
d’engagement effectivement utilisées, mais n’ayant pas encore donné lieu de paiement. L’alinéa
4 de l’article 48 de la LOLEB précise que les reports de crédits « sont autorisés par décret pris
en Conseil des Ministres, en majoration des crédits de paiement pour les investissements de
l’année suivante, sous réserve de la disponibilité des financements correspondants. Ce décret,
qui ne peut être pris qu’après clôture des comptes de l’exercice précédent, doit être conforme
et consécutif à un rapport du Ministre chargé du Budget qui évalue et justifie les recettes
permettant de couvrir le financement des reports, sans dégradation du solde du budget autorisé
de l’année en cours ».

La pluriannualité budgétaire et financière, de son côté, consacre l’autorisation budgétaire


pluriannuelle des finances publiques. Le législateur organique a instauré une autorisation
budgétaire en engagements et en crédit de paiements. Les autorisations d’engagement
« constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées et dont le paiement
peut s’étendre, le cas échéant, sur une période de plusieurs années »26. Les crédits de paiement
« constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées et payées pendant

26
Cf. article 36, alinéa 2, de la LOLFEB. 18
l’année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations
d’engagement »27 .

Ce dispositif s’inscrit dans la suite de la fongibilité des crédits au sein des programmes.
L’autorisation parlementaire encadre ainsi les deux extrémités de la chaine de dépense, à savoir,
d’une part l’engagement juridique, c’est-à-dire l’acte par lequel naît la dépense et qui crée une
obligation vis-à-vis d’un tiers, et d’autre part, le paiement qui est l’acte par lequel est dénoué
cet engagement juridique. Selon Stéphanie DAMAREY, il s’agit de techniques d’exécution
pluriannuelle de la dépense publique permettant au législateur financier de « répartir la charge
d’investissement sur plusieurs exercices-cette charge étant répartie sur autant d’exercices qu’il
est nécessaire à la réalisation de l’investissement. En d’autres termes, chaque année, ne seront
dégagées, dans le cadre du budget, que les sommes nécessaires au paiement de la fraction de
l’investissement à réaliser au titre de l’année considérée »28.

B- Le principe de l’unité budgétaire


Le principe de l’’unité, appelé également par certains auteurs la règle d’unicité29, exige
que le budget soit présenté en un seul document.

Pour que la règle soit respectée, il faut donc que deux conditions soient remplies : le
budget doit recenser l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État, sans exclusion d’aucune
sorte ; celles-ci doivent être rassemblées dans un projet de loi unique, sur lequel le Parlement
devra se prononcer.

Il est posé par l’article 48 de la Constitution : « Toutes les ressources et les charges de
l’État doivent, pour chaque exercice financier, être évaluées et inscrites dans le projet annuel
de la loi de finances déposé par le gouvernement à l’Assemblée nationale ». La loi organique
de 2015 consacre le principe en son article 7, alinéa 1: « les budgets des administrations
publiques déterminent pour chaque année, dans un document unique pour chacune d’entre
elles, l’ensemble de leurs recettes et de leurs dépenses (…) ».

Cette règle comporte une double justification. En premier lieu, elle apparait comme au
service de l’équilibre budgétaire. En effet, en réunissant, dans un même document toutes les
recettes et toutes les dépenses d’une personne publique, le principe de l’unité permet d’obtenir,

27
Cf. article 36, alinéa 3, de la LOLFEB. 19
28
S. Damarey, Droit public financier, Ibidem, p. 411.
29
J. Albert, par exemple, notait que « Le principe de l’unité, compris dans une acception formelle, pourrait
également être appelé principe d’unicité car il exige que le budget soit présenté en un seul document, faute de
quoi le contrôle serait efficace et fragmentaire ». J. Albert, Finances publiques, Dalloz, 8e éd., p. 97.
sans grandes difficultés, un total unique et d’appréhender ainsi plus facilement l’équilibre
budgétaire.

En second lieu, la règle de l’unité, parce qu’elle permet d’avoir une vision des finances
publiques claire et exhaustive, apparait comme un préalable nécessaire à l’efficacité du contrôle
des budgets. Ainsi, en votant l’ensemble des recettes et des dépenses au cours d’un même vote,
les assemblées parlementaires ont une vision d’ensemble des finances étatiques. Il est donc
possible d’affirmer que le principe de l’unité budgétaire remplit un impératif démocratique. La
vision claire et synthétique qu’il procure au citoyen et à ses représentants, facilite le suivi de
l’emploi des ressources et des derniers de l’État.

Le principe comporte plusieurs exceptions. Il convient de distinguer les simples


aménagements au principe des dérogations et infractions à celui-ci.

Sur les simples aménagements au principe, la structure du budget de l’État est


aujourd’hui aménagée pour tenir compte de la spécificité de certaines activités. C’est pour cette
raison que figurent, à côté du budget général de l’État-le budget principal de cette personne
publique-deux autres catégories de budgets obéissent à des règles spécifiques : les budgets
annexes et les comptes spéciaux. L’ensemble de ces trois éléments constitutifs du budget de
l’État est réuni au sein d’une même loi de finances. Cette architecture tripartite révèle ainsi
l’aménagement apporté à l’unité budgétaire en raison de la diversification des activités de l’État.

Les budgets annexes sont des budgets spéciaux dont sont dotés certains services publics
de l’État, auxquels on veut appliquer une gestion commerciale. Ils sont prévus par l’article 51
de la loi organique de 2015 : « Des budgets annexes peuvent retracer, dans les conditions
prévues par une loi de finances, les opérations des services de l’État non dotés de la
personnalité morales résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de
services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu’elles sont effectuées à titre principal
par lesdits services ».

Les comptes spéciaux, présentés également par la loi de finances (Cf. article 52 et s. de
la loi organique de 2015), enregistrent les opérations financières ayant un caractère provisoire
ou exceptionnel, et appelées à s’équilibrer à terme. Ces comptes, comme les budgets annexes,
sont séparés du budget général de l’Etat, bien qu’ils soient ouverts par une loi de finances. Le
législateur organique a institué deux catégories de comptes spéciaux : les comptes d’affectation
spéciale et les comptes de commerce. Les premiers retracent, dans les conditions prévues par
la loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui

20
sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. Les seconds retracent de leur
côté les opérations à caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des
services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les
prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif.

Les dérogations et infractions au principe de l’unité découlent, d’une part, de l’existence


de budgets autonomes et de la débudgétisation, d’autre part. Les budgets autonomes, au sens
strict, sont les budgets des personnes publiques distinctes de l’État. Leurs comptes prévisionnels
ne sont donc pas intégrés dans les lois de finances annuelles. Il s’agit, concrètement, des budgets
des collectivités locales et des entreprises publiques.

La débudgétisation n’est prévue par aucun texte. Ce terme est apparu en France au
lendemain de la Seconde guerre mondiale. Dans ce pays, cette pratique consiste à transférer des
charges relevant du budget général de l’État vers le budget d’une autre personne morale de droit
public ou de droit privé distincte de l’État. Le Conseil constitutionnel a fixé une limite à cette
pratique. Il interdit en effet au Gouvernement de débudgétiser certaines dépenses qui
incombaient auparavant à l’État, et notamment des dépenses relevant par nature du budget de
l’État30. Au Gabon, selon Fidèle MENGUE ME ENGOUANG, cette pratique est connue sous
l’appellation triviale de « hors budget ». Elle permet au Gouvernement de « contourner le
parlement, soit en amont en évitant de soumettre certaines dépenses à son approbation afin de
présenter un budget artificiellement équilibré, soit en aval en effectuant des dépenses n’ayant
fait l’objet d’aucune autorisation parlementaire »31.

La Cour constitutionnelle a déjà sanctionné le législateur organique à trois reprises pour


ne pas avoir respecté les exigences posées par le principe de l’unité budgétaire.

La première loi organique censurée est la loi organique sur le Conseil national de la
communication qui conférait une autonomie de gestion financière à cet organisme 32. La Haute
juridiction avait alors estimé que l’autonomie conférée méconnaissait le principe dans la mesure
où cette institution ne saurait disposer de ressources autres que « les dotations inscrites au
budget de l’État ».

La deuxième est la loi organique sur le Conseil d’Etat. Cette dernière, en son article 58,
attribuait à la Haute juridiction administrative une autonomie financière. La Cour avait indiqué,

30
Cons.const. 29 déc. 1994, décis. n°94-351 DC. 21
31
F. MENGUE ME ENGOUANG, Les finances publiques au Gabon, op.cit.p. 69.
32
Décision n° 1/CC du 28 février 1992, op.cit.
en citant nommément la règle qu’« il résulte de l’article 48 de la Constitution, qu’en matière
de finances publiques, la gestion des fonds obéit aux principes (…) de l’unité budgétaire (…),
que l’autonomie de gestion financière dont peuvent jouir certains organes de l’État constitue
une exception que seule la Constitution peut accorder »33.

La troisième est la loi organique relative aux lois de finances et à l’exécution du budget
de 2015. Dans ce dernier cas, la juridiction constitutionnelle avait considéré que l’article 11 de
ce texte, qui excluait dans le champ des ressources et des charges de l’État les opérations
d’emprunt et de prêt, constituaient une violation du principe de l’unité budgétaire, bien que
celui-ci ne soit pas formellement cité34.

C- Le principe l’universalité budgétaire

Avant de présenter les fondements et les limites de ce principe, il convient de préciser


qu’il n’est pas aisé de le distinguer du principe de l’unité. En effet, les deux règles poursuivent
un objectif similaire qui est de regrouper les recettes et les dépenses de l’Etat dans un seul et
même document budgétaire.

Le principe de l’universalité exige que les recettes et les dépenses soient présentées au
budget pour leur montant brut ce qui interdit l’affectation de tout ou partie d’une recette
déterminée à la couverture d’une dépense déterminée. Deux règles en découlent : la règle de
non- contraction et la règle de non- affectation des recettes et des dépenses.

La règle de non-contraction-ou non compensation ou encore du produit bruit, est posée


par l’article 7, alinéa 1, de la loi organique de 2015 qui dispose que « les budgets des
administrations publiques déterminent pour chaque année…l’ensemble de leurs recettes et de
leurs dépenses, présentées pour leur montant brut ». Aussi, l’alinéa 2 du même article ajoute «
qu’il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les
dépenses ». Cette règle exige que toutes les dépenses et les recettes de l’État soient inscrites
dans le budget sans qu’il puisse y avoir de contraction ou de compensation entre les unes et les
autres. Ainsi, toute administration publique doit tenir ses comptes en distinguant nettement d’un
côté les recettes dans leur intégralité et de l’autre, les dépenses tout aussi intégrales. Compenser
les dépenses et les recettes pour ne laisser subsister qu’un solde à inscrire dans la loi de finances

33
Décision n° 009/CC du 28 octobre 2002. 22
34
Décision n°009/CC du 24 février 2015, op.cit.
(produit net) est contraire à la règle de non-compensation. Cette règle pose une exhaustivité
analytique.

La règle de non-affectation des ressources découle, elle aussi, de l’article 7, alinéa 1, de


la loi organique de 2015 qui dispose que « l’ensemble des ressources de chaque collectivité
publique est affecté au financement de l’ensemble de ses charges ». Ce principe est essentiel,
non pas dans l’optique du pouvoir financier du Parlement, mais comme traduction budgétaire
de la grande originalité de l’impôt caractérisé par l’absence de contrepartie directe. En d’autres
termes, la non-affectation traduit le principe fondamental de solidarité devant les charges
publiques, qui est antinomique au système marchand du prix, le montant de ce dernier devant
être l’exacte contrepartie du bien obtenu. Précisément, elle interdit d’affecter une recette à une
dépense. Toutes les recettes doivent être fondues dans une caisse commune et on décide des
dépenses sans distinction d’origine des fonds.

Le principe de l’universalité connait des tempéraments. Il importe de distinguer les


tempéraments à la règle de non-contraction des tempéraments à la règle de non-affectation.

Les tempéraments à la première règle concernent les comptes spéciaux et les marchés
de transformation ou de conversion. A travers les comptes spéciaux, le législateur laisse
entrevoir la possibilité d’une compensation entre les recettes et les dépenses. Les marchés de
transformation ou de conversion sont des contrats par lesquels l’Etat confie à un nouvel
entrepreneur l’exécution d’un marché interrompu avant son terme normal par un autre opérateur
économique. Ce type de contrat prend en compte les matériaux ou les fournitures non utilisés
par le bénéficiaire du marché initial. Dans ce cas, le cout des matériaux et des fournitures
récupérés par le nouvel entrepreneur ou fournisseur est déduit du montant total du marché. Il
en résulte une contraction de la dépense initialement prévue dans le cadre du premier marché.

Les tempéraments à la règle de non-affectation des ressources découlent de l’article 50


de la loi organique de 2015. Selon cet article, « certaines recettes peuvent directement être
affectées à certaines dépenses, notamment lorsqu’un lien économique réel existe entre une
recette donnée et la dépense qu’elle finance ou lorsqu’un bailleur de fonds veut destiner un
financement à un objet précis. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes ou de
comptes spéciaux. Elles peuvent aussi se présenter comme des procédures comptables
particulières au sein du budget général, d’un budget annexe ou d’un compte spécial ».

On peut, au regard de ce qui précède, retenir que les budgets annexes et les comptes
spéciaux constituent les principales exceptions à la règle de non-affectation. Constituent

23
également des exceptions à la règle, les fonds de concours, l’attribution de produits et le
rétablissement des crédits.

Les fonds de concours, selon l’article 57, alinéa 2, de la loi organique de 2015, sont
« constituées, d’une part, par les fonds à caractère non fiscal versés par des personnes
physiques ou morales, notamment les bailleurs de fonds nationaux ou internationaux, pour
couvrir à des dépenses d’intérêt public et, d’autre part, par des produits de legs et donations
attribués à l’État ». L’alinéa 3 du même article indique que « les fonds de concours sont
directement portés en recettes au budget général, au budget annexe ou au compte spécial
considéré. Un crédit supplémentaire de même montant est ouvert par arrêté du ministre chargé
du budget sur le programme ou la dotation concernée ». L’usage des fonds de concours est
donc déterminé par avance, ce qui constitue une dérogation à la règle de non-affectation.

La règle de l’attribution de crédit est prévue par l’alinéa 3 de l’article 8 de la loi organique
de 2015. Cet article permet en effet à la loi de finances, de manière exceptionnelle, d’attribuer
tout ou partie du produit des prélèvements obligatoires à une autre collectivité publique ou à un
autre organisme public.

Le rétablissement de crédit, prévue par l’article 57, alinéa 5, de la loi organique de 2015,
oblige de restituer au Trésor public les sommes indument payées. Ces sommes constituent une
nouvelle recette qui doit obligatoirement être affectée au service public qui a été provisoirement
ou indument privé de ses crédits au profit d’un autre service.

D-Le principe de spécialité budgétaire

Le principe de spécialité budgétaire, encore appelé principe de la spécialité des crédits,


implique que les crédits ouverts par la loi de finances soient affectés à des dépenses
déterminées. Contrairement autres principes analysés plus haut, il a la particularité de ne
s’intéresser qu’aux dépenses.

Ce sont les articles 37 et 40 de la LOLFEB qui le consacrent. L’examen de ces


dispositions permet de noter que les crédits sont désormais regroupés en missions, programmes
ou dotations qui ne peuvent être instaurées que par une loi de finances. Dans l’ancien système,
ils étaient répartis par nature de dépense et par destination.

Une mission est définie comme un ensemble de programmes concourant à une politique
publique définie (article 37, alinéa 3, de la LOLFEB). Elle relève d’un ou de plusieurs
ministères, d’une ou de plusieurs institutions ou autorités administratives indépendantes.

24
Un programme ou une dotation35 regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une
action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère, d’une même
institution ou d’une même autorité administrative indépendante auquel sont associés des
objectifs précis, définis en fonction des finalités d’intérêt général, ainsi que les résultats
attendus. Les objectifs de chaque programme sont assortis d’indicateurs de résultats (article 37,
alinéa 4, de la LOLFEB). L’action apparaît ainsi comme composante du programme permettant
d’identifier la destination de la dépense.

La reforme du principe de la spécialité débutée par la loi organique de 2010 et poursuivie


par celle de 2015 institue une budgétisation par objectif de programme (BOP). Celle-ci instaure
un budget visant la performance et des résultants probants. La Cour des comptes dans un rapport
soulignait que « la BOP favorise, d’une part, la transparence et la lisibilité du budget et des
comptes de l’Etat et, d’autre part, l’efficacité et la performance de l’action publique »36.

Ce principe comporte plusieurs limites. Il s’agit notamment des virements de crédits, des
transferts de crédits, des crédits évaluatifs, des crédits globaux et des fonds politiques.

Les virements de crédits peuvent modifier la répartition de crédits entre programmes


d’un même ministère ou entre dotations37.

Les transferts de crédits, on l’a vue, peuvent modifier la répartition des crédits entre
programmes de ministère distincts dans la mesure où l’emploi de crédits transférés, pour un
objet déterminé, correspond à des actions du programme d’origine38.

Les crédits évaluatifs dérogent au principe de la spécialité budgétaire dans la mesure où


ils sont formés des dépenses dont le législateur doit se contenter d’une estimation approximative
car ne pouvant avoir l’exactitude du montant réel.

35
Les dotations regroupent les crédits liés aux : 25
-dépenses des institutions constitutionnelles avec une dotation spécifique à chacune d’entre elles ;
-dépenses accidentelles, destinées à faire face à des besoins urgents et imprévisibles ;
- risques de mise en jeu des garanties et avals donnés par l’Etat (…).
36
Cf. Cour des comptes, Rapport général sur le contrôle de l’exécution des finances en vue du règlement du budget
de l’exercice 2015, p.7.
37
Cf. article 45 de la LOLFEB.
38
Cf. article 45, alinéa 2, de la LOLFEB.
Les crédits globaux sont des crédits votés en bloc par le parlement afin de couvrir les
dépenses dont le montant ne peut être déterminé avec précision au moment de l’adoption du
budget.

Les fonds politiques, encore appelés fonds de souveraineté au Gabon, désignent les
dotations budgétaires allouées au Président de la République, aux présidents de certaines
institutions constitutionnelles, aux membres du gouvernement et aux parlementaires. Selon le
Professeur F. MENGUE ME ENGOUANG, ces fonds permettent à ces autorités de « couvrir
des dépenses indéterminées liées aux charges et aux contraintes de leurs fonctions »39. Ils
constituent une exception à la règle de la spécialité budgétaire car ils ne font l’objet d’aucune
répartition. Celle-ci est plutôt laissée à la discrétion du bénéficiaire.

En attendant l’adoption d’un acte juridique, les autorités du CTRI viennent d’annoncer
la suppression des fonds politiques dans un communiqué.

E-Le principe de l’équilibre budgétaire

Au Gabon, contrairement en France, le principe de l’équilibre budgétaire apparait, sur la


forme, comme une règle très importante. Au niveau constitutionnel, on le retrouve à l’article
48, alinéa 2, de la Constitution du 26 mars 1991 : « si, au trente et un décembre de l’année en
cours, le Parlement se sépare sans avoir voté le budget en équilibre, le Gouvernement est
autorisé à reconduire par ordonnance le budget précédent. (…) A la demande du Premier
ministre, le parlement est convoqué en session extraordinaire pour une nouvelle délibération.
Si le parlement n’a pas voté le budget en équilibre à la fin de cette session extraordinaire, le
budget est établi définitivement par ordonnance prise en conseil des Ministres et signée par le
Président de la République ». Cette règle était déjà posée par la Constitution de 1959 et par
toutes celles qui ont été adoptées à sa suite.

Au niveau organique, il découle de deux principaux articles : il s’agit des articles 21 et


10 de la LOLEB. Le premier reprend fidèlement les dispositions contenues à l’article 48 de la
loi fondamentale. Le second dispose que « les lois de finances ont pour objet de déterminer les
ressources et les charges de l’État, de définir les conditions de l’équilibre budgétaire et
financier, d’arrêter le budget de l’État et de rendre compte de son exécution ».

La doctrine gabonaise n’est pas unanime sur la réelle portée de ce principe. Certains
auteurs y voient une règle exigeant au Parlement de voter le budget en équilibre réel

39
F. MENGUE ME ENGOUANG, Les finances publiques au Gabon, op.cit p.100. 26
(recettes=dépenses. Pas de déficits, pas d’excédents) et donc l’application de la conception
classique de l’équilibre budgétaire. D’autres, par contre, se limitent à reconnaitre qu’il s’agit
d’un principe important sans toutefois préciser sa valeur juridique.

La Cour constitutionnelle a proclamé la valeur constitutionnelle du principe de l’équilibre


budgétaire à deux décisions. Dans la première, datant du 14 janvier 200040, elle a affirmé, sur
le fondement de l’article 48 de la Constitution, que « le Parlement doit voter le budget en
équilibre ». Dans la deuxième, rendue le 13 janvier 202341, elle a indiqué, en référence aux
mêmes dispositions, que « le Parlement a l’obligation constitutionnelle de voter au plus tard le
31 décembre de chaque année, un budget en équilibre en ressources et en charges ».
Par ailleurs, on note que dans sa décision de 2000, elle reconnait un budget équilibré
dès lors que le ressources d’emprunt sont ajoutées aux recettes budgétaires.

A y voir de près, la juridiction constitutionnelle s’attache à la conception keynésienne


de l’équilibre budgétaire. Celle-ci est la résultante des deux guerres mondiales et de la grave
crise économique de 1929. Selon cette conception, l’Etat peut créer des déficits à condition que
ceux-ci permettent de relancer la demande.

La véritable contrainte qui s’impose aux institutions politiques gabonaises est la


présentation dans un article de la loi de finances de l’année ou rectificative le niveau de déficit
qui en découle. Elle est posée par l’article 11, paragraphe 5, de la LOLFEB : « Dans la première
partie, la loi de finances de l’année (…) : arrête les données de l’équilibre budgétaire
présentées dans un tableau d’équilibre faisant apparaître :

-le solde budgétaire global résultant de la différence entre les recettes et les dépenses
budgétaires (…) ;

-le besoin ou la capacité de financement de l’Etat (…) ».

§2 : Les principes modernes

Il s’agit des principes de transparence (A) et de sincérité budgétaires (B).

A. Le principe de transparence budgétaire


La transparence est l’obligation pour le Gouvernement d’informer les parlementaires et
les citoyens de la manière dont les fonds publics sont gérés. En d’autres termes, il s’agit de

40
Décision n°1/CC du 14 janvier 2000. 27
41
Décision n° 066/CC du 13 janvier 2023.
l’obligation faite aux autorités gouvernementales de faire pleinement connaitre, en temps
opportun et de façon systématique, l’ensemble des informations budgétaires.

Cette contrainte découle la loi relative à la transparence et à la bonne gouvernance dans


la gestion des finances publiques du 30 janvier 201542. L’article 48 de ce texte indique que
« l’information du public doit être exhaustive et portée sur les exercices précédents, présents
et à venir et doit couvrir l’ensemble des activités budgétaires ».

La loi du 30 janvier 2015, pour une meilleure application du principe, impose au


Gouvernement de confectionner et de publier « un guide synthétique budgétaire clair et simple
à destination du grand public, à l’occasion du vote du budget annuel, pour décomposer les
grandes masses des recettes et des dépenses ainsi que leur évolution d’une année à l’autre »43.
Ce guide est connu sous la dénomination de « budget-citoyen ».

Selon un auteur, il s’agit d’une « version simplifiée, imagée qui permet à un citoyen de
comprendre (…) ce qu’est le budget »44. Le budget citoyen 2019 du Gabon se définissait comme
« un document synthétique et explicatif des grandes priorités de la loi de finances (LFI) ou des
modifications qui peuvent intervenir lors d’une rectificative (LFR). Il a pour objectif de
permettre une plus grande transparence dans la gestion des finances publiques, et de faciliter
la compréhension par les citoyens des choix opérés par le gouvernement »45.

B. Le principe de sincérité budgétaire

La sincérité budgétaire peut être définie comme le souci de garantir l’exactitude des
informations contenues dans la loi de finances et dans les comptes de l’Etat ainsi que la fiabilité
de l’équilibre budgétaire annoncé. Ce principe exige donc le réalisme des prévisions
budgétaires et la bonne foi dans l’établissement de ces prévisions. Il est à la fois un principe
comptable et budgétaire.

L’application de cette règle aux budgets publics dans les pays modernes démontre une
volonté de rapprocher la gestion des finances publiques aux modèles de gestion applicables
dans les entreprises privées. Selon certains auteurs, cette règle « est en quelque sorte l’image et

42
Cette loi procède de deux sources formelles : la directive CEMAC n°06/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 28
2011 relative au code de transparence budgétaire et bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques et
le code des bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques publié en 2007 par le FMI.
43
Cf.art.52
44
A-R.SOUMALA, « rendre accessible le budget au citoyen lambada », cité par A. ISSOUFOU, « Transparence
des finances publiques un nouveau principe dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA),
Annales africaines, 2018, n°9, p.230.
45
Disponible sur : http://budget.gol.demo.ni.ga , p.1. Consulté le 10 mars 2022.
l’expression des transformations des systèmes financiers publics depuis une trentaine d’années.
Elle exprime la richesse, mais aussi les ambiguïtés et les difficultés, à la fois matérielles et
théoriques des mutations des finances publiques »46.

Le principe a été dégagé par le Conseil constitutionnel français avant d’être repris par
les articles 27, 31, 32 et 58 de la loi organique relative aux lois des finances de 2001.

Au Gabon, on le retrouve aux articles 7, alinéa 447 ; 70, alinéa 248 et 72, alinéa 449, de la
loi organique de 2015.

Comme les autres principes budgétaires, le principe de sincérité comporte plusieurs


exceptions : les comptes spéciaux ; les budgets autonomes et la débudgétisation.

L’exclusion des comptes spéciaux du budget général de l’Etat, en raison de leur caractère
temporaire ou exceptionnel et les conditions particulières de leur financement, justifie que la
sincérité de ces comptes soit altérée.

Sur les budgets autonomes, il est parfois difficile de mesurer la sincérité des budgets des
collectivités locales et des autres personnes morales de droit public dotées d’un tel budget dès
lors que le parlement n’intervient pas dans la préparation, l’adoption et l’exécution de ces
budgets.

La débudgétisation, comme on l’a vu précédemment, est généralement considérée


comme une technique de camouflage des dépenses publiques non autorisées par le parlement.
Elle empêche ainsi le contrôle de ces dépenses et favorise la dissimulation des déficits
budgétaires. Ce qui est contraire au principe de sincérité budgétaire.

46
M. BOUVIER, M-C. ESCLASSAN, J-P. LASSALE, Finances publiques, op.cit., p.309. 29
47
Cet article précise que « Les budgets des administrations publiques présentent de façon sincère l’ensemble des
recettes et des dépenses. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles au moment de leur
élaboration et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler »
48
Cet article dispose que « Les comptes de l’Etat (…) doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle
de l’exécution du budget et de l’évolution du patrimoine de l’Etat ».
49
Cet article indique que « les comptables publics sont responsables de la tenue des comptes de l’Etat (…). Ils
s’assurent notamment de la sincérité des enregistrements comptables et du respect des procédures ».
Chapitre 2 : Le cadre juridique du budget de l’Etat : les lois de finances

L’étude du cadre juridique du budget de l’État va conduire à voir successivement les


différentes catégories de loi de finances (Section 1) , la préparation (Section 2) et le vote de la
loi de finances de l’année (Section 3).

Section 1 : Les différentes catégories de lois de finances

Selon l’article 10 de la LOLFEB, « les lois de finances ont pour objet de déterminer les
ressources et les charges de l’Etat, de définir les conditions de l’équilibre budgétaire et
financier, d’arrêter le budget de l’Etat et de rendre compte de son exécution ».

La loi organique de 2015 institue trois catégories de lois de finances : la loi de finances
de l’année encore appelée loi de finances initiale (§1), les lois de finances rectificatives (§2), la
loi de règlement (§3).

La Cour constitutionnelle, pour des raisons importantes, a créé la loi de finances spéciale
(§4).

§1 : La loi de finances de l’année

La loi de finances de l’année, ou loi de finances initiale, est le texte qui ouvre le cycle
budgétaire qui s’étend du 1er janvier au 31 décembre. Selon l’article 11 de la loi organique de
2015, cette loi prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des
charges de l’État.

Elle se compose de deux parties distinctes. La première comporte essentiellement les


dispositions relatives aux ressources l’Etat, à l’évaluation de chacune des recettes budgétaires,
aux affectations des recettes au sein du budget de l’Etat, les plafonds des dépenses du budget
général de l’Etat, des budgets annexes, le plafond de charges de chaque catégorie de comptes
spéciaux et les données générales de l’équilibre budgétaire.

La seconde partie détaille notamment le montant des autorisations d’engagement et des


crédits de paiement, le plafond des autorisations d’emploi ainsi que le montant des reports.

§2 : Les lois de finances rectificatives

Les lois de finances rectificatives, encore appelées collectifs budgétaires, selon l’article
14 de la loi organique de 2015, sont des lois qui peuvent, en cours d’année, modifier les
dispositions de la loi de finances initiale (modification de l’autorisation budgétaire accordée par

30
le Parlement en début d’année). Elles peuvent également ratifier les modifications, par décrets
d’avance, opérées par l’exécutif (modification des mesures réglementaires prises en cours
d’exécution du budget).

L’article 15 de la LOLEB de 2015 précise les situations susceptibles de contraindre le


Gouvernement à déposer un projet de loi de finances rectificative sur la table du Parlement :
« En cours d’exercice, un projet de loi de finances rectificative doit être déposé par le
Gouvernement si :

-les grandes lignes de l’équilibre budgétaire défini par la loi de finances de l’année se trouvent
bouleversées, notamment en raison de l’évolution de la conjoncture, de l’intervention de
décrets d’avance ou d’arrêtés d’annulation de crédits ;

-les recettes constatées dépassent sensiblement les prévisions de la loi de finances de l’année ;

-des mesures législatives ou règlementaires affectant de manière substantielle l’exécution du


budget sont intervenues ».

Tout projet de loi de finances rectificative doit être accompagné :

-d’un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire


justifiant les dispositions incluses dans le projet ;

-d’une annexe explicative détaillant et justifiant les modifications de crédits proposées ;

-d’un tableau récapitulant les mouvements de crédits intervenus par voie réglementaire
depuis la loi de finances de l’année.

Le législateur organique gabonais ne limite pas le nombre de lois de finances


rectificatives qui pourraient être adoptées au cours d’une année. En pratique, il peut y avoir une
ou deux, voire aucune. Ces textes sont présentés dans les mêmes formes que les lois de finances
initiales.

§3 : La loi de règlement
Au regard de l’article 17 de la loi organique relative aux lois de finances et à l’exécution
du budget, la loi de règlement comporte un double objectif qui consiste, d’une part, à arrêter les
résultats de la comptabilité budgétaire et de la comptabilité générale, d’autre part, à procéder
aux modifications de crédits jugées nécessaires par le Parlement. Sur ces points, on doit donc
retenir que la loi de règlement n’est pas une loi de prévision, mais une loi de constatation et de
ratification des comptes de l’État.

31
Elle peut, par ailleurs, comporter toutes dispositions relatives au contrôle de la gestion
des finances publiques, ainsi qu’à la comptabilité de l’Etat et aux régimes de responsabilité des
agents de l’exécution du budget.

La loi de règlement a donc pour vocation d’achever le cycle budgétaire commencé par la
loi de finances de l’année. Il s’agit d’un instrument de contrôle dont dispose les parlementaires.
L’examen préalable du projet de loi de règlement permet en effet aux parlementaires d’avoir
une idée générale sur l’application par le Gouvernement des budgets précédents. Le contenu de
ce texte, , comme le souligne à juste titre Raymond MUZZELEC, leur permet de se livrer « à
un véritable contrôle de légalité budgétaire en examinant la régularité des dépenses. En
d’autres termes, il envisage dans quelle mesure le budget a été correctement exécuté compte
tenu de la conjoncture politique, économique et sociale »50.

En pratique, malheureusement, ces derniers l’accordent peu d’importance. Le désintérêt


repose sur le fait que cette loi est souvent adoptée avec plusieurs années de retard alors que
l’article 22 de loi organique de 2015 dispose que « le projet de loi de finances ne peut être mis
en discussion devant une chambre du parlement avant le vote par celle-ci, en première lecture,
du projet de loi de règlement afférent à l’année qui précède celle de la discussion de ce projet
de loi de finances ».

On peut également mettre en avant la rapidité avec laquelle le projet est examiné par les
membres des assemblées parlementaires.

§4 : La loi de finances spéciale

Au Gabon, la loi de finances spéciale a été instituée par la Cour constitutionnelle dans
une décision rendue le 12 novembre 1999. Elle ne peut être adoptée que lorsque que le
Gouvernement n’a pas respecté les délais de dépôt du projet de budget : « Lorsque la loi de
finances annuelle ne peut être votée et promulguée avant le début de l’exercice budgétaire, en
raison du dépôt tardif du projet de celle-ci à l’Assemblée nationale, le Gouvernement dépose,
quinze jours avant la clôture de la session budgétaire, un projet de loi spéciale, discuté et
adopté selon la procédure d’urgence, l’autorisant à percevoir les impôts existants et à ouvrir
les crédits se rapportant aux services votés dans la limite de 1/12ème, renouvelable »51.

50
R. MUZZELEC, « Un exemple de contrôle parlementaire a posteriori : la loi de règlement », Revue de science 32
financière, 1973, p.28.
51
Décision n°006/CC du 12 novembre 1999.
En France, le régime juridique des lois de finances spéciales est prévu par la Constitution
et par la LOLF.

L’article 47, alinéa 4, de la loi fondamentale indique que « si la loi de finances fixant les
ressources et les charges n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le
début de cet exercice, le Gouvernement demande d’urgence au Parlement l’autorisation de
percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés ».

A la lecture de l’article 45 de la LOLF, le Gouvernement dispose de deux possibilités :


soit déposer à l’Assemblée nationale un projet de loi de finances partiel avant le 11 décembre
de l’année qui précède celle de l’exécution du budget, et devant le Sénat selon la procédure
d’urgence. Par ce projet, il peut demander au Parlement « d’émettre un vote séparé sur
l’ensemble de la première partie de la loi de finances de l’année. ». La LOLF permet à cette
institution de se prononcer plus tard sur la seconde partie.

L’autre possibilité dont dispose l’Exécutif français est la présentation d’un projet de loi
de finances spéciale lorsque la procédure d’adoption de loi de finances partielle n’a pas abouti
ou suivi. Dans ce cas, le législateur organique lui permet de déposer « avant le 19 décembre de
l’année qui précède celle de l’exécution du budget devant l’Assemblée nationale un projet de
loi spécial l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de
finances de l’année ». La loi de finances spéciale a la particularité de ne contenir qu’un seul
article (l’article 1er) qu’on retrouve d’ailleurs dans toutes les lois de finances de l’année. Elle
permet au Parlement d’autoriser le Gouvernement à percevoir les impôts déjà institués : « La
perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux
établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectué
pendant l’année conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de
finances ».

Section 2 : La préparation et le vote des lois de finances

Comme le soulignent certains auteurs, « la prise de décision budgétaire relève d’un


processus à la fois technique et politique, éminemment complexe, qui fait intervenir un très
grand nombre d’acteurs ayant chacun une logique et des objectifs qui leur sont propres »52.

La Constitution de 1991 et la loi organique de 2015 répartissent les compétences entre le


Gouvernement et le Parlement en matière budgétaire. La préparation du projet de loi de finances

52
M. BOUVIER, M-C. ESCLASSAN, J-P. LASSALE, Finances publiques, Dalloz, 19ème éd. P.405. 33
de l’année est dévolue au premier (§1), son adoption est confiée au second (§2). Les décisions
rendues par la Cour constitutionnelle allant dans le sens de garantir le respect des règles de
compétence seront analysées (§3).

§ 1: La préparation du projet de loi de finances : une prérogative exclusive du


Gouvernement

Il convient de justifier la prépondérance gouvernementale (A) avant d’analyser la


procédure d’élaboration du projet de loi de finances (B), le débat d’orientation budgétaire (C)
et la consultation du CESE et du CE (D).

A. Les justifications de la prépondérance gouvernementale


Conformément aux dispositions de l’article 48 de la Constitution, le projet de loi de
finances ne peut être élaboré que par le Gouvernement. Cet article dispose que « toutes les
ressources et les charges de l’Etat doivent, pour chaque exercice financier, être évaluées et
inscrites dans le projet annuel de la loi des finances déposé par le Gouvernement à l’Assemblée
nationale quinze jours au plus tard après l’ouverture de la session ordinaire ». Cet article fait
référence à la notion de « projet de loi de finances » et non à celle de « proposition de loi de
finances » ; ce qui exclut donc toute initiative parlementaire en la matière. Aussi, la compétence
gouvernementale est soulignée par le fait que le constituant souligne que c’est cet organe qui
dépose le projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.

L’article 19 de la loi organique de 2015 consacre plus clairement la compétence des


autorités gouvernementales en ces termes : « Sous l’autorité du président de la République (…),
le ministre chargé du budget prépare, sous la direction du Premier ministre, les projets de lois
de finances adoptées en conseil des ministres. ». Le domaine budgétaire constitue donc une
réelle exception à la règle du partage de l’initiative des lois posée par l’article 53 de la
Constitution : « l’initiative des lois appartient concurremment au Gouvernement et au
Parlement ».

La doctrine justifie cette prérogative exclusive du Gouvernement par deux principales


raisons. D’une part, parce qu’il revient à cet organe constitutionnel de déterminer et de mettre
en œuvre la politique de la nation sous l’autorité du Président la République. C’est l’article 28
de la Constitution qui consacre cette compétence : « Le Gouvernement conduit la politique de
la Nation sous l’autorité du Président de la République (…) ».

34
Le budget apparait comme un instrument devant permettre au Gouvernement de définir
et de mettre la politique de la nation. Il s’agit, comme l’écrivait Paul Marie GAUDEMET, de
« l’expression privilégiée »53 de cette politique. Pour Gilbert ORSONI, cet instrument traduit
« financièrement les choix d’une équipe gouvernementale »54. Gaston JÈZE déclarait de son
côté que « le budget est essentiellement un acte politique (…). Le budget est, avant tout, la mise
en œuvre d’un programme d’action politique »55.

Ainsi, l’attribution de l’élaboration de cet instrument à une autre entité publique autre
que l’Exécutif serait une manière de déposséder celui-ci du cœur de ses prérogatives
constitutionnelles. Deux auteurs indiquent à ce sujet que « le gouvernement détermine et
conduit la politique de la nation (…) ; or, par-dessus tout, le budget exprime cette politique,
donc le budget ne peut être que l’œuvre du gouvernement »56.

D’autre part, la prérogative des autorités gouvernementales gabonaises en matière


d’élaboration des projets de loi de finances de l’année s’explique par leur forte technicité de ces
lois qui implique d’avoir des connaissances des domaines variés. Le Gouvernement, sur le
fondement de l’article 28 de la Constitution, a la particularité de disposer d’organes techniques
(les administrations) capables d’élaborer les projets de budget. Sur ce point, Robert HERTZOG
précise que « la confection du projet de budget est d’abord un colossal travail technique,
consistant à collecter des informations sur les besoins de dépenses, sur l’évaluation des
engagements, sur le rendement probable de chacune des catégories de ressources de l’Etat.
Ceci n’est pas non plus l’œuvre du gouvernement que du Parlement, mais celle d’un puissant
appareil administratif placé sous la direction de l’exécutif »57.

B. La procédure d’élaboration du projet de loi de finances


L’article 1er du décret n°78/PR/MEP/MBCP du 04 mars 2014 fixant le calendrier et les
modalités de préparation des lois de finances charge expressément les ministres de l’économie
et du budget de préparer le projet de budget sous l’autorité du Président de la République et du
Premier ministre.

53
P. M. GAUDEMET, « Budget et gouvernement », in L. PHILIP (dir.), Dictionnaire encyclopédique de finances 35
publiques, Paris, Economica, 1991, p.191.
54
G. ORSONI, Science et législation financière, Paris, Economica, 2005, pp.140-141.
55
G. JÈZE, Cours de science des finances et de la législation financière française, Paris, Giard, 6e éd, 1922, p.
324.
56
R. MUZELLEC, M. CONAN, Finances publiques, Paris, Sirey, 16e éd., 2013, p.13.
57
R. HERTZOG, « Les pouvoirs financiers du Parlement », RDP, 2002, n° 1-2, p. 308.
La procédure d’élaboration est engagée, chaque année, par le Premier ministre sur
proposition des ministres chargés du budget et de l’économie. Le premier ministre est ainsi
habilité à :

-fixer le cadrage macro-économique sur la base d’hypothèses prudentes et crédibles ;

-déterminer les priorités budgétaires et normes de dépenses pour les demandes de crédits
des ministères ;

-définir la procédure de présentation et d’arbitrage des demandes de crédits.

Les ministres chargés du budget et de l’économie assurent la coordination des travaux


d’élaboration du projet de loi de finances, après avoir recueilli les projets de budget sectoriel
des ministres et des institutions autonomes. La Cour constitutionnelle reste particulièrement
très attachée au respect de toutes les dispositions constitutionnelles et législatives qui encadrent
l’adoption de son budget et sa prise en compte par les autorités gouvernementales lors de
l’élaboration du projet de loi de finances. Après avoir déclaré partiellement plusieurs lois de
finances non conformes à la Constitution pour violation de ces dispositions, la Haute juridiction
a consacré le « principe de la nécessaire concertation entre la Cour constitutionnelle et les
ministres chargés de l’Economie et du budget » dans une décision rendue le 24 janvier 201958.

C. Le débat d’orientation budgétaire


Le Gouvernement est contraint d’associer le Parlement lors de la préparation Cette
association se déroule lors du débat d’orientation budgétaire (DOB) prévu par l’article 6 de la
loi organique de 2015. Le DOB ne consiste pas en une participation directe du Parlement à la
préparation du PLF. Il s’agit plutôt d’organiser une sorte de consultation des parlementaires sur
les options budgétaires envisagées par le Gouvernement et de lui permettre d’indiquer ses
préférences ou ses réticences.

Ce débat s’engage sur la base d’un rapport déposé par le gouvernement sur l’évolution
à moyen terme de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques. Ce
rapport, qui doit être envoyé au plus tard le 15 juin de chaque année, doit contenir de documents
de cadrage (il s’agit de documents comportant des informations sur un minimum de trois ans
sur l’ensemble des dépenses et recettes des administrations publiques, du besoin ou de la
capacité de financement des administrations publiques, des éléments de financement ainsi que
du niveau global d’endettement financier des administrations) et d’un rapport sur l’exécution

58
Décision n°273/CC du 24 janvier 2019. 36
de l’exercice en cours. Le DOB doit être organisé par le Parlement au plus tard le 30 juin de
chaque année. Aucun vote n’est prévu.

D. La Consultation du Conseil d’Etat (CE), de la Cour des comptes et du Conseil


économique, social et environnemental (CESE)
La Consultation du CE est obligatoire pour tous les projets de lois de finances en
application des dispositions des articles 54, alinéa 159 et 75, alinéas 1 et 2 60
de la
Constitution. Le Conseil d’Etat est l’une des dernières étapes du processus préparatoire. Il
peut apporter des modifications en éliminant du PLF toutes les dispositions qui pourraient,
selon lui, poser des difficultés juridiques d’application. Il peut également vérifier que toutes
les procédures préalables ont été respectées.

Les avis de la plus haute juridiction de l’Etat en matière administrative ne lient pas le
Gouvernement61. Ils ne sont pas rendus publics qu’à la demande du Gouvernement, qui est
encouragé, pour des raisons de sécurité juridique, à ne pas s’écarter des avis du CE.

La Consultation de la Cour des comptes est également obligatoire. Elle a été instituée
par la loi organique n°003/2022 du 27 avril 2022 fixant l’organisation, la composition, la
compétence et le fonctionnement des juridictions de l’ordre financier. C’est l’article 48,
tirets 9 et 10, de ce texte qui la consacre. Il indique que la Cour « examine, pour avis, les
projets de lois, d’ordonnances et de décrets portant sur l’organisation et le fonctionnement
des services financiers de l’Etat, des collectivités et des organismes publics (…) ; procède
à des enquêtes, des contrôles et formule des avis à la demande du Président de la
République, du Gouvernement, du Parlement ou toute autre personne morale de droit
public sur toutes questions d’ordre budgétaire, financier et comptable relevant de sa
compétence ».

S’agissant du CESE, il peut être saisi, pour avis, en application des dispositions de
l’article 96 de la Constitution. A la différence du CE et de la Cour des comptes, la saisine
du Conseil n’est pas obligatoire.

E. Le dépôt du projet de loi de finances

59
« Les projets de lois sont délibérés en Conseil des Ministres, après avis du Conseil d’Etat et déposés sur le 37
bureau de l’une des deux chambres du Parlement ».
60
« Outre ses compétences juridictionnelles, le Conseil d’Etat est consulté dans les conditions fixées par la loi
organique (…).
Lorsqu’il est saisi par le Gouvernement sur les projets de textes législatifs ou réglementaires, le Conseil d’Etat
rend des avis dans des actes séparés ».
61
Art. 75, alinéa 3, de la Constitution.
Le délai de dépôt du projet de budget par les autorités exécutives apparait à l’analyse des
dispositions constitutionnelles et/ou organiques. L’article 48 de la Constitution en son l’article
48, alinéa 1, dispose que « toutes les ressources et les charges de l’État doivent, pour chaque
exercice financier, être évaluées et inscrites dans le projet annuel de la loi de finances de
l’année déposée par le Gouvernement à l’Assemblée Nationale quinze jours (15) au plus tard
après l’ouverture de la session ordinaire ». En théorie, étant donné qu’aux termes de l’article
41 du même texte « la session parlementaire s’ouvre le premier jour ouvrable du mois octobre
(…) , on peut alors estimer que c’est au début de la première quinzaine du mois d’octobre que
le dépôt doit s’effectuer.

Les textes supra législatifs ne prévoient pas les mesures à prendre lorsque l’Exécutif n’a
pas respecté les délais de dépôt du projet de budget. On l’a vu plus haut, le juge constitutionnel,
dans une décision rendue 12 novembre 1999, a comblé cette lacune en contraignant le
Gouvernement à déposer sur la table du Parlement un projet de loi de finances spécial.

En pratique, la Cour constitutionnelle n’a jamais garanti le respect des contraintes liées
au dépôt du PLF. Elle a par contre autorisé la violation de ces contraintes. Tout d’abord, dans
la décision de 1999 précitée, cette juridiction a indiqué qu’une « loi de finances, dont le projet
a été déposé tardivement à l’Assemblée nationale, est valablement adoptée lorsque son
adoption et sa promulgation interviennent avant le début de l’exercice budgétaire concerné ».

Dans deux décisions rendues en 200062 et en 200163, saisie pour censurer les lois de
finances pour ces deux années pour dépôt tardif des projets qui leur ont donnés naissance, elle
n’a fait qu’appliquer sa jurisprudence de 1999 et rejeter les moyens soulevés par les requérants.

La décision du 27 octobre 200964 a permis à la Cour de faire évoluer sa position. En se


fondant sur l’existence d’un cas de force majeure soulevé par le Premier Ministre, elle a accepté
le report du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2010. Elle a basé sa décision sur
plusieurs évènements invoqués par le requérant65 : « Considérant qu’en raison de
l’imprévisibilité des évènements ci-dessus rappelés et de leur caractère insurmontable et
incontournable, ils sont constitutifs de force majeure qui place le Gouvernement mis en place
dans l’impossibilité d’organiser des conférences budgétaires en vue de l’élaboration du projet

62
Décision n° 1/CC du 14 janvier 2000 38
63
Décision n° 1/CC du 17 janvier 2001
64
Décision n°55/CC du 27 octobre 2009.
65
Il s’agissait de la vacance de la présidence de la République, de la mise en place d’un gouvernement de transition,
de l’élection présidentielle anticipée et de la nomination d’un nouveau gouvernement au-delà de la date butoir du
délai constitutionnel du dépôt du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
de loi de finances de l’exercice 2010 et de déposer celle-ci à l’Assemblée nationale dans les
délais requis par la Constitution ; qu’il y a donc lieu de différer la période de dépôt à
l’Assemblée nationale du projet de loi de finances de l’exercice 2010 er de fixer au 30 décembre
2009, au plus tard, l’observation de cette formalité par le Gouvernement ».

Depuis cette décision, on note l’adoption de plusieurs autres lois hors délais
constitutionnels. La plus récente est la loi de finances pour l’année 2022. Elle a été adoptée le
3 février 2022 et publiée au journal officiel après promulgation le 23 mars 2022. Le
Gouvernement avait donc effectué, depuis le premier janvier 2022, des opérations financières
et budgétaires sans aucune base juridique pendant près de 100 jours.

§2 : L’examen et le vote de la loi de finances

La période d’octobre à décembre est essentiellement consacrée au Parlement à l’examen


du projet du projet de loi de finances de l’année. Il s’agit donc d’un temps fort de la vie
parlementaire.

On va d’abord s’intéresser à l’examen (A) du projet de projet de budget avant d’analyser


son vote (B).

A. L’examen du projet de budget


L’examen du projet de loi des finances de l’année par le Parlement débute autour du 15
octobre de chaque année de l’année qui précède celle de l’exécution.

On verra successivement ici les règles qui déterminent l’ordre, les délais d’examen(I) et
l’encadrement du droit à l’amendement (II).

1- L ’ordre et les délais d’intervention des chambres du parlement


L’ordre d’intervention est indiqué par l’article 48, alinéa 1, de la Constitution qui dispose
que « toutes les ressources et les charges de l’Etat doivent, pour chaque exercice financier, être
évaluées et inscrites dans le projet annuel de la loi des finances déposé par le Gouvernement à
l’Assemblée nationale quinze jours au plus tard après l’ouverture de la session ordinaire ».
Autrement dit, le projet de loi de finances est d’abord soumis aux députés avant d’être examiné
par les sénateurs. La doctrine française explique son existence par le fait que la première
chambre est considérée comme plus représentative et plus à même à exprimer la volonté des
contribuables parce que ses membres sont élus au suffrage universel direct66. Elle est l’héritage

39
66
Voir notamment B. JEAN-ANTOINE, Les normes constitutionnelles financières en droit français de 1789 à
nos jours, op.cit., p. 189 ; G. PEISIER, « La priorité de l’Assemblée nationale sur le Sénat en matière de lois de
d’une tradition constitutionnelle, né en Angleterre en 1678, qui veut que seule une assemblée
dont les membres sont élus directement par les citoyens autorise les dépenses et les recettes.

A l’arrivé du projet de budget à l’Assemblée nationale ou au Sénat, il est tout de suite


soumis à l’appréciation de la commission des finances. La présentation globale du projet de
budget devant cette commission est faite par les ministres chargés du budget et de l’économie
comme l’exige l’article 21 de la loi organique de 2015. Celle-ci reçoit également chaque
ministre ou responsable d’institution. Avec l’accord du président de l’Assemblée nationale ou
du Sénat, selon les cas, la commission peut également entendre toute personne susceptible
d’éclairer son jugement.

Il convient de souligner que la commission n’a pas le pouvoir de modifier le projet


présenté par le gouvernement, car cette prérogative est réservée à l’assemblée plénière. Au
terme de ses travaux, elle se limite à rédiger un rapport général dans lequel figure son
appréciation et ses propositions sur le budget soumis au parlement. Ce rapport présente aussi
les observations et les recommandations issues des autres commissions parlementaires.

En dehors de la commission des finances, d’autres commissions parlementaires


permanentes interviennent dans l’examen du PLF. A la différence de la commission des
finances qui exerce une compétence générale sur l’ensemble du texte, les autres commissions
n’interviennent que dans leur domaine de compétence. Chacune doit produire un rapport
particulier qui est transmis à la commission des finances.

Sur les délais, l’article 48, alinéa 2, de la Constitution précise que l’Assemblée nationale
dispose de quarante-cinq jours pour voter la loi de finances. Si ce délai n’est pas respecté, le
gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans les vingt jours. Au sortir de cette étape, le
texte revient à l’Assemblée nationale et la procédure se poursuit comme précédemment indiqué.

Si au terme 31 décembre le Parlement ne parvient pas à adopter le budget en équilibre, le


Gouvernement peut reconduire par ordonnance le budget précédent. Le premier Ministre
convoque, par la suite, le Parlement en session extraordinaire pour un nouvel examen du PLF.
En cas d’échec de cette session, le budget est définitivement établi par ordonnance.

finances » in B. BECK, G. VEDEL (dir.), Études de finances publiques : mélanges en l’honneur de M. le 40


Professeur Paul Marie GAUDEMET, Paris, Economica, 1984, p.207.
2. Le droit à l’amendement budgétaire

Un amendement est un changement apporté à un projet ou à une proposition de loi en


discussion67. Le droit d’amendement est donc un droit qui permet aux membres du Parlement
de procéder aux modifications formelles et substantielles des dispositions d’un projet ou d’une
proposition de loi. Il a pour fondement l’article 55 de la Constitution : « Les membres du
Parlement ont le droit d’amendement. Les propositions de loi et les amendements d’origine
parlementaire sont irrecevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une
diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge
publique sans dégagement des recettes correspondantes ».

Il résulte de ces dispositions que lors de l’examen des projets de lois de finances, les
parlementaires doivent s’abstenir de formuler des amendements qui auraient pour conséquences
de diminuer les ressources publiques ou d’aggraver les charges publiques.

La recevabilité des amendements est appréciée par le bureau de chaque chambre du


parlement.

Depuis l’instauration de la budgétisation par objectif de programme, le Parlement


gabonais dispose désormais d’une plus grande marge de manœuvre dans l’exercice du droit
d’amendement. Ainsi, il peut prendre l’initiative de majorer les crédits d’un programme donné,
à condition de ne pas augmenter l’enveloppe globale allouée à la mission dont relève ledit
programme.

B. Les modalités de vote


Le vote du projet de loi des finances se déroule en séance plénière. Les modalités de
vote sont définies par la loi organique de 2015 et par les règlements des assemblées
parlementaires. Ces textes exigent le vote séparé des deux parties de la loi de finances. La
seconde, qui traite essentiellement des dépenses, ne peut être mis en discussion avant l’adoption
de la première partie, largement consacrée aux recettes.

Les recettes inscrites au budget général de l’Etat, dans les budgets annexes et dans les
comptes spéciaux font l’objet d’un vote d’ensemble. L’article 25, alinéa 2, de la loi organique
de 2015 prévoit toutefois un vote séparé pour chaque compte de prêt, d’avance ou de garantie.

67
A. LE DIVELLEC, M. DE VILLIERS, Dictionnaire de droit constitutionnel, op.cit., p.8. 41
En ce qui concerne les dépenses, les modalités de vote varient en fonction de leur nature :
les dépenses inscrites au budget général de l’Etat font l’objet d’un vote par mission ; celles
inscrites dans les budgets annexes et les comptes spéciaux sont en revanche votées par budget
annexe et par compte spécial.

Il importe de préciser que les autorités exécutives peuvent interférer lors du vote des
projets de lois de finances par le canal de deux procédures prévues par le texte constitutionnel.
Il s’agit du vote « bloqué » et de l’engagement de la responsabilité.

La première procédure donne droit au Gouvernement de saisir une assemblée


parlementaire afin qu’elle se prononce par un seul vote sur tout ou partie d’un texte financier
en discussion en ne tenant compte que de ses amendements ou ceux de l’assemblée saisie et
acceptés par lui. Elle est posée par l’article 55 alinéa 3 de la Constitution68. En pratique, elle
n’a jamais été utilisée. En France, selon Amicie MAUCOUR-ISABELLE, « le gouvernement
a utilisé l’article 44 alinéa 3 pour toutes les lois de finances annuelles à l’exception de celles
pour 1961 et pour 1980 »69.

La deuxième permet au Premier ministre d’engager la responsabilité du Gouvernement


devant la chambre basse (Assemblée nationale) sur le vote d’un projet de texte financier. Celui-
ci est alors considéré comme adopté si une motion de censure contre le Gouvernement n’est pas
votée par la chambre saisie. A l’inverse, si elle est votée, cet organe est renversé et le projet
rejeté. En France, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ce mécanisme, prévu
par l’article 49, alinéa 3, de la Constitution70, a fait l’objet d’une profonde réforme. Depuis cette
révision, pour les projets de lois qui ne sont pas des projets de lois de finances, un seul
engagement par session est possible. Cette règle touche donc les projets de lois ordinaires
fiscales. La même règle est posée au Sénégal par l’article 86, alinéa 7, de la loi fondamentale.

68
« Si le Gouvernement le demande, l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en 42
discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement ».
69
A. MAUCOUR-ISABELLE, La Rénovation des pouvoirs budgétaires du Parlement sous la Ve République,
op.cit., pp.68-69.
70
« Le premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du
Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la
sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans
les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le premier ministre
peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ».
Au Gabon, cette procédure est régie par les articles 6371, 6472 et 6573 de la Constitution. Ces
dispositions ne posent aucune limitation sur l’utilisation de la règle et ne donnent aucune
précision particulière sur les projets de lois de finances.

Comme le vote « bloqué », en pratique, l’engagement de la responsabilité n’a jamais été


utilisée.

§3 : La garantie des règles de compétence par la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle veille au respect par le Gouvernement et par le Parlement de


leurs compétences respectives en matière budgétaire.

Elle a déjà sanctionné le Gouvernement à deux reprises pour violation des pouvoirs du
Parlement.

La première décision est relative à l’accord de coopération en matière de pêche maritime


conclu entre le Gouvernement de la République du Gabon et celui du Maroc. La Haute instance
avait déclaré l’inconstitutionnalité de cet accord au motif qu’en engageant les finances de l’État,
il devrait, en application de l’article 114 (devenu article 107) de la Constitution74, être
préalablement soumis à l’approbation du Parlement ; ce qui n’a pas été le cas75.

La deuxième décision porte sur l’arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 fixant l’entrée
en vigueur des nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre
la propagation de la Covid-19. En l’espèce, cet arrêté mettait fin à la gratuité des tests PCR et
prévoyait, en son article 6, le prix du test PCR normal à 20.000 et du test PCR VIP à 50.000
FCFA. Pour la Haute juridiction, « il ressort de l’instruction que ni la loi de finances
rectificative de 2021, ni celle qui vient d’être votée par le Parlement n’ont prévu les recettes

71
« « Le premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage la responsabilité du Gouvernement
devant l’Assemblée nationale, en posant la question de confiance, soit sur une déclaration de politique générale, 43
soit sur le volet d’un texte de loi.
Le débat sur la question de confiance intervient dans un délai de trois jours francs après qu’elle a été posée. La
confiance ne peut être refusée qu’à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale ».
72
« L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure.
Une telle motion, n’est recevable que si elle est signée par au moins un quart des membres de l’Assemblée
nationale ».
73
« Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou refuse sa confiance au Premier Ministre,
celui-ci doit remettre immédiatement sa démission au Président de la République.
La démission du Premier Ministre entraîne la démission collective du Gouvernement.
Un nouveau Premier Ministre est alors nommé (…) ».
74
« Les traités de paix, les traités de commerce, les traités relatifs à l’organisation internationale, les traités qui
engagent les finances de l’État, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à
l’état des personnes ne peuvent être approuvées et ratifiés qu’en vertu d’une loi ».
75
Décision n° 8/CC du 22 juin 2000, op.cit.
relatives aux tests PCR normaux, mais plutôt celles concernant les tests PCR VIP ; qu’il
s’ensuit qu’en prévoyant le coût des tests PCR normaux, l’article 6 de l’arrêté en cause viole
les dispositions combinées des articles 47 et 48 de la Constitution ». Elle a donc relevé la
violation du principe du consentement de l’impôt et des dispositions de l’article 48 de la
Constitution aux termes desquelles « toutes les ressources et les charges de l’État doivent, pour
chaque exercice financier, être évaluées et inscrites dans le projet de la loi de finances déposée
par le Gouvernement (…) ». En conséquence, elle a purement et simplement censuré cet
article76.

La Cour constitutionnelle a déjà sanctionné le Parlement pour attribution au


Gouvernement de ses compétences budgétaires. En 2019, cette institution avait prévu à l’article
33 de la loi de finances pour l’année 2019 que « les recettes affectées aux différentes
administrations, suivant le tableau ci-dessous, peuvent faire l’objet d’une modification des clés
de répartition, par voie réglementaire, sur proposition conjointe des ministres chargés du
Budget et de l’Economie ».

La Haute juridiction, en invoquant indirectement la violation des règles de compétence,


avait jugé « qu’il résulte des dispositions sus rappelées de l’article 33 que les clés de répartition
telles qu’arrêtées dans la loi de finances en examen sont susceptibles d’être modifiées par
décret ou par arrêté, ce, en violation du principe de la hiérarchie des normes juridiques selon
lequel une norme inférieure ne peut modifier les dispositions d’une norme supérieure ; que dès
lors, renvoyant au texte réglementaire les modifications éventuelles des clés de répartition des
recettes affectées à certaines administrations, les dispositions incriminées doivent être
déclarées contraires à la Constitution »77. Elle a imposé la reformulation de ces dispositions en
ces termes : « Les recettes affectées aux différentes administrations, suivant le tableau
d’affectation ci-dessous, peuvent faire l’objet d’une modification des clés de répartition, par
voie législative, sur proposition conjointe des ministres chargés du Budget et de l’Économie »78.

76
Décision n°045/CC du 24 décembre 2021. 44
77
Décision n°273/CC du 24 janvier 2019.
78
Ibidem.
45

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