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Les finances publiques

INTRODUCTION
– LES FINANCES PUBLIQUES : UNE QUESTION DE DEMOCRATIE
Les finances publiques sont une des problématiques les plus anciennes de l’action publique.
Selon certains historiens, c’est à côté de la guerre, et justement pour accompagner les besoins
qu’ elle suscite, un des motifs de la construction et de la formalisation des Etats.

Cette idée se retrouve chez l’économiste autrichien Joseph Schumpeter (1833-1950), "ce
sont les besoins financiers qui ont été à l’origine de l’État".

On retrouve ainsi dès l’Antiquité, des administrations ou du moins des offices en charge de
collecter des revenus et de prélever l’impôt au profit du pouvoir, afin que celui-ci puisse dans
un second dépenser cet argent public pour le bien commun, pour la chose publique. C’est vrai
dans l’Egypte antique, comme dans la Grèce ou dans l’empire romain. À partir de la fin du
Moyen Âge, en France, un système financier organisé et performant va procurer au monarque
les ressources stables et dynamiques dont il a besoin pour la guerre (défendre ou accroître son
territoire), mais aussi pour asseoir son pouvoir et répondre aux fonctions croissantes de l’Etat
(financer un appareil judiciaire se substituant aux justices ecclésiastique et seigneuriale, par
exemple). La construction de l’Etat s’accompagne ainsi d’un besoin en matière de finances
publiques – même si parfois le lien est inversé : la perception de l’impôt va exiger de mettre en
place un appareil administratif sur tout le territoire.

Un changement radical va se produire au cours de l’histoire. Les conditions de constitution des


ressources financières du pouvoir vont être de plus en plus encadrées et vont apparaître
parallèlement des règles en matière de dépense. Progressivement au cours du Moyen-âge et de
l’Ancien régime, le souverain – càd la personne du roi – sera donc de moins en moins libre
d’utiliser l’argent public selon son bon vouloir, car cet argent va être dissocié de son patrimoine
personnel.

Autrement dit, en même temps que l’Etat va se dissocier de la personne du roi, on peut dire que le
trésor public va être distingué du patrimoine royal et ainsi être soumis à des règles encadrant sa

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constitution comme son utilisation. C’est l’ensemble de ces règles qui vont former à terme le droit
des finances publiques et que nous allons donc étudier durant ce cours.

Dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, souligne ainsi que les finances ne doivent pas
être que comme une question de deniers, d’argents, mais qu’il faut comprendre les finances
publiques comme « le principe, l’objet et le moyen des opérations les plus intéressantes du
gouvernement ». Autrement dit, pas d’action publique, pas de politiques publiques, sans
finances publiques...

On le voit tout de suite, avec ce bref regard en arrière : l’enjeu derrière les finances publiques
est un enjeu démocratique. Il s’agit de savoir dans quelles conditions le monarque, puis l’Etat
et son personnel administratif sont autorisés à prélever des ressources financières, et comment
les dépenses vont pouvoir être encadrées par le peuple – désormais souverain – ou du moins
ses représentants.

Cet enjeu démocratique est essentiel pour la conduite de la puissance publique : les finances
publiques sont un outil de gouvernement, elles déterminent toutes les politiques publiques,
car elle en définit l’étendue et l’intensité, elle les hiérarchise en définissant leur importance
comme leur caractère prioritaire. Comme le soulignent les Prof. Gaudemet et
Molinier, « Constamment les opérations financières s’imposent à l’attention. Ce sont des
ouvertures de crédits permettant de construire des autoroutes ou des écoles qui se font attendre,
comme la majoration des traitements ou allocations diverses qui est réclamée... Ainsi la vie de
tous les citoyens est marquée par les opérations financières ».

En bref, les FiP permettent à l’Etat d’assurer ses activités régaliennes, de développer les
services publics, et d’assurer une politique économique et sociale, afin de répondre dans une
démocratie aux aspirations des citoyens. Les choix faits en matière de FiP, traduiront ainsi
l’équilibre adopté entre le modèle de l’Etat libéral et celui de l’Etat providence.

Là encore, sur ce lien entre démocratie et finances publiques, l’éclairage historique est très
probant : les monarchies parlementaires, qui sont les racines de la démocratie en Europe,
sont nées – presque conjoncturellement – du besoin de soumettre les recettes publiques au
principe du consentement à l’impôt. Ce mouvement ancien se prolonge jusqu’à la déclaration
des droits de l’homme et du citoyen d’août 1789. Selon son article 15, la société et donc les
citoyens ont en effet le droit de demander compte à tout agent public de son administration,
mais plus précisément encore, l’article 14 affirme : « Tous les citoyens ont le droit de

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constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique,
de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le
recouvrement et la durée. »

L’introduction au droit des finances publiques que je vous propose se donne trois objectifs :

- Définir les finances publiques (§1) ;


- Rappeler plus précisément l’histoire du droit des finances publiques, en identifiant les
grandes étapes de sa construction (§2) ;
- Identifier les enjeux politiques et institutionnels des finances publiques (§3).

§1. La définition des finances publiques


Les finances publiques sont auj. une notion classique du droit public, et pourtant leur
définition reste difficile. C’est en particulier la délimitation de ce qui relève des FiP qui est
complexe, car il s’agit d’une « discipline-carrefour ». La formule, devenue très classique, est
l’œuvre des professeurs Gaudemet et Molinier : ils écrivent en 1986 que « La diversité des
disciplines qui concourent à la connaissance des finances publiques [...] donne aux finances
publiques le caractère d’une “science de carrefour” » (Paul-Marie Gaudemet, Joël Molinier,
Finances publiques, Montchrestien, 7e éd., 1996).

En effet, dans un sens large, il est fréquent d’intégrer aux finances publiques les questions
suivantes :

- les questions théoriques et intellectuelles sur l’impôt d’une part, ainsi qu’une réflexion sur
les principes comptables, d’autre part. Ce sont donc le droit fiscal et le droit de la comptabilité
publique ou de la gestion publique qui peuvent être associés aux finances publiques ;

- on peut encore y ajouter les questions relatives à l’évaluation des politiques publiques ou
encore à la réforme de l’État et de son administration. Comme nous l’avons vu, derrière le
New public management, derrière les réformes permanentes de l’organisation des pouvoirs
publics, il y a bien souvent une exigence financière et budgétaire de baisse ou du moins de
maîtrise de la dépense publique.

L’étude des finances publiques mobiliseraient ainsi les champs du droit et de l’économie, de
la science politique, mais aussi de la philosophie ou encore de la gestion et du mangement.

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= il s’agit même d’une spécialité chez les économistes : économie financière (poids de l’impôt
sur l’éco, effet du déficit pub, évaluation des politiques macro-éco...). Cela va à l’encontre de
l’idée ancienne, défendue par exemple par Colbert alors intendant des finances de Louis XIV,
selon laquelle les finances devaient être accessibles et transparentes aux yeux des citoyens.

Nous allons toutefois devoir adopter une délimitation plus stricte en parlant uniquement du
droit des finances publiques dans le cadre de ce cours = définition stipulative. Pour ce faire
nous envisageront tout d’abord les finances publiques comme une notion spécifique (A).
Après cette distinction, nous définirons ensuite les FP en explicitant quel est leur objet (B).

A. Une notion spécifique


Il faut d’abord définir les finances publiques en s’attachant à son qualificatif de public, avant
de voir au sein du droit public comment se situe le droit des finances publiques, au sens strict,
par rapport à d’autres matières avec lesquelles elles ont des liens.

1. Distinction finances publiques – privées


• Commençons par nous intéresser au terme de finances.

Comme l’explique le Littré, le termes « finances » vient du vieux français « finer », qui désigne
le paiement effectué au terme d’un engagement contractuel. Finer vient Finir le lien
d’obligation. A partir de cet usage ancien, le mot a pris pour signification la capacité d’une
personne à effectuer ce paiement, càd qu’il désigne sa situation patrimoniale, ses ressources
pécuniaires.

Toutefois, le mot finances prend un sens spécifique et plus large, lorsqu’il est employé pour
parler de l’Etat et donc des finances publiques. En effet, les finances publiques ne se résument
pas aux deniers publics, càd à l’argent détenu par le roi, puis par une personne publique (Etat,
CT ou EP). Le terme renvoie plus largement au fait que de tels deniers publics sont soumis
à des règles spécifiques, exorbitantes du droit commun, qui résulte en particulier de
l’applicabilité conjointe du droit de la gestion publique et de la comptabilité publique.

Les FiP doivent donc être comprises par opposition aux finances d’une personne privée, car
dans ce dernier cas on ne vise que sa situation patrimoniale.

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Autre diff. importante : les montants en jeu. En principe les deniers publics et les deniers
d’une PPrivée sont incommensurables en raison de leurs ordres de grandeur respectif. Il y a
cependant des exceptions notables auj. avec les multinationales, dont le chiffres d’affaire
s’approche voire dépasse dans certains cas le budget d’Etat. On peut prendre l’exemple de Wal-
Mart, dont le CA est de 482 Md de dollars contre environ 442 pour la France. Moins
pharaonique, on peut citer le cas d’Appel : autour 200 Md de dollars ; ou encore Amazon : 177
Md de dollars en 2017...

Encore une fois, le cas de ces multinationales reste une exception – qui interpelle certes – et il
faut donc garder à l’esprit qu’en principe seuls des Etats ont un budget qui s’exprime en
centaine de milliards d’euros.

• Plus fondamentalement, la distinction entre les finances publiques et privées apparaît au


XIXème siècle, au moment où l’on prend conscience des finalités spécifiques des FiP.
Une société commerciale, et plus généralement une Pprivée, va chercher le profit, dans un délai
bref, afin de satisfaire les détenteurs du capital. L’Etat est en principe sauvegardé de cette
approche capitalistique de son budget. Il ne recherche pas le profit immédiat, mais la
satisfaction sur le long-terme de l’intérêt public qui peut passer par le financement
d’opérations ou d’actions non-rentables.

Ceci explique que le déficit des sociétés privés soit considéré de manière négative et
qu’il soit sanctionné par des mécanismes de liquidation et de faillite, alors que l’on peut
attendre dans une logique keynésienne de l’Etat qu’il s’endette afin de relancer
l’économie nationale. L’endettement ne sera pas perçu comme une maladie mais comme
un choix de politique publique viable.
L’évolution contemporaine conduit toutefois à noter que des rapprochements
peuvent être faits entre les FiP et les finances privées : la multiplication des SPIC a
poussé l’Etat à les soumettre à une logique de rentabilité minimale, notamment dans le
cadre de l’ouverture à la concurrence ; d’autre part, la LOLF de 2001 a instauré une
culture généralisée de l’efficience de la dépense publique, qui doit être mesurée et
garantie par la LF ; enfin l’intégration européenne a conduit à imposer aux EM de la
zone euro un minimum de discipline budgétaire en interdisant les déficits excessifs.

• Cette différence de signification du mot finance, selon qu’il est attaché à une PPrivée ou
publique, n’épuise pas notre exercice de déf°.

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Il faut ajouter une précision cette fois-ci sur le qualificatif de public pour cerner le périmètre de
la notion.

D’abord, on intègre généralement dans la notion de FiP, les finances des personnes morales de
droit public : Etat, CT, EP et autres organismes de D. Pub, sans oublier les organisations
supranationales qui ont-elles aussi un budget et qui pourraient donc être intégrées dans cette
déf° (UE, Conseil de l’Europe, ONU). Si donc les cours et manuels de FiP mettent l’accent
sur le budget de l’Etat et ne traitent des autres PPub qu’à la marge, il ne faut pas oublier qu’en
principe les finances publiques concernent un ensemble plus large d’institutions.

Dans la continuité de cette première observation, les spécialistes soulignent également que les
mutations de l’action publique amènent auj. à intégrer dans le périmètre des FiP de nouveaux
démembrement de la puissance publique. On parlera alors de finances des administrations
publiques. Cette approche est adoptée par les systèmes de comptabilité établis par les NU,
par l’UE, comme par la France (décret du 7 nov 2012, abandonnant la référence aux finances
des « organismes publics »). Cette approche leur permet d’établir des statistiques, qui intègrent
dans les FiP les finances de « toutes les unités institutionnelles dont l’activité économique
principale consiste à effectuer des opérations de redistribution ou à produire des services non
marchands à partir de ressources provenant en majorité (directement ou indirectement) de
prélèvements obligatoires ».

Cette définition complexe est plus précise que la première proposition. Elle permet de
faire deux choses : élargir d’un côté et restreindre de l’autre le périmètre des FiP :
- D’une part, cette déf° intègre dans les FiP les activités d’intérêt général, les missions
de SP qui seraient confiées à des pers. Privées. Par ex, les caisses locales et régionales
de sécu sociale, qui sont des Pprivées, participent à la puissance publique et doivent
donc être prises en compte dans le cadre des FiP.
- D’autre part, cette déf° exclut des FiP les services publics marchands, càd les SPIC
même lorsqu’ils sont assurés par l’Etat ou une autre pers. Morale de D. Pub comme les
CT ou les EP.

On retrouve par exemple cette déf° des finances publiques à l’article 126 TFUE et dans le
protocole N°12 annexé au traité. Ces dispositions traitent des déficits excessifs que doivent
éviter les EM de l’UE. L’article 2 du protocole précise ainsi que est « public » au sens des FiP,
tt ce qui est « relatif au gouvernement général, càd. les adm° centrales, les autorités régionales
ou locales et les fonds de sécurité sociale, à l’exclusion des opérations commerciales ».

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Une troisième approche des FiP est parfois proposée, afin de ne plus exclure justement les
activités marchandes assurées par les pouvoirs publics. L’argument ici est de dire que le poids
économique de ces activités est réel et qu’il ne devrait pas être ignoré. Cela conduirait à intégrer
dans le périmètre des FiP les entreprises publiques dont l’autonomie est par rapport au pouvoir
politique est très relative, et dont les finances sont garanties par la présence de la personne
publique au sein de leur capital.

Ex : SNCF devient en 2020 une société publique, alors qu’elle était jusque-là un EP. Son budget
ne devrait donc plus formellement être une problématique de FiP. Pourtant lorsque le
gouvernement en 2017 s’est engagé à reprendre une partie de la dette de la SNCF, c’est bien le
budget de l’Etat qui a été durablement impacté (jusqu’en 2026).

2. Distinction finances publiques – fiscalité – comptabilité publique


Une fois cerné l’objet des finances publiques, il reste à distinguer la matière en tant que
branches du droit ou discipline juridique d’autres spécialités.

Repartons de l’idée que les FiP sont « la branche du D pub. qui a pour objet l’étude des règles
et opérations relatives aux deniers publics » (Gaudemet), ou encore « les opérations qui
conduisent les pouvoirs publics à se procurer des ressources et à financer ainsi leurs charges ».
Les FiP apparaissent bien comme un des moyens de l’action de la puissance pub, et elles n’ont
donc pas tjrs été appréhendées de manière autonome.

Historiquement, c’est d’abord sous l’angle du D adm que la question des deniers pub a été
traitée. Jusqu’au XIXème siècle, c’est uniquement dans les ouvrages de D. adm que se
retrouvaient les règles encadrant l’utilisation de leurs ressources financières par les Pers. Pub.
Cela s’explique comme cela vient d’être dit par le fait que l’action de l’adm° suppose des
deniers que les FiP ont vocation à lui conférer. Mais réciproquement le DA et ses outils,
constitue un moyen aussi de mettre en œuvre le pouvoir budgétaire. Par exemple, les
recettes de l’Etat sont collectées grâce à une administration dotée des prérogatives de puissance
publiques.

• Face à cette genèse, il faut souligner que la constitutionnalisation, puis auj.


l’européanisation, des sources du droit des finances publiques rend cette présentation

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obsolète. Les FiP ont dépassé le cadre du DA, bien qu’elles concernent tjrs au premier titre les
adm° de l’Etat.

On peut noter en ce sens que les FiP revêtent désormais une dimension constit et
institutionnelle fondamentale : il s’agit pour les spécialistes de mener une réflexion sur
l’équilibre des pouvoirs qui participent à la définition des diff. budgets de l’Etat : les règles
qui entourent l’adoption du budget général de l’Etat comme celle du budget des CT interrogent
la place respective du parlement dont l’intervention est impliquée par l’article 14 de la DDHC
et prévue par l’article 34 pour l’adoption des lois de finance, de l’Exécutif qui prépare les
projets de loi de fi et qui les exécutent une fois adoptés, et enfin des CT qui sont supposés
bénéficier du Pce de libre adm° en vertu de l’article 72.

S’agissant de l’UE et de l’européanisation des FiP, le droit européen implique, pour la France
comme pour ses partenaires, l’obligation de contribuer financièrement au budget de
l’Union (et donc de prévoir cette dépense dans son budget). Le DUE contient par ailleurs des
règles d’harmonisation, notamment en matière fiscale, qui ont évidemment des incidences
directes sur les finances publiques nationales ; ainsi que des règles visant à encadrer la liberté
du pouvoir budgétaire nationale.

+ UEM !

• Autonomisée par rapport au DA, indépendante vis-à-vis du DC et du DUE malgré les


recoupements existants, les FiP ont vu à leur tour des questions juridiques qui y étaient
initialement incluses s’en détacher progressivement.

Au début du XXème, les premiers manuels de « science et législation financières » incluaient


dans leur développement le droit fiscal. C’est à partir des années 50, que ce dernier a pris son
autonomie. Il présente les principes juridiques relatifs aux impôts, taxes, contributions et
cotisations sociales et regroupe l’ensemble des normes de droit qui les concernent. Il traite
également des prérogatives de l’Administration pour percevoir auprès des personnes
physiques ou des personnes morales (citoyens ou agents économiques) leur contribution au
fonctionnement de l’Etat et à la satisfaction de l’intérêt public. Il aborde réciproquement les
garanties dont disposent les contribuables confrontés au fisc, càd au trésor public en tant
qu’administration.

La fiscalité est donc évidemment liée aux FiP car elle est le moyen concret de la constitution
des ressources qui vont abonder le budget de l’Etat. La fiscalité est d’ailleurs très largement

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conditionnée par la loi de finance adoptée chaque année pour définir le budget de l’Etat.
La séparation qui existe entre le droit fiscal et le droit des FiP est donc quelque peu artificielle,
puisque l’enseignement des FiP s’intéresse à la formalisation du consentement à l’impôt, mais
pas aux conditions concrètes de son prélèvement – alors qu’à l’inverse les FiP traitent aussi
bien des prévisions en matière de dépense que du contrôle des dépenses effectivement réalisées.

• La mise en œuvre du budget, dans sa dimension pratique, peut être également présentée
de manière autonome, si l’on s’intéresse à ce que l’on appelle la comptabilité publique.
Il s’agit de l’ensemble des règles qui entourent la présentation de l’état des finances, ce qu’on
appelle l’écriture comptable – mais aussi – et c’est là la dimension pratique autonomisée des
FiP – le contrôle de la régularité des opérations de compte, càd régularité de
l’encaissement des recettes et du décaissement des dépenses.

On s’intéresse alors à l’action des comptables publics qui relèvent du trésor public, et qui sont
présents au sein des personnes publiques pour garantir le bon usage des deniers publics. Ils ont
par exemple pour mission de vérifier la régularité de toute demande de paiement, comme le
respect de la règle du service fait par ex. Il agit sur la base des demandes qui lui sont adressées
par un ordonnateur (par ex. le maire dans une commune, le directeur dans un EP, proviseur
dans un lycée, etc.). Et il garantit cette régularité sur ses fonds propres en cas d’erreur (mais
système d’assurance mutualisée).

Cette dimension opérationnelle de la gestion des fonds publics répond à des règles spécifiques
et des problématiques techniques, qui ne sont généralement pas incluses dans le champ du
droit des FiP malgré des liens substantiels évidents.

Autre présentation possible : Classiquement, en droit, on scinde les finances publiques en


trois branches : le droit fiscal, le droit de la comptabilité publique et le droit budgétaire.

Le droit fiscal s’intéresse à la question des ressources publiques, et plus


spécifiquement aux règles techniques de détermination et de perception des recettes
fiscales (impôts).
La comptabilité publique est l’ensemble des règles régissant l’encaissement et le
décaissement de l’argent public, la tenue des comptes publics, et, d’une façon
générale, les techniques de gestion publique.

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Le droit budgétaire est l’ensemble des règles encadrant l’adoption et la mise en
œuvre du budget, c’est-à-dire l’acte de prévision et d’autorisation financière pour
l’exercice à venir.

B. L’objet des finances publiques : le budget


Après avoir envisagé la notion de FiP, voyons maintenant son objet : le budget de l’Etat et des
autres institutions qui concourent dans une logique non-marchande à la satisfaction des
besoins de l’intérêt général.

Le terme budget est un héritage de l’histoire et une bizarrerie linguistique. Le trésorier public
national avait un grand sac pour transporter l’argent public, dénommé la « bougette », et
c’est ce mot qui a été ensuite transféré en anglais et qui nous est revenu sous l’appellation
« budget ».

Ce budget de l’État français est aujourd’hui un grand compte, avec ses recettes, ses
dépenses et la description des conditions de son équilibre (ou de son déséquilibre) annuel.
L’ensemble de ces paramètres va déterminer la politique budgétaire de l’Etat.

Voir les politiques financières

1. Etablir les recettes publiques


Les recettes publiques sont l’ensemble des recettes perçues par les administrations publiques.
Elles se constituent essentiellement des impôts, des taxes, et cotisations sociales. Les recettes
publiques contribuent avec les emprunts publics au financement des dépenses publiques.

Remarque : Le budget de l’État est un lieu de transit des prélèvements obligatoires


redistribués à la Sécurité sociale, aux collectivités territoriales et à l’Union européenne

Pour ajouter à la difficulté de la compréhension des recettes de l’État, le budget de l’État, en


France, a deux périmètres très différents de recettes : un cœur « État stricto sensu », que nous
avons passé en revue tant en recettes qu’en dépenses, et une périphérie qui, après avoir
centralisé beaucoup les ressources, renvoie des transferts financiers dans un « système
multiniveaux de gouvernement ». On parle de trois canaux de recettes-transferts ou transits
principaux : la « fiscalisation de la Sécurité sociale », le « retour de la centralisation de la
fiscalité locale » (ou les transferts correspondants en direction des collectivités territoriales) et
la contribution nette au financement de l’Union européenne. L’État français organise la
centralité financière et garde ainsi en main la stratégie ou l’incitation à orienter
éventuellement la stratégie.

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Dans un projet de loi de finances (ici 2019), le titre 1 décrit en premier les impôts et
ressources qu’il s’agit d’autoriser, et on y trouvera, outre l’autorisation de percevoir les
impôts et produits déjà existants, des mesures modificatives annuelles dans une liste
particulièrement technique.

On trouve par exemple pour 2019 : l’indexation du barème et des grilles de taux du prélèvement
à la source (PAS), les mesures d’accompagnement du prélèvement à la source de l’impôt sur le
revenu, le plafonnement de la réduction d’impôt sur le revenu dans les DOM, la suppression de
la TVA non perçue récupérable, la création de zones franches d’activité nouvelle génération
(ZFANG), l’aménagement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), le
renforcement de la composante de la taxe générale sur les activités polluantes relative aux
déchets, la suppression de taxes à faible rendement, la fusion des taxes sur la publicité
audiovisuelle, la suppression de dépenses fiscales inefficientes, la modification des règles de
calcul des acomptes d’impôt sur les sociétés, l’adaptation de l’exonération partielle de droits de
mutation à titre gratuit (DMTG) en cas de transmission d’entreprises (« pactes Dutreil »), la
transposition partielle de la directive sur le régime de TVA du commerce électronique ; et des
dispositions relatives aux collectivités territoriales, comme la fixation pour 2019 de la dotation
globale de fonctionnement (DGF), la compensation des transferts de compétences aux régions
par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits
énergétiques (TICPE), la modernisation du mécanisme de compensation de perte de ressources
de contribution économique territoriale (CET) et la création d’un fonds de compensation
horizontale pour l’accompagnement à la fermeture des centrales de production d’électricité
d’origine nucléaire et thermique, etc...

Ces recettes s’inscrivent dans l’ensemble des prélèvements obligatoires qui sont la source
principale de revenus de l’Etat 90% ( les 10% restant étant composés des revenus du
domaine public par ex. ou des redevances dues en contrepartie d’un service comme la redevance
audiovisuelle = « revenus ordinaires » historiquement). Il est possible de distinguer dans les
prélèvements obligatoires les cotisations sociales (38%) et les impôts directs et indirects
(62%).

- Les cotisations sociales :


Nées à la libération, les cotis sociales ont considérablement augmentées et presque
doublé depuis 1965 pour atteindre 18,8% du PIB. Il s’agit des fameuses charges
sociales que paient les entreprises françaises (63% des cotis) et les salariés (29%) : CSG
(contribution sociale généralisée), CRDS (contribution au remboursement de la dette
sociale), Contribution solidarité autonomie, Assurance maladie et assurance vieillesse,
Allocations familiales, accident du travail, et assurance chômage sont les principales.

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Elles ont l’inconvénient de nuire à l’attractivité économique de la France et de
réduire le salaire direct des individus, mais elles permettent à ses derniers de
bénéficier d’une protection sociale sans avoir à souscrire à des assurances privées. En
effet, les cotisations sociales constituent la part essentielle du budget de la sécurité
sociale (65%).
Dans les autres pays ayant un système d’assistance sociale publique, le plus faible
montant des cotisations sociales est en général compensé par une fiscalité plus
importante sur le revenu ou la consommation par ex (Sarkozy a baissé les charges
sociales pesant sur les entreprises en augmentant la TVA). Il faut donc être prudent en
matière de comparaison des recettes publiques ...

- Les impôts :
Le poids de l’impôt a cru également mais de manière moins importante que les cotis
soc : de 20% en 1960, nous sommes passés à 29,6% du PIB (taux élevé mais bien
moindre que celui des pays nordiques : 47 % au Danemark par ex).
L’Etat reste le bénéficiaire final essentiel des impôts, devant la sécurité sociale et les
CT (viennent ensuite les EP et l’UE qui bénéficient de moins d’un pt de PIB).
La fiscalité française se divise en deux catégories : les impôts directs (impôts adressés
à une PP ou une PM déterminée, comme les impôts sur les bénéfices ou sur le capital,
l’impôt sur le revenu). La fiscalité directe comprend depuis la 1ere GM une fiscalité
locale, avec la taxe d’habitation et la taxe foncière, et une fiscalité nationale constituée
notamment par l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, ou encore les droits de
successions. Il faut ajouter en 2nd lieu les impôts indirects qui sont prépondérants depuis
le XIXème siècle, et dont le plus important est auj. la taxe sur la valeur ajoutée (on parle
d’impôt sur la dépense ou sur le production). Ils se caractérisent par le fait que l’impôt est
acquitté par un tiers et non par rapport à la personne qui en supporte le coût (ex : tva
supporté par acheteur, mais versé par le marchand).
Dans l’ensemble la fiscalité française peut être qualifiée de principalement
proportionnelle. Elle présente cependant une dimension régressive pour certaines
catégories intermédiaires dans la mesure où certains impôts sont déconnectés de la
richesse, mais cela doit être nuancée par l’importance des dépenses sociales. A l’inverse,
le système fiscal est habité paradoxalement par l’idée qu’il faut faire payer les plus
riches. Le régime français est en effet un des plus redistributif : l’exonération d’une part

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importante de la pop° de l’imposition est ainsi compensée par des impôts fortement
progressifs pour les plus aisés (revenu, ISF, successions et donations...).

• quelles sont les tendances ? Les chiffres de l’Insee montrent que le niveau des prélèvements
obligatoires représente depuis 1996 autour de 45% du PIB, et on atteint même 45,3% en 2017,
mais retour à 45 en 2018 selon les statistiques de l’Insee de 20201 (contre 10% avant la 1ère
GM, 20% entre les deux GM, et 30% après la GM avec la création de la sécurité sociale).

Ce niveau de prélèvement est légèrement plus haut que dans les autres pays de la zone euro
(41-42%) et significativement plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE (35%).

On voit également apparaître depuis 1996 un mouvement dans lequel l’Etat central voit sa part
de prélèvements baisser légèrement au profit des CT et du budget de la sécurité sociale.

En 2018 : Le taux des administrations publiques locales augmente de 0,2 point, à


6,4 points de PIB, tandis que le taux global pour les APU descend 02 pt dans le même tps.

Tableau : Évolution récente des prélèvements obligatoires en France (1996, 2002, 2013, 2018)
(en % du PIB, évalué en 2018 à 2 353 milliards d’euros) - Source : Insee, 2018

Ces chiffres amènent à s’interroger sur l’utilité pour la société des prélèvements
obligatoires et donc sur l’efficience avec laquelle les pouvoirs utilisent ces recettes. Les impôts
doivent en fait faire rentrer des recettes avec deux critères, deux objectifs – ce qui complique
encore l’exercice de définition du bon niveau de prélèvement : l’efficacité (faire du rendement
sans trop perturber les choix économiques) et la justice.

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https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277804?sommaire=4318291

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L’efficacité est reconnue lorsque le syst. de prélèvement ne modifie pas le comportement des
acteurs imposés. Il ne faut pas exemple qu’il décourage les individus d’avoir une activité
économique ou de développer celle qu’ils ont – au risque sinon de nuire à l’économie nationale.

Du point de vue de la justice sociale, on qualifie de système fiscal équitable un système fiscal
qui respecte au moins les conditions suivantes [Baslé, 1987] :

— traitement égal dans des circonstances identiques (l’analogie existe entre l’égalité
devant la loi et l’égalité devant l’impôt) ;
— traitement inégal dans le cas contraire ;
— traitement presque égal dans des circonstances presque identiques : c’est le principe
de continuité ou de l’absence d’effets de seuil ;
— pas de recherche de type inquisitorial sur la vie des personnes physiques ou
morales et impersonnalité maximale du traitement ;
— connaissance à l’avance avec certitude de la législation fiscale ;
— coûts de réclamation fiscale identiques pour chacun.

Théoriquement, en démocratie pure et parfaite, on devrait toujours se situer au bon niveau


d’imposition. En effet, dans les démocraties, fondamentalement, ce sont les citoyens qui,
constitutionnellement, décident de la contribution. La théorie économique de la
démocratie fait ainsi de l’électeur médian celui qui fait ou défait les majorités dans les
assemblées et définit donc la couleur des gouvernements, c’est-à-dire le maître du vote de
l’impôt. En réalité, les impôts ne dépendent pas de la seule volonté de l’électeur médian.
Il y a une histoire fiscale propre à chaque pays qui fait que le système fiscal est sur une
trajectoire institutionnelle. Des révoltes contre l’impôt, des périodes de guerre ou de crises
peuvent chambouler de vieux impôts tandis qu’au contraire des habitudes technocratiques
et organisationnelles peuvent conduire à une certaine inertie pour les impôts existants.
Nul n’est certain d’être à l’équilibre fiscal optimal, la grogne fiscale est donc permanente,
c’est paradoxalement le signe que l’on est en démocratie fiscale

Autre difficulté : la polarisation des électeurs Pour certains, la satisfaction de cette


équation efficacité et justice des prélèvements obligatoires est impossible, utopique, et il
faudrait tout simplement « moins d’impôt ». Moins radicalement, beaucoup se méfient de la
pression fiscale qui pourrait atteindre un seuil dangereux pour l’économie. « Trop d’impôt tue
l’impôt » (formule de l’économiste Arthur Laffer). Encore faut-il pouvoir déterminer ce seuil...
Pour d’autres enfin, l’impôt consenti est un signe de citoyenneté budgétaire et de respect des
principes républicains d’égalité et de fraternité car une redistribution est nécessaire. Plus

14
l’impôt serait élevé, plus il aurait vocation à « redistribuer » et à financer les services publics
accessibles à tous. Il y aurait donc un impératif moral à ce que les impôts soient élevés, plus
important que les éventuels effets négatifs sur l’économie (cf. débat sur l’ISF, suspecté de
rapporter autant qu’il coûtait). Ce débat manichéen explique que la définition des
prélèvements obligatoires est toujours sujette à controverse, en particulier lorsque sont en jeu
les impôts sur le revenu, les bénéfices et la fortune.

De facto, les interventions publiques sont donc financées par des impôts non neutres, càd
« imparfaits » au double point de vue de l’efficience économique et de la justice sociale.

2. Autoriser les dépenses


Selon le décret du 7 novembre 2002, les dépenses publiques sont les dépenses effectuées par
l’État, les administrations de Sécurité sociale, les collectivités territoriales et les
administrations et organismes qui leur sont rattachés.

La comptabilité nationale distingue trois sous-secteurs, donc trois niveaux de dépense publique :

les administrations publiques centrales (APUC), qui regroupent l’État et


ses services déconcentrés ainsi que les organismes divers d’administration centrale
(ODAC, cette dernière catégorie rassemblant les agences de l’Etat dotées de la
personnalité morale comme par exemple : le CNC, l’Ademe, les universités, Pôle
emploi etc.2) ;
les administrations publiques locales (APUL), constituées par l’ensemble des
collectivités territoriales (régions, départements, communes et leurs établissements
publics de coopération intercommunale) et les organismes divers d’administration
locale (par exemple : caisse des écoles, collèges et lycées, chambres consulaires…) ;
et les administrations de sécurité sociale (ASSO), qui regroupent les hôpitaux et
l’ensemble des régimes de sécurité sociale (régimes de base de Sécurité sociale et régimes
spéciaux) ainsi que les régimes de retraite complémentaire et l’assurance chômage.

Les dépenses peuvent être classées en trois grandes catégories :

- les dépenses de fonctionnement, qui servent à la bonne marche des services publics
(dépenses courantes de personnel et d’entretien, achats de fournitures...) ;
- les dépenses de redistribution : prestations en espèces versées aux ménages (ex :
pensions de retraite, allocations familiales, minima sociaux...), subventions versées aux
entreprises et aux ménages ;

2
Considérés comme des agences de l’Etat dotées de la personnalité morale.

15
- les dépenses d’investissement, qui visent à renouveler ou à accroître le capital
productif public (ex : dépenses de recherche et développement, achats d’armements,
constructions de bâtiments et d’infrastructures...).

La dépense publique pour 2016 s’élevait à 1 257 milliards d’euros en comptabilité nationale,
càd. les trois sous-catégories cumulées, dont autour de 400 milliards pour l’Etat stricto sensu.
Ce montant représente 56,4 % du PIB, ce ratio ayant connu une forte hausse depuis la
crise économique et financière de 2008 (+4,2 points de PIB depuis 2007). Il s’agit de l’un des
plus élevés de l’Union européenne (47,7 % en moyenne dans la zone Euro)3.

Ratio : recette / dépense en % du PIB montre que la France vit à crédit !

/!\ Pourtant, on entend souvent comme critique de la politique budgétaire fr qu’elle serait une
politique d’austérité….

3
Source : INSEE 2017

16
Taux de dépense publique au sein de L’UE en 2016 (en points de PIB)

Le niveau élevé de la dépense publique en France s’explique par une forte socialisation de la
dépense, comme en atteste le poids important des prestations sociales et des transferts sociaux :
58 % de la dépense publique, utilisés au titre de la vieillesse, de la maladie et de l’invalidité, de la
famille, du chômage, et des dépenses de santé. forte dimension redistributive.

17
Les dépenses de fonctionnement et de rémunérations représentent quant à elles un tiers de
la dépense publique, et les dépenses d’investissement, seulement 6 % et la charge d’intérêts
payés par les administrations publiques 3 %.

3.

Arbitrer les besoins et définir une politique budgétaire


Le travail de déf° des recettes et des dépenses est soumis à une forme de déterminisme. La
liberté des pouvoirs publics n’est en effet pas total. Cependant, il existe des modèles, des
archétypes de politiques publiques auxquels l’Etat peut adhérer, ce que traduiront les choix
économiques et financiers effectués dans le cadre de l’adoption de la loi de finance.

a. Une liberté d’action contrainte

Tout d’abord, la déf° du budget de l’Etat est soumise à une pression croissante par l’effet d’une
sorte de loi naturelle. En effet, les économistes ont prédit que les besoins auxquels l’Etat est
amené à répondre sont structurellement croissants. Si les besoins augmentent
automatiquement, il faut donc chercher en permanence à augmenter les ressources, et donc
à augmenter la production de richesse qui est la base des ressources de l’Etat.

18
Il est donc très difficile de penser des politiques publiques dans le cadre d’une logique de
décroissance.

= Loi de l’accroissement continu des dépenses publiques (Adolf Wagner, Traité de


science des finances 1871) : « Plus la société se civile, plus l’Etat est dispendieux ».
Ainsi, selon l’économiste, la part des dépenses publiques dans le produit intérieur
brut est amenée à augmenter avec le niveau de vie, car la pop° aura des
revendications plus élevées en matière de culture, d’éducation, de santé ou encore
de loisirs (« biens supérieurs »).

Cette affirmation se vérifie bien dans le cas de la France par exemple. En effet, entre
1822 et 2016, en montant constant, on observe que le budget de l’Etat (ss compter le
budget de la sécu qui est supérieur à celui de l’Etat stricto sensu) a augmenté de manière
très significative ! La dépense par habitant a été multipliée par 1,6 ; alors que la pop°
a plus que doublé ; et la part du PIB dépensée est passée de 10 à 19,4%. A cette
évolution qui ne prend donc en compte que le budget de l’Etat proprement dit, auquel il
faudrait ajouter le budget de la sécurité sociale, ainsi que celui des collectivités
territoriales – ce qui nous amènerait à constater une véritable explosion de la dépense
publique puisqu’elle a été multipliée par 6 en deux siècles.

Pour 2019, et sous l’effet des politiques dites d’austérité, le montant des dépenses a toutefois
été restreint s’agissant de la part de l’Etat. Le budget de l’Etat est d’environ 380 milliards
d’euros de dépenses (soit environ 16 % du PIB), ce chiffre doit même être relativisé à la baisse,
car il comprend environ 40 milliards de transferts aux collectivités territoriales (librement
administrées) et un versement brut (car il y aura un retour d’environ une moitié) d’environ
20 milliards à l’Union européenne en 2018.

Cette volonté conjoncturelle de redressement des comptes publics n’est pas de nature, pour
le moment, à infirmer la loi de l’accroissement continu des dépenses publiques qui doit
s’apprécier sur le temps long.

D’ailleurs, il faut prendre la mesure exacte de cette politique d’austérité qui serait à l’œuvre,
en rappelant que l’équilibre du budget est toujours garanti par l’endettement : les recettes de
l’Etat ne sont en effet que de 300 milliards. La France peut s’endetter à hauteur de 90 milliards
par an, tout en restant dans les fameux critères de Maastricht fixés à 3% du PIB, soit 25 % de la
dépense de l’Etat !

19
La baisse de la dépense de l’Etat est aussi compensée par l’augmentation des APUL, qui
s’explique par les transferts de compétence opérés vers les Coll. terri. en particulier.

Si l’on s’intéresse cette fois-ci au budget global, rassemblant le budget de l’Etat, de la Séc
Soc, et des Coll. - ceci donnant alors le compte des administrations publiques – l’addition
atteint alors environ 1 290 milliards pour un PIB de 2 350 milliards, c’est-à-dire environ
55 % du PIB.

Malgré l’accent mis par les hommes politiques français et les institutions européennes
sur le besoin de maîtriser de la dépense publique, la France mérite donc tjrs bien le
qualificatif d’« économie mixte redistributive » ou celui d’« État inséré » dans
l’économie [André et Delorme, 1991], lesquels conviennent mieux que l’appellation
souvent relayée par les médias d’« État néolibéral ».

b. Un choix de politique publique

Les finances publiques sont influencées par l’idéologie, càd l’ensemble des valeurs, croyances
et idées, qui détermine la conduite de l’Etat. Deux modèles s’opposent en la matière, en
fonction de la perception que l’on a de l’interventionnisme étatique : l’Etat providence ou
interventionniste et l’Etat libéral. Aujourd’hui, après l’expérimentation des excès de ces deux
formes de politiques publiques, se pose la question d’une troisième voie, capable d’opérer la
synthèse entre les deux modèles.

i. L’Etat interventionniste
• Le modèle de l’Etat interventionniste est très souvent rattaché à l’économiste Keynes. Mais
il a des racines plus anciennes.

Pour ce qui est de la France, on peut remonter jusqu’au Colbertisme, nom donné à la doctrine
de Baptiste Clobert en charge des finances sous Louis XIV (contrôleur général des Fi).

Dans un ouvrage intitulé Mémoire sur le commerce de 1964, Colbert réalise un rapport sur la
situation économique du pays et défend une organisation de l’économie par le roi. Nourrie
d’interventionnisme étatique, mais aussi de protectionnisme de l’économie du royaume vis-
à-vis des importations étrangères, cette doctrine est fondée sur l’idée que le pouvoir doit
diriger l’économie.

20
Ce dirigisme se traduit par la responsabilité du roi dans le développement des
infrastructures (canaux, routes), la fortification des ports maritimes, le développement
de la marine du royaume afin de protéger les convois de navires nationaux.
Cette action interne, se double d’une dimension externe : d’une part, le royaume
entreprend une politique d’expansion coloniale en installant des comptoirs commerciaux
(monopoles de commerces au profit de grandes compagnies privées), d’autre part, il
développe une politique industrielle consistant à cultiver un savoir-faire à la française,
au sein d’ateliers nationaux dont la mission est de produire des produits d’exception
destinés à l’exportation, mais aussi à exposer au monde le lustre du royaume
(manufacture des Gobelins pour les tapisseries – et plus tard de Sèvres pour la
porcelaine). On parle au sujet de cette dimension extérieure de la politique de Colbert de
Mercantilisme : la puissance de l’Etat est associée à la richesse de ses commerçants, et
au développement de l’industrie et du commerce extérieur. L’Etat doit donc favoriser
l’accroissement des richesses de ses sujets, leur ouvrir de nouveaux marchés (c’est la
justification du colonialisme et la naissance du capitalisme).
Ce projet de direction de l’économie suppose l’adoption d’une règlementation
importante (en matière alimentaire et manufacturière), une « nationalisation » partielle
de l’appareil productif, et une administration surveillant l’économie du royaume.

C’est en réaction à cette omniprésence de l’Etat dans l’économie omniprésence de l’Etat


dans l’économie, que se développeront au XVIIIème les idéaux libéraux et l’école des
physiocrates.

Bien que contesté par les philosophes des lumières, le modèle de l’Etat interventionniste n’a
pas disparu. Il a resurgi sous une forme évoluée avec le Keynésianisme à la faveur de la crise
des années 1930.

John Keynes est mort en 1948, il est l’auteur de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et
de la monnaie paru en 1936. L’idée générale est que l’emploi et la production ds l’Etat
dépendent de la demande des différents agents économiques. On attend de ces agents,
individus comme sociétés, qu’ils consomment et investissent dans l’économie. Il faut donc en
matière de politique économique agir sur la demande (le pouvoir d’achat, les bénéfices)
et non pas sur l’offre (ce qui était davantage le projet de Colbert).

Cet axiome de départ se développe autour de trois principes :

21
- La demande doit être maintenue en excluant toute baisse de salaire, afin d’assurer
le maintien de la consommation.
Si les économistes avaient pu affirmer jusqu’alors que les besoins de la macroéconomie
pouvaient justifier une baisse des salaires afin de faire baisser le chômage, Keynes
affirme au contraire que c’est l’augmentation de la consommation qui entraînera la
baisse du chômage parce qu’elle soutiendra l’économie. Il conviendrait même
d’augmenter la capacité à consommer, par exemple en baissant les impôts.
(Attention : le keynésianisme est souvent opposé au néolibéralisme, et donc considérer
comme de gauche mais en réalité c’est beaucoup plus complexe ! Sarkozy : baisse des
impôts il a agi sur la demande / Hollande : crédit impôt pour les entreprises il a agi
sur l’offre).
- La puissance publique doit intervenir globalement sur l’économie. L’Etat doit par
exemple les effets négatifs du comportement des acteurs privés. Par exemple, lorsque
les entreprises privées n’investissent plus assez, l’Etat doit prendre le relais avec une
augmentation de l’investissement public et donc des dépenses pub (alors que baisse
des impôts implique baisse des recettes).
Cet investissement peut être direct : développement des infrastructures par ex. via les
travaux publics, financement de la recherche etc. Il peut aussi être indirect, en injectant
de l’argent dans le circuit économique via l’achat de capital dans de sociétés, la
nationalisation d’entreprises en difficultés, ou l’investissement dans des entreprises
publiques.
Le pari ici, est que l’investissement public a un effet multiplicateur : par ex. en 1929 les
USA lancent une politique de grands travaux qui permet de donner du travail et donc
des salaires à des employés qui seront recrutés pour répondre au besoin d’activité, ce
qui va entraîner une augmentation du pouvoir d’achat dans la pop°, réduire le chômage,
et les infrastructures permettront pour les entreprises des gains de productivités. Elles
pourront donc reverser davantage de revenus à leurs employés et/ou actionnaires.
- Troisième principe, l’Etat doit agir sur la monnaie pour agir sur l’économie. Il y a
en théorie économique un lien indissociable entre la politique économique et la politique
monétaire.
Remarque : C’est une des grandes faiblesses de l’UE, qui souffre d’une compétence
asymétrique avec l’Euro : elle bénéf. d’un monopole en matière monétaire, avec une
BCE indépendante des Etats et des institutions euro = Europe fédérale ; tandis que la

22
politique économique reste très largement de l’apanage des EM (simple demande
de coordination) – sauf si aide de l’UE pour pays en difficulté = conditionnalité de
l’aide soumise à des réformes structurelles (ex : baisse du nombre de fonctionnaire,
baisse des aides sociales, etc.).
Selon Keynes, l’Etat doit agir sur la monnaie en jouant sur les taux d’intérêts. Le taux
d’intérêt, c’est un pourcentage qui détermine le prix qu’il faut payer pour emprunter
de l’argent et qui va donc rémunérer le service rendu par celui qui prête l’argent, ou
le prix qu’il faut payer pour rémunérer un placement financement (ex : compte
épargne). Il est défini par la banque centrale du pays, car au-delà de l’investissement qu’il
peut favoriser lorsque les taux sont bas (pas d’intérêt de thésauriser, et facilité d’emprunter),
il a un effet sur le taux d’inflation de la monnaie nationale. Pendant les années 70, les
Etats européens ont cherché ainsi cherché à favoriser l’investissement en baissant les
taux. Au sein de l’UE, de manière indépendante des EM, la BCE fait pareil depuis
2008 : emprunter coûte peu cher, alors que placer son argent à la banque rapporte peu, on
espère ainsi pour les acteurs économiques à investir massivement pour relancer l’économie
réelle.
Problème : cela favorise l’inflation (ex : prix de l’immobilier si crédit par cher, le
vendeur peut vendre plus cher). Il faut tjrs un peu d’inflation, mais pas trop sinon
mauvais pour le pouvoir d’achat.

ii. L’Etat libéral


Après le modèle interventionniste, quelques mots sur le contre-courant libéral.

L’axiome de base du libéralisme, c’est que le marché se régule seul, spontanément


(notamment le rapport entre l’offre et la demande), et donc que l’économie n’a pas besoin de
l’intervention étatique. Conséquence directe de cette affirmation, la fiscalité ne doit pas
entraver le fonctionnement normal des acteurs économiques.

• Là aussi, les origines de la pensée libérale sont anciennes : c’est l’école des physiocrates qui
au XVIIIème siècle va dév. les principes d’une politique économique libérale à partir de la
pensée de Pierre de Boisguilbert (Le détail de la France sous le règne de Louis XIV, 1695),
de Richard Cantillon, puis de François. Quesnay (1694-1774, Le tableau économique, 1758).

23
physiocratie signifie le « gouvernement de la nature » : Pour ces penseurs, l’économie
devrait répondre à des lois naturelles qui régissent la production et l’échange, alors que le
colbertisme étouffe ces ajustements naturels sous des règlementations et une fiscalité injuste
qui rendent le fonctionnement du marché artificiel et nuisent à l’optimisation des ressources
économiques. Ils sont donc en faveur d’une dérégulation, à une époque où les activités
professionnelles sont effectivement très strictement encadrées (corporations et guildes), ainsi
qu’en faveur d’une baisse des prélèvements de l’Etat (ils condamnent notamment les
nombreux péages internes, qui entravent la libre circulation des biens). En promouvant une
baisse des ponctions de l’Etat, et donc une diminution des recettes, ils impliquent
nécessairement une baisse des capacités d’intervention de celui-ci... Leur philosophie peut se
résumer par la formule : Laisser faire, laisser passer.

Pour Quesnay qui inspirera directement les physiocrates, toute richesse vient de la terre.
La seule classe productive est celle des agriculteurs, et son activité ne devrait répondre que des
lois naturelles basées sur la propriété privée et la liberté. En conséquence, plutôt que d’imposer
le stockage et d’interdire l’exportation des produits agricoles afin de maintenir des prix bas pour
les aliments de subsistance, il faudrait laisser le marché réguler naturellement la production. Si
le prix du grain augmente, cela assurera aux fermiers (et aux propriétaires fonciers) un revenu
plus élevé, une capacité d’investissement dans l’agriculture plus importante et in fine un
enrichissement global du pays (on parle de capitalisme agraire).

La mise en place de la philosophie des physiocrates a été brièvement expérimentée sous


Louis XV par le contrôleur des finances Turgot en 1774. Un édit est venu libéraliser la
production de blé, ce qui a induit une augmentation du prix du grain et donc du pain, et au
final un soulèvement populaire appelé la guerre des farines.

Toutefois, les physiocrates ont plus durablement marqué la France, sous la Révolution. Ils sont
en effet à l’origine du décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791 (reprend édit de Turgot sur
le prix du blé) qui affirme la liberté économique ; et de la loi Le Chapelier du 14 juin 1791,
qui suppriment les corporations et affirme le principe de la liberté du commerce et de
l’industrie.

• Le libéralisme tel qu’il s’est répandu dans le monde n’est toutefois pas tout à fait celui des
physiocrates. La doctrine libérale a été marquée par son adoption par sa diffusion dans le

24
monde, à partir des travaux d’Adam Smith (1723-1790) qui était d’origine écossaise. C’est le
premier de ce que Marx appellera les économistes classiques. Il publie en 1776, Recherches
sur la nature et les causes de la richesse des Nations. On retrouve chez lui le thème de la liberté
des échanges et de la spontanéité des mécanismes du marché.

« Mais le revenu annuel de toute société est toujours précisément égal à la valeur échangeable
de tout le produit annuel de son industrie, ou plutôt c’est précisément la même chose que cette
valeur échangeable. Par conséquent, puisque chaque individu tâche, le plus qu’il peut, 1°
d’employer son capital à faire valoir l’industrie nationale, et 2° de diriger cette industrie de
manière à lui faire produire la plus grande valeur possible, chaque individu travaille
nécessairement à rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la société. À la vérité,
son intention, en général, n’est pas en cela de servir l’intérêt public, et il ne sait même pas
jusqu’à quel point il peut être utile à la société. En préférant le succès de l’industrie nationale
à celui de l’industrie étrangère, il ne pense qu’à se donner personnellement une plus grande
sûreté ; et en dirigeant cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur
possible, il ne pense qu’à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d’autres cas, il est
conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions ; et
ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus mal pour la société, que cette fin n’entre pour rien
dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent
d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour
but d’y travailler. Je n’ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de
commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses. Il est vrai
que cette belle passion n’est pas très commune parmi les marchands, et qu’il ne faudrait pas
de longs discours pour les en guérir. »

— Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Livre IV,
ch. 2, 1776 ; d’après réédition, éd. Flammarion, 1991, tome II p. 42-43.

Outre l’accent mis sur le rôle de l’intérêt personnel dans l’accomplissement du bien commun,
il faut noter que pour Smith ce n’est pas l’agriculture qui doit être considérée l’activité
productive de base, mais c’est l’industrie qui est la source de la richesse.

Après Adam Smith, au cours du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, d’autres économistes se
revendiqueront de la même idée générale d’une régulation spontanée de l’offre et de la
demande : Thomas Malthus, David Ricardo, Jean-Baptiste Say (accent mis sur l’entrepreneur)
et Frédéric Bastiat (accent mis sur la suppression de la législation douanière) sont les plus
importants. Ils marquent une période d’intense réflexion sur le fonctionnement de l’économie,
alors que se développent rapidement la société industrielle et le capitalisme moderne. Les
« classiques » essayent de définir des « lois économiques universelles », valables à toutes les
époques et partout.

25
Remarque : Leurs ambitions sont donc similaires, mais les concepts et les théories
économiques des « classiques » sont très divers.

Par exemple, la pensée de Thomas Malthus et de David Ricardo n’ont pas grand-chose à voir.

Pour le premier, il y a un problème lié au fait que la pop° croit plus vite que la productivité
agricole. Il pense donc qu’il y a un besoin de régulation de la pop° naturelle, que l’action
sociale de l’Etat entrave. Il faut donc que l’Etat se désengage pour assurer la soutenabilité de la
pop°... et il compte sur le marché pour opérer cette régulation de la pop°... Il estime par ailleurs
que l’ouverture des frontières est dangereuse, et qu’il faut favoriser l’autonomie et donc
l’autarcie du pays.

A l’inverse, David Ricardo, pense que le développement du commerce international est source de
richesses pour un pays. Il élabore la théorie des avantages comparatifs, en vertu de laquelle
l’économie d’un pays doit être concentrée sur ses points forts, et doit faire appel à des productions
extérieures pour le reste. L’offre et la demande du pays s’équilibrant ainsi sur le plan international.

Les économistes classiques sont néanmoins, dans l’ensemble, au moins d’accord sur un point :
l’intervention directe de l’État dans l’économie doit être limitée au minimum nécessaire
pour garantir le bon fonctionnement du marché. Le rôle de l’Etat doit être limité aux
fonctions de base (police, justice, sûreté = Etat gendarme) + réalisation d’ouvrages collectifs.

De même, ils estiment cependant que l’offre et la demande tendent à s’équilibrer. Les
déséquilibres ne sont que provisoires pour eux. Cet ordre naturel engendre également une
division du travail. Chaque être humain a des compétences spécifiques qui lui permettent de
réaliser au mieux ce qu’il doit faire dans la société comme dans une entreprise (dimension
conservatrice, les inégalités n’ont pas vocation à être nivelées mais à être tolérables).

Autre point commun : l’impôt ne doit pas freiner les échanger, mais seulement couvrir les
charges publiques. Ces charges publiques sont par principe faibles dans ce modèle de politique
économique, et elles doivent être entièrement compensées par les recettes (= pas
d’endettement de l’Etat car cela pèse sur les générations futures). La justification est que l’Etat
n’est pas capable d’allouer de manière optimale l’argent public au service de l’économie. De
plus, les dépenses dans les activités régaliennes sont par nature improductives et doivent
donc être maintenues au minimum nécessaire.

26
Ce donnera naissance à un des principes fondamentaux du D des FiP : le principe de
l’équilibre, formulé par Gaston Jèze de manière prosaïque : « il y a des dépenses, il faut
les couvrir ».

Si cette pensée libérale qui a dominé le monde jusqu’à la 1ère GM, a connu un effacement au
profit du keynésianisme dans les années 30 (crise considérée comme induite par les défauts du
libéralisme classique), toutefois un néolibéralisme va naître en opposition au deux premiers
modèles.

iii. Les modèles néolibéraux et la recherche d’une troisième voie


Les deux modèles historiques ont connu des phases de mise en œuvre quasi-exclusive, de
domination idéologique, qui ont conduit à des déséquilibres. L’action de l’Etat dans
l’économie apparaissait inadéquate : soit les principes de ces doctrines économiques ont été
à l’origine de crise économique (le libéralisme et les années 30), soit ils n’ont pas été capables
d’y faire face (le choc pétrolier de 19734 et 19795).

Ces échecs sont susceptibles d’induire plusieurs enseignements : tout d’abord, l’Etat ne
pourrait intervenir partout et tout contrôler (c’est cher et facteur de rigidité). En réaction à
cette observation, plusieurs solutions ont pu être proposées au cours du XXème s. :

- L’école libertarienne, ou anarcho-capitaliste, va prôner pour une approche encore plus


radicale du libéralisme en vantant les bienfaits du capital. Leur slogan est simple :
« l’impôt c’est le vol ». Non seulement il ne faut pas d’intervention de l’Etat dans la
sphère économique, mais il faut moins d’Etat tout court (et donc lui couper les vivres).
Ils sont donc pour la décentralisation, pour la privatisation des services publics, et
contre tous mécanismes de solidarité ou d’assurance collective.
Dans la continuité de cette philosophie, des auteurs comme Hayek ont dénoncé la
capacité des Etats à mettre en œuvre une politique monétaire de dévaluation de la
monnaie, car elle conduit à dévaloriser le capital des individus (afin de permettre un
remboursement plus facile de la dette publique). Cette idée est aujourd’hui pour partie

4
Multiplication par 4 du prix du baril par l’OPEP alors que les USA ont atteint leur pic de production.
5
A la suite de la révolution iranienne qui commence en 1978, l’Irak et l’Iran s’affronte pendant près d’une
décennie. Le baril qui avait atteint 12 dollar en 1973 va atteindre les 39 dollars (équivalant à 100 dollars en prix
actuels).

27
à l’origine des cryptomonnaies et du Bitcoin. Les concepteurs de cette monnaie
virtuelle, non étatique, ont justifié leur projet après la crise bancaire et le sauvetage des
établissements bancaires par la volonté de mettre à l’abri de l’Etat leurs dividendes.
Le Bitcoin est une monnaie qui se crée selon un rythme automatique, volontairement
lent, avec un maximum d’unités produites prévues. En clair, le Bitcoin est conçu sur le
modèle de l’or, càd comme un bien rare dont l’extraction, le minage selon le terme
technique, autrement la production est de plus en plus difficile, ce qui implique
mécaniquement – si le bitcoin est adopté par de plus en plus de gens – que sa valeur
unitaire va s’accroitre. Cette monnaie virtuelle est au contraire conçue sur un modèle
inflationniste. Ce qui avantage grandement les détenteurs de capitaux – et notamment
leur fondateur qui ont acquis pour rien ou presque les premiers bitcoins alors
qu’aujourd’hui 1 bitcoin vaut plus de 1 000 dollars. = entreprise capitalistique !

28
- Autre voie de réforme du modèle étatique, l’école du public choice dont le chef de file
sera James Bachanan (1962). Pour ce mouvement, la hausse des dépenses de l’Etat est
inévitable (loi de l’accroissement naturel), mais ce n’est pas problématique en soi.
Ce qu’il convient de vérifier, c’est le caractère justifié, rationnel, de la dépense
publique sur le plan économique. L’impôt et les prélèvement obligatoires sont-ils bien
dépensés, comme le ferait un opérateur économique rationnel ? Ou au contraire,
la dépense publique est-elle de nature à nuire au développement économique ?
ex : subventions agricoles, freinent la reconversion d’une pop° dont l’activité n’est
plus rentable.
L’école du public choice, parce qu’elle condamne tout gaspillage, va critiquer la
bureaucratie (qui coûte cher en soi, et qui entrave les acteurs économiques). Il faut que
l’adm° se comporte là aussi en se référant à la gestion privée, càd aux modes de gestion
des entreprises c’est l’origine du New Public Management qui va s’imposer dans
les pays de l’OCDE dans les années 90. De même, les adeptes de cette doctrine sont
pour une décentralisation et une déconcentration du pouvoir, car la prise de décision
au plus près de la réalité du terrain sera la garantie d’une meilleure gestion idée de
subsidiarité que l’on retrouve aussi dans l’organisation adm de la France.

Le second enseignement qui peut être tiré de l’histoire et des échecs des différents modèles
d’intervention de l’Etat, est diamétralement opposé : le marché ne peut être laissé en total
autonomie, et l’on ne peut pas laisser le marché entièrement réguler la vie en société
(l’instabilité du monde économique, sa violence aussi, portent atteinte au lien social). L’Etat a
donc une certaine légitimité à agir, et la dépense publique nécessaire à cette intervention
n’est pas mauvaise en soi.
D’une part, les économistes ont montré les bienfaits de cette dépense publique pour la
croissance du PIB. D’autre part, il y a des secteurs « hors marchés » pour lesquels l’argent
public est utile et nécessaire - tout le problème étant alors de définir la frontière – par ex.
l’enseignement, la santé, etc.
L’intervention étatique n’est donc pas condamnable en soi, mais elle ne doit pas être
systématique.

Quels sont les modèles qui se revendiqueront de cette conclusion ?

Il s’agit principalement du néolibéralisme – dans sa forme originelle, dans le sens historique


du terme (ne pas confondre avec le mot valise, qu’on emploie aujourd’hui pour dénoncer la

29
mainmise de l’économie sur la société, le poids du capitalisme financier, et les politiques
d’austérité des Etats endettés). Au sein du néolibéralisme, il faut en fait différencier deux
mouvements qui ont des origines et des préceptes distincts.

- La version américaine, appelée école de Chicago. Inspirée par les écrits de Friedrich
Von Hayek (1899-1992), ultra-libéral et opposant à Keynes6 pour qui le marché est un
« mécanisme naturel », cette école va toutefois s’en éloigner en reconnaissant au moins
dans un premier temps la légitimité et la nécessité même de l’intervention de l’Etat
dans le monde économique. Né dans le contexte des années 30, lors d’un colloque
consacré à Walter Lippmann en 1938, ce néolibéralisme est donc au départ un
contrepoint au pur « laisser-faire ».
Pourtant, la seconde génération de l’école de Chicago, celle à qui on attache
aujourd’hui le sens du néolibéralisme, va s’éloigner de cette doxa au profit d’une
approche que l’on qualifie de monétariste ( critique de l’action monétaire des
gouvernements). Ce mouvement est notamment représenté par Milton Friedman
(1912-2006). Origine d’Europe de l’est, membre du groupe des « Chicago boys », après
avoir été prix-Nobel d’éco en 1976, cet économiste influant est auj. tombé quelque peu
en disgrâce en raison de ses conseils en matière de politique économique prodigués au
général Pinochet alors dictateur à la tête du Chili.
Idées clefs de Friedman, adepte du « laisser-faire » :
o « L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire en ce sens
qu’elle est et qu’elle ne peut être générée que par une augmentation de la
quantité de monnaie plus rapide que celle de la production », écrit-il en 1970.
Son analyse s’inscrit alors dans un contexte marqué par une forte inflation dans
les pays occidentaux. Face à un phénomène de « stagflation » (croissance
faible et inflation forte), il explique qu’il ne suffit pas d’abaisser les taux
d’intérêt pour relancer l’investissement et la croissance car cela augmente
en retour l’inflation. Il recommande en premier lieu de lutter contre l’inflation,
phénomène qu’il juge dangereux et sans aucun bienfait à terme pour le
fonctionnement de l’économie7. Il faut donc que la politique monétaire ne soit
pas confiée aux politiques mais à une banque indépendante Mandat donné

6
“Selon Hayek, le totalitarisme est la conséquence des idées collectivistes des années 1920. La socialisation et
l’intervention de l'état, mènent à une réduction inévitable des libertés individuelles." Sandye Gloria
7
Ce qui doit se faire en réduisant la masse monétaire et en augmentant les taux d’intérêt. C’est cette politique qui
sera menée par Paul Volcker, à la tête de la FED à partir de 1979 et qui parvient à diminuer l’inflation de 13,5 %
(en 1981) à 3,2 % en 1983

30
à la BCE, instit. indépendante, est en priorité de lutter contre inflation
excessive.
o Friedman juge que toute intervention publique conjoncturelle est vouée à
être trop tardive, du fait de la lenteur inhérente aux prises de décisions
publiques et du caractère retardé de leurs effets. Dès lors toute politique de
relance risque d’aggraver la crise. Il ajoute sur ce point que le comportement
des agents économiques est sensible moins à l’argent disponible qu’au revenu
futur qu’ils peuvent espérer (c’est l’« hypothèse du revenu permanent »). En
conséquence, une politique conjoncturelle de soutien de l’économie par l’Etat
produit peu d’effet dès lors qu’elle a vocation à n’être que ponctuelle et que
les aides reçues ne sont pas perçues comme une hausse durable de revenu.
o Enfin, c’est le premier a avoir théorisé l’idée d’un taux de chômage naturel,
qui résulte du fait que des entreprises en position de monopole ou de domination
pourront proposer des salaires trop bas, tandis que certains travailleurs
exigeront des salaires trop élevés (not. si les garanties d’assistance sociale sont
trop hautes). Conséquence plus une société connaît de monopoles, et/ou plus la
protection sociale des travailleurs est élevée, plus le taux de chômage naturel
est haut. cela laisse ouverte deux voies d’action antagonistes pour faire
baisser le chômage…

Friedman, comme Hayek, s’oppose à l’interventionnisme keynésien dans son ouvrage


Capitalisme et liberté, où il exprime tout sa réticence vis-à-vis de l’Etat. Il estime que la liberté
de l’individu doit être assurée par deux choses : l’Etat de droit, le marché.

On réduit donc trop souvent le néolibéralisme américain à une unité qu’il ne possède pas.
Il faudrait en réalité parler des néolibéralismes, car celui des années 30 n’a pas grand-chose à
voir avec celui des années 70.

En effet, pour les premiers penseurs de l’école de Chicago, il fallait non seulement rétablir la
liberté des individus acteurs éco (l’Etat ne doit pas substituer aux individus), mais aussi lutter
contre les dérives qu’a connu le libéralisme dit classique jusque dans les années qui suivent la
1ère GM.

Ex : le laissez-faire absolu, la concentration de la richesse (les trusts ou cartel) ont pu être


dénoncés par des membres de l’école de chicago.

Deux axiomes se dégageaient de leur approche :

31
Minimum de place pour l’Etat, mais une place assurée, et maximum de place pour
l’individu. C’est à l’Etat d’assurer les conditions minimales du bon déroulement du
marché.
L’inégalité, l’injustice peuvent être bonnes pour la société dans son ensemble, car
c’est un facteur de mouvement, de motivation. Il faut toutefois qu’elles restent
mesurées.

Sous l’influence des monétaristes (2nde génération), les néolibéraux vont cependant être en
faveurs d’un désengagement de l’Etat qui s’étende aussi aux questions sociales, et qui
permettra une réduction drastique de la dépense sociale. Il faut lutter contre tout
interventionnisme de l’Etat, et adopter une vision exclusivement économique de l’être
humain. Encore que, Friedman pouvait encore justifier l’octroi d’un « chèque
enseignement » pour les familles incapables de payer pour l’éducation supérieure de leurs
enfants.

- A la version américaine du néolibéralisme avec toutes ces variantes, il faut ajouter une
version européenne, et plus particulièrement allemande du néolibéralisme. On parle de
ordolibéralisme pour désigner un groupe d’intellectuels, juristes et économistes
appartenant à l’école de Fribourg.
Cet ordolibéralisme est important pour nous européens, car il est davantage à l’origine
de la politique et des institutions européennes que le néolibéralisme de l’école de
Chicago – bien qu’il y ait quelques points communs, notamment sur l’importance de
confier la politique monétaire à une institution indépendante des gouvernants qui ont
des ambitions trop courtermistes. La pensée ordolibérale est complexe, mais on peut
essayer d’en résumer l’essentiel :
o Premièrement, elle est une réaction au nazisme. Elle postule que le dirigisme
économique, parce qu’il fait de l’Etat un organe surpuissant conduit à favoriser
l’émergence de dictature en niant l’individu comme structure de base du politique.
L’initiative individuelle est remplacée par l’action collective.
o Deuxièmement, elle rejette l’idée que la concurrence nécessaire au bon
fonctionnement du marché est un phénomène naturel. Au contraire, la concurrence est
une construction artificielle qu’il appartient à l’Etat d’assurer, et c’est là vis-à-vis
de l’économie son seul rôle. Gardien de la concurrence, l’Etat doit s’interdire toutes
actions au sein du jeu du marché, et en particulier toute politique de fixation des prix,
mais seulement agir sur les structures du marché. Cela veut dire que l’Etat doit

32
sanctionner les comportements anticoncurrentiels, mais aussi œuvrer par son action à
favoriser une concurrence libre et non faussée, qui soit vertueuse.
Par exemple, face à un problème de prix de vente du lait, l’Etat peut agir au service du
développement de la technologie agricole pour augmenter les rendements, créer des
structures juridiques adaptées au regroupement des agriculteurs, choisir de former
moins d’agriculteurs pour réorienter les pop° vers d’autres métiers etc., mais il ne doit
pas fixer les prix d’achats s’imposant à la grande distribution.
o Enfin, sur le plan social, si l’Etat ne doit pas chercher à établir une parfaite égalité
entre les citoyens, il doit assurer à tous les moyens de sa subsistance et lutter contre
des déséquilibres excessifs. Il faut un minimum social, mais au-delà de cette action
subsidiaire de l’Etat, le développement humain doit passer par le marché et l’initiative
privée. C’est le concept d’économie sociale de marché.

Conclusion : En réalité, les différentes théories politico-économiques que nous avons


évoqués, libéralisme, keynésianisme, néolibéralismes, n’ont et ne sont jamais appliquées
dans leur pureté. Ce que la crise a changé, c’est qu’ils ne sont plus – à de rares exceptions
près comme le thatchérisme – revendiqués comme modèle unique d’inspiration par les
gouvernants.

Le plus souvent, depuis les années 70’s, ceux-ci entendent présenter à leurs citoyens des choix,
rationnels, opérant la synthèse des enseignements des différentes expériences passées.
Cette recherche d’une troisième voie entre libéralisme et interventionnisme est fondée sur un
« policy mix », càd une action politique qui mêle, parfois de manière paradoxale, et selon des
arbitrages variables, d’un pays à l’autre, d’un temps à l’autre, des mesures d’inspirations
idéologiques et budgétaires diverses.

33
On notera pour finir que si le libéralisme, et le néolibéralisme davantage encore, ont parfois
mauvaise presse, ils ont tout de même bien imprégné les politiques publiques de la majorité
des démocraties occidentales (désignées comme des démocraties libérales, qualificatif qui est
censé les décrire sur un plan politique avant tout). En particulier, s’est imposée (spontanément
ou sous l’influence de l’UE) l’idée que les techniques monétaires devaient être utilisées
qu’avec parcimonie comme moyen d’intervention dans l’économie. La manipulation
monétaire étant jugée trop dangereuse, c’est donc essentiellement par le biais de réformes
structurelles (= réformes qui visent les structures de l’économie. Ex : assurance chômage)
et de choix budgétaires (recette, dépense et équilibre) que les Etats entendent agir pour
dynamiser l’économie. Parmi ces réformes structurelles, la réforme des finances publiques
elles-mêmes occupe une place essentielle. Elle conduit à voir se répandre dans le champ des
finances publiques des concepts et des pratiques du monde de l’entreprise :
évaluation, rendement, management, gestion de la dette, etc.

§2. L’histoire du droit des finances publiques


Après avoir dits quelques mots du présent et de la trajectoire contemporaine des finances
publiques, il faut revenir sur l’origine de cette branche du droit public.

On constate qu’au travers de périodes bien distinctes quant aux principes budgétaires s’opère
également des changements importants concernant l’autorité budgétaire. Le droit des finances
publiques qui résulte de cette évolution historique, se fera en France au prix d’un rééquilibrage
des pouvoirs de l’exécutif et du législatif dans la définition du budget de l’Etat.

34
A. FP préclassiques et classiques : perte de monopole de l’exécutif et
diversification des ressources
Dans le modèle originel français qui se développe sous l’Ancien régime, à partir du début
du XIVème, la question financière relève dans le modèle français du pouvoir royal. Comme
on l’a souligné précédemment, c’est l’émergence de ce pouvoir royal et de l’Etat monarchique
qui va impliquer de trouver des ressources pour satisfaire les besoins d’une politique extérieure
et intérieure ambitieuse. Il faudra également construire une adm° à même de collecter ces
ressources.

Paradoxalement, au plus fort de la monarchie absolue, le droit unilatéral d’imposer ses


sujets va être contesté. Accompagné de l’endettement croissant et permanent de la
monarchie, cette contestation du pouvoir budgétaire du monarque sera à l’origine de la
Révolution française sous Louis XVI. Cette révolte amènera les révolutionnaires à s’inspirer de
l’exemple britannique, et dans la logique des théories du contrat social à faire du
« consentement à l’impôt » un principe essentiel des finances publiques.

Malgré tout, la mise en œuvre de ce principe restera entravé, d’abord par le poids excessif du
parlement, puis sous la période Napoléonienne par une confusion des pouvoirs au profit
de l’exécutif cette fois-ci. La Restauration sera l’occasion de trouver un équilibre plus
satisfaisant en permettant une collaboration des pouvoirs, permettant de fonder les finances
publiques sur le principe du consentement à l’impôt, ainsi que sur un principe de clarté
comptable et budgétaire qui constitueront les deux apports essentiels de la période dite
classique des finances publiques.

1. Les finances publiques préclassique (1314-1814)


a. Le schéma initial

A l’issue de la période féodale, la question des finances publiques est supposée réglée par
l’adage « le roi doit vivre du sien ». Le roi n’était jusqu’au XIIème qu’un seigneur parmi
d’autres seigneurs, dont l’autorité supérieure ne lui permettait pas d’imposer sa loi sans leur
consentement. Dès lors que son autorité n’était entière et incontestée que sur son domaine, càd
les terres relevant directement de son pouvoir personnel, c’était de son seul domaine qu’il
était supposé tirer les revenues nécessaires au fonctionnement de son royaume. Du moins,
le domaine devait constituer la part principale de ses ressources, car il lui était alors interdit

35
de lever des impôts8. Thomas d’Aquin écrivait en ce sens au milieu du XIIIème que « des
revenus ont été constitués pour les princes de la terre pour qu’ils en vivent et s’abstiennent de
spolier les sujets ».

Quels sont les revenus du domaine ?

Les revenus du domaine viennent pour l’essentiel des propriétés foncières du roi (loyer, cens
pour payer pour l’usage des terres, droits de mutation). Il faut y ajouter des revenus tirés des
activités souveraines du roi : le fait de battre monnaie et de rendre la justice pour l’essentiel.
Ces revenus vont être désignés comme les revenus ordinaires par opposition aux revenus
extraordinaires, tirés de l’impôt.

Les revenus extraordinaires : Ces revenus extraordinaires sont constituées d’impôts


directs et indirects. Ils apparaissent au XIVe siècle avec quatre nouveaux prélèvements :
les aides (impôt sur la circulation et la vente de marchandises), la gabelle (impôt sur le
sel), les traites (impôt dû lors du passage de la frontière = frais de douane à l’exportation)
et le fouage (impôt dû par « feu », càd par foyer). Ces impôts sont alors destinés à
financer la guerre de Cent ans et soutenir l’accroissement du pouvoir royal.

Cette distinction sera fondamentale, et les deux types de revenus seront d’ailleurs alloués à
deux caisses différentes. Leur origine comme leur destination sont donc différenciées : les
ressources extraordinaires ne peuvent financer que des dépenses extraordinaires ou du
moins particulières (comme la guerre par ex), tandis que la gestion du domaine et de
l’administration du roi doivent s’appuyer sur les seuls revenus ordinaires. Toutefois, le pouvoir
royal va tendre au cours de la période pré-classique à dissiper cette division des revenus
– faisant des revenus extraordinaires l’ordinaire financier du royaume.

Confusion du patrimoine de l’Etat et de la personne du roi : Il faut noter également que


dans cette période dynastique, où l’Etat en construction est encore largement perçu comme
faisant partie du patrimoine du roi, les besoins financiers servent à couvrir aussi bien les frais
induits par la guerre et l’adm° naissante du royaume, qu’à financer les mariages princiers (qui
sont certes un moyen de mener une politique extérieure d’extension) et à rémunérer les
membres de la famille du roi. Au début, il n’y a pas de distinction entre les dépenses publiques
et les dépenses privées affectées à la famille du roi car elles sont considérées comme relevant

8
Jean Hennequin (XVème) : « la première fontaine des finances de tous états et potentats, le plus ancien, honnête,
légitime et sûr moyen que les princes aient de faire argent, est le domaine ».

36
de l’intérêt du royaume. Cependant au fur et à mesure que l’Etat se formalise et s’autonomise
de la personne du roi, celui-ci va de plus en plus apparaître comme un simple dépositaire du
domaine royal et de la couronne. Ce mouvement va justifier la levée de plus en plus régulière
de revenus extraordinaires, et dans le même temps diminuer sa liberté dans l’utilisation des
ressources financières. Ces ressources seront perçues comme affectées à la couronne et
destinées à assurer la conservation et le développement de l’Etat, et non plus comme un bien
de la famille royale. Se construit une distinction public / privé par le biais de la question
financière.

Outre la dissociation des patrimoines, on voit apparaître un début d’encadrement du


pouvoir financier :

Lorsqu’il est nécessaire d’ajouter aux revenus du domaine d’autres ressources, une règle
coutumière conduit à imposer au roi un devoir de bonne gestion de son domaine.
La monarchie devra montrer qu’elle a cherché à épargner les contribuables au mieux des
possibilités offertes par la gestion des terres du roi.

Cependant, l’exigence reste un idéal, une maxime du pouvoir, plus qu’un principe
complètement effectif. En pratique le roi aura régulièrement et légitimement la possibilité pour
couvrir les besoins du royaume de lever des impôts dits extraordinaires qui seront prélevés sur
ses sujets. La règle est alors d’épargner les plus pauvres, et de ne pas exercer de pression
excessive ni d’excéder les besoins réels dans les prélèvements.

Il en résulte qu’il est important pour le roi de parvenir à monopoliser les ressources fiscales,
càd d’en être le principal destinataire et percepteur, mais aussi de pouvoir décider seul de
l’affectation du trésor royal.

37
V L’enracinement des ressources extraordinaires

Au cours de l’Ancien régime et plus particulièrement des XIV et XVème s., le roi va construire
un monopole fiscal, au détriment des seigneurs et des communes, mais aussi de l’Eglise, et le
recours aux ressources extraordinaires va se généraliser.

Les légistes de l’époque vont avoir pour tâche de justifier cette évolution. Le roi va ainsi être
présenté comme « empereur en son royaume », affirmant son autonomie face aux menaces de
royautés voisines et de la papauté, mais aussi des seigneurs au sein même du pays. De même les
juristes vont justifier l’existence de pouvoirs extraordinaires en temps de guerre, permettant
au roi de se détacher des coutumes du royaume, ce qui lui permettra notamment de lever des
revenus extraordinaires dans l’intérêt du royaume en cas de guerre, de croisade ou encore de
famine par exemple. Dans cet état d’exception le souverain peut faire tout ce qui est nécessaire
au nom de l’utilité publique et de la raison d’Etat.

Si l’on reprend le sort de la Taille, impôt direct sur les revenus ou les biens selon les régions,
on note ainsi que Charles VII va rendre cet impôt permanent en 1439, au nom des besoins
causés par l’entretien d’une armée permanente. L’argument avancé est qu’il doit permettre de
rémunérer les soldats et d’éviter ainsi qu’ils pillent les territoires sur lesquels ils passent.
En rendant permanent cet impôt, le roi interdit aux seigneurs de lever un impôt direct
similaire au profit d’une fiscalité d’Etat, et il le fait cette fois-ci en anticipant sur la survenue
d’un évènement extraordinaire – la guerre. Cet exemple montre la capacité du roi à affirmer
sa volonté et à interpréter les circonstances usuelles qui justifient un revenu extraordinaire
L’affirmation d’une volonté royale suffisante sera toutefois relativisée par la pratique.

En effet dans le même temps s’impose dès le XIVème l’idée qu’il ne peut y avoir de nécessité
perpétuelle (si une cause cesse d’exister, ces effets cessent aussi – Aristote). Le roi qui décide
seul, sans motif légitime de lever un impôt, sera qualifié de despote et la révolte populaire
justifiable aux yeux des penseurs de l’époque. L’impôt non consenti place les sujets en situation
de servitude, alors qu’ils se veulent « francs » càd. libres ! Si le roi gouverne un peuple libre,
il ne peut l’asservir par l’impôt. Le consentement tend à être présenté comme un droit
naturel, même si lorsque le pouvoir du roi est plus fort face à celui des trois ordres (noblesse,
clergé, tiers état) ou face aux provinces, les juristes au service de la monarchie appuieront
davantage sur la toute-puissance du roi.

38
À l’origine, l’affirmation des pouvoirs financiers du monarque va s’effectuer contre les
ambitions financières de la papauté, notamment au sujet des « décimes », qui correspondent
au dixième des revenus de l’Église. Cet impôt est prélevé à la demande du roi avec
l’autorisation du pape. Après avoir obtenu, en 1288, l’autorisation de prélever trois décimes
consécutifs, le roi Philippe le Bel se heurte à l’opposition du pape Boniface VIII, qui estime
que ces recettes doivent revenir à l’Église. Le roi entend s’appuyer sur les États généraux,
représentant les trois ordres de l’Ancien régime (clergé, noblesse, tiers État) pour qu’ils
condamnent les positions du pape, ce qu’ils font en 1302.

En 1314, à la fin de son règne, Philippe le Bel convoque les États généraux pour une ultime
réunion dans un but exclusivement financier, afin de demander de nouveaux revenus
fiscaux pour mener la guerre en Flandre. C’est la première manifestation en France du
principe du consentement de l’impôt, selon lequel le monarque ne peut s’emparer de la
chose d’autrui sans juste cause.

Ce premier cas est la conséquence du fait que dès la fin du XIIIe siècle, certains penseurs de
refusaient l’idée que le roi et son conseil puissent être les seuls à apprécier souverainement
les concepts de nécessité et d’utilité publiques. Ils considéraient que toute imposition
nouvelle n’est légitime que si elle est formellement acceptée par le peuple, et ses
représentants. cette logique se répand même dans le cercle du pouvoir.

C’est dans un but essentiellement militaire, afin de disposer des moyens nécessaires pour faire
la guerre, que le monarque va renouveler au XIVe et XVe siècles les réunions des États
généraux.

L’histoire n’est toutefois pas linéaire : Une fois la guerre de cent ans achevée, les réunions
s’interrompent durant près de quatre-vingts ans de 1484 à 1560 (B. Jean-Antoine, « Le
principe du consentement de l’impôt et la constitution de l’ancienne France », RFFP 2009, no
108, p. 99).

Si l’équilibre de cet arbitrage permanent entre liberté du roi et liberté de ses sujets n’est
pas permanent au cours des siècles, ces fluctuations, ces débats permettent l’émergence d’une
pensée et d’arguments théoriques autour de l’impôt et des finances royales. Outre la levée,
c’est également la destination des ressources fiscales et le bon usage de ces richesses par l’Etat
qui seront ainsi discutés.

Problème : il n’y a pas d’assemblée permanente en France.


39
En Angleterre, au contraire, le principe du consentement est effectif pour tous les impôts
extraordinaires depuis qu’il a été consacré par la Magna Carta de 1215. Le parlement dans
cette monarchie parlementaire va obtenir également le droit de vérifier les comptes du roi.
Plus fondamentalement, le principe du consentement va être mis en œuvre comme un principe
d’autorisation temporaire : c’est le principe de la périodicité de l’autorisation de lever des
impôts ou de l’annualité. Lorsque ce principe ne sera pas respecté par Charles 1er, cela
entrainera la révolution de 1648 et son exécution. Le Bill of rights de 1689 consacrera à
nouveau le principe du consentement : « Une levée d’argent par la couronne nou à son usage
ne peut avoir lieu sous prétexte de prérogatives sans le consentement du parlement pour un
temps plus long ou pour un autre usage que ce qui aura été consenti ».

En France comme il n’existe pas d’assemblée permanente, il faut passer par la convocation
d’Etats généraux. Or, il s’agit d’une prérogative du roi... qui vient donc conditionner la
possibilité d’exercer le principe du consentement à l’impôt.

b. Les révoltes fiscales

Au terme d’un saut dans le temps, on constatera que ces débats sont loin d’être clos au cours
des XVIIème et XVIIIème s. Au contraire, cette période est celle des révoltes fiscales et
paysannes contre l’excès d’impôts. A cela s’ajoute une fronde des nobles contre la
bureaucratie croissante de l’Etat (qui les prives de fonctions rémunératrices au profit d’une
bourgeoisie enrichie, qui brigue désormais les postes d’intendants des finances). Et il faut bien
reconnaître que cette adm° croissante justifie une pression fiscale également croissante et qui
va devenir quasi-universelle pour permettre d’acquérir les recettes nécessaires au
fonctionnement de l’Etat.

En effet, au cours de ces deux siècles, aux anciens impôts directs se rajoutent de nouveaux
impôts, décidés d’autorité par le roi. Outre le fait qu’ils tendent à être permanents (même si,
à chaque création, ils sont déclarés provisoires), leur grande caractéristique est qu’ils tendent
à être universels car l’assiette de ces impôts est uniformisée.

Par exemple, la capitation créée en 1695 vise à taxer tous les chefs de famille, en proportion
de leur condition sociale (impôt par répartition : on fixe le montant total voulu et on le répartit
entre les contribuables). Il n’y a plus de classe épargnée…

40
La coexistence de nombreux impôts a permis à la monarchie d’augmenter ses revenus : du
Duc de Sully à Necker, les impôts directs sont passés de 15 millions à la fin du XVIème à
35 millions (Colbert), puis à 125 millions (1715) pour se porter enfin à 199 millions à la veille
de la Révolution.

Cette forte croissance de la masse des impôts a été largement absorbée par celles de la
population (un quart) et de la production agricole (30 %) et de l’industrie (200 %).

La part des impôts indirects (qui sont restés les mêmes que ceux de la période précédente)
dans le budget de l’État est très importante : ils représentent près de 300 millions, soit près
de 60 % des revenus fiscaux (selon l’État des finances de Necker). Ce sont surtout les impôts
les plus impopulaires, levés par l’administration la plus impopulaire.

Surtout les impôts indirects sont particulièrement inégalitaires. Ils ne tiennent pas compte
des ressources de l’imposé.

Il faut ajouter que contrairement aux siècles passés, l’affermissement du caractère absolu
de la monarchie éloigne de plus en plus la pratique fiscale de toute idée de consentement
nécessaire en matière de revenus extraordinaires. A partir de 1614, année de la dernière réunion
des Etats généraux avant la Révolution, le droit de lever l’impôt devient un droit unilatéral et
une prérogative royale. Cette faculté d’imposer les sujets est la marque de l’influence des
doctrines les plus absolutistes.

Après la dernière réunion des États généraux en 1614, le droit royal d’imposer ses sujets,
justifié par la nécessité publique, s’affirme au détriment du principe du consentement de
l’impôt. À partir du XVIIe siècle, d’une nécessité exceptionnelle motivée par le seul risque de
disparition de la couronne, la nécessité publique devient normale et permanente pour faire
face à l’accroissement des dépenses ordinaires de l’État. Ce changement va entrainer une
1ère fronde parlementaire, qui éclate entre 1648 et 1653. Il s’agit d’un mouvement de
protestation des conseillers du Parlement de Paris contre l’absolutisme fiscal de la monarchie
absolue. En 1641, le roi avait adopté l’Édit de Saint-Germain-en-Laye afin de limiter le
droit de remontrance au seul Parlement de Paris à l’exclusion des parlements de provinces, et
il leur interdit de se mêler des affaires de l’État, et notamment des finances. Pourtant, lors de
cette fronde, les membres du parlement de Paris protestent contre les pouvoirs accrus des
intendants des finances et du Conseil du roi, et réclament, dans une charte comprenant 27

41
articles, la suppression des intendants et l’interdiction de lever de nouveaux impôts sans
une validation par le Parlement.

L’échec de la fronde parlementaire aboutit au renforcement de l’absolutisme fiscal


qu’elle avait combattu.

Le débat, bien théorique désormais, persiste pourtant chez les penseurs : Cet absolutisme
royal va engendrer des revendications démocratiques autour de la question fiscale du fait de
la mise en sommeil du principe du consentement de l’impôt. Les démocrates, poussés par la
philosophie des Lumières, revendiquent la présence de ce principe au sein des lois
fondamentales du royaume et son nécessaire respect. L’idée de consentement ne
disparaît pas!

En conséquence, au XVIIIème, c’est le système fiscal dans son ensemble qui va être
critiqué en raison de son caractère inégalitaire et autoritaire. Il est par ailleurs peu lisible,
puisqu’il est composé de strates empiriquement ajoutées en fonction des besoins de l’Etat,
ménageant des privilèges à certaines catégories sociales ou portions du territoire...

Autre critique du système fiscal qui se développe : l’Etat multiplie les emprunts pour
financer les politiques publiques (Colbertisme, avec son interventionnisme étatique fait
exploser les besoins de dépense publique). Bien souvent, les emprunts sont consentis par des
personnes désireuses d’obtenir en échange une charge ou un office royal9. Ce phénomène
nourrit artificiellement la bureaucratisation du pays. Or, l’État bureaucratique a un double
impact : il nécessite un personnel qualifié et susceptibles d’être soumis à l’autorité des
ministres et du roi. C’est un personnel qui se recrute donc plutôt parmi les couches sociales
bourgeoises, et non pas nobles. En outre il nécessite un apport de plus en plus important
d’argent pour assurer son auto-financement et son efficacité. La création de postes destinée
à favoriser l’emprunt conduit elle-même à accroitre les dépenses en même temps qu’elle
apporte des ressources…

Cette pratique qui lie office public et emprunt va s’avérer problématique sur le long terme :
Confronté à des difficultés financières croissantes, le pouvoir royal n’est plus toujours en
mesure de rembourser le prêt de l’officier lorsqu’il entend supprimer une charge.
Les officiers royaux, titulaires d’une parcelle de souveraineté, deviennent plus difficiles à

9
Est attribué au contrôleur général Desmarets ce mot à Louis XIV : « Une des plus belles prérogatives des rois de
France est que lorsque le Roi crée une charge, Dieu crée à l'instant un sot pour l’acheter ».

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destituer. Les officiers de l’État, et en particulier ceux exerçant leurs fonctions au sein des
Parlements, deviennent alors de plus en plus indépendants vis-à-vis du Roi.

Tout ceci conduit à la multiplication des révoltes, qu’il s’agisse d’émeutes populaires, de
contestation bourgeoise, ou de frondes des nobles et des parlementaires. La critique fiscale
transcende donc les classes sociales !

Dans un premier temps, ce sont surtout des soulèvements paysans qui se font spontanément à
l’annonce ou à la rumeur de l’établissement d’un nouvel impôt. Ce ne sont pas les plus
pauvres qui se révoltent ou qui appellent à prendre les armes, mais bien les riches paysans,
les métayers, sur qui pèsent le plus lourdement l’impôt. Parfois, un noble ou un « capitaine
» recruté dans la petite noblesse mène ces hommes armés.

L’alliance avec l’ordre privilégié ne doit pas étonner, ils ont des intérêts communs :
s’opposer à la pression fiscale qui augmente durant tout le XVIIe siècle (guerres
européennes et de la bureaucratisation croissante de l’État).

Rq. Ces révoltes ne dépassaient jamais le cadre d’une paroisse ou d’un « pays », elles ne
remettaient pas en cause la monarchie (mais la Ferme ou les garnisaires, c’est-à-dire les
soldats en garnison dans une ville), et ne se prolongeaient jamais trop. Elles étaient donc
d’impact limité.

Certaines sont pourtant restées fameuses, comme la révolte des Croquants en Guyenne dans
les années 1630, entre mai et juillet 1635. L’objet de la révolte était l’augmentation d’une taxe
perçue sur le prix du vin.

Cette opposition se répercuta contre la taille dans les années suivantes. Les paysans
s’armèrent et se firent conduire par un « capitaine », La Mothe La Forêt. La monarchie écrasa
militairement le soulèvement dans le sang (plus d’un millier de morts).

- Mais il y eut aussi des oppositions nobiliaires à l’impôt plus sérieuse pour les fondations de
la monarchie dans ce contexte politique et social marqué par la montée en puissance de l’État
bureaucratique et administratif (càd par la promotion de la bourgeoisie), et par la permanence
de la guerre.

À partir de 1715, les parlements font valoir leur droit d’apprécier les lois fiscales à
l’occasion de l’opération d’enregistrement des textes royaux. Les membres du Parlement

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justifient leur droit de regard et leur contrôle de l’opportunité par la théorie de l’interstice, qui
voulait que « pendant l’interstice des États généraux », les parlements sont les « seuls
organes de la Nation » compétents pour enregistrer les textes fiscaux de la monarchie et
exprimer ainsi leur consentement. Pour faire enregistrer ces textes fiscaux, les conseillers du
roi doivent justifier l’urgence et la nécessité absolue du prélèvement fiscal ou imposer
l’enregistrement par la force.

Les conflits entre le pouvoir royal et les parlements sont nombreux et fréquents à l’occasion de
l’enregistrement des textes fiscaux, jusqu’à la fronde de 1788.

Il s’agit d’une révolte du Parlement de Paris, composé de nobles et de membres du clergé, qui
refusent de participer à la réforme fiscale voulue par Louis XVI. Ce refus laisse ainsi le peuple
seul supporter la charge financière du royaume…

Après un premier refus 1776, qui conduit au renvoi du ministre des finances Turgot pour le
remplacer par Necker, puis par Calonne après la victoire contre les britanniques en Amérique
qui a fait exploser le recours à l’emprunt, le Parlement de Paris refuse à nouveau toute
réforme en 1788 et condamne la souscription de nouveau emprunt.

Le Parlement va appeler à la convocation des Etats généraux – tout en exigeant que le tiers-
Etat n’ait qu’un 1/3 des délégués alors même qu’il représente la majorité de la pop°…
Les Etats généraux seront bien convoqués par le 8 août 1788. Ils devront se réunir à partir de
mai 1789 (cahiers de doléance entre temps), et ce sera la première fois depuis 1614 !
Finalement, le nombre de représentants du 1/3 Etats est doublé : 578 pour les Tiers Etat, 291
pour le clergé, 270 pour la noblesse.

Cette réclamation de la réunion des Etats généraux, fondée sur l’idée que le
consentement à l’impôt est une loi fondamentale du royaume, va entrainer l’abolition
des privilèges !

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La Déclaration du Parlement de Paris en date du 3 mai 1788
La Cour,
Toutes les chambres assemblées, les Pairs y séant, avertie par la notoriété publique et par un concours de
circonstances suffisamment connues des coups qui menacent la Nation et la Magistrature ;
Considérant que les entreprises des ministres sur la Magistrature ont évidemment pour cause le parti qu’a
pris la Cour de résister à deux impôts désastreux, de se reconnaître incompétente en matière de subsides,
de solliciter la convocation des États généraux et de réclamer la liberté individuelle des citoyens ;
Que ces mêmes entreprises ne peuvent par conséquent avoir d’autre objet que de couvrir, s’il est possible, sans
recourir aux États généraux, les anciennes dissipations par des moyens dont la Cour ne serait pas le témoin, sans
en être l’obstacle, son devoir l’obligeant d’opposer avec une constance inébranlable l’autorité des lois, la parole
du Roi, la foi publique et l’hypothèque assignée sur les impôts, à tous les plans qui pourraient compromettre les
droits ou les engagements de la Nation ;
Considérant enfin que le système de la seule volonté clairement exprimé dans les différentes réponses surprises
audit Seigneur Roi annonce, de la part des ministres, le funeste projet d’anéantir les principes de la Monarchie, et
ne laisse à la Nation d’autre ressource qu’une déclaration précise par la Cour des maximes qu’elle est chargée de
maintenir et des sentiments qu’elle ne cessera de professer ;
Déclare que la France est une monarchie, gouvernée par le Roi, suivant les lois ;
Que de ces lois, plusieurs qui sont fondamentales embrassent et consacrent : (…)
Le droit de la Nation d’accorder librement les subsides par l’organe des États généraux régulièrement
convoqués et composés ; (…)
Proteste ladite Cour contre toutes atteintes qui seraient portées aux principes ci-dessus exprimés ; déclare
unanimement qu’elle ne peut, dans aucun cas, s’en écarter, que ces principes également certains obligent tous les
membres de la Cour et sont compris dans leurs serments ; en conséquence, qu’aucun des membres qui la composent
ne doit ni n’entend autoriser par sa conduite la moindre innovation à cet égard, ni prendre place dans aucune
compagnie qui ne serait pas la Cour elle-même, composée des mêmes personnages et revêtue des mêmes droits ;
Et dans le cas où la force, en dispersant la Cour, la réduirait à l’impuissance de maintenir par elle-même
les principes contenus au présent arrêté ;
Ladite Cour déclare qu’elle en remet dès à présent le dépôt inviolable entre les mains du Roi, de son auguste
famille, des Pairs du Royaume, des États généraux et de chacun des Ordres réunis ou séparés qui forment
la Nation ;
Ordonne en outre ladite Cour, que le présent arrêté sera, par le Procureur général du Roi, envoyé incontinent aux
bailliages et sénéchaussées du ressort pour y être lu, publié et registré, et que le Procureur général du Roi rendra compte
de cet envoi à la Cour, lundi prochain, toutes les Chambres assemblées.

Tout ceci entraîne la Révolution, qui marquera un tournant et même une rupture pour
les finances publiques.

c. La période révolutionnaire

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Les révolutionnaires vont satisfaire les parlements de l’Ancien Régime en consacrant le
principe du consentement à l’impôt, notamment dans un décret du 17 juin 1789 – qui est le
premier texte adopté par l’Assemblée nationale autoproclamée.

Mais ils vont aussi aller à rebours des motivations des parlementaires, puisqu’ils vont également
consacrer le principe de l’égalité en matière fiscale.

Il ne faut toutefois pas penser que les finances publiques sont entrées dans une ère complètement
nouvelle. Si l’on entre dans la période dite des finances pré-classiques avec la Révolution et
l’Empire, il demeure que la matière reste sujette à de nombreux flottements et que les
ruptures annoncées ont parfois d’effet.

Par ex, le décret de 1789 commence par proclamer que « les contributions, telles qu’elles se
perçoivent actuellement dans le royaume, n’ayant point été consenties par la nation, sont toutes
illégales et par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation ». Mais il ajoute
immédiatement, que pour assurer la continuité de l’Etat il faut « consentir provisoirement pour
la nation, que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuent
d’être levés de la même manière qu’ils l’ont été précédemment ».

Surtout, il faut constater qu’en matière de finances publiques un certain autoritarisme persiste
(tantôt au profit du parlement désormais, tantôt au profit de l’exécutif sous le consulat et
l’empire).

Ainsi pour Napoléon Bonaparte, l’élaboration du budget reste une prérogative importante
de son pouvoir personnel. Il emploiera la formule suivante, qui marque une continuité certaine
avec la monarchie passée : « le budget est ma loi ; il faut s’y conformer parce que les finances,
de toutes les branches de l’administration, sont la première de mes affaires ».

Quelles sont au final les avancées essentielles de la période qu’ouvre la Révolution ?

- Le Pce du consentement sera constitutionnalisé. Au-delà du décret du 17 juin 1789, on


va retrouver le principe dans la DDHC du 26 août 1789 dans son article XIV :
il « appartient aux citoyens de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la
nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et
d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
Plus précisément, la Constitution de 1791, comme celle de 1793, puis de 1795, vont
détailler les conséquences du principe en confiant au pouvoir législatif le soin de

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fixer annuellement les dépenses et d’établir les éléments essentiels des
contributions publiques.
- Une logique d’égalité s’épanouie également grâce à la Révolution. Après l’abolition des
privilèges lors de la nuit des 4 août 1789, les révolutionnaires vont insérer dans l’article
VI de la DDHC le principe selon lequel tous les citoyens sont également admissibles
aux emplois publics – ce qui met fin au système d’attribution des offices moyennant
des services financiers – et l’article XIII prévoit que si les contributions sont
nécessaires pour l’entretien de la force publique et de l’administration, elles doivent
être réparties entre tous les citoyens en raison de leurs facultés.
- Sur cette base, il est opéré une remise à plat de la fiscalité

Désormais, les impôts ont une triple fonction :

o assurer le nouvel équilibre social bourgeois, basé sur l’élimination des privilèges et
donc sur une égalité de droit, y compris devant les charges publiques. Pendant
plusieurs années, on supprime sur la base de ces préceptes les impôts indirects car ils
sont jugés trop inégalitaire.
o assurer la perpétuation d’un nouvel ordre politique dans lequel la souveraineté
appartient au peuple, certes via le truchement de la souveraineté nationale captée par
une assemblée de représentants élus.
o assurer une nouvelle éthique civique : le citoyen est d’abord un contribuable. Cette
qualité lui confère des droits et des devoirs envers la nation.

- Enfin, dernière amélioration liée à cette période des finances publiques préclassiques,
l’administration financière est rénovée, avec notamment la création d’un ministère du
Trésor public, et la volonté de confier les missions de collectes des recettes non plus à
des officiers mais aux personnels des administrations locales (qui sont la commune, le
district et le département). On peut noter la création à la fin de cette période du Conseil
d’Etat (1799) qui aide à la préparation du projet de budget, puis de la Cour des comptes
(1807) qui va surveiller le bon usage des deniers publics.

• A l’inverse, on doit noter qu’il y a des problèmes persistants dans cette période révolutionnaire.

- D’abord, il y a un déséquilibre des pouvoirs en matière budgétaire. Sous les premières


constitutions, c’est au pouvoir législatif qu’est confié de manière exclusive le contrôle
des finances publiques. Ce mouvement de balancier après la monarchie absolue est

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excessif. Non seulement les députés expriment le consentement à l’impôt et fixe les
contributions mais ils entendent aussi contrôler l’exécution du budget presque au
quotidien à travers des commissions et en tenant les comptes de l’Etat – ce qui est
irréalise et laisse en réalité l’exécution du budget sans réel contrôle. Dans le même sens,
on peut noter que la C° de 1795 prévoyait que les membres de l’adm° du Trésor étaient
tenus d’exécuter toute dépense consentie par le corps législatif – sans qu’aucune
condition de ressource ne soit posée.
- A l’inverse à partir du Consulat (1799) et en particulier sous l’empire (1804) qui
mettent fin à la période dite révolutionnaire, l’exécutif va reprendre une position
dominante dans des régimes autoritaires. Dans le texte, les constitutions prévoyaient
une juste répartition des tâches : au gouvernement la conduite des finances et
l’exécution du budget, au parlement la détermination des montants des recettes et des
dépenses qui composent ce budget. Mais en pratique, le césarisme avec lequel dirige
Napoléon Bonaparte et la faible unité entre les parlementaires font que le pouvoir
budgétaire sera exercé sans contraintes par l’empereur.
- Second problème persistant dans la période des finances publiques préclassiques : il n’y
pas à proprement parlé de budget au sens moderne du terme. Par exemple, la loi peut
déterminer un montant de dépense, sans considération réelle pour les recettes, tout en
laissant en plus la possibilité de modifier ce montant en cours d’exercice si nécessaire.
Ce manque de formalisme et de rigidité du budget va persister jusqu’au Consulat où
commencent à apparaître des principes structurant les règles d’élaboration des finances
publiques. Par ex., le principe de l’unité budgétaire qui persiste encore auj. trouve son
origine dans ce régime.

2. FP classiques (1814-1914)
La Restauration qui débute en 1814 ouvre une période d’un siècle qu’on appelle les FiP
classiques. Cette période se caractérise par la naissance d’un droit des FiP. Il se produit une
véritable rupture, en raison de la mise en place du principe de clarté budgétaire et du principe

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d’équilibre. Sur ce dernier point, le libéralisme économique dominant durant le début de cette
période va faciliter le retour à l’équilibre entre les recettes et les dépenses de l’Etat. L’amélioration
de la situation des FiP passe par des progrès sur le plan institutionnel issus pour l’essentiel de la
pratique, et par un travail de formalisation du budget.

a. Laconisme des textes constitutionnels et rééquilibrage institutionnel

• Ce progrès est a priori paradoxal. La Charte de 1814 et la monarchie de juillet en 1830


entendent restaurer des monarchies de droit divin. Mais l’influence anglaise, et le caractère
laconique des textes constitutionnels de cette période, favorisent en fait l’essor du
parlementarisme. Le peu d’éléments présents dans ces textes a certes favorisé l’irruption de
conflits entre les institutions au moment de leur application, mais leur résolution a finalement
favorisé la collaboration entre le parlement et l’exécutif en matière financière.

Ex : la Charte de 1814 prévoit le principe du consentement à l’impôt, pouvoir partagé par le


roi et les deux chambres parlementaires. Un débat s’est créé pour savoir s’il fallait interpréter
strictement ce principe et ne recueillir le consentement que pour les contributions, ou s’il le
parlement devait également autoriser les dépenses. Durant le règne de Louis XVIII, ce débat a
été tranché en faveur de la seconde hypothèse, soutenue par les libéraux, avec l’adoption de la
loi de finance du 25 mars 1817. Cette solution sera maintenue jusqu’à la Troisième République
– sous réserve du Second empire (1851-1874).

De même, dans le laconisme de la Charte de 1814, a été reconnu aux parlementaires un droit
d’amendement des lois de finance, leur permettant non seulement de consentir mais de
déterminer l’impôt.

Une dernière pratique va s’instaurer et survivre malgré les changements de régime jusqu’à la
première guerre mondiale : dans le cadre du bicaméralisme, c’est à la chambre basse que le
projet de loi de finance est transmis en premier.

• On note au final que s’opère pendant ce siècle des FiP classiques un rééquilibrage des pouvoirs
en matière financière. Après l’échec de l’exécutif, puis l’échec du législatif dans la quête d’une
saine gouvernance des FiP, s’instaure l’idée qu’il faut procéder à une juste répartition du
pouvoir financier. Sous influence des libéraux, le ministre des Finances de Louis XVIII va
concevoir la règle des 4 temps alternés.

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Selon les termes de cette règle, la préparation du budget constitue le premier temps budgétaire
et doit relever du pouvoir exécutif (aidé pour réaliser ce travail par le Conseil d’Etat), le second
temps budgétaire comprend le vote du budget et se déroule au Parlement, l’exécution du budget,
le troisième temps budgétaire, relève du pouvoir exécutif et enfin le quatrième temps
budgétaire, relatif au contrôle de l’exécution budgétaire, est exercé par le pouvoir législatif.
Cette règle a jeté les bases d’une collaboration « intelligente » entre les organes décisionnels en
matière budgétaire. On parle de séparation fonctionnelle. forme de séparation souple.

/ !\ Si les conservateurs, favorable à un exécutif fort, s’opposent d’abord à cette règle, ils se
rendent compte que l’intervention du parlement leur permet grâce au droit d’amendement
d’entraver les aspects les plus libéraux de la politique de Louis XVIII en agissant sur
l’autorisation des dépenses.

b. La remise en cause de l’opacité budgétaire

Un des grands problèmes des FiP jusqu’alors c’est le caractère illisible, opaque des finances
de l’Etat. Or, si cette question qui concerne les règles entourant la formalisation du budget est
en apparence technique, elle est au moins autant une question politique. De la lisibilité du
budget, découle la transparence de l’Etat en matière de FiP – transparence qui conditionne in
fine la possibilité pour les parlementaires d’être informé et de consentir en pleine
connaissance de cause à l’impôt, mais aussi de surveiller l’exécution du budget afin de
contrôler le respect des dispositions de la loi de finance adoptée.

On va retrouver dans cette période des finances classiques la genèse des grands principes
budgétaires et des règles comptables.

- Les grands principes budgétaires sont au nombre de 5 :


o L’annualité budgétaire : alors que dans la période monarchique et sous les
empires, les autorisations parlementaires sont souvent données de manière
permanente, le respect de la compétence du Parlement et du principe du
consentement, implique que ce consentement soit temporaire et limité dans le
temps. C’est l’année qui va être retenue comme laps de temps adéquat dès la

50
première C° de 1791. Et cette annualité va être réaffirmée systématiquement
depuis, afin de garantir le caractère réel du pouvoir de contrôle du parlement. Ce
principe budgétaire apparaît comme le plus ancien.
o Le principe d’unité budgétaire : ce principe implique de faire figurer dans un
seul compte, càd sur un seul document, l’ensemble des recettes et des dépenses
de l’Etat, ce qui n’était pas d’usage tant que l’on distinguait les revenus
ordinaires et extraordinaires de la monarchie. Même après la révolution, et
particulièrement en tant de guerre, le réflexe va resurgir de distinguer les
dépenses extraordinaires, qui n’ont pas vocation à être financées par des
ressources ordinaires mais extraordinaires, et qui vont donc être présentées dans
un compte spécifique. C’est à nouveau le ministre des Finances de Louis XVIII
qui va consacrer ce principe d’unité. Il met fin au « morcellement budgétaire »,
pour donner au budget une plus grande clarté et faciliter le contrôle budgétaire
(notamment en permettant de comparer les évolutions d’une année à l’autre).
o Le principe d’universalité budgétaire, conduit à proscrire une présentation
sommaire du budget, qui se contenterait d’inscrire l’excédent de recette ou de
dépense prévisible dans la loi de finance, sans détailler les montants et l’origine
des recettes et des dépenses. Par exemple, il était de coutume de ne pas expliciter
le coût de perception des contributions obligatoires, en les cachant dans le bilan
financier général. De telles compensations ont été interdites sous la restauration,
en imposant au législateur d’indiquer dans la loi le coût de l’administration des
finances. Cette interdiction conduit en plus à empêcher d’affecter des recettes à
des dépenses particulières et ici à des dépenses de fonctionnement de l’adm°.
L’ensemble des recettes vient abonder l’ensemble du budget, sans être attaché à
une dépense en particulier.
o Le principe de spécialité budgétaire : pendant longtemps les dépenses vont
être autorisées globalement sans être affectées à une adm°, un ministère ou une
action donné. Le budget présentait un montant de dépenses autorisées, que
l’exécutif pouvait répartir/ventiler discrétionnairement. Cette pratique, souple,
empêchait les parlementaires d’exercer sérieusement un contrôle. Elle est donc
abandonnée progressivement, d’abord au profit d’un vote des dépenses par
ministère (enveloppe ventiler à sa guise par le ministre), puis de manière plus
rigoureuse à travers des sections, rubriques et chapitres budgétaires au sein de
chaque ministère.

51
o La neutralité budgétaire et fiscale : enfin, l’école libérale impose un dernier
principe qui est présenté comme un dogme (vérité indiscutable). Après la
Révolution, et en rupture avec le colbertisme, s’impose l’idée que l’intervention
économique relève des acteurs privés plutôt que de l’Etat qui doit assurer les
fonctions régaliennes. Le budget de l’Etat est donc modeste : un peu plus de 10
% de la richesse nationale (adm° générale, éducation, défense, charge de la dette
les deux derniers postes représentant 65% du budget). Le peu
d’interventionnisme existant à la veille de la 1ère GM est le fait des CL =
socialisme municipal.
Il y aura une rupture avec la IIIème Rép : par les progrès du SUD, vont être élus des
représentants des ouvriers, qui vont demander une action sociale de l’Etat.
Dans ce contexte s’impose l’idée que l’impôt ne doit pas être un levier pour mener
une politique de redistribution des richesses, ou chercher à mettre en œuvre une
politique économique. C’est l’idée de neutralité de l’impôt

- Enfin, au cours du XIXème, on doit noter une évolution institutionnelle avec un


affermissent du Ministère des finances face aux ministères dépensiers – comme celui de
la guerre. En conséquence, le ministre des finances va pouvoir imposer des règles
comptables fondamentales.
Par exemple, en vertu d’une OrDo du 14 septembre 1822, les ministères vont non
seulement devoir demander mois par mois au Mtre des FiP le versement des fonds
prévus par la loi de finance, mais ils vont en plus devoir justifier leur demande.
Surtout, ce texte pose le principe d’une séparation stricte entre les fonctions
d’ordonnateur et de comptables publics (liberté d’appréciation de l’ordonnateur,
contrôle de régularité par le comptable). Un service adm sera institué spécialement au
sein du Mtère de FiP pour vérifier le respect de ces règles de comptabilité par l’adm°
des diff. minstères et CL.

B. FP modernes : la consolidation d’un droit des finances publiques


A l’entre-deux guerres commence la période dite des finances publiques modernes qui est
marquée par un effacement du parlement. Cette inflexion est particulièrement marquée dans
l’Ordonnance n°59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances,
qui organise le pouvoir budgétaire sous la Vème. Il faudra attendre la LOLF du 1 er août 2001

52
pour qu’un rééquilibrage soit mis en œuvre. Avec l’entrée en vigueur de la LOLF, l’ordonnance
sera abrogée en 2005 et le Parlement va bénéficier d’une meilleure information et exercer un
meilleur contrôle sur les finances publiques. Les mutations introduites par cette LO, que l’on
qualifie de « constitution financière » de la France, dépassent cependant largement la
question de l’équilibre des pouvoirs comme nous le verrons.

Les FP modernes ont pour autre trait caractéristique qu’à l’Etat-Gendarme succède l’Etat
providence. Désormais, on attend de lui qu’il assure un certain nombre de missions et de
services pour lesquels l’initiative privée est défaillante. Cette interventionnisme de l’Etat
implique nécessairement une nouvelle tendance à la hausse des dépenses publiques.

1. La prépondérance du pouvoir exécutif dans le domaine budgétaire


L’encadrement des pouvoirs du Parlement est une caractéristique essentielle de cette période.
Elle se retrouve évidemment dans les textes constitutionnels des différents régimes.

Par ex : C° de 1946, l’article 17 prévoit lors de la discussion du budget, le pouvoir d’initiative


du parlement ne peut pas conduire à accroître les dépenses publiques ou à créer de nouvelles
dépenses.

Avec l’Orce de 1959, la domination de l’exécutif est visible jusque dans la nature du texte
qui vient préciser le sens des dispositions de la C° de 1958. Cette Orce est prise sur le fondement
de l’art. 92 de la C° qui donnait à l’exécutif le soin de mettre en place les institutions de la 5ème.
Le parlement n’a absolument pas été associé (pas plus que le CC n’a contrôlé cette Orce, car il
n’était pas encore institué). Dans la perspective de la rationalisation du parlementarisme, il
a été considéré que le budget était un élément essentiel de la politique du Gouv. Il en
conditionne la mise en œuvre. Pour garantir l’efficacité de l’action gouv, pour lui mettre de
déterminer et conduire la politique de la Nation comme le prévoit l’art 20 de la C°, on lui a
confié à l’exécutif le soin d’établir seul un projet de budget et on a restreint le contrôle
parlementaire.

Le droit d’amendement est par exemple particulièrement limité en matière budgétaire :

- l’article 40 de la C° : les propositions et amendement ne sont pas recevables lorsqu’ils


entrainent soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou
l’aggravation d’une charge publique.

53
- L’article 42 de l’Orce : Aucun article additionnel, aucun amendement à un projet de
loi de finances ne peut être présenté, sauf s’il tend à supprimer ou à réduire
effectivement une dépense, à créer ou à accroître une recette ou à assurer le contrôle
des dépenses publiques.
Tout article additionnel et tout amendement doit être motivé et accompagné des
développements des moyens qui le justifient.

Dans la logique de la Vème, une opposition du Parlement à la politique budgétaire doit


s’exprimer de manière radicale, par le recours à une motion de censure... Perspective assez
illusoire dans le cadre du fait majoritaire et de la doctrine de partie.

• Au-delà d’une volonté de rééquilibrage, la prépondérance du gouv dans l’élaboration du


projet de Loi de fi s’explique aussi par la technicité tjrs accrue du budget. Or le personnel
nécessaire à la maîtrise des Q° financière relève du Gouv, et plus particulièrement du Mtère
du Budget. Il était donc apparu nécessaire de laisser aux fonctionnaires l’initiative en la matière.

• Cette prévalence de l’exécutif va se répercuter sur la mise en œuvre des principes budgétaires
issus de la période classique. Ils vont connaître de nbreux aménagements et dérogations.

2. L’aménagement des principes budgétaires


Les besoins d’interventions publiques sur le domaine économique vont être particulièrement
importants durant cette période, que ce soit durant les guerres, car l’Etat doit imposer à
l’industrie une réorientation de son activité vers l’effort de guerre et palier ses carences, ou
durant les périodes de reconstruction où il faut relancer l’économie et payer les dettes
accumulées. L’idée de neutralité budgétaire et fiscale est donc abandonnée, et l’Etat a
désormais une fonction sociale essentielle. Même au-delà de la question des FiP, l’Etat va
intervenir directement dans l’économie en nationalisation des entreprises lorsque c’est
nécessaire ou en créant lui-même des SPIC.

Cet interventionnisme va entraîner une mutation plus large des FiP, et en particulier une
augmentation très significative des dépenses publiques à partir des années 20 (de 13% à 50 %
du PIB en 1993). En conséquence, les principes qui encadrent normalement la dépense publique
vont être mis à mal par le besoin constant d’argent public.

- Deuxième aménagement : le principe de l’équilibre :

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Paradoxalement, alors que les besoins de ressources augmentent, on abandonne la méthode
de l’impôt de répartition qui avait cours durant la période des finances publiques classiques.
Jusqu’à présent, l’Etat calculait le montant des dépenses à venir, puis répartissait sur l’effort
sur la population en définissant les impôts au regard de ses besoins. Désormais, le système est
celui de l’impôt de quotité : le rendement de l’impôt dépend de règles fixées préalablement et
stabilisées.

En cas d’insuffisance des ressources, il faudra donc faire appel à l’emprunt ou accepter
d’adopter un budget en déficit. S’il l’équilibre continue de paraître souhaitable, il n’est plus
un dogme absolu. Il paraît plus important d’assurer l’équilibre économique de la Nation.

L’idée qui s’impose vient de la doctrine suédoise : il existe des cycles économiques de
prospérité et de dépression. L’Etat doit avoir une action contra-cyclique : il doit
s’endetter pour relancer l’économie en période de crise, et constituer des réserves quand
la croissance est là (prob : auj. on ne parvient plus à susciter suffisamment de croissance
pour apurer la dette cumulée… on continue d’être en déficit car il faut payer les intérêts
de la dette).

L’article 1er de l’Orce de 1959 traduit l’importance de l’idée d’équilibre éco


« Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l’affectation des
ressources et des charges de l’Etat, compte tenu d’un équilibre économique
et financier qu’elles définissent ».

- Troisième aménagement : le principe de l’annualité

L’ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui va régir les FiP sous la Vème Rép reprend bien
le principe d’une autorisation annuelle du parlement dans son article 2 : « La loi de finances de
l’année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des charges
de l’Etat. »

Pourtant, l’application de ce principe connaîtra de nombreuses dérogations. Le plus acceptable


est celui que prévoit encore l’article 2, en précisant que des lois de finances rectificatives
peuvent adoptées.

55
Plus contestable est la pratique des décrets d’avance autorisée par l’Orce : le gouv peut en
cas d’urgence ouvrir des crédits supplémentaires, dont il demandera a posteriori la ratification
par le parlement (ex : pandémie).

Les décrets d’avance correspondent à des ouvertures de crédits en cas d’urgence, dans la
limite de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale, gagées par des annulations de
crédits ou la constatation de recettes supplémentaires (décret d’annulation) sauf « nécessité
impérieuse d’intérêt national ».

La loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 de finances rectificative (LOLF) prévoit
désormais une consultation expresse des commissions parl chargées des FiP avant la
signature des décrets d’avance.

Enfin, jusqu’en 2001, le Parl était conduit à renouveler d’une année sur l’autre les dépenses
nécessaires au fonctionnement des SP dans les conditions de l’année précédente, càd. au
minimum autoriser les montants octroyés jusqu’alors (conséquence du principe de continuité
du SP ?) = On parle de « services votés », et ces dépenses ne font donc pas l’objet d’une réelle
discussion parlementaire. Le débat parlementaire et le consentement qui en découle se limitent
finalement aux nouvelles dépenses, qui ne représentent que 5 à 10%.

- Quatrième aménagement : le principe de l’unité

La présentation dans un doc unique de l’ensemble du budget conditionne la capacité du parl


a opéré véritablement son contrôle. L’Orce reprend ce principe, mais dans la pratique il est
pratiquement dépourvu de portée. D’abord les lois de finances rectificatives sont nombreuses,
ce qui conduit à devoir conjuguer plusieurs textes de lois pour saisir la globalité des recettes et
des dépenses finalement autorisées.

Par ailleurs, les lois de finances présentent trois comptes différents : le budget général de
l’Etat, les budgets annexes10, et les comptes spéciaux du Trésor11. Ensuite, les LF sont

10
L’ordonnance de 1959 les réservait aux services de l’État non dotés de la personnalité morale et assurant
une activité économique. On en comptait quatre : Journaux officiels, Monnaies et médailles, Aviation civile,
Ordres de la Légion d’honneur et de la Libération.
La LOLF en a restreint le champ d’application, en les réservant aux services de l’État non dotés de la personnalité
morale et réalisant une production de biens ou de services donnant lieu au paiement de prestations. Demeurent
seulement deux budgets annexes : Contrôle et exploitation aériens et Publications officielles et information
administrative.
11
Créés à l’origine pour retracer de simples mouvements de fonds provisoires, les souplesses offertes par les
comptes spéciaux du Trésor en firent un instrument très utilisé. Ainsi, on en comptait environ 400 en 1947,
avant que leur nombre diminue. L’ordonnance de 1959 chercha à rationaliser et à encadrer leur utilisation : en

56
pourvus d’annexes très importantes destinées à expliciter les dispositions de la loi, mais qui
rendent la compréhension du budget difficile d’abord.

Enfin, dans les 60’s se met en place une politique de débudgétisation : de + en + de charges
ne figurent plus dans le budget général de l’Etat car elles sont assurées par des personnes
morales de droit public distinctes de l’Etat : EP ou CT.

- Cinquième aménagement : le principe de l’universalité

Le principe d’universalité interdit d’une part la contraction des recettes et des dépenses, qui
permettrait de ne présenter aux parlementaires qu’un solde, et ce principe interdit d’autre part
l’affectation de recettes à des dépenses.

L’article 18 de l’Orce dispose en ce sens : « Il est fait recette du montant intégral des produits,
sans contraction entre les recettes et les dépenses. L’ensemble des recettes assurant l’exécution
de l’ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte
unique, intitulé budget général. »

réservant leur création à la loi de finances, puis en les soumettant à la règle de l’annualité et au contrôle
parlementaire.
La LOLF a rationalisé les comptes spéciaux en en restreignant le nombre de catégories à quatre :
Les comptes d’affectation spéciale (CAS) concernent des opérations à caractère définitif. Ils peuvent
être d’une certaine importance financière (pensions, participations financières de l’État…) ou bien plus
mineurs, mais concerner un secteur particulier (services nationaux de transport conventionnés de
voyageurs, engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique…).
Dérogation au principe de l’universalité des recettes et des dépenses.
Les comptes de commerce "retracent les opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à
titre accessoire par des services de l’État". Ils concernent, par exemple, des opérations de gestion de la
dette et de la trésorerie de l’État, les armées (approvisionnement en produits pétroliers) ou les
établissements pénitentiaires (cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire, régie industrielle
des établissements pénitentiaires).
Les comptes d’opérations monétaires, et notamment le compte d’émission des monnaies métalliques et
celui des opérations avec le Fonds monétaire international (FMI).
Les comptes de concours financiers qui regroupent : les comptes de prêts retraçant les opérations de
prêts réalisées par l’État (il s’agit surtout de prêts à des États étrangers réalisés dans le cadre de la politique
commerciale ou d’aide au développement) et les comptes d’avance retraçant les avances faites par l’État
à des collectivités, organismes ou personnes privées.

57
Cependant, l’article prévoit également qu’il est possible d’y déroger pour les budgets annexes
et les comptes spéciaux du Trésor. Finalement, seul le budget général respect le principe
d’universalité.

- Sixième aménagement : le principe de spécialité

Normalement, le budget est présenté chapitre par chapitre. L’article 7 de l’orce précise en ce
sens que les crédits ouverts par la LF sont spécialisés par chapitres, lesquels regroupent les
dépenses selon leur nature ou leur destination. La LF dote donc les services administratifs en
fonction d’action ou de besoins particuliers. L’Orce ajoute toutefois que des crédits globaux
peuvent être accordés pour faire face à des dépenses éventuelles ou accidentelles, au sein des
chapitres prévus par la loi de finance ou même en dehors de tt chapitre existant

Cependant, le gouvernement peut également modifier l’affectation des crédits ou leur


répartition sans autorisation parlementaire en opérant des transferts de crédits (d’un ministère
à un autre, pour le même programme) ou des virements de crédits (au sein d’un même
ministère mais pour un autre programme). Ces mouvements peuvent concerner jusqu’à 10%
des crédits accordés à l’Etat par les parlementaires.

3. Un mouvement de rééquilibrage et de changement initié par la LOLF :


les FiP contemporaines
Cette souplesse dans l’application des principes budgétaires, permise par la prépondérance
de l’exécutif, a conduit à s’interroger sur la nécessité de réformer le droit des finances pub.
Deux raisons conduisent à cela : la gestion financière du budget de l’Etat n’apparaît pas
suffisamment rigoureuse ; et la légitimité démocratique de la conduite du budget semble
insuffisante.

La première réaction a donc consisté à renforcer le rôle du Parlement. En 1996, une révision
constitutionnelle est mise en œuvre par la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996
instituant les lois de financement de la sécurité sociale. Elle va initier ce mouvement de
revalorisation du Parlement, en donnant aux élus le pouvoir de se saisir du budget de la sécurité
sociale, dont l’importance n’a fait que croître depuis 1947. Depuis les 80’s, les dépenses de
sécurité sociale dépassent en effet celles de l’Etat proprement dit. Il devenait donc de plus en
plus nécessaire qu’un contrôle démocratique s’exerce sur le budget de la sécurité sociale. Il est

58
inséré pour ce faire à l’article 34 un nouvel aliéna en vertu duquel « les lois de financement de
la sécu soc. déterminent conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs
prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses »

Autre apport de la révision de 1996, un débat d’orientation budgétaire – devenu débat


d’orientation des finances publiques – a lieu, avant l’été, dans les deux assemblées. Il permet
d’associer les parlementaires durant la préparation du budget de l’Etat par le gouvernement.
Pour permettre aux assemblées de débattre en séance plénière des orientations budgétaires
arrêtées par l’exécutif pour l’année à venir, les députés et sénateurs reçoivent une information
très complète tout au long de l’exercice financier en cours, tant sur la situation économique du
pays que sur l’exécution du budget de l’Etat. Désormais, les commissions des Finances du
Parlement ont obtenu que leur soit transmise de manière systématique la situation
hebdomadaire budgétaire et financière de l’État.

• Ces progrès permis par la réforme de 1996 sont toutefois restés insuffisants dès lors que l’Orce
de 1959 conférait au gouvernement un rôle essentiel. Il fallait donc réviser ses dispositions pour
permettre au rééquilibrage voulu de produire pleinement ses effets.

Après 35 tentatives de réformes inabouties, l’adoption de la loi organique du 1er août 2001va enfin
permettre une remise à plat de l’équilibre institutionnel en matière budgétaire. La LOLF est entrée
en vigueur progressivement, abrogeant au fur et à mesure les dispo de l’Orce de 1959.

Au-delà de la volonté de rendre au Parl la place qui doit être la sienne en vertu du principe du
consentement à l’impôt, on trouve dans cette réforme un changement complet de paradigme.
Désormais, le Parl et la LF ne doivent plus seulement autoriser des prélèvements et des dépenses,
ils doivent déterminer des objectifs à atteindre en matière de dépense publique. Pour ce faire, la
LOF impose au Gouv de présenter un budget fondé sur des programmes et des missions
attribués aux différents ministères. On rejoint ici une préoccupation du New Public
Management : mettre en place des mécanismes d’évaluation de la performance de l’action
publique, afin d’optimiser et de rationaliser la dépense publique.

Pour Baslé : Le consensus français devient un consensus en faveur de l’efficacité publique.


L’efficacité publique n’est pas la simple réduction des coûts, elle est au service de la « bonne
gouvernance ».

Même si les collectivités publiques rendent des services publics et n’ont pas pour objectif la
rentabilité et le profit, elles doivent néanmoins pouvoir mesurer les coûts des dépenses et
garantir une gestion publique économe de l’argent public. Utiliser plus efficacement les

59
impôts des citoyens sans les gaspiller et améliorer l’efficience des dépenses se résument sous
l’adage « dépenser mieux ». La LOLF porte de façon ambitieuse cette démarche de gestion
publique en exigeant que soit mesurée la performance des politiques publiques de l’État.

En donnant de larges libertés de gestion aux administrations, le Parlement demande en


contrepartie des engagements sur les résultats des politiques et d’en rendre compte du point de
vue de l’efficacité, de la qualité de service et de l’efficience.

Désormais, lorsque le gouvernement ne fera pas la preuve d’une pleine réalisation des
objectifs qui lui avait été attribués par la LF, il verra les crédits attribués à ces programmes
ou missions diminuer pour l’année budgétaire suivante (rupture avec la règle des services votés
qui impliquait la reconduction des montants alloués).

§3. Les enjeux du droit des finances publiques (conclusion)


Comme nous l’avons vu, les choix faits en matière de finances publiques révèlent
l’importance du rôle de l’État dans la société. C’est donc avant tout une question politique.

Sur le temps long, les dépenses publiques n’ont ainsi jamais cessé de croître, l’action publique
couvrant des secteurs de plus en plus nombreux. Ce phénomène, cette importance grandissante
est particulièrement visible dans deux champs :

- les FiP sont désormais indissociables de la politique économique qui doit être
déterminée par l’Etat (l’absence de croissance est imputée à l’Etat, pas à la société
civile) ;
- les FiP sont par ailleurs un instrument de la politique redistributive que l’Etat doit
poursuivre au nom d’un idéal de Jce sociale.

• Sur le plan juridique, il faut aussi noter que les FiP revêtent également une dimension
démocratique essentielle.

Le budget de l’État est régi dans une démocratie représentative par une grande loi (dite loi de
finances) à discuter et faire voter par le Parlement. Elle est l’expression d’une politique
nationale souhaitée par une équipe gouvernementale (président de la République, Parlement).

Le vote de la LF apparaît à cet égard comme une grand messe de la démocratie représentative,
très symptomatique de notre système politique. Un calendrier doit être respecté en fin d’année,
marqué en particulier par le dépôt le premier mardi d’octobre d’un projet du gouvernement
(l’exécutif) sur le bureau de l’Assemblée nationale, projet façonné par la haute administration
60
française, sous la houlette de la Direction du budget (voir le décret du 27 mars 2007) au
ministère de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics à Bercy, et soumis
à l’approbation de la majorité gouvernementale ou présidentielle.

Le pouvoir budgétaire n’est cependant pas pleinement équilibré entre le législatif et


l’exécutif : certes les élus (parlementaires) amendent puis autorisent, en le votant, le budget de
l’État qui est présenté conformément à une loi organique voulue par les parlementaires eux-
mêmes et relative aux lois de finances (LOLF ou loi organique nº 2001-692 votée et promulguée
le 1er août 2001, mise en œuvre le 1er janvier 2006 et amendée par la loi organique nº 2005-
779 du 12 juillet 2005) ; cependant ce sont les gouvernements issus des majorités politiques de
la période qui disposent du pouvoir d’initiative, de préparation avec la haute administration et
de présentation du projet de loi de finances au Parlement, et qui mettent leurs textes au vote.

Au-delà des votes des lois de finances s’exercent ensuite, au nom des citoyens, des contrôles
de l’exécution du budget de l’État de diverses natures, le plus important, hors celui du Parlement
lors de l’adoption de la loi de règlement, étant celui de la Cour des comptes.

Traditionnellement, la Cour des comptes, créée en 1807 et composées de magistrats


inamovibles, est le juge des comptes, donc de la régularité des actions des comptables publics.
Depuis juillet 2008, selon l’article 47-2 de la Constitution, « la Cour des comptes assiste le
Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de
l’application des lois de financement de la Sécurité sociale ».

Elle s’acquitte de cette mission avec sévérité !

Trois rapports sont désormais prévus par les alinéas 3, 4 et 5 de l’article 58 de la LOLF : le rapport
sur la situation et les perspectives des finances publiques (58-3º) ; le rapport sur les résultats et la
gestion budgétaire (58-4º) ; le rapport sur la certification des comptes de l’État (58-5º).

Un pouvoir désormais très important consiste à vérifier si la trajectoire décrite dans les lois
de programmation pluriannelle des finances publiques est suivie et si, par exemple, les
moyens nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction progressive du déficit peuvent
être identifiés. Si la Cour présente des recommandations, dont 71% semblent suivies selon les
propres indicateurs de la Cour, au plan de l’équilibre, la Cour insiste encore plus que par le
passé sur le nécessaire redressement des comptes… sans être réellement entendue ! Pourtant,
elle fait preuve d’opiniâtreté : comme elle l’indique elle-même dans le rapport 2011: « Il s’agit
d’être à la fois constructif dans la critique, tenace dans le suivi des effets des interventions et

61
systématique dans l’information du public. Le défi, en la matière, est à la mesure des attentes
de l’opinion publique, que l’on sait particulièrement soucieuse de l’efficacité des contrôles. La
Cour entend d’autant plus le relever que sa mission d’information des citoyens est désormais
inscrite dans la Constitution (article 47-2º), à la suite de la révision constitutionnelle du 23
juillet 2008. »

Mais le grand public est-il vraiment sensible à l’analyse budgétaire qui reste de
nature très technique ? Malgré l’affirmation d’un principe de transparence, il est bien
difficile d’associer les citoyens plus directement à la politique budgétaire et à son
évaluation. Plus encore, il est difficile de créer de l’adhésion lorsque seules les
restrictions budgétaires semblent perçues par la pop°...

• Il faut ajouter, pour conclure sur les enjeux, qu’il y a aujourd’hui en matière de FiP, une
question d’autonomie et indépendance.

Désormais très endettée, la France était avant la crise du Covid sous la menace d’une sanction
de l’Union européenne pour « déficit excessif ». Nous verrons en effet dans la partie I que
l’intégration européenne a conduit à une européanisation des sources des FiP françaises, et
que dans le cadre de la zone euro, il est demandé aux EM de faire preuve de discipline
budgétaire.

Si la crise met entre parenthèse cette exigence, elle sera de nouveau d’actualité une fois les
problèmes sanitaires derrière nous, et l’économie relancée… Avec un problème d’équilibre
certainement aggravé et un déficit accru.

Mais plus grave encore, la France est aujourd’hui dépendante de sa capacité d’emprunter
sur les marchés financiers pour financer ses dépenses publiques. Si pour l’heure les taux
d’emprunts de l’Etat sont bas (et même négatif pour les emprunts à court terme de moins de
10 ans), car les marchés financiers considèrent que l’Etat est un emprunteur sûr (note des
agences de notation : https://fr.countryeconomy.com/gouvernement/ratings) et qu’il existe au
niveau de l’UE des mécanismes de solidarité entre EM, la capacité d’emprunt de la France reste
à la merci d’un relèvement des taux (qui peut être lié au contexte économique ou à la situation
d’autres pays de la zone euro par ex.).

Par ailleurs, sur le terrain de la souveraineté, aujourd’hui plus de la moitié de la dette


publique est détenue par des porteurs étrangers (64% en 2014). On peut donc considérer
qu’il en va de l’indépendance de la France vis-à-vis d’acteurs économiques étrangers de

62
parvenir à assainir ses comptes publics (risque en cas de guerre économique, qu’on coupe les
vivres).

La situation est un peu moins problématique depuis que la BCE a initié un programme de
rachat des titres de dette souveraine sur le marché secondaire. Elle n’a pas le droit de prêter
directement aux EM, mais elle a racheté par le biais des Banques centrales nationales aux
acteurs privés la dette des Etats. (source : http://www.bourse-investissements.fr/qui-detient-la-
dette-de-la-france/)

Assure une meilleure autonomie politique + entraîne une baisse des taux car les
investisseurs ne prennent pas de risque financier.

Partie I – Sources et principes du droit des finances publiques


Les sources du D. des FiP modernes ont donc désormais été révisées de manière à poursuivre
deux idéaux : un idéal d’équilibre institutionnel, et un idéal d’efficience budgétaire.

Elles ont une seconde caractéristique, qui est d’être des sources d’une valeur fondamentale.
Il s’agit d’une matière qui plonge ses racines, ses fondements juridiques dans la Constitution,
ainsi que dans deux autres catégories de normes placées immédiatement sous la Constitution :
la loi organique et les traités européens.

Si les normes de droit interne sont des sources traditionnelles et consacrent en grande partie
l’héritage historique en matière de finances publiques, l’irruption des sources européennes
est plus récente. Elle résulte de l’adoption du Traité de Maastricht du 7 février 1992 et de
la mise en place d’une Union économique et monétaire entre les Etats membres.

63
Pour assurer la réussite de l’Euro en tant que valeur monétaire sûre, il fallait inciter les Etats
membres à faire preuve d’une discipline budgétaire fondée sur des règles communes.

Ces deux ensembles normatifs concourent à la définition de six principes financiers essentiels
qui structurent la pratique des finances publiques et sur lesquels nous reviendrons pour les
définir et expliciter davantage leurs conséquences.

Section 1 – Des sources traditionnelles : la « constitution financière »


Les grands principes à l’œuvre sous la Ve République ont d’abord été inscrits dans la
Constitution de 1958, puis dans l’ordonnance du 2 janvier 1959. Cet ensemble a constitué
ce que la doctrine a appelé la « constitution financière de la France ». Nous rappellerons les
principes essentiels de cette dernière dans un 1er§.

Notion rassemble les principales sources juridiques du droit public financier français
contemporain. Elle entend par conséquent décrire le cadre normatif des finances publiques, la
structure juridique stable, qui résulte d'une tradition étatique et d'un ancrage historique propres

Ses principes ont été remodelés avec la LOLF, votée en 2001 et qui s’applique pleinement
depuis le 1er janvier 2006. Nous verrons dans un 2nd§, qu’il en résulte une évolution de
l’organisation des pouvoirs publics français sur la question du budget de l’État et de la
procédure législative spéciale qui est prévue pour que le Parlement « autorise » les lois de
finances.

Il faut noter également, s’agissant de la LOLF qu’elle est postérieure au T. de Maastricht


dont elle tente d’intégrer une partie des exigences. Elle sera complétée sur ce point par la loi
organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances
publiques que nous verrons dans un 3ème §.

64
§1. La Constitution financière originelle de la Vème république
Adoptée sur le fondement de l’ex-art 92 de la C°12 l’Orce organique du 2 janvier 1959 portant
loi organique relative aux lois de finances, a soumis le D des FiP à une logique de moyens.
Cette approche alors classique s’est révélée au fil du temps inadaptée pour répondre aux
nécessaires transformations de la gestion publique nationale.

Il ne faut toutefois pas méconnaître l’importance de cette ordonnance.

Aucun texte important en matière budgétaire n’avait été adopté entre la fin du 2nd empire (décret
du 31 mai 1862 sur le règlement général de la comptabilité publique) et la fin de la IVème
République. Il y a bien eu un préalable en 1956, avec l’adoption d’un décret en date du 19 juin
qui a modifié le mode de présentation du budget de l’Etat, mais son application fut de courte
durée… Le décret de 56 est emporté avec la IVème. L’Orce de 59 s’est donc attachée à
consacrer et confirmer l’essentiel des avancées issues du décret.

Ce texte novateur a, à cette époque, une portée capitale : non seulement il tente une
construction juridique cohérente à partir de mécanismes jusque-là épars et le plus souvent
inefficaces, mais encore il consacre expressément les fondements et les mécanismes des
finances publiques modernes. Il tire également des conséquences de l’interventionnisme
économique de l’Etat, en reconnaissant dans l’exposé des motifs que ce nouveau rôle de l’Etat
conduit à accroître massivement les dépenses publiques.

A. Une volonté de consolidation des FiP


L’Orce organique a été adopté pour préciser l’application des art. 34, 47, 47- 1 et 72- 2 de la C°.
Sur le plan juridique, l’ordonnance organique relative aux lois de finances a pu cependant susciter
des interrogations. La Constitution lui attribue en effet une valeur de loi organique, sans que sa
conformité à la Constitution, obligatoire pour toute loi organique, n’ait été contrôlée en amont :
d’une part, lors de son adoption, le Conseil constitutionnel n’était pas encore installé, d’autre part,
son origine gouvernementale n’aurait de toute façon pas permis ce contrôle.

12
« Les mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions et, jusqu'à cette mise en place, au
fonctionnement des pouvoirs publics seront prises en Conseil des Ministres, après avis du Conseil d'État, par
ordonnances ayant force de loi ».

65
Au contraire la LOLF, loi organique au sens de l’article 46 de la Constitution, n’a pas eu à faire
face à de telles interrogations : elle a fait l’objet du contrôle de conformité à la Constitution
prévu par l’article 61 alinéa 1 de la Constitution (décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001).

Qu’est-ce qui a pu faire naître ces doutes ?

Sur le plan de la répartition des compétences, l’ordonnance de 1959 vient dans le cadre de la
rationalisation parlementaire atténuer encore les pouvoirs du Parlement en matière budgétaire.

Cet affaiblissement potentiel de la portée du principe du consentement à l’impôt a


particulièrement fait débat, mais il a été observé à l’époque que c’est la Constitution elle-même
qui consacrait cette réduction des compétences financières du Parlement (ne serait-ce
qu’en laissant au Gouv la possibilité d’adopter les LO par voie d’Orce). Or, la Constitution a
été directement approuvée par le peuple par référendum et donc on considère à l’époque que
les FiP conservent une onction démocratique par ce biais.

Pourtant, cet affaiblissement a suscité un sentiment d’insatisfaction chez les parlementaires,


qui, tout au long de l’application de l’ordonnance de 1959, se sont sentis largement écartés
de la gestion des finances publiques de l’Etat.

Pour rappel la LOLF était la 36ème tentative de réforme ! En revalorisant sensiblement les
pouvoirs budgétaires du Parlement, la LOLF permettra de relativiser l’impact de cette
question.

Malgré cette contestation, l’étonnante longévité de l’ordonnance de 1959 est due à la


conjugaison de deux facteurs.

- En premier lieu, elle était relativement imprécise sur un certain nombre de points :
cet inconvénient apparent a en réalité constitué un avantage incontestable, en
autorisant une certaine souplesse dans son application.
- En second lieu, le Conseil constitutionnel, très fréquemment saisi à propos de la
constitutionnalité des lois de finances, a opportunément tiré profit des imprécisions
pour trouver des consensus aussi satisfaisants que possible, tant en matière de
répartition des pouvoirs qu’en ce qui concerne les procédures d’adoption et
d’exécution des lois de finances.

66
En dépit de nombreuses propositions de révision, l’ordonnance de 1959 n’a connu que deux
modifications, de portée mineure : la loi organique n° 71-474 du 22 juin 1971 porte de quinze
à vingt jours le délai imparti au Sénat pour l’examen du projet de loi de finances ; la loi
organique n° 95-1292 du 16 décembre 1995 tire les conséquences de la mise en place d’une
session parlementaire ordinaire unique.

B. Une logique de moyens


L’ordonnance de 1959, comme le fera ultérieurement la LOLF, a pour objet premier de
donner un cadre juridique aux procédures annuelles d’élaboration puis d’exécution des
lois de finances.

En ce qui concerne l’élaboration des lois de finances, le système mis en place se fonde
essentiellement sur des mécanismes de reconduction : en prenant en considération les moyens
financiers qui ont été nécessaires à la vie de l’Etat au cours de l’exercice budgétaire précédent,
on reconduit ces mêmes moyens dans la loi de finances à venir.

Pour ce faire, on utilise le mécanisme dit de "services votés" déjà évoqué préc. : les crédits
budgétaires (c’est-à-dire les autorisations de dépenses) sont reconduits par un vote global au
Parlement, et sont simplement corrigés chaque année par des "autorisations nouvelles".
Les autorisations nouvelles permettent d’adapter ces services votés aux évolutions des besoins
des administrations ou aux fluctuations des prix par exemple. Ces autorisations nouvelles
peuvent être positives (augmenter certains crédits budgétaires) ou négatives (les diminuer).

Dans ce processus de reconduction, et en dépit de quelques adaptations qui restent


possibles donc, l’objet essentiel de la loi de finances de l’année est donc de
proroger les moyens financiers jugés nécessaires l’année précédente afin de
donner les moyens à l’Etat de remplir ces missions pour une année supplémentaire.
D’où l’expression "logique de moyens" qui caractérise l’Orce de 1959.

En conséquence, le budget annuel est cloisonné par nature de charges et par ministères,
et ce au sein de subdivisions quasi immuables. La rigidité de cette répartition vient renforcer
la prépondérance institutionnelle de l’exécutif en la matière, et plus particulièrement le poids
du ministère des finances, siège des "administrations financières" où sont établies, par des
spécialistes, des évaluations chiffrées difficilement discutables.

67
Voir article sur Bercy – E-Learn

On comprend par conséquent que le Parlement soit laissé quelque peu en retrait dans toutes
ces procédures : déjà doté de pouvoirs peu efficients par les textes – ce qui l’empêche le plus
souvent de faire entendre des considérations politiques dans le débat budgétaire – il est quasi
neutralisé lorsqu’il s’agit d’arguments plus techniques qu’il n’est pas en mesure de
maîtriser.

Au-delà de ce défaut institutionnel, la logique de moyens a trouvé ses limites essentiellement


dans l’absence de mise en perspective du budget de l’Etat, de vision au long terme en
particulier s’agissant des dépenses publiques (on discute davantage des ressources à travers
la politique fiscale car elle est un argument électoral). La mise en œuvre d’une logique de
moyens ne fait pas de réelle place à une évaluation de l’efficacité des crédits budgétaires
accordés chaque année, et qui représentent 92 ou 93 % du montant total du budget annuel
de l’Etat.

Par ces mécanismes de reconduction quasi automatique, l’Etat se prive de toute


faculté d’appréciation de la pertinence de ses décisions budgétaires, puisque ces
dernières sont dictées par les moyens des exercices antérieurs.

Dès lors, les résultats de l’exécution budgétaire ne sont pas véritablement pris en compte
en tant que point de départ d’une réflexion sur le contenu des budgets à venir. Tout au plus le
des résultats chiffrés vont être établis pour évaluer les prochaines autorisations nouvelles qui
ne représentent cependant qu’une part marginale du budget.

Pas de véritable évaluation quantitative, et encore moins qualitative du budget.

A l’autre bout de l’année fiscale, au moment de l’adoption de la loi de règlement, en raison


de la logique de reconduction quasi-automatique des moyens, le Parlement n’est pas non
plus en mesure au moment du vote d’appuyer d’éventuelles initiatives de réorientations des
crédits budgétaires futurs.

Au final, le système établi par l’Orce conduit à ce que les FiP soient comme en pilotage
automatique... Cela déresponsabilisait les acteurs publics et favorisait les gaspillages d’argent
public. Pour y remédier, la 36ème tentative de réforme de l’Orce, va rompre avec le mécanisme
des « services votés ».

68
§2. Le renouvellement opéré par la LOLF
Après avoir évoqué les finalités de la réforme (A), nous évoquerons les principaux apports (B).

A. Les finalités de la réforme


Les facteurs de réussite de cette énième tentative de réforme sont multiples. Pour l’essentiel, le
Parlement voulait bénéficier d’une meilleure information et exercer un meilleur contrôle sur
les finances publiques (en particulier à travers le renforcement du rôle des commissions des
finances de chaque assemblée)13, afin que soit mieux assurer l’efficience et l’efficacité des Fip.

Mais il faut noter aussi que des modifications profondes étaient intervenues dans les
finances publiques et dans le contexte politico-juridique :

la décentralisation, qui augmente le poids financier des collectivités territoriales et


complexifie leurs rapports financiers avec l’État ;

le développement des finances sociales, avec la création des lois de financement de


la sécurité sociale (1996) ;

l’influence de la construction européenne, notamment de l’encadrement des politiques


budgétaires nationales par le pacte de stabilité et de croissance (1997), qui ont pu conduire
à devoir introduire de nouveaux mécanismes budgétaires et à aménager les grands
principes budgétaires, mais aussi l’interdépendance économique grandissante des
marchés nationaux du fait de la libéralisation des économies.

La LOLF ne se situe toutefois pas explicitement ou volontairement en totale rupture avec


le passé, tout n’est pas abandonné (≠ pas comme sous Révolution fr.). Elle reste le fruit de cette
longue construction des FiP modernes sur de nombreux aspects. D’ailleurs les députés qui en
sont à l’origine n’avaient pas en tête de procéder à une « révolution copernicienne », et
finalement beaucoup des innovations majeures ont en quelque sorte dépassé les espérances de
leurs promoteurs. La LOFL se veut en cohérence avec son temps et son environnement
juridique.

La LOLF est le fruit d’un groupe de travail, constitué à l’initiative de Laurent Fabius, alors
Président de l’Assemblée nationale, et composé de députés de tous les groupes politiques de
cette Assemblée. Leurs propositions ont été rassemblées dans un « Rapport sur l’efficacité de
la dépense publique et le contrôle parlementaire », publié le 27 janvier 1999 et souvent

13
Selon le rapport Migaud (rapport pour l’AN sur la proposition de LOLF) : Il importe en premier lieu de renforcer
le contrôle du Parlement, qui « dispose de la légitimité pour faire respecter les articles 13 et 14 de la Déclaration
des droits de l’Homme et du Citoyen » : pour ce faire, il convient de « placer désormais l’évaluation et le contrôle
au cœur de l’activité budgétaire ».

69
dénommé "Rapport Migaud", du nom du rapporteur général de la Commission des finances de
l’époque et qui est depuis 2010 le président de la Cour des comptes (Didier Migaud).

Dans l’espoir d’optimiser les dépenses, il faut selon le rapport Migaud une définition précise
des politiques publiques que l’Etat entend mener annuellement et que le parlement
l’autorise effectivement à mener, et des moyens de contrôle a posteriori pour vérifier que les
crédits budgétaires autorisés pour ces actions ont effectivement permis d’atteindre les objectifs
attribués à ces politiques publiques.

Ce rapport préconise donc l’introduction d’une logique d’évaluation de la dépense


publique dans notre « constitution financière » : la pertinence des autorisations
législatives de dépenses, données par la loi de finances initiale, sera ainsi évaluée au
regard de leur performance, et ainsi c’est de manière générale l’efficacité de la dépense
publique qui pourra être évaluée.

B. Les principaux apports de la réforme


L’idée essentielle derrière la proposition de LO qui va être adoptée sur la base des travaux du
Rapport Migaud est de substituer à la logique de moyens de l’Orce de 1959 une logique de
résultat (on parle parfois de logique de performance). Ce changement de paradigme fera l’objet
d’un très inhabituel consensus politique.

Lors du vote à l'Assemblée nationale, aucune voix n'a été émise contre le texte ; seuls se sont
abstenus les députés du groupe communiste.
Au Sénat, sur 319 suffrages exprimés, 17 seulement ont rejeté le texte (les sénateurs avaient
eux aussi produit un rapport sur les FiP, contestant que le système issu de 1959 permettait
d’assurer une transparence financière suffisante.
Au final, la loi est adoptée après deux lectures par chaque chambre, et sans qu’une
commission mixte paritaire doive être réunie.

Malgré ce consensus, et en raison des implications importantes notamment sur les règles de
procédures applicables pour l’adoption des LF, il a cependant fallu échelonner l’entrée en
vigueur des dispositions de la LOF du 1er août 2001 au 1er janvier 2005.

Les principaux apports de la « C° financière » rénovée sont de trois ordres :

70
- Renforcement du rôle du parlement
- Logique managériale
- Amélioration comptable, afin d’assurer une meilleure transparence (que nous
n’évoquerons pas)

1. Le renforcement du rôle du Parlement

Le rééquilibrage en faveur du Parlement est observable au stade du vote de la LF initiale


comme de la Loi de règlement qui intervient après l’année budgétaire pour vérifier le respect
de la LF. Ce renforcement fait de l’institution qui représente les citoyens la gardienne des
objectifs que le gouvernement s’est engagé à atteindre.

En amont, l’adoption d’une logique de résultat conduit donc à favoriser la démocratie


financière. En effet, est désormais exclut tout mécanisme automatique de reconduction des
dépenses.

Tout d’abord, le Parl peut être associé plus précocement à la réalisation du projet de LF dans le
cadre du Débat d’orientation des finances publiques, qui a lieu au mois de juin et qui lui permet
de se prononcer sur les principaux arbitrages stratégiques.

Ensuite, au stade des débats parlementaires, la nouvelle architecture du budget de l’Etat (cf.
point suivant) favorise le pouvoir d’amendements des parlementaires.

Mais surtout, les politiques publiques identifiées par la loi de finances doivent être déclinées
en objectifs qualitatifs et quantitatifs précis, dont la réalisation doit pouvoir être appréciée
au regard de critères de performance préalablement définis. Par conséquent, lors de l'adoption
de la loi de finances de l'année, les parlementaires accordent des crédits budgétaires en vue
de la réalisation de politiques publiques dont ils contrôlent par là même les objectifs.

Enfin, en aval, la LOLF introduit un « mécanisme de chaînage vertueux », en obligeant le


vote de la loi de règlement (par laquelle le Parlement exerce son contrôle sur le respect des
autorisations budgétaires accordées) avant l’examen en première lecture du prochain projet de
LF. Un projet de loi de règlement doit donc être déposé par le gouvernement au plus tard au 1er
juin de l’année qui suit l’exercice budgétaire.

71
Le chaînage vertueux, en garantissant une proximité chronologique entre la loi et
l’exercice auquel elle se rapporte, fait en sorte que la loi de règlement remplisse au mieux
sa fonction de contrôle du Gouvernement.
Cette loi de règlement renforce le suivi des engagements pris par le gouvernement et
donne corps à la logique de résultat.

2. L’introduction d’une logique managériale

Sur le plan de la gestion des fonds publics, la LOLF a introduit un modèle managérial, càd
un système de gestion par la performance. Au lieu d’un budget établi ministère par ministère,
la nomenclature budgétaire (autrement dit la façon dont les crédits budgétaires sont répartis
en dépenses autorisées) se décline désormais en grands ensembles de politiques publiques :
les missions, subdivisées en programmes et actions (MPA). La disparition de la logique de
moyens qui prévalait jusqu'alors permet que chaque politique publique se voit de manière
très claire allouer des crédits, mais aussi des objectifs, assortis d’indicateurs pour en évaluer
la réalisation.

L’écriture du budget par programmes est tournée vers les résultats de l’action
publique et non vers les moyens qu’elle met en œuvre (les discussions partent de ce que
l’on souhaite faire, et de ce que l’on a effectivement fait les années préc, et non plus de
ce que l’on a dépensé auparavant).
A chaque politique publique correspond désormais une mission, qui correspond à
une enveloppe budgétaire, qui peut être répartie sur plusieurs ministères (environ
25% des cas, mais on aurait souhaité plus car cela compense les inconvénients pour la
cohérence de l’action gouvernementale d’un trop grand nombre de ministères). On
dénombre en général une trentaine de missions par LF.
Au-dessous, on trouve des programmes, qui sont les unités d'exécution du budget, et
qui regroupent « les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble
cohérent d'actions » selon la LOLF. Là aussi une critique possible : parfois des
programmes sont rattachés artificiellement à une mission par défaut de meilleure
solution.
Enfin, les actions sont les subdivisions finales, et elles détaillent le contenu des
programme (elles sont cependant purement indicatives, elles servent à illustrer les
projets du gouvernement).

72
En marge du Budget MPA, il y a les dotations qui échappent aux critères de performance
car ce sont soit des dépenses accidentelles (n’ayant pas vocation à être reconduites et
donc pas nécessaire d’évaluer), soit des frais de fonctionnement des pouvoirs publics
régaliens (et dans ce cas c’est plutôt la logique de reconduction qui prévaut au nom d’une
certaine idée de la séparation des pouvoirs).

Ex : pour la mission « Sécurité », le programme « Police nationale » comprend les actions


suivantes :

ordre public et protection de la souveraineté


sécurité et paix publiques
sécurité routière
police des étrangers et sûreté des transports internationaux
missions de police judiciaire
commandement, ressources humaines et logistique

Le droit d'amendement donne aux parlementaires la possibilité de modifier la répartition


des crédits entre les programmes d'une même mission. Ils peuvent également créer, modifier
ou supprimer un programme.

Il faut ajouter que le pari derrière la LOLF consiste à donner plus d’autonomie aux
gestionnaires dans le choix d’affectation de la ressource financière, en échange d’une
responsabilité accrue. C’est ainsi que le droit des finances publiques de l’État s’est enrichi de
notions comme la fongibilité asymétrique des crédits ou encore le dialogue de gestion pour
introduire davantage de souplesse.

Déf° : La fongibilité asymétrique des crédits permet à un gestionnaire d'utiliser des crédits
pour des dépenses pour lesquelles elles n'étaient pas prévues à l'intérieur d'un programme, mais
sans qu'il lui soit possible d'accroître les crédits de personnel en utilisant des crédits prévus pour
d'autres natures de dépenses.

Le dialogue de gestion peut être défini comme « l’ensemble des processus d’échanges entre
deux niveaux hiérarchiques ou managériaux relatifs aux moyens et aux objectifs assignés », en
bref cela désigne la « mise en place des objectifs et des moyens » qui détermineront les
ressources financières.

Ex : directeur du collège et président université anticipe année prochaine (recrutement,


investissement, etc).

73
Ce choix d’assouplir le principe de spécialité budgétaire peut paraître paradoxal alors
que l’objectif de la LOLF est de renforcer le contrôle parlementaire. Mais cela résulte de
la volonté d’éviter les gaspillages. Dans cette perspective la globalisation des crédits
par missions, et la fongibilité des crédits au sein d’un même programme permet de
redéployer des autorisations de dépenses au service d’une meilleure efficacité de l’argent
public.
Cette liberté accrue dans l’exécution du budget est compensée par la nécessité pour le
gouvernement de justifier chaque année les demandes de crédits au regard de la
performance de la dépense publique de l’année préc. Pour permettre d’évaluer le bien-
fondé de la demande, les parlementaires pourront s’appuyer sur les indicateurs de
performance arrêté par la LF de l’année préc et comparer les résultats obtenus, ainsi
que sur un rapport annuel de performance qui doit être effectué dans la perspective de la
loi de règlement.

Dans la continuité de cette logique managériale, la LOLF a modifié les conditions de vote
du budget. Le Parlement devait et doit toujours se prononcer sur une LF structurée en deux
parties distinctes, et les parlementaires doivent adopter la première avant la seconde.

A compter du budget pour 2006, on trouve notamment dans la première partie des
dispositions fiscales (impôts et prélèvements obligatoires), un article sur les conditions
d’équilibre du budget, un plafond pour les emplois publics rémunérés par l’Etat en
équivalent temps plein = les dépenses de personnelles (jugées trop importantes), et un plafond
de variation de la dette (pour minimiser son accroissement).

S’agissant de la 2nde partie, qui était consacrée au « services votés » et « autorisations


nouvelles », il est désormais conçu pour permettre un vote « au premier euro ». Tous les
crédits de chaque mission font ainsi l’objet de l’autorisation des parlementaires, et ceux-ci
peuvent également proposer des redéploiements de crédits entre programmes par la voie
d’amendement.

Le débat budgétaire permet ainsi de mieux aborder certains enjeux financiers


majeurs, comme l’emploi public ou la dette.
Le vote des prélèvements sur recettes peut enfin susciter une discussion sur les relations
financières entre l’État, les collectivités territoriales et l’Union européenne.

74
Section 2 – Des sources rénovées : européanisation des finances
publiques

https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/11/30/annuler-la-dette-detenue-par-la-
bce-est-ce-legal-utile-souhaitable

https://www.economie.gouv.fr/facileco/bce-creation-monetaire-dette-publique#

La matière des finances publiques est originellement innervée par une préoccupation
démocratique que traduit le principe du consentement à l’impôt. Pourtant se développe
aujourd’hui une autre force : une tendance à la dépolitisation des finances publiques.

Plus exactement, les finances publiques en tant qu’objet du débat politique national sont
encadrées par de plus en plus de normes supranationales, qui sont autant de limites à la
liberté de décision des représentants du peuple qui s’ajoutent aux règles de la « constitution
financière » formée par la C° et la loi organique.

Deux phénomènes : européanisation + internationalisation

Le phénomène d’internationalisation des finances publiques a débuté avec les années 2000.
Si l’impact du droit international est au moins important sur le plan théorique par ses effets
sur le processus politique de délibération relatif aux budget de l’Etat, ce phénomène reste en
réalité assez marginal en comparaison de l’européanisation des finances publiques.

Cette influence du droit de l’Union européenne remonte au Traité de Maastricht de 1992, qui
a instauré une exigence de disciplinaire budgétaire en vue de la création d’une monnaie
commune. Elle a été renforcée à l’occasion de la crise financière qu’ont connu certains EM
de la Zone Euro depuis 2008.

Nous verrons ici en détail cette européanisation, mais Quelques mots au préalable
sur l’internationalisation, même si elle est marginale par rapport à l’européanisation
que nous évoquerons dans ce chapitre.

L’encadrement de la liberté des Etats est l’œuvre d’institutions financières internationales,


qui ont pour mission de prêter de l’argent aux Etats (= bailleur de fonds). Les réserves
financières de ces organisations internationales sont constituées par les Etats les plus riches, et
ces derniers exerceront en réalité par l’intermédiaire des bailleurs de fonds un pouvoir de

75
contrainte sur les pays contraints de recourir à leur aide (on va retrouver par exemple les grands
principes budgétaires du droit français, qui seront « imposés » aux pays en voie de
développement).

Ce système financier international est né des accords de Bretton woods de 1944, conclus
entre 44 Etats et sous l’influence des USA. Ces accords ont donné naissance au FMI (fond
monétaire international) et à la BIRD (banque internationale pour la reconstruction et le
développement).

Le FMI doit permettre de fournir des liquidités aux pays en difficulté pour éviter les
politiques de dévaluation, alors que la BIRD (aujourd’hui une des composantes de la Banque
mondiale) doit favoriser par ses prêts le développement économique.

Les accords font également du dollar la monnaie de référence dans le monde (seule monnaie
convertible en or : 1 dollar = 35 onces d’or). Le système monétaire international ainsi créé lie
le cours des devises étrangères au dollar plutôt qu’à l'or selon un taux de change fixe bien
qu’ajustable en cas de besoin (ancien système de l’étalon-or). L’abandon de ce système
monétaire est lié à une série de facteur qui vont favoriser l’inflation du dollar (il y a aura de plus
en plus de dollar en circulation, et la croissance des réserves d’or ne suit pas ce rythme) : 1971
suspension de la convertibilité (la valeur du dollar ne tient plus qu’à la confiance dans les USA)
1973 les taux de changes deviennent flottants, 1976 les accords de Jamaïque mettent fin au
système monétaire international). C’est pour éviter ce risque permanent lié aux taux de
change que l’Europe va aller vers l’UEM (après 1ère exp. du serpent monétaire européen qui
limitait la variation des taux de change, est mis en place en 1979 le Système monétaire européen
qui organise la convertibilité autour d’une unité fictive l’ECU et d’un encadrement des
variations dans la conversion des monnaies)

On peut ajouter aujourd’hui une autre institution internationale qui va favoriser la mise en place
d’un cadre commun pour les finances publiques : l’OCDE (organisation de coop° et de
développement économiques). Elle va en effet pousser les Etats à communiquer des
informations sur l’état de santé de leur économie et de leurs finances publiques, favoriser
l’émergence d’un modèle commun en matière de dépense publique (le New public
management c’est largement diffusé grâce à l’OCDE, mais on peut aussi souligner que l’OCDE
a publié des « lignes directrices pour la transparence budgétaire »), et participer au final à un
système de surveillance multilatérale.

76
Jusqu’à peu, ce système financier international promouvait de manière univoque à la
promotion d’une discipline budgétaire stricte, de « bonne gouvernance », càd d’une
recherche constante d’économies de la part des Etats.

On a pu observer cependant que le FMI, qui était alors dirigé par Christine Lagarde, a pu
prendre depuis 2014 une position favorable à une politique étatique de relance de
l’économie par l’investissement et la dépense publique pour faire face aux difficulté qu’ont
rencontré les Etats européens à la suite de la crise de la zone euro14.

Les institutions en cause produisent certes des normes de soft law (codes de bonne conduite,
standards, etc.), qui ne sont donc pas par nature contraignantes, mais les Etats sont incités à
suivre la doctrine de ces institutions internationales et à faire preuve de transparence. Ce
volontarisme des EM s’expliquent par la pression des acteurs économiques privées qui
attachent de l’importance à la solidité des finances publiques des pays dans lesquels ils
investissent ou auxquels ils prêtent de l’argent (lorsqu’une « agence de notation considère
qu’un pays manque de discipline, elle va dégrader sa note ce qui va entraîner une hausse du
taux d’emprunt de l’Etat pour financer son déséquilibre budgétaire = droit de regard des
créanciers). Par ailleurs, un autre facteur explique la force d’harmonisation des ces institutions
internationales : lorsqu’elles sont amenées à prêter de l’argent aux Etats, les instit° du système
international vont poser des conditions à l’obtention des prêts. On parle de conditionnalité de
l’aide financière.

Ex : suite à la crise de 2008, la Grèce, le Portugal et l’Irlande on fait appel au FMI et ont dû
s’engager auprès de la « Troïka »15 (FMI, Commission européenne et Banque centrale
européenne) à mettre en œuvre des plans de redressement de leurs comptes publics.

A l’inverse du système international, l’action de l’Union européenne repose sur des


normes qui sont contraignantes et il existe même théoriquement un mécanisme de
sanction des EM dont le comportement budgétaire serait de nature à nuire à l’Euro (§1).

14
En 2019, C. Lagarde reprochait même à l’Allemagne de ne pas mettre au service de l’économie son excédent
budgétaire et de ne pas avoir cherché ainsi à renforcer une croissance timide : https://lexpansion.lexpress.fr
/actualite-economique/relance-budgetaire-christine-lagarde-tance-l-allemagne_2105269.html
15
https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-la-troika.html

77
Cette pression normative du droit européen a été accrue après la crise de 2008, et
elle se retrouve désormais intégrée au sein même de l’ordre juridique français, avec
l’inscription de la « règle d’or » dans notre « constitution financière » (§2).

§1. L’exigence de solidité financière, contrepartie d’une solidarité


européenne
L’instauration d’une contrainte européenne sur les finances publiques nationales s’inscrit dans
un cadre précis : celui de l’adoption d’une monnaie commune. Dans la perspective de la
création d’une « union économique et monétaire » entre les EM, le Traité de Maastricht du
7 février 1992 a en effet instauré entre ces EM un « pacte de stabilité et de croissance ».

Ceci constitue un cas unique au monde : dans un cadre non-étatique mais supranational, a donc
été institué un mécanisme multilatéral contraignant en matière de politique budgétaire (alors
même que la politique budgétaire reste formellement entre les mains des Etats – l’Union ne
pouvant pas dicter directement aux EM les choix de politique économique à faire en matière
budgétaire, mais seulement évaluer la balance financière qui résulte de ces choix).

Ce dispositif de surveillance a été renforcé par plusieurs réformes induites par la crise de 2008,
afin d’éviter que ne se reproduise une « crise des dettes souveraines » des Etats européens –
càd une situation dans laquelle, les finances publiques d’un Etat de la zone euro sont tellement
dégradées que celui-ci n’est plus en capacité – sans solidarité européenne et internationale –
de financer son déficit public en recourant à des emprunts.

L’ensemble normatif qui résulte du droit européen est complexe – et pour certains disparates
puisqu’il résulte d’un empilement de réformes. Il faut toutefois présenter l’essentiel de ses traits
puisqu’il vient limiter les marges de manœuvre de la France en matière de FiP.

A. L’instauration d’un pacte de stabilité et de croissance au service


d’une monnaie commune
L’idée d’instaurer une monnaie commune entre des Etats qui restent indépendants n’est ni
nouvelle, ni proprement européenne. Mais la difficulté que rencontrent tous les projets d’union
monétaire est de parvenir à pérenniser cette monnaie commune. C’est pour garantir cette

78
stabilité de l’Euro, et donc sa crédibilité sur la scène internationale et économique, que son
instauration s’est accompagnée d’une politique stricte en matière de finances publiques.

Le besoin de coordination monétaire est apparu dans les années 70, avec l’abandon de la
convertibilité du dollar en or et du taux de change fixe des monnaies nationales avec le dollar.
Dans un premier temps les EM ont cherché à limiter les fluctuations de la convertibilité des
monnaies nationales. Le premier système, appelé serpent monétaire, devait ainsi éviter que la
valeur relative des monnaies varie de plus de 2,25%. Ce taux de fluctuation a été assoupli à
compter de 1979, avec la mise en place d’un mécanisme monétaire européen (SME) permettant
des fluctuations théoriques jusqu’à 15% (6% pour l’Italie en pratique) et l’adoption
d’instrument de mesure commune : l’ECU (European currency unit).

La création d’une « union éco et monétaire » (UEM) est formellement inscrite dans le Traité
de Maastricht. Le transfert de compétence monétaire qu’il instaurait été l’une des causes
de la révision de la C° fr. nécessaire avant toute possibilité de ratification du traité euro.
Atteinte à la souveraineté monétaire de la France ?

L’entrée dans l’UEM impliquait pour les EM des changements du point de vue institutionnel
(ex : les banques centrales devaient bénéficier d’une indépendance institutionnelle vis-à-vis des
institutions nationales et intégrer un réseau européen chapeauté par la Banque centrale
européenne) et des efforts importants en matière de politique macro-économique (les EM
devaient atteindre des critères de convergence en matière de stabilité des prix (càd pas
d’inflation sup à 1,5%), de taux d’intérêt et de déficit public afin de pouvoir intégrer la future
zone euro).

L’Union économique et monétaire impose aux Etats membres une discipline budgétaire et
financière rigoureuse. Ces obligations ont été initialement introduites par le Traité de Maastricht
en 1992, puis renforcées par le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) en 1997.

L’apport du Traité de Maastricht :

Dès l’adoption du Traité de Rome de 1957, la question de la politique monétaire des EM – dont
nous avons vu en introduction du cours qu’elle a des liens avec les FiP – est évoquée par le
droit communautaire dans le cadre de la politique économique des EM.

Article 107 du T. de Rome : « chaque Etat membre traite sa politique en matière de taux de
change (entre les monnaies nationales) comme un problème d'intérêt commun ».

79
Toutefois, ces dispositions faiblement contraignantes ont paru insuffisantes au fil du temps
au regard des ambitions européennes. D’abord, pour l’union économique et le marché
commun européen, il semblait pertinent économiquement d’aller vers une monnaie commune
(par ex., cela facilite la libre circulation des marchandises en favorisant la comparaison des prix
entre deux marchés nationaux, mais aussi en évitant les tentations spéculatives des EM qui
pourraient chercher à manipuler les taux de change + effet frontière). Sur le plan extérieur,
cette monnaie commune pourrait renforcer la stabilité monétaire et la puissance financière de
l’Europe face au dollar (mai aussi au Yen chinois qui monte en puissance en même temps que
l’économie du pays). L’objectif est ici de faire de l’Europe un pouvoir monétaire. Enfin, sur
le plan politique, l’adoption d’une monnaie commune – mécanisme de type fédéral – serait un
pas important vers l’« union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » que le
traité appelle dans son art 1er.

/!\ La monnaie est cependant une question non seulement régalienne mais identitaire pour
les EM. Il faudra donc attendre 1992 pour que des progrès significatifs soient faits.

Deux rapports ont précédé la réforme du traité européen :


1. Le rapport Werner (1970)
Les EM décident lors d’un sommet européen en 1969 d’assurer la stabilité de leur monnaie
en vue de la création d’une union économique et monétaire. Il demande alors au premier
ministre du Luxembourg de diriger un comité d’experts pour étudier la faisabilité de ce UEM.

80
Le rapport produit l’année suivante explicite les conditions d’une convertibilité totale et
irréversible des monnaies, d’une libre circulation des capitaux, en expliquant la nécessité
d’instaurer un centre unique de décision pour la politique économique des EM (ce qui ne sera
pas réalisé, les EM restant maître de leur politique économique) ainsi qu’un système
communautaire des banques centrales (ce qui sera fait avec le « système européen des
banques centrales ») la réalisation partiel de ce programme est à l’origine de ce qu’on
appelle « une compétence asymétrique » de l’Union européenne dans le cadre de l’UEM :
comp. exlcusive de l’UE en matière monétaire, compétence des EM en matière de politique
économique.

2. Le rapport Delors (1989)


Après la mise en place du serpent monétaire puis du SME, les EM réaffirment le besoin de
renforcer la convergence des politiques économiques et monétaires. La conception des
moyens de parvenir à instaure cette UEM est alors confiée à Jacques Delors, président de la
Commission européenne. Il propose une mise en place en trois étapes, permettant d’assurer
la fixation irrévocable des parités entre monnaies nationales (taux de change fixe), le
renforcement des liens des banques centrales sous l’autorité d’une institution supranationale.
Les EM vont approuver le plan de Jacques Delors et convoquer une conférence
intergouvernementale pour révision le traité de Rome et créer l’Union européenne.

Le 7 février 1992, le traité de Maastricht sur l'Union européenne est signé par les quinze Etats
membres, qui se disent « résolus à renforcer leurs économies ainsi qu'à en assurer la
convergence, et à établir une union économique et monétaire, comportant, conformément aux
dispositions du présent traité, une monnaie unique et stable ».

L’apport essentiel du Traité est d’instaurer un mécanisme de surveillance


multilatérale : ce mécanisme conduit à confier au Conseil, qui représente les EM, une
fonction nouvelle. Il doit institutionnaliser la coordination des politiques nationales :
à cet effet, le Conseil peut adresser des recommandations aux Etats qui pratiqueraient
des politiques porteuses de risques économiques et financiers pour la Communauté.
Le choix du Conseil, plutôt que la Commission européenne par ex, qui est censée
représenter l’intérêt général ds l’UE, est destiné à tenir compte de la persistance des
réticences nationales à confier un pouvoir de contrôle sur des questions régaliennes
à une institution supranationale et indépendante.

81
Ensuite, pour assurer la solidité de l’UEM et de sa monnaie commune, il est prévu
qu’un Etat ne pourra adopter la monnaie commune que dans le respect durable de quatre
critères – dit « critères de convergence » - destinés à assurer l’homogénéité des
économies nationales (conditions indispensables à la mise en place d’une monnaie
commune)
Ces critères sont toujours présents dans les traités, à l’article 140 TFUE16, puisque
tous les EM n’ont pas encore adopté l’Euro comme monnaie officielle (soit par choix,
soit en raison de la non-satisfaction de ces critères).

Ces quatre critères sont les suivants :

la stabilité des prix. C’est le fait de connaitre une faible inflation qui permettra de faire
la preuve de cette stabilité. En conséquence, il est convenu qu'aucun taux d'inflation ne
devra s'éloigner d'une valeur de référence commune (la moyenne des taux d'inflation
des trois Etats membres de l'Union ayant les meilleures performances en ce domaine,
dont les autres Etats ne peuvent s'écarter de plus de 1,5 %). Ce critère adaptatif permet
de tenir compte de la réalité économique des EM et de vérifier la convergence effective
des économies nationales.

les valeurs des taux d'intérêts à long terme pratiqués par chaque Etat : des différences
trop marquées entre eux risqueraient en effet de pénaliser économiquement ceux qui
pratiquent les taux les plus élevés, et par ailleurs d'entraver la libre circulation des
capitaux entre Etats membres. Ces taux d'intérêts nationaux sont donc encadrés de la
même manière, et ne doivent pas varier de plus de 2 % par rapport à ceux des trois Etats
de l'Union ayant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.

l’absence de fluctuation importante des changes entre les monnaies. Conformément


à ce que prévoyait le SME, les Etats ne doivent donc pas procéder à des dévaluations
trop importantes de leur monnaie nationale par rapport à celle d'un autre Etat membre.

le « caractère soutenable de la situation des finances publiques ». Ce quatrième critère


concerne plus directement les finances publiques proprement dites des Etats. L’ex-
article 104 C du Traité est complété par un Protocole sur la procédure concernant les

16
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/ALL/?uri=CELEX:12012E/TXT

82
déficits excessifs annexé au traité pour détailler les exigences financières qui s’imposent
aux EM.

Le PSC : le pacte est donc détaillé auj. par l’actuel article 126 TFUE et le protocole. Il
a pour objet de concrétiser les recommandations du rapport Delors en matière de
coordination des politiques éco et financières des EM. Le principe est simple : « les États
membres évitent les déficits publics excessifs ». Il instaure en cas de non-respect de ce
principe un mécanisme de sanction. Il résulte de l’article 126 et du protocole des
précisions nécessaires à l’application de ce mécanisme.
o D’une part, le déficit public d’un EM s’entend comme le déficit
du budget de l’Etat, mais aussi des budgets des Collectivités
territoriales et du budget de la sécurité sociale.
o D’autre part, le caractère excessif du déficit a été défini en
recourant à un critère quantitatif (parfois qualifié d’« imbécile »
dans la mesure où il serait trop rigide : il serait trop restrictif en
période de crise économique, et excessivement permissif en
période de croissance économique). Le critère est en réalité
double (ce qu’on oublie souvent, en se concentrant sur le premier
indicateur) – on parle des critères de Maastricht : le déficit
public ne doit pas excéder les 3% du PIB de l’Etat et la dette
publique doit être inférieur à 60% du PIB (ce second
indicateur doit éviter l’« effet boule de neige », càd la situation
où la charge de la dette est tellement lourde que les intérêts
annuels sont tellement importants qu’ils accroissent par eux-
mêmes le déficit public).

En vertu du Traité, en cas de violation de ces critères, les EM sont susceptibles d’être
sanctionnés.

Selon de l’ex-article 104 C du Traité de Rome :

- La Commission surveille l’évolution de la situation budgétaire et le montant de la


dette des EM, et si la situation des FiP d’un EM dérape elle doit élaborer un rapport et
adresser un avis au Conseil.

83
- Le Conseil statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission
décide s’il y a ou non déficit excessif après avoir entendu l’EM concerné.
- Dans ce cas, il adresse à l’EM des recommandations (non contraignantes). Si celui-
ci n’a pas mis en œuvre ces recommandations dans un délai déterminé par le Conseil,
les recommandations sont rendues publiques, puis le Conseil peut mettre en demeure
l’EM de prendre des mesures de réduction du déficit excessif.
- Tant que l’EM n’a pas mis en œuvre ces mesures, le Conseil peut décider, sur
recommandation de la Commission, d’adopter une série de mesures dont la principale
est le dépôt auprès de la Communauté d’une somme d’argent voire l’imposition
d’une amende.

B. Le renforcement du PSC et de la solidarité financière des EM


La monnaie unique est devenue une réalité progressivement à compter de l’entrée en
vigueur du T. de Maastricht. A Bruxelles, le 2 mai 1998, le Conseil européen a ainsi
« qualifié » onze Etats après avoir jugé qu’ils respectaient les critères de convergence. La
« zone euro » comprend donc initialement l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la
Finlande, la France, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, et le Portugal.
La Grèce a vu sa demande momentanément rejetée pour non-respect des critères de
convergence ; mais elle sera autorisée à adopter la monnaie unique deux ans plus tard.

Dates d’adoption de l’Euro par les Etats membres (19 au total)


Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne,
1999 Finlande, France, Irlande, l'Italie,
Luxembourg, Pays-Bas, Portugal
2001 Grèce
2007 Slovénie
2008 Chypre, Malte
2009 Slovaquie
2011 Estonie
2014 Lettonie
2015 Lituanie

84
L’Euro existe d’abord sous une forme immatérielle à partir du 1er janvier 1999. Les billets
et pièces des anciennes monnaies continuent cependant à avoir cours légal jusqu'à ce que les
billets et pièces en euro soient introduits, le 1er janvier 2002.

Dans la perspective de l’élargissement à de nouveaux EM, destinés eux aussi à


adopter la monnaie unique (seul le RU et le Danemark n’ont pas vocation à adopter
l’Euro en raison d’un opt-out), il a paru nécessaire de renforcer le pacte de stabilité
et de croissance.
S’ajoute à cette préoccupation, le constat que les Etats déjà membres de l’UE ont
eux-mêmes eu des difficultés à respecter les critères de Maastricht et qu’une
dégradation des FiP est en cours dans ces Etats.

Pour pérenniser le système mis en place par le T. de Maastricht, le PSC a été renforcé avec
l’adoption d’une résolution et deux règlements du Conseil de l’UE en 1997.

Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la


surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des
politiques économiques.

Règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la


mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

Il est rappelé ainsi les critères du T. de Maastricht, mais il est ajouté d’une part que « les Etats
membres s'engagent à respecter l'objectif budgétaire à moyen terme d'une position proche de
l'équilibre ou excédentaire ». La possibilité – voire l’obligation – de construire des excédents
budgétaires, en période de croissance, devant permettre de faire face aux fluctuations
conjoncturelles normales (= ralentissement de la croissance, en dehors d’un véritable choc
éco). En clair, les EM doivent épargner lorsque le contexte est favorable afin de pouvoir
soutenir la croissance en période de difficultés éco sans creuser leur déficit de manière
excessive.

A partir de 2003, et pour tenir compte de l’action contra-cyclique des Etats, l’équilibre
budgétaire des EM ne sera plus évalué année par année, mais en prenant en compte l’ensemble
d’un cycle économique.

Sur un plan plus technique, les règlements renforcent les obligations de communication
des EM afin de rendre plus efficace la surveillance multilatérale. En particulier, les EM doivent

85
désormais présenter chaque année des « programmes de stabilité et de convergence »
détaillant comment ils entendent revenir à l’équilibre budgétaire à moyen terme. Les EM sont
aussi invités à adopter des perspectives pluriannuelles en matière budgétaire, et à ne pas se
limiter à l’adopter de loi de finances annuelles, afin de prendre en compte les perspectives
éco sur les 4 années à venir.

Si le Conseil de l’UE identifie « dérapage de la position budgétaire par rapport à l'objectif


budgétaire à moyen terme », il peut alerter l’EM par une recommandation, en amont de la
procédure pour déficit excessif prévue par le Traité. Dans cette recommandation, le Conseil va
inviter l'Etat à prendre les mesures d'ajustement nécessaires. = On parle d’« alerte précoce ».

En outre, si cela ne suffit pas, le pacte est renforcé par l’amélioration du mécanisme de
sanction prévu en cas de déficit excessif. Par exemple, il est précisé par le règlement 1467/97
que lorsqu’un EM se voit adresser une recommandation du Conseil, il a 4 mois maximum
pour engager des actions correctives, et un second délai pour la correction du déficit lui est
indiqué (deux délais : engagement des mesures/effets des mesures). A défaut de respect de ces
délais, l’EM est mis en demeure, avec un délai réduit d’un mois pour agir, sous peine de subir
les sanctions financières évoquées préc. (dépôt ou amende).

Enfin, pour que les critères de Maastricht soient plus souples ou moins idiots, il est ajouté
(outre la mention de la constitution d’excédents budgétaires) qu’en cas de circonstances
particulières, un EM peut exceptionnellement et temporairement différer les mesures de
rétablissement de l’équilibre budgétaire. C’est le cas par exemple, lorsque les EM sont
confrontés à une grave récession économique.

L’Allemagne et la France, qui sont les deux pays à l’origine des exigences du PSC vont
être les premiers pays à faire l’objet de procédure de déficit excessif au cours de l’année
2003. Cette expérience va conduire à affaiblir le fonctionnement du mécanisme de
sanction, en renonçant à tout caractère automatique des sanctions en cas de constatation
d’un déficit excessif. On assiste ainsi à une politisation du mécanisme.

Alors que la Commission proposait au Conseil de procéder à une mise en demeure de ces
deux pays, le Conseil a décidé de suspendre la procédure. Saisie par la Commission, la CJUE
va décider dans un arrêt du 13 juillet 2004 que si le Conseil ne peut pas suspendre formellement
les procédures en cours sans recommandation en ce sens de la Com°, il n’est non plus tenu par

86
les propositions de la Com° et il peut ne pas adopter de sanction si la majorité requise n’est pas
réunie. = gPas de caractère automatique des sanctions.

En 2005, les règlements de 1997 vont être révisés pour tirer les conséquences de cet épisode :
pour l’essentiel les circonstances exceptionnelles permettant de différer la mise en œuvre
des sanctions sont élargies, de même que sont allongés les délais imposés aux Etats pour
réagir aux recommandations et éventuelles mises en demeure du Conseil.

La vie de l’UEM va être à nouveau chamboulée par la crise de 2008, et cet évènement
va mettre en évidence le besoin de renforcer non seulement la discipline budgétaire
mais aussi les outils de convergence des politiques économiques, afin de garantir la
confiance envers la zone euro et les économies nationales qui en font partie.

L’origine de la crise économique qui débute aux USA et ses origines sont financières. Ce sont
les faillites successives de grandes banques américaines, en raison de l’effondrement du marché
immobilier, qui créent les premières secousses. Mais cette crise va devenir une crise de la dette
publique en Europe dans la mesure où après avoir dû aider les banques européennes à survivre
au krach boursier, les capacités d’emprunt des EM jugés les moins fiables par les « agences de
notation » se sont dramatiquement réduites (les taux des emprunts qui leur étaient accordés
devenaient insupportables : en août 2011 par exemple, les taux à 10 ans étaient de 18,54 %, et
ceux à deux ans de 45,89 % ; mais en outre, les pays concernés se voyaient accorder des prêts
à rembourser dans des délais de plus en plus courts).

En fait, la situation des FiP grecques ne respectait pas les critères de convergence pour entrer
dans la zone euro et le gouvernement grec l'a occultée lors de la présentation de sa dette
publique. La dette publique est supérieure à 100% du PIB depuis 1999, et a dépassé les 150%
à partir de 2008. Elle représente environ 184 % du PIB fin 2015… L'ampleur des problèmes
structurels du pays, sa difficulté à prélever l'impôt, son budget militaire surdimensionné et sa
dépendance aux fonds structurels européens sont quelques-unes des composantes de la crise
grecque.

Quels vont être les réactions européennes possibles à la crise de la dette publique ?

Face à la crise, il y a avait a priori trois solutions envisageables :

87
- Faire sortir la Grèce de la zone euro pour éviter que la crise de confiance des bailleurs
de fonds ne s’étende à d’autres Etats. En réalité, c’était déjà trop tard. En raison des
inquiétudes quant à la capacité de remboursement du pays, d’autres EM ont été
victimes d’un durcissement de leurs conditions d’emprunt (parce que leurs FiP
n’étaient pas exemplaires non plus, et parce que leurs banques avaient souvent des liens
avec la dette grecque) : Irlande, Italie, Espagne, Portugal, même la France a connu des
temps d’incertitude. En outre, il n’y a pas juridiquement de possibilité de sortir de la
zone euro de prévue, sans sortie de l’UE (article 50 TUE). Enfin, la Grèce n’avait
aucune intention de sortir que ce soit de la zone euro ou de l’UE…

- Deuxième hypothèse : mutualiser les emprunts des EM, faire des emprunts communs.
Ce qui voudrait dire que la bonne situation financière des pays comme l’Allemagne ou
les Pays-Bas permettrait aux « moins bons élèves » d’emprunter dans de meilleures
conditions… mais cela dégraderait les conditions d’emprunt des « bons élèves ».
Les pays du nord ont donc refusé cette méthode de résolution de la crise
formellement interdite pas les traités (même si ce qu’on va faire pour le
coronavirus !).

- Dernière possibilité : mettre en place un système de solidarité en prêtant de l’argent


à la Grèce dans des conditions moins défavorables que celles offertes par le marché.
Une difficulté cependant, l’article 125 TFUE interdit la prise en charge des
engagements financiers d’un EM par un autre EM ou par une institution
européenne (par ex. la Banque centrale européenne) = clause de « no-bail out ».

Article 125 du TFUE

« L’Union ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités
régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises
publics d’un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières
mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. Un État membre ne répond
pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des
autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un autre État
membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la
réalisation en commun d’un projet spécifique ».

Cet article a pour finalité de se prémunir contre l’aléa moral. On parle d’aléa moral, pour
renvoyer au principe selon lequel il n’est ni raisonnable ni démocratique de laisser les
contribuables d’un pays payer pour les erreurs des gouvernements d’un autre pays, sur
lesquels ils n’ont aucun contrôle démocratique. En pratique, ce principe pousse les Etats à
88
faire preuve de rigueur budgétaire en évitant qu’ils se comportent de manière dispendieuse
au détriment des Etats économes…

Il fallait donc imagine un mécanisme de solidarité qui reste compatible avec


l’interdiction de l’article 125 TFUE.
La solution a été double :
o D’abord, la BCE s’est mise à prêter de l’argent aux banques privées en acceptant
d’être rémunérée par des obligations grecques (au lieu de rembourser les banques,
la Grèce remboursera la BCE). Ce mécanisme permet de faciliter l’emprunt pour
la Grèce, car les banques savent qu’elles pourront revendre les créances à la BCE,
sans prêter directement de l’argent à la Grèce (puisque le traité l’interdit). On dit
que la BCE agit sur le marché secondaire. Elle détient auj. de la dette de tous les
Etats mbres pour un total de 3 200 milliards.
o Deuxièmement, on a adopté entre EM un Mécanisme européen de stabilité.
Il s’agit d’une institution financière internationale à l’image du FMI, fondée sur
un Traité entré en vigueur le 27 septembre 2012 (ce traité est extérieur au droit de
l’UE, même s’il fonctionne en pratique avec les institutions européennes et en
particulier la Commission et la CJUE17). Le MES peut concéder aux EM (ou à
leurs banques privées) des prêts à des taux plus intéressants que ceux du marché,
et il peut aussi acheter des obligations des EM sur le marché secondaire (comme
la BCE). Il a pour objectif de rassurer les investisseurs et d’éviter que les agences
de notation dégradent la note attribuée à un EM. Il dispose d’un capital de 620
milliards exigibles aux EM (ils se sont engagés à hauteur de 620 milliards en cas
de besoin), et 80 milliards en fonds propres (déjà versés). La participation des
EM est fonction de leur PIB.

Pour bénéficier du MES, un EM de la zone euro doit notamment avoir ratifié un autre
traité international, qui a de lourdes conséquences sur l’autonomie des Etats sous assistance
en matière de FiP : le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance). = on
parle de stricte conditionnalité des aides européennes, et pour les EM bénéficiaires cela

17
Il faut d’ailleurs ajouter qu’une révision simplifiée de l’article 136 TFUE a précédé l’adoption du TMES par les
EM. En vertu d’une décision du Conseil européen du 16 décembre 2011, il a été ajouté à l’article 136 un §
supplémentaire : ‘3. Les États membres dont la monnaie est l’euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité
qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L’octroi, au
titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité.’

89
implique le plus souvent de devoir mettre en œuvre « un programme d’ajustement
macroéconomique » (càd. des réformes de leur politique en matière de FiP – ce qui se
répercute sur les impôts, les aides sociales, les services publics, etc.)

Quels sont les mécanismes européens destinées à encadrer les FiP des EM ?nouvelle
révision du PSC

1. Le TSCG va être précédé d’une première action, au sein même du DUE, destinée à
renforcer le Pacte de Stabilité et de Croissance.

La crise a en effet montré qu’il fallait renforcer le PSC (en tout cas telle est la leçon qu’en ont
tiré les EM) avec pour objectif d’instaurer une véritable gouvernance européenne de
l’économie (UEM). Deux actions vont être mises en œuvre par les institutions euro :

* Instauration du Semestre européen18 : afin de renforcer la coordination des


politiques économiques et budgétaires des EM, est mis en place un cycle annuel de
surveillance par le Conseil et la Commission des politiques économiques et budgétaires
des EM. Sur les six premiers mois de l’année, les institutions euro vont chercher à coordonner
les politiques des EM en matière de réformes structurelles (qui cherchent à promouvoir la
croissance et l’emploi), les politiques budgétaires, d’équilibre macroéconomique (la demande
et l’offre des pays doivent être équilibrées19). Lors des six mois suivants, la commission analyse
les plans adressés par les Etats, puis formule des recommandations qui seront avalisés par le
Conseil de l’UE, et contrôle le respect des engagements pris voir le schéma sur Elearn.

* Adoption du Six-pack : la Commission a formulé, le 29 septembre 2010, six


propositions de directives et de règlements (d'où la désignation de cet ensemble de mesures par
l'expression "Six pack", également parfois appelé " paquet gouvernance "), parmi lesquels 3
règlements réformant le PSC qui sont entrés en vigueur le 13 décembre 2011.

Un premier règlement a une portée générale : Règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement


européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en œuvre efficace de la surveillance
budgétaire dans la zone euro.

18
Semestre européen de coordination des politiques économiques
19
Ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne qui exporte beaucoup chez ses voisins européens, son économie dépendant
de la consommation des européens cela explique qu’elle soit contrainte à un minimum de solidarité avec les pays
en difficulté

90
Deux autres règlements modifient directement les deux règlements constitutifs du PSC :
-Règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011
modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance
des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques
économiques.
-Règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 modifiant le règlement (CE)
n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les
déficits excessifs.

Le Six pack comprend une directive (n° 2011/85/UE) "sur les exigences applicables aux
cadres budgétaires des États membres", qui vise notamment à améliorer la qualité et la
disponibilité des données budgétaires nationales qui sont transmises aux instances européennes.

Le premier de ces règlements vise donc une mise en œuvre plus efficace de la surveillance
budgétaire de la zone euro, avec pour cible directe le renforcement de la surveillance des
politiques économiques et budgétaires des Etats membres. Il consacre, en les réaffirmant,
les volets préventif et correctif du PSC (les EM se coordonnent et se concertent pour éviter
les déficits excessifs, et ils adoptent en principe des sanctions si les efforts ne sont pas faits).

Dans le cadre du volet préventif, les Etats doivent se fixer des objectifs budgétaires à moyen
terme (OMT) limitant non pas le montant de leurs dépenses mais leur croissance annuelle, en
fonction des recettes permettant de les financer.

Mais ce sont essentiellement des modifications des sanctions susceptibles d'être


appliquées qui constituent les éléments majeurs de cette réforme, et plus particulièrement
encore des modifications des procédures d'adoption de ces sanctions retour de l’idée
d’automaticité que la Commission avait défendue devant la CJUE. En effet, pour décider de
certaines de ces sanctions, la majorité désormais retenue est ici la majorité qualifiée inversée :
cela signifie que la proposition de sanction formulée par la Commission ne peut être écartée
que si le Conseil en prend la décision à la majorité qualifiée.

Il reste qu’avant cette sanction qui ne peut être écartée qu’à la majorité inversée, le Conseil doit
toujours décider à la majorité qualifiée « normal » qu’un Etat s’est écarté des obligations du PSC.

2. Le TSCG (ou Pacte budgétaire européen) : Il a été signé par 25 des 27 Etats alors
membres de l'UE le 2 mars 2012 (le Royaume-Uni et la République tchèque n'ont pas alors
souhaité y participer – cette dernière ayant ttefois changé d’avis après un changement de

91
majorité + La Croatie entrée dans l’UE en 2013 n’a pas souhaité y adhérer pour le moment).
Il est entré en vigueur le 1er janvier 2013 après ratification par chacun des Etats selon leurs
règles constitutionnelles.

Ce Traité international a été conclu en dehors du DUE, mais sans préjudice des obligations
européennes des EM. Il a pour objectifs de renforcer le pilier économique de l’UEM, en
favorisant la discipline budgétaire au moyen d'un pacte budgétaire, de renforcer la
coordination des politiques économiques nationales et d’améliorer la gouvernance de la zone
euro.

Le T est appelé « Pacte budgétaire » car on s’attache surtout à ce premier objectif. Et en effet,
son apport le plus visible est la consécration de la « règle d’or » qui invite les EM à respecter
le principe de l’équilibre budgétaire. Elle réitère l’exigence du PSC en que « la situation
budgétaire des administrations publiques (des) parties contractantes est en équilibre ou en
excédent » (art. 3 TSCG). Le traité apporte deux précisions importantes toutefois :

- La règle d’or est respectée si l’Etat a un déficit structurel inférieur à 0,5% du PIB.

Le déficit structurel est le déficit qui reste lorsque l'on retire tous les facteurs liés à la
conjoncture. Schématiquement, quand la croissance ralentit, les impôts rentrent moins et les
dépenses (assurance chômage, par exemple) augmentent. Au final, le déficit global gonfle sans
que structurellement la situation financière du pays se soit forcément dégradée.

« L'idée générale est de dire qu'il n'est pas grave de rater un peu notre objectif de réduction de
déficit global à cause d'une mauvaise conjoncture, tant que nous avons mené parallèlement des
réformes structurelles adéquates », résume Pierre-Olivier Beffy, chef économiste d'Exane
BNP-Paribas.

- Il est également précisé que la règle d’or doit être intégrée dans le droit national des
parties « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence
constitutionnelles », ou « dont le plein respect et la stricte observance tout au long des
processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ». De plus, un
organe indépendant du gouvernement doit vérifier son respect au sein même de l’Etat
(l’idée étant d’éviter que ce soit toujours les institutions européennes qui portent la
responsabilité politique du rappel à l’orthodoxie budgétaire) cf. §2 pour la mise en
œuvre par la France.

92
Enfin, le TSCG précise certains points du PSC et notamment ce que peuvent désigner les
« circonstances exceptionnelles » qui autorisent le nom respect du principe d’équilibre
budgétaire. voir les déclarations actuelles de la Com° face à la crise du Covid-19 sur Elearn.

S’agissant de la coordination économique, le TSCG appelle les EM à promouvoir une


croissance économique en renforçant la compétitivité, l’emploi et en assainissant les FiP.

Pour Emmanuel Macron, il faudrait à l’avenir que les pays membres de la zone euro ne soient
pas simplement appelé à se coordonner en matière de politique économique, mais il faudrait
aussi que les institutions européennes puissent agir pour la croissance économique – ce qui
impose une augmentation du budget européen, voire l’adoption d’un budget propre pour la zone
euro (mais blocage des pays du nord, qui ne veulent pas « payer » pour les autres : voir
l’interview du gouverneur de la banque d’Italie sur Elearn).

3. Le Two-Pack : Deux nouveaux règlements vont être adoptés postérieurement à l’entrée en


vigueur du TSCG pour compléter le Semestre européen et le Six-Pack.

Règlement n° 472/2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire


des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses
difficultés du point de vue de leur stabilité financière
Règlement n° 473/2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l'évaluation
des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États
membres de la zone euro.

L’objectif est de créer un cadre budgétaire commun aux EM de la zone euro (avec
notamment un calendrier commun pour l’adoption des Loi de finances annuelles, facilitant la
surveillance mutuelle). Ils sont entrés en vigueur le 21 mai 2013. Ils conduisent à renforcer
l’encadrement des procédures budgétaires nationales et notamment à garantir la sincérité des
budgets nationaux, à renforcer à nouveau la procédure pour déficit excessif, et à durcir la
surveillance des Etats en difficulté.

Ex : les États doivent désormais rendre public au plus tard le 30 avril un plan budgétaire
national à moyen terme (appelé programme de stabilité), mais aussi leurs priorités pour la
croissance et l’emploi pour les 12 prochaines mois (réunies dans un programme national de
réforme). Par rapport au semestre européen, le two pack prévoit de nouvelles dispositions pour

93
les pays membres de la zone euro, qui devront désormais élaborer et transmettre à la
Commission européenne à l’automne, le 15 octobre au plus tard, un projet de plan budgétaire
annuel, qui devra reposer sur des prévisions macroéconomiques « indépendantes ». La
Commission formule un avis le 30 novembre au plus tard sur le projet de plan budgétaire annuel,
et si elle décèle un manquement grave aux obligations découlant du pacte de stabilité et de
croissance, elle peut demander à ce que ce projet soit révisé (action préventive).

Le Two-Pack instaure l’obligation pour les EM d’instituer en son sein un « conseil


budgétaire indépendant » dont la mission est de surveiller le respect du PSC par la loi de
finances et de fournir de manière indépendante des prévisions de croissance pour son
élaboration - ce qui permet d’assurer que les prévisions de recettes seront crédibles ( création
du Haut Conseil pour les FIP par la Loi Orga du 17 déc. 2012).

En cas de déficit excessif, un système de contrôle est instauré par le Two-Pack : les EM
doivent communiquer régulièrement à la Com° des informations sur les mesures prises
pour corriger le déficit excessif (notamment un programme de partenariat éco présentant les
réformes structurelles envisagées). Chaque fois que la Com° considère que ces mesures ne sont
pas suffisantes, elle peut saisir le Conseil de l’UE qui pourra à la majorité qualif décider de
nouvelles sanctions.

Le second règlement précise que désormais la Com° peut même demander au Conseil
d’adopter à l’encontre d’un EM de la zone euro des recommandations relatives à l’adoption
d’un programme d’ajustement macroéconomique (comme dans le cadre de la stricte
conditionnalité prévue par le TMES), alors même que cet Etat ne bénéficie pas (encore) d’une
assistance financière de l’UE ou du MES si sa situation budgétaire met en péril la stabilité de
la zone euro.

Sortie de crise pour la Grèce ?

Sans entrer sur le débat – important – sur les conséquences sociales des programmes
d’ajustement macroéconomique et de la surveillance budgétaire européenne, on constate
qu’aujourd’hui la Grèce peut de nouveau se financer à des taux très bas sur le marché. Il faut
donc considérer que de ce point de vue-là, l’action européenne a fonctionné.

https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/crise-europeenne/la-grece-veut-emettre-un-
emprunt-a-15-ans-une-premiere-depuis-la-crise_3801917.html

94
https://www.capital.fr/entreprises-marches/meme-la-grece-parvient-desormais-a-emprunter-a-
taux-dinteret-negatif-1352381

C. Les Coronabonds
https://www.lefigaro.fr/conjoncture/debut-en-fanfare-pour-les-corona-bonds-de-l-ue-
20201020

§2. L’intégration en droit interne des exigences européennes postérieures à


la crise de 2008
L’influence européenne sur les FiP de la France commence avec le Traité de Maastricht et le
PSC20. Elle se manifesta également de manière indirecte dans la LOLF de 2001, qui avait
notamment pour objet d’adapter notre pratique budgétaire à ce cadre européen.

Dans la continuité de cette réforme, mais aussi afin de renforcer le pouvoir du Parlement, la
révision constitutionnelle issue de la loi du 23 juillet 2008 a ajouté un nouvel alinéa à l’art 34
de la C°. En vertu de celui-ci, « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont
définies par des lois de programmation » adoptées par le Parlement. Cette révision introduit un
objectif d’équilibre comme le précise le nouvel alinéa : les lois de programmation
« s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques »
(Remarque : ces lois qui adoptent un cadre pour les 5 ans à venir, peuvent être modifiées avant
l’arrivée à leur terme pour tenir compte d’un changement économique ou d’un changement de
majorité politique21).

La crise de 2008 et la réaction européenne ont entraîné un renforcement très visible de


l’européanisation du droit des FiP. On peut dater ce deuxième acte de l’européanisation à la

20
Lors de l’examen du Traité de Maastricht par le Conseil constitutionnel, avant sa ratification, le juge constit.
considéra qu’imposait une révision de la C° les dispositions du T relatives à « la mise en œuvre d’une politique
monétaire et d’une politique de change uniques suivant des modalités telles qu’un État membre se trouvera privé
de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté
nationale » (CC, 9 avril 1992, Traité sur l’Union européenne, DC n°92-308).
21
Par exemple, à la suite de l’adoption de la loi organique du 17 décembre 2012, une 1 ère loi de programmation
des finances publiques pour les années 2012 à 2017 a été adoptée le 31 décembre 2012. Afin de tenir compte de
l'évolution du contexte économique et des nouveaux objectifs de la politique engagée par le Gouvernement au
cours de l'année 2014 (essentiellement, un plan d'économies de 50 milliards d'euros limitant sensiblement la
croissance en volume des dépenses publiques), ce texte a été abrogé, et remplacé, le 29 décembre 2014, par une
loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. A la suite de l'élection d'Emmanuel
Macron à la Présidence de la République, cette loi a été remplacée par une loi de programmation des finances
publiques pour les années 2018 à 2022 (loi du 22 janvier 2018).

95
ratification du MES du 2 février 2012 (et de la décision du Conseil européen du 25 mars 2011
modifiant l’article 136 du TFUE) autorisée sans révision de la Constitution par les lois n° 2012-
3246 et n° 2012-3237 du 7 mars 2012.

Mais de manière plus fondamentale, c’est le TSCG qui a induit le besoin de modifier la « C°
financière » de la France. Il n’a certes pas été nécessaire de réviser formellement la C°, qui contient
peu de dispositions sur les FiP comme nous l’avons vu. Le Conseil constit. a en effet considéré qu’il
n’existait pas de motif de contrariété du T. à la C° dans une décision du 9 août 2012.

CC, 9 août 2012, TSCG, n°2012-653 :

La décision se concentre essentiellement sur le titre III du T. qui présente le « pacte budgétaire »
et en particulier la « règle d’or ». Le CC commence par considérer que la déf° de l’équilibre
budgétaire (déficit structurel de -0,5%) ne porte pas atteinte aux conditions essentielles
d’exercice de la souveraineté nationale. Le juge souligne en ce sens que la C° des déficits
publics n’est pas contraire à la C°. En vertu de l’article 55 de la C°, les traités régulièrement
ratifiés ont une valeur supérieure à la loi, donc la ratification du TSCG rendrait en soi obligatoire
pour le législateur de respecter l’objectif de l’équilibre budgétaire sans qu’il soit besoin de
réviser la C°. Si la C° ne nécessitait pas d’être révisait préalablement à sa ratification, le TSCG
imposait toutefois l’intégration dans le droit national de la règle d’or soit dans des dispositions
constitutionnelles (auquel cas, la France aurait dû réviser sa C°), soit dans « des dispo dont le
plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont
garantis de quelque autre façon ». Le traité imposait donc bien une révision de la « C°
financière de la Frce », mais c’est au niveau de la LO que cette intégration de la règle d’or s’est
faite.

La loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance


des finances publiques a donc été adoptée pour répondre à l’exigence de « nationalisation »
de la « règle d’or ».

Trois conséquences doivent être soulignées :

1. Ses dispositions concernent tout d’abord les lois de programmation prévues par l’art 34 de
la C°. Celles-ci doivent définir l’évolution de la dette, et l’évolution « des soldes structurels
annuels successifs des comptes des adm° publiques ». Ce deuxième indicateur a pour but de
chiffrer les objectifs du programme de réduction du déficit structurel (càd., le déficit prévisible
hors perturbation éco). Les lois de programme doivent donc également définir les moyens

96
d’atteindre ces objectifs, autrement expliquer comment l’Etat devra réduire ses dépenses
structurelles au cours de la période couverte, fixer le montant maximal du budget de l’Etat
(pour non pas baisser ce montant, mais réduire « la croissance des dépenses publiques » : par
ex. limiter à 1% l’augmentation du budget) et les crédits max pour les différentes missions de
l’Etat.

Si ces objectifs sont précis, et si l’adoption de ces lois de programmation est obligatoire, il faut
toutefois noter que les lois de programmation n’ont pas de portée normative. Elles ne
contraignent pas le législateur lors de l’adoption de la loi de finance annuelle.

Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs clairement rappelé que ces lois de programmation des
finances publiques n'ont pour effet ni « de porter atteinte à la liberté d'appréciation et
d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination
et la conduite de la politique de la Nation », ni « de porter atteinte aux prérogatives du
Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances » ( Décision du 13
décembre 2012, relative à la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance
des finances publiques, n° 2012-658 DC).

La dernière loi de programmation, adoptée le 22 janvier 2018, se donne pour objectif de


constituer « une nouvelle étape dans la transformation du pays engagée par le Gouvernement »,
et à cette fin de « favoriser l’activité économique […] en prévoyant une baisse de plus de trois
points de PIB de la dépense publique à horizon 2022 et une diminution d’un point du taux de
prélèvements obligatoires [pour] déboucher sur un infléchissement substantiel de la dette
publique ».

/!\ Elle devra être modifiée à la suite de la crise du Covid-19

2. La LO prévoit également l’instauration du Haut Conseil des finances publiques. Cet


organisme indépendant (placé auprès de la Cour des comptes, et présidé par le 1er Pdt de la Cour
des comptes22) est là pour répondre aux exigences du TSCG : vérifier le réalisme des

22
Outre son président, le Haut Conseil comprend dix membres, dont le directeur de l’Insee, quatre magistrats de
la Cour des comptes, quatre membres nommés, respectivement par le président de l’Assemblée nationale, le
président du Sénat et les présidents des commissions des finances de chaque chambre parlementaire, et enfin, un
membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Ces membres sont
renouvelés par moitié tous les 5 ans.

97
prévisions de croissance du gouvernement et le respect du programme de stabilité présenté
par l’Etat à la Commission européenne.

Le HCFP rend des avis sur toutes les Q° qui relèvent de sa compétence. Il peut notamment
indiquer, lorsque les FiP s’éloignent des critères du PSC, qu’il est nécessaires la nécessité de
déclencher un mécanisme de correction, c'est-à-dire de prévoir la mise en œuvre de mesures
de redressement pour revenir à la trajectoire de solde structurel initialement prévue23.

3. Enfin, la LO de 2012 tire les conséquences de l’ensemble des mesures de renforcement de


l’UEM, de la gouvernance économique et du PSC24, en intégrant dans le calendrier de la
procédure législative d’adoption de la loi de finances pour l’année les mécanismes de
surveillance multilatérale (obligations d’information de la Commission et les éventuelles
recommandations du Conseil de l’UE dans le cadre du semestre européen). Voir schéma ci-
dessous.

23
En vue du dépôt de la loi de règlement, il appartient au Haut Conseil d’identifier les écarts importants, au sens
du traité, qui apparaîtrait entre les résultats de l’exécution de l’année écoulée et les orientations de solde structurel
définies dans la loi de programmation des finances publiques.
Le Gouvernement devra alors expliquer les raisons de ces écarts à la trajectoire lors du débat sur la loi de règlement
et proposer des mesures correctrices, le cas échéant, au moment du débat d’orientation des finances publiques en
juin. Ces mesures seront prises en compte au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année ou
projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elles devront permettre de revenir sur la trajectoire de solde
structurel initialement prévue par la loi de programmation au plus tard dans les deux ans suivant la constatation de
l’écart. Seules des circonstances exceptionnelles, par exemple une grave récession économique, peuvent justifier
de s’écarter de la trajectoire sans prendre de mesures de correction.
24
La loi organique a en fait tiré les conséquences du « Six-pack » et anticipé le « Two-Pack » venus durcir le PSC,
en prévoyant le caractère automatique des sanctions qui peuvent être prises à l’encontre d’un État membre par le
Conseil européen en cas de procédure pour déficit excessif (six pack) et en exigeant que les prévisions
macroéconomiques sous-jacentes aux lois de finances soient validées par un organisme indépendant (two pack).

98
99
Section 3 – Définition des principes du droit des finances publiques
Par souci de clarté, et de complétude, il faut revenir maintenant sur les principes du droit FiP
que codifient les normes constitutionnelles, européennes ainsi que celles des lois
organiques de 2001 et 2012.

Nonobstant ceux que nous avons évoqués dans les rappels historiques sur l’avènement d’un
droit moderne des finances publiques, six principes doivent être exposés ici : quatre principes
classiques ou « historiques » (issus en particulier de l’action de Joseph-Dominique Louis,
ministre des Finances à cinq reprises en 1814 et 1832) + deux issus de la LOF de 2001 et de
la LO de 2012 (la sincérité et la règle de l’équilibre).

Une autre distinction est parfois faite entre les « principes de disciplines » (annualité,
spécialité et équilibre) et les « principes de transparence » (unité, universalité et sincérité).
Elle a l’avantage de mettre en lumière deux finalités des FiP modernes : assurer le contrôle
démocratique et éviter le dérapage des finances.

Il faut noter enfin que ceux de la seconde catégorie conditionnent l’effectivité des principes
de la première.

Ces principes sont fondamentaux, bien qu’ils connaissent tous certains aménagements dans leur
mise en œuvre, car ils sont applicables à toutes les budgets publics – que ce soit celui établi par
la LF de l’Etat comme celui des autres personnes publiques. C’est pourquoi ils ont été
réaffirmés par une « C° financière de la France » rénovée, malgré 2 siècles d’aménagements.

§ 1 – Les principes de discipline


Les deux premiers principes, annualité et sincérité, tirent aujourd’hui leur fondement
normatif de la LOLF, mais ils ont un ancrage ancien et nous les avons donc déjà évoqués.
Il s’agit ici de revenir sur leur définition et leur portée telles qu’elles résultent du droit positif.

Nous verrons auparavant le principe d’équilibre, car bien qu’il soit consacré plus récemment
(LO de 2012), il prédétermine désormais toutes les règles applicables au FiP.

100
A. Le principe d’équilibre budgétaire
Le principe d’équilibre a été formellement consacré récemment. Pourtant, et c’est paradoxal,
il était à la base de l’esprit des finances publiques classiques (l’Etat devait se comporter en
bon « père de famille » et limiter ses interventions). Et s’il a perduré implicitement depuis lors,
la formalisation présente montre le besoin de renforcer sa dimension contraignante. Il
s’agit de passer d’une déclaration d’intention à une obligation juridique...

Ce manque d’effectivité apparente s’explique tout d’abord par


l’ambivalence du principe d’équilibre.

• D’abord, le terme est ambivalent. En première instance, on peut penser que les finances sont
toujours à l’équilibre puisqu’il faut financer toute dépense réalisée. Selon qu’on comprend ou
non les emprunts dans la perspective du principe d’équilibre, la portée du principe n’est pas
du tout la même. Si le déséquilibre budgétaire, dans son acception courante, renvoie plus
précisément à la situation dans laquelle il faut recourir à l'emprunt pour couvrir les
dépenses ; à l’inverse, au sein des FiP une définition unique et univoque de l’équilibre ne
s’est pas imposée (à propos de la loi de fi., on dira qu’elle est à l’équilibre dès lors que les
recettes couvrent les dépenses, fut-ce au prix d’une augmentation des emprunts ; tandis qu’au
sens du Pacte de stabilité et de croissance, l’équilibre suppose que l’Etat emprunte moins de
3% du PIB et que « le déficit structurel soit inférieur à 0,5% du PIB).

• Ensuite, il faut noter que le Pce est de signification duale.

- Evidemment, il condamne la situation de déséquilibre budgétaire où le budget de


l’Etat est en déficit (recettes inférieures aux dépenses). Une telle situation est perçue,
au moins en dehors de périodes de crises où on attend de l’Etat des mesures de
sauvegarde fortes, comme problématique et comme le signe d’une mauvaise gestion
financière.
- Mais, même si c’est moins évident, il n’est pas non plus souhaitable que l’Etat
instaure une situation d’excédent budgétaire (dépenses inf. aux recettes)25.
On reprochera alors à la puissance publique d’avoir privé les acteurs privés d’une
manne financière nécessaire à la mise en œuvre de leurs propres initiatives ; et on

25
C’est un risque que la France court peu : les quatre seuls budgets exécutés en excédent de la Vème République
sont ceux de 1970, 1972, 1973 et 1974.

101
suspectera l’Etat qui ne baisserait pas ses charges publiques d’être prêt à dépenser de
manière irréfléchie cet excédent (pour le justifier).

• Enfin, l’idée d’équilibre est d’une formulation un peu simplificatrice.

En premier lieu, toutes les ressources (les emprunts par ex. dans la version compréhensive de
l’équilibre) et toutes les dépenses (d’investissement versus de fonctionnement) ne se valent pas.

Ainsi, il apparaît fondamental que les opérations définitives de l’Etat soient équilibrées : c’est ce
que l’on appelle classiquement le « petit équilibre ». Il témoigne de ce que l’Etat ne vit pas « au-
dessus de ses moyens », et qu’il finance par lui-même ses dépenses courantes/structurelles.

Le fait qu’il finance par ailleurs des investissements en recourant à l’emprunt n’est pas a priori
irrationnel, d’autant qu’en principe, les investissements ainsi réalisés sont porteurs d’un
dynamisme économique qui devrait contribuer à faciliter ultérieurement le remboursement
desdits emprunts. Il est donc à l’évidence moins indispensable que les opérations temporaires
soient équilibrées à un instant donné, en raison même de leur caractère temporaire.

Dès lors, le « grand équilibre », qui prend en compte à la fois les opérations temporaires et les
opérations définitives, est le plus souvent considéré comme étant moins signifiant.

La difficulté est qu’aujourd’hui, même le petit équilibre est loin d’être réalisé dans la plupart
des Etats, et la "crise" qui a débuté en 2008 a fortement accru cet état de fait.

Deuxièmement, si la LF de l’année peut être votée à l’équilibre, elle reste fondée sur des
prévisions (on parle d’équilibre prévisionnel). C’est fondamentalement un acte de prévision,
l’évaluation des montants respectifs des recettes et des dépenses est nécessairement
approximative et aléatoire.

Les LF ont pour dernier article de la première partie (voir partie II du cours) un « article
d’équilibre ». L’article d’équilibre fait apparaître trois soldes budgétaires :
– le solde du budget général,
– le solde des comptes spéciaux,
– le solde général, somme des deux précédents.
Le deuxième volet de l’article d’équilibre comporte notamment les éléments suivants :
– un tableau de financement retraçant les ressources et les charges de trésorerie concourant à
l’équilibre financier. Ce tableau – innovation forte de la LOLF – permet d’appréhender les

102
charges de remboursement de la dette de l’État ainsi que les grandes lignes de la politique
d’émission de l’État sur les marchés financiers ;
– les autorisations relatives aux emprunts accordées au ministre chargé des finances ;
– le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État exprimé en « équivalents
temps plein travaillé » (ETPT) – qui sont une part importante des dépenses structurelles ;
– les conditions d’affectation des éventuels surplus de recettes fiscales.

En effet, on observera au cours de l’année budgétaire des évolutions qui impacteront aussi
bien les recettes que les dépenses de l’Etat (qui peuvent être impactées par la conjoncture
économique comme par la nécessité de répondre à des besoins sociaux impérieux –> ex :
répondre à un mouvement de grève peut impliquer d’engager de nouvelles dépenses).

En conséquence, le solde budgétaire ne peut en pratique jamais


réellement être nul. C’est le rôle de la loi de règlement d’établir quelles
ont été au final les ressources et les dépenses, et de préciser quelle
l’ampleur du déséquilibre d’exécution (/!\ paradoxalement, on accorde
beaucoup d’attention à l’équilibre prévisionnel, et aucun à l’équilibre
d’exécution dans le débat public – la presse).

Vous pourrez entendre parler de « solde primaire ». Cette notion désigne l’équilibre du
budget de l’Etat, exception faite du poids de la charge de la dette. Pourquoi exclure cette
dépense importante ? Parce qu’un solde primaire excédentaire est un bon indicateur. Il
démontre que l’Etat est en capacité de se désendetter.

• La formalisation accrue du principe d’équilibre est significative. Elle témoigne d’une


tendance particulière des FiP modernes, encouragée par les institutions financières
supranationales, l’idée que l’Etat – à l’image d’un acteur économique – doit gérer son
budget de manière efficiente26. La période qui s’entend entre les deux guerres mondiales a en
effet remis en cause l’idée d’équilibre, adoptée en pratique par les FiP classiques, pour favoriser
l’interventionnisme étatique via l’emprunt. Sous l’empire du Keynésianisme, l’endettement
n’est plus problématique ; il est au service d’une action économique de l’Etat. Et l’on a donc

26
On notera qu’avant même qu’elle soit liée par le Pacte de stabilité et de convergence, l’Allemagne avait fait de
l’équilibre un principe de portée constitutionnelle (Loi Fondamentale, 1949, Art. 110, al. 1 er : « les recettes doivent
équilibrer les dépenses »).

103
facilité l’admission de déficit dès lors qu’il était le résultat d’une action de relance de l’Etat en
période de crise éco (action contracylique).

Face au creusement excessif des déficits, la revalorisation du Pce d’équilibre budgétaire de


la période actuelle ne rime pas avec abandon des politiques interventionnistes (quels que
soient les débats dans l’opinion public sur les « politiques d’austérité), les Etats européens, et
l’UE elle-même, ont toujours investi pour relancer l’éco – ce qui peut être débattu, c’est le
niveau suffisant d’investissement des pouvoirs publics). Derrière l’appel à plus de rigueur
budgétaire, il y a donc une tension entre exigence d’équilibre et l’impératif de soutien
économique de l’Etat.

• Dans l’ordre jur. français, la formalisation du Pce s’est faite en deux temps (à partir de la
fin du 2nd septennat de F. Miterrand).

- Tout d’abord, la révision constit du 23 juillet 2008 a été l’occasion d’inscrire dans
l’article 34 de la C° - conformément aux critères de Maastricht - que le législateur doit
poursuivre « l’objectif d’équilibre des comptes des adm° publiques » lors de l’adoption
des lois de programmation pluriannuelles des finances publiques (voir partie II).
- Mais c’est surtout le TSCG qui a impliqué une consécration plus directe du Pce
d’équilibre, laquelle a été mise en œuvre par la loi organique du 17 déc. 2012. C’est
la « règle d’or » introduite en droit interne qui fait du principe d’équilibre une norme
contraignante à l’échelle européenne (en 2019, le déficit public moyen dans les pays de
l’UE était de 0,7%).

Il est toutefois possible de s’interroger sur l’effectivité de cette règle :


les gouvernements ont recours à de nombreux artifices pour « édulcorer » la contrainte
qu’elle représente pour la situation budgétaire nationale (ex : reports de crédits à
l’année suivante, gels de crédits alloués par le parlement pour les attribuer à des
dépenses non prévues, débudgétisation càd transfert de certaines charges sur d’autres
personnes publiques... sont autant d’outils utilisés pour cacher les dépenses).

104
B. Le principe d’annualité
L'annualité budgétaire signifie que l’autorisation parlementaire est donnée pour une année.

Art. 6 de la LOLF : « Le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des
dépenses budgétaires de l’État. »

Ce principe d’annualité, aux racines anciennes27, suppose que les pouvoirs de l’exécutifs sont
limités et qu’ils doivent donc être autorisés chaque année par « le corps législatif ». Il faut donc
que chaque année, en amont de l’année fiscale (1er janvier en vertu de l’art 1 de la LOLF qui
précise que l’année budgétaire s’étend sur l’année civile28), le budget de l’Etat soit voté. Les
conséquences de cette temporalité, de cette antériorité imposée par le principe d’annualité
sont détaillées par l’article 47 de la C° (al. 2 et s.) qui est compris comme le fondement constit
du principe d’annualité Dans la perspective du parlementarisme rationalité, l’article 47
prévoit que le gouvernement peut faire face à une volonté de blocage.

Article 47 C° :

Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi
organique.

Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante
jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai
de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions
du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n'a pas été déposée en
temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande
d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits
se rapportant aux services votés.

Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session.

Si l’annualité est donc le fondement du pouvoir budgétaire du Parlement, et une


contrainte pour le gouvernement, il n’instaure pas une prérogative sans limite au
profit de ce premier.

27
Bill of rights de 1689 au Ru, décrets du 7 juin 1789 en France puis constitutionnalisation avec la C° de 1791...
28
Contre le 1er avril au RU et le 1er octobre aux USA.

105
• Sur le plan pratique, comment se traduit l’annualité ?

La LF doit être exécutée entre le 1er janvier et le 31 décembre. Ainsi, les recettes autorisées
ne peuvent plus être prélevées après le 31, sans nouvelle autorisation parlementaire.

Plus largement, on déduit du Pce trois conséquences :

- L’antériorité
- Le caractère unique de l’autorisation donnée par le Parlement
- La limitation dans le temps de l’autorisation donnée au gouvernement qui doit donc
solliciter chaque année les représentants du peuple29.

Mais il faut encore déterminer les conditions de rattachement d’une opération financière
(recette ou dépense) à cette année budgétaire. = Question de comptabilité.

Ex : une adm° commande une prestation à une agence de communication. Le travail demandé
est finalisé au 26 décembre. Conformément au principe du service fait, l’adm° ne règle la
prestation qu’une fois celle-ci réalisée. Il est donc fort probable que le paiement soit effectué
après le 1er janvier.

Deux solutions :

- le système de gestion : si le « décaissement » (càd le paiement) est postérieur au 1er janvier,


alors il sera à rattacher à la nouvelle année budgétaire. La comptabilité publique permet ainsi
de fidèlement représenter « ce qu’il y a dans la caisse » de l’Etat, mais on estime qu’il favorise
le comportement dépensier des adm° soucieuses de dépenser tous leurs crédits avant le 31 déc.
pour ne pas les perdre.

- le système de l’exercice : on ne s’intéresse plus au moment du paiement, mais au moment où


nait la créance ou la dette de l’Etat. Dans notre exemple, le paiement bien qu’effectué après le
1er janvier resterait rattaché au budget de l’année antérieur. Ce système a l’inconvénient de
complexifier la comptabilité publique, car les comptes ne peuvent être clôturés que longtemps
après la fin de l’année budgétaire.

29
Un élément de souplesse permet toutefois, en cas de circonstances particulières, de proroger de 20 jours les
mouvements de caisse au-delà du 31 décembre.

106
Traditionnellement la France utilisait le premier système. Depuis l’adoption de la LOLF, la
comptabilité publique combine les solutions. Il faut noter à cet égard, qu’il existe plusieurs
comptes destinés à décrire le budget de l’Etat. En effet, selon l’article 27 de la LOLF : « L'Etat
tient une comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires et une comptabilité générale de
l'ensemble de ses opérations » (on parle d’une triple comptabilité, car il y a aussi un compte
destiné « à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes »).

D’une part, le système de gestion est maintenu pour la « comptabilité des recettes et des
dépenses » en vertu de l’article 28 de la LOLF.

Mais, d’autre part, pour la « comptabilité générale » (= le bilan), l’article 30 prévoit une autre
solution fondée sur le système de l’exercice.

Article 28 de la LOLF

La comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires obéit aux principes suivants :

1° Les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles
sont encaissées par un comptable public ;

2° Les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles
sont payées par les comptables assignataires. Toutes les dépenses doivent être imputées sur
les crédits de l'année considérée, quelle que soit la date de la créance.

Article 30 de la LOLF

La comptabilité générale de l'Etat est fondée sur le principe de la constatation des droits et
obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se
rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement.

• Bien qu’il soit fermement rappelé, le Pce de l’annualité connaît toujours des
assouplissements nbreux.

Comme nous l’avons déjà évoqué, le principe de l’autorisation unique et la règle de


l’antériorité sont par ex. remis en cause par les lois de finances rectificatives adoptées en cours
d’année budgétaire (art 35 LOLF)30, comme par les décrets d’avance qui permettent au gouv.
d’anticiper les LF rectificatives en cas d’urgence (art 13 LOLF).

De même, la loi de règlement vient amoindrir la portée de l’annualité : par cette loi qui est
prévue à l’article 37 de la LOLF, le Parlement peut accorder des autorisations rétroactives au

30
Voir par exemple la LF rectif du 2 décembre 2019.

107
gouvernement pour des dépenses non prévues. Ce sera le cas par exemple pour une opération
militaire.

Enfin, lorsque la LF ne peut pas être adoptée selon le calendrier prévu par l’article 47 de
la C°, cette disposition prévoit d’une part que le gouv peut adopter la LF par voie d’ordonnance
si le Parl ne s’est pas prononcé dans un délai de 70 j. (cela n’est jamais arrivé), et d’autre part,
que le gouv. peut demander en urgence au Parl l’autorisation de percevoir les impôts et
d’ouvrir des crédits par décrets sur la base des services votés.

L’article 45 de la loi organique a prévu deux procédures d’urgence, en cas de non-respect des
délais de vote du projet de loi de finances :
- celle qui est engagée au 11 décembre et qui implique que le Parlement n'adopte que la première
partie du projet de loi de finances, comprenant notamment l'autorisation de percevoir des impôts
existants ;
- et celle qui est engagée au 19 décembre et qui implique que seul l'article 1er du projet de loi de
finances soit adopté par le Parlement, donc n'autorisant que la perception des impôts existants.

De même, si la durée de l’autorisation normalement accordée par la LF est de 12 mois, il s’avère


que certaines dépenses nécessitent d’être exécutée sur plusieurs années. Elles vont être
autorisées sur la base de ce qu’on appelle les « autorisations d’engagement » (AE), qui
définissent la « limite supérieure des dépenses pouvant être engagées » sur un programme
précis (ou sur un ensemble de programmes poursuivant les mêmes objectifs) – toutefois les AE
ne peuvent servir pour les dépenses de personnel.

Les AE sont ouvertes jusqu’à consommation de l’ensemble des crédits qui ont été ouverts,
et non pas jusqu’à la fin de l’année budgétaire. Chaque nouvelle LF doit faire état du solde
des AE si le gouvernement demande, par le biais d’un arrêté inter-ministériel, le report
des crédits pour une nouvelle année budgétaire. Les reports sont de deux types : on parle de
report d’AE lorsque les dépenses n’ont pas encore été toutes engagées, et de report de crédit
de paiement lorsque les dépenses ont été engagées mais pas toutes payées (par ex., lors de la
construction d’un bâtiment, les paiements vont être échelonnés bien que la « dépense » ait été
acceptée).

108
C. Le principe de spécialité
Selon l’article 7 de la LOLF, « Les crédits sont spécialisés par programme ou par dotation ».

Le principe de spécialité ou de spécialisation des crédits votés par le Parlement en loi de


finances permet une répartition des crédits en unité31. La finalité de ce principe est de
permettre un contrôle des dépenses par le Parlement plus approfondi et de limiter ainsi
la marge de manœuvre du Gouvernement dans l'exécution du budget. En effet, en principe,
cette répartition des crédits ne peut pas être modifiée sans le consentement du Parlement.

Au début de la Vème, la LF établit une répartition par chapitres (l'ordonnance du 2 janvier


1959 précisait que les crédits « sont spécialisés par chapitre groupant les dépenses selon leur
nature ou selon leur destination »). L’inconvénient de ce procédé est d’avoir conduit à la
multiplication des chapitres (cela rend en principe le contrôle du parlement plus fin, encore
qu’en réalité le Parlement ne vote pas chapitre par chapitre32, mais surtout cela rend la LF moins
lisible et son exécution « verrouillée » : en 1956 on dénombrait déjà plus de 4 000 chapitres).

La LOLF a profondément aménagé le principe de spécialité. Désormais, le vote ne se fait plus


par chapitre mais par mission qui comprend plusieurs programmes (et l’exécution du
budget se fait au regard des programmes qui peuvent être interministériels comme nous l’avons
déjà évoqué).

Deux niveaux doivent donc être distingués :


- au niveau du vote : le budget général de l’État est divisé en 31 missions pour
2020, pour chaque mission il y a eu un vote du parlement.
- au niveau de l’exécution : c’est le programme qui est pris en compte et il y a
plus de 140 programmes dans la LF pour 2020. Le gouvernement se doit de
respecter cette répartition par programmes.

Le gouvernement dispose ainsi d’une plus grande marge de manœuvre dans l’exécution
des crédits qui sont mis à sa disposition en raison de la diminution du nombre d’unité de
spécialisation. De plus, à l’intérieur d’un programme, le gestionnaire peut utiliser les crédits
comme il le souhaite (on parle de fongibilité des crédits) sauf pour ce qui concerne les emplois
(car ces dépenses sont durables et grèvent sur le long terme le Fi pub). Mais cela a une

31
En 1817, lorsque le principe est apparu les crédits étaient adoptés par ministère. Désormais, l’autorisation se fait
par chapitres.
32
Le système utilisé est celui de l’unité de vote : un vote par titre de ministère.

109
contrepartie : il doit s’engager à atteindre des objectifs déf en fonction de critères de
performance.

L’article 7 de la LOLF décrit cette nouvelle architecture du principe de spécialité de manière


très claire :

« Les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de
l'État sont regroupés par mission relevant d'un ou plusieurs services d'un ou plusieurs
ministères.

Une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique


définie. Seule une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale peut créer une
mission. [...]

Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble
cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis,
définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet
d'une évaluation. »

Ex : la mission « Justice », qui dépend du ministère de la Justice. Elle comprend six


programmes, chacun subdivisé en actions :

Justice judiciaire
Administration pénitentiaire
Protection judiciaire de la jeunesse
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la justice
Conseil supérieur de la magistrature

Le premier programme, « Justice judiciaire », comprend cinq objectifs pour dix-sept


indicateurs de performance. Ce programme est subdivisé en huit actions :

Traitement et jugement des contentieux civils


Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales
Cassation
Enregistrement des décisions judiciaires
Soutien
Formation
Support à l'accès au droit et à la justice

• Comme les autres principes, la spécialité connait des aménagements que nous avons déjà
évoquées :

110
- Les virements et transferts de crédit (art. 12 LOLF) en fonction de ce que la dépense
est réaffectée au sein d’un même ministère pour une autre action, ou au bénéfice d’un
autre ministère mais au service de l’action originelle. Pour rappel ces opérations sont
prises par décret du Mtre des fi, après information des commissions parlementaires
compétentes.
- Les crédits globaux (art 11 LOLF) dont la destination n'est pas connue lors du vote du
projet de loi de finances.
Les crédits globaux sont regroupés au sein de la mission « Crédits non répartis » qui
comprend deux dotations, les « dépenses accidentelles et imprévisibles » et les
dépenses liées aux « mesures générales en matière de rémunérations ». Les premiers
crédits permettent de répondre, dans l'urgence, aux dépenses causées par des
catastrophes naturelles. Leurs répartitions s'effectuent « par décret pris sur le rapport du
ministre chargé des finances ». Concernant les crédits destinés à financer des mesures
générales en matière de rémunérations, ils sont répartis entre les programmes concernés
par arrêté du ministre des finances.
- Les Fonds spéciaux : Ces fonds sont exclusivement destinés à financer les dépenses
liées à la sécurité intérieure et extérieure de l'État. Le Premier ministre dispose de
ces fonds à discrétion, néanmoins la majeure partie des fonds revient à la DGSE et au
GIC (groupement interministériel de contrôle créé au sein des services du Premier
ministre pour exécuter les interceptions de sécurité autorisées). Mais, depuis la loi de
finances pour 2002, une Commission de vérification des comptes spéciaux est chargée
de s'assurer que les crédits ne sont utilisés que pour les actions liées à la sécurité.

111
§2. Les principes de transparence
Les principes précédents imposent une gestion rigoureuse des FiP. Cependant, leur efficacité
réelle dépend du contrôle parlementaire, qui lui-même dépend des trois derniers principes :
sincérité, unité, universalité. Il s’agit des principes de transparence qui conditionne le
caractère éclairé du consentement parlementaire. Puisqu’il s’agit de protéger cette
prérogative des parlementaires, c’est au Conseil constitutionnel qu’il revient de veiller au
respect des principes de transparence.

Dans cette optique la règle cardinale, c’est l’exigence de sincérité que le DFiP cherche
à garantir. Il n’est pas surprenant de constater que l’insincérité du projet de loi de
finances est le moyen le plus souvent invoqué par les parlementaires lorsqu’ils
saisissent le CC.
Ex : décision n° 93-330 DC du 29 décembre 1993
« les députés, auteurs de la seconde saisine, font valoir que cette reprise de dette doit
s'analyser comme une opération de prêt à long terme au fonds de solidarité vieillesse qui
devient ainsi le débiteur de l'État et devra assurer un remboursement échelonné en capital
et en intérêts ; que, selon eux, les engagements à ce titre pris par l'État devaient figurer
dans la loi de finances pour l'année 1994 sous forme de compte d'avance et que, dès lors
que l'avance n'est pas effectivement remboursée, les dispositions de l'article 28 de
l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 imposaient "ou bien de comptabiliser le prêt
dans le budget ou de constater la perte et d'en inscrire la charge" ; qu'en n'opérant pas de
la sorte, l'article 55 altèrerait gravement la sincérité du budget ; »
Même si le juge constit. accepte depuis 1994 de se prononcer sur « la sincérité de la
présentation générale de la loi de finances » ou sur « la sincérité budgétaire », il n’a
jamais fondé sur le principe de sincérité une déclaration d’inconstitutionnalité de la loi
de finances.

A. Le principe de sincérité
L’une des interrogations majeures en matière d’équilibre porte sur la réalité des données
chiffrées qui figurent dans la loi de finances initiale (et qui définissent donc l’équilibre
prévisionnel).

112
Par ex. les ressources prévisionnelles tirées de l’impôt sur les sociétés dépendent de la
croissance éco et de la consommation. On peut penser que le gouvernement aura tendance à
surestimer la croissance, afin de présenter un budget mieux équilibré au Parl.

Or, la quasi-totalité des services techniques chargés de l’estimation des montants des recettes et
des dépenses à venir relève du ministère de l’économie et des finances. Le Parlement lui-même
est mal équipé pour effectuer des estimations de manière contradictoire. Cela conduit les
parlementaires à se prononcer en devant faire confiance dans les estimations fournies par le gouv.

Il est dès lors facile de suspecter que le Gouvernement, souhaitant atténuer le déséquilibre
prévisionnel, surévalue les recettes attendues et/ou sous-évalue les dépenses. L’exécutif est
doutant plus incité à le faire que tout déséquilibre prévisionnel important peut avoir un impact
psychologique négatif, préjudiciable au dynamisme éco (not. sur l’investissement étranger).
dire la « vérité » pourrait donc accroître les difficultés !

/!\ Paradoxalement, comme on s’attend à ce que l’Etat minimise le risque de déséquilibre, il a


effectivement intérêt à minorer ce déséquilibre au risque sinon que les opérateurs éco
l’imaginent plus élevé encore que ce que présente l’Etat.

Il faut donc admettre que l’équilibre comptable – ou le déséquilibre –, celui des chiffres,
ne correspond jamais à l’équilibre réel, celui de la situation financière effective de l’Etat.

En dehors de surévaluations et sous évaluations, délibérées ou fortuites, d’autres dispositifs


peuvent également altérer la présentation chiffrée de la loi de finances : tel est le cas de certains
artifices comme les débudgétisations, que nous avons déjà évoqué et auxquels les
Gouvernements ont quasi systématiquement recours (attribution de dépenses aux collectivités
territoriales ou aux établissements publics).

On peut également se référer à la pratique des "gels de crédits" évoquée préc., qui consiste à
mettre en réserve certains crédits autorisés par le Parlement, le plus souvent pour les
utiliser ensuite au financement de dépenses non prévues par la loi de finances initiale : on
conçoit aisément que la souplesse ainsi laissée aux gestionnaires peut être salutaire (on parle de
"régulation budgétaire") pour optimiser la dépense publique, mais on peut malgré cela
s’interroger sur le bien-fondé de la demande initiale de crédits dont le gel ultérieur (les gels
de crédits interviennent très souvent dès le début de l’année budgétaire) tendrait à démontrer
qu’ils n’étaient pas indispensables.

113
Sur le plan de son fondement et de ses effets, il faut revenir tout d’abord à la
jurisprudence du CC :

Pour le juge constit., le principe de sincérité se rattache à l’art 14 de la DDHC et il est inhérent
au principe du consentement à l’impôt – qui serait privé de sens autrement = idée de
consentement éclairé.

Le caractère fondamental de la sincérité n’empêche pas qu’il est difficile d’identifier sa portée
juridique concrète. Il apparaît parfois essentiellement comme une exigence morale (comme
cela a été signalé, aucune décision du CC ne se fonde sur le Pce de sincérité pour déclarer une
LdFi inconstit). Ce sentiment est renforcé par l’absence de déf° positive adoptée par le juge
constit. et par le fait que même les textes qui composent la constitution financière de la France
reste plutôt vagues.

Ce qu’on doit retenir, c’est que le Pce de sincérité conduit essentiellement à « prendre en
considération, non pas tant les conséquences juridiques et matérielles des dispositions [de la
LdFI] frappées de suspicion, que les intentions et le comportement de leurs auteurs ».

Que trouve-t-on dans la LOLF ?

Article 27 : « les comptes de l'Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle
de son patrimoine et de sa situation financière ». = sincérité des comptes

Titre III de la LOLF :

Article 32 : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et
des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des
prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». = standard d’évaluation et champ
d’application du Pce de sincérité.

Article 33 : « Sous réserve des dispositions de l'article 13 de la présente loi organique,


lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire sont susceptibles d'affecter les
ressources ou les charges de l'Etat dans le courant de l'année, les conséquences de chacune
d'entre elles sur les composantes de l'équilibre financier doivent être évaluées et autorisées
dans la plus prochaine loi de finances afférente à cette année ». = dimension temporelle des
rectifications : les lois rectificatives doivent sans délai constater les évolutions par rapport à la LdFI.

114
Article 34 : « Outre l'article liminaire mentionné à l'article 7 de la loi organique n° 2012-
1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances
publiques, la loi de finances de l'année comprend deux parties distinctes.

I.-Dans la première partie, la loi de finances de l'année :


1° Autorise, pour l'année, la perception des ressources de l'Etat et des impositions de toute
nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat ;
2° Comporte les dispositions relatives aux ressources de l'Etat qui affectent l'équilibre
budgétaire ;
3° Comporte toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de
l'Etat ;
4° Evalue chacun des prélèvements mentionnés à l'article 6 ;
5° Comporte l'évaluation de chacune des recettes budgétaires ;
6° Fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds
des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que le plafond d'autorisation des
emplois rémunérés par l'Etat ;
7° Arrête les données générales de l'équilibre budgétaire, présentées dans un tableau
d'équilibre ;
8° Comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'Etat prévues à
l'article 26 et évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation
de l'équilibre financier, présentées dans un tableau de financement ;
9° Fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de
l'Etat d'une durée supérieure à un an ;
10° Arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux
évaluations de la loi de finances de l'année, du produit des impositions de toute nature établies
au profit de l'Etat.

II.-Dans la seconde partie, la loi de finances de l'année :


1° Fixe, pour le budget général, par mission, le montant des autorisations d'engagement et
des crédits de paiement ;
2° Fixe, par ministère et par budget annexe, le plafond des autorisations d'emplois ;
3° Fixe, par budget annexe et par compte spécial, le montant des autorisations d'engagement
et des crédits de paiement ouverts ou des découverts autorisés ;
4° Fixe, pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux, par programme,
le montant du plafond des reports prévus au 2° du II de l'article 15 ;
5° Autorise l'octroi des garanties de l'Etat et fixe leur régime ;

115
6° Autorise l'Etat à prendre en charge les dettes de tiers, à constituer tout autre engagement
correspondant à une reconnaissance unilatérale de dette, et fixe le régime de cette prise en
charge ou de cet engagement ;

7° Peut :
a) Comporter des dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement
des impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire ;
b) Comporter des dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année ;
c) Définir les modalités de répartition des concours de l'Etat aux collectivités territoriales ;
d) Approuver des conventions financières ;
e) Comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la
gestion des finances publiques ;
f) Comporter toutes dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat et au régime de la
responsabilité pécuniaire des agents des services publics.
III.-La loi de finances de l'année doit comporter les dispositions prévues aux 1°, 5°, 6°, 7° et 8°
du I et aux 1°, 2° et 3° du II.
= formalisation des règles de présentation qui a pour objet de standardiser les projets de LdFI
et donc d’en faciliter le déchiffrage par les parlementaires.
Si la LOLF ne formalise pas la déf° du Pce de sincérité, elle indique toutefois quels sont
éléments de sa mise en œuvre.

On notera en ce sens que :

- L’art. 32 explicite le champ du principe de sincérité : ce n’est pas que le solde


budgétaire qui est visé, mais chacune des composantes de ce solde, càd. les ressources
et les charges. En donnant des données chiffrées et réputées fiables (mêmes si elles
restent des prévisions, et sont donc par nature faillibles ce qui compte c’est la
sincérité des prévisions, même si après coup elles peuvent se révéler erronées 33) à
l’appréciation des parlementaires, le principe de sincérité permet une application plus
poussée/détaillée du Pce d’équilibre.

Le Conseil constitutionnel a jugé à cet égard que la sincérité des évaluations s’apprécie à la
date du dépôt du projet de loi de finances, mais que les évaluations peuvent être modifiées au

33
Par exemple, la prévision de croissance pour l’année 2020 qui était de 1,3% au moment de l’adoption de la loi
de finances a été révisé à -1% mi-mars puis à -8% le 8 avril (au moment de la présentation d’une seconde loi
rectificative depuis le début de la crise du coronavirus) ! Voir elearn.

116
cours de la procédure parlementaire sans que cela ne contrevienne au Pce de sincérité (CC,
29 décembre 2003, DC 2003-489).

- Les informations qui seront communiquées dans le cadre du Pce de sincérité, en


particulier les prévisions relatives à l’économie du pays, sont élaborées par l’adm° du
gouvernement et plus particulièrement du ministère des finances (« Bercy »). Il est
donc difficile d’y opposer des évaluations contradictoires pour les parlementaires qui
ne disposent pas d’un appareil administratif similaire. Les informations communiquées
peuvent toutefois être mises en regard avec les évaluations effectuées par l’OCDE ou
encore par la Commission européenne.

Remarque : la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la


gouvernance des finances publiques reprend exactement ces dispositions à propos des lois de
programmation des finances publiques. Son article 6 dispose en effet : « La loi de
programmation des finances publiques présente de façon sincère les perspectives de dépenses,
de recettes, de solde et d'endettement des administrations publiques. Sa sincérité s'apprécie
compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en
découler ».

Lors de l’examen de la LOFL (examen de constitutionnalité obligatoire pour les lois


organiques), le CC a adopté des réserves d’interprétation relatives au Pce de sincérité (CC ?
25 juillet 2001, n°2001-448 DC) :

« 60. Considérant que l'article 32 énonce le principe de sincérité des lois de finances […] ;
qu'il en résulte que […] dans le cas de la loi de finances de l'année, des lois de finances
rectificatives […] la sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes
lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances ;
61. Considérant que la sincérité de la loi de règlement s'entend en outre comme imposant
l'exactitude des comptes ;
62. Considérant que, dans ces conditions, l'article 32 est conforme à la Constitution ; ».

Quelles sont les conséquences de ces réserves d’interprétation ?

- Le CC insiste sur le lien entre la sincérité des prévisions et l’équilibre des FiP
présentée par la LdFI. Le solde du budget n’est certes pas explicitement visé par l’art
32 de la LOLF mais c’est une conséquence nécessaire de l’application aux ressources
et aux dépenses du Pce de sincérité.

117
- Le CC explicite bien que le Pce de sincérité sanctionne les erreurs intentionnelles, et
non pas celles qui résultent des aléas de la vie économique. Ce pose la question de la
preuve de cette intention ? Ne risque-t-on pas avec cette approche subjective de vider
le Pce de sa force contraignante ? On peut faire un parallèle avec le détournement de
pouvoir en droit administratif qui est très difficile à prouver…
- Ensuite, le CC prend la précaution de différencier les lois de finances, les lois
rectificatives et les lois de règlements (qui interviennent une fois l’année budgétaire
achevée et donc après l’exécution du budget). Pour ces dernières, la sincérité ne
concerne non plus des prévisions mais les comptes qui doivent donner une
représentation fidèle des recettes et des dépenses effectives.

Enfin, il faut noter au titre des « défauts » du Pce de sincérité, que le CC a jusqu’à présent
considéré que seules des erreurs volontaires graves sont de nature à justifier une
déclaration d’inconstitutionnalité.

Ex : CC, 30 décembre 1997, n°97-395 DC : alors que le CC constate que la présentation de certains
crédits accordés par la LdFI n’est pas conforme à l’Orce de 1959, le conseil se contente d’observer
qu’un rétablissement est prévu dès 1999 pour neutraliser l’erreur.

Le CC fait ainsi preuve d’une retenue certaine dans l’examen de la loi, en reconnaissant une
certaine liberté, un pouvoir d’appréciation au Parlement qui en est l’auteur.

CC, 29 décembre 2009, n°2009-599 DC : « Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil


constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même
nature que celui du Parlement, d'apprécier le montant des autorisations d'engagement et des
crédits de paiement votés ; qu'à les supposer établies, les insuffisances dénoncées ne sont pas
manifestement incompatibles avec les besoins prévisibles […] ». pas d’inconstit.

De même dans une décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018, le Conseil constitutionnel


a jugé que, dans la mesure où il ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision
de même nature que celui du Parlement, il ne lui appartient pas « d’apprécier, en l’absence
d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances, le
montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement votés ».

Pour conclure, nous pouvons citer la Cour des comptes qui dans un rapport d’audit,
paru en juin 2017, appelle à mettre fin à « l’insincérité » des LdFI. Alors qu’il est
constaté par l’institution que les projets de lois de programmation prévues par la LO

118
de 2012 bénéficient désormais d’un contrôle en amont de leur présentation aux
parlementaires34, en raison de la création de la Haute autorité pour les finances
publiques qui est indépendante du gouvernement, il n’en est rien pour les LdFI : « aucun
dispositif analogue ne permet aujourd’hui de s’assurer de la sincérité des prévisions de
finances publiques en amont de leur approbation par le Parlement » écrit Didier
Migaud.
Davantage qu’un mécanisme juridique précis et sanctionné, le Principe de sincérité
est donc pour l’heure avant tout un principe politique et éthique, lié à l’exigence
d’équilibre institutionnel ainsi qu’à un idéal démocratique et républicain. C’est
donc certainement plus à la majorité parlementaire qu’au juge constitutionnel de
s’assurer de son respect.

B. Le principe de l’unité
Comme nous l’avons évoqué, le Pce de l’unité est ancien (Révolution). S’il n’est pas sans lien
avec le principe de l’unité et de l’indivisibilité de l’Etat, il a auj. des conséquences plus
concrètes. Il implique que toute les recettes et toutes les dépenses figurent dans un document
unique soumis au vote du Parlement = le budget de l’Etat. Le Pce est donc une exigence de
clarté du budget comme l’a rappelé le CC dans une décision du 25 juillet 2001.

Le principe d’unité, très simple dans sa formulation, est aujourd’hui consacré par l’article 6 de
la LOLF : « La totalité des recettes et des dépenses doivent être inscrites dans un document
unique soumis au vote du Parlement. » Comme nous l’avons vu avec la sincérité, cela
n’empêche pas que la LdFI puisse être divisée en deux parties distinctes, tant que l’adm° et les
parlementaires peuvent saisir l’ensemble des données du budget (une multiplication des
documents relatifs aux recettes et aux dépenses rendrait plus difficile le contrôle de l’équilibre
financier).

Dimension politique et démocratique : En creux, il faut comprendre


que l’Etat ne peut donc effectuer des prélèvements, se constituer des
recettes en dehors de cette autorisation parlementaire unique. De même,
il ne peut décider sur un autre fondement d’engager des dépenses.

34
Contrôle exercé sur les perspectives macroéconomiques présentées par le gouvernement.

119
Contrairement au principe de liberté, ici tout ce qui n’est pas autorisé
par le Parlement est interdit.

Le principe devrait donc être un rempart contre la débudgétisation (tendance forte des IIIème
et IVème Rép) qui consiste à sortir du budget de l’Etat des dépenses afin de présenter des finances
publiques mieux équilibrées (en laissant la charge à une autre personne publique ou aux
organismes de sécurité sociale). En conséquence, on va par exemple afficher dans le budget de
l’Etat les dépenses liées aux activités de service public déléguées à une personne privée.

Le principe d’unité, simple dans son principe, a pourtant été mis régulièrement mis à mal par
le passé. Par ex., les IIIème et IVème Rép. avaient adopté un système de vote séparé d’une loi
autorisant les recettes et d’une lois de dépense de l’Etat, tandis que sous l’empire et pour les
moyens de la guerre se sont multipliés « les budgets extraordinaires » dans lesquels figuraient
des dépenses ordinaires…

L’Orce de 1959 entend imposer un retour à plus d’orthodoxie en imposant l’unité


législative comme corolaire de l’unité budgétaire. Dans la C° financière de la Vème, il est
aussi prévu que le budget de l’Etat présenté par la LdFI comprend outre le budget général
de l’Etat, les budgets annexes (art 18 LOLF35), et les comptes spéciaux (art. 21 à 24. de la
LOLF36) (cf. supra pour leur présentation).

L’Orce a ainsi permis un renforcement du Pce d’unité, et le CC en a assuré le respect.


Celui-ci a notamment sanctionné les débudgétisations lorsqu’elles concernaient des charges
permanentes de l’Etat relatives à des missions qui relèvent par nature de ce dernier (CC, 29
décembre 1994 n°94-351 DC à propos du transfert d’une dépense à une caisse d’assurance

35
Budgets annexes : « Des budgets annexes peuvent retracer, dans les conditions prévues par une loi de finances,
les seules opérations des services de l'État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de
production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu'elles sont
effectuées à titre principal par lesdits services. »
36
Comptes d’affectation spéciale : « Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues
par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par
nature, en relation directe avec les dépenses concernées. » dérogatoires par rapport au Pce d’universalité.
Comptes de commerce : « Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et
commercial effectuées à titre accessoire par des services de l'État non dotés de la personnalité morale. »
Comptes de concours financiers : « Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis
par l'État. »
Comptes d’opérations monétaires : « Les comptes d'opérations monétaires retracent les recettes et les dépenses
de caractère monétaire. »

120
vieillesse : « Considérant que le respect des règles d'unité et d'universalité budgétaires ainsi
énoncées s'impose au législateur ; que ces règles fondamentales font obstacle à ce que des
dépenses qui, s'agissant des agents de l'État, présentent pour lui par nature un caractère
permanent ne soient pas prises en charge par le budget ou soient financées par des ressources
que celui-ci ne détermine pas ; qu'il en va ainsi notamment du financement des majorations de
pensions, lesquelles constituent des prestations sociales légales dues par l'État à ses agents
retraités »).

Remarque : la débudgétisation a aussi été limité par la révision constitutionnelle de 1996 qui
donne le pouvoir au Parlement de se prononcer sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Il n’y a moins d’intérêt pour le gouvernement à sortir des dépenses du budget général si elles
figureront dans les LFSS.

C. Le principe de l’universalité
Là aussi, c’est l’article 6 de la LOLF qui constitue le fondement juridique du Pce
d’universalité : « Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les
recettes et les dépenses. »

Double dimension :

Cette double dimension du Pce de l’universalité remonte au début du XIXème siècle dans un
souci de transparence des flux financiers de l’Etat (dans une période où la matière est dominée
par le courant libéral).

Ce principe de transparence qui conditionne la clarté du budget et l’effectivité du contrôle


parlementaire implique donc tt d’abord une présentation intégrale des recettes et des
charges, ainsi qu’une présentation distincte, séparée des recettes et des charges. = règle du
produit brut.

Cette règle est très rigide et ne souffre quasiment pas d’exception


dans le cadre des LdFI. On peut simplement souligner le cas des
comptes spéciaux (cmptes d’opérations monétaires et comptes de
commerce), pour lesquels la LdFI donne seulement une autorisation pour
un solde.

121
Par contre la LOLF prévoit elle-même deux exceptions à son article 6
(pour un montant important : entre 60 et 70 milliards)37. On parle de
« prélèvements sur recettes ». La technique des prélèvements sur
recettes consiste à rétrocéder directement un montant de recettes à des
organismes identifiés « en vue de couvrir des charges incombant à ces
bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des
plafonnements d’impôts établis au profit des collectivités territoriales.
Ces prélèvements sur les recettes de l’État sont, dans leur destination et
leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte ». Et ces
exceptions bénéficient donc aux collectivités territoriales (40,57
milliards en 2019) (=dotations, comme par exemple la Dotation générale
de fonctionnement), mais aussi à l’Union européenne (21,44 milliards
en 2019) (la LOLF parle encore de la « participation au budget des
communautés européennes » = contributions de l’Etat au budget euro).

CC, 27 juin 2019, no 2019-784 DC, loi portant diverses dispositions institutionnelles en
Polynésie française : inconstitutionnalité d’une loi ordinaire instaurant de manière trop
imprécise « un prélèvement sur recette » au profit de la Polynésie fr.

Dans une décision du 29 décembre 1982, le CC a également rappelé que le Pce


d’universalité interdit l’affectation d’une recette particulière à une charge déterminée :
« Considérant que ces dispositions [de l’article 18 de l’Orce de 59] rappellent et développent
le principe de l'universalité budgétaire ; que ce principe répond au double souci d'assurer la
clarté des comptes de l'État et de permettre, par là même, un contrôle efficace du Parlement ;
qu'il a pour conséquence que les recettes et les dépenses doivent figurer au budget pour leur
montant brut sans être contractées et qu'est interdite l'affectation d'une recette déterminée à la
couverture d'une dépense déterminée, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de
l'article 18 [budgets annexes ; comptes spéciaux] ; »

S’il est en principe interdit d’indexer une recette sur une dépense (au
risque que le montant dépensé varie, en plus ou en moins, en fonction des

37
Ces exceptions n’étaient pas formellement reconnues sous l’empire de l’Orce de 59, alors même que la pratique
était déjà établie.

122
recettes et non pas des besoins), la non-affection est moins rigide que la
non-contraction des dépenses et des recettes.
Cette universalité est liée au Pce d’égalité qui est une valeur
fondamentale de notre régime constit. Les prélèvements obligatoires de
tous participent au financement de toutes les dépenses publiques.

La non affectation connaît des limites plus nombreuses. Selon l’art. 16 de la LOLF :
« Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations
prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables
particulières au sein du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial. »

Les deux premières exceptions ont déjà été évoquées. S’agissant des procédures comptables
particulières, elles sont régies par l’article 17 de la LOLF. Figurent par ex. dans cette catégorie
des recettes non fiscales, comme les legs et dotations, qui doivent être utilisées conformément
à l’intention de leur donateur (le CC le justifie au nom du droit de propriété).

123
Partie II – La mise en œuvre de la compétence budgétaire par les
institutions financières
La mise en œuvre des grands principes du DFiP que nous venons de rappeler relève de règles
particulièrement techniques, en particulier en ce qui concerne la comptabilité publique càd.
les normes de présentation des actifs et du passif de l’Etat.

Pour ne pas tomber dans des détails qui n’intéressent finalement que les praticiens, il faut donc
s’attacher à l’esprit de ces règles et en particulier aux exigences procédurales qui entourent
l’adoption des lois de finances elles traduisent l’équilibre des pouvoirs à l’œuvre en
matière de FiP et permettent de vérifier l’impact concret des principes de la « C° financière ».

S’agissant de l’équilibre des pouvoirs, comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, il y a
une prépondérance de l’exécutif et de l’adm° plus largement, à qui est confié le travail de
préparation du projet de LdFI et le rôle d’exécuteur du budget.

Mais il faut se rappeler que les organes de l’exécutif ne sont pas les seules institutions
financières. En effet, cette notion regroupe l’ensemble des organes qui remplissent une fonction
d’exécution, de consultation et/ou de délibération à l’égard des ressources et des charges
publiques.

Section 1 – Les institutions financières


Pour s’en tenir à l’Etat central (la section 3 qui devait envisager les coll. Décentralisées et l’UE
ne sera pas traitée), il y a donc une pluralité d’organes qui sont appelés à intervenir en
matière de FiP. Cette section est l’occasion de préciser davantage, au sein de l’exécutif en
particulier, les rôles respectifs des institutions – avant d’envisager l’adoption des instruments
du D des FiP que sont les différentes LdFI dans la section 2.

Le rôle du Parlement se cantonne pour l’essentiel à la fonction de délibération qui sera


exposée dans le cadre de l’adoption des LdFI. On rappellera seulement que ce rôle est consacré
par le principe du consentement à l’impôt, et qu’au sein du Parl, l’AN a un rôle
prépondérant par rapport au Sénat – l’art 39 de la C° lui attribuant un droit de priorité en
matière financière (« Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du
Conseil d'Etat et déposés sur le bureau de l'une des deux Assemblées. Les projets de loi de

124
finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à
l'Assemblée nationale »).

On peut encore ajouter que l’examen du projet de LdFI est confié à la Commission des finances
de chacune des assemblées avant qu’il ne soit débattu en séance plénière par l’article 39 de la
LOLF (ces commissions se prononcent sur les LdFI de l’année, mais aussi sur tous les textes
qui auront des incidences financières – et qui devront être visés a posteriori par une loi
rectificative) – ce qui donne à ces Commissions une importance fondamentale au sein des
institutions parlementaires qu’elle exerce en particulier à travers les rapports publics qu’elles
adoptent38. Se développe au sein de ces commissions une véritable expertise financière, qui
fait d’elles des interlocuteurs capables de débattre avec le gouvernement.

Paradoxalement s’agissant de la délibération sur le projet de LdFI, et en dérogation avec la proc.


législative ordinaire, c’est le texte présenté par le gouvernement qui sera débattu en séance
et non une version amendée par la Commission. Nouvelle marque de la prépondérance
de l’exécutif dans les FiP.

Au sein de l’exécutif, il faut évoquer le rôle respectif du Pdt, du 1 er mtre et du mtre des
finances. Si les deux premiers sont évoqués par la C°, c’est dans la LO que l’on retrouve
mentionnées les compétences de ce dernier.

Chef de l’Etat : bien qu’il ne soit pas mentionné par la LOLF, le Pdt a
un rôle d’arbitrage en matière financière de plus en plus important.
Puisqu’il préside le Conseil des mtres où sont arrêtés les décisions les
plus importantes, il peut exiger que ses décisions figurent dans les projets
de LdFI ou de financement de la sécu soc.
Dans cette perspective, il faut rappeler également qu’il nomme le mtre
des finances et met fin à ses fonctions (art. 8). Plus largement, il nomme
seul ou en CM beaucoup de fonctionnaires en charge des FiP, comme par
exemple les conseillers à la Cour des comptes (art. 13 C°).

38
Les Commissions des FiP jouent également un rôle majeur dans la surveillance et l’évaluation des politiques
publiques (article 57 à 60 de la LOLF). Le président, le rapporteur général et des rapporteurs spéciaux désignés à
cet effet assurent cette mission d’audit. Ils peuvent procéder à toutes investigations ‘sur pièces ou sur place’ ainsi
qu’aux auditions jugées nécessaires, et demander l’assistance de la Cour des comptes.

125
Il faut noter aussi qu’en vertu de l’article 10 de la C°, il peut
théoriquement demander au Parl avant sa promulgation de délibérer
à nouveau sur une LdFi (dans son intégralité ou sur une partie
seulement du texte).
Enfin, il faut noter que parmi les conseillers techniques de la présidence,
regroupé au sein du secrétariat général, se trouvent des spécialistes des
FiP généralement réunis dans un pôle « Economie et finances ».
1er mtre : en tant que chef de gouvernement, il est l’autorité financière
de droit commun, il assure l’exécution des LdFI adoptées par le
Parlement (avec éventuellement le contreseing des ministres compétents)
et peut exercer son pouvoir réglementaire autonome en matière de
comptabilité publique. La LOLF lui reconnaît un rôle primordial dans
la préparation du projet de LdFi, puisqu’il anime et coordonne la
politique gouvernementale selon l’article 21 de la C°.

Article 38 de la LOLF : « Sous l'autorité du Premier ministre, le ministre chargé des finances
prépare les projets de loi de finances, qui sont délibérés en conseil des ministres ».

Cela le conduit lorsque c’est nécessaire à opérer les arbitrages entre les
ministères dépensiers, en coordination avec le mtre des Finances. Il
faut noter que le 1er mtre n’est pas formellement le supérieur
hiérarchique de ce dernier (premier parmi les paires et collégialité du
gouvernement). Il ne peut donc pas exercer ses compétences propres à sa
place et le rapport de force entre les deux personnages dépendra des
personnalités en présence.

Mtre des finances : dépourvu de compétence rgltr propre, il peut toutefois


recevoir du 1er mtre une délégation. Il s’appuie sur les services financiers
centraux du gouvernement qui relève de son ministère (cabinet
ministériel, directions et sous-directions… On peut citer la direction du
budget en charge de la stratégie et de l’élaboration des projets de loi et les
réformes en matière de gestion publique ; la direction des FiP compétente
pour les questions de législations fiscales, l’établissement de l’impôt et le
contrôle des déclarations ainsi que le recouvrement des recettes ; la direction
générale des droits de douane et des droits indirects ; l’inspection générale

126
des finances qui fait de l’audit ; ou encore l’INSEE. voir l’organigramme
sur elearn), et bénéficie généralement de l’appui de deux ministres
délégués ou de secrétariat d’Etat (au budget et aux comptes publics). De
plus en plus souvent, pour assurer une plus grande cohérence de ces deux
politiques, le mtre des Finances est aussi en charge de l’économie (nous
avons vu les liens nécessaires entre ces deux politiques).
Il partage avec le mtre de l’Intérieur le rôle de préparer et de mettre en œuvre
les règles relatives aux finances publiques des collectivités territoriales ; et avec
le mtre de la Santé pour la loi de financement de la sécu soc.

Le mtre des finances doit contresigner les décisions des autres


ministres qui ont des conséquences financières, ce qui lui donne un
poids significatif au sein du gouvernement. La LOLF a procédé à un
rééquilibrage des pouvoirs financiers au profit du 1er mtre, en
particulier pour les transferts, annulations et reports de crédits (décret du
PM sur rapport du mtre des finances alors qu’avant un arrêté de ce dernier
suffisait).

Enfin, il faut évoquer des organismes auxiliaires du ministère des finances, qui vont œuvrer
soit pour la gestion des FiP, soit pour définir la politique monétaire (dont on a vu qu’elle n’était
pas sans conséquence pour les FiP) : il s’agit respectivement de la Caisse des dépôts et
consignations et de la Banque de France. Leur lien avec le gouvernement sont volontairement
ténus. La CDC est un établissement public placé sous l’autorité du Parlement, afin que sa
mission (conserver les dépôts de fonds privés. C’est elle qui est en charge d’utiliser les fonds
des livrets A pour financer la construction de logements sociaux par ex.) ne soit pas suspectée
d’être à la merci de la volonté gouvernementale. La Banque de Frce est une personne publique
sui generis, dont l’Etat est le détenteur de son capital, et qui a pour mission d’apporter son
soutien à la politique économique générale du gouvernement. Elle ne peut toutefois accepter,
ni demander des instructions au gouvernement dont elle est indépendante.

+ BPIFrance

On notera que le gouvernement est également assisté par divers organismes pour exercer sa
mission en matière de FiP : la section des finances du Conseil d’Etat qui rend obligatoirement

127
un avis juridique sur tous les projets de textes en matières financières (lois et décrets) ; la section
de l’économie et des finances du Conseil économique, social et environnemental (CESE)
qui est saisi de tous les plans et lois de programmation à caractère économique et qui pourrait
donc l’être des Lois de programmation des FiP ; la Cour des comptes qui est une jur° adm
spéciale relevant du CE en cas de pourvoi (elle juge par ex le contentieux disciplinaire des
comptables publics), mais qui a aussi des fonctions consultatives qui l’amènent à adresser au
gouvernement des rapports relatifs à l’exécution des LdFI et lois de financement de la sécu soc.
La LOLF (article 58-5) lui confie le rôle de certifier les comptes publics, càd de vérifier leur
régularité mais aussi leur sincérité. Depuis 2012, est placé auprès de la Cour des comptes le
Haut conseil des finances publiques. Composés d’experts d’économie et de finances
publiques, présidé par le premier président de la Cour des comptes, il rend des avis collégiaux
sur le réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement et vérifie la cohérence
de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques avec les engagements
européens de la France.

Voir le dernier avis sur le projet de loi rectificative d’avril 2020 (lire la synthèse).

Avis sur le Programme de stabilité 2021-2027 :

Section 2 – Les instruments de mise en œuvre de la compétence


budgétaire dans un Etat garant des choix politiques de la Nation
Au titre des instrumentions qui concourent à la mise en œuvre de la politique budgétaire de
l’Etat, et qui impliquent la coopération des institutions financières, il faut envisager notamment
les PLFP, les LdFI, et les LFSS.

§1 – Les Lois de programmation des finances publiques


Les lois de programmation des finances publiques ont été introduites à l’article 34 de la
Constitution lors de la révision du 23 juillet 2008. Elles s’inscrivent dans une démarche de
gestion pluriannuelle (3 ans minimum) des finances publiques tendue vers l’équilibre
budgétaire.

Avant la réforme constitutionnelle de 2008, l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la


Constitution était ainsi rédigé : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de
128
l’action économique et sociale de l’État ». Ex : a été adopté fin 2019 un projet de loi de
programmation pour l’enseignement et la recherche qui concerne l’université.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 remplace cet alinéa par deux alinéas : « Des lois
de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État. / Les orientations
pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles
s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. »

Comme nous l’avons déjà souligné, il n’est pas nécessaire d’attendre la fin de la période
pluriannuelle définie dans une 1ère loi de programmation pour en adopter une 2nde ou pour
modifier celle-ci ce qui porte un peu préjudice à l’idée de programmation.

Par ex., il était envisagé à l’autonome 2019 de modifier la LPFP du 22 janvier 2018 (cf. elearn)
avant que cette révision ne soit repoussée – ce qu’a regretté le Président de la Commission des
Finances du Sénat pour qui c’est l’occasion de « mettre en exergue » les déséquilibres
budgétaires : lire l’interview.

Cette innovation ne remet pas en cause le principe de l’annualité budgétaire ; en effet, il ne


s’agit ici que d’une loi ordinaire, cadrant la trajectoire financière globale de l’ensemble des
administrations publiques (APU), c’est-à-dire l’État et les adm° qui y sont rattachées, les
administrations publiques locales (APUL), et les administrations de sécurité sociale (ASSO).
Par ailleurs, les LPFP ne sauraient contraindre ni le Gouvernement ni le Parlement dans la
procédure annuelle de préparation et d’adoption du budget… Elles sont donc surtout l’occasion
d’un débat sur la trajectoire à privilégier en matière de FiP (cf. les tableaux de prévision de
retour à l’équilibre qui sont présentés dans les premiers articles de la LPFP de 2018). Les dépenses
intégrées dans la réflexion comprennent les dépenses des coll. territoriales et les contributions au
budget européen.

En tant que tel, l’outil a donc une portée juridique assez faible mais apporte une certaine
forme de solennité, grâce au vote de la représentation nationale, aux engagements
financiers que souscrit la France auprès des autorités européennes, notamment à travers les
programmes pluriannuels de stabilité transmis chaque année à la Commission européenne par
l’exécutif, en amont de la préparation du budget.

Les LPFP ont pris une importance accrue avec la ratification le 22 octobre 2012 du traité sur la
stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et l’adoption en conséquence de la loi
organique 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance

129
des finances publiques (LOPGFP). Bien que leur nature juridique soit inchangée, les LPFP
devront désormais non seulement définir les orientations générales des finances publiques,
mais aussi la trajectoire des soldes effectif et structurel (le solde effectif corrigé des
variations conjoncturelles et des mesures ponctuelles et temporaires) des APU en vue de la
réalisation des engagements pris dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

§2. Les lois de finances


L’action des parlementaires est encadrée par les règles du parlementarisme rationalisé,
instituées par la Constitution de 1958 en son article 47 s'agissant de la chronologie. Les articles
39 et 40 de la LOLF régissent la discussion et le vote parlementaire du budget.
Article 47 de la C°
Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi
organique.
Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante
jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai
de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45 [procédure
accélérée].
Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du
projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.
Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n'a pas été déposée en
temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande
d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se
rapportant aux services votés.
Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session.

Article 39

Le projet de loi de finances de l'année, y compris les documents prévus aux articles 50 et 51,
est déposé et distribué au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année qui précède celle de
l'exécution du budget. Il est immédiatement renvoyé à l'examen de la commission chargée des
finances.

Toutefois, chaque annexe générale destinée à l'information et au contrôle du Parlement est


déposée sur le bureau des assemblées et distribuée au moins cinq jours francs avant l'examen,
par l'Assemblée nationale en première lecture, des recettes ou des crédits auxquels elle se
rapporte.

Article 40

130
L'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de quarante jours
après le dépôt d'un projet de loi de finances.

Le Sénat doit se prononcer en première lecture dans un délai de vingt jours après avoir été saisi.

Si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet
dans le délai prévu au premier alinéa, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a
initialement présenté, modifié le cas échéant par les amendements votés par l'Assemblée
nationale et acceptés par lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de quinze jours
après avoir été saisi.

Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de finances
dans le délai imparti, le Gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée du texte soumis au Sénat,
modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui.

Le projet de loi de finances est ensuite examiné selon la procédure d'urgence dans les
conditions prévues à l'article 45 de la Constitution.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans le délai de soixante-dix jours après le dépôt du
projet, les dispositions de ce dernier peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Ces dispositions, assez largement redondantes, prévoient ainsi une procédure législative
dérogatoire au droit commun et ce, au moins à trois niveaux :
- L’initiative
- L’examen en commission
- La discussion en séance publique.

Elles conduisent en particulier à encadrer très strictement le temps de la procédure budgétaire.

A. Procédure d’adoption des lois de finances

Afin de s'assurer d'une adoption de la loi de finances avant que ne débute l'exercice budgétaire
auquel elle s'applique, des délais d'adoption ont en effet été prévus dans le respect du principe
d'annualité budgétaire. L'objectif de l’article 47 de la C° est d'éviter les dérives des deux
Républiques précédentes en matière de vote de cette loi Cela implique que le vote final
intervient entre le 10 et le 15 décembre. L'hypothèse a toutefois été envisagée d'un retard à
constater dans l'adoption de la loi de finances : dans ce cas le gouvernement peut recourir à des
procédures d'urgence qui lui permettent de minimiser les implications d'un tel retard.

131
1. Des délais stricts

L'article 39 de la loi organique impose que le projet de loi de finances pour l'année à venir soit
« déposé et distribué au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année qui précède celle de
l'exécution du budget ». Cette date est la même que celle de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Remarque : Le Sénat n'est saisi qu'une fois le texte adopté en première lecture par l’AN.

Il est à noter également que le projet de loi de finances est le seul texte de loi qui soit imprimé
par le Gouvernement et non par le Parlement, d'où le terme de « distribution ».

L'article 40 de la LOLF décompose le calendrier parlementaire des soixante-dix jours de


discussion du projet de loi. Ce délai concerne également les lois de finances rectificatives, mais
pas les lois de règlement que nous étudions plus loin.

- Ainsi, l’AN doit se prononcer dans un délai de quarante jours en première lecture
après le dépôt du projet de loi de finances. Le Sénat a ensuite vingt jours pour se
prononcer lui aussi en première lecture.
- si l’AN n'a pas adopté le projet en première lecture dans le délai de quarante jours, le
Sénat dispose de quinze jours pour voter le projet en première lecture, modifié par les
amendements adoptés par la chambre basse et acceptés par le Gouvernement.
- si le Sénat n'a pas adopté le projet en première lecture dans les délais de vingt jours ou
de quinze jours dans le cas précédent, ce projet est à nouveau transmis à l’AN, en l'état
où il a été remis au Sénat, mais modifié par les amendements adoptés par ce dernier et
acceptés par le Gouvernement.
- si le délai de soixante-jours n'a pas été respecté, le Gouvernement peut mettre en
œuvre son projet de loi de finances par ordonnance. Cela ne s'applique que si le
Parlement ne s'est pas prononcé. En cas contraire, deux procédures d'urgence sont
prévues :
La première est celle engagée au 11 décembre. N'est alors votée que la
première partie de la loi de finances. Celle-ci comprend l'autorisation
parlementaire de perception des impôts existants et se termine par l'article
d'équilibre. La seconde partie de la loi de finances est ainsi adoptée dans les
premiers jours de janvier.
La seconde est celle engagée au 19 décembre. N'est adopté que l'article 1er
de la loi de finances. Cet article n'autorise que la perception des impôts
existants. Le complément de la loi de finances est également adopté dans
les premiers jours de janvier.

Tjrs dans la logique de la rationalisation, la Constitution permet également au Gouvernement d'utiliser


deux procédures pour accélérer le processus de vote et imposer sa politique budgétaire :

132
- L'article 44 alinéa 3 permet un vote « bloqué », c'est-à-dire que la chambre saisie se
prononce par un seul vote sur tout ou partie du projet de loi, en ne conservant que les
amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. Cela lui permet de
supprimer les amendements contraires à ses propres choix. Cet article joue à l'AN
comme au Sénat.
- L'article 49 alinéa 3 est limité depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008
aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ainsi qu'à un
seul autre texte par session. Ainsi, le Gouvernement peut engager sa responsabilité
afin que l’AN adopte le projet de loi. La chambre basse ne peut refuser le texte qu'en
votant une motion de censure à la majorité absolue. Lorsque le Gouvernement utilise
cet article, le texte est considéré comme adopté même sans vote. Il s'agit d'une procédure
qui permet au Premier ministre de discipliner sa majorité.

2. Les obligations de communication :

En contrepartie, la « C° financière » de ces délais stricts impose au gouvernement des


obligations précise de communication, destinées à faciliter l’examen par les parlementaires
du projet de LdeFi.

Conformément aux dispositions de la LOLF, les documents budgétaires annexés au projet de


loi de finances doivent permettre d'apprécier les moyens déployés pour mettre en oeuvre les
politiques de l'État. A cette fin une nouvelle nomenclature des documents budgétaires est
entrée en vigueur pour l'exercice 2006 ; elle distingue les « bleus budgétaires », les « jaunes »
et les documents budgétaires oranges.

Les bleus budgétaires présentent l'ensemble des moyens regroupés au sein d'une
mission et alloués à une politique publique ainsi que les projets annuels de performances
des programmes qui lui sont associés. Ces annexes par mission récapitulent les crédits et les
emplois demandés en les détaillant par programme, action, titre et catégorie :

Les informations budgétaires développent les moyens alloués à une politique publique selon
l'architecture suivante :
- les 32 missions, qui correspondent aux grandes politiques de l’État (pour consulter leur
liste) ;
- les programmes servant de cadre aux grandes politiques de l’État (pour consulter les
programmes de la mission « enseignement scolaire »)

133
- les actions décrivant le contenu du programme et regroupant des crédits ayant une même
finalité.

Les jaunes : La vocation de ces annexes informatives envoyées au Parlement en début de


discussion budgétaire est de présenter, au sein d'un document unique, l'effort financier de
l'État dans un domaine d'intervention donné, effort conduit de manière dispersée par
plusieurs ministères. Il s'agit de dépasser les cloisonnements ministériels résultant de
l’ancienne présentation des "bleus", mais aussi de faire apparaître les crédits consacrés à un
objectif particulier.

Ex : « Formation professionnelle », « Grand plan d’investissement », etc. (pour voir la liste des
jaunes).

Enfin, les « oranges » ou document de politique transversale complètent le projet de loi


de finances en présentant pour une politique interministérielle concernant plusieurs
programmes, les objectifs de ces différents programmes concourant à la finalité de la
politique transversale.

Les politiques transversales sont coordonnées par un chef de file, désigné par le Premier
ministre, qui a la responsabilité de produire un document de politique transversale, annexé au
projet de loi de finances, en plus des projets annuels de performances. Ce document rassemble
les objectifs stratégiques présents dans les différents programmes concernés. Il y a à
l’heure actuelle 32 politiques transversales, donc 32 « oranges » qui accompagnent le projet
de loi.

Ex : Politique transversale en faveur de la jeunesse (document de 214 p. pour 2020 ! Pour la


liste des DPT).

Le Conseil Constitutionnel a jugé , par une décision du 29 décembre 1982, que le 1er mardi
d'octobre n'est pas qu’une date indicative et que ce qui compte c'est le respect des 70 jours,
parce qu'il s'agit en réalité d'un délais global.
De plus, le Conseil précise que l'obligation n'est pas une obligation de distribution mais de
dépôt à l’égard de ces documents accompagnants le projet de loi.
Ce point de départ va être matérialisé par une lettre du 1er ministre au président de l’AN
récapitulant tous les documents distribués. Il y a une certaine souplesse du Conseil à l'égard de
l'exécutif qui distingue la date de dépôt du projet de loi de finances avec une autre date plus
éloignée, le moment où tous les bleus sont déposés. C'est à partir de cette date que le délai

134
commence réellement à courir (généralement vers le 11 ou le 12 octobre). Cela permet ainsi de
conférer plus de temps aux commissions pour travailler puisqu'elles vont commencer dès le
dépôt du projet de loi, sans faire du 1er mardi d’octobre une date fatidique en cas de retard.

3. La discussion en séance publique

Le débat en séance publique se déroule en plusieurs étapes. Le projet de loi de finances se


présente en deux parties, l'ordre des votes suit une procédure précise que développe l'article 42
de la loi organique : « La seconde partie du projet de loi de finances de l'année et, s'il y a lieu,
des projets de loi de finances rectificative, ne peut être mise en discussion devant une assemblée
avant l'adoption de la première partie ».

Cela permet de voter l'article d'équilibre, qui est le 1er article de la LdFI, avant
d'adopter les différents crédits des programmes.

Cette antériorité de la première partie découle d'une décision du Conseil constitutionnel. En


1979, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1980, le vote de l'article d'équilibre
avait été négatif et la chambre basse avait poursuivi ses travaux en étudiant la seconde partie de
la loi de finances. Le Conseil constitutionnel avait jugé cela irrégulier (décision du 24 décembre
1979, projet de loi de finances pour 1980).

En outre, l'article 43 de la loi organique organise les votes des différents éléments du projet
de loi de finances :

« Les évaluations de recettes font l'objet d'un vote d'ensemble pour le budget général,
les budgets annexes et les comptes spéciaux.
Les évaluations de ressources et de charges de trésorerie font l'objet d'un vote unique.
La discussion des crédits du budget général donne lieu à un vote par mission. Les
votes portent à la fois sur les autorisations d'engagement et sur les crédits de paiement.
Les plafonds des autorisations d'emplois font l'objet d'un vote unique. Les crédits des
budgets annexes et les crédits ou les découverts des comptes spéciaux sont votés par
budget annexe et par compte spécial ».

La discussion de la première partie de la loi de finances occupe la première semaine des débats.
Le ministre du Budget commence par présenter les grandes orientations du projet. Il y a ensuite
un discours du rapporteur général de la commission des finances. Enfin, lors de la discussion
générale, les orateurs des différents groupes parlementaires interviennent. Une fois la

135
discussion générale terminée, les député(e)s examinent chacun des articles de la première partie
et votent ensuite sur l'ensemble de cette partie.

Une fois la première partie adoptée, conformément à l'article 42 de la loi organique, l'Assemblée
entame la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, dont l'unité de vote est la
mission. Vient ensuite l'examen des états annexés au projet de loi. La discussion se termine par
un vote de l'ensemble du projet de loi de finances.

Bien que les votes paraissent toujours nombreux, il faut retenir que la LOLF a divisé par trois
le nombre de votes par rapport au système mis en place par l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Le projet de loi de finances est ensuite transmis au Sénat pour discussion, où les mêmes
règles seront suivies.

Après la première lecture au Sénat, une commission mixte paritaire est mise en place afin
d'étudier les dispositions introduites par le Sénat, ainsi que les votes qui diffèrent de celui de
l'Assemblée nationale.

En cas d'échec de cette commission, l’AN entame une nouvelle lecture du projet de loi.
Dans ce cas, deux procédures sont possibles :

- Soit les député(e)s réexaminent le projet de loi qu'ils ont déjà voté en première lecture,
si le Sénat ne l'a pas rejeté,
- Soit ils étudient le projet voté par le Sénat.

Cette seconde lecture est transmise au Sénat qui, en pratique, la toujours rejeté. La lecture
définitive revient alors aux députés.

4. Le droit d'amendement

Le pouvoir d'amendement des parlementaires est strictement encadré par l'article 40 de


la Constitution de la Vème République :

« Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas
recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources
publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

136
On parle d’irrecevabilités financières et elles sont reprises par l’article 47 de la LOLF.
Concrètement, ce sont des interdictions faites aux parlementaires pour éviter que par
démagogie, notamment, ils n'influent dangereusement sur le budget.

Mais le droit d'amendement est toutefois élargi par l'article 47 de la loi organique. En effet,
il est précisé que la notion de charge publique s'applique « aux crédits de la mission ».

Cela permet aux parlementaires de créer de nouveaux programmes en transférant des


crédits d'autres programmes de la même mission.

Remarque : Ce droit d'amendement s’exerce différemment pour les députés et les sénateurs.
La différence concerne le fait que l'Assemblée nationale a la primauté de l'examen du projet
de loi de finances, ainsi que le vote définitif. Par ailleurs, les sénateurs ne peuvent pas formuler
des amendements sur des questions entièrement nouvelles. Il faut que les amendements du Sénat
portent soit sur des questions déjà existantes ou des questions nouvelles sur lesquelles les
députés ont déposé des amendements (sous-amendements). Ceci résulte de la jurisprudence
constitutionnelle et est compris comme la conséquence de la priorité de l'Assemblée
nationale.

La pratique diffère devant les deux assemblées : c’est soit le président de l'Assemblée nationale
qui se prononce sur la recevabilité de ces amendements au moment de leur dépôt, après
consultation d'un membre de la Commission des finances, notamment du président de cette
commission ou du rapporteur général des finances ; soit c’est le président de la Commission
des finances pour le Sénat. A l'Assemblée nationale, la recevabilité s'apprécie à trois moments :
lors du dépôt, en commission des finances et en séance publique ; au Sénat, le contrôle de la
recevabilité ne se fait qu'en séance publique.

/ !\ Il faut également rappeler qu’en vertu de l'article 44 al. 2 de la Constitution, le


Gouvernement, après l'ouverture du débat parlementaire, peut s'opposer à l'examen de
tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la Commission des finances de
la chambre.

Il y a donc en principe une irrecevabilité si l'amendement entraine soit une diminution des
ressources, soit une augmentation de charges. Il existe néanmoins des cas plus complexes.

137
La compensation entre une charge et une ressource : cela est interdit parce que les
parlementaires ont interdiction d'agir sur les charges (Conseil constitutionnel, 12 mars
1963, reforme de l'enregistrement).

La compensation entre différentes ressources : Le Conseil s'est prononcé le 2 juin


1976. Les parlementaires avaient tenté de compenser des ressources entre elles. Le juge
constitutionnel va accepter ces compensations. Les parlementaires peuvent ainsi
augmenter une ressource publique et en réduire une autre. Le Conseil constitutionnel
fonde son raisonnement sur le pouvoir du parlement et sur l'interprétation littérale de
l'article 40. Puisque le rôle du Parlement est notamment de donner le consentement à
l'impôt, il est tout à fait compétent pour donner son consentement en matière de recette.
Il peut donc les compenser à sa guise. De plus, le mot ressources est au pluriel dans
l'article 40. Il faut donc entendre, nous dit le Conseil, le terme ressources dans sa
globalité, et non individuellement.

La compensation entre plusieurs charges : en matière de dépenses, l'interprétation


n'est pas la même. Les parlementaires ont pensé que puisqu'ils pouvaient compenser
pour les recettes ils le pouvaient aussi pour les dépenses. Mais cette fois-ci le Conseil
constitutionnel a refusé. Le raisonnement est identique : le parlement a un pouvoir sur
les recettes alors que les dépenses, c'est le gouvernement qui décide. Ils ne peuvent
pas compenser les dépenses. Surtout, l'article 40 prévoit le terme charge au singulier et
non au pluriel contrairement aux ressources.

En résumé, la seule compensation possible est celle entre différentes ressources


d'une même collectivité publique.

Bilan : L’impact des travaux parlementaires sur la loi de finances

La discussion et le vote de la loi de finances par le Parlement présentent un paradoxe :


- d'une part, elle est au cœur même de la démocratie et du consentement annuel des
citoyens à l'impôt ;

138
- d'autre part, elle n'a, en apparence, qu'un impact marginal sur les choix budgétaires
et fiscaux du gouvernement, et son déroulement fait l'objet de nombreuses critiques, souvent
par les parlementaires eux-mêmes.

Par ailleurs, il est difficile de distinguer de manière absolue les amendements qui sont
véritablement d'origine parlementaire et les amendements d'origine gouvernementale.
Ainsi, notamment :
- certains amendements déposés par des parlementaires sont en réalité conçus par
l'administration et transmis à eux par le gouvernement soit afin d'éviter certains écueils de la
procédure
- à l'inverse, certains amendements déposés par le gouvernement sont en réalité la
reprise d'initiatives parlementaires, soit que celles-ci ne puissent juridiquement être défendues
par un parlementaire (par exemple, l'augmentation d'une charge publique, qui est prohibée par
l'article 40 de la Constitution), soit que le gouvernement mette en pratique des demandes
exprimées auparavant.

Au total, le budget de l'État n'est que peu amendé par les parlementaires. Néanmoins, de
très nombreuses mesures fiscales sont en revanche modifiées ou insérées par voie
d'amendements parlementaires. Outre les modifications de fond qu'ils apportent, ces
amendements contribuent à améliorer la rédaction des articles, de manière à les rendre plus
lisibles et opératoires

L’impact de la discussion des lois de finances sur le budget de l'État est surtout
significativement accru avec la LOLF, grâce à la possibilité désormais ouverte aux
parlementaires d'accroître les crédits d'un programme, voire de créer un nouveau programme,
sous réserve que ne soient pas augmentés les crédits de la mission qui les contient.

B. Les lois de finances rectificatives ou « collectifs budgétaires »


Le « collectif budgétaire » est l’expression employée communément pour qualifier les
lois de finances rectificatives (LFR). Les LFR font parties de la catégorie des LdFi.

Ces lois sont les seules permettant de modifier en cours d’année, de manière significative, les
dispositions de la loi de finances initiale concernant notamment le plafond des dépenses du

139
budget de l’État et les données générales de l’équilibre budgétaire. Elles soumettent
obligatoirement à la ratification du Parlement toutes les ouvertures de crédits opérées par
décret d’avance et décret de transfert (cf. supra).

Les collectifs budgétaires, soumis au Parlement en cours d’année, permettent de :

traduire une nouvelle orientation de la politique économique et budgétaire,


notamment lorsque des élections législatives ont provoqué un changement de majorité ;

s’adapter à la conjoncture économique, lorsqu'elle modifie les conditions d’exécution


de la LFI.

Voir les conséquences de la crise du COvid-19 sur les FiP.

Traditionnellement, un collectif budgétaire est présenté en fin d’année (« collectif de fin


d’année ») afin de régulariser les montants des crédits et de procéder aux ouvertures et aux
annulations de crédits nouveaux en fonction de l’exécution de la LFI.

Dimension rétroactive.

§3. Les Lois de règlement


C'est une loi qui intervient a posteriori, une fois l'exercice achevé. Elle rend compte des
dépenses effectivement réalisées et des recettes réellement perçues. Elle n'est donc pas une loi
de prévision, mais « une loi de comptes ».

Elle a deux fonctions :

1. Constater les résultats financiers de chaque année civile et d'approuver les différences
entre les résultats et les prévisions de la loi de finances initiale complétée le cas échéant par ses
lois rectificatives.

2. Elle va ensuite accorder des autorisations rétroactives.

La LOLF prévoit (article 41) que la discussion du projet de loi de finances pour l'année à
venir ne pourra débuter avant le vote de la loi de règlement de l'année.

140
Juridiquement, son mode de discussion, à l'exception du droit de priorité de l'Assemblée
nationale et de la prohibition des « cavaliers budgétaires », diffère sensiblement de celui des
autres projets de loi de finances pour se rapprocher de celui d'un projet de loi « ordinaire ».

Il n'y a pas d'urgence de droit, ni de contrainte quant au délai d'examen et d'adoption


hormis le fait que le projet doit être déposé avant le 1er juin de l’année qui suit la LdFi auquel
il se rapport et que l’adoption de la loi de rglt doit précéder la prochaine LdFi.

La loi de rglmt n'est pas structurée en deux parties à la différence des projets de loi de finances
initiale ou rectificative, et la LOLF n'en fixe pas la structure qui demeure donc relativement
libre. Les possibilités d'amendement se trouvent, de fait, limitées à la seule rectification
d'éventuelles et très rares erreurs matérielles.

Traditionnellement, la discussion du projet de loi de règlement qui s'apparentait à une simple


formalité, eu égard à sa nature de « quitus comptable », ne durait que quelques heures et ne
suscitait pas de véritable intérêt, ni médiatique, ni même politique. Dans la mesure où la LOLF
privilégie désormais une logique de résultats à une simple logique de moyens, le vote de la
loi de rglmt aurait dû voir son intérêt accru, car il est l’occasion d’analyser les rapports annuels
de performance qui sont joints et qui permettent d’évaluer programme par programme
l’efficacité et l’intérêt de la dépense publique (comparaison avec les bleus budgétaires).

Ces derniers sont en effet le pendant des projets annuels de performance. Ils permettent ainsi
au Parlement de disposer d'une meilleure information sur l'exécution des engagements du
Gouvernement. Dans la volonté de permettre aux élus de mieux connaître cette exécution,
chaque programme annuel de performance fait l'objet d'un rapport annuel de performance

Néanmoins, malgré les efforts mis en place avec la loi organique, la revalorisation de la loi
de règlement n'a pas amené à un plus grand intérêt des parlementaires. La Cour des
comptes a ainsi pu déplorer en 2011 « l'absence d'intérêt renouvelé pour le projet de loi de
règlement ».

Ce désintérêt est manifeste dans les journaux officiels dans lesquels la transcription des débats
du projet de loi de règlement ne représente que quelques colonnes contre des numéros complets
pour le projet de loi de finances initiale.

141
Les finances publiques _______________________________________________________ 1

INTRODUCTION – LES FINANCES PUBLIQUES : UNE QUESTION DE DEMOCRATIE _______________________ 1


§1. La définition des finances publiques _____________________________________________________ 3
A. Une notion spécifique ____________________________________________________________ 4
1. Distinction finances publiques – privées ______________________________________________ 4
2. Distinction finances publiques – fiscalité – comptabilité publique _________________________ 7
B. L’objet des finances publiques : le budget ______________________________________________ 10
1. Etablir les recettes publiques ___________________________________________________ 10
2. Autoriser les dépenses ___________________________________________________________ 15
3. Arbitrer les besoins et définir une politique budgétaire ________________________________ 18
a. Une liberté d’action contrainte__________________________________________________ 18
b. Un choix de politique publique __________________________________________________ 20
i. L’Etat interventionniste __________________________________________________ 20
ii. L’Etat libéral ___________________________________________________________ 23
iii. Les modèles néolibéraux et la recherche d’une troisième voie ___________________ 27
§2. L’histoire du droit des finances publiques _______________________________________________ 34
A. FP préclassiques et classiques : perte de monopole de l’exécutif et diversification des ressources
35
1. Les finances publiques préclassique (1314-1814) ___________________________________ 35
a. Le schéma initial __________________________________________________________ 35
V L’enracinement des ressources extraordinaires _____________________________________ 38
b. Les révoltes fiscales ________________________________________________________ 40
c. La période révolutionnaire __________________________________________________ 45
2. FP classiques (1814-1914) _____________________________________________________ 48
a. Laconisme des textes constitutionnels et rééquilibrage institutionnel ________________ 49
b. La remise en cause de l’opacité budgétaire _____________________________________ 50
B. FP modernes : la consolidation d’un droit des finances publiques ________________________ 52
1. La prépondérance du pouvoir exécutif dans le domaine budgétaire ___________________ 53
2. L’aménagement des principes budgétaires ________________________________________ 54
3. Un mouvement de rééquilibrage et de changement initié par la LOLF : les FiP contemporaines
58
§3. Les enjeux du droit des finances publiques (conclusion) ____________________________________ 60

Partie I – Sources et principes du droit des finances publiques __________________________ 63


Section 1 – Des sources traditionnelles : la « constitution financière » ___________________________ 64
§1. La Constitution financière originelle de la Vème république ______________________________ 65
A. Une volonté de consolidation des FiP ____________________________________________ 65
B. Une logique de moyens _______________________________________________________ 67

142
§2. Le renouvellement opéré par la LOLF ________________________________________________ 69
A. Les finalités de la réforme _____________________________________________________ 69
B. Les principaux apports de la réforme ____________________________________________ 70
1. Le renforcement du rôle du Parlement ________________________________________ 71
2. L’introduction d’une logique managériale ______________________________________ 72
Section 2 – Des sources rénovées : européanisation des finances publiques _______________________ 75
§1. L’exigence de solidité financière, contrepartie d’une solidarité européenne _________________ 78
A. L’instauration d’un pacte de stabilité et de croissance au service d’une monnaie commune 78
B. Le renforcement du PSC et de la solidarité financière des EM ___________________________ 84
C. Les Coronabonds ____________________________________________________________ 95
§2. L’intégration en droit interne des exigences européennes postérieures à la crise de 2008 ______ 95
Section 3 – Définition des principes du droit des finances publiques ____________________________ 100
§ 1 – Les principes de discipline _______________________________________________________ 100
A. Le principe d’équilibre budgétaire ______________________________________________ 101
B. Le principe d’annualité _________________________________________________________ 105
C. Le principe de spécialité ________________________________________________________ 109
§2. Les principes de transparence _____________________________________________________ 112
A. Le principe de sincérité ______________________________________________________ 112
B. Le principe de l’unité ___________________________________________________________ 119
C. Le principe de l’universalité ______________________________________________________ 121

Partie II – La mise en œuvre de la compétence budgétaire par les institutions financières ___ 124
Section 1 – Les institutions financières ____________________________________________________ 124
Section 2 – Les instruments de mise en œuvre de la compétence budgétaire dans un Etat garant des choix
politiques de la Nation _________________________________________________________________ 128
§1 – Les Lois de programmation des finances publiques ___________________________________ 128
§2. Les lois de finances ______________________________________________________________ 130
A. Procédure d’adoption des lois de finances _______________________________________ 131
1. Des délais stricts ____________________________________________________________ 132
2. Les obligations de communication : __________________________________________ 133
3. La discussion en séance publique _______________________________________________ 135
4. Le droit d'amendement ______________________________________________________ 136
B. Les lois de finances rectificatives ou « collectifs budgétaires » __________________________ 139
§3. Les Lois de règlement ____________________________________________________________ 140

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