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AIDA KTATA
FINANCES
PUBLIQUES
Droit des finances publiques
1
INTRODUCTION
Nerf de la guerre 1, les moyens financiers, ou l’argent, sont la condition de toutes les
activités, la mesure et la garantie de l’indépendance et du pouvoir 2. Constamment, les
finances publiques sont au premier plan de l’actualité. A l’automne, le vote du budget
de l’État par le parlement est un rendez-vous politique majeur abondamment
commenté 3. Les mesures fiscales nouvelles font l’objet de débats parfois virulents ّحاد
de même que, dans certains pays, l’équilibre de la sécurité sociale.
Gaston JEZE, dans son cours élémentaire de science des finances et de législation
financière française, avait considéré que le mot finance au singulier vient du latin «
finis » qui signifie fin ou terme, et désigne, ainsi, dans le champ du droit, la fin des
opérations juridiques à savoir le paiement. Au Moyen Âge, le mot s’est imposé pour
signifier « paiement d’une somme d’argent » comme dans l’expression moyennant
finance 4.
Pendant longtemps, on a considéré que les finances publiques ne devaient traiter que
des aspects juridiques et on devait se borner à l’étude des règles administratives et
constitutionnelles auxquelles doivent se plier تخضعl’État et les autres personnes
publiques dans leur activité financière, c’est-à-dire étudier uniquement les règles
concernant l’établissement du budget, l’exécution des dépenses et des recettes
publiques (droit de comptabilité publique), l’impôt (droit fiscal). Cette conception se
retrouve dans la définition de Gaston JEZE « les finances publiques étudient les
moyens par lesquels l’État se procure les ressources nécessaires à la couverture
des dépenses publiques et en répartit la charge entre tous les citoyens ».
Suite à la crise des années 30, il va se développer une conception économique des
finances publiques. Les idées de KEYNES, le développement des interventions de l’État
ont amené à faire une place plus importante aux aspects économiques des finances
publiques.
On s’est intéressé à des problèmes que jusque-là, avaient été négligés ; tels que les
effets productifs ou improductifs des dépenses publiques, l’effet de l’équilibre ou du
déficit budgétaire sur la situation économique et les effets du prélèvement fiscal sur le
comportement des agents économiques.
La gestion financière des organismes publics n’est pas uniquement affaire de droit,
d’économie ou encore de comptabilité. L’approche juridique fondamentale fait que,
branche du droit public, les finances publiques ont pour objet l’étude des problèmes
financiers des personnes publiques même si le droit privé n’est pas absent dans la
mesure où nombreux acteurs sont des organismes de droit privé.
Aujourd’hui, cette discipline a, cependant, profondément évoluée et elle présente un
caractère pluridisciplinaire marqué.
1
L’expression est empruntée à Jean BODIN en considérant que « les finances sont le nerf de la République
», La république, 1576 et citée par Leila CHIKHAOUI, Précis de finances publiques, CPU, 2004, p. 9.
2
Dans un article paru dans la RDP de 1983, Paul AMSELEK s’est demandé « peut-il y avoir un État sans
finances ? », RDP, 1983, p.267.
3
François ADAM, Olivier FERRAND et Rémy RIOUX, Finances publiques, Dalloz, 2010, 3ème éd, p. 23.
4
Gaston JEZE, Cours élémentaire de science des finances et de législation, 1931, p. 2.
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5
Ahmed ESSOUSSI, Finances publiques, Latrach, 2013, p. 5.
6
Plutôt que de parler d’argent public comme objet des finances publiques et renvoie normalement à la
monnaie appartenant à une administration publique, il est habituel de parler de deniers publics. J
MAGNET, « la notion de deniers publics en droit financier français », RSF, 1974, p. 129.
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2. Les finances publiques ont pour objet l’étude des deniers publics
Généralement, on considère que les finances publiques sont la science des deniers
publics 7. Notion complexe, Madame CHIKHAOUI avait considéré que les deniers
publics sont les fonds et les valeurs destinés à l’exécution d’un service public ou
mis à sa disposition. Auparavant, notion centrale des textes juridiques financiers
français, la notion de deniers publics a disparu de ces textes au milieu du vingtième
siècle 8. En droit tunisien, si la LOB de 2019 ainsi que celle de 1967 ne prévoient pas la
notion, l’article 12 de la loi relative à la cour des comptes s’y réfère indirectement 9.
La doctrine présente deux définitions des deniers publics : juridique et politique.
Juridique : à défaut du législateur, c’est à la jurisprudence et à la doctrine qu’il
appartient de préciser la notion de deniers publics. Dans un arrêt Fighiera, le Conseil
d’État avait estimé, dans un premier temps, que « les deniers avaient le caractère de
deniers publics lorsqu’ils étaient affectés à l’exécution d’un service public » 10. La
personne du détenteur n’influait pas et suffisait que les sommes soient affectées à un
service public et pas forcément à un service public déterminé.
Par la suite, il a été admis que des deniers pouvaient avoir le caractère de deniers
publics du seul fait qu’ils étaient mis à la disposition d’une collectivité publique sans
qu’ils aient reçus, pour autant, une affectation précise. « Les deniers publics sont les
deniers destinés, en principe, à l’exécution d’un service public ou qui sont mis à
la disposition d’une personne publique ou qui, provenant d’une caisse publique,
en sont sortis régulièrement » 11.
Envisagés sous l’aspect politique, les deniers publics sont ceux qui permettent à
l’État, la mise en œuvre de sa politique par l’exercice de son pouvoir de commandement.
Elle est plus étroite que celle juridique dans la mesure où elle ne comprend pas les
deniers affectés au financement des activités privées des organismes publics. Elle est
parfois plus extensive dans la mesure où, dans certains cas, certains organismes privés
reçoivent le droit de mettre en œuvre des prérogatives de la puissance publique et les
deniers utilisés par ces organismes sont des deniers publics (exemple : les deniers mis
à la disposition des caisses de sécurité sociale. La puissance publique est mise en
œuvre pour la perception des ressources ou pour la distribution des prestations).
La dualité de la définition conduit à se référer surtout à la définition juridique lorsqu’il
y a lieu de préciser le régime juridique des deniers publics et le domaine d’application
des règles de la comptabilité publique, par contre c’est la définition politique qu’il faut
retenir dans les recherches scientifiques de politique financière 12.
7
Jacques MAGNET, La notion de deniers publics en droit financier français, RSF, 1974, p. 129 et s.
8
Elle figurait dans l’article 1 du code de la comptabilité publique de 1862 qui disposait que « les deniers
publics sont les deniers de l’Etat, des départements, des communes et des établissements publics ou de
bienfaisance ». Le règlement général sur la comptabilité publique du 29 décembre 1962 a évité
d’employer l’expression. Mais si elle n’est pas clairement exprimée, la notion de deniers publics demeure
sous entendue. Jacques MAGNET, La notion de deniers publics en droit financier français, RSF, 1974, p. 129.
9
En vertu de l’article 12 de la loi relative à la Cour des Comptes, « Le Premier Président de la Cour des
comptes peut, soit à la demande de l’une des commissions de l’Assemblée des représentants du
peuple ou sur sa propre initiative, présenter des informations sur les résultats définitifs des
travaux de la Cour des comptes se rapportant au contrôle de gestion des deniers publics ».
10
CE, 11 mars 1938, rec. 263.
11
Paul Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances publiques, Montchrestien, tome 1, 6ème éd, 1992, p. 41.
12
Paul Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances publiques, Montchrestien, tome 1, 6ème éd, 1992, p. 45.
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Même si la distinction droit public droit privé est de plus en plus discutée, néanmoins, du moment
qu’elle engage et illustre les prérogatives de puissance publique, surtout dans sa branche de droit fiscal,
les finances publiques sont une branche du droit public même si elles interférent avec les branches du
droit privé telles que le droit de la sécurité sociale, le droit des affaires, le droit bancaire et le droit civil
(bonne foi, nullité, société, vente).
14
Michel BOUVIER, Marie Christine ESCLASSAN et Jean Pierre LASSALE, Finances publiques, 12ème éd, LGDJ,
12ème éd, p. 20
15
Paul Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances publiques, Montchrestien, tome 1, 6ème éd, 1992, p. 18.
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Le droit budgétaire c’est une branche du droit public qui contient des règles
constitutionnelles, législatives et réglementaires relatives aux conditions dans
lesquelles le budget est établi, adopté, exécuté et contrôlé. Il détermine l’ensemble du
processus budgétaire que l’on répartit en quatre temps ou la règle « des quatre temps
budgétaires » 16.
Le droit fiscal est généralement le droit qui étudie l’impôt et les différentes techniques,
institutions et politiques fiscales. Droit de l’impôt 17, le droit fiscal n’est pas une simple
addition de règles juridiques et techniques, il prend aussi en considération plusieurs
aspects ; politiques, institutionnels, sociologiques, économiques et psychologiques
dans une société donnée.
Le droit de la comptabilité publique est un droit qui a vocation à poser le cadre de
l’exécution du budget notamment de l’État à travers l’étude des autorités compétentes,
des procédures d’exécution et des procédures de contrôle.
16
Stéphane MOUTON, cours du droit des finances publiques, 2004-2005, p. 5.
17
Pour Gaston JEZE, l’impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers par vois d’autorité, à
titre définitif et sans contrepartie en vue de la couverture des charges publiques.
18
Michel DE VILLIERS et Thibaut DE BERRANGER, Droit public général, Lexis Nexis, 7ème éd 2017, p. 781.
19
Lamia NEJI, Le principe du consentement de l’impôt, RTF n°2. Pierre BELTRAME, Le consentement de
l’impôt, Devenir d’un grand principe, RFFP, n°51, 1995, p. 81.
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20
Martin COLLET, Finances publiques, LGDJ, 3ème édition, 2018, p. 17.
21
Najla ABDEDDAYEM, Présentation de l’administration fiscale de la Tunisie précoloniale, RTF, 2005, n°2,
p. 143.
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La loi organique du budget du 12 mars 1960 et le budget de l’exercice 1960 furent les
premiers textes législatifs adoptés par l’assemblée nationale mise en place en
novembre 1959. En 1967, cette LOB 22 a été abrogée et remplacée par la loi du 8 décembre
1967 qui a fait l’objet de nombreuses modifications dont celle du 13 mai 2004.
En Tunisie, l’indépendance, la crise de 1969 et le désengagement progressif de l’État ont
accéléré la libération relative de l’économie. La refonte de l’économie en général et des
finances publiques en particulier s’est traduite par les émeutes de pain de 1984 et
l’adoption du plan d’ajustement structurel de 1986 qui ont bouleversé la gestion des
finances publiques sous l’influence et le développement des grandes institutions
financières mondiales : la BIRD et le FMI.
La Tunisie s’est dotée en 2014 d’une nouvelle constitution qui a consacré de nouveaux
principes, règles et institutions financières méconnus par la constitution de 1959 et par
la LOB. Il s’agit principalement de l’impératif de bonne gestion des deniers publics
consacrée par l’article 10 de la constitution et de transparence et d’efficience prévues
par son article 15. Discutée pendant trois ans, une nouvelle loi organique fut adoptée
(LOB n°15-2019 du 13 février 2019) alors même que les déséquilibres ne cessent de
s’accentuer en matière de charges publiques. Mettant en place la budgétisation par
objectifs, la nouvelle LOB s’inscrit dans une nouvelle culture publique de transparence,
redevabilité مسائلةet performance. Même si la promulgation de la constitution de 2022
semble anéantir أحبطles acquis de son prédécesseur en matière financière du moment
qu’elle ne se réfère plus notamment à l’obligation de bonne gestion des deniers publics,
ces principes et valeurs reconnus par la LOB, appelée la constitution financière de l’État,
demeurent présents et, espérons-le, des garde-fous صمامّ األمانpuissants contre les
éventuelles dérives.
Les finances publiques contemporaines nées des crises et de l’évolution de la demande
sociale elle-même, sont caractérisées par un changement de dimension qui a
transformé leurs rapports avec l’économie générale. Ce changement de dimension des
finances publiques dû à une progression constante de la consommation et de la
redistribution collective s’est traduit à l’époque contemporaine par deux phénomènes
nécessairement liés : la croissance continue des dépenses publiques et des
prélèvements obligatoires. Ce n’est pas seulement le volume des flux financiers publics
qui s’est accru mais c’est aussi leur contenu, la nature des décisions dont ils font l’objet
et la façon dont ils sont mis en œuvre qui ont subi de profondes transformations.
La recherche de l’efficacité, de la rapidité et de la souplesse de l’action par un secteur
public et le développement de la culture du contrôle de gestion rend souvent
illusoire وهميou gênante l’application des grands principes du droit public financier.
On assiste au développement de techniques de contrôle de gestion qui se poursuit tout
aussi logiquement par la mise en œuvre de procédures d’évaluation de ladite gestion.
C’est à la fois en amont du processus budgétaire lors de la phase de préparation et de
décision relative à la fixation des prévisions et en aval lors de l’exécution que les
préoccupations du contrôle de la gestion publique trouvent à s’exercer. Il est même
question d’un déplacement des débats jusqu’alors focalisés sur la question de
l’initiative parlementaire vers le problème plus technique du contrôle de l’exécution des
lois de finances par les élus 23.
22
Compte tenu de la valeur et de l’importance de cette loi, l’attributif « organique » lui été attribué alors
même qu’à l’époque, la constitution tunisienne ignorait la catégorie juridique loi organique.
23
BOUVIER, p. 35
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24
BOUVIER, p. 48.
25
Mootez GARGOURI, Le principe de la légalité budgétaire en Tunisie, Info juridiques, octobre 2010, p. 14.
26
Mootez GARGOURI, Constitution et finances publiques, Revue de l’école doctorale de la FDS, n°2, 2011,
p61.
27
Loic PHILIP, La constitutionnalisation du droit budgétaire, Mélanges GAUDEMET, 1984.
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Il est à remarquer que l’administration publique en tant qu’institution faisant partie du pouvoir
exécutif exerce sa mission à l’aide d’un ensemble d’instruments parmi lesquels des actes juridiques
qu’elle adopte. Certains de ces actes sont dits à caractère individuel et concernent une ou plusieurs
personnes nommément désignées dont ils modifient ainsi la situation juridique et d’autres dits des
actes à caractère réglementaire dans la mesure où ils concernent une situation générale ou un ensemble
d’individus qui ne sont pas nommément désignées. Ces actes à caractère réglementaires sont soit des
actes d’exécution des lois, soit des règlements sur délégation (soit sur la base de l’article 34 de la
constitution de 1959 soit par le biais de décrets lois) soit des règlements autonomes.
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Première
Principes Budgétaires
Partie
Par « principes budgétaires », on entend l’ensemble des principes financiers qui
constituent dans leur ensemble, c’est-à-dire dans leur aspect fiscal, comptable et
budgétaire, les principes d’organisation de l’action publique et la pierre angulaire de
finances de l’État. Toutes ces règles de base s’articulent autour d’un principe plus
général à savoir celui de la sécurité des deniers publics qui commande tout le dispositif
financier public. Les principes budgétaires ont été adoptés dans un but sécuritaire et
continuent de se maintenir avec certaines adaptations. Leur origine doit être
recherchée dans l’histoire politique occidentale du 19ème siècle, notamment anglaise et
plus précisément en France où, à l’issue de la Révolution de 1789, ils ont été
progressivement affirmés et appliqués jusqu’à prendre leur signification actuelle.
Après avoir été affirmé une 1ère fois en 1215 dans la Grande Charte de Jean Sans terre, le
principe du consentement de l’impôt a surtout trouvé une formulation adéquate au
sein de l’article 14 de la Déclaration Française des Droits de l’Homme et du citoyen du
26 août 1789 qui pose la règle selon laquelle les citoyens ont le droit de suivre l’emploi
des ressources qui sont prélevées auprès d’eux en ces termes « Tous les citoyens ont
le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la
contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en
déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». C’est donc pour
empêcher tout abus qu’a été organisé le contrôle politique du Parlement.
C’est ainsi que la LOB en Tunisie et la loi organique relative aux lois de finances en
France (LOLF) contiennent une série de dispositions relatives à l’élaboration, à la
présentation et à l’exécution du budget et comportent notamment l’obligation imposée
au gouvernement de respecter, lors de l’établissement et de la mise en œuvre du
budget, les principes budgétaires de l’annualité, de l’unité, de l’universalité, de
l’équilibre et finalement de la sincérité budgétaire.
Les principes budgétaires ont été conçus dans le but de permettre aux représentants du
peuple de prendre connaissance régulièrement (annualité) de l’ensemble brut des
ressources et des dépenses de l’Etat (universalité) dont les montants respectifs doivent
être équivalents (équilibre) et présentés de manière détaillée (spécialité) et sincère
(sincérité) dans un document unique (unité).
Au-delà du jeu des rapports de force et d’équilibre dynamique entre les pouvoirs
respectifs de l’exécutif et du législatif que les principes budgétaires reflètent, la
sécurité des deniers publics constitue l’enjeu principal de la consécration de
l’ensemble des règles des finances publiques. Plus récemment, des arguments de
bonne gestion des deniers publics sont aussi présentés pour justifier les principes
budgétaires. Il s’agit de sécuriser les contribuables quant à l’usage des ressources que
l’on prélève auprès d’eux non seulement au niveau de la collecte mais aussi au niveau
de l’autorisation et de l’exécution de la dépense publique.
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C’est d’ailleurs grâce à l’ensemble des principes financiers que ce sont développés et
renforcés les régimes représentatifs occidentaux conçus comme des régimes de liberté
et de sécurité des individus.
Les principes budgétaires sont aussi considérés comme les fondements d’une bonne
gestion des deniers publics. En effet, en tant que document politique essentiel, le
budget ne peut être établi à la légère, et son élaboration au même que son exécution
sont soumises à des règles strictes destinées à en faciliter la manipulation par le
parlement qui doit le contrôler.
Les principes budgétaires sont ainsi des méthodes de présentation claires du budget
en vue de permettre un contrôle efficace du parlement sur les recettes et les dépenses
publiques. Ainsi, l’annualité a été choisie car le cadre annuel a été considéré comme
étant une période à la fois suffisamment longue pour permettre la mise en œuvre ou le
lancement d’un projet et suffisamment courte pour éviter les débordements تجاوزاتou
les risques d’une prévision erronée. Aussi, l’unité du budget vise à présenter dans un
document unique l’ensemble des comptes de l’Etat afin d’en faciliter la lecture et la
gestion. Aussi, l’universalité a pour objet de garantir une transparence au niveau de
l’ensemble des recettes et des dépenses publiques puisque les unes et les autres sont
inscrites séparément dans leur montant global sans compensation ni établissement
de soldes quelconques ce qui aurait pu occulter أخفىcertaines opérations.
Remarque : sans pour autant être dénaturés مشوه, les principes budgétaires de base
se sont reformulés. Le droit budgétaire a depuis lors actualisé la formulation de ces
principes et a intégré diverses exceptions censées garantir l’équilibre entre l’exigence
de respect de la parole démocratique et le besoin de souplesse que requiert la gestion
quotidienne de l’argent public 29. Adossés مستندةّ إلى
ً au principe de la sincérité
budgétaire, les principes budgétaires classiques et surtout les règles encadrant le
contenu du budget (les principes d’annualité et de spécialité sont des principes qui
intéressent plutôt l’autorisation du budget et sont moins concernés par la sincérité des
prévisions budgétaires) retrouvent à travers la LOB leur fonction originelle de règles
permettant aux parlementaires de vérifier le respect de l’équilibre budgétaire et de
débusquer أخرجtoutes les dépenses inutiles
Unité, universalité et annualité, règles communes à tous les budgets publics, ont une
signification technique et politique. Considérées comme nécessaires à une bonne
gestion des finances publiques, elles sont, en outre et peut être surtout, destinées à
faciliter le contrôle du Parlement sur la gestion gouvernementale. Le strict respect de
ces règles traditionnelles est devenu plus difficile à l’époque contemporaine où la
nature des dépenses publiques a considérablement évolué et les finances publiques se
sont diversifiées.
Remarque : Quelle que soit l’importance des adaptations subies par les principes
budgétaires, les concepts de base demeurent et ne sont nullement dépassés puisqu’ils
continuent à commander aussi bien l’élaboration que l’exécution du budget de l’Etat.
Les principes budgétaires s’appliquent surtout à la partie chiffrée du document global
29
Martin COLLET, Finances publiques, p. 409.
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1 L’unité budgétaire
Toutes les dépenses et toutes les recettes doivent figurer dans un document unique
soumis à l’approbation du parlement. Deux conditions devraient être remplies : le
budget doit recenser l’ensemble des recettes et des dépenses de l’Etat sans exclusion
d’aucune sorte, et celles-ci doivent être rassemblées dans un projet de loi unique sur
lequel le parlement devra se prononcer. Cette règle traditionnelle a une double
justification : politique et technique. Le respect de la règle de l’unité permet seul de
savoir si le budget est en équilibre, et s’il ne l’est pas, de mesurer l’ampleur exacte du
déficit. Certains ont même affirmé que « l’unité de l’Etat recommande l’unité du budget
et cette dernière permet de mesurer le degré d’unité de l’Etat » 30. Or, cet aspect
dénommé, par la doctrine classique, le « principe de totalité » correspondait à une
conception classique où l’Etat était la seule personne publique. De nos jours, cette
vision semble être caricaturale car la complexité des attributions ّ مهامdes personnes
publiques rend difficile toute vision unitaire. Il en résulte que l’unité est devenue une
manière de présentation synthétique des données budgétaires dont le respect n’est pas
une nécessité pour tous 31. Principe dont la signification apparait plutôt constante, le
principe de l’unité connait des aménagements importants.
En droit tunisien, le principe de l’unité peut s’induire de la rédaction de la constitution
et de la LOB qui traitent du budget au singulier. L’intitulé même de la LOB n’est pas sans
évoquer l’unité budgétaire. En vertu de l’article 4, « la loi de finances prévoit pour
chaque année, l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat ». En effet, les
ressources et les charges précédemment définies dans l’article 1, sont retracées dans
le budget de l’Etat de manière à ce que « l’ensemble des ressources de l’Etat » soient
utilisées pour couvrir « l’ensemble de ses charges » et ce conformément à l’article 11 de
la LOB. Ainsi formulé, le principe de l’unité comporte la double exigence formelle et
matérielle de regrouper de manière exhaustive dans un seul document toutes les
recettes et les dépenses publiques de l’Etat. Par conséquent, toute débudgétisation ou
non budgétisation constitue une atteinte non seulement au principe de l’unité mais
aussi au principe de sincérité. Il ne peut y avoir règle de sincérité que si la règle de
30
Lotfi MECHICHI, Le budget de l’Etat, p. 48
31
Ahmed ESSOUSSI, Finances publiques, p. 69
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2 L’annualité budgétaire
Le principe de l’annualité a une signification simple en ce sens qu’il signifie que les
autorisations contenues dans la loi de finances, aussi bien au niveau des recettes que
des dépenses, sont valables pour une année seulement. En droit tunisien, la nouvelle
loi organique de 2019 ainsi que l’ancienne de 1967 ont placé l’exécution du budget dans
un cadre annuel.
L’article 4 de la LOB précise que « la loi de finance prévoit pour chaque année
l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat… ». Également l’article 9 de ladite
loi prévoit que « l’année budgétaire commence le 1er janvier et se termine le 31
décembre de la même année » (l'article 1 de LOB précise que « la loi de finances prévoit
et autorise pour chaque année l'ensemble des charges et des ressources de l'Etat… »).
Passer ce délai et si aucune nouvelle loi de finances n’est adoptée, l’Etat ne
peut ni percevoir des recettes ni engager de nouvelles dépenses.
L’annualité budgétaire a pour finalité de permettre au parlement d’exercer pleinement
son pouvoir financier. La périodicité annuelle de l’autorisation parlementaire s’étend à
toutes les opérations de dépenses et de recettes.
32
Raya CHOUBANI, La loi organique du budget du 13 février 2019, Quelle évolution du cadre budgétaire de
l’Etat, Revue tunisienne des sciences juridiques et politiques,
33
Néji BACCOUCHE, Décentralisation pour la démocratie, p. 531.
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C’est d’ailleurs pour cette raison que le budget doit être voté avant le début de chaque
année budgétaire et doit être exécuté au cours de cette même année conformément à
la logique du principe de l’annualité.
Dans la plupart des Etats, l’exercice budgétaire coïncide avec l’année civile. Le point de
départ de l’année budgétaire est fixé au 1er janvier et son échéance au 31 décembre. Par
conséquent, l'autorisation donnée par le parlement est une autorisation temporaire,
elle n'est valable que du 01/01 au 31/12. Le 31/12, la loi de finances est automatiquement
remplacée par une nouvelle LF.
D’un autre côté, l’annualité budgétaire se traduit par l’exigence de « l’antériorité
budgétaire » qui signifie que le budget doit être adopté avant le début de l’exercice.
Cette règle est impérative c’est la raison pour laquelle le droit budgétaire prévoit des
sanctions afin de respecter cette exigence. Ainsi, pour le budget de l’Etat, les délais
constitutionnels sont sanctionnés par le dessaisissement رفعّ يدdu Parlement et
l’entrée en vigueur de la loi de finances, en ce qui concerne les dépenses, par voie de
décret présidentiel (article 78 de la constitution), lorsque le retard est imputable au
parlement (Il s’agit de l’une des dispositions du parlementarisme rationalisé tendant à
éviter les retards chronologiques des votes budgétaires).
On remarque ici que ce caractère temporaire est l'une des caractéristiques de la LF qui
la distingue des autres lois qui n'ont pas en principe une durée de vie délimitée à
l'avance.
Plusieurs raisons justifient l’annualité qui a été choisie pour des motifs ou des raisons
politiques et elle est maintenue à la fois pour des raisons techniques et des arguments
économiques.
1. Les raisons politiques
L’annualité permet au pouvoir parlementaire d’exercer un contrôle sur la gestion
financière du gouvernement qui ne pourrait être efficace qu’à la condition qu'il s'exerce
sur une période relativement courte.
On estime en effet, que le cadre annuel est adapté à ce contrôle dans la mesure où il est
suffisamment court pour permettre un contrôle précis et suffisamment long pour ne
pas entraver ou paralyser l’action gouvernementale.
Ce principe de l'annualité entraîne un renouvellement annuel des recettes et des
dépenses et surtout de l’autorisation parlementaire. Ceci signifie que chaque année les
représentants du peuple vont contrôler les prévisions budgétaires du gouvernement en
matière des ressources et des dépenses.
Pour les recettes : celles-ci n’obéissent pas à une périodicité évidente. Certes pour
la perception de l’IRPP ou de l’IS, l’annualité constitue un cadre idéal du moment où elle
se détermine annuellement. Mais, pour d’autres recettes, ce cadre n’a pas de grande
signification du moment où les droits sont perçus selon une périodicité très variable.
Exemple : les droits de douane, les droits d’enregistrement, la TVA…
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15
Pour les dépenses : la situation est plus complexe puisque celles-ci présentent des
périodicités diverses allant d’un jour jusqu’à plusieurs années. Il a été donc nécessaire
de prévoir des dérogations autorisant la souplesse nécessaire à l’accomplissement des
opérations budgétaires.
En Tunisie, cette règle a été prévue pour la 1ère fois dans la constitution de 1861 mais elle
n'a connu une application effective que sous le protectorat.
2. Les raisons techniques
La règle de l’année budgétaire s’est maintenue au fils du temps pour des raisons de
techniques financières, car il n’est pas possible de faire des prévisions exactes sur une
période beaucoup plus longue.
En effet, si le budget était établi pour une période supérieure à une année, cela va rendre
les prévisions de recettes et de dépenses plus vagues et moins précises. (Le cadre
annuel du budget apparaît approprié et convenable car il combine l’efficacité technique
à la régularité du contrôle politique). L’année est une période permettant la prévision,
la comparaison, la rectification. L'annualité est, du reste, respectée dans de nombreux
pays.
3. Les arguments économiques
La période d’une année permet de faire coïncider le cycle du budget de l’Etat avec le
circuit des activités économiques.
Pour ce qui est de l’agriculture, il y a en principe une récolte par année. Pour le
commerce, les entreprises établissent leurs bilans de comptes une fois par année
(résultats et revenus). C’est pourquoi il est important de faire coïncider le cycle de
budget de l’Etat avec le cycle des activités économiques, car cela permet d’établir une
prévision et une évaluation plus précise des recettes.
Remarque : si passé le délai, le parlement ne s’est pas prononcé, la constitution doit
prévoir des solutions pour préserver la continuité des services publics. Il s’agit de
l’article 28 de la constitution de 1959, de l’article 66 de la constitution de 2014 et de
l’article 78 de la constitution de 2022, ce-dernier prévoit que le projet de loi de finances
« peut être mis en vigueur, en ce qui concerne les dépenses, par tranches
trimestrielles renouvelables par décret. Les recettes sont perçues conformément
aux lois en vigueur ».
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3 Universalité budgétaire
L’article 11 de la nouvelle loi organique de 2019 prévoit que « les ressources et les
charges de l’Etat sont prises en compte dans le budget pour leur montant intégral
et brut sans compensation entre elles. L’ensemble des ressources de l’Etat est
utilisé pour couvrir l’ensemble de ses charges ».
Selon le Conseil Constitutionnel français, ce principe «
».
En réalité, l'universalité et l'unité constituent deux principes indissociables du droit
budgétaire. Justifiés par des soucis démocratiques, ces deux principes ont néanmoins
des dimensions différentes : l'universalité suppose la non-compensation et la non-
affectation, tandis que l'unité suppose le vote d'un document unique.
L’universalité explique principalement la volonté d’éviter l’existence des caisses noires
à travers l’interdiction de la compensation entre recettes et dépenses et l’obligation
faite au gouvernement de les inscrire séparément et chacune pour son montant global
(non compensation ou produit brut). Elle permet aussi d’empêcher qu’il existe au sein
de l’Etat des services riches et des autres pauvres du fait de la prohibition de
l’affectation des recettes d’un service aux dépenses de ce même service. C’est la règle
de non-affectation des recettes aux dépenses).
Le principe de l’universalité ressemble au principe de l’unité selon lequel les
dépenses et les recettes de l’Etat doivent figurer dans un seul document budgétaire. Il
a pour conséquence l’interdiction de multiplier des budgets (et d’éviter que certaines
dépenses ou recettes de l’Etat ne soient faites hors budget et par la même soustraites
au contrôle budgétaire). L’exigence de clarté dans la présentation des comptes
budgétaires et du meilleur contrôle parlementaire possible sur le budget ont été à
l'origine du principe de l’universalité. Mais, contrairement au principe de l’unité, le
principe de l’universalité porte sur le contenu de l’autorisation parlementaire. Il oblige
le gouvernement non seulement à présenter la totalité des recettes et la totalité des
dépenses dans un document unique mais à effectuer cette présentation en respectant
2 règles précises : la règle de non-compensation ou du produit brut et la règle de non-
affectation des recettes aux dépenses.
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B. La règle de non-affectation
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vendre aux enchères publiques des biens appartenant à l’Etat et d’inscrire parmi les
recettes le produit de ces ventes. En cas où l’Etat veut acquérir des biens neufs, il doit
en prévoir les crédits correspondants dans le cadre du budget annuel. L’article 86 du
code de la comptabilité publique permet au Président de la République de recourir dans
certains cas au marché de conversion qui consiste en un contrat portant sur la
transformation de biens (généralement usagés) en des biens présentant d’autres
caractéristiques.
Aménagements de la règle de non-affectation : en vertu de l’article 29 de la LOB « les
comptes spéciaux sont créés en vue d'affecter des recettes pour couvrir des
dépenses déterminées ayant une relation avec l’origine de ces recettes et ce dans
le but de contribuer au financement des programmes prévus par la loi de
finances… Les comptes spéciaux comprennent les comptes spéciaux du trésor et
les comptes de concours ». Ainsi, dans le but de contribuer au financement des
programmes prévus par la loi de finances, certaines recettes sont affectées pour
certaines dépenses. La technique d’affectation est très utilisée en droit tunisien.
Plusieurs fonds spéciaux de trésor sont créés et financées à travers l’affectation de
certaines recettes, à titre d’exemple, le fonds national d’amélioration de l’habitat créé
par les articles 11 et suivants de la loi du 31 décembre 2004 portant loi de finances pour
la gestion de l’année 2005. L’article 13 précité institue un prélèvement au profit de ce
fond dû sur les immeubles bâtis destinés à l’habitation.
En vertu de l’article 30 de la LOB, les recettes des comptes spéciaux du trésor sont
affectées au financement d’opérations déterminées de certains services publics. Les
comptes spéciaux du trésor sont créés, modifiés et supprimés par la loi de finances de
l’année ou par la loi de finances rectificative. Et en vertu de l’article 31 de la LOB, « les
fonds de concours représentent les sommes payées par les personnes physiques
et les entités morales au titre d'une contribution volontaire au financement de
certaines opérations d’intérêt public. Il ne peut être affecté de recettes fiscales
aux fonds de concours. Les fonds de concours sont créés, modifiés ou supprimés
par arrêté du ministre chargé des finances ».
En droit tunisien, il y a des fonds de concours et des fonds spéciaux du trésor.
4 L’équilibre budgétaire
L’équilibre est la situation dans laquelle les charges correspondent aux ressources.
Pendant la période classique (19ème siècle et même les premières années du 20ème
siècle), la règle de l’équilibre entre les dépenses et les recettes semble relever de
l’évidence. En effet, l’égalité mathématique entre elles constitue la règle d’or d’une
bonne gestion budgétaire. Néanmoins, le passage des finances publiques classiques
aux finances publiques modernes va entraîner un élargissement de la notion
d’équilibre, puis un dépassement de celle-ci. Avec, le principe d'équilibre, le droit
budgétaire s'enrichit d'une vision économique : il s’agit de faire en sorte que le budget
ne grève pas la croissance économique.
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Le découvert budgétaire : résulte d’une situation plus globale dans laquelle la somme
de toutes les charges de l’Etat (définitives et temporaires) est supérieure à l’ensemble
de ses ressources (fiscales, non fiscales, emprunts…). Le découvert ne peut s’apprécier
qu’à la clôture d’un exercice budgétaire.
5 Spécialité budgétaire
La classification des recettes et des dépenses est organisée actuellement par les
articles 14 et 15 de la nouvelle loi organique du budget de 2019.
En matière de recettes, selon l’article 14 « les recettes du budget de l’Etat sont
classées selon les parties suivantes :
- les recettes fiscales,
- les recettes non fiscales,
- les dons ».
En matière de dépenses, la LOB de 2019 a changé les règles régissant la présentation
des dépenses en optant pour une présentation « fonctionnelle » 34. Ainsi, les chapitres
ont été supprimé et l’on trouve dorénavant trois subdivisions : les missions regroupant
des programmes qui, eux-mêmes, sont composés de parties.
Les missions comprennent un ensemble de programmes concourant à une politique
publique définie. Une mission correspond normalement à un département ministériel.
Le découpage en mission correspond par conséquent à l’identification des politiques
publiques fixées. Les missions correspondent aux grandes politiques de l’État. La
mission constitue l’unité de vote des crédits par le parlement.
En outre, la LOB prévoit une catégorie de missions dites « missions spéciales » qui
comprennent un ou plusieurs programmes spécifiques (article 19). Selon l’article 18 « la
loi de finances répartit les crédits alloués aux dépenses de budget de l’Etat par
missions et par programmes ». Mais, il faut remarquer que les objectifs stratégiques
ne sont pas développés au niveau des missions mais plutôt au niveau des programmes.
Les programmes qui constituent l’unité de base de la spécialité des crédits, sont le
second niveau de la présentation des dépenses. Ils comprennent les crédits contribuant
34
L’article 18 :« La loi de finances répartit les crédits alloués aux dépenses du budget de l’Etat par
missions et par programmes.
La mission comprend un ensemble de programmes concourant à la réalisation des politiques publiques
définies. Elle regroupe l’ensemble des crédits mis à la disposition de chaque chef de mission.
Le programme traduit une politique publique déterminée relevant d’une même mission et regroupe un
ensemble homogène de sous programmes et d’activités contribuant directement à la réalisation des
objectifs de la politique publique dudit programme.
Le chef de programme veille à la préparation du budget suivant des objectifs et des indicateurs
garantissant l’équité et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et d’une manière générale,
entre les différentes catégories sociales, sans discrimination, et qui feront l'objet d'une évaluation sur
cette base ».
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6 Sincérité budgétaire
Pour Madame CHOUBANI, la sincérité النزاهةéclaire d’un jour nouveau les règles
d’évaluation des recettes et des dépenses de l’Etat et revalorise les principes
budgétaires. En affirmant dans son article 8 que « les prévisions et les données
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23
» 35
. Certains ont même considéré que «
» 36.
» 38.
La sincérité est une exigence traditionnellement attachée à l’élaboration des
documents comptables des entreprises.
En France, il constitue aussi un principe essentiel de la comptabilité publique et
consacré depuis 2008 dans l’article 47-2 de la constitution française. Alors que depuis
plusieurs années, des saisines parlementaires dénonçaient régulièrement ce qu’elles
considéraient comme des « mensonges » du gouvernement pour certaines prévisions.
Le juge constitutionnel a accepté pour la première fois en 1993 d’examiner ce grief ادّعاء,
bien que l’insincérité ait été écartée, et venait par-là de consacrer l’existence d’une
nouvelle norme constitutionnelle dont il assure le respect et qui découle des articles 14
et 15 de la déclaration de 1789 39. Il est affirmé par le professeur BOUVIER «
ًّ عم
دا
35
Raya CHOUBANI, La LOB du 13 février 2019, p. 33.
36
Luc SAIDJ et Jean Luc ALBERT, Finances publiques, DALLOZ, 2007, p. 72.
37
En vertu de l'article 15 de la constitution tunisienne « l'administration publique... fonctionne selon le
principe de neutralité, d'égalité et de continuité du service public et selon les règles de transparence,
de sincérité, d'efficacité et de redevabilité ة
ّ » الشفافيةّوالنزاهةّوالنجاعةّوالمسائل.
38
Jean François JOYE, La sincérité premier principe financier, RFFP, 2010, n°111, p. 17.
39
C.CONST, 6 août 2009, n° 2009-585, Martin COLLET, Finances publiques, LGDJ, p. 410.
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24
». Il a souligné que «
داللة
ّانسجام-ّتناغم ». Il rebondit à la fin par considérer qu’il faut «
» .
40
نموذج
ربط
» 41.
L’exigence de sincérité s’applique aussi bien au budget et aux comptes de l’Etat.
S’agissant des finances de l’Etat, elle s’apprécie compte tenu des informations
disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. Pour les
comptes de l’Etat, la sincérité s’entend dans le sens « les comptes de l’Etat doivent être
réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation
financière ». C’est à la cour des comptes, chargée de certifier les comptes de l’Etat, que
revient la charge de vérifier le respect de ces conditions de régularité, sincérité et reflet
fidèle de son patrimoine.
Le principe de sincérité budgétaire concerne avant tout le contenu du budget et plus
précisément les évaluations de recettes et de dépenses qu’il propose. Mais, il trouve
également à s’appliquer à la définition du périmètre de ces mêmes budgets et recouvre
deux principes traditionnels à savoir l’unité et l’universalité.
Les évaluations de recettes et de dépenses : le principe de sincérité se traduit à la fois
par une exigence de bonne foi des évaluations de recettes et de dépenses et par une
limite aux pratiques dites de régulation budgétaire.
L’exigence de bonne foi des évaluations : dans son article 32, la LOLF indique que « la
sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions
qui peuvent raisonnablement en découler ». Plus explicite, le conseil constitutionnel
a considéré dans un premier temps que « la sincérité se caractérise par l’absence
d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances »42.
A travers ces références à l’intention du gouvernement, il s’agit de consacrer une
40
Michel BOUVIER, Finances publiques, P. 294.
41
Michel BOUVIER, Finances publiques, p. 295
42
Conseil Constitutionnel, 25 juillet 2001, n°2001- 448.
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exigence de bonne foi pesant sur ce dernier. En pratique, les foyers d’insécurité se
retrouvent au stade de la formulation des prévisions macroéconomiques retenues par
le gouvernement, à titre d’exemple la prévision de croissance qui permet de déterminer
l’évolution des rentrées fiscales.
En droit tunisien, en prévoyant explicitement que les prévisions relatives à la loi de
finances doivent respecter le principe de sincérité, la LOB ne précise, toutefois, pas la
méthode de prévision des charges et des recettes ni comment est-il possible d’en
apprécier la sincérité 43. La LOB se limite à indiquer dans son article 40 que « le ministre
chargé des finances prépare, sous l’autorité du Chef du Gouvernement, le projet
de loi de finances de l’année, conformément à un calendrier fixé par arrêté du
ministre chargé des finances ». L’arrêté du 15 mars 2019 détaille les dates des étapes
d’élaboration de la loi de finances ce qui renforce plutôt la transparence et point la
sincérité 44. Or, en ne donnant aucune indication sur les critères d’appréciation de la
sincérité budgétaire, le législateur organique ne permet pas de mesurer l’effort de
sincérité des prévisionnistes.
La portée du principe de sincérité : si la portée des règles relatives aux annulations de
crédit est évidente, celle de l’exigence générale de bonne foi attachée au principe de
sincérité est incertaine et considérée même par une certaine doctrine comme « un
أداة » 45. Cela tient à l’exigence même de sincérité. En effet, «
43
L’article 24 de la LOB de 1967 prévoyait que « les prévisions des recettes sont arrêtés par le ministre des
finances selon les catégories de recettes et ce dans le cadre de l’équilibre économique de l’année
considéré. Les prévisions de dépenses sont déterminées sur la base des besoins de fonctionnement
prévisibles des différents services et selon l’état des réalisations des projets et des programmes de
développement ».
44
Raya CHOUBANI, p. 34.
45
DOUAT, Contre le principe de sincérité budgétaire, RFFP, 2010, n°111, p. 151.
46
Conseil Constitutionnel N° 2004- 511 du 29 décembre 2004.
47
Martin COLLET, Finances publiques, 2018- 2019, p. 417 et s.
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Deuxième
Processus Budgétaires
Partie
La notion de budget est à la fois ambiguë et évolutive. Elle est ambiguë parce qu’un
budget est un instrument financier et comptable auquel il faut donner une forme
juridique 48. La fonction du budget a évolué : dans un système d’État régalien, le vote du
budget constituait l’acte politique majeur à travers lequel le parlement donnait aux
services publics les moyens de fonctionner. Avec l’intégration des finances publiques
dans l’économie générale, le budget est devenu un instrument conjoncturel qui doit
s’adapter et corriger les fluctuations économiques dont il est par ailleurs étroitement
dépendant en ce qui concerne ses ressources.
Acte condition, le budget de l’État en tant qu’institution caractéristique du droit public,
traduit le partage de compétence entre un organe délibérant agissant par voie
d’autorisation et un organe exécutif chargé de traduire dans les faits les décisions de
l’organe délibérant.
Si le budget de l’État prend la forme d’une loi, cette loi se distingue d’une loi ordinaire.
Différences d’ordre formel et procédural mais aussi, des différences d’ordre matériel et
concernent le contenu de l’acte législatif. Le budget n’est pas constitué, pour l’essentiel,
par un ensemble de dispositions générales et impersonnelles qui s’appliqueraient sans
limitation dans le temps (ce qui est la définition de la loi au sens matériel). Les
autorisations qu’il comporte portent sur des opérations nettement individualisées
dont la durée de validité est limitée.
A travers son article 4, la LOB précise que « la loi de finances prévoit pour chaque
année, l’ensemble des ressources et des charges de l’État, arrête l’équilibre
budgétaire qui en résulte et précise leur nature et leur répartition. Elle les autorise
dans le cadre des plans de développement, du budget économique et dans le cadre
du budget à moyen terme, conformément aux objectifs et aux résultats attendus
des programmes prévus par ladite loi et sur la base des équilibres généraux ».
Notion centrale, la loi de finances est une notion plurielle à travers la LOB 2019 qui
considère dans son article 3 que « sont considérées comme loi de finances, la loi de
48
Michel BOUVIER, P. 249
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Parce qu’elle a pour objet un acte d’autorité essentiellement politique, la loi de finances
n’est pas une loi tout à fait comme les autres. Minutieusement organisée par les
dispositions de la constitution et de la LOB, la procédure de préparation et d’adoption
de la loi de finances est une procédure complexe faisant intervenir un nombre
d’intervenants divers. La qualification de loi de finances est importante dans la mesure
où il en découle un régime juridique relativement dérogatoire à celui des lois ordinaires.
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La principale caractéristique commune à ces lois de finances est la place réduite que
joue le Parlement dans leur élaboration : non seulement celui-ci ne peut déposer de
proposition de loi de finances alternative aux projets du gouvernement (en vertu de
l’article 62 de la constitution de 2014 « le chef du gouvernement est seul habilité à
présenter les projets de lois de finances » alors que dans l’article 68 de celle de 2022
« seul le Président de la République est habilité à présenter les projets de lois de
finances »), mais encore son pouvoir d’amendement est rigoureusement encadré et ce
en vertu de l’article 63 de la constitution de 2014, 69 de la constitution 2022 et 49 de
la LOB.
Au moment de la discussion budgétaire, le Parlement est saisi d’un ensemble de textes
qui doivent lui permettre d’exercer son contrôle et d’avoir une perception claire du
contenu réel des propositions financières faites par le Gouvernement. Ces textes sont
de deux ordres : le projet de loi de finances stricto sensu, divisé en deux parties
distinctes et c’est ce projet qui, une fois approuvé par le Parlement, aura valeur
législative et sera publié au JORT. Et toute une série de documents budgétaires qui
explicitent le contenu du projet de la loi de finances ou sont destinés à l’information du
Parlement. D’ailleurs, en vertu de l’article 45 de la LOB, un principe de la présentation
en deux parties du projet de la loi de finances de l’année et de la loi de finances
rectificative est posé. En effet, « le projet de loi de finances de l’année et le projet de loi
de finances rectificative comprennent des dispositions ainsi que des tableaux détaillés
». La LOB énumère, dans son article 46, la liste des documents joints au projet de la loi
de finances devant normalement être présentés au Parlement concomitamment au
projet de la loi de finances annuelle ou rectificative dont notamment « - les projets
annuels de performance par mission pour l’année budgétaire concernée par la
préparation de la loi de finances, à l’exception des missions spéciales, - un
rapport sur la dette publique ». En sus des documents précités, le projet de la loi de
finances rectificative comporte aussi selon l’article 46 de la LOB « un rapport
comprenant toutes les modifications proposées à la loi de finances de l’année ».
En droit français, pendant longtemps l’ordre de présentation et de vote des deux parties
de la loi de finances correspond à la conception classique des finances publiques selon
laquelle, pour reprendre l’expression de Gaston JEZE, il y a des charges (première
partie), il faut les couvrir (recettes en seconde partie). Conservant une structure en deux
parties, l’ordre de présentation est désormais inversé, présentant d’abord les
ressources puis les charges. Cette inversion reflète une conception plus gestionnaire
de l’État et plus contraignante pour les décideurs. Elle traduit une rationalisation
incitant le parlement à n’adopter les crédits qu’en fonction du montant des ressources
dégagées en première partie.
A travers l’article 48 de la LOB, un certain ordre dans le vote de la loi de finances peut
être dégagé à travers « la loi de finances est votée dans les mêmes conditions que
les lois ordinaires, sous réserve des dispositions suivantes : - les prévisions des
dépenses du budget de l’État font l’objet d’un vote par mission et mission
spéciale, - les autorisations de recettes du budget de l’État font l’objet d’un vote
par partie ».
Élément essentiel de la loi de finances, le budget n’est pas pour autant un élément
exclusif, et la jurisprudence constitutionnelle a élaboré toute une théorie dite «
cavaliers budgétaires ». En vertu de l’article 10 de la LOB « la loi de finances se limite
aux seules dispositions relatives aux ressources et aux charges de l’État ».
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La LOB 2019 avait tenté de resserrer le calendrier en prévoyant que le projet de loi du
règlement est présenté parallèlement avec la présentation du projet de loi de finances
de l’année. En vertu de l’article 66 de la LOB, « le Chef du Gouvernement transmet à
l’Assemblée des représentants du peuple parallèlement avec la présentation du
projet de loi de finances de l’année, le projet de loi de règlement du budget de
l’année qui précède de deux années l’année concernée par la loi de finances ».
Mais l’obligation de présentation n’est pas assortie d’une sanction particulière
d’autant plus que la présentation ne signifie pas discussion ni adoption. En droit
français, l’article 46 de la LOLF prévoit le dépôt du projet de loi de règlement avant le 1er
juin de l’année suivant celle du budget à régler et il doit être débattu au début de la
session suivante.
Processus I
Préparation et adoption
Le pouvoir financier de l’État s’exerce dans un cadre institutionnel et est soumis à des
procédures dont les justifications sont à la fois politiques et techniques. Les lois de
finances sont votées par le Parlement, préparées et exécutées par le gouvernement et
assurent une répartition des rôles entre les deux pouvoirs dans l’Etat, c’est-à-dire que
l’action financière de l’État est soumise à des formes, encadrée par des procédures et
mise en œuvre par des acteurs politiques et administratifs. Elle repose sur un ensemble
de mécanismes, particulièrement complexes.
Complexe et partagée entre plusieurs intervenants, l’élaboration de la loi de finances
suit deux phases commandées par deux logiques distinctes ; celle de la préparation
relevant de la compétence exclusive du gouvernement et de ses services, et celle de
l’adoption, relevant normalement du Parlement à qui revient le pouvoir d’adoption du
budget selon une procédure précise même si son pouvoir d’amendement reste limité.
Objet de modifications assez importantes introduites par la LOB de 2019 que par les
textes constitutionnels successifs, même si l’architecture globale semble maintenue,
le processus budgétaire n’est pas seulement un ensemble de procédures, documents,
délais et acteurs divers intervenant dans l’élaboration et la mise en œuvre du budget
de toute entité publique. A forte connotation داللةpolitique, il permet, s’il est observé et
même s’il est outrepassé, de schématiser l’enjeu des rapports de force dans le cadre de
toute entité publique.
Une fois adopté, encore faut-il mettre le budget en œuvre. Le droit encadre aussi
précisément les opérations d’exécution afin de garantir les termes de l’autorisation,
mais aussi encore pour prévenir, voire le cas échéant, sanctionner les éventuelles
erreurs ou malversations auxquelles les opérations d’encaissement des recettes et
d’engagement des dépenses peuvent donner lieu. Le processus budgétaire couvre
normalement 4 phases qui se succèdent dans le temps selon des délais et des
formalités particulières et qui font intervenir des autorités distinctes.
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La préparation du budget
49
C’est l’arrêté du 15 mars 2019 qui fixe un calendrier de préparation
50
Ahmed ESSOUSSI, Finances publiques, p. 239.
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51
Le plan de développement économique et social est un document à caractère prospectif élaboré par le
gouvernement normalement pour une période de cinq ans. Le décret 2005-382 du 1er mars 2005 portant
organisation des travaux d’élaboration du XI plan de développement couvrant la période de 2007-2011
indique que « le XI est élaboré entant qu’instrument d’orientation générale de la politique de
développement et un cadre de réalisation des programmes et des projets à la lumière des orientations
et des perspectives de développement arrêtés dans le cadre de d’une vision prospective s’inscrivant dans
une perspective décennale et permettant d’atteindre les objectifs fixés aux niveaux sectoriel et
régional ». Ce sont les services du ministère du développement et de la coopération internationale ainsi
que les différents départements concernés qui sont chargés des différents travaux techniques
d’élaboration du plan de développement. Le 11 plan de développement couvrant la période 2007-2011 a été
réaménagé par un plan glissant correspondant à la période de 2010-2014 et coïncidant avec le
programme présidentiel de Ben Ali. Le gouvernement post révolutionnaire a préparé un plan intitulé plan
Jasmin relatif à la période 2011-2016 ajusté en 2013 par des perspectives triennales axées sur la maitrise
des finances publiques et de l’endettement. Un plan est récemment adopté en décembre 2022 en conseil
des ministres par la Tunisie pour la période 2023-2025.
52
Le budget économique est un ensemble de comptes nationaux décrivant pour l’année en cours et pour
l’année à venir les prévisions relatives aux opérations des agents économiques de manière à éclairer la
politique budgétaire et économique. Il comporte des évaluations d’ordre économique relatives
notamment au Produit Intérieur Brut, au rythme des réalisations des investissements privés et publics,
au volume de l’épargne, à la balance des paiements ainsi qu’à la balance commerciale. Il est préparé par
l’institut national des statistiques qui est placé sous la tutelle du ministère de développement régional
et de planification.
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des recettes et des dépenses du budget de l'État par nature et par destination. Il
répartit le montant global des dépenses par nature entre les missions ».
Le cadre budgétaire vise à mettre en place une trajectoire de l’équilibre budgétaire sur
une durée assez longue et permet de fixer un plafond à la fois aux prélèvements
obligatoires et au déficit ce qui a pour conséquence d’imposer un plafonnement des
dépenses. D’ailleurs, en vertu de l’article 39 de la LOB « les prévisions des ressources
et des charges de l’Etat ont lieu sur la base des équilibres généraux et dans le
cadre des plans de développement, du budget économique et d’un cadre
budgétaire à moyen terme fixé pour trois ans et actualisé chaque année. La loi de
finances de l'année autorise la perception des ressources et fixe les charges pour
la première année uniquement ».
L’adoption du budget
53
Martin COLLET, p. 477.
54
LASCOMBE, Le parlement et la loi de finances, mélanges Hauriou, 2011.
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34
pouvoir financier se trouve désormais partagé entre les deux chambres, toutefois
l’articulation entre les deux chambres n’est encore pas claire.
Le pouvoir d’amendement des députés est strictement encadré par les dispositions des
articles 69 de la constitution 2022 et par l’article 49 de la LOB. En effet, « l’Assemblée
des représentants du peuple peut, proposer d’ajouter de nouveaux articles ou
d’introduire des amendements au projet de loi de finances de l’année ou de la loi
de finances rectificative dans les cas suivants :
- pour réduire des dépenses ou augmenter des recettes,
- pour proposer de nouvelles dépenses sous réserve de proposer des recettes
additionnelles ou une économie des dépenses couvrant les dépenses
additionnelles,
- pour introduire des modifications sur la répartition des crédits entre les
programmes moyennant les modifications correspondantes au niveau des
objectifs et des indicateurs des programmes concernés par les modifications ».
En cas de dépassement du délai du 31 décembre et le projet de la loi de finances n’est
pas adopté, l’article 78 de la Constitution de 2022 prévoit que « si à la date du 31
décembre le projet de loi de finances n’a pas été adopté, il peut être mis en
vigueur, en ce qui concerne les dépenses, par tranches trimestrielles
renouvelables par décret. Les recettes sont perçues conformément aux lois en
vigueur ». De même l’article 50 de la LOB indique que « si le projet de loi de finances
n’est pas adopté dans le délai maximum du 31 décembre, il peut être procédé à
son exécution en matière de dépenses, par tranches de trois mois renouvelables
par décret présidentiel. Les recettes sont recouvrées selon la législation en
vigueur. L’Assemblée des représentants du peuple en est informée avant
l’adoption du projet de loi des finances de l’année ».
Processus II
Exécution et contrôle
Constitué par les quatre temps budgétaires, le processus budgétaire fait intervenir des
autorités distinctes. Si l’élaboration de la loi de finances et son adoption peuvent
constituer « la prise de décision budgétaire », l’exécution et le contrôle des lois de
finances servent aussi, mais indirectement la décision budgétaire.
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1) L’engagement est l’acte par lequel un organisme public crée ou constate à son
encontre une obligation de laquelle il résultera une charge. Il constitue le fait
générateur de la dépense. C’est l’acte qui va rendre l’Etat débiteur.
2) La liquidation est l’opération qui assure que le service a été accompli et qui
évalue le montant précis de la dépense. Elle a pour objet de vérifier la réalité de
la dette et d’arrêter le montant de la dépense.
3) L’ordonnancement est l’ordre de payer adressé par l’ordonnateur au
comptable. Contrairement à l’engagement et à la liquidation, l’ordonnancement
est nécessairement un acte de nature administrative et est de la compétence
exclusive d’un ordonnateur.
L’exécution comptable : le paiement est effectué par le comptable qui est non
seulement caissier et payeur mais contrôleur et, à ce titre, chargé de contrôler la
régularité de la dépense.
La portée de l’autorisation : les crédits ouverts par le budget de l’Etat ont un caractère
« limitatif ». En effet, en vertu de l’article 21 de la LOB « les crédits du budget de l'Etat
ont un caractère limitatif ». Cela signifie comme le précise la LOB elle-même dans le
cadre du même article qu’ils « ne peuvent être engagés ou ordonnancés que dans la
limite des crédits répartis ». Seulement certains crédits tels « les crédits afférents
aux dépenses des charges de financement, des comptes spéciaux et des
établissements publics dont les budgets sont rattachés pour ordre au budget de l'Etat
», sont évaluatifs. Le crédit évaluatif est le crédit pour lequel les autorités d’exécution
du budget sont habilitées à pourvoir aux dépenses تأمينّ النفقاتmême au-delà des
crédits ouverts et cela à partir d’une lecture à contrario de l’article 45 de la LOB. Il est
considéré que dans tous les cas qui intéressent les relations financières avec les tiers,
notamment les Etats étrangers, une certaine réactivité de la part du pouvoir exécutif
est indispensable. D’ailleurs, le Parlement n’est pas dépouillé de tout pouvoir de
contrôle. Les dépassements de crédits évaluatifs font nécessairement l’objet de
propositions d’ouverture de crédits dans les prochains projets de loi de finances
afférent à l’année concernée.
Qu’ils soient évaluatifs ou limitatifs, les crédits du budget sont régis par le principe de
la non obligation de dépenser étant donné que les autorités d’exécution ne sont pas
tenues de consommer l’intégralité des crédits qu’elles ont sollicités puis obtenus de la
part de l’assemblée délibérante lors du vote du budget.
La « régulation » budgétaire permet de modifier le montant des crédits et aussi
d’aménager leur affectation en amendant les termes de l’autorisation budgétaire et la
répartition des crédits qui en résulte. La modification peut être soit à la baisse soit à la
hausse.
Modification à la baisse des crédits : Il s’agit des possibilités de report et annulation
des crédits ; tel est le cas de l’article 59 de la LOB qui prévoit que « afin de préserver
l’équilibre budgétaire, il peut être procédé au cours de l’année budgétaire au
blocage ou à l’annulation des crédits ouverts par la loi de finances. Le blocage des
crédits intervient par arrêté du ministre chargé des finances. L’annulation de
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Michel BOUVIER, Finances publiques, p. 372 et suivant.
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Il s’agit des contrôles à priori qui s’exercent par la voie d’autorisations préalables, et
des contrôles à posteriori qui sanctionnent les irrégularités constatées
En vertu de l’article 63 de la LOB, « le budget de l’Etat est soumis à un contrôle
administratif concomitant avec les différentes étapes de son exécution. Les
procédures de contrôle sont fixées par les textes juridiques spécifiques à chaque
organisme de contrôle. Toutes les administrations publiques sont soumises à des
missions d’audit et leurs rapports annuels de performance sont examinés et
évalués ». Il s’agit à titre d’exemple du comité général de l’administration du budget
de l’Etat et du haut comité هيئةّالرقابةّالعامةّللماليةorganisé par le décret n°2886-2000
dont notamment les contrôleurs de dépenses. (Décret gouvernemental n°2019-612 du 1er
juillet 2019, modifiant le décret n°2012-1683 du 22 août 2012, fixant le statut particulier
des membres du corps de contrôle des dépenses publiques relevant de la présidence
du gouvernement et portant organisation du comité général du contrôle des dépenses
publiques).
Outre les contrôles administratifs, un contrôle juridictionnel est organisé aussi bien en
vertu de la LOB que par la loi organique n°41-2019 du 30 avril 2019 relative à la cour des
comptes.
La Cour des Comptes est l'institution supérieure de contrôle des finances de l'Etat, des
collectivités locales et des établissements publics administratifs. Elle dispose, à cet
effet, d'un pouvoir de juridiction sur les comptables publics et d'un pouvoir de contrôle
sur les ordonnateurs. Elle est chargée, en outre, de l'examen des comptes et de la
gestion économique et financière des entreprises publiques. Elle apprécie les résultats
du concours économique et financier de l'Etat, des gouvernorats ou des communes. La
Cour des Comptes juge en premier et dernier ressort les comptes de tous les
comptables publics à l'exception des comptes des communes et des établissements
publics dont le budget annuel ordinaire ne dépasse pas le montant d’un million de
dinars. Ces comptes sont apurés administrativement par le ministre des finances. En
vertu de l’article 8 de la loi de la cour des comptes « la Cour des comptes dispose d’un
pouvoir de juridiction et d’un pouvoir de contrôle. Elle :
1) juge les comptes des comptables publics. Elle peut statuer sur les pourvois en
reformation formés soit par les parties intéressées, soit d’office en réformation
des arrêtés administratifs des comptes des établissements publics et des
collectivités locales dont le budget annuel ne dépasse pas un montant fixé par
décret gouvernemental.
2) sanctionne les fautes de gestion conformément aux conditions fixées par la
présente loi.
3) exerce un pouvoir de contrôle sur les comptes et la gestion des organismes
énumérés à l’article 7 de la présente loi ».
En sus de sa mission juridictionnelle, la cour des comptes exerce des missions non
juridictionnelles de contrôle sur la gestion des ordonnateurs et des comptables. Elle est
dotée, en vertu du chapitre 8 de la loi n°41-2019, d’une mission d’assistance aux
pouvoirs législatifs et exécutif dont notamment l’élaboration « d’un rapport sur le
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Michel BOUVIER, Finances publiques, p. 489 et s. Ahmed ESSOUSSI, Finances publiques.
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