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2022/2023

AIDA KTATA
FINANCES
PUBLIQUES
Droit des finances publiques
1

INTRODUCTION
Nerf de la guerre 1, les moyens financiers, ou l’argent, sont la condition de toutes les
activités, la mesure et la garantie de l’indépendance et du pouvoir 2. Constamment, les
finances publiques sont au premier plan de l’actualité. A l’automne, le vote du budget
de l’État par le parlement est un rendez-vous politique majeur abondamment
commenté 3. Les mesures fiscales nouvelles font l’objet de débats parfois virulents ّ‫حاد‬
de même que, dans certains pays, l’équilibre de la sécurité sociale.
Gaston JEZE, dans son cours élémentaire de science des finances et de législation
financière française, avait considéré que le mot finance au singulier vient du latin «
finis » qui signifie fin ou terme, et désigne, ainsi, dans le champ du droit, la fin des
opérations juridiques à savoir le paiement. Au Moyen Âge, le mot s’est imposé pour
signifier « paiement d’une somme d’argent » comme dans l’expression moyennant
finance 4.
Pendant longtemps, on a considéré que les finances publiques ne devaient traiter que
des aspects juridiques et on devait se borner à l’étude des règles administratives et
constitutionnelles auxquelles doivent se plier ‫ تخضع‬l’État et les autres personnes
publiques dans leur activité financière, c’est-à-dire étudier uniquement les règles
concernant l’établissement du budget, l’exécution des dépenses et des recettes
publiques (droit de comptabilité publique), l’impôt (droit fiscal). Cette conception se
retrouve dans la définition de Gaston JEZE « les finances publiques étudient les
moyens par lesquels l’État se procure les ressources nécessaires à la couverture
des dépenses publiques et en répartit la charge entre tous les citoyens ».
Suite à la crise des années 30, il va se développer une conception économique des
finances publiques. Les idées de KEYNES, le développement des interventions de l’État
ont amené à faire une place plus importante aux aspects économiques des finances
publiques.
On s’est intéressé à des problèmes que jusque-là, avaient été négligés ; tels que les
effets productifs ou improductifs des dépenses publiques, l’effet de l’équilibre ou du
déficit budgétaire sur la situation économique et les effets du prélèvement fiscal sur le
comportement des agents économiques.
La gestion financière des organismes publics n’est pas uniquement affaire de droit,
d’économie ou encore de comptabilité. L’approche juridique fondamentale fait que,
branche du droit public, les finances publiques ont pour objet l’étude des problèmes
financiers des personnes publiques même si le droit privé n’est pas absent dans la
mesure où nombreux acteurs sont des organismes de droit privé.
Aujourd’hui, cette discipline a, cependant, profondément évoluée et elle présente un
caractère pluridisciplinaire marqué.

1
L’expression est empruntée à Jean BODIN en considérant que « les finances sont le nerf de la République
», La république, 1576 et citée par Leila CHIKHAOUI, Précis de finances publiques, CPU, 2004, p. 9.
2
Dans un article paru dans la RDP de 1983, Paul AMSELEK s’est demandé « peut-il y avoir un État sans
finances ? », RDP, 1983, p.267.
3
François ADAM, Olivier FERRAND et Rémy RIOUX, Finances publiques, Dalloz, 2010, 3ème éd, p. 23.
4
Gaston JEZE, Cours élémentaire de science des finances et de législation, 1931, p. 2.
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Droit des finances publiques
2

1 L’objet des finances publiques


Le terme finance désigne l’ensemble des ressources, argents, crédits ou autres moyens
financiers. La finance est un terme générique ‫ اسمّجنس‬qui désigne l’étude de la façon
dont les individus, les entreprises et les organismes de toute nature obtiennent des
ressources monétaires et les investissent. La finance se distingue de la comptabilité
par sa vocation prospective. On parle de finances publiques par rapport aux finances
privées, de finances de l’État par rapport aux finances locales ou sociales.
1. Les finances publiques se distinguent des finances privées
Les finances privées se rapportent à l’argent appartenant à des particuliers ou à des
entités de droit privé par opposition aux finances publiques. Il est habituel de relever
les différences quantitatives entre budgets publics (notamment de l’État en milliards)
et budgets privés (certaines personnes, ainsi que des sociétés multinationales ayant
des chiffres d’affaires qui dépassent les budgets de beaucoup de pays).
Lorsque les dépenses deviennent suffisamment nombreuses et importantes, il est
nécessaire d’établir une prévision, d’évaluer leur montant pour une période donnée,
d’établir une comptabilité des dépenses effectuées et des recettes encaissées,
d’emprunter provisoirement des fonds pour pouvoir dépenser sans attendre la rentrée
de toutes les recettes ou pour faire des dépenses d’investissement. Il est, aussi,
nécessaire d’organiser un contrôle de l’entrée et de la sortie des deniers si l’on veut
éviter les détournements et les gaspillages. Ces différents problèmes sont communs
aux finances publiques et privées.
Le problème financier qui se pose au simple particulier et à l’État apparaît comme un
problème de voies et de moyens : en face d’une dépense, il faut aligner les ressources
nécessaires. La doctrine distingue entre les finances publiques et les finances privées
et considère que « les finances privées se rapportent à l’argent appartenant à des
particuliers ou à des entités de droit privé par opposition aux finances publiques
» 5. C’est normalement la même personne qui assume simultanément la responsabilité
de prendre la décision et de l’exécuter, tel n’est pas le cas lorsqu’il est question d’une
décision publique, d’engager la politique de l’État ou de résoudre une crise économique
ou sociale. Du moment qu’il n’existe pas, dans l'État, une seule autorité comparable à
celle du chef de famille, qui soit capable à la fois de décider et d’exécuter ses vastes
programmes, différents pouvoirs, différents organes sont en présence, et les finances
publiques, notamment le droit budgétaire, ont précisément pour objet de fixer
l’équilibre du pouvoir politique et les pouvoirs financiers entre ces différents organes
pour permettre les choix qui commandent les activités de l’État.
Si le budget privé repose, essentiellement, sur la liberté, les budgets publics sont au
service de l’intérêt général et de la liberté politique.
L’État, puissance souveraine, est tenu d’assumer toutes les activités qui lui incombent,
ne doit assumer que ces activités, en veillant aux impératifs de bonne gestion des «
deniers publics ‫ » األموالّالعام ّة‬6.

5
Ahmed ESSOUSSI, Finances publiques, Latrach, 2013, p. 5.
6
Plutôt que de parler d’argent public comme objet des finances publiques et renvoie normalement à la
monnaie appartenant à une administration publique, il est habituel de parler de deniers publics. J
MAGNET, « la notion de deniers publics en droit financier français », RSF, 1974, p. 129.
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2. Les finances publiques ont pour objet l’étude des deniers publics
Généralement, on considère que les finances publiques sont la science des deniers
publics 7. Notion complexe, Madame CHIKHAOUI avait considéré que les deniers
publics sont les fonds et les valeurs destinés à l’exécution d’un service public ou
mis à sa disposition. Auparavant, notion centrale des textes juridiques financiers
français, la notion de deniers publics a disparu de ces textes au milieu du vingtième
siècle 8. En droit tunisien, si la LOB de 2019 ainsi que celle de 1967 ne prévoient pas la
notion, l’article 12 de la loi relative à la cour des comptes s’y réfère indirectement 9.
La doctrine présente deux définitions des deniers publics : juridique et politique.
 Juridique : à défaut du législateur, c’est à la jurisprudence et à la doctrine qu’il
appartient de préciser la notion de deniers publics. Dans un arrêt Fighiera, le Conseil
d’État avait estimé, dans un premier temps, que « les deniers avaient le caractère de
deniers publics lorsqu’ils étaient affectés à l’exécution d’un service public » 10. La
personne du détenteur n’influait pas et suffisait que les sommes soient affectées à un
service public et pas forcément à un service public déterminé.
Par la suite, il a été admis que des deniers pouvaient avoir le caractère de deniers
publics du seul fait qu’ils étaient mis à la disposition d’une collectivité publique sans
qu’ils aient reçus, pour autant, une affectation précise. « Les deniers publics sont les
deniers destinés, en principe, à l’exécution d’un service public ou qui sont mis à
la disposition d’une personne publique ou qui, provenant d’une caisse publique,
en sont sortis régulièrement » 11.
 Envisagés sous l’aspect politique, les deniers publics sont ceux qui permettent à
l’État, la mise en œuvre de sa politique par l’exercice de son pouvoir de commandement.
Elle est plus étroite que celle juridique dans la mesure où elle ne comprend pas les
deniers affectés au financement des activités privées des organismes publics. Elle est
parfois plus extensive dans la mesure où, dans certains cas, certains organismes privés
reçoivent le droit de mettre en œuvre des prérogatives de la puissance publique et les
deniers utilisés par ces organismes sont des deniers publics (exemple : les deniers mis
à la disposition des caisses de sécurité sociale. La puissance publique est mise en
œuvre pour la perception des ressources ou pour la distribution des prestations).
La dualité de la définition conduit à se référer surtout à la définition juridique lorsqu’il
y a lieu de préciser le régime juridique des deniers publics et le domaine d’application
des règles de la comptabilité publique, par contre c’est la définition politique qu’il faut
retenir dans les recherches scientifiques de politique financière 12.

7
Jacques MAGNET, La notion de deniers publics en droit financier français, RSF, 1974, p. 129 et s.
8
Elle figurait dans l’article 1 du code de la comptabilité publique de 1862 qui disposait que « les deniers
publics sont les deniers de l’Etat, des départements, des communes et des établissements publics ou de
bienfaisance ». Le règlement général sur la comptabilité publique du 29 décembre 1962 a évité
d’employer l’expression. Mais si elle n’est pas clairement exprimée, la notion de deniers publics demeure
sous entendue. Jacques MAGNET, La notion de deniers publics en droit financier français, RSF, 1974, p. 129.
9
En vertu de l’article 12 de la loi relative à la Cour des Comptes, « Le Premier Président de la Cour des
comptes peut, soit à la demande de l’une des commissions de l’Assemblée des représentants du
peuple ou sur sa propre initiative, présenter des informations sur les résultats définitifs des
travaux de la Cour des comptes se rapportant au contrôle de gestion des deniers publics ».
10
CE, 11 mars 1938, rec. 263.
11
Paul Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances publiques, Montchrestien, tome 1, 6ème éd, 1992, p. 41.
12
Paul Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances publiques, Montchrestien, tome 1, 6ème éd, 1992, p. 45.
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2 L’étude des finances publiques


Branche du droit public, les finances publiques ont profondément évolué et présentent
aujourd’hui un caractère pluridisciplinaire marqué. Du moment qu’elles se rapportent
aux problèmes relatifs aux dépenses et aux ressources des personnes et organismes
publics, les finances publiques sont l’une des branches du droit public 13. Le droit public
étant le droit qui régit les collectivités publiques, il est normal qu’une branche de ce
droit soit constituée par les règles relatives aux finances publiques, aux recettes et aux
dépenses des collectivités publiques, et contrôle l’emploi de ces ressources. Sous ses
aspects divers ; droit financier, institutions financières, droit fiscal, droit budgétaire,
droit de la comptabilité publique, les finances publiques sont une branche du droit
public.
Mais qu’elle est alors la place des FP dans le droit public ?
Traditionnellement, le droit public est divisé en deux branches : le droit constitutionnel
qui étudie les règles juridiques s’appliquant aux organes de décision politique, à la
fonction gouvernementale au sens large, et le droit administratif qui étudie les règles
s’appliquant aux organes d’exécution, à la fonction administrative.
En se situant parmi les sciences juridiques, les finances publiques viennent pour
compléter ces deux branches de droit. Elle complète le droit constitutionnel auquel elle
se rattache en partie (le droit budgétaire) et le droit administratif (comptabilité
publique, droit fiscal).
Entre droit fiscal et finances publiques existe un lien commun celui de l’étude des
impositions revenant aux collectivités alors même que les finances publiques
s’intéressent aussi, en plus de l’étude des impositions, à l’étude des autres ressources
financières du trésor ainsi qu’aux modes de gestion de ces finances.
Comme toutes les disciplines de droit public, les finances publiques ne se bornent pas
à la seule analyse juridique des phénomènes qu’elles étudient et sont enrichies des
acquisitions de la science politique. Elles ne se présentent pas comme une branche du
droit public ayant pour objet l’étude des règles juridiques relatives aux dépenses et aux
ressources des personnes publiques seulement. « C’est à la lumière du droit, de
l’économie, de la science politique, des sciences de gestion, de l’histoire, de la sociologie,
voire même de la psychologie que peuvent être comprises les finances publiques » 14. La
vieille législation financière se prolonge en politique financière qui ne relève pas de la
seule science économique car ce ne sont pas seulement des objectifs économiques
mais aussi des objectifs sociaux et politiques que la politique financière entend
atteindre. La discipline moderne des finances publiques englobe la politique financière,
la politique budgétaire et la politique fiscale 15.

13
Même si la distinction droit public droit privé est de plus en plus discutée, néanmoins, du moment
qu’elle engage et illustre les prérogatives de puissance publique, surtout dans sa branche de droit fiscal,
les finances publiques sont une branche du droit public même si elles interférent avec les branches du
droit privé telles que le droit de la sécurité sociale, le droit des affaires, le droit bancaire et le droit civil
(bonne foi, nullité, société, vente).
14
Michel BOUVIER, Marie Christine ESCLASSAN et Jean Pierre LASSALE, Finances publiques, 12ème éd, LGDJ,
12ème éd, p. 20
15
Paul Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances publiques, Montchrestien, tome 1, 6ème éd, 1992, p. 18.
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Le droit budgétaire c’est une branche du droit public qui contient des règles
constitutionnelles, législatives et réglementaires relatives aux conditions dans
lesquelles le budget est établi, adopté, exécuté et contrôlé. Il détermine l’ensemble du
processus budgétaire que l’on répartit en quatre temps ou la règle « des quatre temps
budgétaires » 16.
Le droit fiscal est généralement le droit qui étudie l’impôt et les différentes techniques,
institutions et politiques fiscales. Droit de l’impôt 17, le droit fiscal n’est pas une simple
addition de règles juridiques et techniques, il prend aussi en considération plusieurs
aspects ; politiques, institutionnels, sociologiques, économiques et psychologiques
dans une société donnée.
Le droit de la comptabilité publique est un droit qui a vocation à poser le cadre de
l’exécution du budget notamment de l’État à travers l’étude des autorités compétentes,
des procédures d’exécution et des procédures de contrôle.

3 Genèse et mutations des finances publiques


A l’instar de nombreuses disciplines relevant des sciences sociales ; les finances
publiques ont commencé à se construire comme un champ d’étude particulier au cours
de la seconde moitié du XIXème siècle. Généralement, la doctrine distingue entre la
période fondatrice des finances publiques modernes à laquelle succède, au XXième
siècle, une période consolidatrice des finances publiques (d’abord les trois grandes
branches du droit financier public se confirment, de nombreuses règles financières et
de nombreux aspects des finances publiques s’internationalisent) pour arriver à la
phase actuelle (fin du XXème et début du XXIème) qui constitue la période de
modernisation des finances publiques 18 ; modernisation caractérisée essentiellement
par le passage du budget des moyens au budget des missions et programmes. Les
crédits sont regroupés par missions relevant d’un ou plusieurs services d’un ou
plusieurs ministères et toute mission comprend un ensemble de programmes
concourant à une politique publique définie.
Né en Angleterre, le principe du consentement de l’impôt est à la base des institutions
financières. Alors que les dépenses ordinaires du royaume étaient en principe assurées
par le Roi par les revenus de son domaine (aucune autorisation, ni consentement n’était
nécessaire ni pour leur perception, ni pour leur emploi), le développement des actions
de l’État exigeait le recours à des modes de financement extraordinaires et donnait
naissance, sous le règne du Roi Jean sans terre, à la nécessaire autorisation préalable
incarnée ‫ مجسدَة‬dans la grande Charte de 1215 19. L’idée d’autorisation, réduite au départ
aux seules ressources considérées extraordinaires, a connu un grand essor par lequel
les institutions politiques et les institutions financières vont évoluer parallèlement et
solidairement : le droit budgétaire anglais va s’établir au terme d’une longue épreuve
de force entre le pouvoir royal et le parlement en consacrant au profit de celui-ci le
pouvoir de donner une autorisation budgétaire totale. Certains sont même allés jusqu’à

16
Stéphane MOUTON, cours du droit des finances publiques, 2004-2005, p. 5.
17
Pour Gaston JEZE, l’impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers par vois d’autorité, à
titre définitif et sans contrepartie en vue de la couverture des charges publiques.
18
Michel DE VILLIERS et Thibaut DE BERRANGER, Droit public général, Lexis Nexis, 7ème éd 2017, p. 781.
19
Lamia NEJI, Le principe du consentement de l’impôt, RTF n°2. Pierre BELTRAME, Le consentement de
l’impôt, Devenir d’un grand principe, RFFP, n°51, 1995, p. 81.
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considérer qu’outre la garantie de financement des missions d’intérêt général, la


gestion publique ait aussi pour objectif « de légitimer le prélèvement de l’impôt » 20. Et
c’est au fil des révoltes successives vécues par les pays d’occident (Angleterre, USA et
France) que se sont construites les trois préoccupations majeures de l’autorisation
budgétaire à savoir l’autorisation de l’impôt, l’autorisation des dépenses et la
périodicité de l’autorisation.
En Tunisie, jusqu’à la fin du 19ème siècle, il n’y avait aucune réglementation claire des
finances de la régence, et la gestion des deniers publics était arbitraire d’autant plus
que les impôts, affectés aux dépenses du Bey et variables d’une région à une autre, sont
souvent recouvrés par la Mhalla 21. Toutefois, certaines tentatives de rationalisation des
finances de l’État ont été entreprises notamment par le ministre réformateur
Khayredine en vue d’assainir et d’améliorer la situation des finances publiques mais
sans grand succès.
En prévoyant que les dépenses et les recettes seraient soumises à l’acceptation du
conseil suprême, la constitution de 1861 constituait à l’époque une mise en place des
germes du consentement de l’impôt. Le dédoublement de la Mejba, ayant causé la
révolution de Ali Ben GHDAHEM, s’est soldé par la suspension de la constitution et par
la mise sous tutelle internationale des finances de la Tunisie suivie par la mise en place
du protectorat. Ne pouvant obtenir le remboursement de leurs créances, les prêteurs
européens obtinrent la création par le décret beylical du 5 juillet 1869 d’une
commission financière internationale chargée « de percevoir tous les revenus de la
régence et d’en assurer la répartition entre les créanciers et le gouvernement ».
Dès les premières années du protectorat, les autorités françaises ont progressivement
introduit leurs règles et principes budgétaires notamment à travers les décrets
beylicaux du 12 mars 1883 et du 19 décembre 1883 qui ont organisé le régime
d’établissement et du règlement du budget. Une fois établi, le budget devrait être
soumis à l’examen du parlement français pour être par la suite promulgué par le
résident général français en Tunisie. Le décret beylical du 12 mai 1906 portant règlement
de la comptabilité publique a procédé à une harmonisation avec les dispositions de la
loi française du 22 avril 1905 et a prévu la soumission du budget tunisien au contrôle
de la cour des comptes française. L’examen par le parlement français a été supprimé
avec l’institution du grand conseil en 1922 qui comprenait des membres français
(section française) et des membres tunisiens appelés à donner un avis sur le projet du
budget et remplacé en 1954 par un conseil représentatif (assemblée consultative sans
droit de vote supprimée dès la proclamation de l’autonomie interne par le décret du 21
septembre 1955) qui avait pour attributions essentielles d’examiner et de discuter le
budget et d’émettre des avis sur toutes les dépenses, recettes et emprunts de l’État.
Après l’indépendance, la Tunisie a hérité du protectorat une situation financière
relativement saine et un ensemble de règles budgétaires, fiscales et comptables
calquées sur le modèle français. Jusqu'à la promulgation de la constitution tunisienne
de 1959, le budget était adopté par le conseil des ministres et soumis ensuite à
l’approbation du chef de gouvernement. Consultée à propos des choix financiers du
gouvernement, l’assemblée nationale constituante n’a pas voté des lois de finances et
avait pour mission unique l’adoption de la constitution.

20
Martin COLLET, Finances publiques, LGDJ, 3ème édition, 2018, p. 17.
21
Najla ABDEDDAYEM, Présentation de l’administration fiscale de la Tunisie précoloniale, RTF, 2005, n°2,
p. 143.
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La loi organique du budget du 12 mars 1960 et le budget de l’exercice 1960 furent les
premiers textes législatifs adoptés par l’assemblée nationale mise en place en
novembre 1959. En 1967, cette LOB 22 a été abrogée et remplacée par la loi du 8 décembre
1967 qui a fait l’objet de nombreuses modifications dont celle du 13 mai 2004.
En Tunisie, l’indépendance, la crise de 1969 et le désengagement progressif de l’État ont
accéléré la libération relative de l’économie. La refonte de l’économie en général et des
finances publiques en particulier s’est traduite par les émeutes de pain de 1984 et
l’adoption du plan d’ajustement structurel de 1986 qui ont bouleversé la gestion des
finances publiques sous l’influence et le développement des grandes institutions
financières mondiales : la BIRD et le FMI.
La Tunisie s’est dotée en 2014 d’une nouvelle constitution qui a consacré de nouveaux
principes, règles et institutions financières méconnus par la constitution de 1959 et par
la LOB. Il s’agit principalement de l’impératif de bonne gestion des deniers publics
consacrée par l’article 10 de la constitution et de transparence et d’efficience prévues
par son article 15. Discutée pendant trois ans, une nouvelle loi organique fut adoptée
(LOB n°15-2019 du 13 février 2019) alors même que les déséquilibres ne cessent de
s’accentuer en matière de charges publiques. Mettant en place la budgétisation par
objectifs, la nouvelle LOB s’inscrit dans une nouvelle culture publique de transparence,
redevabilité ‫ مسائلة‬et performance. Même si la promulgation de la constitution de 2022
semble anéantir ‫ أحبط‬les acquis de son prédécesseur en matière financière du moment
qu’elle ne se réfère plus notamment à l’obligation de bonne gestion des deniers publics,
ces principes et valeurs reconnus par la LOB, appelée la constitution financière de l’État,
demeurent présents et, espérons-le, des garde-fous ‫ صمامّ األمان‬puissants contre les
éventuelles dérives.
Les finances publiques contemporaines nées des crises et de l’évolution de la demande
sociale elle-même, sont caractérisées par un changement de dimension qui a
transformé leurs rapports avec l’économie générale. Ce changement de dimension des
finances publiques dû à une progression constante de la consommation et de la
redistribution collective s’est traduit à l’époque contemporaine par deux phénomènes
nécessairement liés : la croissance continue des dépenses publiques et des
prélèvements obligatoires. Ce n’est pas seulement le volume des flux financiers publics
qui s’est accru mais c’est aussi leur contenu, la nature des décisions dont ils font l’objet
et la façon dont ils sont mis en œuvre qui ont subi de profondes transformations.
La recherche de l’efficacité, de la rapidité et de la souplesse de l’action par un secteur
public et le développement de la culture du contrôle de gestion rend souvent
illusoire ‫ وهمي‬ou gênante l’application des grands principes du droit public financier.
On assiste au développement de techniques de contrôle de gestion qui se poursuit tout
aussi logiquement par la mise en œuvre de procédures d’évaluation de ladite gestion.
C’est à la fois en amont du processus budgétaire lors de la phase de préparation et de
décision relative à la fixation des prévisions et en aval lors de l’exécution que les
préoccupations du contrôle de la gestion publique trouvent à s’exercer. Il est même
question d’un déplacement des débats jusqu’alors focalisés sur la question de
l’initiative parlementaire vers le problème plus technique du contrôle de l’exécution des
lois de finances par les élus 23.

22
Compte tenu de la valeur et de l’importance de cette loi, l’attributif « organique » lui été attribué alors
même qu’à l’époque, la constitution tunisienne ignorait la catégorie juridique loi organique.
23
BOUVIER, p. 35
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8

Il s’agit de parvenir à concilier la recherche de l’efficacité de gestion et celle du respect


de règles juridiques.
La réforme des finances publiques ne procède plus aujourd’hui d’un simple angle de
vue national et il est même question de la limitation de l’autonomie financière des
institutions politiques traditionnelles (à savoir l’État et les collectivités locales) vers à
la fois une sorte de transfert de pouvoir au profit des institutions internationales et une
implication plus poussée du citoyen (finances publiques citoyennes). Il s’agit « d’une
nouvelle forme de gouvernance sachant intégrer démocratie, compétence, solidarité et
liberté » 24. Il semble pour le Professeur BOUVIER que l’on soit en train de rompre avec
une conception cloisonnée ‫ّّمقسمة‬-ّّ‫ مجزأة‬de l’État et de l’action publique sans pour
autant qu’il s’agit d’affaiblir l’État mais de l’organiser autrement à la fois sur un plan
vertical et horizontal. La réforme de la gestion publique et la montée en puissance d’une
société de l’immatériel ont pour conséquence la naissance d’un nouvel État qui, au-
delà d’être un État stratège, doit devenir un État intelligent : après l’implantation de la
nouvelle gestion publique puis le passage à une gouvernance financière publique c’est
à la naissance d’une gouvernance financière publique d’excellence à laquelle il est
urgent de se consacrer. Cette dernière associant à la recherche de la performance, de
l’efficacité de la gestion, une dimension cognitive.
Remarque : généralement, pour l’étude des finances publiques, on distingue entre les
finances de l’État, les finances locales et les finances sociales.

4 Les sources du droit des finances publiques


S’interroger sur les sources du droit des finances publiques revient à chercher par qui
et comment elles sont produites ou plus spécialement aux sources formelles sans pour
autant s’intéresser directement, dans le cadre de ce cours, aux sources matérielles du
droit des finances publiques.
Acte fondateur de l’État, la constitution constitue le fondement suprême de toutes les
branches du droit. Outre la protection des droits et libertés et la répartition des pouvoirs
dans un État, la constitution permet, dans le domaine précis des finances publiques,
de légitimer le prélèvement fiscal, de fonder et de répartir le pouvoir financier entre
l’exécutif et le législatif et d’instituer les mécanismes et institutions veillant à la bonne
gestion des deniers publics 25.
A l’instar de toutes les branches du droit, le droit des finances publiques puise son
fondement dans la constitution, rapport encore plus souligné sous l’influence de la
jurisprudence du Conseil Constitutionnel 26. La constitutionnalisation du droit est
particulièrement marquée pour le droit des finances publiques, d’une part parce les
règles du droit budgétaire sont prévues par des lois organiques, et d’autre part parce
que généralement les lois de finances font souvent l’objet, chaque année, de recours
constitutionnel 27. Dans les démocraties occidentales, ce qui autrefois relevait des
habitudes parlementaires ou du bon vouloir gouvernemental est devenu la règle de

24
BOUVIER, p. 48.
25
Mootez GARGOURI, Le principe de la légalité budgétaire en Tunisie, Info juridiques, octobre 2010, p. 14.
26
Mootez GARGOURI, Constitution et finances publiques, Revue de l’école doctorale de la FDS, n°2, 2011,
p61.
27
Loic PHILIP, La constitutionnalisation du droit budgétaire, Mélanges GAUDEMET, 1984.
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droit juridiquement sanctionnée et bien que relativement peu d’articles de la


constitution française notamment soient consacrés exclusivement aux finances
publiques, la plupart des règles budgétaires et financières ont acquis valeur
constitutionnelle et s’imposent au législateur ordinaire.
La constitution tunisienne de 1959 a consacré un certain nombre de principes de base
relatifs aux finances publiques qui ont constitué le fondement même de toute
l’organisation financière de l’État. Celle de 2014 a consolidé certains principes en
introduisant de nouveaux paradigmes en la matière qui semblent malheureusement
ignorés par celle plus récente de 2022.
Parmi les principes les mieux établis en matière fiscale, celui de la nécessité de l’impôt,
celui de l’égalité devant l’impôt et celui de la légalité fiscale. D’autres principes de droit
budgétaire sont énoncés par la constitution et ce à savoir le principe de la légalité
budgétaire et celui, à degré moindre, de la bonne gestion des deniers publics.
La constitution tunisienne de 1959 prévoit pour sa part le principe du contrôle politique
des finances publiques. Elle prévoit dans son article 36 alinéa 2 le principe de la
nécessaire obtention par le gouvernement d’une autorisation législative pour percevoir
les recettes et les dépenses de l’État en renvoyant à la LOB pour les modalités concrètes
de cette autorisation. L’article 28 de ladite constitution prévoyait que « les projets de
loi de finances sont soumis à la Chambre des députés et à la Chambre des
conseillers ». Pour sa part, la constitution tunisienne de 2014 tout en prévoyant dans
son article 66 que « la loi autorise les ressources et les dépenses de l’État
conformément aux dispositions prévues par la loi organique du budget », elle
limite, comme celle de 1959 mais avec une formule différente, le pouvoir d’amendement
des députés dans son article 63. Empruntant la même démarche, la constitution de
2022 a aussi limité le pouvoir d’initiative des parlementaires.
La loi est aussi une source essentielle en matière de droit budgétaire car elle pose les
fondements mêmes de l’autorisation des recettes et des dépenses et ce à travers les
lois d’impôts, la loi qui fixe les règles d’établissement, de présentation et d’exécution
des opérations budgétaires et la loi organique du budget et le code de la comptabilité
publique et enfin une loi pour autoriser annuellement la perception des recettes votées
et la réalisation des dépenses projetées à savoir la loi de finances annuelle . D’autres
actes émanant de l’administration peuvent aussi être des sources du droit des finances
publiques et notamment renfermer des dispositions à caractère budgétaire 28.
Convaincus que le droit des finances publiques ne peut être enseigné en un seul
semestre, c’est pour cette raison qu’on est obligé, dans le cadre de ce cours, de focaliser
sur certains aspects notamment ceux relatifs au droit budgétaire sans s’intéresser à
certaines questions ayant trait au droit fiscal et au droit de la comptabilité publique.
On a, dès lors, choisi d’articuler notre cours au tour de deux grands axes ; les principes
budgétaires (1ère partie) et le processus budgétaire (2ème partie).

28
Il est à remarquer que l’administration publique en tant qu’institution faisant partie du pouvoir
exécutif exerce sa mission à l’aide d’un ensemble d’instruments parmi lesquels des actes juridiques
qu’elle adopte. Certains de ces actes sont dits à caractère individuel et concernent une ou plusieurs
personnes nommément désignées dont ils modifient ainsi la situation juridique et d’autres dits des
actes à caractère réglementaire dans la mesure où ils concernent une situation générale ou un ensemble
d’individus qui ne sont pas nommément désignées. Ces actes à caractère réglementaires sont soit des
actes d’exécution des lois, soit des règlements sur délégation (soit sur la base de l’article 34 de la
constitution de 1959 soit par le biais de décrets lois) soit des règlements autonomes.
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Première
Principes Budgétaires
Partie
Par « principes budgétaires », on entend l’ensemble des principes financiers qui
constituent dans leur ensemble, c’est-à-dire dans leur aspect fiscal, comptable et
budgétaire, les principes d’organisation de l’action publique et la pierre angulaire de
finances de l’État. Toutes ces règles de base s’articulent autour d’un principe plus
général à savoir celui de la sécurité des deniers publics qui commande tout le dispositif
financier public. Les principes budgétaires ont été adoptés dans un but sécuritaire et
continuent de se maintenir avec certaines adaptations. Leur origine doit être
recherchée dans l’histoire politique occidentale du 19ème siècle, notamment anglaise et
plus précisément en France où, à l’issue de la Révolution de 1789, ils ont été
progressivement affirmés et appliqués jusqu’à prendre leur signification actuelle.
Après avoir été affirmé une 1ère fois en 1215 dans la Grande Charte de Jean Sans terre, le
principe du consentement de l’impôt a surtout trouvé une formulation adéquate au
sein de l’article 14 de la Déclaration Française des Droits de l’Homme et du citoyen du
26 août 1789 qui pose la règle selon laquelle les citoyens ont le droit de suivre l’emploi
des ressources qui sont prélevées auprès d’eux en ces termes « Tous les citoyens ont
le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la
contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en
déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». C’est donc pour
empêcher tout abus qu’a été organisé le contrôle politique du Parlement.
C’est ainsi que la LOB en Tunisie et la loi organique relative aux lois de finances en
France (LOLF) contiennent une série de dispositions relatives à l’élaboration, à la
présentation et à l’exécution du budget et comportent notamment l’obligation imposée
au gouvernement de respecter, lors de l’établissement et de la mise en œuvre du
budget, les principes budgétaires de l’annualité, de l’unité, de l’universalité, de
l’équilibre et finalement de la sincérité budgétaire.
Les principes budgétaires ont été conçus dans le but de permettre aux représentants du
peuple de prendre connaissance régulièrement (annualité) de l’ensemble brut des
ressources et des dépenses de l’Etat (universalité) dont les montants respectifs doivent
être équivalents (équilibre) et présentés de manière détaillée (spécialité) et sincère
(sincérité) dans un document unique (unité).
Au-delà du jeu des rapports de force et d’équilibre dynamique entre les pouvoirs
respectifs de l’exécutif et du législatif que les principes budgétaires reflètent, la
sécurité des deniers publics constitue l’enjeu principal de la consécration de
l’ensemble des règles des finances publiques. Plus récemment, des arguments de
bonne gestion des deniers publics sont aussi présentés pour justifier les principes
budgétaires. Il s’agit de sécuriser les contribuables quant à l’usage des ressources que
l’on prélève auprès d’eux non seulement au niveau de la collecte mais aussi au niveau
de l’autorisation et de l’exécution de la dépense publique.

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C’est d’ailleurs grâce à l’ensemble des principes financiers que ce sont développés et
renforcés les régimes représentatifs occidentaux conçus comme des régimes de liberté
et de sécurité des individus.
Les principes budgétaires sont aussi considérés comme les fondements d’une bonne
gestion des deniers publics. En effet, en tant que document politique essentiel, le
budget ne peut être établi à la légère, et son élaboration au même que son exécution
sont soumises à des règles strictes destinées à en faciliter la manipulation par le
parlement qui doit le contrôler.
Les principes budgétaires sont ainsi des méthodes de présentation claires du budget
en vue de permettre un contrôle efficace du parlement sur les recettes et les dépenses
publiques. Ainsi, l’annualité a été choisie car le cadre annuel a été considéré comme
étant une période à la fois suffisamment longue pour permettre la mise en œuvre ou le
lancement d’un projet et suffisamment courte pour éviter les débordements ‫ تجاوزات‬ou
les risques d’une prévision erronée. Aussi, l’unité du budget vise à présenter dans un
document unique l’ensemble des comptes de l’Etat afin d’en faciliter la lecture et la
gestion. Aussi, l’universalité a pour objet de garantir une transparence au niveau de
l’ensemble des recettes et des dépenses publiques puisque les unes et les autres sont
inscrites séparément dans leur montant global sans compensation ni établissement
de soldes quelconques ce qui aurait pu occulter ‫ أخفى‬certaines opérations.

Remarque : sans pour autant être dénaturés ‫مشوه‬, les principes budgétaires de base
se sont reformulés. Le droit budgétaire a depuis lors actualisé la formulation de ces
principes et a intégré diverses exceptions censées garantir l’équilibre entre l’exigence
de respect de la parole démocratique et le besoin de souplesse que requiert la gestion
quotidienne de l’argent public 29. Adossés ‫مستندةّ إلى‬
ً au principe de la sincérité
budgétaire, les principes budgétaires classiques et surtout les règles encadrant le
contenu du budget (les principes d’annualité et de spécialité sont des principes qui
intéressent plutôt l’autorisation du budget et sont moins concernés par la sincérité des
prévisions budgétaires) retrouvent à travers la LOB leur fonction originelle de règles
permettant aux parlementaires de vérifier le respect de l’équilibre budgétaire et de
débusquer ‫ أخرج‬toutes les dépenses inutiles
Unité, universalité et annualité, règles communes à tous les budgets publics, ont une
signification technique et politique. Considérées comme nécessaires à une bonne
gestion des finances publiques, elles sont, en outre et peut être surtout, destinées à
faciliter le contrôle du Parlement sur la gestion gouvernementale. Le strict respect de
ces règles traditionnelles est devenu plus difficile à l’époque contemporaine où la
nature des dépenses publiques a considérablement évolué et les finances publiques se
sont diversifiées.
Remarque : Quelle que soit l’importance des adaptations subies par les principes
budgétaires, les concepts de base demeurent et ne sont nullement dépassés puisqu’ils
continuent à commander aussi bien l’élaboration que l’exécution du budget de l’Etat.
Les principes budgétaires s’appliquent surtout à la partie chiffrée du document global

29
Martin COLLET, Finances publiques, p. 409.
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soumis au contrôle politique annuel du parlement. Ce document se compose de deux


parties que l’on regroupe dans l’expression loi de finances :
➢ Une partie législative comportant des articles semblables aux articles des lois
ordinaires et dans lesquels figurent les autorisations budgétaires
➢ Une partie comptable comportant le budget lui-même sous forme de tableaux
retraçant les prévisions de charges et de ressources de l’Etat.
Ce sont ces tableaux qui sont plus spécialement concernés par l’application des
principes budgétaires alors que la partie législative peut comporter des dispositions de
nature financière mais sans forcément respecter ces principes.

1 L’unité budgétaire
Toutes les dépenses et toutes les recettes doivent figurer dans un document unique
soumis à l’approbation du parlement. Deux conditions devraient être remplies : le
budget doit recenser l’ensemble des recettes et des dépenses de l’Etat sans exclusion
d’aucune sorte, et celles-ci doivent être rassemblées dans un projet de loi unique sur
lequel le parlement devra se prononcer. Cette règle traditionnelle a une double
justification : politique et technique. Le respect de la règle de l’unité permet seul de
savoir si le budget est en équilibre, et s’il ne l’est pas, de mesurer l’ampleur exacte du
déficit. Certains ont même affirmé que « l’unité de l’Etat recommande l’unité du budget
et cette dernière permet de mesurer le degré d’unité de l’Etat » 30. Or, cet aspect
dénommé, par la doctrine classique, le « principe de totalité » correspondait à une
conception classique où l’Etat était la seule personne publique. De nos jours, cette
vision semble être caricaturale car la complexité des attributions ّ‫ مهام‬des personnes
publiques rend difficile toute vision unitaire. Il en résulte que l’unité est devenue une
manière de présentation synthétique des données budgétaires dont le respect n’est pas
une nécessité pour tous 31. Principe dont la signification apparait plutôt constante, le
principe de l’unité connait des aménagements importants.
En droit tunisien, le principe de l’unité peut s’induire de la rédaction de la constitution
et de la LOB qui traitent du budget au singulier. L’intitulé même de la LOB n’est pas sans
évoquer l’unité budgétaire. En vertu de l’article 4, « la loi de finances prévoit pour
chaque année, l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat ». En effet, les
ressources et les charges précédemment définies dans l’article 1, sont retracées dans
le budget de l’Etat de manière à ce que « l’ensemble des ressources de l’Etat » soient
utilisées pour couvrir « l’ensemble de ses charges » et ce conformément à l’article 11 de
la LOB. Ainsi formulé, le principe de l’unité comporte la double exigence formelle et
matérielle de regrouper de manière exhaustive dans un seul document toutes les
recettes et les dépenses publiques de l’Etat. Par conséquent, toute débudgétisation ou
non budgétisation constitue une atteinte non seulement au principe de l’unité mais
aussi au principe de sincérité. Il ne peut y avoir règle de sincérité que si la règle de

30
Lotfi MECHICHI, Le budget de l’Etat, p. 48
31
Ahmed ESSOUSSI, Finances publiques, p. 69
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l’exhaustivité est respectée. Regroupant l’ensemble, et se limitant aux seules


dispositions relatives aux ressources et dépenses (article 10), la loi de finances incarne
la règle de l’unité. Ces dispositions sont retracées dans des comptes différents à savoir
les comptes du budget de l’Etat, auxquels sont rattachés les budgets des
établissements publics (article 34 et suivant de la LOB) et les comptes spéciaux (article
29 de la LOB) qui présentent un caractère particulier. L’évocation du budget des
collectivités locales dans le même titre que les comptes de l’Etat, peut être interprétée
comme un effet de consolidation financière même si les dotations en question
n’apparaissent pas de manière flagrante dans le budget (article 38 de la LOB) 32 du
moment que les règles relatives aux finances locales et de l’autorité locale dans son
ensemble sont du ressort de la loi organique et ce conformément à l’article 65 de la
constitution de 2014 dans son paragraphe 2 33. Cependant, à défaut de pouvoir les
budgétiser, on peut remarquer la volonté du législateur organique de contenir les
budgets autonomes en rappelant systématiquement la nécessité de tenir compte de
l’équilibre budgétaire de l’Etat pour le cas notamment des collectivités locales qui
bénéficient de dotations budgétaires allouées « dans le cadre de l’équilibre du budget
de l’Etat ». C’est le cas aussi du conseil supérieur de la magistrature, la Cour
Constitutionnelle, les structures judiciaires, administratives et financières dont les lois
organiques prévoient l’autonomie administrative et financière et les instances
constitutionnelles indépendantes qui bénéficient de dotations budgétaires « compte
tenu de l’équilibre du budget de l’Etat ».

2 L’annualité budgétaire
Le principe de l’annualité a une signification simple en ce sens qu’il signifie que les
autorisations contenues dans la loi de finances, aussi bien au niveau des recettes que
des dépenses, sont valables pour une année seulement. En droit tunisien, la nouvelle
loi organique de 2019 ainsi que l’ancienne de 1967 ont placé l’exécution du budget dans
un cadre annuel.
L’article 4 de la LOB précise que « la loi de finance prévoit pour chaque année
l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat… ». Également l’article 9 de ladite
loi prévoit que « l’année budgétaire commence le 1er janvier et se termine le 31
décembre de la même année » (l'article 1 de LOB précise que « la loi de finances prévoit
et autorise pour chaque année l'ensemble des charges et des ressources de l'Etat… »).
 Passer ce délai et si aucune nouvelle loi de finances n’est adoptée, l’Etat ne
peut ni percevoir des recettes ni engager de nouvelles dépenses.
L’annualité budgétaire a pour finalité de permettre au parlement d’exercer pleinement
son pouvoir financier. La périodicité annuelle de l’autorisation parlementaire s’étend à
toutes les opérations de dépenses et de recettes.

32
Raya CHOUBANI, La loi organique du budget du 13 février 2019, Quelle évolution du cadre budgétaire de
l’Etat, Revue tunisienne des sciences juridiques et politiques,
33
Néji BACCOUCHE, Décentralisation pour la démocratie, p. 531.
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C’est d’ailleurs pour cette raison que le budget doit être voté avant le début de chaque
année budgétaire et doit être exécuté au cours de cette même année conformément à
la logique du principe de l’annualité.
Dans la plupart des Etats, l’exercice budgétaire coïncide avec l’année civile. Le point de
départ de l’année budgétaire est fixé au 1er janvier et son échéance au 31 décembre. Par
conséquent, l'autorisation donnée par le parlement est une autorisation temporaire,
elle n'est valable que du 01/01 au 31/12. Le 31/12, la loi de finances est automatiquement
remplacée par une nouvelle LF.
D’un autre côté, l’annualité budgétaire se traduit par l’exigence de « l’antériorité
budgétaire » qui signifie que le budget doit être adopté avant le début de l’exercice.
Cette règle est impérative c’est la raison pour laquelle le droit budgétaire prévoit des
sanctions afin de respecter cette exigence. Ainsi, pour le budget de l’Etat, les délais
constitutionnels sont sanctionnés par le dessaisissement ‫ رفعّ يد‬du Parlement et
l’entrée en vigueur de la loi de finances, en ce qui concerne les dépenses, par voie de
décret présidentiel (article 78 de la constitution), lorsque le retard est imputable au
parlement (Il s’agit de l’une des dispositions du parlementarisme rationalisé tendant à
éviter les retards chronologiques des votes budgétaires).
On remarque ici que ce caractère temporaire est l'une des caractéristiques de la LF qui
la distingue des autres lois qui n'ont pas en principe une durée de vie délimitée à
l'avance.
Plusieurs raisons justifient l’annualité qui a été choisie pour des motifs ou des raisons
politiques et elle est maintenue à la fois pour des raisons techniques et des arguments
économiques.
1. Les raisons politiques
L’annualité permet au pouvoir parlementaire d’exercer un contrôle sur la gestion
financière du gouvernement qui ne pourrait être efficace qu’à la condition qu'il s'exerce
sur une période relativement courte.
On estime en effet, que le cadre annuel est adapté à ce contrôle dans la mesure où il est
suffisamment court pour permettre un contrôle précis et suffisamment long pour ne
pas entraver ou paralyser l’action gouvernementale.
Ce principe de l'annualité entraîne un renouvellement annuel des recettes et des
dépenses et surtout de l’autorisation parlementaire. Ceci signifie que chaque année les
représentants du peuple vont contrôler les prévisions budgétaires du gouvernement en
matière des ressources et des dépenses.
 Pour les recettes : celles-ci n’obéissent pas à une périodicité évidente. Certes pour
la perception de l’IRPP ou de l’IS, l’annualité constitue un cadre idéal du moment où elle
se détermine annuellement. Mais, pour d’autres recettes, ce cadre n’a pas de grande
signification du moment où les droits sont perçus selon une périodicité très variable.
Exemple : les droits de douane, les droits d’enregistrement, la TVA…

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 Pour les dépenses : la situation est plus complexe puisque celles-ci présentent des
périodicités diverses allant d’un jour jusqu’à plusieurs années. Il a été donc nécessaire
de prévoir des dérogations autorisant la souplesse nécessaire à l’accomplissement des
opérations budgétaires.
En Tunisie, cette règle a été prévue pour la 1ère fois dans la constitution de 1861 mais elle
n'a connu une application effective que sous le protectorat.
2. Les raisons techniques
La règle de l’année budgétaire s’est maintenue au fils du temps pour des raisons de
techniques financières, car il n’est pas possible de faire des prévisions exactes sur une
période beaucoup plus longue.
En effet, si le budget était établi pour une période supérieure à une année, cela va rendre
les prévisions de recettes et de dépenses plus vagues et moins précises. (Le cadre
annuel du budget apparaît approprié et convenable car il combine l’efficacité technique
à la régularité du contrôle politique). L’année est une période permettant la prévision,
la comparaison, la rectification. L'annualité est, du reste, respectée dans de nombreux
pays.
3. Les arguments économiques
La période d’une année permet de faire coïncider le cycle du budget de l’Etat avec le
circuit des activités économiques.
Pour ce qui est de l’agriculture, il y a en principe une récolte par année. Pour le
commerce, les entreprises établissent leurs bilans de comptes une fois par année
(résultats et revenus). C’est pourquoi il est important de faire coïncider le cycle de
budget de l’Etat avec le cycle des activités économiques, car cela permet d’établir une
prévision et une évaluation plus précise des recettes.
Remarque : si passé le délai, le parlement ne s’est pas prononcé, la constitution doit
prévoir des solutions pour préserver la continuité des services publics. Il s’agit de
l’article 28 de la constitution de 1959, de l’article 66 de la constitution de 2014 et de
l’article 78 de la constitution de 2022, ce-dernier prévoit que le projet de loi de finances
« peut être mis en vigueur, en ce qui concerne les dépenses, par tranches
trimestrielles renouvelables par décret. Les recettes sont perçues conformément
aux lois en vigueur ».

Remarque : Il existe deux systèmes permettant théoriquement de rattacher l’exécution


du budget à l’année civile : soit le système de l’exercice soit le système de la gestion.

En vertu de l’article 61 de la LOB « Les propositions d’engagement ne peuvent être


présentées après la date du 31 décembre de chaque année. Les ordonnances de
paiement ne peuvent être présentées après la date du 10 janvier de l'année
suivante. Les ordonnances de paiement se rapportant à une gestion peuvent être
visées au cours d’une période complémentaire allant jusqu'au 20 janvier de
l'année suivante. Ces dépenses sont comptabilisées au titre de cette même
gestion ».

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3 Universalité budgétaire
L’article 11 de la nouvelle loi organique de 2019 prévoit que « les ressources et les
charges de l’Etat sont prises en compte dans le budget pour leur montant intégral
et brut sans compensation entre elles. L’ensemble des ressources de l’Etat est
utilisé pour couvrir l’ensemble de ses charges ».
Selon le Conseil Constitutionnel français, ce principe «

».
En réalité, l'universalité et l'unité constituent deux principes indissociables du droit
budgétaire. Justifiés par des soucis démocratiques, ces deux principes ont néanmoins
des dimensions différentes : l'universalité suppose la non-compensation et la non-
affectation, tandis que l'unité suppose le vote d'un document unique.
L’universalité explique principalement la volonté d’éviter l’existence des caisses noires
à travers l’interdiction de la compensation entre recettes et dépenses et l’obligation
faite au gouvernement de les inscrire séparément et chacune pour son montant global
(non compensation ou produit brut). Elle permet aussi d’empêcher qu’il existe au sein
de l’Etat des services riches et des autres pauvres du fait de la prohibition de
l’affectation des recettes d’un service aux dépenses de ce même service. C’est la règle
de non-affectation des recettes aux dépenses).
Le principe de l’universalité ressemble au principe de l’unité selon lequel les
dépenses et les recettes de l’Etat doivent figurer dans un seul document budgétaire. Il
a pour conséquence l’interdiction de multiplier des budgets (et d’éviter que certaines
dépenses ou recettes de l’Etat ne soient faites hors budget et par la même soustraites
au contrôle budgétaire). L’exigence de clarté dans la présentation des comptes
budgétaires et du meilleur contrôle parlementaire possible sur le budget ont été à
l'origine du principe de l’universalité. Mais, contrairement au principe de l’unité, le
principe de l’universalité porte sur le contenu de l’autorisation parlementaire. Il oblige
le gouvernement non seulement à présenter la totalité des recettes et la totalité des
dépenses dans un document unique mais à effectuer cette présentation en respectant
2 règles précises : la règle de non-compensation ou du produit brut et la règle de non-
affectation des recettes aux dépenses.

A. La règle de non-compensation ou du produit brut

L’exigence de non-compensation signifie que toutes les dépenses et toutes les


recettes doivent être inscrites au budget pour leur montant intégral. C’est-à-dire, le
gouvernement doit faire apparaître dans le budget qui sera voté par le parlement
l’ensemble des recettes d’un côté et l’ensemble des dépenses d’un autre côté sans
effectuer la compensation entre ces 2 catégories.

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Cette méthode du produit brut empêche le gouvernement de soustraire certaines


dépenses de certaines recettes, ou de soustraire des recettes de certaines dépenses
pour ne présenter que le solde des opérations ainsi "compensées". La compensation des
ressources et des dépenses permettrait en effet de dissimuler certaines charges, ce qui
nuirait à la lisibilité et à la transparence du budget. La compensation empêche le
parlement de connaitre de l’intégralité des crédits mis à la disposition d’un
département ministériel. Or, le parlement est appelé à se prononcer sur les recettes et
les dépenses, et non pas seulement sur le solde.
Si cette règle est maintenue c’est parce qu’elle présente l’avantage de permettre un
contrôle budgétaire efficace par les représentants du peuple, car, aucune dissimulation
de recettes ou de dépenses n’est possible.

B. La règle de non-affectation

La règle de non-affectation est prévue par l’article 11 de la LOB « l’ensemble des


ressources de l’Etat est utilisé pour couvrir l’ensemble de ses charges » (l’ancien
article 16 de la loi organique de budget prévoit que « l’ensemble des recettes est
utilisé pour faire face à l’ensemble des dépenses »).
L’exigence de non-affectation signifie qu’une recette ne peut pas être affectée au
financement d’une dépense particulière. Dans le budget de l’Etat, les recettes et les
dépenses doivent former deux masses autonomes. Par conséquent, toutes les recettes
sont indistinctement destinées à la couverture de l’ensemble des dépenses inscrites
au budget. Il n’y a donc pas, en principe, de spécialisation des recettes (toutes les
recettes de l'Etat, fiscales ou non fiscales, sont versées dans une caisse unique afin de
garantir le financement de toutes les dépenses sans aucune distinction quelle qu’en
soit la nature). C’est-à-dire, à l’intérieur du budget, les recettes et les dépenses
constituent deux parties autonomes, aucune recette ne doit donc être affectée à une
dépense particulière. Par conséquent, le gouvernement ne peut pas décider à l'avance
de réserver une recette particulière pour réaliser une dépense particulière : autrement
dit, on ne peut pas affecter une recette à une dépense (aucun service administratif ne
peut aussi décider au moment de la préparation du budget, qu’une recette particulière
sera affectée à la couverture d’une dépense précise).
Remarque : Si le fondement de cette règle est, en premier lieu, de permettre une
information correcte du parlement, néanmoins, partout dans le monde, cette règle de
non-affectation connait plusieurs aménagements et certaines recettes sont
explicitement réservées à certaines dépenses bien particulières.
Aménagements de la règle de non-compensation : la compensation est parfois
permise. En vertu de l’article 39 du code de la comptabilité publique « aucune
compensation ne peut être faite entre les créances et les dettes publiques sauf
dérogation par décret ». Cette possibilité de dérogation par décret peut être utilisée
dans « les marchés de conversion ». Si l’Etat ne peut, en principe, recourir à la
compensation pour payer ses fonctionnaires, même si ces derniers ne font que
transformer des biens usagés en d’autres, la procédure de droit commun étant de

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vendre aux enchères publiques des biens appartenant à l’Etat et d’inscrire parmi les
recettes le produit de ces ventes. En cas où l’Etat veut acquérir des biens neufs, il doit
en prévoir les crédits correspondants dans le cadre du budget annuel. L’article 86 du
code de la comptabilité publique permet au Président de la République de recourir dans
certains cas au marché de conversion qui consiste en un contrat portant sur la
transformation de biens (généralement usagés) en des biens présentant d’autres
caractéristiques.
Aménagements de la règle de non-affectation : en vertu de l’article 29 de la LOB « les
comptes spéciaux sont créés en vue d'affecter des recettes pour couvrir des
dépenses déterminées ayant une relation avec l’origine de ces recettes et ce dans
le but de contribuer au financement des programmes prévus par la loi de
finances… Les comptes spéciaux comprennent les comptes spéciaux du trésor et
les comptes de concours ». Ainsi, dans le but de contribuer au financement des
programmes prévus par la loi de finances, certaines recettes sont affectées pour
certaines dépenses. La technique d’affectation est très utilisée en droit tunisien.
Plusieurs fonds spéciaux de trésor sont créés et financées à travers l’affectation de
certaines recettes, à titre d’exemple, le fonds national d’amélioration de l’habitat créé
par les articles 11 et suivants de la loi du 31 décembre 2004 portant loi de finances pour
la gestion de l’année 2005. L’article 13 précité institue un prélèvement au profit de ce
fond dû sur les immeubles bâtis destinés à l’habitation.
En vertu de l’article 30 de la LOB, les recettes des comptes spéciaux du trésor sont
affectées au financement d’opérations déterminées de certains services publics. Les
comptes spéciaux du trésor sont créés, modifiés et supprimés par la loi de finances de
l’année ou par la loi de finances rectificative. Et en vertu de l’article 31 de la LOB, « les
fonds de concours représentent les sommes payées par les personnes physiques
et les entités morales au titre d'une contribution volontaire au financement de
certaines opérations d’intérêt public. Il ne peut être affecté de recettes fiscales
aux fonds de concours. Les fonds de concours sont créés, modifiés ou supprimés
par arrêté du ministre chargé des finances ».
En droit tunisien, il y a des fonds de concours et des fonds spéciaux du trésor.

4 L’équilibre budgétaire
L’équilibre est la situation dans laquelle les charges correspondent aux ressources.
Pendant la période classique (19ème siècle et même les premières années du 20ème
siècle), la règle de l’équilibre entre les dépenses et les recettes semble relever de
l’évidence. En effet, l’égalité mathématique entre elles constitue la règle d’or d’une
bonne gestion budgétaire. Néanmoins, le passage des finances publiques classiques
aux finances publiques modernes va entraîner un élargissement de la notion
d’équilibre, puis un dépassement de celle-ci. Avec, le principe d'équilibre, le droit
budgétaire s'enrichit d'une vision économique : il s’agit de faire en sorte que le budget
ne grève pas la croissance économique.

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1. Signification du principe de l'équilibre


« Maxime de sagesse », l’équilibre budgétaire commande toutes les politiques
budgétaires de l’Etat comme des collectivités locales et des établissements publics. Le
principe de l’équilibre était conçu en termes purement comptables. Il s’agissait
simplement de prévoir l’ajustement des dépenses aux recettes.
Jusqu’au début du 20ème siècle, les fonctions de l’Etat étaient relativement limitées et
simples à définir, et le principe de l’équilibre budgétaire, comme les autres principes
ne trouvaient pas de difficultés à s’appliquer. L’Etat était qualifié de gendarme et il avait
la responsabilité d’un nombre limité de services.
Mais au fil du temps, le déséquilibre budgétaire est apparu lorsque les dépenses
extraordinaires se sont multipliées et se sont diversifiées. Par conséquent, il est devenu
de plus en plus difficile de réaliser un équilibre entre les charges et les ressources de
l’Etat, car avec la diversification de ses fonctions et de son intervention, l’Etat est
devenu un investisseur qui réalise des projets dont le financement dépasse souvent les
recettes ordinaires ce qui nécessite le recourt à l’emprunt, d’où l’apparition d’un
déséquilibre entre des ressources limitées et des dépenses plus importantes.
Le principe de l’équilibre budgétaire renvoie à la nécessité d’équilibrer les comptes de
manière à éviter la présence de déficit dans le budget de l’Etat. Il a pour objectif
d’assurer la maîtrise des risques financiers en évitant des décisions budgétaires
inconsidérées où un déficit budgétaire important signifie une pression fiscale
excessive sur les contribuables, tandis qu’un lourd déficit « plomberait » l’avenir
compte tenu des emprunts qu’il faudrait ensuite rembourser.
Or, un préjugé défavorable s’attache à l’origine au déséquilibre du budget de l’Etat et à
son financement éventuel par l’emprunt car il s'agissait, selon la doctrine classique,
d'une charge pour les futures générations. En outre, l’emprunt qui entraîne
l’endettement de l’Etat peut, à priori, être dangereux surtout que pour le passé, il a pu
conduire à la mise sous tutelle des finances d’un Etat par des puissances étrangères
ce qui est le cas de la Tunisie. En Europe, les 2 guerres mondiales ainsi que la crise
économique du 1929 ont obligé les Etats à reconsidérer leurs opinions défavorables de
l’emprunt.
En Tunisie, depuis l’indépendance, le décollage de l’économie et les dépenses des
développements étaient tellement importantes qu’elles ne pouvaient être financées
uniquement par l’impôt. D’où l’impossibilité pour l’Etat de réaliser certaines actions
qu’à condition de combler l’écart entre les ressources et les besoins par le recours à
différents moyens notamment à travers le recours à l’emprunt pour combler le
déséquilibre qu’il s’agit d’éviter…
2. De l’équilibre au déséquilibre ou le dépassement de la notion d’équilibre
Dès lors, l’équilibre budgétaire n’est pas vraiment une règle technique traditionnelle
comme le principe de l’annualité ou de l’universalité, car il est très rarement respecté,
comme le montre la situation des finances publiques actuelles et même celle depuis
l’accès de la Tunisie à l’indépendance.

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Le budget de l’Etat devient un instrument de réalisation de l’équilibre économique


global et peut donc supporter un déséquilibre partiel. Ce déséquilibre budgétaire
constaté est ainsi contrebalancé par la réalisation de la croissance économique sur le
plan global. C’est ainsi que le déséquilibre n’est plus perçu comme un fait négatif mais
devient un instrument de développement économique.
L'excédent des dépenses sur les recettes justifie ainsi la recherche de sources de
financement additionnelles notamment à travers le recours à l'emprunt sur le marché
international ou interne car si l'impôt constitue le procédé normal d'alimentation des
caisses publiques, il se révèle parfois insuffisant et l'Etat doit alors emprunter de
l'argent pour se procurer un complément de ressources en vue de réaliser sa politique.
D’ailleurs, dans de nombreux discours au cours des années 1950 et 1960 le Président
Bourguiba a présenté l’emprunt et surtout l’emprunt étranger comme servant à
équilibrer notre budget et justifié par la nécessité de faire décoller l’économie nationale.
Par ailleurs, l’article 39 de la nouvelle LOB prévoit que « les prévisions des ressources
et des charges de l’Etat ont lieu sur la base des équilibres généraux … ».
La notion d’équilibres généraux employée par cette dernière disposition n’est pas
précise. Elle est susceptible d’interprétations différentes. On peut considérer que cette
notion renvoie, en principe, aux équilibres financier et économique. En effet, la finalité
première des lois de finances est bien de définir un équilibre qui n’est pas seulement
financier mais aussi économique.
D’ailleurs, l’ancienne LOB de 1967 a déjà reconnu le lien entre le budget et l’économie.
L’article 1er a précisé que « la loi de finances prévoit et autorise, pour chaque année,
l’ensemble des charges et des ressources de l’Etat dans le cadre des objectifs des
plans de développement et compte tenu de l’équilibre économique et financier
défini par le budget de l’Etat économique ». Le budget devient dans ces conditions
un instrument au service de l’économie, il est nécessaire de revenir à la notion de
déséquilibre qui peut être provoqué soit par un déficit soit par un découvert budgétaire.
Le déficit budgétaire : correspond à l’excédent des charges définitives (sans
contrepartie) sur les ressources ordinaires (issues de la fiscalité et des revenus du
domaine de l’Etat). Dans ce cas, le budget est considéré en déficit lorsque les dépenses
ordinaires ne sont pas entièrement couvertes par les ressources ordinaires
(essentiellement fiscales).
Le déficit budgétaire peut être de 2 sortes : prévisionnel ou d’exécution. Le déficit
prévisionnel est celui qui se dégage des prévisions budgétaires lors de l’adoption de la
loi de finances. Il peut être fixé au préalable (à l’avance) au moment de l’établissement
du budget.
Par contre, le déficit d’exécution ne peut pas être fixé à l’avance car c’est celui qui se
dégage suite aux dépenses réellement effectuées et aux ressources réalisées à la
clôture d’un exercice.

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Le découvert budgétaire : résulte d’une situation plus globale dans laquelle la somme
de toutes les charges de l’Etat (définitives et temporaires) est supérieure à l’ensemble
de ses ressources (fiscales, non fiscales, emprunts…). Le découvert ne peut s’apprécier
qu’à la clôture d’un exercice budgétaire.

5 Spécialité budgétaire
La classification des recettes et des dépenses est organisée actuellement par les
articles 14 et 15 de la nouvelle loi organique du budget de 2019.
En matière de recettes, selon l’article 14 « les recettes du budget de l’Etat sont
classées selon les parties suivantes :
- les recettes fiscales,
- les recettes non fiscales,
- les dons ».
En matière de dépenses, la LOB de 2019 a changé les règles régissant la présentation
des dépenses en optant pour une présentation « fonctionnelle » 34. Ainsi, les chapitres
ont été supprimé et l’on trouve dorénavant trois subdivisions : les missions regroupant
des programmes qui, eux-mêmes, sont composés de parties.
Les missions comprennent un ensemble de programmes concourant à une politique
publique définie. Une mission correspond normalement à un département ministériel.
Le découpage en mission correspond par conséquent à l’identification des politiques
publiques fixées. Les missions correspondent aux grandes politiques de l’État. La
mission constitue l’unité de vote des crédits par le parlement.
En outre, la LOB prévoit une catégorie de missions dites « missions spéciales » qui
comprennent un ou plusieurs programmes spécifiques (article 19). Selon l’article 18 « la
loi de finances répartit les crédits alloués aux dépenses de budget de l’Etat par
missions et par programmes ». Mais, il faut remarquer que les objectifs stratégiques
ne sont pas développés au niveau des missions mais plutôt au niveau des programmes.
Les programmes qui constituent l’unité de base de la spécialité des crédits, sont le
second niveau de la présentation des dépenses. Ils comprennent les crédits contribuant

34
L’article 18 :« La loi de finances répartit les crédits alloués aux dépenses du budget de l’Etat par
missions et par programmes.
La mission comprend un ensemble de programmes concourant à la réalisation des politiques publiques
définies. Elle regroupe l’ensemble des crédits mis à la disposition de chaque chef de mission.
Le programme traduit une politique publique déterminée relevant d’une même mission et regroupe un
ensemble homogène de sous programmes et d’activités contribuant directement à la réalisation des
objectifs de la politique publique dudit programme.
Le chef de programme veille à la préparation du budget suivant des objectifs et des indicateurs
garantissant l’équité et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et d’une manière générale,
entre les différentes catégories sociales, sans discrimination, et qui feront l'objet d'une évaluation sur
cette base ».

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directement à la réalisation des objectifs de la politique publique (article 18). Selon un


auteur, la notion de programme «
». Le programme est la clef de la réforme dès lors que posant en principe une
budgétisation par objectifs, il conduit les décideurs publics ou gestionnaires à cesser
de raisonner strictement en termes de moyens.
 Les programmes ou dotations définissent le cadre de mise en œuvre des
politiques publiques.
Selon l’article 15 de la LOB, les crédits sont spécialisés par missions et par programmes
« Les dépenses de chaque programme sont classées selon les parties suivantes :
- les dépenses de rémunération,
- les dépenses de gestion
- les dépenses d’interventions,
- les dépenses d’investissement,
- les dépenses des opérations financières,
- les charges de financement,
- les dépenses imprévues et non réparties ».
On remarque ainsi que la présentation par nature n’a pas disparue. En fait, la
nomenclature budgétaire opère une présentation croisée de la dépense selon sa nature
et sa fonction.
Par ailleurs, les ministères auront à définir leurs structures de programmes et devront
veiller à ce que chaque programme corresponde à un ensemble homogène d’activités
et de finalités. Et selon l’article 15 de la LOB, les crédits alloués à chaque programme
sont classés au sein de 7 parties.
Chaque programme a son responsable, ce dernier est le personnage-clé qui est chargé
de piloter le programme. Il est désigné « responsable de programme » par le chef de la
mission. Le passage à la logique de résultat implique une responsabilisation accrue. La
modernisation des modalités de gestion publique doit être accompagnée à la fois d’une
responsabilisation des responsables des programmes et d’une clarification des
responsabilités des gestionnaires.
Cette ventilation des crédits restera indicative, autorisant ainsi les mouvements de
crédits entre les parties budgétaires au sein d’un même programme. Le virement de
crédits entre programmes d’un seul ministère demeurera limité. En revanche, en vertu
du principe de la fongibilité asymétrique, certains crédits, par exemple ceux de
personnel, ne pourront pas être majorés.

6 Sincérité budgétaire
Pour Madame CHOUBANI, la sincérité ‫ النزاهة‬éclaire d’un jour nouveau les règles
d’évaluation des recettes et des dépenses de l’Etat et revalorise les principes
budgétaires. En affirmant dans son article 8 que « les prévisions et les données

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relatives à la loi de finances doivent respecter les principes de sincérité et de


transparence », la LOB indique que « le principe de sincérité exige de ne pas sous-
estimer ou surestimer les prévisions des charges et des recettes prévues par la loi
de finances et de faire apparaître les éléments des actifs financiers et du
patrimoine de l’Etat ». La LOB «

» 35
. Certains ont même considéré que «

» 36.

En Tunisie, la constitution de 2014 érige ّ‫ ينصب‬la sincérité, au même titre que la


transparence en l'un des principes d'action de l'administration publique 37.
Appliqué aux finances publiques, présenter un budget ou un compte sincère signifie
pour une certaine doctrine «

» 38.
La sincérité est une exigence traditionnellement attachée à l’élaboration des
documents comptables des entreprises.
En France, il constitue aussi un principe essentiel de la comptabilité publique et
consacré depuis 2008 dans l’article 47-2 de la constitution française. Alors que depuis
plusieurs années, des saisines parlementaires dénonçaient régulièrement ce qu’elles
considéraient comme des « mensonges » du gouvernement pour certaines prévisions.
Le juge constitutionnel a accepté pour la première fois en 1993 d’examiner ce grief ‫ادّعاء‬,
bien que l’insincérité ait été écartée, et venait par-là de consacrer l’existence d’une
nouvelle norme constitutionnelle dont il assure le respect et qui découle des articles 14
et 15 de la déclaration de 1789 39. Il est affirmé par le professeur BOUVIER «

ًّ ‫عم‬
‫دا‬

35
Raya CHOUBANI, La LOB du 13 février 2019, p. 33.
36
Luc SAIDJ et Jean Luc ALBERT, Finances publiques, DALLOZ, 2007, p. 72.
37
En vertu de l'article 15 de la constitution tunisienne « l'administration publique... fonctionne selon le
principe de neutralité, d'égalité et de continuité du service public et selon les règles de transparence,
de sincérité, d'efficacité et de redevabilité ‫ة‬
ّ ‫» الشفافيةّوالنزاهةّوالنجاعةّوالمسائل‬.
38
Jean François JOYE, La sincérité premier principe financier, RFFP, 2010, n°111, p. 17.
39
C.CONST, 6 août 2009, n° 2009-585, Martin COLLET, Finances publiques, LGDJ, p. 410.

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». Il a souligné que «

‫داللة‬
‫ّانسجام‬-ّ‫تناغم‬ ». Il rebondit à la fin par considérer qu’il faut «
» .
40

La notion de sincérité budgétaire et comptable est «

‫نموذج‬

‫ربط‬

» 41.
L’exigence de sincérité s’applique aussi bien au budget et aux comptes de l’Etat.
S’agissant des finances de l’Etat, elle s’apprécie compte tenu des informations
disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. Pour les
comptes de l’Etat, la sincérité s’entend dans le sens « les comptes de l’Etat doivent être
réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation
financière ». C’est à la cour des comptes, chargée de certifier les comptes de l’Etat, que
revient la charge de vérifier le respect de ces conditions de régularité, sincérité et reflet
fidèle de son patrimoine.
Le principe de sincérité budgétaire concerne avant tout le contenu du budget et plus
précisément les évaluations de recettes et de dépenses qu’il propose. Mais, il trouve
également à s’appliquer à la définition du périmètre de ces mêmes budgets et recouvre
deux principes traditionnels à savoir l’unité et l’universalité.
Les évaluations de recettes et de dépenses : le principe de sincérité se traduit à la fois
par une exigence de bonne foi des évaluations de recettes et de dépenses et par une
limite aux pratiques dites de régulation budgétaire.
L’exigence de bonne foi des évaluations : dans son article 32, la LOLF indique que « la
sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions
qui peuvent raisonnablement en découler ». Plus explicite, le conseil constitutionnel
a considéré dans un premier temps que « la sincérité se caractérise par l’absence
d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances »42.
A travers ces références à l’intention du gouvernement, il s’agit de consacrer une

40
Michel BOUVIER, Finances publiques, P. 294.
41
Michel BOUVIER, Finances publiques, p. 295
42
Conseil Constitutionnel, 25 juillet 2001, n°2001- 448.

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exigence de bonne foi pesant sur ce dernier. En pratique, les foyers d’insécurité se
retrouvent au stade de la formulation des prévisions macroéconomiques retenues par
le gouvernement, à titre d’exemple la prévision de croissance qui permet de déterminer
l’évolution des rentrées fiscales.
En droit tunisien, en prévoyant explicitement que les prévisions relatives à la loi de
finances doivent respecter le principe de sincérité, la LOB ne précise, toutefois, pas la
méthode de prévision des charges et des recettes ni comment est-il possible d’en
apprécier la sincérité 43. La LOB se limite à indiquer dans son article 40 que « le ministre
chargé des finances prépare, sous l’autorité du Chef du Gouvernement, le projet
de loi de finances de l’année, conformément à un calendrier fixé par arrêté du
ministre chargé des finances ». L’arrêté du 15 mars 2019 détaille les dates des étapes
d’élaboration de la loi de finances ce qui renforce plutôt la transparence et point la
sincérité 44. Or, en ne donnant aucune indication sur les critères d’appréciation de la
sincérité budgétaire, le législateur organique ne permet pas de mesurer l’effort de
sincérité des prévisionnistes.
La portée du principe de sincérité : si la portée des règles relatives aux annulations de
crédit est évidente, celle de l’exigence générale de bonne foi attachée au principe de
sincérité est incertaine et considérée même par une certaine doctrine comme « un
‫أداة‬ » 45. Cela tient à l’exigence même de sincérité. En effet, «

» 46. Il convient toutefois de signaler que si sa portée pratique reste limitée, sa


portée politique reste incontestable et tient à sa force prophylactique ‫ وقائي‬ou à ses
vertus préventives. Pour le gouvernement, le risque de voir une loi de finances annulée
par le conseil pour le défaut de sincérité représente un risque politique considérable et
résonnerait comme une lourde condamnation morale 47.

43
L’article 24 de la LOB de 1967 prévoyait que « les prévisions des recettes sont arrêtés par le ministre des
finances selon les catégories de recettes et ce dans le cadre de l’équilibre économique de l’année
considéré. Les prévisions de dépenses sont déterminées sur la base des besoins de fonctionnement
prévisibles des différents services et selon l’état des réalisations des projets et des programmes de
développement ».
44
Raya CHOUBANI, p. 34.
45
DOUAT, Contre le principe de sincérité budgétaire, RFFP, 2010, n°111, p. 151.
46
Conseil Constitutionnel N° 2004- 511 du 29 décembre 2004.
47
Martin COLLET, Finances publiques, 2018- 2019, p. 417 et s.

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Deuxième
Processus Budgétaires
Partie

Loi de finances et budget de l’État


La problématique du rapport entre budget de l’État et « loi de finances » ou plutôt « lois
de finances » est une problématique assez débattue par la doctrine. A la symétrie quasi-
totale entre loi de finances et budget, s’est substitué, avec le temps et les contraintes
économiques de plus en plus pesantes dans l’étude des finances publiques, un rapport
dialectique ‫ جدلي‬et évolutif dont les contours sont moins nets. En effet, si le budget n’est
plus nécessairement arrêté par la loi de finances, aussi la loi de finances n’arrête pas
uniquement le budget de l’État et enfin la loi de finances n’arrête pas tout le budget de
l’État. Il importe, dès lors de, s’attarder sur certains aspects de cette relation.
A. Le budget de l’État

La notion de budget est à la fois ambiguë et évolutive. Elle est ambiguë parce qu’un
budget est un instrument financier et comptable auquel il faut donner une forme
juridique 48. La fonction du budget a évolué : dans un système d’État régalien, le vote du
budget constituait l’acte politique majeur à travers lequel le parlement donnait aux
services publics les moyens de fonctionner. Avec l’intégration des finances publiques
dans l’économie générale, le budget est devenu un instrument conjoncturel qui doit
s’adapter et corriger les fluctuations économiques dont il est par ailleurs étroitement
dépendant en ce qui concerne ses ressources.
Acte condition, le budget de l’État en tant qu’institution caractéristique du droit public,
traduit le partage de compétence entre un organe délibérant agissant par voie
d’autorisation et un organe exécutif chargé de traduire dans les faits les décisions de
l’organe délibérant.
Si le budget de l’État prend la forme d’une loi, cette loi se distingue d’une loi ordinaire.
Différences d’ordre formel et procédural mais aussi, des différences d’ordre matériel et
concernent le contenu de l’acte législatif. Le budget n’est pas constitué, pour l’essentiel,
par un ensemble de dispositions générales et impersonnelles qui s’appliqueraient sans
limitation dans le temps (ce qui est la définition de la loi au sens matériel). Les
autorisations qu’il comporte portent sur des opérations nettement individualisées
dont la durée de validité est limitée.
A travers son article 4, la LOB précise que « la loi de finances prévoit pour chaque
année, l’ensemble des ressources et des charges de l’État, arrête l’équilibre
budgétaire qui en résulte et précise leur nature et leur répartition. Elle les autorise
dans le cadre des plans de développement, du budget économique et dans le cadre
du budget à moyen terme, conformément aux objectifs et aux résultats attendus
des programmes prévus par ladite loi et sur la base des équilibres généraux ».
Notion centrale, la loi de finances est une notion plurielle à travers la LOB 2019 qui
considère dans son article 3 que « sont considérées comme loi de finances, la loi de

48
Michel BOUVIER, P. 249
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27

finances de l’année, la loi de finances rectificative et la loi de règlement du


budget ».
Cette formulation parait consacrer le pluralisme des lois de finances. Ce qu’on appelait
autrefois « le budget », la loi votée en fin d’année par le parlement autorisant dépenses
et recettes de l’État pour l’année suivante, n’est plus qu’une partie d’un ensemble plus
vaste représenté par la catégorie des lois de finances. Si la loi de finances de l’année
prévoit et autorise pour chaque année civile l’ensemble des ressources et des charges
de l’État, la loi de finances rectificative corrige les prévisions et modifie le contenu des
autorisations initiales données par le parlement. En pratique, le vote d’une ou plusieurs
lois de finances rectificatives en cours d’année signifie que l’autorisation budgétaire
est au moins partiellement fragmentée et qu’elle se transforme parfois en simple
ratification a postériori de décisions financières d’ordre gouvernemental. Les lois de
finances rectificatives sont devenues la règle et interviennent chaque année.
Acte de prévision, le budget est aussi un acte d’autorisation. Si son élaboration répond
à une exigence de planification censée garantir une gestion optimale de l’argent, le
budget est aussi un acte d’autorisation (article 4 et 39 de la LOB). Il revient à
l’assemblée délibérante censée bénéficier d’une certaine légitimité politique d’adopter
cet acte qui sera par la suite exécuté par l’administration concernée. Ainsi, chaque
année une série de dispositions de style sont formulées par le dispositif de la loi de
finances qui sont afférentes aux différentes catégories de ressources publiques tout en
précisant leur montant respectif. Acte de nature législative, l’acte budgétaire doit être
préalable et doit en principe précéder les opérations d’exécution. Si le budget n’est pas
voté en temps voulu, un conflit apparaît dès lors entre deux principes celui de la
continuité des services publics et celui de l’antériorité de l’autorisation. C’est ainsi que
certains mécanismes sont prévus pour permettre à l’État de continuer d’exercer ses
activités en attendant que le budget soit voté.
La portée de l’acte budgétaire de dépenses est ambivalente ‫متناقض‬. Ainsi, un principe
de non obligation de dépenser pèse sur l’administration même si plusieurs
mécanismes sont prévus afin de limiter le pouvoir du gouvernement d’annuler ou de
reporter certains crédits en cours d’année. C’est pourquoi plusieurs mécanismes sont
prévus pour limiter la possibilité pour le pouvoir exécutif de geler, de reporter ou
d’annuler des crédits en cours d’année. Tel est le cas de l’article 59 de la LOB qui prévoit
que « afin de préserver l’équilibre budgétaire, il peut être procédé au cours de
l’année budgétaire au blocage ou à l’annulation des crédits ouverts par la loi de
finances. Le blocage des crédits intervient par arrêté du ministre chargé des
finances. L’annulation de crédits intervient par décret gouvernemental sur
proposition du ministre chargé des finances. L’Assemblée des représentants du
peuple est informée du projet de décret. Le montant cumulé des crédits annulés
ne peut excéder 1,5% de l’ensemble des crédits ouverts par la loi de finances de
l’année ou par la loi de finances rectificative ».
B. Loi de finances ou lois de finances ?

Parce qu’elle a pour objet un acte d’autorité essentiellement politique, la loi de finances
n’est pas une loi tout à fait comme les autres. Minutieusement organisée par les
dispositions de la constitution et de la LOB, la procédure de préparation et d’adoption
de la loi de finances est une procédure complexe faisant intervenir un nombre
d’intervenants divers. La qualification de loi de finances est importante dans la mesure
où il en découle un régime juridique relativement dérogatoire à celui des lois ordinaires.
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La principale caractéristique commune à ces lois de finances est la place réduite que
joue le Parlement dans leur élaboration : non seulement celui-ci ne peut déposer de
proposition de loi de finances alternative aux projets du gouvernement (en vertu de
l’article 62 de la constitution de 2014 « le chef du gouvernement est seul habilité à
présenter les projets de lois de finances » alors que dans l’article 68 de celle de 2022
« seul le Président de la République est habilité à présenter les projets de lois de
finances »), mais encore son pouvoir d’amendement est rigoureusement encadré et ce
en vertu de l’article 63 de la constitution de 2014, 69 de la constitution 2022 et 49 de
la LOB.
Au moment de la discussion budgétaire, le Parlement est saisi d’un ensemble de textes
qui doivent lui permettre d’exercer son contrôle et d’avoir une perception claire du
contenu réel des propositions financières faites par le Gouvernement. Ces textes sont
de deux ordres : le projet de loi de finances stricto sensu, divisé en deux parties
distinctes et c’est ce projet qui, une fois approuvé par le Parlement, aura valeur
législative et sera publié au JORT. Et toute une série de documents budgétaires qui
explicitent le contenu du projet de la loi de finances ou sont destinés à l’information du
Parlement. D’ailleurs, en vertu de l’article 45 de la LOB, un principe de la présentation
en deux parties du projet de la loi de finances de l’année et de la loi de finances
rectificative est posé. En effet, « le projet de loi de finances de l’année et le projet de loi
de finances rectificative comprennent des dispositions ainsi que des tableaux détaillés
». La LOB énumère, dans son article 46, la liste des documents joints au projet de la loi
de finances devant normalement être présentés au Parlement concomitamment au
projet de la loi de finances annuelle ou rectificative dont notamment « - les projets
annuels de performance par mission pour l’année budgétaire concernée par la
préparation de la loi de finances, à l’exception des missions spéciales, - un
rapport sur la dette publique ». En sus des documents précités, le projet de la loi de
finances rectificative comporte aussi selon l’article 46 de la LOB « un rapport
comprenant toutes les modifications proposées à la loi de finances de l’année ».
En droit français, pendant longtemps l’ordre de présentation et de vote des deux parties
de la loi de finances correspond à la conception classique des finances publiques selon
laquelle, pour reprendre l’expression de Gaston JEZE, il y a des charges (première
partie), il faut les couvrir (recettes en seconde partie). Conservant une structure en deux
parties, l’ordre de présentation est désormais inversé, présentant d’abord les
ressources puis les charges. Cette inversion reflète une conception plus gestionnaire
de l’État et plus contraignante pour les décideurs. Elle traduit une rationalisation
incitant le parlement à n’adopter les crédits qu’en fonction du montant des ressources
dégagées en première partie.
A travers l’article 48 de la LOB, un certain ordre dans le vote de la loi de finances peut
être dégagé à travers « la loi de finances est votée dans les mêmes conditions que
les lois ordinaires, sous réserve des dispositions suivantes : - les prévisions des
dépenses du budget de l’État font l’objet d’un vote par mission et mission
spéciale, - les autorisations de recettes du budget de l’État font l’objet d’un vote
par partie ».
Élément essentiel de la loi de finances, le budget n’est pas pour autant un élément
exclusif, et la jurisprudence constitutionnelle a élaboré toute une théorie dite «
cavaliers budgétaires ». En vertu de l’article 10 de la LOB « la loi de finances se limite
aux seules dispositions relatives aux ressources et aux charges de l’État ».

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Remarque : La pratique de la cavalerie budgétaire consiste à glisser dans la loi de


finances annuelle certaines dispositions qui n'ont rien à voir avec l'équilibre
économique et financier des comptes de l'État en profitant du battage médiatique qui
entoure le vote de ce texte particulier, car elles ont ainsi davantage de chances d'être
acceptées et de ne pas susciter de réactions négatives de la part des citoyens
auxquelles elles s'adressent.
L’exercice budgétaire est rythmé par une série d’interventions législatives : loi de
finances initiale, loi de finances rectificative et loi du règlement du budget. Aux termes
de l’article 3 de la LOB, sont considérées lois de finances, la loi de finances de l’année,
la loi de finances rectificative et la loi de règlement du budget. La loi de finances initiale
adoptée lors de la session budgétaire, c’est-à-dire avant la fin de l’année précédant
l’exercice concerné, présente un intérêt politique fondamental pour les acteurs publics
car le Parlement y détermine le budget de l’exercice à venir et accorde au pouvoir
exécutif les autorisations correspondantes. Elle constitue le texte essentiel qui chaque
année vient formaliser le budget dont se dote l’État.
Les lois de finances rectificatives, fréquentes en droit tunisien depuis 2011, et conçues
pour répondre à un aléa économique ou politique, modifient les lois de finances
initiales dans les conditions prévues par la LOB. Sauf exceptions prévues par la LOB
(virement et transferts de crédits, décret d’avance ou d’annulation conformément aux
articles 53 et suivants), seules ces lois de finances peuvent modifier en cours d’exercice
les dispositions qui relèvent du contenu obligatoire des lois de finances de l’année et
leur adoption est impérative pour ratifier les modifications qui seraient apportées par
décret d’avance. Pour le reste, elles sont facultatives en raison d’une alternance
politique en cours d’année ou d’une conjoncture économique difficile.
Les lois de règlement ont pour objet au terme de l’article 65 de la LOB « le projet de loi
de règlement du budget de l’État fixe le montant définitif des recettes recouvrées
et des ordonnances de paiement visées au cours d’une même gestion, annule les
crédits sans emploi et autorise le transfert du résultat de l’année au compte
permanent des découverts du trésor après déduction des sommes restées
disponibles sur les ressources affectées, et ce en tenant compte des dispositions
des articles 32 et 37 de la présente loi ». Elle a pour objet notamment d’arrêter le
montant définitif des opérations budgétaires (recettes et dépenses) et de trésorerie de
l’année concernée, approuver le compte de résultat de l’exercice et procéder à des
opérations de régularisations. Elle comporte le compte de résultat et le bilan. Elle
conduit à établir l’état véritable du solde budgétaire et du déficit de l’année considérée.
En vertu de l’article 68 de la LOB « sont joints au projet de loi de règlement du budget
de l’État de l’année budgétaire de l’année concernée : 1 - les rapports annuels de
performance, 2 - les états financiers de l’État y compris, le cas échéant, les états
consolidés, 3 - le rapport de la Cour des comptes portant approbation de
l’intégrité et de la sincérité des états financiers de l’État, 4- le rapport de la Cour
des comptes relatif au règlement du budget portant déclaration de la conformité
des comptes de gestion des comptables publics au compte général de l’État ». Il
est même prévu dans l’article 64 de la LOB que « la Cour des comptes assiste le
pouvoir législatif et le pouvoir exécutif dans le contrôle de l’exécution des lois de
finances et du règlement du budget conformément à l’article 117 de la constitution
».

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La LOB 2019 avait tenté de resserrer le calendrier en prévoyant que le projet de loi du
règlement est présenté parallèlement avec la présentation du projet de loi de finances
de l’année. En vertu de l’article 66 de la LOB, « le Chef du Gouvernement transmet à
l’Assemblée des représentants du peuple parallèlement avec la présentation du
projet de loi de finances de l’année, le projet de loi de règlement du budget de
l’année qui précède de deux années l’année concernée par la loi de finances ».
Mais l’obligation de présentation n’est pas assortie d’une sanction particulière
d’autant plus que la présentation ne signifie pas discussion ni adoption. En droit
français, l’article 46 de la LOLF prévoit le dépôt du projet de loi de règlement avant le 1er
juin de l’année suivant celle du budget à régler et il doit être débattu au début de la
session suivante.

Processus I
Préparation et adoption
Le pouvoir financier de l’État s’exerce dans un cadre institutionnel et est soumis à des
procédures dont les justifications sont à la fois politiques et techniques. Les lois de
finances sont votées par le Parlement, préparées et exécutées par le gouvernement et
assurent une répartition des rôles entre les deux pouvoirs dans l’Etat, c’est-à-dire que
l’action financière de l’État est soumise à des formes, encadrée par des procédures et
mise en œuvre par des acteurs politiques et administratifs. Elle repose sur un ensemble
de mécanismes, particulièrement complexes.
Complexe et partagée entre plusieurs intervenants, l’élaboration de la loi de finances
suit deux phases commandées par deux logiques distinctes ; celle de la préparation
relevant de la compétence exclusive du gouvernement et de ses services, et celle de
l’adoption, relevant normalement du Parlement à qui revient le pouvoir d’adoption du
budget selon une procédure précise même si son pouvoir d’amendement reste limité.
Objet de modifications assez importantes introduites par la LOB de 2019 que par les
textes constitutionnels successifs, même si l’architecture globale semble maintenue,
le processus budgétaire n’est pas seulement un ensemble de procédures, documents,
délais et acteurs divers intervenant dans l’élaboration et la mise en œuvre du budget
de toute entité publique. A forte connotation ‫ داللة‬politique, il permet, s’il est observé et
même s’il est outrepassé, de schématiser l’enjeu des rapports de force dans le cadre de
toute entité publique.
Une fois adopté, encore faut-il mettre le budget en œuvre. Le droit encadre aussi
précisément les opérations d’exécution afin de garantir les termes de l’autorisation,
mais aussi encore pour prévenir, voire le cas échéant, sanctionner les éventuelles
erreurs ou malversations auxquelles les opérations d’encaissement des recettes et
d’engagement des dépenses peuvent donner lieu. Le processus budgétaire couvre
normalement 4 phases qui se succèdent dans le temps selon des délais et des
formalités particulières et qui font intervenir des autorités distinctes.

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31

La préparation du budget

La préparation proprement dite du projet du budget est généralement de la compétence


exclusive du gouvernement. Alors qu’il est établi, selon une distinction traditionnelle
que les membres du parlement peuvent déposer des « propositions » de loi tandis que
le gouvernement dépose des projets de loi et ce conformément à l’article 62 de la
constitution 2014 et 68 de 2022, l’une des grandes spécificités des lois de finances par
rapport aux autres catégories de lois est qu’elles sont systématiquement et
exclusivement présentées à l’initiative du gouvernement (article 62 de la constitution
de 2014) du moment que la constitution interdit au parlement le droit d’élaborer une
proposition de loi de finances alternative au projet gouvernemental. En vertu de l’article
40 de la LOB, « le ministre chargé des finances prépare, sous l’autorité du Chef du
Gouvernement, le projet de loi de finances de l’année, conformément à un
calendrier fixé par arrêté du ministre chargé des finances 49. Le Gouvernement
présente à l'Assemblée des représentants du peuple, avant la fin du mois du
juillet de chaque année, les hypothèses et les grandes orientations du budget de
l'Etat pour l’année à venir ».
A travers ce calendrier, il y a lieu :
 D’envoyer, au plus tard le 31 mars, des lettres de plafond pour chaque ministère.
 De soumettre le projet au conseil des ministres et le chef du gouvernement le
présente à la chambre des représentants du peuple au plus tard avant le 15
octobre de l’année et ce en vertu de l’article 42 de la LOB.
Remarque : la LOLF organise dans son article 48 le débat d’orientation des finances
publiques. Sans rendre la procédure obligatoire, le gouvernement a pris l’habitude au
mois de juin d’ouvrir un débat d’orientation des finances publiques afin de présenter
les grandes lignes du projet du budget. Il s’agit d’une procédure qui précède le dépôt du
projet de la loi de finances au parlement et qui consiste pour le gouvernement à
consulter le Parlement sur les orientations envisagées. Il s’agit d’organiser une sorte de
consultation du Parlement, ainsi informé des choix envisagés par le gouvernement. Il
s’agit d’associer, de tenter de prévenir ou de désamorcer à l’avance une contestation
probable.
Conformément à l’article 4 de la LOB, la loi de finances autorise les recettes et les
dépenses « dans le cadre des plans de développement, du budget économique et
dans le cadre du budget à moyen terme, conformément aux objectifs et aux
résultats attendus des programmes prévus par ladite loi et sur la base des
équilibres généraux ». Il s’agit de documents de planification50.
Si généralement la planification est perçue comme un élément indispensable à toute
économie socialiste et est même rejetée par certains comme un mécanisme totalement
inefficace voire ruineux, la planification est analysée dans certains pays occidentaux

49
C’est l’arrêté du 15 mars 2019 qui fixe un calendrier de préparation
50
Ahmed ESSOUSSI, Finances publiques, p. 239.
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comme en France comme « un mode original d’organisation économique, distinct de


l’économie du marché et de l’économie planifiée. A ce titre l’État n’est plus le seul
décideur économique et a pour fonction d’orienter, de conseiller et parfois de décider
pour remplacer des opérateurs défaillants. Il lui appartient de définir les grandes
priorités à réaliser et les moyens susceptibles d’être utilisés mais n’est aucunement
maitre de l’ensemble bien qu’il encourage et incite en usant d’avantages fiscaux et
financiers.
Les articles 6 et 7 arrêtent le cadre général de préparation du projet de la loi de finances
en prévoyant que « le Chef du Gouvernement arrête les orientations générales du
budget de l’Etat dans le cadre de la politique générale de l’Etat qu’il aura
déterminée dans le cadre des plans de développement » et que « le ministre chargé
des finances assure l’élaboration et le suivi de l'exécution du budget afin
d’honorer les engagements et les obligations de l’Etat et de préserver ses
équilibres financiers dans un cadre de soutenabilité du budget ».
Le plan de développement 51 et le budget économique 52 sont les instruments classiques
d’insertion du budget dans l’économie en ce qu’ils permettent d’adapter les prévisions
budgétaires aux objectifs nationaux tout en tenant compte de leur faisabilité
économique selon les paramètres établis par le budget économique.
Outre le plan de développement économique et le budget économique, la LOB du 13
février 2019 prévoit le recours à un cadre budgétaire à moyen terme qui est un
instrument de discipline budgétaire.
En vertu de l’article 1er de la LOB, le cadre budgétaire à moyen terme est « une technique
de programmation glissante ‫ متحركة‬qui permet de préparer le budget selon un
horizon pluriannuel. Le cadre budgétaire à moyen terme est élaboré pour une
période triennale et actualisé chaque année. Ce cadre comprend les prévisions

51
Le plan de développement économique et social est un document à caractère prospectif élaboré par le
gouvernement normalement pour une période de cinq ans. Le décret 2005-382 du 1er mars 2005 portant
organisation des travaux d’élaboration du XI plan de développement couvrant la période de 2007-2011
indique que « le XI est élaboré entant qu’instrument d’orientation générale de la politique de
développement et un cadre de réalisation des programmes et des projets à la lumière des orientations
et des perspectives de développement arrêtés dans le cadre de d’une vision prospective s’inscrivant dans
une perspective décennale et permettant d’atteindre les objectifs fixés aux niveaux sectoriel et
régional ». Ce sont les services du ministère du développement et de la coopération internationale ainsi
que les différents départements concernés qui sont chargés des différents travaux techniques
d’élaboration du plan de développement. Le 11 plan de développement couvrant la période 2007-2011 a été
réaménagé par un plan glissant correspondant à la période de 2010-2014 et coïncidant avec le
programme présidentiel de Ben Ali. Le gouvernement post révolutionnaire a préparé un plan intitulé plan
Jasmin relatif à la période 2011-2016 ajusté en 2013 par des perspectives triennales axées sur la maitrise
des finances publiques et de l’endettement. Un plan est récemment adopté en décembre 2022 en conseil
des ministres par la Tunisie pour la période 2023-2025.
52
Le budget économique est un ensemble de comptes nationaux décrivant pour l’année en cours et pour
l’année à venir les prévisions relatives aux opérations des agents économiques de manière à éclairer la
politique budgétaire et économique. Il comporte des évaluations d’ordre économique relatives
notamment au Produit Intérieur Brut, au rythme des réalisations des investissements privés et publics,
au volume de l’épargne, à la balance des paiements ainsi qu’à la balance commerciale. Il est préparé par
l’institut national des statistiques qui est placé sous la tutelle du ministère de développement régional
et de planification.
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des recettes et des dépenses du budget de l'État par nature et par destination. Il
répartit le montant global des dépenses par nature entre les missions ».
Le cadre budgétaire vise à mettre en place une trajectoire de l’équilibre budgétaire sur
une durée assez longue et permet de fixer un plafond à la fois aux prélèvements
obligatoires et au déficit ce qui a pour conséquence d’imposer un plafonnement des
dépenses. D’ailleurs, en vertu de l’article 39 de la LOB « les prévisions des ressources
et des charges de l’Etat ont lieu sur la base des équilibres généraux et dans le
cadre des plans de développement, du budget économique et d’un cadre
budgétaire à moyen terme fixé pour trois ans et actualisé chaque année. La loi de
finances de l'année autorise la perception des ressources et fixe les charges pour
la première année uniquement ».

L’adoption du budget

Marathon budgétaire, la procédure d’adoption des lois de finances se distingue en de


nombreux points de celle présidant à l’adoption des lois ordinaires 53. Ce n’est qu’après
le dépôt du projet de la loi de finances que s’ouvre la véritable phase de discussions
parlementaires. Bien que la discussion du projet de la loi de finances occupe les
parlementaires plusieurs centaines d’heures, il est fréquent de remarquer que le
nombre comme la portée des amendements adoptés reste faible 54. Le projet de loi de
finances fait l’objet d’un examen en commission puis en assemblée plénière avant son
adoption et son vote au plus tard le 31 décembre de l’année précédant celle au titre de
laquelle le texte est voté. En vertu de l’article 78 de la constitution de 2022 « le projet
de loi de finances est soumis à l’Assemblée au plus tard le 15 octobre. Il est adopté
au plus tard le 10 décembre ». Ainsi, la constitution a encadré l’adoption de la loi de
finances par des délais de rigueur.
Si toutes les commissions sont intéressées à l’examen du projet de la loi de finances,
un rôle primordial est accordé à la commission des finances.
En vertu de l’article 47 de la LOB « l’assemblée des représentants du peuple adopte
le projet de loi de finances de l’année qui lui est soumis au plus tard le 10
décembre de l'année précédant l’année relative à son exécution, et le transmet au
Président de la République au plus tard le lendemain de son adoption ».
En vertu de l’article 84 de la constitution « les projets relatifs au budget de l'État et
aux plans de développement régionaux, des districts et nationaux sont
obligatoirement soumis au Conseil national des régions et des districts pour
assurer l’équilibre entre les régions et les districts. La loi de finances et les plans
de développement ne sont approuvés qu'à la majorité des membres présents dans
chacune des deux chambres, à condition que cette majorité ne soit inférieure au
tiers des membres de chaque chambre ». Il est à remarquer que si l’exercice du

53
Martin COLLET, p. 477.
54
LASCOMBE, Le parlement et la loi de finances, mélanges Hauriou, 2011.
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pouvoir financier se trouve désormais partagé entre les deux chambres, toutefois
l’articulation entre les deux chambres n’est encore pas claire.
Le pouvoir d’amendement des députés est strictement encadré par les dispositions des
articles 69 de la constitution 2022 et par l’article 49 de la LOB. En effet, « l’Assemblée
des représentants du peuple peut, proposer d’ajouter de nouveaux articles ou
d’introduire des amendements au projet de loi de finances de l’année ou de la loi
de finances rectificative dans les cas suivants :
- pour réduire des dépenses ou augmenter des recettes,
- pour proposer de nouvelles dépenses sous réserve de proposer des recettes
additionnelles ou une économie des dépenses couvrant les dépenses
additionnelles,
- pour introduire des modifications sur la répartition des crédits entre les
programmes moyennant les modifications correspondantes au niveau des
objectifs et des indicateurs des programmes concernés par les modifications ».
En cas de dépassement du délai du 31 décembre et le projet de la loi de finances n’est
pas adopté, l’article 78 de la Constitution de 2022 prévoit que « si à la date du 31
décembre le projet de loi de finances n’a pas été adopté, il peut être mis en
vigueur, en ce qui concerne les dépenses, par tranches trimestrielles
renouvelables par décret. Les recettes sont perçues conformément aux lois en
vigueur ». De même l’article 50 de la LOB indique que « si le projet de loi de finances
n’est pas adopté dans le délai maximum du 31 décembre, il peut être procédé à
son exécution en matière de dépenses, par tranches de trois mois renouvelables
par décret présidentiel. Les recettes sont recouvrées selon la législation en
vigueur. L’Assemblée des représentants du peuple en est informée avant
l’adoption du projet de loi des finances de l’année ».

Processus II
Exécution et contrôle
Constitué par les quatre temps budgétaires, le processus budgétaire fait intervenir des
autorités distinctes. Si l’élaboration de la loi de finances et son adoption peuvent
constituer « la prise de décision budgétaire », l’exécution et le contrôle des lois de
finances servent aussi, mais indirectement la décision budgétaire.

L’exécution des lois de finances

Le processus technique d’engagement des dépenses est enfermé dans un cadre


rigoureux qui pose deux problématiques générales. D’une part, il s’agit de la question
de la marge de liberté qu’il convient de laisser aux autorités d’exécution. S’il est
important que les ordonnateurs respectent les termes de l’autorisation budgétaire, il
est nécessaire de préserver une certaine souplesse afin qu’ils puissent, le cas échéant,

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adapter les modalités de la dépense publique aux évolutions de l’intérêt général.


D’autre part, les opérations effectivement engagées doivent être retracées avec
précision à la fois pour guider l’action future des pouvoirs publics et pour permettre un
contrôle efficace de cette action.
La loi de finances ne fait qu’ouvrir les possibilités de dépenses. Elle permet aux
ministres d’utiliser une certaine masse de deniers publics pour certaines fins et
pendant un certain temps. Mais avec la loi de finances et les crédits qu’elle ouvre, la
dépense n’est encore que potentielle : il reste à la réaliser. La procédure d’exécution de
la dépense doit être aménagée de manière à ce que les paiements effectués pour solder
les fournitures ou services que se sont procurés les administrations soient bien
conformes aux prévisions et aux autorisations données par la loi de finances.
Ainsi, pour éviter que les deniers publics ne fussent détournés de la destination que
leur a accordée le parlement par la loi de finances, on a transposé dans le domaine
financier le vieux principe politique de la séparation des pouvoirs et remettre à deux
catégories d’agents nettement séparées, les opérations de dépenses : le principe de
séparation des ordonnateurs et des comptables. Les ordonnateurs sont chargés de
prendre les actes administratifs qui prescrivent l’exécution de la dépense mais ils ne
disposent pas matériellement des deniers publics et n’effectuent aucune opération de
caisse. Les comptables, au contraire, sont chargés des opérations matérielles
d’exécution de la dépense c’est-à-dire du paiement. Ce principe est consacré en vertu
de l’article 5 du code de la comptabilité publique promulgué par la loi du 31 décembre
1973 qui prévoit que « les fonctions d'ordonnateur et celles de comptable public
sont incompatibles. Les conjoints des ordonnateurs ne peuvent être comptables
des organismes publics auprès desquels lesdits ordonnateurs exercent leurs
fonctions ».
Ce principe a un double avantage. Il permet, par la séparation des agents d’exécution,
un contrôle plus efficace de la régularité de leurs actions. Il assure par la division du
travail et par la spécialisation de l’activité des agents d’exécution, un meilleur
rendement dans l’accomplissement de leur tâche.
En vertu de l’article 6 du Code de la comptabilité publique « les ordonnateurs
provoquent les opérations budgétaires. A cet effet, ils établissent, constatent et
mettent en recouvrement les créances publiques, sous réserve des exceptions
admises pour les droits payables au comptant, engagent, liquident et
ordonnancent les dépenses. Ils peuvent déléguer leurs pouvoirs à des
ordonnateurs secondaires ».
La procédure normale d’exécution de la dépense se décompose en deux phases qui
correspondent aux deux catégories d’agents d’exécution ; l’une est administrative et
l’autre est comptable.
 L’exécution administrative : comporte trois opérations ; l’engagement, la liquidation
et l’ordonnancement qui sont réalisées par les ordonnateurs principaux ou
secondaires.

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1) L’engagement est l’acte par lequel un organisme public crée ou constate à son
encontre une obligation de laquelle il résultera une charge. Il constitue le fait
générateur de la dépense. C’est l’acte qui va rendre l’Etat débiteur.
2) La liquidation est l’opération qui assure que le service a été accompli et qui
évalue le montant précis de la dépense. Elle a pour objet de vérifier la réalité de
la dette et d’arrêter le montant de la dépense.
3) L’ordonnancement est l’ordre de payer adressé par l’ordonnateur au
comptable. Contrairement à l’engagement et à la liquidation, l’ordonnancement
est nécessairement un acte de nature administrative et est de la compétence
exclusive d’un ordonnateur.
 L’exécution comptable : le paiement est effectué par le comptable qui est non
seulement caissier et payeur mais contrôleur et, à ce titre, chargé de contrôler la
régularité de la dépense.
La portée de l’autorisation : les crédits ouverts par le budget de l’Etat ont un caractère
« limitatif ». En effet, en vertu de l’article 21 de la LOB « les crédits du budget de l'Etat
ont un caractère limitatif ». Cela signifie comme le précise la LOB elle-même dans le
cadre du même article qu’ils « ne peuvent être engagés ou ordonnancés que dans la
limite des crédits répartis ». Seulement certains crédits tels « les crédits afférents
aux dépenses des charges de financement, des comptes spéciaux et des
établissements publics dont les budgets sont rattachés pour ordre au budget de l'Etat
», sont évaluatifs. Le crédit évaluatif est le crédit pour lequel les autorités d’exécution
du budget sont habilitées à pourvoir aux dépenses ‫ تأمينّ النفقات‬même au-delà des
crédits ouverts et cela à partir d’une lecture à contrario de l’article 45 de la LOB. Il est
considéré que dans tous les cas qui intéressent les relations financières avec les tiers,
notamment les Etats étrangers, une certaine réactivité de la part du pouvoir exécutif
est indispensable. D’ailleurs, le Parlement n’est pas dépouillé de tout pouvoir de
contrôle. Les dépassements de crédits évaluatifs font nécessairement l’objet de
propositions d’ouverture de crédits dans les prochains projets de loi de finances
afférent à l’année concernée.
Qu’ils soient évaluatifs ou limitatifs, les crédits du budget sont régis par le principe de
la non obligation de dépenser étant donné que les autorités d’exécution ne sont pas
tenues de consommer l’intégralité des crédits qu’elles ont sollicités puis obtenus de la
part de l’assemblée délibérante lors du vote du budget.
La « régulation » budgétaire permet de modifier le montant des crédits et aussi
d’aménager leur affectation en amendant les termes de l’autorisation budgétaire et la
répartition des crédits qui en résulte. La modification peut être soit à la baisse soit à la
hausse.
Modification à la baisse des crédits : Il s’agit des possibilités de report et annulation
des crédits ; tel est le cas de l’article 59 de la LOB qui prévoit que « afin de préserver
l’équilibre budgétaire, il peut être procédé au cours de l’année budgétaire au
blocage ou à l’annulation des crédits ouverts par la loi de finances. Le blocage des
crédits intervient par arrêté du ministre chargé des finances. L’annulation de

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crédits intervient par décret gouvernemental sur proposition du ministre chargé


des finances. L’Assemblée des représentants du peuple est informée du projet de
décret. Le montant cumulé des crédits annulés ne peut excéder 1,5% de l’ensemble
des crédits ouverts par la loi de finances de l’année ou par la loi de finances
rectificative ». Ainsi, la LOB 2019 parait opter pour une approche rigide (par rapport à
celle de 1967 qui n’encadrait l’opération d’annulation par aucune condition à travers
l’article 14) pour prévenir les risques de détournement de la procédure d’annulation de
crédit. L’annulation est encadrée par une règle purement arithmétique ainsi que par
des obligations de procédure et de fond. Ainsi, un crédit ne peut être annulé que pour
préserver l’équilibre budgétaire et l’annulation prend la forme d’un décret ayant fait
l’objet d’une information de l’ARP d’autant plus que le montant cumulé des crédits
annulés ne peut dépasser 1.5% de l’ensemble des crédits ouverts par la loi de finances.
Modification à la hausse : la modification à la hausse est possible grâce à la
technique des décrets d’avance en vertu de l’article 60.
L’affectation des crédits : la règle de la spécialité implique que les différentes
enveloppes de crédits ouverts reçoivent une destination particulière.
La mise en œuvre des choix budgétaires, c’est-à-dire des opérations de recettes et de
dépenses, relève d’un cadre juridique ayant pour noyau dur le principe de séparation
des ordonnateurs et des comptables. Ayant pour objectif premier d’assurer un contrôle
de régularité le plus étendu possible de la gestion financière, le principe de séparation
comporte ; d’une part, une division organique et fonctionnelle des compétences, et
d’autre part, l’indépendance et l’incompatibilité des fonctions. Obéissant à un schéma
de quatre phases, l’exécution des dépenses, de même que celle des recettes, est une
opération partagée entre les deux acteurs 55.

Contrôle et évaluation de l’exécution des lois de finances

Le contrôle de l’exécution des lois de finances revêt une importance particulière eu


égard du respect de la légalité budgétaire. En effet, à la marge de plus en plus étendue
reconnue à l’exécutif dans la mise en œuvre de l’autorisation budgétaire, correspond
des contrôles de plus en plus diversifiés reconnus à des autorités distinctes qui
interviennent à des échéances variables. Il s’agit de s’assurer de la conformité de
l’exécution administrative et comptable aux règles de droit ainsi qu’à l’autorisation
budgétaire donnée par le parlement. A cette préoccupation initiale, exclusivement
tournée vers un contrôle de régularité, vient s’ajouter celle plus contemporaine d’une
évaluation de la qualité de la gestion financière publique. Aux contrôles administratifs
internes, s’ajoutent les contrôles qu’on peut considérer externes constitués des
contrôles juridictionnels et du contrôle parlementaire. Les contrôles se diversifient
suivant le moment où ils s’effectuent soit avant soit après l’acte qui doit être contrôlé.

55
Michel BOUVIER, Finances publiques, p. 372 et suivant.
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Il s’agit des contrôles à priori qui s’exercent par la voie d’autorisations préalables, et
des contrôles à posteriori qui sanctionnent les irrégularités constatées
En vertu de l’article 63 de la LOB, « le budget de l’Etat est soumis à un contrôle
administratif concomitant avec les différentes étapes de son exécution. Les
procédures de contrôle sont fixées par les textes juridiques spécifiques à chaque
organisme de contrôle. Toutes les administrations publiques sont soumises à des
missions d’audit et leurs rapports annuels de performance sont examinés et
évalués ». Il s’agit à titre d’exemple du comité général de l’administration du budget
de l’Etat et du haut comité ‫ هيئةّالرقابةّالعامةّللمالية‬organisé par le décret n°2886-2000
dont notamment les contrôleurs de dépenses. (Décret gouvernemental n°2019-612 du 1er
juillet 2019, modifiant le décret n°2012-1683 du 22 août 2012, fixant le statut particulier
des membres du corps de contrôle des dépenses publiques relevant de la présidence
du gouvernement et portant organisation du comité général du contrôle des dépenses
publiques).
Outre les contrôles administratifs, un contrôle juridictionnel est organisé aussi bien en
vertu de la LOB que par la loi organique n°41-2019 du 30 avril 2019 relative à la cour des
comptes.
La Cour des Comptes est l'institution supérieure de contrôle des finances de l'Etat, des
collectivités locales et des établissements publics administratifs. Elle dispose, à cet
effet, d'un pouvoir de juridiction sur les comptables publics et d'un pouvoir de contrôle
sur les ordonnateurs. Elle est chargée, en outre, de l'examen des comptes et de la
gestion économique et financière des entreprises publiques. Elle apprécie les résultats
du concours économique et financier de l'Etat, des gouvernorats ou des communes. La
Cour des Comptes juge en premier et dernier ressort les comptes de tous les
comptables publics à l'exception des comptes des communes et des établissements
publics dont le budget annuel ordinaire ne dépasse pas le montant d’un million de
dinars. Ces comptes sont apurés administrativement par le ministre des finances. En
vertu de l’article 8 de la loi de la cour des comptes « la Cour des comptes dispose d’un
pouvoir de juridiction et d’un pouvoir de contrôle. Elle :
1) juge les comptes des comptables publics. Elle peut statuer sur les pourvois en
reformation formés soit par les parties intéressées, soit d’office en réformation
des arrêtés administratifs des comptes des établissements publics et des
collectivités locales dont le budget annuel ne dépasse pas un montant fixé par
décret gouvernemental.
2) sanctionne les fautes de gestion conformément aux conditions fixées par la
présente loi.
3) exerce un pouvoir de contrôle sur les comptes et la gestion des organismes
énumérés à l’article 7 de la présente loi ».
En sus de sa mission juridictionnelle, la cour des comptes exerce des missions non
juridictionnelles de contrôle sur la gestion des ordonnateurs et des comptables. Elle est
dotée, en vertu du chapitre 8 de la loi n°41-2019, d’une mission d’assistance aux
pouvoirs législatifs et exécutif dont notamment l’élaboration « d’un rapport sur le
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39

projet de loi de règlement du budget de l’Etat comportant, notamment, une


analyse de l’exécution des crédits par mission et par programme, l’évolution de
la situation financière de l’Etat au cours de l’année concernée. Ce rapport, auquel
est annexée la déclaration générale de conformité entre les comptes des
comptables publics et le compte général de l’administration des finances, est
joint au projet de loi précité » et ce en vertu de l’article 160 de la loi précitée.
Toutefois, il convient de souligner qu’à la place de choix réservé à la juridiction
financière par la constitution de 2014, s’est substituée une sorte de négligence du rôle
de cette juridiction voire une méconnaissance de cette juridiction dans celle de 2022
et ce même si la loi de 2019 et la LOB préservent toujours cette place de choix.
Dans le schéma des contrôles de l’exécution des lois de finances, le contrôle politique
opéré par le parlement tient, en principe, la première place. Ayant initialement autorisé
la mise en œuvre des opérations de recettes et de dépenses, il doit en principe en suivre
le déroulement puis se prononcer sur l’exécution définitive du budget. Or, en pratique,
et pendant longtemps, ce contrôle a été toutefois loin d’occuper une place prééminente
ayant surtout un caractère formel y compris dans les pays démocratiques. Ce n’est que
ces dernières années qu’on a assisté à une sorte de réappropriation par le parlement de
ses pouvoirs de contrôle en matière budgétaire.
Ce contrôle est effectué, en cours d’exécution à travers les rapports, sur l’exécution du
budget en cours d’année notamment, et aussi en fin d’exécution à travers la loi de
règlement 56. En vertu de l’article 65 de la LOB « le projet de loi de règlement du budget
de l’Etat fixe le montant définitif des recettes recouvrées et des ordonnances de
paiement visées au cours d’une même gestion, annule les crédits sans emploi et
autorise le transfert du résultat de l’année au compte permanent des découverts
du trésor après déduction des sommes restées disponibles sur les ressources
affectées… ».

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Michel BOUVIER, Finances publiques, p. 489 et s. Ahmed ESSOUSSI, Finances publiques.
ISEJ
GABES Licence en Droit Privé à distance 2022-2023

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