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F

aculté de Droit et des Sciences


Politiques de Tunis
Année universitaire 2022/2023
Finances publiques
1

Introduction
Les finances publiques constituent la branche du droit public ayant pour objet l’étude
des règles et des opérations relatives aux deniers publics. Les deniers publics sont
définis comme étant l’ensemble des Fonds qui appartiennent à un organisme public,
soumis aux règles de la comptabilité publique. Les finances publiques concernent les
opérations financières des personnes publiques (État, collectivités locales,
établissements publics). Nous allons nous intéresser essentiellement aux finances de
l’Etat. L’Etat assume des charges pour la satisfaction de l’intérêt général, il doit pouvoir
les financer car l’Etat agit à travers ses dépenses. Dans ce sens, les finances publiques
ont été résumées par le professeur Gaston Jèze par la formule : « il y a des dépenses, il
faut les couvrir ». Les finances publiques c’est donc « l’étude des moyens par lesquels
l’État se procure les ressources nécessaires à la couverture des dépenses publiques et en
répartie la charge entre les citoyens ».
Il s’agit d’une discipline pluridimensionnelle qui peut être appréhendée sous différents
angles selon que l’on s’intéressera à l’adoption, à l’exécution et au contrôle du budget
(aspect constitutionnel et administratif des finances publiques) ou bien au choix des
dépenses publiques et à la structure du système fiscal (aspect politique des finances
publiques) ou encore à l’impact des dépenses et des recettes sur la conjoncture
économique (aspect économique des finances publiques) ou enfin aux influences des
phénomènes sociaux sur les institutions financières (aspect sociologique des finances
publiques).
Ces multiples facettes des finances publiques expliquent la difficulté de l’appréhender
dans sa globalité et justifie une approche pédagogique de la discipline par son
découpage en plusieurs matières : le droit budgétaire qui pose les règles particulières
qui assurent la gestion financière de l’État et des autres personnes publiques infra
étatiques en déterminant les organes chargés de cette gestion ainsi que les procédures
d’élaboration et d’exécution du budget y afférant, le droit fiscal qui est le droit
applicable en matière de fiscalité, la comptabilité publique qui regroupe les règles
applicables à l’exécution du budget.
Rappel historique
Les finances publiques ont une histoire lourde de conséquences en Tunisie car c’est
une gestion peu rationnelle des finances de l’Etat qui a conduit à l’instauration du
protectorat Français.
En effet, dans un climat général de corruption, les recettes fiscales elles-mêmes ne
suffisaient plus à financer les dépenses des dirigeants qui se sont mis à emprunter sur
le marché international. Cependant, dans un contexte international d’expansion
coloniale européenne, c’était un risque trop grand à courir et inévitablement, étant dans
l’impossibilité de rembourser les créanciers étrangers, le Bey a été obligé d’accepter
une mise sous tutelle internationale des finances publiques tunisiennes qui aboutit à
la mise en place du Protectorat dans le cadre du Traité du Bardo du 12/05/1881 et de la
convention de la Marsa du 08/06/1883.
C’est ainsi que les autorités françaises ont progressivement introduit leurs règles et
principes budgétaires notamment à travers les décrets beylicaux du 12/03/1883 et du
19/12/1883 qui ont organisé le régime d’établissement et de règlement du budget.

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Par ailleurs, le décret beylical du 12/05/1906 portant règlement de la comptabilité


publique, a repris le contenu des deux textes précédents et a soumis le budget tunisien
au contrôle de la cour des comptes française. Cet ensemble de règles budgétaires,
fiscales et comptables a permis d’assainir les finances tunisiennes et de mettre en
place une administration publique fonctionnant sur le modèle français.
Les autorités tunisiennes indépendantes ont hérité un modèle français des finances
publiques qui a été maintenu et consolidé à travers l’adoption de la constitution du 1er
Juin 1959 et des différentes lois organiques du budget qui constituent les sources
fondamentales du droit budgétaire tunisien.
L’histoire des finances publiques a été également mouvementée depuis l’indépendance
puisque la Tunisie a connu une crise avec la révolte du pain du 3 Janvier 1984 qui a été
provoquée par la suppression annoncée, par la loi de finances pour la gestion 1984, de
la compensation des produits de première nécessité. Suite aux émeutes populaires,
cette mesure n’a pas été appliquée mais un plan d’ajustement structurel (P.A.S) a été
décidé l’année suivante pour assainir les finances publiques et réduire l’intervention
économique et sociale de l’Etat.
Le système fiscal a été réformé à partir de 1988 à travers la promulgation des codes de
l’Impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés, de la TVA,
des investissements et du code des droits et procédures fiscaux.
La Loi organique du budget du 08/12/1967 a été modifiée en profondeur en 1996 et en
2004 dans le sens d’une plus grande transparence et d’une plus grande rigueur.
D’une manière générale, le pays s’est engagé dans la voie de la libéralisation
économique en adhérant en 1994 à l’Organisation Mondiale du Commerce et en signant
un accord d’association avec l’union européenne en 1995.
Cette nouvelle orientation a été favorable sur le plan économique et budgétaire puisque
le taux de croissance économique était en moyenne de 6% et que le ratio de la dette
publique était autour de 35% ce qui est un taux assez bas.
Cependant cette richesse était mal distribuée et cela peut être un des facteurs du
mécontentement populaire qui a conduit à la révolution de 2010.
Au cours de la transition démocratique, la réforme budgétaire qui était jusque-là en
phase expérimentale a été définitivement décidée et un projet de loi organique du
budget a été déposé en Novembre 2015 à l’Assemblée des Représentants du Peuple. Ce
projet de loi organique du budget vient consacrer un cadre budgétaire en conformité
avec les principes de gouvernance publique consacrés par la constitution du
27/01/2014. Il a été adopté et promulgué le 13/02/2019. La LOB de 2019 consacre le
passage de la gestion classique des finances publiques par un budget de moyen à une
gestion plus moderne dans le cadre de la Gestion Budgétaire par Objectif (GBO). Il s’agit
surtout de garantir la soutenabilité ‫ استدامة‬du budget en « dépensant moins mais
mieux ».
Cette réforme du cadre budgétaire s’inscrit dans un contexte politique, économique et
budgétaire très tendu avec un endettement public exponentiel.
La nouvelle constitution du 25/07/2022 promulguée par le décret Présidentiel n°2022-
691 du 17 août 2022 pose la question de savoir si ses dispositions financières peuvent
être mises en application par la LOB de 2019. La consécration d’un parlement bicaméral
modifie déjà la procédure d’adoption du PLF et du projet de loi de règlement jusque-là
en vigueur.

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Chapitre Les Sources du Droit


Premier budgétaire
Il s’agit des textes fondamentaux (Section 1ère) et des textes d’application (Section 2ème).

Les textes fondamentaux du droit budgétaire

Il s’agit de la Constitution (§1), de la loi organique du budget (§2) et de la loi de finances


(§3).

§1 La Constitution

Elle consacre deux principes fondamentaux : le principe de la légalité fiscale et le


principe de la légalité financière.
A. La légalité fiscale
Par définition, la loi est le texte produit par le Parlement car elle constitue l’expression
de la volonté générale. Dans ce cadre, seule la loi peut exprimer le consentement de
l’impôt. Le principe du consentement du Peuple à l’impôt est consacré par la Magna
Carta du 15 Juin 1215. Dans cette charte, le Roi déclare qu’« aucun impôt ou aide ne
sera imposé… sans le consentement du Conseil Commun de notre royaume ».
En contrepartie du devoir fiscal (1), le parlement dispose de la compétence exclusive
d’établir l’impôt (2).
1. Le devoir fiscal
La constitution de 2022 indique dans son article 15 que : « l’acquittement de l’impôt
et la contribution aux charges publiques constituent un devoir pour chaque
personne sur la base de la justice et de l’équité.
Toute évasion fiscale est considérée comme une infraction contre l’Etat et la
société ».
Cette disposition est plus brève que l’article 10 de la constitution du 27 Janvier 2014 qui
indiquait que « l'acquittement de l'impôt et la contribution aux charges publiques,
conformément à un système juste et équitable, constituent un devoir.
L'État met en place les mécanismes propres à garantir le recouvrement de l'impôt
et la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales.
Il veille à la bonne gestion des deniers publics et prend les mesures nécessaires
pour les utiliser conformément aux priorités de l'économie nationale. Il agit en
vue d'empêcher la corruption et tout ce qui est de nature à porter atteinte à la
souveraineté nationale ».
2. La constitution consacre l’établissement de l’impôt par la Parlement
Après avoir souligné dans son article 56 que « le peuple, détenteur de la
souveraineté, délègue la fonction législative à une première chambre
représentative nommée l’assemblée des représentants du peuple et à une seconde

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chambre représentative dénommée le conseil des régions et des districts », la


constitution de 2022 attribue au parlement une compétence fiscale élargie dans le
cadre de l’article 75. Celui-ci indique que : « sont pris sous forme de loi ordinaire, les
textes relatifs aux matières suivantes : …
- La détermination de l’assiette des impôts et contributions, de leurs taux et des
modalités de leur recouvrement ».
En effet le Parlement est seul compétent pour :
 Créer l’impôt et les contributions (taxe, redevance en contrepartie d’un service
rendu).
 Fixer l’assiette de l’impôt c'est-à-dire préciser la matière sur laquelle sera assis
l’impôt ou encore la matière imposable.
 Fixer le taux de l’impôt : c’est la proportion de la richesse qui sera prélevée au
profit de l’État.
 Fixer les procédures de recouvrement qui permettent de transférer la richesse
privée du patrimoine privé au patrimoine public. C’est l’ensemble des actes
juridiques et des opérations matérielles visant à obtenir le paiement de l’impôt
et la durée.
Remarque : la Constitution de 2022 maintient le domaine de la loi consacré par la
Constitution de 2014. Celle-ci a abrogé la possibilité dont disposait le législateur de
déléguer ses compétences en matière fiscale au président de la république prévue par
la Constitution de 1959.
B. La légalité financière
Tout comme l’article 65 de la constitution de 2014, l’article 75 de la Constitution de 2022
consacre la légalité financière en indiquant que : « sont pris sous forme de loi
ordinaire, les textes relatifs aux matières suivantes : …
- Le régime d’émission de la monnaie,
- Les emprunts et les engagements financiers de l’État,
- Les lois de finances, de règlement du budget et d’approbation des plans de
développement … ».
Par ailleurs, comme l’article 67 de la constitution de 2014, l’article 74 de la constitution
de 2022 soumet les traités relatifs aux engagements financiers de l’État à l’approbation
de l’Assemblée des représentants du Peuple et précise que ces traités n’entrent en
vigueur qu’après leur ratification.
Le principe de la légalité financière se traduit par la consécration de l’autorisation
budgétaire. L’article 78 de la Constitution de 2022 indique que : « la loi autorise les
recettes et les dépenses de l’État conformément aux dispositions prévues par la
loi organique du budget.
L’Assemblée des Représentants du Peuple adopte les projets de loi de finances et
de règlement du budget, conformément aux dispositions prévues par la loi
organique du budget… ».
NB : La Constitution de 2022 prévoit l’intervention d’une deuxième chambre en matière
budgétaire qui n’est pas évoquée par l’article 78 mais qui figure dans l’article 84 selon
lequel : « Les projets relatifs au budget de l'État et aux plans de développement
régionaux, des districts et nationaux sont obligatoirement soumis au conseil
national des régions et des districts pour assurer l’équilibre entre les régions et
les districts.

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La loi de finances et les plans de développement ne sont approuvés qu'à la


majorité des membres présents dans chacune des deux chambres, à condition
que cette majorité ne soit inférieure au tiers des membres de chaque chambre »
Les modalités d’adoption de la loi de finances s’en trouvent d’autant plus compliquées
que la navette entre les deux chambres n’est pas explicitée. Nous aurons l’occasion de
développer ces points dans le chapitre relatif à la procédure budgétaire.
Au total, la constitution consacre l’autorisation budgétaire qui détermine les relations
financières entre le Parlement et le pouvoir exécutif. Le parlement effectue un contrôle
politique à priori sur le budget de l’Etat à travers le vote de la loi de finances. Cependant,
il faut souligner que le parlement peut ne pas adopter le projet de loi de finances. Dans
ce cas, la constitution de 2022 comme les constitutions précédentes prévoient une
solution pour garantir la continuité de l’Etat en indiquant dans l’article 78 que « si à la
date du 31 décembre, le projet de loi de finances n’a pas été adopté, il peut être
mis en vigueur, en ce qui concerne les dépenses, par tranches trimestrielles
renouvelables par décret. Les recettes sont perçues conformément aux lois en
vigueur ».

§2 La Loi Organique du Budget

Une loi organique est par définition une norme prévue par un texte supérieur destiné à
le compléter et à en fixer les modalités d’application.
La constitution prévoit les matières qui doivent faire l’objet d’une loi organique. Dans
ce sens, l’article 75 de la Constitution de 2022 indique que : « sont pris sous forme de
loi organique, les textes relatifs aux matières suivantes : …
- La loi organique du budget ».
La loi organique du budget a été définie par l’article 2 de la LOB du 13/02/2019 selon
lequel : « la présente loi organique fixe les règles et les modalités de préparation,
de présentation, d’approbation et d’exécution de la loi de finances. Elle fixe
également les modalités de contrôle de l’exécution, d’évaluation des résultats, de
modification et de règlement du budget de l’État ».
La Loi organique du budget est un texte solennel qui est entouré d’un grand respect et
qui bénéficie d’une certaine stabilité. Elle constitue une sorte de « constitution
financière de l’Etat ».
La première LOB est la loi n°1-60 du 12 Mars 1960. Elle a été abrogée par la loi organique
n°67-53 du 8 Décembre 1967 portant LOB. Celle-ci a été modifiée en profondeur par la loi
organique du 25 novembre 1996 et la loi organique du 13 Mai 2004. Elle a été abrogée
par la loi organique n°2019-15 du 13 Février 2019 portant loi organique du budget car elle
ne correspondait plus à la lettre et à la l’esprit de la Constitution du 14 Janvier 2014.
Le projet de LOB a été préparé par le gouvernement, arrêté par le conseil des ministres
le 13 Novembre 2015 et déposé à l’ARP le 20 Novembre 2015 pour être adopté 4 ans plus
tard.
Ce délai peut s’expliquer par des raisons pratiques d’encombrement du parlement mais
aussi et surtout par l’étendue de la réforme budgétaire portée par la nouvelle loi
organique du budget à laquelle les députés devaient être familiarisés à travers des
sessions de formation et des séminaires.

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La LOB du 13 Février 2019 consacre les principes et instruments de la nouvelle gestion


publique fondée sur la Gestion Budgétaire par Objectifs (GBO).
Celle-ci apporte une réponse différente de la LOB du 8 Décembre 1967 à la problématique
de la rareté des ressources et de l’augmentation des charges ; elle considère qu’il faut
réaliser les objectifs prioritaires des politiques publiques en dépensant moins et
mieux.
Des lors que les objectifs se multiplient et que les ressources ne sont pas extensibles
voire sont en diminution, il faut optimiser les moyens et évaluer les résultats obtenus
en fonction des objectifs à atteindre.
Contrairement à la logique classique du budget de l’État qui conduit à mettre l’accent
sur le montant des dépenses publiques sans établir de liens assez clairs sur les
finalités que poursuit l’État, la logique actuelle vise à mettre en avant les priorités
poursuivies par le gouvernement car cela est considéré comme le principal élément
d’une bonne gestion publique.

§3 La loi de finances

La loi de finances est une catégorie de loi ordinaire qui peut prendre plusieurs formes,
l’article 3 de la LOB de 2019, indique en effet que « sont considérées comme loi de
finances :
- La loi de finances de l’année, (A),
- La loi de finances rectificative, (B),
- La loi de règlement du budget. » (C).

A. La loi de finances de l’année

1. La définition de la loi de finances


La loi de finances de l’année est définie par l’article 4 de la LOB 2019 selon lequel : « la
loi de finances prévoit pour chaque année, l’ensemble des ressources et des
charges de l’État, arrête l’équilibre budgétaire qui en résulte et précise leur
nature et leur répartition. Elle les autorise dans le cadre des plans de
développement, du budget économique et dans le cadre du budget à moyen terme,
conformément aux objectifs et aux résultats attendus des programmes prévus
par ladite loi et sur la base des équilibres généraux ».
Cette définition soulève quelques remarques :
1) La loi de finances est un acte de prévisions du budget de l’Etat et d’autorisation de
celui-ci. Cette autorisation doit être antérieure à l’exercice budgétaire auquel elle se
rapporte et doit intervenir donc avant le 31 décembre ainsi que le prévoit l’article 78
de la Constitution de 2022 qui indique comme l’article 66 de la Constitution de 2014
que « … Dans tous les cas, la promulgation intervient au plus tard le 31
décembre ».
2) L’article 4 de la LOB évoque les principes budgétaires sur lesquels se fonde le budget
et l’autorisation budgétaire à savoir notamment le principe de l’annualité, de l’unité,
de l’équilibre et de la spécialité des crédits.
3) La définition de la loi de finances s’inscrit dans le cadre de la gestion budgétaire par
objectif car l’autorisation budgétaire donnée par la loi de finances de l’année doit

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porter sur les objectifs et les résultats des programmes qui constituent selon l’article
1er de la LOB 2019 la traduction d’une « politique publique déterminée … ». A titre de
comparaison, la LOB du 8 décembre 1967 définissait, dans son article 1er, la loi de
finances comme étant la loi qui « prévoit et autorise pour chaque année l’ensemble
des charges et des ressources de l’Etat dans le cadre des objectifs du plan de
développement et compte tenu de l’équilibre économique et financier défini par le
budget économique ».

2. Le domaine de la loi de finances


La définition de la loi de finances précise que celle-ci prévoit l’ensemble des ressources
et des charges de l’État. L’article 10 de la LOB ajoute que « la loi de finances se limite
aux seules dispositions relatives aux ressources et aux charges de l’État » 1.
Cette précision conduit à deux constats :
La loi de finances est relative à une personne morale bien précise qui est l’ETAT à
l’exclusion des autres personnes morales (a), et la loi de finances a un objet
exclusivement financier (b).
a. La loi de finances ne concerne que le budget de l’Etat
1ère remarque : les ressources et les charges d’autres personnes morales, que l’État, ne
figurent pas dans la loi de finances.
La loi de finances ne concerne donc pas le budget d’autres personnes morales
autonomes comme les établissements publics non administratifs ou les collectivités
locales. Ces personnes morales disposent de leur propre budget. Bien que autonomes,
ces budgets sont en lien avec le budget de l’État qui contribue à leur financement.
Les établissements publics non administratifs et les entreprises publiques bénéficient
de transferts financiers provenant du budget de l’État qui intervient en tant
qu’actionnaire par des subventions d’investissements et en tant que puissance
publique par des subventions de compensation et des subventions d’équilibre. Les
budgets des établissements publics non administratifs ne figurent pas dans la loi de
finances.
Quant aux collectivités locales, elles bénéficient de dotations budgétaires de la part de
l’État ainsi que le précise l’article 38 de la LOB mais elles disposent de leur propre
budget qui est établi et voté selon une procédure définie par le code des collectivités
locales 2.

1
Le budget de l’Etat doit prévoir les toutes les ressources nécessaires à la couverture de tous les besoins
des services de l’Etat. Ces besoins sont de différentes natures et correspondent :
• Au fonctionnement des administrations publiques centrales c'est-à-dire ayant une compétence
nationale et déconcentrées et des établissements publics financés par des subventions. (E.P.A) On
peut également inclure les administrations locales et les établissements publics locaux.
• Aux interventions de l’Etat dans les domaines économiques et sociaux qui peuvent être directes
c'est-à-dire réalisées en régie ou indirectes c'est-à-dire être effectuées par l’intermédiaire
d’établissements à caractère non administratif (E.P.N.A) ou par des entreprises publiques.
• Aux emprunts contractés par l’Etat et qui doivent être remboursés en principal et en intérêt à leurs
échéances respectives.
2
Article 38 : « Des dotations budgétaires sont allouées aux collectivités locales sur la base de leurs
besoins de financement dans le cadre de l’équilibre du budget de l’Etat et conformément à la loi
organique portant promulgation du Code de Collectivités Locales… ».

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2ème remarque : Il y a une exception à la règle précitée étant donné que selon l’article
34 de la LOB, les budgets des établissements publics administratifs sont rattachés au
budget de l’État alors même qu’ils sont autonomes. Cependant, ils sont
essentiellement financés par le budget de l’État car leurs ressources sont insuffisantes.
3ème remarque : La loi de finances concerne les comptes de l'État personne publique.
Elle englobe toutes les activités financières que l’État ne choisit pas d’effectuer par le
biais de gestions autonomes. Ces activités peuvent prendre différentes formes et
correspondre à des comptes différents :
• Les comptes des différents ministères non dotés d’une personnalité juridique
distincte de celle de l’État,
• Les comptes dans lesquels sont retracées certaines opérations particulières
réalisées par les services non individualisés de l’État à l’aide de ressources
affectées (fonds du trésor, fonds spéciaux, opérations en capital sur ressources
extérieures affectées).
• Les comptes des établissements publics administratifs dont les budgets sont
rattachés pour ordre au budget de l’État.
b. La loi de finances a un objet exclusivement financier
En indiquant que la loi de finances se limite aux seules dispositions relatives aux
ressources et aux charges de l’État, la LOB souligne l’idée que la loi de finances ne doit
contenir que des dispositions financières qui ont un lien avec son objet. Toute
disposition étrangère à l’objet de la loi de finances est considérée comme un cavalier
budgétaire et doit être écartée (censurée).
Au total, la loi de finances est un document qui prend en compte non seulement les
recettes et les dépenses permanentes de l’État (budget) mais aussi un ensemble de
données financières plus globales recouvrant l’ensemble de l’action économique et
sociale menée par l’État et l’ensemble des personnes publiques.
Compte tenu de ces précisions, la loi de finances a une structure déterminée par la loi
organique du budget.
3. La structure de la loi de finances
La structure de la loi de finances renvoie d’une part à son contenu (a), et d’autre part à
sa présentation (b).
a. Le contenu de la loi de finances
Ainsi qu’on l’a vu précédemment, la loi de finances contient les dispositions relatives
aux ressources et aux charges de l’État.
Dans ce cadre, l’article 12 de la LOB précise que « les ressources et les charges de
l’État comprennent les ressources et les charges budgétaires et les ressources et
les charges de trésorerie ».
Cette disposition permet de faire la distinction entre la loi de finances et le budget.
En effet, le budget est intégré dans la loi de finances et regroupe les ressources et les
charges budgétaires de l’État.
L’article 13 de la LOB précise, dans ce sens que, « les ressources budgétaires sont
retracées dans le budget sous forme de recettes et les charges budgétaires sont
retracées sous forme de dépenses ».

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Les ressources et les charges de trésorerie figurent dans la loi de finances mais pas
dans le budget de l’État. Il s’agit d’un ensemble d’opérations relatives à la gestion de la
trésorerie et de la dette de l’État 3. Par définition la trésorerie désigne le numéraire, les
valeurs mobilisables, les sommes inscrites sur les comptes de dépôt et comptes
courants. Le trésor public est le caissier de l’État qui ajuste les recettes aux dépenses
pour permettre au gouvernement de disposer de ressources permanentes. Le trésor
public se matérialise à travers l’existence d’un compte à la banque centrale.
Le budget de l’État comprend quant à lui des recettes et des dépenses qui sont décrites
dans les articles 14 et 15 de la LOB. L’article 14 indique que « les recettes du budget de
l’État sont classées selon les parties suivantes :
- les recettes fiscales
- les recettes non fiscales
- les dons».
L’article 15 précise que « les dépenses du budget de l’État sont classées …selon les
parties suivantes :
- les dépenses de rémunération (salaires)
- les dépenses de gestion (matériels, moyen des services)
- les dépenses d’intervention (Transferts, intervention directe et indirecte de
l’État, contributions aux organismes internationaux, subventions aux EPNA)
- les dépenses d’investissement (programmes de développent direct ministères
et EPA) (La quatrième partie « Dépense d’investissement » comporte les
dépenses des projets et programmes de développement réalisés directement
par l’État ou via des établissements publics soumis au code de la comptabilité
publique ou des conseils régionaux.
- les dépenses d’opérations financières (participation et prêts aux entreprises
publiques
- les charges de financement (intérêt de la dette publique)
- les dépenses imprévues et non réparties : comporte les crédits destinés à
couvrir les besoins imprévues ou dépenses ne pouvant pas être répartis lors
de la préparation du budget».
L’ensemble des ressources et des charges de l’État sont présentés selon les directives
de la LOB.
b. La présentation de la loi de finances
La loi de finances est un document volumineux en nombre de pages, elle occupe près
d’une centaine de page dans le journal officiel.
L’article 45 de la LOB indique que « le projet de loi de finances de l’année et le projet
de loi de finances rectificative comprennent des dispositions ainsi que des
tableaux détaillés… ».

3
Article 17 de la LOB : « les ressources et les charges de trésorerie comprennent les ressources et les
charges découlant de :
- la gestion de la dette publique,
- la gestion des Sukuks,
- la tenue des comptes de dépôts,
- le mouvement des fonds et valeurs similaires,
- la gestion des différentes formes de comptes de dépôts et consignations,
- les prêts et avances du trésor ».

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 comme n’importe quelle loi, la loi de finances se compose


d’une partie rédigée en articles qui se suivent, dont le nombre est variable. L’article 45
de la LOB précise que : « les dispositions du projet de loi de finances sont relatives
à:
▪ l’autorisation de perception des recettes du budget de l’État et la prévision de
leur montant global,
▪ la fixation du plafond des dépenses budgétaires sous réserve des dispositions
relatives aux crédits à caractère évaluatif,
▪ la fixation du plafond des garanties de l’État et du plafond des prêts du trésor,
▪ l’autorisation afférente aux emprunts, à l’émission de Sukuks et obligations
à contracter au profit de l’État,
▪ la fixation de l’effectif global du personnel autorisé pour les ministères, y
compris leurs services centraux et régionaux et des établissements publics
dont les budgets sont rattachés pour ordre au budget de l’État,
▪ la création des comptes spéciaux du trésor et des fonds spéciaux, leur
modification ou leur suppression,
▪ la mobilisation des ressources du budget et la fixation des procédures
financières et fiscales,
▪ l’exécution des dépenses du budget et la fixation des procédures y afférentes
».

L’article 45 de la LOB précise que « les tableaux détaillés du projet de loi de finances
portent sur la répartition :
- des recettes du budget de l’État par partie,
- des crédits d’engagement et des crédits de paiement du budget de l’État par
missions et programmes,
- des ressources et des dépenses des établissements publics dont les budgets
sont rattachés pour ordre au budget de l’État par mission,
- les recettes et les dépenses pour chaque compte spécial du trésor,
- l’effectif global du personnel autorisé des ministères, y compris leurs services
centraux et régionaux et des établissements publics dont les budgets sont
rattachés pour ordre au budget de l’État par mission ».
La loi de finances comprend donc un certain nombre de tableaux désignés par les
premières lettres de l’alphabet :
➢ Le tableau A est relatif à la répartition des recettes de l’Etat telles que autorisées
par l’article 2 de la Loi de finances.
➢ Le tableau B est relatif aux comptes spéciaux du trésor tels que autorisés par
l’article 3 de la loi de finances.
➢ Le tableau C est relatif aux crédits de paiement.
➢ Le tableau D est relatif aux crédits d’engagement.
➢ Le tableau E est relatif aux budgets des établissements publics dont le budget
est rattaché pour ordre au budget de l’Etat.

B. La loi de finances rectificative


Elle est définie par l’article 5 de la LOB de 2019 qui indique que « la loi de finances
rectificative modifie en cours d'année la loi de finances de la même année ».

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Les lois de finances rectificatives sont donc des lois de correction des prévisions
initiales. Elles visent à adapter le contenu de la loi de finances initiale aux changements
opérés par une nouvelle conjoncture politique, économique, sociale ou financière. Elle
agit sur les composantes budgétaires, soit en les majorant, ce qui est généralement le
cas, soit en les diminuant.
La loi de finances rectificative a pour fonction d’informer les parlementaires des
bouleversements financiers intervenus depuis l’adoption de la loi de finances initiale.
Elle permet de ratifier les mesures budgétaires prises et exécutées au moyen de décrets
d’avance, sans recourir au préalable aux autorisations parlementaires.
La loi de finances rectificative a également une fonction politique car elle peut venir
mettre en œuvre un programme politique après un changement de gouvernement ou
de majorité parlementaire.
Le pouvoir exécutif peut ne pas présenter de lois rectificatives, n’en présenter qu’une
ou plusieurs en fonctions des circonstances économiques ou politiques. Cependant s’il
présente une loi de finances rectificative, celle-ci doit être adoptée avant la nouvelle loi
de finances de l’année ainsi que le précise l’article 47 de la LOB selon lequel : «
l’Assemblée des Représentants du Peuple adopte le projet de loi de finances
rectificative dans un délai maximum de 21 jours à partir de la date de sa
transmission par le Chef du Gouvernement, toutefois, son adoption doit intervenir
avant l’adoption de la loi de finances de l’année ».
C. La loi de règlement du budget
Après la fin de l’année budgétaire, le Parlement vote une loi de règlement du budget de
l’État qui constate les résultats d’exécution du budget de l’État pour une année donnée
et qui approuve éventuellement les différences entre les autorisations votées et les
opérations effectivement exécutées.
La loi de règlement du budget de l’État a une définition légale. Elle fait l’objet du titre 6
de la LOB qui lui consacre les articles 65 à 69. Elle est définie par l’article 65 qui indique
que « le projet de loi de règlement du budget de l’État fixe le montant définitif des
recettes recouvrées et des ordonnances de paiement visées au cours d’une même
gestion, annule les crédits sans emploi et autorise le transfert du résultat de
l’année au compte permanent des découverts du trésor après déduction des
sommes restées disponibles sur les ressources affectées… ».
Le projet de loi de règlement du budget permet au parlement d’effectuer un contrôle a
posteriori du budget, mais pour que celui-ci ait une véritable portée, il faut que la loi de
règlement du budget soit préparée rapidement et votée en temps utile.
Après avoir vu les textes fondamentaux, il convient de voir dans une deuxième section
les textes d’application.

Les textes d’application du droit budgétaire

Il s’agit de l’ensemble des textes règlementaires auxquels renvoie la loi organique du


budget soit pour encadrer la procédure budgétaire (§1) soit pour mettre en œuvre
l’autorisation budgétaire (§2).

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§1 Encadrement de la procédure budgétaire

Il s’agit des textes règlementaires liés à la préparation et l’exécution de la loi de


finances. Ainsi, la préparation de la loi de finances est encadrée par un arrêté "‫ "قرار‬du
ministre des finances du 15/03/2019 qui fixe le calendrier de préparation de la loi de
finances.
De la même façon c’est un arrêté du Ministre des Finances du 10/04/2019, fixant la
nomenclature (c’est-à-dire la classification) des dépenses du budget de l’État. Cet
arrêté vient remplacer le décret n°99-529 du 08/03/1999 portant nomenclature des
dépenses de l’État.

§2 Mise en œuvre de l’autorisation budgétaire

Toute exécution budgétaire commence par la mise en place des crédits : cette étape est
l’outil nécessaire de transition entre le vote de crédit et son exécution.
L’exécution du budget dépend donc de la répartition des crédits alloués aux dépenses
de budget de l’état pour chaque partie budgétaire (on a vu qu’il y a 7 parties) par articles,
par paragraphes et par sous-paragraphes conformément à la nomenclature fixée par
l’arrêté précité 4.
C’est par voie règlementaire que s’effectue cette ouverture et cette répartition des
crédits.
L’article 52 de la LOB 2019 indique dans ce sens que : « les crédits votés sont repartis
à l’intérieur de chaque programme entre les dépenses de rémunérations, les
dépenses d'investissement, les dépenses des opérations financières et les autres
dépenses, et ce, par arrêté du ministre chargé des finances. Cet arrêté ne peut
introduire aucune modification sur les crédits adoptés… ».
D’autres actes règlementaires peuvent être pris au cours de l’année budgétaire soit par
décret gouvernemental (transfert de crédits entre missions) ou par arrêté du ministre
des finances (virement entre les programmes d’une même mission).

 La loi de finances est encadrée par des principes budgétaires.

4
Article 2 de l’arrêté du 10 Avril 2019 : « La loi des finances repartit les crédits alloués au budget de l’état
par missions, par programmes, par sous-programmes et par activités ».
Article 3 de l’arrêté du 10 Avril 2019 : « Les crédits alloués aux dépenses de budget de l’état pour chaque
partie budgétaire sont répartis par articles, par paragraphes et par sous-paragraphes conformément aux
articles 4,5,6,7,8,9,10,11 et 12 du présent arrêté ».

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Chapitre Les principes


Second budgétaires
Les principes budgétaires constituent le cadre juridique du budget. Ils visent tous à
garantir la sécurité des deniers publics en facilitant le contrôle du Parlement sur le
budget et à permettre au pouvoir exécutif d’assurer une gestion comptable simple. On
peut regrouper ces principes en principes qui encadrent l’aspect formel du budget
(Section 1) et les principes qui encadrent le contenu du Budget (Section 2) et les
principes qui structurent le budget dans le sens où ils constituent la finalité de
l’ensemble des principes budgétaires (Section 3).

Les principes qui encadrent la forme du budget

Il s’agit de principes qui permettent de préciser la périodicité d’élaboration et


d’autorisation du budget ; principe de l’annualité (§1) et les modalités de présentation
du budget ; principe de la spécialité (§2).

§1 Le principe de l’annualité

A. La signification du principe de l’annualité


Pour des raisons politiques et économiques (1), le principe de l’annualité limite la
validité de l’autorisation budgétaire à une année (2).
1. Les justifications du principe de l’annualité
On retrouve dans la LOB plusieurs références à l’année budgétaire.
L’article 3 évoque « la loi de finances de l’année », l’article 5 précise que « la loi de
finances rectificative modifie en cours d'année la loi de finances de l’année ».
L’article 9 précise que : « l’année budgétaire commence le 1er janvier et se termine
le 31 décembre de la même année ».
Cependant, c’est l’article 4 de la LOB qui détermine la signification du principe de
l’annualité en indiquant que « la loi de finances prévoit pour chaque année,
l’ensemble des ressources et des charges de l’État … Elle les autorise dans le cadre
des plans de développement, du budget économique et dans le cadre du budget à
moyen terme… ».
Le choix d’une année se justifie pour des raisons politiques et économiques :
➢ En effet, politiquement la période d’une année permet un contrôle à la fois régulier
et à une fréquence (rythme) jugée adéquate. Elle est suffisamment courte pour que le
contrôle soit efficace (pertinent) et suffisamment longue pour ne pas accaparer ‫ش َغل‬ َ
le gouvernement et l’administration chargés de produire les comptes et le parlement
chargé de voter le budget.
➢ Economiquement, la période d’une année correspond au rythme d’activité des
secteurs économiques qui établissent un bilan annuel de leurs activités et s’acquittent
des principaux impôts sur les bénéfices et les salaires.

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Au total, la période d’une année constitue une période raisonnable pour faire des
prévisions sérieuses.
2. Les implications ‫ نتائج‬du principe de l’annualité
Le principe de l’annualité implique que le budget est voté chaque année (a) et n’est voté
que pour une année (b). Il doit donc être exécuté en un an qui est la durée de validité de
l’autorisation budgétaire.
a. Le budget est voté chaque année
En Tunisie, l’année budgétaire correspond à l’année civile (du 1er janvier au 31
Décembre). Dans d’autres pays, elle débute le 1er Avril (Grande Bretagne, Japon, Canada)
ou le 1er Octobre (Etats-Unis, Sénégal).
L’article 78 de la Constitution souligne que la promulgation du projet de loi de finances
doit intervenir au plus tard le 10 Décembre. Cependant, la constitution a également
prévu une procédure spéciale dans le cas où le projet de loi de finances n’a pas été
adopté et ce quel qu’en soient les raisons ; dépôt tardif, refus du projet… L’article 78
précise que le projet de loi de finances « … peut être mis en vigueur, en ce qui
concerne les dépenses, par tranches trimestrielles renouvelables, et ce, par
décret. Les recettes sont perçues conformément aux lois en vigueur ».
La LOB de 2019 entérine ‫ أقر – صدّ ق على‬cette disposition en indiquant dans son article
50 que : « si le projet de loi de finances n’est pas adopté dans un délai ne
dépassant pas le 31 décembre, il peut être procédé à son exécution en matière de
dépenses, par tranches de trois mois renouvelables par décret présidentiel. Les
recettes sont recouvrées selon la législation en vigueur. L’Assemblée des
Représentants du Peuple en est informée avant l’adoption du projet de la loi des
finances de l’année ».
b. Le budget n’est voté que pour un an
Cela signifie que le budget est exécuté pour une année. Théoriquement, les crédits
autorisés par la loi de finances doivent donc être dépensés entre le 01/01 et le 31/12 date
à laquelle ils sont annulés. L’article 23 de la LOB indique ainsi que : « … les crédits de
paiement non utilisés à la fin de l’année budgétaire sont annulés… ».
Cependant, étant donné qu’il est difficile de faire coïncider l’année budgétaire avec
l’année civile, le principe de l’annualité a été aménagé en ce qui concerne l’exécution
des dépenses. Cet aménagement a été effectué en matière de rattachement des
dépenses (b1) et en matière de programmation des dépenses (b2).
b1. En matière de rattachement des dépenses
Dans la pratique, il est courant que l’exécution du budget d’une année déborde sur
l’année suivante.
L’exécution de la dépense comprend une phase administrative et une phase comptable.
 La phase administrative consiste à prendre trois actes successifs :
▪ D’abord l’engagement : c’est l’acte par lequel l’Etat devient débiteur (décision d’un
recrutement, signature d’un marché public.) c’est le fait générateur de la dépense
qui doit respecter le principe de l’autorisation budgétaire, la spécialité et la
limitation des crédits. Cet engagement juridique se double d’un engagement
comptable par lequel les crédits nécessaires sont réservés.

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▪ Ensuite la liquidation : il s’agit de constater la dette mise à la charge de l’Etat et


de déterminer son montant. La liquidation diffère selon qu’il s’agit de dépenses de
rémunération (salaire, indemnités) ou de fourniture de biens ou de services qui
doivent être matérialisées par des pièces justificatives.
Les dépenses sont liquidées après constatation du service fait. Mais il peut y avoir
des avances dans le cadre des marchés publics de fourniture.
▪ L’ordonnancement : c’est le document par lequel l’ordonnateur donne l’ordre de
paiement et sur lequel on retrouve le nom du bénéficiaire, le montant à régler et
l’imputation budgétaire (numéro d’ordre). L’ordonnance est appuyée de pièces
justificatives
 La phase comptable : elle relève du comptable. Il s’agit de
▪ Débiter définitivement le compte budgétaire du montant de la dépense.
▪ Régler la dépense au profit du créancier et libérer l’administration de sa dette.
Selon le principe de l’annualité, l’ensemble de ces opérations doit intervenir entre le 1er
janvier et le 31 Décembre.
Cependant, pour simplifier l’exécution des dépenses qui sont à cheval sur deux années
(une dépense engagée en 2019 mais qui ne sera payée qu’en 2020), le législateur a
établi un système de rattachement des dépenses appelé le système de la gestion. Ce
système repose sur le rattachement des dépenses exécutées l’année budgétaire n+1 à
l’année budgétaire de leur engagement à savoir l’année n.
Pour clôturer rapidement les comptes, le législateur a posé des conditions à cette règle
: selon l’article 61 de la LOB, l’engagement doit intervenir au plus tard le 31 Décembre,
l’ordonnance au plus tard le 10 janvier et le paiement autorisé jusqu’au 20 Janvier. «
Les ordonnances de paiement se rapportant à une gestion peuvent être visées au
cours d’une période complémentaire allant jusqu'au 20 janvier de l'année
suivante, ces dépenses sont comptabilisées au titre de cette même gestion ».
Cette période complémentaire n’est pas une exception au principe de l’annualité. Elle
en constitue une modalité d’application.
b2. En matière de programmation des dépenses
La programmation pluriannuelle des dépenses consacrée par l’article 4 de la LOB selon
lequel l’autorisation des recettes et des dépenses s’inscrit « dans le cadre des plans
de développement, du budget économique et dans le cadre du budget à moyen
terme… » ne contredit pas la règle de l’exécution annuelle des dépenses mais permet
de maintenir une certaine discipline budgétaire afin de maitriser l’endettement public.
Dans ce sens, l’article 39 de la LOB indique que : « les prévisions des ressources et
des charges de l’Etat se font sur la base des équilibres généraux et dans le cadre
des plans de développement, du budget économique et d’un cadre budgétaire à
moyen terme fixé pour trois ans et actualisé chaque année. La loi de finances de
l'année autorise la perception des ressources et fixe les charges pour la première
année uniquement ».
B. Les exceptions au principe de l’annualité
1. Les exceptions à la règle de l’autorisation annuelle
En principe, la loi de finances de l’année autorise les recettes et les dépenses pour une
année.

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Cependant, il peut y avoir des modifications au cours de cette année à travers la loi de
finances rectificative. Celle-ci est considérée comme une autorisation infra-annuelle et
donc contredisant le principe de l’annualité.
2. Les exceptions à la règle de l’exécution annuelle : les reports des crédits
Les exceptions à la règle de l’exécution annuelle du budget sont admises pour les
opérations qui, par nature, ne peuvent être exécutées dans le cadre d’une année (a) et
pour contourner la rigidité du cadre annuel qui peut conduire à des gaspillages
contraires à l’idée de bonne gestion (exemple : surconsommation des crédits en fin
d’année) (b).
a. Le report des crédits d’investissement
Les opérations d’investissement sont de longue durée et ne peuvent pas être exécutées
dans le cadre d’une année. Cependant elles doivent être contrôlées par le Parlement. Les
opérations d’investissement ont donc été dissociées en deux types de crédits : les
crédits d’engagement et les crédits de paiement.
Les crédits d’engagement permettent d’engager l’administration pour plusieurs
années.
Les crédits de paiement sont ouverts annuellement pour payer les sommes dues par
l’Etat.
L’article 22 de la LOB indique, dans ce sens, que : « les crédits d’engagement sont les
crédits mis à la disposition de l’ordonnateur pour engager les dépenses prévues
par la loi de finances. Les crédits de paiement servent à émettre les ordonnances
de paiement des montants mis à la charge de l'Etat et ce, dans la limite des
crédits d’engagement correspondants ».
L’article 23 de la LOB précise que : « les crédits d’engagement relatifs aux dépenses
d’investissements et aux dépenses des opérations financières sont reportables
sans limitation de durée ».
b. Le report des crédits de gestion
Même lorsqu’une opération peut être exécutée dans le cadre d’une année, le législateur
peut autoriser son exécution au-delà d’une année pour des raisons de bonne gestion.
Le report des crédits de gestion peut être automatique ou exceptionnel :
 Le report de crédit automatique
Il est prévu par le législateur et ne suppose pas de conditions particulières.
C’est le cas des comptes spéciaux pour lesquels l’article 32 de la LOB précise que « les
excédents des comptes spéciaux sont reportables d’une année à une autre… ».
C’est le cas également pour les établissements publics pour lesquels l’article 37 de la
LOB précise que : « … les excédents de recettes constatés à la fin de l’année sont
reportés au budget de l’établissement pour l’année suivante… ».
 Le report de crédit exceptionnel
Il concerne les opérations de dépense de gestion du budget de l’Etat pour lesquels
l’article 23 de la LOB indique que « à titre exceptionnel, il peut être procédé au report
d’une partie des reliquats des crédits de paiement relatifs aux dépenses de
gestion non consommés à la date du 31 décembre de l’année budgétaire
concernée, et ce, par arrêté du Ministre chargé des Finances… ».

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L’article 23 de la LOB prévoit donc la possibilité de ne pas annuler les crédits autorisés
à la date du 31 Décembre mais de les reporter à l’année suivante.
Il faut signaler le cas de figure des missions spéciales et notamment de l’Assemblée
des représentants du Peuple qui peut décider que ses crédits sont reportables étant
donné que selon l’article 43 de la LOB c’est le président de l’ARP qui fixe par arrêté les
procédures de gestion de son budget.

§2 Le principe de la spécialité

A. La signification du principe de la spécialité


1. Fondement
Le principe de la spécialité signifie que l’autorisation budgétaire doit porter sur le détail
des opérations prévues et ne doit pas consister en un chèque en blanc donné au pouvoir
exécutif. Cette autorisation est spécialisée c’est à dire qu’elle est accordée soit à une
administration soit à une mission, pour un objet ou un objectif déterminé et pour un
montant limité.
Le principe de la spécialité concerne essentiellement les dépenses car il s’articule
autour de la notion de crédit. La finalité de ce principe est de permettre un contrôle des
dépenses par le Parlement plus approfondi et de limiter ainsi la marge de manœuvre
du Gouvernement dans l'exécution du budget. En effet, cette répartition des crédits ne
peut pas être modifiée sans le consentement du Parlement.
Dans ce cadre, l’article 18 de la LOB prévoit que « la loi de finances répartit les crédits
alloués aux dépenses de budget de l’Etat par missions et par programmes. La
mission est un ensemble de programmes concourant à la réalisation des
politiques publiques définies. Elle regroupe l’ensemble des crédits mis à la
disposition de chaque chef de mission. Le programme traduit une politique
publique déterminée relevant d’une même mission et regroupe un ensemble
homogène de sous-programmes et d’activités contribuant directement à la
réalisation des objectifs de la politique publique du programme ».
L’article 22 de la LOB vient souligner que « la loi de finances répartit les crédits
d’engagement et les crédits de paiement des dépenses du budget de l’Etat par
missions et programmes… »
Par exemple, le budget de l’Etat est divisé en 34 missions tel que les missions de
l’éducation , de l’intérieur, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique,
de la présidence de la république, du tourisme, du domaine de l’Etat et des affaires
foncières, mission de la femme, famille et personnes âgées, des affaires sociales,
mission des finances, mission de développement et de la coopération internationale,
mission de la présidence du gouvernement, mission des affaires locales et de
l’environnement, etc.
Chaque mission correspond à un ministère.
Les missions comprennent un certain nombre de programmes à l’intérieur desquels
sont répartis les différentes dépenses de l’Etat.
L’article 15 de la LOB souligne que « les dépenses du budget de l'Etat sont classées
par missions et programmes.

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Les dépenses de chaque programme sont classées selon les parties suivantes :
- Les dépenses de rémunération,
- Les dépenses de gestion,
- Les dépenses d’interventions,
- Les dépenses d’investissement,
- Les dépenses des opérations financières,
- Les charges de financement,
- Les dépenses imprévues et non réparties ».
Au moment de l’exécution du budget, ces dépenses sont réparties de manière encore
plus détaillée sur la base de la nomenclature budgétaire déterminée par l’arrêté du 10
Avril 2019 fixant la nomenclature des dépenses du budget de l’Etat. Celui-ci indique
dans son article 3 que « les crédits alloués aux dépenses de budget de l'Etat pour
chaque partie budgétaire sont répartis par articles, par paragraphes et par sous
paragraphes conformément aux articles 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 du présent arrêté
».
En ce qui concerne les recettes, le principe de la spécialité signifie seulement que les
recettes sont classées par catégories de manière à ce que les parlementaires soient
informés de l’origine de recettes de l’Etat.
L’article 14 de la LOB prévoit, en effet, que « les recettes du budget de l'Etat sont
classées selon les parties suivantes :

- Les recettes fiscales


- Les recettes non fiscales
- Les dons ».
La répartition plus détaillée de ces recettes est effectuée sur la base de l’arrêté du
ministre des finances du 1er Octobre 2019 portant nomenclature des recettes de l’Etat 5.

5
JORT n° 79 du 1er octobre 2019, p 3334
.‫ يتعلق بضبط تبويب مداخيل ميزانية الدولة‬2019 ‫ أكتوبر‬1 ‫قرار من وزير المالية مؤرخ في‬
،‫ بعد االطالع على الدستور‬،‫إن وزير المالية‬
‫ المتعلق بالقانون األساسي للميزانية وخاصة‬2019 ‫ فيفري‬13 ‫ المؤرخ في‬2019 ‫ لسنة‬15 ‫وعلى القانون األساسي عدد‬
،‫ منه‬16‫ و‬14 ‫الفصلين‬
،‫ المتعلق بتسمية رئيس الحكومة وأعضائها‬2016 ‫ أوت‬27 ‫ المؤرخ في‬2016 ‫ لسنة‬107 ‫وعلى األمر الرئاسي عدد‬
.‫ المتعلق بتسمية أعضاء بالحكومة‬2017 ‫ سبتمبر‬12 ‫ المؤرخ في‬2017 ‫ لسنة‬124 ‫وعلى األمر الرئاسي عدد‬
:‫قرر ما يلي‬
:‫ تشتمل مداخيل ميزانية الدولة على األقسام التالية‬- ‫الفصل األول‬
،‫ المداخيل الجبائية‬:‫• القسم األول‬
،‫ المداخيل غير الجبائية‬:‫• القسم الثاني‬
.‫ الهبات‬:‫• القسم الثالث‬
:‫ تبوب المداخيل الجبائية حسب األصناف التالية‬- 2 ‫الفصل‬
،‫ األداءات على الدخل واألرباح والمكاسب الرأسمالية‬:‫• الصنف األول‬
،‫ األداءات على النقل‬:‫• الصنف الثاني‬
،‫ األداءات على السلع والخدمات‬:‫• الصنف الثالث‬
،‫ األداءات على التجارة الخارجية والمعامالت الدولية‬:‫• الصنف الرابع‬
.‫ أداءات ومعاليم أخرى‬:‫• الصنف الخامس‬
:‫ تبوب المداخيل غير الجبائية حسب األصناف التالية‬- 3 ‫الفصل‬
،‫ دخل الملكية‬:‫• الصنف السادس‬

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Le principe de la spécialité a certaines implications (conséquences).


2. Les implications du principe de la spécialité
Ce principe joue à deux niveaux :
 Au niveau du vote de la loi de finances,
 Au niveau de l’exécution du budget.
Autrement dit, le principe de la spécialité implique un vote spécialisé des crédits de la
loi de finances et une exécution spécialisée de ces derniers.
a. Le vote spécialisé de la loi de finances
La spécialisation de la présentation budgétaire des ressources et des dépenses de l’Etat
permet la spécialisation du vote de la loi de finances qui a pour fondement de ne pas
mettre l’organe législatif en situation d’accepter ou de refuser en bloc le budget de l’Etat
mais bien de se prononcer sur les différentes subdivisions.
Selon l’article 48 de la LOB, « la loi de finances est votée dans les mêmes conditions
que les lois ordinaires, sous réserve des dispositions suivantes :
- Les prévisions des dépenses du budget de l’Etat font l’objet d’un vote par
mission et mission spéciale,
- Les autorisations de recettes du budget de l’Etat font l’objet d’un vote par
partie,
- Les recettes et les dépenses de chaque compte spécial du trésor font l’objet
d’un vote global,
- L’ensemble des recettes des fonds de concours font l’objet d’un vote global,
- L’effectif global du personnel autorisé pour les ministères, y compris leurs
services centraux et régionaux et des établissements publics dont les budgets
sont rattachés pour ordre au budget de l’Etat fait l’objet d’un vote global,
- L’ensemble des dispositions de la loi de finances fait l’objet d’un vote global et
final ».
Le vote spécialisé du budget par le Parlement permet de lier le gouvernement en termes
d’exécution.
b. Exécution spécialisée des crédits budgétaires
Le principe de la spécialité implique également que les crédits soient ouverts de
manière relativement détaillée suivant les subdivisions prévues par la nomenclature
budgétaire liant le bénéficiaire du crédit au contenu de l’autorisation qui lui a été
donnée. Ainsi, l’exécution du budget doit se faire conformément à l’autorisation
budgétaire.

،‫ مبيعات سلع وخدمات‬:‫• الصنف السابع‬


،‫ خطايا وعقوبات ومصادرات‬:‫• الصنف الثامن‬
.‫ مداخيل غير جبائية أخرى‬:‫• الصنف التاسع‬
:‫ تبوب الهبات حسب األصناف التالية‬- 4 ‫الفصل‬
،‫ هبات ميزانية الدولة‬:‫• الصنف العاشر‬
.‫ هبات موظفة‬:‫• الصنف الحادي عشر‬
.‫ تبوب المداخيل لكل صنف إلى أصناف فرعية وتفصل األصناف الفرعية إلى بنود‬- 5 ‫الفصل‬
.2020 ‫ يدخل تبويب موارد ميزانية الدولة المنصوص عليه بهذا القرار حيز النفاذ ابتداء من أول جانفي‬- 6 ‫الفصل‬
.‫ ينشر هذا القرار بالرائد الرسمي للجمهورية التونسية‬- 7 ‫الفصل‬

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Dans ce sens, l’article 52 de la LOB prévoit que « les crédits votés sont repartis à
l’intérieur de chaque programme entre les dépenses de rémunération, les
dépenses d'investissement, les dépenses des opérations financières et les autres
dépenses, et ce, par arrêté du ministre chargé des finances. Cet arrêté ne peut
introduire aucune modification sur les crédits adoptés.
Les crédits sont répartis par partie à l'intérieur de chaque programme par arrêté
du chef de la mission après avis du chef de programme. Les crédits sont répartis
à l’intérieur des parties par arrêté du chef de programme ».
La spécialisation des crédits permet la mise en œuvre du contrôle budgétaire qui
s’appuie sur la répartition détaillée des dépenses.
B. Les aménagements du principe de la spécialité
On considère qu’il y a dérogation à la règle de la spécialité lorsqu’il y a dans le budget
des crédits autorisés de manière globale (1) et lorsqu’après le vote de la loi de finances,
il y a changement d’affectation des crédits ouverts (2).
1. Les crédits autorisés de manière globale
a. Les crédits des missions spéciales
Les missions spéciales sont des missions qui, selon l’article 19 de la LOB, « … ne sont
pas soumises aux dispositions des 2ème, 3ème et 4ème paragraphes de l’article 18 de
la présente loi ».
Il faut rappeler que l’article 18 de la LOB définit les missions en général en indiquant
que « la mission est un ensemble de programmes concourant à la réalisation des
politiques publiques définies. Elle regroupe l’ensemble des crédits mis à la
disposition de chaque chef de mission.
Le programme traduit une politique publique déterminée relevant d’une même
mission et regroupe un ensemble homogène de sous programmes et d’activités
contribuant directement à la réalisation des objectifs de la politique publique
dudit programme… ».
À l’inverse des missions classiques, les missions spéciales ne poursuivent pas des
objectifs déterminés et peuvent comprendre un seul programme. En effet la LOB du 13
février 2019 indique que les missions spéciales « comprennent un ou plusieurs
programmes spécifiques » 6, dont la particularité est que, contrairement aux
programmes « ordinaires », leurs programmes ne concourent pas « à la réalisation des
politiques publiques définies » et ne donnent donc pas lieu à la définition d’objectifs.
Les missions spéciales dérogent donc au régime des missions défini par l’article 18 de
la LOB 7 et, par là même, au principe de la spécialité des crédits. En effet, le législateur
ne précise pas la nature des crédits qui leur sont alloués et par quels moyens ils sont
répartis. Les missions spéciales sont donc soumises à un régime dérogatoire qui se
conçoit généralement soit en faveur des crédits globaux dont il n’est pas possible de
prévoir à l’avance la destination, soit en faveur des pouvoirs publics constitutionnels
et se justifie, pour ces derniers, par la nécessité de sauvegarder un principe

6
Article 19 de la LOB du 13 février 2019.
7
Article 19 de la LOB du 13 février 2019 : « les missions spéciales ne sont pas soumises aux
dispositions des 2ème, 3ème et 4ème paragraphes de l’article 18 de la présente loi ».

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d’autonomie financière leur permettant de déterminer eux-mêmes les crédits


nécessaires à leur fonctionnement afin de garantir la séparation des pouvoirs.
b. Les dépenses imprévues et non réparties
Les dépenses imprévues et non réparties constituent une réserve globale de crédits non
affectés et libre d’emploi pour faire face aux nécessités qui se révèlent au cours de
l’année et qui étaient imprévisibles au moment de la préparation du projet de la loi de
finances.
L’article 24 de la LOB indique en effet que « les crédits afférents aux dépenses
imprévues et non réparties sont utilisés pour faire face aux dépenses imprévues
et aux dépenses qui ne peuvent être réparties au moment du vote… ».
Cependant, la réserve de crédits ne doit pas être trop importante car elle pourrait être
interprétée comme étant révélatrice d’un échec du processus de budgétisation qui
trouverait là un moyen de corriger tous les défauts de la prévision budgétaire. Dans ce
sens, la LOB du 13 février 2019 procède à une limitation du montant des crédits afférents
aux dépenses imprévues et non réparties qui ne doit pas dépasser 3% du montant total
des prévisions de dépenses budgétaires.
2. Le changement d’affectation des crédits ouverts
La répartition initiale des crédits peut être modifiée par voie de transfert de crédits (a)
ou de virement de crédits (b).
a. Les transferts de crédits
Les transferts de crédits permettent de transférer les crédits d’une mission x vers une
mission y. Ils peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes de missions
différentes sans changer l’objet de la dépense. Dans ce sens, l’article 53 de la LOB du 13
février 2019 précise qu’ « aucun transfert ne peut être opéré entre des programmes
ne relevant pas du même chef de mission sauf s’il est dû à une réforme
gouvernementale ou administrative… ». Il s’agit donc d’une simple adaptation des
autorisations budgétaires aux remaniements ministériels qui ne remet pas en cause la
nature de la dépense.
b. Les virements de crédits
Les virements de crédits s’effectuent entre des programmes relevant du même chef
d’administration, ils modifient en cours d’année la nature de la dépense
(fonctionnement, investissement, interventions etc.).
L’article 54 de la LOB en précise les modalités. Il indique que « le virement de crédits
entre des programmes relevant du même chef de mission ne peut être opéré que
dans la limite de 2 % de l’ensemble des crédits alloués à chaque programme.
Le virement des crédits entre les programmes intervient par arrêté du ministre
chargé des finances ».
Il faut savoir que dans le cadre de la réforme budgétaire et la gestion budgétaire par
objectifs, le principe de la spécialité est assoupli dans le sens où il est admis de
modifier la répartition des crédits au cours de l’année si cela est nécessaire à une bonne
gestion. Dans ce cadre la fongibilité ‫ التبادليّة‬des crédits constitue une exception à la
spécialité des crédits puisqu’il s’agit de pouvoir utiliser indifféremment les crédits
relevant de plusieurs lignes budgétaires.

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Les principes qui encadrent le contenu du Budget

Le budget doit contenir toutes les recettes et les dépenses de l’Etat dans un seul
document : c’est le principe de l’unité du budget (§ 1), et ces recettes et ces dépenses
doivent figurer dans le budget de manière intégrale et sans affectation d’une recette en
particulier à une dépense déterminée : c’est le principe de l’universalité (§ 2).

§1 Le principe de l’unité

L’unité budgétaire reflète le caractère unitaire de l’Etat et fait référence au principe de


l’unité de l’Etat qui se manifeste sur le plan comptable par l’unité de caisse ou l’unité
de la trésorerie publique et sur le plan budgétaire par l’exigence d’un seul budget. Dans
ce cadre, l’article 4 de la LOB du 13 Février 2019 précise que « la loi de finances prévoit
pour chaque année, l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat… ». L’article
10 de la LOB ajoute que « la loi de finances se limite aux seules dispositions
relatives aux ressources et aux charges de l’Etat ».
Le principe de l’unité signifie, en effet, que l’ensemble des recettes et des dépenses
budgétaires doivent être présentées dans un seul document (la loi de finances) afin
que le contrôle du parlement puisse porter sur un Tout. Faute de quoi, il serait inefficace
car fragmentaire ‫مجزأ‬.
ّ Le principe de l’unité comprend donc deux règles : la règle de la
totalité et la règle du document unique.
A. La règle de la totalité
Selon cette règle, le budget doit contenir la totalité des dépenses et la totalité des
recettes que le gouvernement prévoit de réaliser au cours d'une année. Ceci veut dire
que le gouvernement ne peut ni recouvrer une recette, ni engager une dépense, si elles
ne figurent pas dans le document budgétaire. C'est d'ailleurs pourquoi on trouve
normalement dans le budget toutes les recettes et toutes les dépenses, même les plus
minimes. Si le document budgétaire doit contenir en principe toutes les opérations de
tous les services de l’Etat, il ne doit contenir que ça.
En effet, la règle de l'unité implique que la loi contenant le budget de l'Etat, à savoir la
loi de finances, ne contienne pas des dispositions autres que celles relatives au
domaine financier. C’est l’objet des articles 10 et 45 de la LOB de 2019. Ce dernier détaille
la présentation de la LF à travers les dispositions et les tableaux. Cela implique
l’interdiction des "cavaliers budgétaires" qui sont par définition des dispositions
étrangères par leur nature aux dispositions de la loi de finances. L’instance provisoire
de contrôle de la constitutionnalité des lois a ainsi censuré des dispositions
considérées comme des cavaliers budgétaires dans sa décision n°98/2014 du 22
Décembre 2014. Elle a considéré que les articles 11, 12 et 13 du projet de la loi de finances
pour l’année 2015 sont des cavaliers budgétaires.
B. La règle du document unique
La règle du document unique signifie que toutes les recettes et toutes les dépenses de
l’Etat doivent figurer dans un seul document à savoir le document comptable tel
qu’autorisé par la loi de finances.

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Le professeur Gaston Jèze avait ainsi expliqué que, « le budget doit être présenté de
telle façon qu'il suffise de faire deux additions pour obtenir le total des recettes et des
dépenses, et une soustraction pour savoir si le budget est en équilibre, en excédent ou
en déficit » 8. L’idée du document unique se retrouve dans l'article 78 de la constitution
et dans différents articles de la loi organique du budget qui évoquent le budget de l'Etat
au singulier. Idéalement donc, en vertu du principe de l’unité, le Parlement peut avoir
une vue d'ensemble immédiate de la situation financière globale de l'Etat. Cependant,
l’évolution du rôle de l’Etat et le démembrement financier de la puissance publique en
plusieurs entités autonomes a conduit à multiplier les exceptions au principe de l’unité
ce qui a compliqué l’appréciation globale de la politique budgétaire.
Par ailleurs, le budget central de l’Etat doit quant à lui respecter la plus grande unité et
ne pas être dispersé entre de trop nombreux comptes. C’est cette évolution que l’on a
constaté en Tunisie depuis la réforme de la LOB de 1967 en 1996 et qui est confirmée par
la LOB de 2019. En effet, l’article 1er de la loi organique du 8 décembre 1967 indique que
« la loi de finances prévoit et autorise, pour chaque année, l’ensemble des charges
et des ressources de l’Etat… », cependant la diversité des tâches accomplies par l’Etat
interventionniste a conduit à une structure éclatée du budget entre cinq comptes
différents. Il s’agit des opérations financières du budget (général) de l’Etat, des budgets
annexes, des budgets des établissements publics à caractère administratif rattachés
pour ordre au budget général de l’Etat, des fonds spéciaux du trésor et des opérations
en capital sur emprunts extérieurs affectés. La réforme de la loi organique n°67-53 du 8
décembre 1967 portant LOB par la loi organique n°96-103 du 25 novembre 1996 a procédé
à l’unification du budget de l’Etat. Ainsi, à partir de 1996 la structure du budget de l’Etat
a une forme tripartite comprenant le budget général, les budgets annexes et les
budgets rattachés pour ordre au budget de l’Etat.
La LOB du 13 Février 2019 pousse plus loin l’effort de consolidation. Les ressources et les
charges de l’État sont retracées dans des comptes différents, à savoir les comptes du
budget de l’État, auxquels sont rattachés les budgets des établissements publics 9 et
les comptes spéciaux 10 qui présentent un caractère particulier. En procédant à
l’unification du budget, le législateur permet aux parlementaires de mieux saisir les
équilibres d’ensemble. La règle de l'unité budgétaire évite des économies apparentes
par simple jeu d'écritures et transfert de dépenses du budget de l'Etat au budget d'une
ou de plusieurs autres personnes juridiques par le biais d'opérations de
débudgétisation, et donne ainsi plus de clarté et de sincérité aux documents
budgétaires. La règle de l'unité budgétaire tend par conséquent à combattre les
équilibres artificiels réalisés par la technique de la débudgétisation.

§2 Le principe de l’universalité

A. Signification du principe
Le principe de l’universalité est consacré par l’article 11 de la LOB selon lequel « les
ressources et les charges de l'Etat sont prises en compte dans le budget pour leur

8
Cours de Finances Publiques, 1927.
9
Articles 34 et suivants de la LOB du 13 février 2019.
10
Article 29 de la LOB du 13 février 2019.

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montant intégral et brut sans compensation entre elles. L’ensemble des


ressources de l'Etat est utilisé pour couvrir l’ensemble de ses charges… ».
Ce principe comprend deux règles :
➢ La règle de la non-compensation,
➢ La règle de la non-affectation.

1. La règle de la non-compensation
La règle de la non-compensation entre les ressources et les charges de l’Etat prévue par
l’article 11 de la LOB précité est aussi une règle comptable qui est prévue par le code de
la comptabilité publique. Celui-ci indique dans son article 39 qu’ « aucune
compensation ne peut être faite entre les créances et les dettes publiques, sauf
dérogation par décret », cette règle vise à interdire toute contraction entre les recettes
et les dépenses qui serait de nature à empêcher le Parlement de prendre connaissance
de l’intégralité des opérations financières.
Concrètement, il est interdit de soustraire certaines dépenses de certaines recettes qui
conduirait à ne présenter qu’un solde dans le budget car un solde ne permet pas de
connaitre le montant et la nature de l’opération. Ainsi, par exemple il est interdit de
retrancher les frais de recouvrement du montant des impôts perçus. Il faut faire figurer
d’une part toutes les recettes publiques et chacune d’entre elles, et d’autre part, faire
figurer la totalité des dépenses. De cette manière, aucune dissimulation de recettes ou
de dépenses n'est possible, les opérations budgétaires sont donc présentées en toute
sincérité.
L’article 11 de la LOB indique toutefois que des compensations peuvent être effectuées
par décret. Ainsi par exemple un décret du 25 Janvier 2023 est venu autoriser une
opération de compensation entre les créances dues à l’Etat par l’office des céréales et
les créances dues à l’office des céréales par l’Etat 11.
2. La règle de la non-affectation
Elle est consacrée par L'article 11 de la LOB qui dispose que « … l’ensemble des
ressources de l'Etat est utilisé pour couvrir l’ensemble de ses charges… ». Cela
signifie qu’aucune recette déterminée ne peut être affectée à une dépense particulière.
Toutes les recettes, fiscales ou non fiscales doivent être inscrites sur un seul compte
afin de financer toutes les dépenses sans aucune distinction.
A contrario, les recettes perçues par un service administratif ne servent pas, selon la
règle de non-affectation, à la couverture des dépenses de ce même service, mais sont
versées dans la caisse unique de l'Etat.
Cette règle se justifie par des impératifs de solidarité car elle permet de financer tous
les services de l’Etat selon leurs besoins et s’explique aussi pour des raisons
financières puisqu’une recette affectée peut dépasser les besoins du bénéficiaire et
conduire à des gaspillages.
Cependant, cette règle a pour inconvénient de décourager les administrateurs à prendre
des initiatives pour augmenter le rendement de leurs services car ils savent que leur

11
Le décret du 25 Janvier 2023 indique dans son article premier qu’ « il est autorisé à effectuer une
opération de compensation entre les créances dues à l’Etat par l’Office des Céréales et les créances dues
à l’Office des Céréales par l’Etat, à concurrence de six cent quatre-vingt-dix millions et neuf cent trente
mille et soixante-deux dinars et cinq cent millimes (690 930 062,500 DT) ».

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service ne profitera pas directement de ces produits. C’est pour ces raisons que de
nombreuses dérogations sont admises par la LOB.
B. Les exceptions au principe de l’universalité
Il s’agit surtout des exceptions à la règle de la non-affectation des recettes aux
dépenses. Ainsi l’article 11 de la LOB du 13 Février 2019 dispose que « … cependant, il
peut être procédé à l’affectation :
- de recettes pour couvrir certaines dépenses au moyen de comptes spéciaux et
de fonds spéciaux ainsi qu’à travers les établissements publics dont le budget
est rattaché pour ordre au budget de l'Etat.
- des ressources des Sukuks et des emprunts extérieurs pour financer des
dépenses d’investissement et exceptionnellement, une partie limitée des
dépenses d’interventions et des opérations financières.
- des revenus provenant de l’exploitation des ressources naturelles pour la
promotion du développement régional à l’échelle nationale tout en respectant
le principe de la discrimination positive dans leur répartition ».

1. Les comptes spéciaux, les fonds spéciaux et les établissements publics dont le budget
est rattaché pour ordre au budget de l’Etat
Ces comptes permettent - au sein du budget de l’Etat - d’individualiser des ressources
particulières au profit d’opérations spécifiques.
a. Les comptes spéciaux
Ils sont définis par l’article 29 de la LOB du 13 Février 2019 selon lequel « les comptes
spéciaux sont créés en vue d'affecter des recettes pour couvrir des dépenses
déterminées ayant une relation avec l’origine de ces recettes et ce dans le but de
contribuer au financement des programmes prévus par la loi de finances. Il ne
peut être affecté de crédits budgétaires à ces comptes.
Les comptes spéciaux comprennent les comptes spéciaux du trésor et les comptes
de concours ».
 Les comptes spéciaux sont définis par la LOB comme étant des comptes profitant
de « recettes affectées au financement d’opérations déterminées de certains services
publics ». Ces recettes peuvent être de différentes natures (fiscales, dons, taxes, etc.)
et sont précisées par les dispositions de la loi de finances qui ont créé le compte spécial.
Exemple :
▪ L’article 13 de la Loi de finances pour l’année 2021 a créé un fonds d’appui à la
décentralisation, de péréquation ‫تسوية‬, de régularisation et de solidarité entre les
collectivités locales destiné à financer les budgets des collectivités locales.
▪ L’article 10 de la loi de finances pour l’année 2017 a créé un fonds de soutien de la
santé publique.
▪ L’article 10 de la loi de finances pour l’année 2019 a supprimé le fonds spécial du
trésor intitulé "fonds de développement des autoroutes" institué par la loi n°98-111
du 28 décembre 1998, portant loi de finances pour l'année 1999. Le solde de ses
ressources est transféré au budget de l'Etat.
 Les comptes de concours sont définis par la LOB dans son article 31 comme étant «
les sommes payées par les personnes physiques et les entités morales au titre
d'une contribution volontaire au financement de certaines opérations d’intérêt

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public ». Ces comptes sont financés par des dons car la LOB précise qu’il ne peut être
affecté de recettes fiscales aux comptes de concours.
Exemple : le compte de concours 18/18 pour lutter contre le Covid 19.
Les comptes spéciaux du trésor sont créés et supprimés par la loi de finances alors que
les comptes de concours sont créés et supprimés par arrêté du Ministre chargé des
finances. Les comptes spéciaux constituent également une exception au principe de
l’annualité car leurs excédents de recettes sont reportables. Pour éviter les gaspillages
et garantir un contrôle plus efficace de ces fonds, le législateur a souligné dans l’article
32 de la LOB que « les comptes spéciaux qui n'ont pas réalisé de dépenses durant
trois années consécutives sont obligatoirement supprimés… ».
b. Les fonds spéciaux
Selon l’article 33 de la LOB, les fonds spéciaux sont créés par la loi de finances pour
financer des interventions dans des secteurs déterminés. Contrairement aux comptes
spéciaux du trésor qui sont gérés par l’administration, les fonds spéciaux sont gérés
par des établissements ou des institutions spécialisées dans le cadre de conventions
signées avec le ministre chargé des finances fixant un certain nombre d’objectifs à
atteindre. Ces fonds peuvent bénéficier de ressources de différentes natures comme
des crédits budgétaires ainsi que d’autres recettes ou encore des prêts.
c) Les établissements publics dont le budget est rattaché pour ordre au budget de l’Etat
Ils sont définis par l’article 34 de la LOB comme étant « dotés de la personnalité
morale et de l’autonomie financière » et contribuant « à la réalisation des objectifs
d'un ou de plusieurs programmes ». Les établissements publics dont le budget est
rattaché pour ordre au budget de l’Etat constituent des exceptions à la règle de la non-
affectation car leurs ressources sont destinées à financer l’objet de leur intervention
selon le principe de la spécialité administrative. Il faut rappeler que ces établissements
ont une nature administrative et qu’ils n’ont pas la capacité de mobiliser des recettes.
Leurs dépenses sont supportées essentiellement par le budget de l’Etat.
2. Les ressources des Sukuks et des emprunts extérieurs pour financer des dépenses
d’investissement et exceptionnellement, une partie limitée des dépenses d’interventions
et des opérations financières
La LOB ne donne pas de définition de cette seconde catégorie d’exception qui existait
déjà dans la LOB du 08/12/1967. Il s’agit de l’ensemble des projets de développement et
d’investissement financés par les fonds de la coopération internationale à travers des
banques de financement classiques ou islamiques. Ces fonds sont affectés
directement à un projet précis et ne sont pas versés dans la caisse unique de l’Etat afin
de permettre aux bailleurs de fonds de mieux en contrôler l’utilisation.
3. Les revenus provenant de l’exploitation des ressources naturelles pour la promotion
du développement régional à l’échelle nationale tout en respectant le principe de la
discrimination positive dans leur répartition
Cette exception n’a pas été définie par le législateur mais elle fait référence au
financement de la décentralisation tel que consacré par la constitution du 27 Janvier
2014 et le code des collectivités locales qui prévoit dans son article 38 que « pour
mettre en œuvre la solidarité entre les différentes zones du territoire national,
l’Etat s’engage à aider les collectivités locales à atteindre l’équilibre financier et
à jouir de l’autonomie administrative et financière effective moyennant des

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investissements et des transferts de crédits de péréquation spécifiques accordés


par le fonds d’appui à la décentralisation, de péréquation et de solidarité entre
les collectivités locales financé par le budget de l’Etat ».

Les principes qui structurent le budget

Le principe de l’équilibre constitue la finalité de l’ensemble des principes budgétaires


(§1) et il est garanti par le principe de la sincérité (§2). Ces principes ont été consacrés
juridiquement alors qu’auparavant ils étaient des règles plutôt implicites et non
écrites.

§1 Le principe de l’équilibre

A. Définition du principe de l’équilibre


Selon une définition simpliste, le principe de l’équilibre budgétaire exige qu’il y ait une
stricte égalité entre les ressources et les charges publiques. Cette règle de l’équilibre
emporte l’obligation pour le budget de l’État de ne proposer et de n’adopter que des
budgets de fonctionnement à l’équilibre ou en excédent et de ne permettre le recours à
l’emprunt que pour le financement des investissements. Cette obligation existe pour
les collectivités locales qui sont soumises au strict respect de l’équilibre budgétaire à
l’occasion du vote et de l’exécution de leurs budgets et peuvent être sanctionnées le
cas échant.
Selon la définition classique du budget de l’Etat « il y a des dépenses, il faut les couvrir.
» 12 De cette nécessité découle la correspondance entre les recettes et les dépenses dont
l’équilibre strict s’est transformé au gré de ‫ حسب‬l’évolution du rôle de l’Etat en un
équilibre relatif dans le sens où l’écart entre les recettes propres et les dépenses
définitives c'est-à-dire le déficit peut être comblé par le recours à des ressources
d’emprunt étant admis que le déséquilibre budgétaire qui en résulte est toléré s’il
contribue à la réalisation d’un équilibre économique et social plus global.
Donc en ce qui concerne les Etats, le principe de l’équilibre est relatif et il est tout à fait
acceptable pour l’Etat de recourir à l’emprunt pour financer toutes ses charges. Au
stade de la prévision, il y a, en effet, un écart entre les ressources que l’Etat prévoit de
mobiliser et de recouvrir et les charges qu’il doit assumer. Cette différence est mise en
valeur dans la loi de finances qui indique dans son article 1er les recettes du budget de
l’Etat, les dépenses du budget de l’Etat et les résultats du budget de l’Etat c’est-à-dire
le déficit.
Cependant le principe de l’équilibre implique une plus grande rigueur dans les
prévisions budgétaires et un effort pour maitriser les déficits publics. Dans ce cadre,
l’article 4 de la LOB définit la loi de finances comme étant celle qui « … prévoit pour
chaque année, l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat, arrête
l’équilibre budgétaire qui en résulte et précise leur nature et leur répartition… ».
L’article 7 de la LOB souligne le rôle du ministre des finances dans la préservation de
cet équilibre au moment de l’exécution du budget. Il indique en effet que « le ministre
chargé des finances assure la préparation et le suivi de l'exécution du budget afin
12
Gaston Jeze, Cours élémentaire de science des finances et de législation financière française, 1928.

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d’honorer les engagements et les obligations de l’Etat et de préserver ses


équilibres financiers dans un cadre de soutenabilité du budget ».
La préservation de l’équilibre budgétaire implique donc une discipline budgétaire de la
part des gouvernants qui doivent s’efforcer de ne pas creuser le déficit prévu. Pour cela,
le législateur a consacré dans la LOB du 13 Février 2019 des cadres de dépenses à moyen
terme qui permettent de déterminer un équilibre durable dans le temps ainsi que des
outils de régulation budgétaires qui permettent d’adapter l’exécution des prévisions
budgétaires à la réalité concrète. En cas de besoin, les gouvernants peuvent ainsi
annuler ou geler des crédits qui ont pourtant été autorisés.
B. La mise en œuvre du principe de l’équilibre
L'équilibre budgétaire a constitué pendant longtemps un idéal pour les gouvernants
dont la mise en œuvre dépend, en réalité, de l’idéologie dominante et du rôle attribué à
l’Etat dans l’économie. Ainsi les finances publiques classiques traduisent une
conception libérale de l’Etat qui doit se limiter à assurer certaines fonctions liées à
l’ordre et à la justice. Dans ce cadre, ses finances doivent être limitées, neutres et en
équilibre.
Au 20ème siècle, le principe de l’équilibre a été fortement relativisé notamment par John
Meynard Keynes qui a envisagé la question de l’équilibre des finances dans le cadre
économique en démontrant que l’économie est soumise à des cycles faisant alterner
périodes de récession et périodes de prospérité et que, en période de récession, le déficit
budgétaire par les moyens qu’il procure peut contribuer à la relance à condition qu’il
soit provisoire et surveillé dans le sens où il doit prendre fin dès que l’économie reprend
son essor.
Avec l’évolution du rôle de l’Etat et son engagement de plus en plus affirmé dans la vie
économique et sociale, le déséquilibre budgétaire n’est plus considéré comme le signe
d’une mauvaise gestion de l’Etat mais plutôt comme un outil de réalisation d’un
équilibre plus global. Le retour de l’idéologie libérale et son expansion dans le cadre de
la mondialisation a conduit à revaloriser le principe de l’équilibre dans le sens de la
maitrise des déficits publics.
Le principe de l’équilibre est donc devenu une obligation juridiquement affirmée dans
de nombreux pays et notamment les pays de l’union européenne qui sont tenus de
respecter les critères définis par le traité de Maastricht relatifs au déficit et à la dette
publique. Ce traité qui consacre l’union européenne et l’ouverture des frontières a
déterminé une politique économique et monétaire commune aux états membres. Il a
instauré une règle de maitrise des déficits publics en fixant certains critères. Les Etats
membres de l’Union Européenne doivent limiter leur déficit à 3 % du PIB et leur dette à
60% du PIB.
Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) du 2 Mars 2012,
appelé « pacte budgétaire » a assoupli cette exigence, et dans ce cadre, les états
membres doivent éviter les déficits publics excessifs.
En Tunisie, la LOB du 8 décembre 1967 a consacré une conception keynésienne de
l’équilibre budgétaire qui considère que le déséquilibre budgétaire est acceptable
quand il permet de réaliser un équilibre plus global de la société.
L’article 1er indique, dans ce sens, que « la loi de finances prévoit et autorise, pour
chaque année, l’ensemble des charges et des ressources de l’Etat dans le cadre
du plan de développement et compte tenu de l’équilibre économique et financier

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défini par le budget économique ». Elle établit un lien entre les charges et les
ressources de l’Etat et les instruments de prévision économiques tel que le budget
économique et le plan de développement économique. La loi de finances annuelle est
donc préparée par les services compétents des différentes administrations pour
répondre aux besoins de fonctionnement de l’Etat et aux projets d’investissements de
celui-ci conformément aux programmes socio- économiques déterminés par le pouvoir
politique.
Si, en temps normal, le budget constitue un levier important de la croissance, en temps
de crise, quand son rôle est d’autant plus crucial et délicat que sa marge de manœuvre
est réduite, il doit contribuer à la relance économique sans compromettre durablement
la soutenabilité des finances publiques 13. Le recours à l’emprunt doit être mesuré et
financer des investissements productifs.
En effet, quand les déficits s’accumulent au point tel de peser lourdement sur le budget
des Etats amenant certains d’entre eux à emprunter pour rembourser les intérêts, il en
résulte une détérioration de la situation financière du secteur public et l’aggravation
de la dette publique qui peut représenter une part importante voire dépasser le PIB. La
lutte contre les déséquilibres financiers publics se traduit par le retour à une
conception plus stricte du principe de l’équilibre.
C’est cette conception qui a été retenue par la loi organique du budget du 13 Février
2019. Celle-ci renforce le principe de l’équilibre et prévoit sa garantie par la consécration
du principe de la sincérité.

§2 Le principe de la sincérité

Pour être réel et non fictif, l’équilibre budgétaire exige une évaluation sincère du budget
de l’Etat et un établissement sincère de sa comptabilité. Le principe de sincérité est
double : il est à la fois budgétaire et comptable.
A. La sincérité budgétaire
Elle est définie par l’article 8 de la LOB du 13 Février 2019 qui indique que « le principe
de la sincérité exige de ne pas sous-estimer ou surestimer les prévisions des
charges et des recettes prévues par la loi des finances… ».
Dans ce sens, le Conseil constitutionnel français caractérise le principe de la sincérité
« par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la
loi de finances ». Il s’agit donc d’un principe qui encadre la préparation du budget en
insistant sur la nécessité pour le pouvoir exécutif de faire preuve de sérieux et de
rigueur en matière de prévisions.
Contrairement aux autres principes budgétaires qui comportent des obligations
concrètes à l’égard du pouvoir exécutif, le principe de sincérité budgétaire est un
concept beaucoup plus abstrait qui fait plutôt appel à la morale. Il s’agit de rappeler

13
En Tunisie, le taux de croissance est très faible voire négatif depuis 2011. L’année 2011 a été rude pour
l’économie tunisienne dont tous les moteurs ont été en panne : chute de l’investissement privé (- 19%) et
des IDE (baisse de plus d’un tiers), décélération du rythme des exportations, sinistralité des secteurs clés
du tourisme et du phosphate, croissance négative, ralentissement des activités économiques, tourisme
en berne… hausse des prix des matières premières et chute de la production céréalière, flambée des prix
du pétrole… Baccar Ghrib, Ayssen Makni, économie politique de la transition économique, Observatoire
Tunisien de la Transition Démocratique, Août 2011.

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aux gouvernants qu’il ne faut pas tricher avec les chiffres et tromper le parlement en
présentant un budget faussement équilibré ou déséquilibré.
B. La sincérité comptable
Selon l’article 8 de la LOB, Le principe de la sincérité exige « … de faire apparaître les
éléments des actifs financiers et du patrimoine de l’Etat… ».
La tenue des comptes de l’État repose sur un constat des opérations réalisées et en ce
sens elle relève d’une sincérité objective garantissant la fiabilité des informations
financières. Dans cette perspective, le législateur dispose dans l’article 25 de la LOB que
« l’État tient :
- une comptabilité budgétaire,
- une comptabilité générale,
- une comptabilité analytique ».
La comptabilité budgétaire permet de suivre et de retracer la façon dont le budget a été
exécuté conformément aux subdivisions de la nomenclature budgétaire.
La comptabilité générale comptabilise, au moment où ils deviennent certains, les droits
constatés, c'est-à-dire une créance acquise ou un service fait créant une dette. Elle
conduit à recenser et évaluer les actifs, les passifs et les engagements de l’État et
permet de produire des états financiers.
Le législateur souligne l’exigence de sincérité des comptes publics en indiquant dans
l’article 27 de la LOB que « les comptables publics tiennent et établissent les
comptes de l’État selon les principes communément admis et notamment ceux
relatifs à l’intégrité et à la sincérité de ces comptes… ». Il garantit par ailleurs la
sincérité et la fiabilité des comptes en prévoyant dans l’article 27 de la LOB la
soumission des états financiers à la certification annuelle de la Cour des Comptes. Il
s’agit concrètement de permettre à un organe de contrôle externe, c’est-à-dire à la Cour
des Comptes, d’exprimer une opinion sur la conformité des comptes au référentiel
comptable qui leur est applicable et, donc, de se prononcer sur leur sincérité.

 L’ensemble de ces principes budgétaires trouvent leur application dans la


procédure budgétaire.

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Chapitre La procédure
Troisième budgétaire
Elle comprend les règles d’élaboration et d’adoption du projet de loi de finances

L’élaboration du PLF

2 questions qui se posent : qui prépare le PLF (§1), et quand et comment est préparé le
PLF (§2).

§1 Qui prépare le PLF ?


C’est une compétence exclusive du pouvoir exécutif : il s’agit d’un projet de loi de
finances et non d’une proposition. Pas d’initiative parlementaire (article 62 de la
Constitution de 2014 : « le Chef du Gouvernement est seul habilité à présenter les …
les projets de lois de finances… »).
Le pouvoir exécutif étant exercé par le président de la république et le chef du
gouvernement, le premier définit les politiques générales dans les domaines de la
défense, des relations étrangères et de la sécurité nationale et le second détermine la
politique générale de l’État.
Le décret N°2021-117 du 22 Septembre 2021 relatif aux mesures exceptionnelles indique
dans son article 5 que sont prises sous forme de décret-loi les textes relatifs aux lois
de finances et prévoit dans son article 8 que « le pouvoir exécutif est exercé par le
Président de la République assisté d'un Gouvernement dirigé par un Chef du
Gouvernement ».
L’article 17 précise que « le Gouvernement veille à l'exécution de la politique
générale de l'État, conformément aux directives et aux choix définis par le
Président de la République ».
L’ensemble de la politique générale de l’État est donc défini par le Président de la
République à travers ses choix et ses directives.
L’exclusivité de la compétence du pouvoir exécutif en matière de préparation de la loi
de finances doit néanmoins tenir compte de l’autonomie financière de l’ARP et des
institutions constitutionnelles (l’ARP, le CSM, la HAICA, l’ISIE, Instance des droits de
l’Homme, instance du développement durable et instance de lutte contre la corruption).
L’ensemble des ministères préparent le projet de LF, mais le Ministère des Finances a
un rôle déterminant.
Traditionnellement donc, les pouvoirs exécutifs et législatifs sont complètement
séparés à ce stade.

§2 Quand et comment est préparé le PLF

La constitution a posé les dates butoir conformément au principe de l’annualité :

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 31 Décembre : promulgation de la LF,


 10 Décembre : vote de la LF,
 15 Octobre : dépôt de la LF.
La LOB indique dans son article 40 que : « le ministre chargé des finances prépare,
sous l’autorité du Chef du Gouvernement, le projet de loi de finances de l’année
conformément à un calendrier fixé par arrêté du ministre chargé des finances. Le
Gouvernement présente à l'Assemblée des Représentants du Peuple, avant la fin
du mois du juillet de chaque année, les hypothèses et les grandes orientations du
budget de l'État pour l’année à venir ».
C’est l’arrêté du 15 mars 2019 du ministre des finances qui a précisé le calendrier de
l’élaboration du budget de l’État. Il s’agit de regrouper de façon cohérente les différents
budgets sectoriels (c’est-à-dire les budgets des différents ministères) afin de présenter
un projet unifié et procéder à la préparation technique du budget de l’État (tableaux
budgétaires : fonds du trésor, fonds spéciaux, budgets rattachés pour ordre) ; ainsi que
la rédaction et la mise en forme des dispositions de la loi de finances.
La LOB de 2019 a renforcé l’information financière et exige que le PLF soit accompagné
d’une longue liste de documents informatifs et de rapports qui sont indiqués dans
l’article 46 de la LOB selon lequel « sont joints au projet de la loi de finances :
- Un rapport sur le budget de l’État dans le cadre des équilibres globaux. Il
comprend notamment :
▪ une analyse de l’évolution des ressources et des charges,
▪ une analyse de l'impact financier des mesures fiscales,
▪ une analyse de la situation économique de l’année en cours ainsi que de
l’année concernée par la loi de finances,
▪ une analyse des différentes hypothèses retenues pour l’élaboration des
prévisions de la loi de finances y compris celle relative à la situation du
dinar.
- Le cadre budgétaire à moyen terme global et sa répartition sectorielle,
- Le tableau des équilibres globaux du budget de l’État,
- Le tableau des opérations de financement du budget,
- Des notes explicatives détaillant les dépenses de chaque mission selon leur
nature et selon les programmes et les sous-programmes,
- Les projets annuels de performance par mission pour l’année budgétaire
concernée par la préparation de la loi de finances, à l’exception des missions
spéciales,
- Un rapport sur la dette publique,
- Un rapport comprenant un tableau des différents transferts de l’État au profit
des entreprises publiques et des établissements publics à caractère non
administratif ainsi que les garanties de l’État accordées à ces structures,
- Un rapport sur les entreprises publiques,
- Un rapport sur l’activité des fonds spéciaux au titre de l’année concernée par
la préparation de la loi de finances,
- Un rapport sur la répartition régionale de l’investissement,
- Un rapport sur les dépenses fiscales et les avantages financiers octroyés,
- Un rapport sur les projets d'investissements réalisés dans le cadre de contrats
de partenariat avec le privé ou dans le cadre de concessions ou par le biais
d’autres mécanismes de financement en dehors du budget de l'État.

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Le projet de loi de finances rectificative est accompagné d’un rapport comprenant


toutes les modifications qu’il est proposé d’apporter à la loi de finances de
l’année ».
L’élaboration du PLF comprend, selon la circulaire du 15 Mars 2019, 16 étapes qu’il est
possible de regrouper en 9 actions essentielles :
1. Envoi de la circulaire de préparation du PLF :
La préparation du PLF commence avec l’envoi aux différents ministères de la circulaire
de préparation du budget signée par le chef du gouvernement et le ministre des
finances.
Cette circulaire doit être envoyée au plus tard le 31 Mars de l’année précédant celle
concernée par la loi de finances. Elle comprend les recommandations et priorités à
respecter.
2. Préparation des budgets sectoriels : Avril - Mai :
Les demandes de crédits des différents ministères sont élaborées sur la base d’un
guide méthodologique qui comprend un certain nombre d’indications relatives à la
gestion financière et conformément à un modèle-type de présentation du budget
sectoriel est diffusé par le comité général du budget pour harmoniser les différents
budgets.
La circulaire du 15 Mars 2019 précise qu’il s’agit de présenter des projets de cadres des
dépenses à moyen terme sectoriels et les rapports annuels de performance ; d’évaluer
l’exécution de l’année précédente et de discuter les cadres de dépenses à moyen terme
sectoriels. Selon la LOB, le Cadre des dépenses à moyen terme sectoriel répartit
l’ensemble des crédits de chaque mission selon des programmes et des sous
programmes qui découlent principalement des objectifs des stratégies sectorielles
ainsi que des plans de développement.
3. Approbation du cadre du budget à moyen terme global par la présidence du
gouvernement et établissement des principaux plafonnements pour chaque ministère
(lettres de plafonnement) 25 Mai - 31 Mai.
4. Transmission par les différents ministères des projets de budgets sectoriels incluant
les cadres des dépenses à moyen terme, les projets annuels de performance et les
rapports sur les fonds spéciaux au ministère des finances : 15 Juin.
5. Discussion budgétaire entre les services du ministère des finances et les différents
ministères et arbitrage (30 Juin – 31 Juillet).
6. Présentation des hypothèses et des grandes orientations du budget de l’État devant
l’ARP (31 Juillet).
7. Préparation des documents annexes et des différents rapports (31 Août).
8. Approbation du projet de la loi de finances par le conseil des ministres (30
Septembre).
9. Transmission du projet de la loi de finances à l’ARP (15 Octobre).

L’approbation du PLF

En tant que représentants du peuple et aussi du contribuable, les élus ont le droit de
contrôler les recettes publiques ainsi que l’utilisation que prévoit d’en faire le
gouvernement.

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Dans ce sens, l’article 66 de la Constitution indique que «la loi autorise les ressources
et les dépenses de l’État conformément aux dispositions prévues par la loi
organique du budget ».
Et l’article 47 de la LOB précise que « l’Assemblée des Représentants du Peuple
adopte le projet de loi de finances de l’année qui lui est soumis au plus tard le 10
décembre de l'année précédant l’année relative à son exécution, et le transmet au
Président de la République au plus tard le lendemain de son adoption ».
L’approbation du PLF prévoit 4 étapes essentielles :
1ère étape : l’examen en commission
Selon le règlement intérieur de l’ARP, c’est la commission des finances, de la
planification et du de développement qui est chargée d’examiner le PLF.
Cette commission est présidée par un membre de l’opposition (Mr. Mongi Rahoui
durant la première législature).
Dans le cadre de l’examen du PLF, la commission peut interroger les membres du
gouvernement soit en les auditionnant soit en leur adressant des questions écrites.
Plus généralement, elle peut solliciter l’avis de toute personne dont l’expertise peut
éclairer les membres de la commission. Elle reçoit également les questions, les
remarques et les amendements des membres de la chambre.
Cet examen se conclue par un rapport qui servira de base aux discussions et
explications en Assemblée plénière et auquel sont rattachés les amendements
proposés.
L’examen en commission du PLF doit respecter deux conditions :
1ère condition : Il faut respecter l’objet de la loi de finances. Celle-ci a un domaine bien
délimité qui est précisé par la LOB. L’article 10 précise que « la loi de finances se limite
aux seules dispositions relatives aux ressources et aux charges de l’État ».
Celle-ci ne peut donc contenir que des dispositions à caractère financier à savoir :
l’autorisation de perceptions des ressources publiques, à la fixation des voies et
moyens, à la mobilisation des ressources fiscales et non fiscales ainsi qu’à la
détermination des procédures financières, à la création des comptes spéciaux et des
fonds spéciaux, à la fixation du plafond de garanties consenties par l’État et des prêts
du trésor et à l’autorisation des emprunts.
Il ne faut donc pas introduire dans la loi de finances des dispositions extrabudgétaires
appelées « cavaliers budgétaires » c'est-à-dire des dispositions qui n’ont pas de rapport
avec l’objet des lois de finances. Les cavaliers budgétaires sont susceptibles d’être
privées d’effet lors du contrôle de constitutionnalité de la loi de finance car il s’agit
d’impositions qui portent atteinte à la cohérence du texte. La loi de finances ne doit pas
être une loi fourre-tout ‫قانون جامع‬.
Exemple : Décisions du 22 décembre 2014 et 2015 de l’IPCCL (Instance Provisoire de
Contrôle de la Constitutionnalité des projets de Loi) qui sanctionnent certaines
dispositions considérées comme des cavaliers budgétaires.
2ème condition : les amendements proposés doivent préserver l’équilibre financier du
budget de l’État.
Le projet de loi de finances est préparé sur la base d’un équilibre économique et
financier déterminé.

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Cet équilibre doit être maintenu car il correspond à des arbitrages complexes entre le
besoin de financement public et les contraintes liés à la conjoncture économique et
sociale.
Toute proposition visant à augmenter les dépenses publiques ou à baisser les recettes
publiques pourrait constituer une mesure populaire et à ce titre intéresser les élus,
mais elle conduirait à une dérive des dépenses publiques et à une fragilité des
ressources publiques qui aurait pour effet de déséquilibrer non seulement le budget
mais aussi l’État.
Par conséquent, le droit d’amendement des parlementaires a été limité par la
Constitution et la LOB aux propositions qui ne portent pas atteinte à l’équilibre
financier de l’État.
L’article 49 de la LOB indique que : « l’Assemblée des Représentants du Peuple peut
proposer d’ajouter de nouveaux articles ou d’introduire des amendements au
projet de la loi de finances de l’année ou de la loi de finances rectificative dans
les cas suivants :
- pour réduire des dépenses ou augmenter des recettes,
- pour proposer de nouvelles dépenses sous réserve de proposer des recettes
additionnelles ou une économie des dépenses couvrant les dépenses
additionnelles,
- pour introduire des modifications sur la répartition des crédits entre les
programmes moyennant les modifications correspondantes au niveau des
objectifs et des indicateurs des programmes concernés par les modifications ».
Concrètement, cela signifie que les élus peuvent uniquement proposer la suppression
ou la réduction d’une dépense ou la création ou l’augmentation d’une recette. S’ils
souhaitent proposer une dépense nouvelle, ils doivent la compenser par une recette
correspondante ou par la diminution d’une autre dépense de manière à réaliser une
économie.
2ème étape : l’examen et le vote en séance plénière
Les débats budgétaires commencent par un discours du chef du gouvernement pour
présenter la politique budgétaire ainsi que les options gouvernementales pour l’année
à venir.
Chaque chapitre du budget ainsi que les amendements correspondants sont discutés
par les députés.
Le projet de loi de finances est ensuite soumis au vote des députés.
La loi de finances est une loi ordinaire, elle est adoptée à la majorité simple. En pratique,
73 députés en première lecture et 109 députés en seconde lecture.
La LOB organise la spécialité du vote parlementaire en matière budgétaire.
De cette manière, le parlement ne va pas par un seul vote accepter ou refuser la totalité
du budget mais pourra émettre un vote sur chaque tranche du budget dont le degré de
spécialité est déterminé par la loi organique du budget.
L’article 48 de la LOB précise que : « la loi de finances est votée dans les mêmes
conditions que les lois ordinaires, sous réserve des dispositions suivantes :
- Les prévisions des dépenses du budget de l’État font l’objet d’un vote par
mission et mission spéciale,

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- Les autorisations de recettes du budget de l’État font l’objet d’un vote par
partie,
- Les recettes et des dépenses de chaque compte spécial du trésor font l’objet
d’un vote global,
- L’ensemble des recettes des comptes de concours font l’objet d’un vote global ;
- L’effectif global du personnel autorisé des ministères, y compris leurs services
centraux et régionaux et des établissements publics dont les budgets sont
rattachés pour ordre au budget de l’État, fait l’objet d’un vote global,
- L’ensemble des dispositions de la loi de finances fait l’objet d’un vote global et
final ».
3ème étape : l’adoption du projet de loi de finances et recours éventuels
Après l’adoption du PLF par l’ARP, le Président de la République dispose de deux jours
pour renvoyer le projet à l’Assemblée pour une deuxième lecture.
L’assemblée dispose de 3 jours pour adopter le projet en deuxième lecture.
Le Président de la République, le Chef du Gouvernement ou trente élus disposent de
trois jours pour saisir la cour constitutionnelle en cas de doute sur la constitutionnalité
des dispositions du projet de loi de finances. Celle–ci doit statuer dans un délai de 5
jours.
En cas d’inconstitutionnalité avérée, le Président de la République dispose de deux
jours pour renvoyer le projet de loi de finances à l’Assemblée. Celle-ci adopte le PLF dans
un délai de trois jours.
Le Président de la République dispose de deux jours pour promulguer la loi de finances
compte tenu de la date butoir ‫ األجل األقصى‬du 31 Décembre.
4ème étape : la promulgation de la Loi de finances
La promulgation de la loi de finances doit intervenir au plus tard le 31 Décembre.
Si à cette date, la loi de finances n’est pas adoptée, la LOB prévoit dans son article 50
qu’il peut être procédé à son exécution en matière de dépenses, par tranches de trois
mois renouvelables par décret présidentiel et les recettes sont recouvrées selon la
législation en vigueur. L’Assemblée des Représentants du Peuple en sera informée
avant l’adoption du projet de la loi des finances de l’année.
Compte tenu de la proclamation d’un état d’urgence par le Président de la République
le 25 Juillet 2021, le projet de la loi de finances pour l’année 2022 a été adopté par le
décret-loi n°2021-21 du 28 décembre 2021, portant loi de finances pour l’année 2022 et
ce conformément aux dispositions du Décret Présidentiel n°2021-117 du 22 septembre
2021, relatif aux mesures exceptionnelles.

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