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Décret loi de finances pour la

gestion 2023: Observations


d’une juriste
Aida KTATA
Maitre de conférences agrégée à la Faculté de Droit de Sfax
Membre du Centre d’études fiscales de la FDS
1ère observation quant à sa difficile insertion
dans l’ordonnancement juridique
• Décret loi n°79-2022 du 22 décembre 2022 portant loi de finances
pour la gestion 2023
• Sans l’avouer, (absence de visas) c’est un décret loi pris sur la base de
l’article 139 de la constitution 2022 (disposition transitoire) qui
prévoit que « Le décret Présidentiel n°2021-117 du 22 septembre
2021, relatif aux mesures exceptionnelles, continu à s’appliquer dans
le domaine législatif, jusqu’à ce que l'Assemblée des représentants du
peuple prenne ses fonctions après l’élection de ses membres ».
• Un mauvais départ pour la constitution 2022
2ème observation quant à son atteinte au principe de la
légalité budgétaire
• Le principe de la légalité budgétaire exige que le parlement représentant
de la volonté générale autorise d’une manière exclusive les recettes et les
dépenses de l’Etat, il monopolise le pouvoir d’édiction de la règle
budgétaire et constitue l’un des piliers du régime démocratique,
• Justification
• Le principe de la légalité budgétaire est consacré à travers l’article 78 de la
constitution 2022 qui prévoit que « la loi autorise les recettes et les
dépenses de l’État conformément aux dispositions prévues par la loi
organique du budget », aussi à travers l’article 66 de la constitution 2014,
article 36 de la constitution 1959
• Atteintes répétées
3ème observation quant à son contenu
• Certaines dispositions contenues dans le décret loi sont difficilement rattachables
« aux recettes et aux dépenses de l’Etat » et peuvent constituer des « cavaliers
budgétaires » susceptibles d’entacher le texte d’inconstitutionnalités,
• Le Conseil Constitutionnel français a considéré que « les lois de finances ne doivent
comprendre que des dispositions financières et le juge se réserve même le droit de
les déclarer d’office inconstitutionnelles
• Théorie appliquée par l’OPCCPL (dispositions loi de finances pour la gestion 2015)
• Exemple article 12 du décret loi de finances relatif à la rationalisation de l'âge de
départ à la retraite
4ème observation quant à son atteinte au
principe de la légalité fiscale
• Comme toute loi de finances, le décret loi comporte des dispositions
fiscales multiples qui soit elles portent modification de certains
prélèvements préexistants (assiette, taux ou modalités de paiement)
soit elles instituent des prélèvements nouveaux
• Or, fait générateur du régime démocratique et de la démocratie
représentative, l’impôt est une matière réservée au législateur (article
34 de la constitution 1959, 65 de la constitution 2014 et 75 de celle de
2022)
• Atteinte au principe du consentement de l’impôt
1ère mesure: Bien fondé de l’institution d’un
impôt sur la fortune immobilière article 23
• Assiette: L’impôt sur la fortune immobilière est exigible au 1er janvier
de chaque année sur la fortune provenant de biens immobiliers de
chaque personne physique dont la valeur commerciale réelle est égale
ou supérieure à 3 millions de dinars, y compris les immeubles de leurs
enfants mineurs sous leur tutelle
• Toutefois, ne sont pas soumis audit impôt :
• - L’habitation principale du redevable,
• - Les immeubles destinés à l'exploitation professionnelle à l’exception
des immeubles loués au profit d'autrui.
• Taux : Le taux de l’impôt sur la fortune immobilière est fixé à 0,5%.
1ère mesure: Institution d’un impôt sur la fortune
immobilière article 23
• Après les évènements de janvier 2011, l'idée de l'imposition synthétique du
capital a rejaillit à l'occasion des débats relatifs à la justice sociale et fiscale et
aux écarts qui ne cessent de se creuser entre les régions. C'est ainsi que l'article
55 de la loi de finances pour la gestion 2014 avait institué un impôt appelé "impôt
sur les immeubles" . Institué par l’article 55 de la loi de finances n°2013-54 du 30
décembre 2013, cet impôt est du par le propriétaire à raison de la détention des
immeubles bâtis à usage d’habitation et d’administration autre que l’habitation
principale et des terrains non bâtis soumis à la TIB.
• Suite à des revendications populaires virulentes cet impôt est supprimé par la loi
de finances complémentaire de 2014
• Défendue par le courant socialiste et critiqué par les libéraux la question d’un
impôt synthétique sur le capital ne fait pas l’unanimité
2ème mesure: La révision continue de la CSS
et l’atteinte au principe de la sécurité
juridique
• Instituée par la loi de finances pour la gestion 2018, modifiée par la loi de
finances pour la gestion 2020 et par la loi de finances pour la gestion 2021, la
"contribution sociale de solidarité" est aussi révisée par le décret loi de finances
pour la gestion 2023
• Sociétés soumises à l’IS au taux de 35%, la CSS est passée de 3% à 4%
• Sociétés soumises à l’IS au taux inférieure à 35 % (20%, 15% ou 10%), la CSS
est due au taux de 3% au lieu de 2%
• Pour les personnes physiques, la contribution sociale de solidarité est due au taux
de 0.5% (au lieu de 1%), et ce pour les revenus servant de base pour le calcul de
l'impôt sur le revenu dont le délai de déclaration intervient au cours des années
2023, 2024 et 2025, (doctrine administrative)
3ème mesure: Le relèvement du taux des
pénalités de retard
• En vertu de l’article 59 du décret loi de finances, la pénalité de retard
pour défaut de dépôt de déclarations notamment prévue par l’article 81
du CDPF est passée de 0,75% à 1,25%
• L’augmentation du taux des pénalités pose la question de la nature
juridique de ces pénalités qui risquent de se transformer en de
véritables sanctions fiscales alors qu’elles ne sont normalement que le
prix du temps.
4ème mesure: La modification du statut de l’auto-
entrepreneur et le principe de l’équité fiscale
• Deux ans et demi après son édiction par le décret loi n°2020-33 du 10
juin 2020 portant instauration « d'un régime spécifique à l'auto
entrepreneur», le régime de l’auto-entrepreneur est récemment
modifié, avant même sa mise en œuvre, par le décret loi n°79-2022 du
23 décembre 2022 portant loi de finances pour la gestion 2023
• Il concerne « toute personne physique de nationalité tunisienne
exerçant individuellement une activité dans le secteur de l'industrie, de
l'artisanat ou des métiers, du commerce, des services autres que les
professions non commerciales à condition que son chiffre d'affaire ne
dépasse pas 75 mille dinars »
4ème mesure: La modification du statut de l’auto-
entrepreneur et le principe de l’équité fiscale
• L’auto-entrepreneur bénéficie d'un régime fiscal et social spécifique
qui consiste à payer une contribution unique libérée de l’impôt sur le
revenu des personnes physiques, de la taxe sur la valeur ajoutée et de
la cotisation au régime de sécurité sociale.
• La valeur de la contribution unique est fixée comme suit : 200 dinars
par an pour les personnes exerçant dans les zones communales
conformément aux limites territoriales des communes en vigueur
avant le 1er janvier 2015 et 100 dinars pour les personnes exerçant
dans les autres zones.
• Un décret loi qui bafoue les principes les mieux établis et qui porte
atteinte directe à la sécurité juridique et aux droits les plus
élémentaires de l’Homme contribuable.

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