Vous êtes sur la page 1sur 23

Chapitre II:

L’endettement et les institutions financières internationales


Introduction: Ce chapitre est destiné à préciser les notions et mécanismes liés à
l'endettement. En effet, derrière l'apparente simplicité de ces notions se cachent des
subtilités qui faussent parfois les analyses. Une dette est une promesse de payer dans le
futur des sommes suivant des modalités qui font l'objet d'un accord entre le créancier et le
débiteur. Pour qu'il effectue le prêt, le créancier doit croire en la promesse qui lui est faite.
Elle consiste en principe à rembourser le montant du capital emprunté (ou principal, ou
amortissement) et à verser des intérêts sur le montant non remboursé. Mais il se
peut aussi que le prêt se fasse sans intérêts (on ne rembourse que le principal), ou à
l'inverse que l'emprunt soit perpétuel (on ne rembourse jamais le capital, mais le
débiteur continue à verser les intérêts pour l'éternité). Les deux éléments de la
promesse, remboursement du capital et des intérêts, ne doivent pas être mis sur le
même plan. Les intérêts constituent un revenu courant (payer les intérêts ne fait
pas diminuer la dette). Ils sont la raison même du prêt, les prêteurs gagnant un
revenu grâce à la différence entre les intérêts qu'ils reçoivent et les intérêts qu'ils
paient à ceux qui leur confient des fonds. C'est pourquoi le versement des intérêts
à bonne date est considéré comme essentiel. Le remboursement du capital peut
être repoussé sans grande difficulté, tant que les intérêts sont payés au taux du
marché. Si le débiteur paie correctement les intérêts, le créancier a en effet
avantage à ce qu'il soit endetté le plus longtemps possible – toutes choses égales
par ailleurs…
La question de la dette publique, de sa gestion, de son utilisation, de sa
réduction, de la fixation d’un seuil au-delà duquel elle deviendrait intolérable,
ou en tout cas nocive et peut-être génératrice de désordres économiques,
éventuellement sociaux, voire politiques, constitue l’une des préoccupations
majeures des organismes internationaux et des États nationaux. Confrontés à
l’explosion de leurs déficits publics, pays développés ou en développement
cherchent des voies pour limiter le poids de la dette accumulée au cours des
décennies passées. Il s’agit de se conformer aux strictes règles de l’orthodoxie
financière, qui ont longtemps condamné toute tolérance à l’égard d’un
déséquilibre même temporaire des finances publiques. La tendance dominante
des politiques financières est en effet aujourd’hui de limiter de manière
drastique le niveau de l’endettement, voire de l’éradiquer totalement, tout en
réduisant autant que faire se peut le niveau des prélèvements fiscaux ou sociaux.
Véritable quadrature du cercle qui oblige à des acrobaties budgétaires et
politiques.
Jean Andreau, Gérard Béaur et Jean-Yves Grenier (dir.)« La dette publique dans
l’histoire » http://books.openedition.org …Date de publication : 12 mai 2006
L’endettement public et la dette publique proprement dite ont un passé très
riche, […]et qui pourrait être plein d’enseignements.
I) Dette et institutions financières internationales: essai de définitions
A) Essai de définitions:
Dette: nom commun. 1) somme due ; 2) situation du débiteur ; 3) sentiment de
gratitude pour une faveur ou un service….Oxford English Dictionary
1)Dette: La dette d’un agent économique est un engagement à rembourser un capital
emprunté assorti éventuellement du paiement de l’intérêt correspondant. Une dette a donc
pour contrepartie une créance détenue par le prêteur sur le débiteur
2)Endettement
L'endettement désigne une situation marquée par une accumulation de dettes(processus),
c'est-à-dire de sommes qu'une personne, physique ou morale, est tenue de rembourser à
une autre personne. Dans le monde de l'entreprise, l'endettement est bien souvent
directement lié aux investissements réalisés, ces derniers nécessitant un certain nombre de
créances à long terme. Qualifié de net, l'endettement équivaut dans ce secteur au solde des
dettes financières d'un côté, du disponible et des placements financiers de l'autre. Dans le
monde des ménages et de la consommation, l'endettement caractérise une situation où les
dettes prennent le dessus sur les ressources d'un individu ou d'un ménage. Un ménage
endetté est un ménage dont la valeur des créances cumulées est supérieure aux capitaux
détenus. Lorsque l'endettement devient trop important, on utilise la notion
de surendettement.
3)Dette du tiers-monde
La dette du tiers-monde est, à un moment donné, la somme de l’encours de la dette
extérieure publique et privée des pays en développement (PED). Plus que l’encours de la
dette, c’est le ratio de l’encours de la dette par rapport au produit intérieur brut (PIB) et
le ratio du service de la dette publique extérieure par rapport aux exportations
qui donnent une évaluation de la soutenabilité de la dette. Les experts estiment
qu’au-delà de 15 % des recettes d’exportation, le service de la dette est
quasiment impossible à honorer et certains pays sont ainsi pris dans un cercle
vicieux de l’endettement international. La dette du tiers-monde a connu une
augmentation spectaculaire au cours des années 1970, les différents chocs
pétroliers ayant accentué les difficultés des pays en développement. La baisse du
prix des matières premières et le retournement de la politique monétaire
américaine (qui mène à une appréciation du dollar) conduit à une « crise de la
dette » qui se déclenche avec la cessation de paiement du Mexique en août 1982
et se poursuit par une crise de la dette souveraine de nombreux pays émergents.
(La façon dont la Grande-Bretagne s'est libérée de sa dette extérieure n'est
certainement pas généralisable : Keynes (1972, p. 131) rappelle que c'est avec sa
part des bénéfices sur l'expédition du pirate Drake, qui captura en 1580 un
important trésor espagnol que la reine Elisabeth remboursa la totalité de la
dette extérieure de l'Angleterre et équilibra son budget)
(Marc Raffinot, DETTE EXTERIEURE ET AJUSTEMENT STRUCTUREL, EDICEF/ELLIPSES.1991. p.25)
4)Différence entre dette et endettement pour un pays ?
Différence entre dette et endettement pour un pays ? Or, l'État n'est qu'un des
agents économiques et sa dette ne représente pas la dette du pays tout entier :
les entreprises et les ménages s'endettent également. L'endettement intérieur
total d'un pays est donc constitué de la somme des dettes des administrations
publiques, des ménages et des entreprises.
…(L’endettement international ? D’un pays est égal à la somme des créances
détenues sur ce pays par des agents économiques non-résidents).
(L’austérité est une recette éculée(usée)…)
5)L’endettement est une construction sociale
L’endettement est une construction sociale fondatrice du pouvoir. Si autrefois les
débiteurs insolvables ont nourri l’esclavage, aujourd’hui les emprunteurs pauvres – qu’il
s’agisse de particuliers des pays riches ou d’États du tiers-monde – sont enchaînés aux
systèmes de crédit. « L’histoire montre, explique Graeber, que le meilleur moyen de
justifier des relations fondées sur la violence, de les faire passer pour morales, est de les
recadrer en termes de dettes – cela crée aussitôt l’illusion que c’est la victime qui commet
un méfait. » Trop d’économistes actuels perpétuent cette vieille illusion d’optique, selon
laquelle l’opprobre est forcément à jeter sur les débiteurs, jamais sur les créanciers.
Ils oublient aussi une leçon déjà connue de la civilisation mésopotamienne : si l’on veut
éviter l’explosion sociale, il faut savoir « effacer les tablettes »… Un essai essentiel et
foisonnant qui nous permet de mieux comprendre l’histoire du monde, la crise du crédit
en cours et l’avenir de notre économie.
David Graeber, Dette 5000 ans d’histoire, Ed. Les Liens qui Libèrent,2013
(« altermondialiste »)
À partir des années 1980, le règlement de cette crise donne lieu à une restructuration de
la dette dans ces pays et à la mise en place de politiques d’ajustement structurel (PAS),
conformes au consensus de Washington. Une libéralisation des marchés des capitaux a
également lieu dans de nombreux pays émergents qui bénéficient au cours des années
1990 et 2000 d’un afflux de capitaux. Le concept de dette du tiers-monde a perdu une
partie de sa pertinence puisque l’unité du tiers-monde est remise en cause.
Aujourd’hui, il y a un problème plus général d’endettement, privé et public, qui
concerne également les pays développés
6)Dette extérieure brute
La dette extérieure brute correspond à l’encours de l’ensemble des emprunts
contractés par les agents économiques résidents d’un pays auprès de créanciers
non-résidents. Ainsi, une entreprise au Maroc, qui s’endette auprès d’une
banque ou d’un obligataire américain, accroît la dette extérieure du Maroc. Les
emprunts contractés auprès du Fonds monétaire international (FMI) ou de la
Banque mondiale élèvent également la dette extérieure des pays.
7)Dette extérieure nette
La dette extérieure nette correspond à la différence entre la dette extérieure
brute et l’ensemble des créances que les agents économiques résidents dans un
pays détiennent sur le reste du monde. La dette extérieure nette est considérée
comme un indicateur économique plus pertinent que la dette extérieure brute
lorsqu’il s’agit d’apprécier la dépendance d’un pays aux financements
extérieurs. ratio dette/PIB
II)Controverses :FMI, Bque Mondiale, BAD,…servir les créanciers ou les
débiteurs?!! (J. Ziegler , Penny Goldberg, J.Stiglitz,…)
« […]En tant que professeur (J.STIGLITZ , La grande désillusion, Ed. Fayard,
2002. Introduction ) , j’ai consacré beaucoup de temps à la recherche et à la
réflexion rigoureuse sur les problèmes économiques et sociaux dont je me suis
occupé pendant ces sept ans à Washington. Durant mon séjour à la Maison-
Blanche en qualité de membre, puis de président du Council of Economic
Advisers, et à la Banque mondiale, j’ai malheureusement constaté —ce n’était
évidemment pas une surprise —que les décisions étaient souvent prises sur des
bases idéologiques et politiques. D’où de nombreuses initiatives malvenues, bien
incapables de résoudre les problèmes mais conformes aux intérêts ou aux
convictions des dirigeants. L’intellectuel français Pierre Bourdieu a conseillé aux
responsables politiques d’agir davantage en universitaires —d’engager un débat
scientifique fondé sur les faits et les chiffres. Hélas, on voit trop souvent le
contraire : les universitaires qui font des recommandations se politisent, ils
déforment les réalités en fonction des idées chères aux dirigeants politiques ».
Remarques
(Penny Goldberg????? Penny Goldberg resigns(13/02/2020) as Chief Economist at the World Bank.
28/02/2020 demission effective)
(De la Banque mondiale aux paradis fiscaux, "l'itinéraire" de l'aide financière???)
Elite Capture of Foreign Aid: Evidence from Offshore Bank Accounts.
A)Les prescriptions du FMI et la Banque Mondiale et asymétrie d’informations
Les prescriptions du FMI, en partie fondées sur l’hypothèse dépassée selon
laquelle le marché aboutit spontanément aux résultats les plus efficaces,
n’autorisent pas les interventions souhaitables de l’Etat sur le marché : les
mesures qui peuvent guider la croissance économique et améliorer le sort de
tous. Ce qui est en cause, donc, dans la plupart des affrontements que je vais
rapporter, ce sont des idées, et les conceptions du rôle de l’Etat qui en découlent.
Si certaines idées ont beaucoup contribué à orienter mes prescriptions pour le
développement, la gestion des crises et la transition, elles sont également au
cœur de ma pensée sur la réforme des institutions internationales qui sont
censées pro- mouvoir le développement, gérer les crises et faciliter la transition.
Mes recherches m’ont rendu particulièrement attentif aux conséquences du
manque d’information. J’ai été heureux de voir combien on a souligné, pendant
la crise financière de 1997- 1998, l’importance de la transparence, mais attristé
par l’hypocrisie des institutions —le FMI et le département du Trésor des États-Unis
—qui la réclamaient en Asie : elles comptaient elles- mêmes parmi les moins
transparentes que j’aie jamais connues dans la vie publique. C’est pourquoi j’insiste tant
sur la nécessité d’accroître la transparence de ces institutions, de mieux informer les
citoyens sur ce qu’elles font et de donner à ceux qui vont subir les effets de leurs
décisions la possibilité d’intervenir davantage dans la conception de ces mesures. Mon
analyse du rôle de l’information dans les institutions politiques découle tout
naturellement de mon travail antérieur sur son rôle en économie.
B) Mêmes prescriptions pour des économies différentes spatiotemporellement
(Les structures économiques sont très différentes selon les régions du monde).
Quand les crises frappaient, le FMI prescrivait des solutions certes « standard»,
mais archaïques et inadaptées, sans tenir compte des effets qu’elles auraient sur
les habitants des pays auxquels on disait de les appliquer. J’ai rarement vu
réaliser des études prévisionnelles de leur impact sur la pauvreté. J’ai rarement
vu des débats et des analyses réfléchies sur les effets d’autres orientations
possibles. Il y avait une ordonnance et une seule. On ne cherchait pas d’avis
différents. Le débat franc et ouvert était découragé —on ne lui faisait aucune
place. L’idéologie guidait la prescription, et les pays étaient censés suivre sans
discussion la ligne du FMI. Ces façons d’agir m’atterraient. Pas seulement
parce qu’elles donnaient souvent de mauvais résultats. Elles étaient
antidémocratiques.
C) Les effets néfastes des solutions aux problèmes de l’endettement
Les problèmes des pays en développement sont difficiles, et le FMI est souvent
sollicité dans les pires situations, quand il y a crise. Mais ses remèdes ont échoué
aussi souvent —ou même plus souvent —qu’ils n’ont réussi. Ses politiques
d’ajustement structurel (les mesures censées aider un pays à s’ajuster face à des
crises et à des déséquilibres chroniques) ont provoqué dans de nombreux cas des
famines et des émeutes; et même quand leurs effets n’ont pas été aussi terribles,
même quand elles ont réussi à susciter une maigre croissance pour un temps, une
part démesurée de ces bénéfices est souvent allée aux milieux les plus riches de ces
pays en développement, tandis qu’au bas de l’échelle la pauvreté s’était parfois
aggravée. Mais ce qui me paraissait stupéfiant, c’est que, chez beaucoup de hauts
dirigeants du FMI et de la Banque mondiale, ceux qui prenaient les décisions
cruciales, il n’y avait pas le moindre doute sur le bien- fondé de ces politiques. Des
doutes, il y en avait, certes, chez les gouvernants des pays en développement.
Cependant, beaucoup craignaient tant de risquer de perdre les financements du
FMI, et avec eux bien d’autres fonds, qu’ils les exprimaient avec la plus grande
prudence —quand ils le faisaient —,et seulement en privé. Mais, si personne ne se
réjouissait des souffrances qui accompagnaient souvent les plans du Fonds
monétaire international, à l’intérieur de l’institution on postulait simplement que
c’était l’une des expériences douloureuses par où un pays doit nécessairement
passer pour devenir une économie de marché prospère, et que les mesures du FMI
allaient en fin de compte alléger les épreuves que ce pays aurait à affronter à long
Il est hors de doute qu’une certaine souffrance était inévitable,
mais, à mon sens(J.STIGLITZ), celle qu’ont subie les pays en
développement dans le processus de mondialisation tel qu’il a été
dirigé par le FMI et par les autres institutions économiques
internationales a été de loin supérieure au nécessaire. Le choc en
retour contre la mondialisation doit sa force à la prise de
conscience de deux phénomènes : les ravages qu’ont opérés dans
ces pays des politiques inspirées par l’idéologie, mais aussi les
injustices du système commercial mondial. Peu de gens
aujourd’hui —sauf ceux qui bénéficient personnellement de
l’exclusion des produits des pays pauvres —défendent cette
grande hypocrisie : on prétend aider les pays en développement
alors qu’on les force à ouvrir leurs marchés aux produits des pays
industriels avancés, qui eux-mêmes continuent à protéger leurs
propres marchés. Ces politiques sont de nature à rendre les riches
encore plus riches, et les pauvres encore plus pauvres —et plus
furieux. (Friedrich LIST: le protectionnisme éducateur).
Les idées et intentions qui ont présidé à la création des institutions économiques
internationales étaient bonnes mais, au fil des ans, elles ont peu à peu évolué et
se sont totalement transformées. L’orientation keynésienne du FMI, qui
soulignait les insuffisances du marché et le rôle de l’Etat dans la création
d’emplois, a cédé la place à l’hymne au libre marché des années quatre-vingt,
dans le cadre d’un nouveau «consensus de Washington » —le consensus entre le
FMI, la Banque mondiale et le Trésor américain sur la bonne politique à suivre
pour les pays en développement —qui a marqué un tournant radical dans la
conception du développement et de la stabilisation. Les idées qui constituaient
ce consensus avaient souvent été élaborées en réaction aux problèmes de
l’Amérique latine, où des Etats avaient totalement perdu le contrôle de leur
budget et mené des politiques monétaires fort peu rigoureuses qui avaient
déchaîné une inflation galopante.
Définition du consensus de Washington
L'expression "Consensus de Washington" trouve son origine dans un article de
l'économiste John Williamson en 1989 où il formule dix recommandations
adressées plus particulièrement aux pays d'Amérique latine :Discipline budgétaire
stricte (équilibre des dépenses et des recettes).Réorientation de la dépense publique
(vers des secteurs de forts retours économiques sur investissements, diminution
des inégalités de revenu).Réforme fiscale (élargissement de l'assiette fiscale,
diminution des taux marginaux),.Stabilité monétaire (inflation faible, réduction
des déficits du marché, contrôle des réserves d'argent),.Adoption d'un taux de
change unique et compétitif,. Libéralisation du commerce extérieur,.
Elimination des barrières à l'investissement direct étranger,
Privatisation des entreprises publiques (pour une meilleure efficacité et pour
réduire l'endettement),.Déréglementation des marchés (fin des barrières à l'entrée
ou à la sortie),.Prise en compte des droits de propriété (incluant la
propriété intellectuelle).Le "Consensus de Washington" désigne un accord tacite
du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale (BM), avec le
soutien du Trésor américain, pour n'accorder des aides financières aux pays en
développement en difficulté (endettement, hyperinflation, déficits budgétaires,
etc.) qu'à la condition que ceux-ci adoptent des politiques inspirées des thèses de
John Williamson
En effet, pour ces institutions internationales, le développement ne peut s'opérer
que dans le cadre d'échanges marchands de nature privée et qui plus est dans
un marché mondial libéralisé, c'est-à-dire sans entraves. Cette politique
économique bénéficie du contexte international avec la chute du communisme et
est guidée par la doctrine économique, néolibérale, voire ultralibérale
Critiques du « Consensus de Washington »
En fait, ce "consensus" n'en est pas réellement un car une partie
de ses composantes a été rejetée par de nombreux économistes,
comme Joseph Stiglitz et Maurice Allais. Il est
également critiqué comme source de l'accroissement des inégalités
et de la pauvreté, et parce qu'il n'est pas applicable dans tous les
pays, par le mouvement altermondialiste qui, après la quasi
disparition du modèle communiste, tente de proposer des voies
économiques alternatives. Ce n'est qu'à partir de 2007-2008 que le
FMI et la Banque mondiale prennent conscience de la nécessité de
l'intervention de l'Etat dans l'économie et infléchissent leurs
pratiques.
Pour ne prendre que quelques exemples, la plupart des pays industriels avancés
—dont les Etats-Unis et le Japon —ont édifié leur économie en protégeant
judicieusement et sélectivement certaines de ses branches, jusqu’au moment où
elles ont été assez fortes pour soutenir la concurrence étrangère. Si le
protectionnisme généralisé n’a pas été efficace dans les pays qui l’ont mis en
œuvre, la libéralisation rapide du commerce ne l’a pas été davantage.
Contraindre un pays en développement à s’ouvrir à des produits importés qui
vont rivaliser avec ceux de certaines de ses industries, dangereusement
vulnérables à la concurrence de leurs homologues étrangères bien plus
puissantes, peut avoir de désastreuses conséquences —sociales et économiques.
Les paysans pauvres des pays en développement ne pouvant évidemment pas
résister aux produits massivement subventionnés en provenance d’Europe et des
États-Unis, des emplois ont été systématiquement détruits avant que les secteurs
industriel et agricole nationaux aient pu engager une dynamique de croissance
forte et en créer de nouveaux. Pis : en exigeant que les pays en développement
suivent des politiques monétaires restrictives, le FMI leur a imposé des taux
d’intérêt qui auraient interdit toute création d’emploi même dans le contexte le
plus favorable. Et, comme le commerce a été libéralisé avant la mise en place de
filets de sécurité sociale, ceux qui ont perdu leur emploi ont été précipités dans
l’indigence.
Donc, trop souvent, la libéralisation n’a pas apporté la croissance promise mais
a accru la misère. Et même ceux qui ont conservé leur emploi se sont sentis
beaucoup moins en sécurité.
Aujourd’hui, ces institutions sont devenues des acteurs dominants de
l’économie mondiale. Les pays qui sollicitent leur aide, mais aussi ceux qui
recherchent leur « approbation » pour avoir une meilleure image sur les
marchés financiers internationaux, doivent suivre leurs prescriptions
économiques, lesquelles reflètent leur idéologie et leurs théories du libre marché.
PS: commentaires
Derrière le problème du F.M.I, de toutes les institutions économiques
internationales, il y en a un autre : celui de leur direction. Qui décide ce qu’elles
font? Elles sont dominées non seulement par les pays industriels les plus riches,
mais aussi par les intérêts commerciaux et financiers en leur sein.
Naturellement, leurs orientations reflètent cette situation. Le choix du plus haut
dirigeant illustre parfaitement ce qui pose problème dans ces institutions, et ce
choix a trop souvent contribué à leur dysfonctionnement.
[…]L’une des distinctions importantes entre l’idéologie et la science, c’est que la
science reconnaît les limites de ce que l’on sait : il y a toujours de l’incertitude.
Le FMI, lui, n’a jamais aimé discuter des incertitudes liées aux politiques qu’il
recommande. (J.Stiglitz, op.cit. p.297)
Alors que la quasi-totalité des activités du FMI et de la Banque mondiale (et
certainement l’ensemble de leurs prêts) s’exercent aujourd’hui dans le monde
en développement, ces institutions ont à leur tête des représentants du monde
industrialisé (par coutume ou accord tacite, le FMI est toujours dirigé par un
Européen, la Banque mondiale par un Américain). Les dirigeants sont choisis à
huis clos, et l’on n’a jamais jugé nécessaire de leur demander la moindre
expérience préalable du monde en développement. Les institutions
internationales ne sont donc pas représentatives des nations qu’elles servent.
J.STIGLITZ , La grande désillusion, Ed. Fayard, 2002. p.45.(LA PROMESSE DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES)
[…]S’il y a un mécontentement contre la mondialisation, c’est parce que,
manifestement, elle a mis non seulement l’économie au-dessus de tout, mais
aussi une vision particulière de l’économie —le fanatisme du marché —au-
dessus de toutes les autres. (Idem, p.286)
Mais cette petite phrase a continué à résonner plusieurs jours dans ma tête.
« Il est clair qu’on doit toujours payer ses dettes. »
Pourquoi la dette ? D’où vient l’étrange puissance de ce concept ? La dette des
consommateurs est le sang qui irrigue notre économie. Tous les États modernes
sont bâtis sur le déficit budgétaire. La dette est devenue le problème central de la
politique internationale. Mais nul ne semble savoir exactement ce qu’elle est, ni
comment la penser.
Les États endettés du Tiers-Monde sont presque exclusivement des pays qui, à un
moment ou à un autre, ont été agressés et occupés par des puissances européennes
– celles-là mêmes, souvent, à qui ils doivent aujourd’hui de l’argent.
La dette ne se résume pas à la justice du vainqueur ; elle peut aussi servir à punir
des vainqueurs qui n’auraient pas dû gagner. est l’histoire de la république d’Haïti,
premier pays pauvre à avoir été mis en péonage( Esclavage pour dettes )permanent
par la dette. Haïti a été fondé par d’anciens esclaves des plantations qui, avec force
déclarations sur l’universalité des droits et des libertés, avaient osé se révolter, puis
vaincre les armées de Napoléon venues rétablir l’esclavage.
(David Graeber, Dette 5000 ans d’histoire, Ed. Les Liens qui Libèrent,2013).Préface.
La France avait aussitôt déclaré que la nouvelle République lui
devait150 millions de francs de dommages et intérêts pour l’expropriation des
plantations et pour les coûts des expéditions militaires en déconfiture. Tous les
autres pays, États-Unis compris, étaient alors convenus de mettre Haïti sous
embargo jusqu’au remboursement de cette somme. Le montant était
délibérément impossible (environ 18 milliards de dollars actuels), et, avec
l’embargo qui en résulta, le mot « Haïti » est resté depuis cette époque un
synonyme permanent de dette, de pauvreté et de misère humaine2 […]
…C’était cette situation qui, dans les années 1980 et 1990, avait provoqué la
crise de la dette du Tiers Monde ; pour obtenir un refinancement, les pays
pauvres avaient alors dû se soumettre aux conditions imposées par le FMI :
supprimer tout « soutien aux prix » des denrées de base, voire renoncer à
maintenir des réserves alimentaires stratégiques, et mettre fin à la gratuité des
soins et de l’enseignement ; le résultat net avait été l’écroulement total des
mécanismes publics fondamentaux qui soutenaient certaines des populations les
plus pauvres et vulnérables de la Terre. J’ai évoqué la pauvreté, le pillage des
ressources publiques, l’effondrement des sociétés, la violence endémique, la
malnutrition, le désespoir, les vies brisées.
[…]J’aurais pu lui faire remarquer que nombre de ces pays pauvres avaient déjà
remboursé trois ou quatre fois la somme empruntée, mais que, par le miracle des
intérêts composés, leurs versements n’avaient toujours pas réduit sensiblement le
principal. Ou lui faire mesurer l’écart qui existe entre refinancer des prêts et
imposer à des pays, pour obtenir ce refinancement, une politique économique
libérale orthodoxe conçue à Washington ou à Zurich, que leurs citoyens n’avaient
jamais acceptée et n’accepteraient jamais.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que, même dans le cadre de la théorie économique
admise, l’énoncé « on doit toujours payer ses dettes » n’est pas vrai. ... Les
différends sur « qui doit vraiment quoi à qui »?( J.Stiglitz, op.cit. pp.50-58)?????
III)Repenser la dette: ( titre de Jared Bernstein. Alternatives économiques, 2012/3 n° 55 | pages 27 à 42 ):
Continuité de cercle vicieux ou répudiation?

[…]Un système où dominent quelques institutions (la Banque mondiale, le FMI,


l’OMC) et quelques acteurs (les ministères des Finances, de l’Industrie et du
Commerce, étroitement liés à certains intérêts économiques et financiers), mais
où beaucoup de ceux qui sont touchés par leurs décisions n’ont pratiquement
aucun droit à la parole. Il est temps de changer les règles qui régissent l’ordre
économique international, de penser moins à l’idéologie et davantage à ce qui se
montre efficace, de réexaminer comment les décisions sont prises au niveau
international —et dans l’intérêt de qui. Il faut que la croissance ait lieu. Il est
crucial que le développement réussi qui s’est produit en Asie orientale ait lieu
ailleurs, car l’instabilité mondiale chronique a un coût énorme. On peut
réorienter la mondialisation et, si on le fait, si on la gère de façon équitable et
adaptée, en donnant à tous les pays le droit de s’exprimer sur les mesures qui les
touchent, peut-être aidera-t-elle à créer une nouvelle économie mondiale où la
croissance sera plus durable et où ses fruits seront plus justement partagés.
(J. Stiglitz, op.cit, p.48)

Vous aimerez peut-être aussi