Vous êtes sur la page 1sur 23

Université sidi Mohamed Ben Abdallah

Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales

Fès

Cours de l’action administrative

S3

Droit français

Tronc commun

Fadma Toufik : Professeur en droit public

2022-2023
Introduction :

Le droit administratif est une branche de droit public interne qui régit
l’administration. Il constitue le prolongement du droit constitutionnel. M. Rivero
définit le droit administratif comme « l’ensemble des règles juridiques
dérogatoires au droit privé qui régissent l’activité administrative des personnes
publiques ».

Sur le plan juridique, l’administration obéit à une double signification, la


définition matérielle ou fonctionnelle et la définition organique : Dans le premier
cas, le terme administration signifie une activité, une tâche ou une fonction. Le
but de cette activité administrative est la satisfaction des besoins d’intérêt
général.

Dans le second cas, le mot Administration désigne une organisation, un


ensemble de personnels, d’agents et d’organes chargés d’exécuter l’activité
administrative. Exemple, X est entré à l’administration des finances.

Le concept de l’administration doit être précisé par rapport à l’action des


particuliers :

Le moteur de l’action de l’administration ou de l’action administrative est la


poursuite de l’intérêt général ou encore l’utilité publique ou, dans une
perspective philosophique, du bien commun. Alors que l’action des particuliers a
pour but la poursuite d’un avantage personnel. Il s’agit du profit matériel et de la
réussite humaine.

Toutefois, le but poursuivi et le bien de tous peuvent coïncider. Par


exemple, le boulanger assure la satisfaction du pain, fondamentale aux
Marocains, mais ce n’est pas le souci désintéressé de nourrir les affamés qui a
dicté sa vocation, c’est plutôt l’intention de gagner sa vie en vendant du pain.

A la différence des buts correspond une différence de moyens. D’ailleurs, la


complexité du droit administratif apparait au niveau du rapport
administration/administré :
L’administration possède des prérogatives ou des privilèges. Plus elle a
conscience de défendre l’intérêt général, plus, elle désire accroitre des moyens
dont elle s’arme pour le faire prévaloir. De ce fait, l’administration entretient des
relations inégalitaires avec les administrés, contrairement au droit privé qui est
essentiellement égalitaire.

Le droit administratif présente quelques traits fondamentaux :

-Le droit administratif est un droit autoritaire :

L’administration est une activité par laquelle les autorités publiques


pourvoient à la satisfaction des besoins d’intérêt général, en utilisant les
prérogatives de la puissance publique. C’est un droit d’inégalité ou de
commandement.

-Le droit administratif est un droit autonome :

Le principe est la soumission de l’administration à un droit particulier,


spécial, appelé droit administratif différent de celui qui régit les activités privées.
C’est par rapport au droit privé que l’autonomie du droit administratif a été
définie.

C’est le célèbre arrêt Blanco, rendu par le Tribunal des Conflits (TC) le 8
février 1873 qui avait fondé le principe de l’autonomie du droit administratif.

Cette autonomie apparait, aussi, au niveau de la juridiction compétente. Il


existe une juridiction administrative distincte de la juridiction judiciaire.

-Le droit administratif est un droit jurisprudentiel :

Le droit administratif est l’œuvre du juge. Celui-ci a élaboré ses grands


principes à partir des problèmes qui se sont posés.

A la jurisprudence s’ajoute d’autres sources du droit administratif qui sont


le règlement (article 72 de la constitution de 2011), la loi (article 6 de ladite
constitution), la coutume et la doctrine.

-Le droit administratif est en perpétuel changement :


Le droit administratif est un droit évolutif. Il s’adapte aux circonstances,
suite aux changements techniques, au développement des missions de
l’administration, aux besoins des Collectivités Territoriales et à la rapidité de
l’évolution de l’économie.

Actuellement, le droit administratif a gagné d’autres secteurs importants


pour la société. Il s’agit, entre autres, du droit public économique, du droit de
l’urbanisme, du droit de l’environnement, du droit de l’informatique, du droit de
la santé.

-Le droit administratif est d’inspiration Française :

Le Maroc d’avant 1912 était organisé selon les principes de l’Etat


musulman. De ce fait, les premiers principes du droit administratif Marocain
remontent notamment au protectorat (Traité de Fès du 30 mars 1912).

Ce protectorat avait opté pour la dualité du droit applicable et de l’unité de


la juridiction. Au lendemain de l’indépendance, le Maroc a créé une Cour
Suprême avec une Chambre Administrative en 1957.

Même si les ressemblances sont très grandes concernant les règles de fond
de l’activité de l’administration et nombreuses théories générales sont
transposables, l’organisation administrative est totalement différente sans
aucune transposition ou assimilation.

-Le droit administratif est un droit moderne :

Le droit administratif a pris forme, en France, au XIXème siècle, notamment


à partir de son dernier quart. Puisque il est de création récente, plusieurs de ses
notions fondamentales demeurent encore incertaines. Même au Maroc, la notion
de droit administratif est relativement récente.

-Le droit administratif est un droit ouvert :

Grâce aux technologies de l’information et de communication, les


expériences et les pratiques sont confrontées de façon permanente afin de
favoriser l’innovation dans le monde de l’administration et du droit.
L’ouverture du droit administratif résulte de la mondialisation qui favorise
la circulation des idées, des théories et des pratiques administratives et la
nécessité du respect des principes fondamentaux de l’Etat de droit par les
appareils administratifs.

Cette ouverture est, aussi, favorisée par la circulation des hommes, entre
autres les administrateurs, les étudiants, les magistrats et la rencontre de leurs
homologues à l’étranger.
1ère partie : Les modalités de l’action administrative
Dans son ouvrage précis de droit administratif de 1933, M. Hauriou avait
précisé que celui-ci repose sur deux bases essentielles, à savoir, le service public,
œuvre à réaliser par l’administration et la puissance publique qui en constitue le
moyen.

Dès lors, l’administration accomplit deux tâches essentielles de la vie de la


collectivité : La première activité a un caractère purement normatif, c’est la police
administrative ayant pour but la protection de l’ordre public. En revanche, la
seconde activité a pour but de fournir des prestations d’intérêt général. C’est le
service public.

Police administrative et service public présentent quelques différences :


D’abord des buts : l'ordre public visé par la police est plus étroit que l'intérêt
général recherché par le service public.

Ils sont, aussi, distincts dans leurs procédés : le procédé normal de la police
est la prescription dans la mesure où elle réglemente, voire interdit certains
particuliers pour maintenir l’ordre dans tous les secteurs de la vie sociale. Tandis
que le procédé du service public est la prestation.

Mais, dans certains cas, le procédé utilisé peut constituer, à la fois, une
réglementation et une prestation. Par exemple, le signal limitant la vitesse pour
les automobilistes à l'abord d'un virage dangereux constitue une interdiction,
mais aussi, fournit une prestation en signalant le danger imminent.

Contrairement à la plupart des services publics, le service de la police


administrative n’a pas besoin d’être crée. Il existe dès que l’Etat existe. Il est sa
première raison d’être et il ne peut pas, non plus, être supprimé. L’Etat a
l’obligation de le faire fonctionner.

De même que le service de la police administrative n’a pas d’usagers. Tous


les individus ont droit au fonctionnement de ce service.
Police et service public peuvent apparaître imbriqués dans le procédé
global de l'action de l'administration. La police administrative est une activité de
service public, mais spécifique dans le sens où les autorités de police, pour
assurer leur mission du maintien de l’ordre public, sont entourées d’une
organisation des agents publics qui en surveillent l’exécution.

Pour emprunter la formule de M. Picard, plusieurs « d’interférences »


peuvent exister entre la police administrative et le service public. Le régime de la
première peut coïncider avec le second.

La police administrative peut s’exercer sur les agents d’un service public en
matière, par exemple, de réglementation de l’exercice de droit de grève, qui
interrompe le fonctionnement du service public, laquelle est considérée comme
génératrice d’un trouble à l’ordre public.

Police et service public peuvent se rapprocher. La police peut être amenée


à rendre aux particuliers des services. Exemple, secours en cas de sinistres. De
même que le maintien de l’ordre peut être considéré comme entrant dans une
définition large de « mission de service public ».

La police administrative (chapitre1er) constitue la première modalité de


l’action administrative, à côté du service public (chapitre2ème).
Chapitre 1er- La police administrative

Etymologiquement, le terme « police » vient du terme latin Politicia, lui-


même issu du grec politeia qui désignait l’administration de la cité « polis ».

La police administrative « peut être envisagée comme l’activité de


l’administration consistant à fixer les différentes règles que doivent respecter les
individus afin que l’exercice de leur liberté ne nuise pas à l’harmonie de la vie
collective, ni à la liberté d’autrui ».

La police administrative (Section 1ère) mérite d’être éclairée avant de déceler


ses composantes (Section 2ème).
Section 1ère - L’identification de la police administrative

La police administrative s’identifie, aussi bien, par ses critères (§1) que par
ses éléments traditionnels et modernes (§2).

§1-Les critères de la police administrative

La police administrative obéit à deux acceptions différentes : un sens


organique (A) et un sens matériel (B).

A- Le sens organique de la police administrative

La police est l’ensemble de personnels chargés du maintien de l’ordre


public (la gendarmerie, les policiers…). Elle désigne, aussi, des autorités
administratives dotées de compétences de police, c'est-à-dire du pouvoir
d’édicter des règles contraignantes que doivent respecter les administrés.

Les personnels de police sont chargés de l’exécution des mesures adoptées


par ces autorités de police.

B- Le sens matériel de la police administrative

Au sens matériel du terme, la police reçoit plusieurs qualifications : La


principale distinction est celle qui oppose la police administrative à la police
judiciaire. La première est essentiellement préventive, alors que la seconde est
répressive.

En effet, la police administrative intervient à titre préventif pour empêcher


les troubles à l’ordre public. Par exemple, le président du conseil communal
édicte à l'avance les mesures de police administrative pour éviter que l'ordre
public soit troublé dans les lieux publics, que la circulation ou le stationnement
des automobilistes portent atteinte à la sécurité et à la tranquillité publique

La police judiciaire, quant à elle, intervient, a posteriori, pour préparer la


répression des auteurs d’infractions, en identifiant les coupables et en
rassemblant les éléments de preuve afin de permettre l’action de la juridiction
pénale.

La direction et le contentieux de la police judiciaire relèvent de l'autorité


judiciaire. Alors que l'administration et le juge administratif n'ont de pouvoirs que
sur la police administrative (le contrôle routier constitue un acte de police
administrative visant à éviter une atteinte à l'ordre public telle que l'alcoolémie).

Même si l’action de la police administrative est essentiellement préventive,


elle peut avoir un aspect répressif. Exemple, la dispersion d’une manifestation.
Par ailleurs, une distinction peut être faite entre la police administrative
générale et la police administrative spéciale : La première a un champ
d’intervention diversifié. Tandis que la seconde est instituée par une loi
particulière et repose sur un texte qui précise son objet et son but. Exemple, la
police de la chasse.

La police administrative est le domaine d'élection des mesures autoritaires


caractéristiques de la puissance publique. Il est « interdit » à l'autorité de police
d'utiliser une technique d'ordre contractuel dans la mesure où ses compétences
sont par nature inaliénables. D’ailleurs, le procédé contractuel est, par nature,
antinomique au but poursuivi par la police car il crée des obligations réciproques
entre les parties.
En cas d’opérations de police mixtes, le juge peut se référer à la nature
juridique de l’opération qui se trouve « essentiellement » à l’origine du préjudice
dont le requérant demande la réparation (Le TC 12 juin 1978, société le Profil).

L’ordre public recouvre traditionnellement trois composantes, à savoir, la


sécurité publique, la tranquillité publique et la salubrité publique.

§2- La trilogie traditionnelle de l’ordre public

La police administrative est définie par référence à l'ordre public. Celui-ci


constitue le pivot sur lequel repose la police administrative et sans lequel, elle
n'aurait aucune raison d’être.

"L'ordre suggère l'idée de commandement ou d'ordonnancement…


l'adjonction du caractère "public" indique la primauté de l'intérêt général sur les
intérêts particuliers".

L'une des caractéristiques principales de la règle d'ordre public est son effet
d'éviction. La doctrine souligne que l'ordre public ne se confond pas avec l'intérêt
général. Le premier est un démembrement ou une sectorisation du second, alors
que la notion plus étendue de l’intérêt général englobe la finalité des activités
administratives.

L’article 100 de la loi organique 113-14 relative aux communes réduit l'ordre
public au triptyque la sécurité (A), la tranquillité (B) et la salubrité publiques (C).

A- La sécurité publique

La sécurité publique ou la sureté sont deux expressions synonymes et tirent


leur origine d'une même racine latine. Elles consistent à réduire les conséquences
des accidents et des fléaux humains et naturels, incendies…. La sécurité est en
principe celle des autres usagers de la route.
B- La tranquillité publique

La tranquillité ou le bon ordre signifient l'absence de désordre matériel. La


tranquillité se rattache au maintien de l’ordre dans la rue, dans les lieux publics, la
lutte contre le bruit. Exemple, le déroulement de manifestation sur la voie
publique, les tapages nocturnes…

C- La salubrité publique

Le terme salubrité signifie selon le Robert « caractère de ce qui est favorable


à la santé des hommes, état d'un groupe social, caractérisé par l'absence de
maladies endémiques, contagieuses, ensembles des mesures nécessaires pour
obtenir et préserver cet état ».

Au sens large, la jurisprudence a reconnu l’existence d’autres composantes


nécessaire à l'harmonie de la société.

Section 2- Les composantes modernes de l’ordre public


L’ordre public évolue avec le temps et avec les mœurs et s’adapte
notamment aux évolutions technologiques. C’est ce que M. Chapus appelle la
variabilité « des exigences du maintien de l’ordre public ».

La jurisprudence Française a admis, parmi les composantes de l’ordre public,


des préoccupations étrangères à la sécurité, à la tranquillité et à la salubrité
publiques. Il s’agit de la moralité publique (§1), du respect de la dignité humaine
(§2), de l’esthétique (§3) et de la protection des individus contre eux-mêmes
(§4).
§1- La moralité publique

La moralité publique constitue un prolongement de la protection de la


tranquillité dans la mesure où elle prévient de purs troubles de conscience.

C’est le cinéma qui avait donné au juge administratif l’occasion de


consacrer le rôle de la moralité publique comme composante à part entière de
l’ordre public avec l’arrêt du CE, société « Les films Lutetia » du 18 décembre
1959.

Ce film a érigé pour la première fois la moralité publique au rang de la


quatrième composante de l’ordre public, « à raison de son caractère immoral, il
est préjudiciable à l’ordre public ».

Dès lors, cette interdiction du film peut être justifiée par les troubles
sérieux à l’ordre, matériel et extérieur pouvant provoquer, par exemple, des
manifestations par le trouble de conscience risquant de choquer les habitants par
cette immoralité.

§2-Le respect de la dignité de la personne humaine

Le respect de la dignité de la personne humaine constitue l’une des


composantes essentielles de la moralité publique. Cette composante de l’ordre
public général avait surgi à l’occasion de l’interdiction, de certains maires de la
pratique du « lancer de nain » (CE du 27 octobre 1995, Commune de Morsang-
sur-Orge).

De même que le CE, par une ordonnance du 5 janvier 2007, a refusé de


suspendre un arrêté de la préfecture de police de Paris interdisant la tenue de
« soupes au cochon » pour des motifs tenant à la dignité humaine.

En effet, une association « solidarité des français » avait pratiqué une


charité sélective tout en organisant des soupes populaires. Cette soupe au
cochon était interdite par le préfet de police de Paris parce qu’elle porte atteinte
à la dignité des personnes privées de secours (éloigner les sans-abri de confession
musulmane) et de causer des troubles à l’ordre public (les risques de réaction de
ces personnes).

Dans le même sens, certains arrêts municipaux dits « de couvre-feu des


mineurs » interdisent la circulation nocturne des mineurs de moins de 13 ans
dans certains quartiers.

C’est ainsi que le CE avait jugé, dans son ordonnance du 9 juillet 2001,
préfet de Loiret, que la protection d’un public particulier que constituent les
mineurs concerne leur intégrité physique puisqu’ils sont exposés au risque
d’agression nocturne et d’acte de violence dans les quartiers de forte
délinquance.

§3- La sauvegarde de l’esthétique

La sauvegarde de l’esthétique peut être considérée comme une


composante de l’ordre public général. La protection du beau constitue un but de
police au même titre que la sécurité ou la tranquillité.

Quelques décisions anciennes sont rendues en matière de police


municipale, mentionnant d'une manière expresse l’esthétique comme fondement
légitime d'une mesure de police.

L’Assemblée du Conseil d’Etat du 3 juin 1938, Société des usines de


Renault, confirmée le 14 mars 1941, Compagnie nouvelles des chalets de
commodité, avait considéré que le maire pouvait, dans le cadre de la police de
municipalité, réglementer l’affichage d’enseignes dans sa commune, dans
l’intérêt de l’esthétique.

Depuis cette date, le législateur a décliné l’objectif de sauvegarder


l’esthétique en plusieurs polices administratives spéciales, comme la police de la
protection des monuments historiques, la police de l’urbanisme…

§4-la protection des individus contre eux-mêmes

La protection des individus contre eux-mêmes peut être considérée comme


une composante de l’ordre public. Dans ce sens, la police administrative générale
peut encadrer ou interdire des activités humaines qui n’ont de conséquences
nuisibles que pour ceux qui la pratiquent.

En effet, le port de casque pour un motard et le fait de boucler sa ceinture


par un automobiliste ne sont pas à l’origine d’un trouble à l’ordre public, c’est-à-
dire ne menacent, en aucune façon, la sécurité des autres usagers de la route.
Section2- La distinction entre la police générale et la
police spéciale
La police générale et la police spéciale (§1), dont disposent certaines
autorités compétentes (§2) se distinguent. Seulement, les exigences de l’ordre
public varient dans le régime d’exception (§3).
§1- Le diptyque police générale et police spéciale

Même si la police administrative forme un tout homogène, il existe une


diversité de polices générale et spéciale : La première a pour objet le maintien de
l'ordre public au sens large (A). La seconde, quant à elle, vise un ordre public
spécial et soumise à un régime juridique distinct (B).

A- La police administrative générale


La police administrative générale peut être présentée comme une police
de « droit commun ». Celle-ci doit disposer des moyens de contrainte afin
d’imposer aux administrés les mesures nécessaires au rétablissement de l’ordre
public.

La police générale s’exerce par certains procédés, à savoir, la


réglementation, les décisions individuelles, des procédés matériels et la
coercition :

Les actes de réglementation de la police :

Au Maroc comme en France, l’acte réglementaire est « la mesure de police


par excellence ». Il permet aux autorités de police de fixer à l’avance, par des
dispositions générales et impersonnelles, les limites aux libertés des individus au
nom de l’ordre public qui sont pénalement sanctionnées.

L’acte réglementaire de police peut être porteur d’une interdiction.


Exemple, interdiction de fumer dans les espaces publics. (Loi n° 15-91 relative à
l’interdiction de fumer et de faire la publicité et de la propagande en faveur du
tabac dans certains lieux du 29 avril 1991).

De même que l’acte réglementaire de police peut encadrer une activité, en


imposant des limites des règles de sécurité et des horaires. Exemple, la détention
du permis de conduire, les limitations de vitesse, des feux de signalisation…

Les décisions individuelles :

Les autorités de police peuvent agir par la voie d’actes individuels. Ces
décisions individuelles sont variées :

En effet, pour l’exercice de certaines activités présentant un danger pour la


sécurité, la tranquillité ou la salubrité publiques, les autorités de police délivrent
des autorisations exigées par la loi.

Ces autorisations obéissent à un régime particulier dans le cadre d’une


police administrative spéciale, qui les distingue des autres décisions
administratives favorables. Par exemple, dans le cadre des foires, des cafés, des
activités commerciales, artisanales et industrielles…

Les autorités de police peuvent décider, aussi, par des actes individuels,
d’interdire ou d’imposer des limites à certaines activités. Mais, cette décision
individuelle d’interdiction peut être fondée sur une réglementation préexistante
ou sur une loi instituant une loi spéciale. Exemple, l’interdiction d’une
manifestation ou d’une réunion.

En revanche, cette décision d’interdiction peut être prise en dehors d’un


fondement textuel, lorsque l’ordre public l’exige. Exemple, l’interdiction de la
diffusion d’un film cinématographique ou lorsqu’une autorité de police impose
une heure maximale de fermeture à un café, destruction d’un immeuble
menaçant ruine…
Les procédés matériels de la police administrative :

La police administrative ne se limite pas à l’édiction d’actes juridiques. Sa


mission comprend, également, la réalisation d’un certain nombre d’opérations
matérielles très variées pour faire face à des situations de danger.

Ces opérations matérielles peuvent consister à des injonctions. Exemple, les


ordres aux manifestants de se disperser.

L’autorité de police peut empêcher par des mesures matérielles adéquates,


par exemple, la divagation d’animaux malfaisants tels que les chiens errants. elle
peut prendre, aussi, des mesures appropriées pour assurer la sécurité des
baigneurs sur une plage en instituant une zone spéciale de surveillance des bains
et en enlevant les objets décelables susceptibles de blesser les baigneurs et
réquisitionner les moyens humains et matériels nécessaires à l’accomplissement
de sa mission.

La coercition :

L’autorité de police peut mettre en œuvre la force matérielle pour prévenir


un désordre. Cette exécution forcée trouve son champ d’application en matière
de police.

C’est ainsi que l’article 107 de la loi organique 113-14 relative aux
communes précise que « le président du conseil se charge d’office de l’exécution
de toutes les mesures susceptibles d’assurer la sûreté des passages, la
tranquillité, la préservation de l’hygiène publiques…». Pour assurer le respect de
ses arrêtés et des délibérations du conseil, le président peut demander au
gouverneur de la préfecture ou de la province ou son représentant de requérir
l’usage de la force publique (Article 108 de la loi organique 113-14 précitée).

B- La police administrative spéciale


"La police spéciale est une police d'exception qui n'a pour objet qu'un
compartiment de l'ordre public". Elle intervient dans des matières autres que la
sûreté, la tranquillité et la salubrité. L'autorité de police agit à l'égard d'une
activité déterminée, le plus souvent, pour atteindre un objectif particulier.

Par exemple, la police de la chasse s’exerce en vue de prévenir la


destruction ou favoriser le repeuplement de toutes les espèces du gibier (Dahir du
15 juin 2006 sur la police de la chasse).

Les polices spéciales se différencient des polices générales à un triple point


de vue : les autorités qui en sont titulaires, le régime juridique auquel elles
obéissent et le but en vue duquel elles s’exercent :

La police administrative est dite spéciale car elle est confiée à une autorité
administrative ne disposant pas de compétence de police administrative générale.

La police administrative est dite, aussi, spéciale parce qu’elle obéit à un


régime juridique distinct de celui de la police générale. La première est une
activité matérielle de l’administration qui tend à protéger un ordre social stricto
sensu.

Les polices spéciales peuvent se voir confier des textes qui les instituent des
buts extrêmement divers qui excèdent l’ordre public général. Elles n’ont pas de
régime commun : chacune est régie par le texte qui la fonde.

Toutefois, la police spéciale peut constituer un renforcement de la police


générale dans un domaine considéré. Exemple, la police des édifices menaçant
ruine protège la sécurité publique.

Ces deux polices sont exercées, aussi bien, par les autorités de police
administrative générale que spéciale.

§2- Les autorités compétentes en matière de police administrative


générale et spéciale
La détermination des autorités de police administrative spéciale ne pose en
principe aucune difficulté, dans la mesure où les textes qui les instituent
désignent l’autorité ou les autorités compétentes pour l’exercer. Exemple, la
police des carrières (loi du 9 juin 2015), la police de l’environnement organisée
par le décret du 19 mai 2015 (loi cadre 99-12 du 6 mars 2014 portant charte de
l’environnement)…

Au Maroc, la police générale se présente sous forme de deux ensembles,


l'un au niveau national (A), l'autre au niveau local (B). Mais, il arrive que des
conflits surgissent suite à la diversité des décisions qu’elles ont prises. Ce sont les
concours des pouvoirs de police (C).

A- Les autorités compétentes au niveau national

Le pouvoir de police administrative générale appartient au chef du


gouvernement du fait que le pouvoir réglementaire lui est expressément attribué
par l’article 90 de la constitution de 2011.

Mais, le chef du gouvernement peut déléguer certains de ses pouvoirs aux


ministres. Ceux-ci sont éventuellement habilités à intervenir en matière de police.

L’article 89 dispose, aussi, que le gouvernement exerce le pouvoir exécutif


sous l’autorité du chef du gouvernement et assure l’exécution des lois. Il lui
appartient de faire respecter l’ordre public sur l’ensemble du territoire national.

Le ministre de l’intérieur n’est pas une autorité de police. Etant le supérieur


hiérarchique de l’ensemble de ces autorités, il peut donner des directives guidant
leur intervention (la Direction Générale de la Sureté Nationale est une direction
rattachée au Ministère de l’intérieur).

B- Les autorités de police compétentes sur le plan local

Au niveau local, les autorités compétentes en matière de police sont les


agents d’autorité et les assemblées délibérantes des collectivités territoriales.
-Les attributions des agents d’autorités en matière de police administrative :

D’après l’article 145 de la constitution de 2011, les walis de région et les


gouverneurs des provinces et des préfectures représentent le pouvoir central
dans les collectivités territoriales. Ils sont titulaires des pouvoirs de police
administrative.

De même que l'article 3 du Dahir du 15-02-1977 relatif aux attributions du


gouverneur dispose que « le gouverneur est chargé du maintien de l'ordre public
dans la préfecture ou la province… ».

De même que les pachas, les caïds et les gouverneurs dans les municipalités
chef-lieu de la province et de la préfecture sont investis des pouvoirs de polices
en vertu du Dahir du 23 juin 1960.

De son côté, l'article 31 du Dahir du 1er mars 1963 portant statut des
administrateurs du Ministère de l'Intérieur confie aux chefs de cercle le maintien
de l'ordre, la sécurité et la tranquillité publiques dans leur ressort territorial…

L’article 110 de la loi organique 113-14 de 2015 relative aux communes


dispose que « le président du conseil communal exerce les compétences de la
police administrative communale, à l'exception de certaines matières qui sont
dévolues au gouverneur de la préfecture ou de la province ou son intérimaire.

Selon l’article 111 de ladite loi organique 113-14, le gouverneur de la


préfecture de Rabat exerce les pouvoirs de la police dans un certain nombre de
domaines dans un ressort territorial déterminé par décret pris sur proposition du
ministre de l’intérieur.

De même que les attributions attribuées par les présidents des conseils
communaux sont exercées par le pacha dans les communes de Méchouar (article
113 de la loi organique relative aux communes).
-Les attributions des assemblées délibérantes des Collectivités Territoriales en
matière de police administrative :

L’article 140 de la constitution de 2011 affirme que « …Les régions et les


autres Collectivités Territoriales disposent, dans leurs domaines de compétences
respectifs et dans leur ressort territorial, d’un pouvoir réglementaire pour
l’exercice de leurs attributions ».

Au niveau des régions :

L’article 102 de la loi organique 111-14 relative aux régions dispose que
« …le président du conseil de la région exerce, après délibérations du conseil, le
pouvoir réglementaire à travers des arrêtés publiés dans le Bulletin officiel des
Collectivités Territoriales…». De ce fait, ce conseil dispose des attributions en
matière de la police administrative

Au niveau des provinces et des préfectures :

Le président du conseil de la préfecture ou de la province est doté du


pouvoir de police administrative en vertu de l’article 96 de la loi organique 112-14
relative aux provinces et aux préfectures. Celui-ci exerce, après délibération du
conseil, le pouvoir réglementaire à travers des arrêtés publiés au Bulletin Officiel
des Collectivités Territoriales.

Au niveau des communes :

L’article 95 de la loi organique 113-14 relative aux communes précise que


« …le président du conseil de la commune exerce, après délibérations du conseil,
le pouvoir réglementaire à travers des arrêtés publiés dans le Bulletin officiel des
Collectivités Territoriales… ».

A l’exception des matières dévolues au gouverneur de la préfecture ou de


la province, le président du conseil de la commune exerce, également, en vertu
de l’article 100 de ladite loi organique, la police administrative, par voie d'arrêtés
réglementaires et de mesures de police individuelles, portant autorisation,
injonction ou interdiction, dans les domaines de l'hygiène, la salubrité, la
tranquillité publique et la sûreté des passages.

En outre, l’article 101 de cette loi organique 113-14 ajoute que « le


président du conseil de la commune exerce la police administrative dans le
domaine de l'urbanisme, exemple la délivrance des autorisations de construction,
de lotissement, de morcellement, de création des groupements d'habitations et
des permis d'habiter.

Le président du conseil d’arrondissement peut présenter des propositions


sur toutes les questions intéressant l’arrondissement, entre autres, les mesures à
prendre pour préserver l’hygiène et la salubrité publiques, les dénominations des
voies et places publiques… », (Article 235 de la loi organique 113-14 précitée
relative aux communes).

L’article 236 de la loi organique 113-14 précitée relative aux communes


ajoute que « le président du conseil d'arrondissement exerce, également, des
attributions de police administrative, à l’intérieur des limites de l’arrondissement.
Exemple, la réception des déclarations relatives à l'exercice des activités
commerciales et artisanales non réglementées.

De même que le président d'arrondissement exerce certaines attributions


relatives aux mesures individuelles de police administrative, qui lui ont été
déléguées par le président du conseil de la commune.

Le président du conseil d'arrondissement, ou ses vice- présidents sur


délégation du président, sont compétents, dans le ressort territorial de
l'arrondissement, en matière… d'octroi des permis de construire, des permis
d'habiter et des certificats de conformité concernant les petits projets prévus
dans le règlement général de construction (Article 237 de ladite loi organique
113-14 précitée).
C- Le concours des pouvoirs de police

S’agissant des autorités de police générale, elles exercent dans des


circonscriptions géographiques différentes : territoire national, provinces et
préfectures, cercles et communes. Ces pouvoirs relèvent des autorités
hiérarchisées.

En effet, le chef du gouvernement est seul juge des impératifs de l’ordre


public sur l’ensemble du territoire national, mais, cela ne peut pas être suffisant
pour assurer cet ordre.

Dans ce sens, l’autorité locale de police dispose de la liberté d’accroitre les


prescriptions de police pour faire face aux exigences particulières de l’ordre public
dans la circonscription. Exemple, la réglementation de la circulation localement
plus sévère.

En ce qui concerne le concours des autorités de police spéciale, le principe


est le même que celui qui permet de résoudre les difficultés nées du concours des
autorités de police générale.

En effet, certaines interférences peuvent naître dans certains cas, tels que
celui de la police des monuments historiques et des sites, de la police de
l’urbanisme et de l’hygiène.

Par ailleurs, même si les textes attribuent des compétences à des autorités
de police spéciale expressément désignés, les autorités de police générale ne
peuvent, en aucun cas, exercer leur compétence. Exemple, elles ne peuvent pas
agir dans le domaine des chemins de fer attribué au ministre chargé des
transports.

Certes, Il peut y avoir concours des autorités de police générale et des


autorités de police spéciale notamment lorsqu’il est question de compromettre
l’ordre public.
En effet, un film dont le visa est accordé par l’autorité compétente en
matière de police cinématographique permet son exploitation sur l’ensemble du
territoire national. Mais, sa projection peut être interdite par le gouverneur s’il
est de nature à porter atteinte à l’ordre public.

§3-Les régimes exceptionnels en matière de police

Le Roi peut exercer en vertu de l’article 42, alinéa 3 des compétences dans
le domaine de la police. Il peut exercer ce pouvoir, soit par le biais de la
présidence du conseil des ministres ou à travers la mise en œuvre de l'état
d'exception en vertu de l'article 59 de la constitution précitée de 2011 (la théorie
des pouvoirs exceptionnels).

Dans le même sens, l’état de siège peut être déclaré par Dahir contresigné
par le chef du gouvernement pour une durée de 30 jours prorogée par la loi. Le
but est le transfert aux autorités militaires des pouvoirs détenus par les autorités
civiles en matière du maintien de l’ordre public et de la paix publics.

Ce sont les juridictions militaires qui sont compétentes pour juger les
auteurs d’infractions contre la sureté intérieure et extérieure de l’Etat ou qui
mettent en péril la défense nationale (loi du 10 décembre 2014).

De même que les autorités militaires reçoivent compétence pour opérer


des perquisitions, de jour comme de nuit, pour ordonner la remise des armes et
les rechercher, saisir les publications ou interdire les réunions qui sont de nature à
causer les désordres.
Force est de constater que la police administrative s’exerce par voie de
prescriptions, alors que la seconde modalité de l’action administrative qui est le
service public prend la forme de gestion.

Vous aimerez peut-être aussi