Vous êtes sur la page 1sur 276

UNIVERSITE OFFICIELLE DE BUKAVU

FACULTE DE DROIT

DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Prof. CIFENDE KACIKO Moïse

Année académique 2016 – 2017

Introduction générale

Aucune société ne saurait subsister sans un minimum de règles régissant les rapports

1
entre ses membres ; Ubi societas ibi ius. La famille des nations ne saurait faire exception
à cette règle élémentaire. Elle est régie par un corps de règles juridiques connue sous le
vocable droit international public ou, pour reprendre le concept classique forgé par
Grotius, droit des gens.

Définition et caractéristiques du droit international

Le droit international public est l’ensemble de règles juridiques prescriptives,


prohibitives ou permissives régissant les relations internationales. Appelés jadis Droit
des gens, concept dont la paternité revient à Vitoria, ces règles sont généralement
connues aujourd’hui sous l’appellation moderne de Droit international public que l’on
doit à l’internationaliste français X. Celui-ci renferme les règles qui s’appliquent à la
société internationale c’est-à-dire principalement aux Etats et aux organisations
internationales et dans une certaine mesure aux individus dans leurs rapports avec les
Etats. Ce qui marque déjà une évolution.

En effet, le doit des gens a longtemps été considéré comme régissant les rapports entre
les Etats uniquement. Aussi Emmanuel Kant a-t-il écrit, dans sa Doctrine du droit, que
le droit des gens n’est autre chose que « le droit des Etats dans leurs rapports
réciproques ». Mais ceux-ci ne sont plus les seuls sujets du droit international moderne.
Le besoin d’atteindre certains buts d’intérêt commun les a poussé à s’associer et de
mettre sur pied de nouvelles entités jouissant d’une personnalité juridique autonome, à
savoir les organisations internationales. Celles-ci bénéficient donc d’une personnalité
propre au sein de l’ordre juridique international. Bien plus, à travers les instruments
juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme les Etats ont consacré des droits
au bénéfice des individus mais aussi ont institué des mécanismes institutionnels de
sauvegarde desdits droits auxquels les individus peuvent faire recours pour faire valoir
leur droits lorsqu’ils sont violés par les Etats. Le Comité des droits de l’homme des
Nations Unies, les commissions et les cours régionales des droits de l’homme accessibles
aux particuliers après épuisement des voies de recours internes en sont des illustrations
incontestables. De même, ils ont défini des crimes internationaux dont la commission
entraîne la responsabilité pénale individuelle et la sanction de leur auteur devant les
juridictions nationales (exerçant des compétences internationales) ou internationales
tels les tribunaux internationaux ad hoc, les tribunaux mixtes et aujourd’hui la Cour
pénale internationale, une juridiction permanente.

Si ces innovations atténuent le caractère strictement interétatique de droit international,


elles n’en altèrent toutefois pas fondamentalement les traits. En effet, dans le jardin
secret des organisations internationales, dans les méandres des systèmes internationaux
de protection des droits de l’homme et dans l’irrésistible ascension du droit international
pénal, l’Etat est toujours là. Il est l’auteur principalement du droit international régissant
toutes ces matières et le garant de sa mise en œuvre. Il est l’alpha et l’omega du droit
international.

On comprend sans peine, le particularisme ou le caractère réfractaire du droit


international : un droit qui régit essentiellement les rapports entre sujets égaux,
indépendants et souverains ; les Etats.

2
Morphologie de la société internationale : société statocentrique et
décentralisée

Il découle de ce qui précède que même concurrencés par les multiples sujets et acteurs
qui s’agitent aujourd’hui sur la scène internationale à savoir les organisations
internationales, les individus, les sociétés multinationales, les associations et ONG
internationales militant pour des causes particulières ou générales, les Etats demeurent
les sujets primaires ou fondamentaux du droit international dont ils sont à la fois
créateurs, destinataires et principaux agents d’exécution. Or, en dépit des disparités de
puissance et de développement effectives existant entre les Etats, chacun d’eux possède
du point de vue juridique ou formel une souveraineté égale à celle de ses paires, les
autres Etats. On ne le dira jamais assez, les Etats sont souverains, égaux et
indépendants, ce qui dicte la physionomie particulière de la société internationale et du
droit qui la régit.

La société internationale est une « communauté » hétérogène, décentralisée,


conflictuelle mais marquée par une volonté de créer des solidarités. Elle est hétérogène
du fait de la multitude d

Caractéristiques de l’ordre juridique international

Naissance et évolution historique du droit international : de l’anarchie à l’idée d’une


« communauté » régie par le droit. Les doctrines du droit international

Naissante et évolution historique du droit international : de l’anarchie à l’idée d’une


« communauté » régie par le droit. Les doctrines du droit international

Sur l’existence et la spécificité du droit international par rapport au droit interne

Ce n’est en principe pas dans un cours de droit international qu’il convient de discuter de
l’existence de celui-ci. C’est un postulat qu’il existe. Toutefois, des doctrines n’ont pas
manqué qui ont nié son existence oubliant probablement les fonctions et la structure
propres de ce droit et la morphologie de la société ou des sujets qu’il a pour fonction de
régir les rapports.

Le courant négateur du droit international qui puise ses origines dans les idées de
Hobbes et de Spinoza, a eu son heure de gloire. Il défendait que la société internationale
ne saurait être régie par le droit (donc le droit international n’existe pas) dès lors qu’il
n’existe pas d’autorité ou d’organes supérieures aux Etats. Partant d’une conception
générale du droit, cette doctrine a en effet relevé que la société internationale est
dépourvue d’un législateur appelé à édicter les règles de droit international, d‘un juge

3
appelé à trancher les différends relatif à son application et d’un gendarme qui
sanctionne au besoin par la contrainte matérielle ses violations et conclu à l’inexistence
de ce droit. La persistance des guerres en dépit de la consécration du principe de non
recours à la force et les fréquentes violations du droit international alimentent encore
aujourd’hui les doutes sur sa nature juridique, c’est-à-dire sur son existence en tant que
corps de règles obligatoires. A vrai dire on ne saurait sérieusement contester l’existence
du droit international. La discussion est, au moins pour nous, dénuée d’intérêt. La
preuve est qu’il fait l’objet du présent enseignement. Le droit international existe bel et
bien mais il est « un droit autre », un droit sui generis, aussi bien en ce qui concerne
l’élaboration des règles que leur application, ou, plus exactement, il présente à ces deux
points de vue des caractères qui s’ils ne sont pas connus en droit interne, n’y ont pas la
même intensité ou ne s’y produisent pas avec la même fréquence statistique 1. A dire vrai,
le droit international évolue selon sa logique propre et trouve dans la notion de
souveraineté des sujets dont il a pour objet d’ordonner les conduites un facteur essentiel
de différentiation.2

Particularité du droit international quant à l’édiction des normes. Certes il


n’existe pas en droit des gens d’organes spécialisé dans l’édiction des normes. Mais,
comme dans tout ordre juridique, les normes internationales ont l’objet d’un processus
formel d’élaboration dans lequel interviennent au premier chef les Etats, à la fois auteurs
et destinataires principaux de ces règles. C’est le « dédoublement fonctionnel » de l’Etat,
palliatif imparfait à la « carence institutionnelle, du droit international, pour reprendre
l’expression de Geogres Scelle. Cela n’est pas la marque déposée du droit international,
en droit interne aussi les parties à un contrat en sont les auteurs et les destinataires. Par
ailleurs, l’absence d’un législateur institué ne remet pas nécessairement en cause
l’existence du droit ; le droit coutumier qui par nature procède directement du group
social et reconnu par lui est connu de tous les systèmes juridiques.

Particularité quant à la sanction. Les négateurs développent ici deux types


d’arguments qui, s’ils véhiculent une part de vérité, manquent toutes deux de
pertinence. Pour les uns l’inexistence du droit international tiendrait à l’absence de
mécanismes répressifs dans la sphère international ; pour les autres, elle découlerait, au
contraire, du fait que les relations internationales ne connaissent que la loi du plus fort
et sont exclusivement fondées sur des rapports de puissances.
Sur la fréquence des violations et l’inexistence de la sanction. Il n’est aucun ordre
juridique qui ait empêché que ses prescrits fussent violés ; à plus forte raison s’il
s’adresse, comme le droit des gens, aux sujets égaux et souverains. La société
internationale traditionnelle comme contemporaine organise un système de sanction
taillée à sa mesure. A la décentralisation normative de la société internationale
traditionnelle correspondant la décentralisation de la sanction. Le respect du droit y
était assuré par les Etats eux-mêmes au moyen des représailles et de la guerre (ultima
ratio). Kelsen disait à ce propos qu’en recourant aux représailles ou à la guerre les Etats
agissaient par délégation de l’ordre juridique international. La société internationale a
radicalement changé. La guerre a été mise hors la loi par la consécration du principe de
1
NGUYEN QUOC DINH, P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ, 2002, p. 85.
2
J. COMBACAU, « Le droit international, bric-à-brac ou système ? », Archives de philosophie du droit 1986, pp.
85-105.

4
non recours à la force qui, en droit positif, ne connaît que deux exceptions ; l’exercice de
la légitime défense individuelle ou collective en cas d’agression et dans le cadre de la
sécurité collective centralisé par l’ONU conformément à la Charte. Le droit des gens a
substitué au droit individuel de faire la guerre des mécanismes proprement collectives
appelés à garantir l’ordre social international. Ainsi la limitation du recours à la force
dans les relations internationales interdit, en principe, à l’Etat de se faire justice lui-
même ; et parallèlement la société internationale a promu un système cohérent de
sécurité collective, centralisé autour des Nations Unies, qui bénéficie, en principe, du
quasi-monopole de la compétence de recourir à la contrainte – fût-ce par le moyen des
forces militaires mises à sa disposition par les Etat.

En outre, si la société internationale pratique relativement peu la sanction-répression, la


sanction « sociale » que l’on rencontre dans tout corps social, et qui consiste dans la
réprobation, la condamnation par les pairs ou par l’opinion publique est fort usité dans
la pratique internationale et son impact sur le rétablissement de l’ordre social n’est pas à
négliger.

En ce qui concerne le primat de la force, il faut admettre que les rapports de force
constituent l’élément dominant de la vie internationale. Bien qu’elle soit renforcée dans
l’ordre juridique international la critique se retrouve dans tout système juridique. Les
auteurs marxistes ont montré que le droit est le reflet de rapports de force. En droit des
gens comme en droit interne, la traduction de l’équilibre existant, à un moment donné,
entre les forces en présence. L’un des défis du droit international est de faire en ce que ce
qui est fort soit juste et ce qui est juste soit fort ; c’est la voie de la réduction de l’anarchie
et de la réalisation des buts communs.

La sanction relève de l’efficacité du droit et non de son existence.

Particularité quant au contrôle juridictionnel du droit, la soumission au juge. Le


caractère consensuel de l’intervention du juge est de principe. L’Etat ne saurait être
soumis à une juridiction internationale sans son consentement, quel qu’en soit le mode
d’expression. Certains Etats ont été traditionnellement opposés à une intervention du
juge et d’autres procédés, tels les réserves, limitent encore cette éventualité.

La double fonctions du doit international : Réduire l’anarchie inhérente à une société


composée de sujets souverains et égaux et satisfaire les intérêts communs de tels sujets

Comme l’a rappelé la CPJI, le droit international qui implique la soumission de l’Etat au
droit a une double fonction : réduire l’anarchie dans les relations internationales en
assurant la coexistence entre les Etats et satisfaire des intérêts communs.

Fondement du caractère obligatoire du droit international : les théories en présence

5
Principes régissant la Communauté internationale

Subdivision du droit international

6
Première partie

LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL

Un sujet de droit c’est quiconque doté par un ordre juridique déterminé d’un
ensemble de droits et d’obligations, ainsi que des capacités nécessaires à leur
exercice. Ainsi, un acteur n’est pas nécessairement un sujet du droit. Il n’est pas
exclu que l’acteur ait des droits et des obligations dans un ordre juridique donné,
mais seul le sujet a la personnalité laquelle s’entend en pareil contexte de l’aptitude
« subjective » à y faire valoir ses droits et à y rendre compte de ses obligations.

Ainsi, en dépit des multiples acteurs en présence sur la scène internationale, les
sujets de droit international ne peuvent être qu’en nombre extrêmement restreint.
Jusqu’à un passé récent, la doctrine classique a exclusivement réservé la qualité de
sujet de droit international à l’Etat souverain, et à lui seul. Il a fallu attendre 1949,
pour voir la CIJ, à l’occasion de l’affaire de la réparation des dommages subis au
service des Nations Unies, affirmer l’existence d’une personnalité juridique
internationale au bénéfice de l’ONU tout d‘abord, et puis par extension, de la plupart
des organisations internationales. L’évolution est certes remarquable, mais ne rompt
pas radicalement avec la doctrine classique. En effet, bien qu’elles jouissent d’une
personnalité juridique distincte de celle des Etats membres, les organisations
internationales, sur le plan sociologique, demeurent sous le contrôle des Etats et ne
s’en dissocient pas. En effet, elles demeurent des êtres artificiels créées par les Etats
en vue de satisfaire leurs besoins propres, les organes de décision de la plus part des
organisations internationales sont composés de représentants des Etats, leur
politique, programmes et plans d’actions sont définis par les Etats qui composent
leurs organes pléniers, encore qu’elles fonctionnent grâce aux moyens financiers
qu’ils mettent à leur dispositions, soit au titre de contributions, soit au tire de
pouvoir d’imposition qu’ils leur concède.

Une innovation authentiquement révolutionnaire ne pourrait être discernée que si la


qualité de sujet de droit international pouvait être attribuée sans réserves à des
entités d’une nature essentiellement différente de celles des Etats. Ce faisant, une
évolution sensible en faveur de la reconnaissance d’une certaine personnalité
juridique internationale à la personne humaine (individu-personne physique) ou à de
groupes de particulier constitue l’un des traits majeurs du droit international
contemporain. Les personnes physiques et les groupes de particuliers se sont vus
reconnaître non seulement des droits mais aussi l’aptitude juridique de se pourvoir
devant les instances internationales, de type administratif, juridictionnel ou quasi
juridictionnel, pour faire valoir leurs droits lorsqu’ils sont violés par l’Etat.

7
L’irrésistible ascension des institutions intergouvernementales de protection des
droits de l’homme aux niveaux régional (ex. Commission et Cour africaines des DH,
Cour européenne des dh, Cour interaméricaine des dh) et universel (Comité des DH,
Cosneil des DH de ‘ONU, …) atteste éloquemment de cette (r)évolution. De même, en
cas de violations des graves des droits de l’homme, du droit international
humanitaire ou de commission de crimes qui postent atteinte à l’ordre public
international tels les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre l’humanité, la
torture, le terrorisme, les individus ayant commis de tels crimes engagent leur
responsabilité pénale individuelle et sont justiciables, selon le cas, soit devant les
juridiction internes (exercice de la compétence universelle, règle aut dedere aut
judicare,…) soit devant les juridictions internationales (ex. juridictions ad hoc tels les
TPIY et TPIR, ou juridiction permanente tel CPI). C’est la révolution des dh, pour
reprendre les temrs de JM Dupuy.

En dépit de la place de plus en plus grande qu’occupe les individus et les


groupements des particuliers (multinationales et ONGI) dans les rapports
internationaux, le droit international demeure l’affaire des Etats souverains qui en
sont les maîtres et qui tiennent à conserver le contrôle exclusif d’un système
juridique dont ils sont, soit directement, soit indirectement par l’entremise des
organisations internationales, les seuls auteurs et les garants de la mise en œuvre.
Aussi qualifie-t-on les Etats et les Organisations internationales de sujets majeurs du
droit international (Titre I) par opposition aux individus et aux groupes de
particuliers qui en sont les sujets mineurs (Titre II)

Titre premier

LES SUJETS MAJEURS DU DROIT INTERNATIONAL

Deux sujets bénéficient d’une personnalité juridique incontestée en droit des gens : les
Etats et les organisations internationales. Ceux-là sont des sujets fondamentaux parce
que le droit international est fait par eux et pour eux ; et il n’y a pas de droit
international du tout sans eux. Celles-ci sont des sujets dérivés. Créées de toute pièce par
les Etats, elles sont investies des missions d’intérêt commun auxdits Etats qui leur ont
doté, ce faisant, d’une personnalité juridique autonome nécessaire à l’accomplissement
de leur but et de leur objet.

Chapitre premier

8
L’ETAT EN DROIT INTERNATIONAL

L’Etat est le sujet par excellence du droit international, il en est le sujet primaire ou
originaire, voire fondamental. Il est le sujet à la fois originel et nécessaire du droit des
gens3 dans la mesure où c’est lui qui, historiquement, a mis en place un ordre juridique
dont, logiquement, sa personnalité propre est un nécessaire présupposé. 4 Au fond, l’Etat
occupe une place privilégiée parce que seul il possède la souveraineté c’est-à-dire la
plénitude des compétences susceptibles d’être dévolues à un sujet de droit international.
C’est cette souveraineté et la plénitude des compétences qu’elle implique qui différencie
l’Etat de l’Organisation internationale, laquelle est régie par le principe de spécialité et
ne détient par conséquent que des compétences fonctionnelles, étroitement circonscrites
à la réalisation de son objet et de son but 5. Etat et souveraineté sont indissociables. Egal
(en souveraineté) à tous ses pairs, il se caractérise par l’absence de subordination à
l’égard de quiconque. Les autres sujets du droit international à savoir les organisations
internationales, les individus et groupes de particuliers, doivent leur personnalité
juridique internationale à la volonté des Etats.

On étudiera successivement :
- Les éléments constitutifs de l’Etat ,
- Les attributs et compétences de l’Etat
- Les limites des compétences de l’Etat ;
- Les relations diplomatiques
- La succession d’Etat

Section I. FORMATION ET COMPOSANTES DE L’ETAT

1/ LA FORMATION DE L’ETAT

Un Etat (nouveau) peut se créer à tout moment d’autant plus qu’aucune règle de droit
des gens ne limite le nombre d’Etats qui composent la communauté internationale. S’il
n’existe plus – et il n’a jamais existé – de territoire sans maîtres, si le processus de
décolonisation qui implique la formation d’Etats nouveau par l’accès à l’indépendance
de territoires colonisés ou sous domination étrangère, les Etats doivent se rendre à
l’évidence que mêmes les principes les plus établies de droit des gens tels l’intangibilité
des frontières ou l’intégrité territoriale de l’Etat, le non recours à la force, la non
immixtion dans les affaires intérieures, …ne suffisent à exclure les hypothèses de
sécession, d’annexion ou de démembrement d’un Etat préexistant. L’acception
contemporaine du principe du droit des peuples à disposer d’eux même et le caractère
discrétionnaire de la reconnaissance ne facilite pas moins la réalisation de ces
hypothèses.

3
J. VERHOEVEN, Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 50.
4
Ibid. Peut-on admettre avec cet auteur que toutes autres personnalités sont superflues et que le droit international
peut parfaitement fonctionner sans elles ? L’assertion n’est pas parfaitement claire.
5
Voy. CIJ, Affaire des réparations, Affaire de la licéité ; TPIY, Affaire Tadic ; TPIR, Affaire Akayezu).

9
&1. Création d’un Etat à base d’un territoire sans maître : la théorie de
« terra nullius »
C’est fut le premier mode de formation de l’Etat. L’accès à un territoire non encore
approprié que l’on qualifiait comme sans maître permettaient à l’accédant de créer un
nouvel Etat. La colonisation des Amériques et de l’Afrique s’est construite sur cette
notion perverse de territoire sans maître. Au fond il n’y a jamais eu de territoire sans
maître. Les puissances occidentales imposaient leurs civilisation et par un goût effréné
de lucre, ils s’appropriait des territoires et même les populations, contre le gré de celles-
ci et des pouvoirs traditionnels qui ne manquant pas, là où cela était possible, de leur
opposer une résistance farouche au moyen des combats ou de désobéissance civile qui
furent matés par la brutalité, la cruauté des colons qui utilisaient des méthodes cruels,
inhumains et dégradants propres aux terroristes d’aujourd’hui. La mission civilisatrice,
un alibi.

Ces territoires étaient occupés par les communautés humaines organisées en tribus
lesquelles étaient gouvernées par les rois et les chefs traditionnels qui exerçait sur
chaque territoire un pouvoir effectif et indépendant. Ex. citer quelques Royaumes.

La CIJ a fermement rejeté la théorie de terra nullius dans son avis consultatif du 16
octobre 1975 donné à l’occasion de l’affaire du Sahara occidental. En effet, au moment
où l’Espagne envisageait de mettre fin à son administration sur le territoire du Sahara
occidental (d’une superficie de plus de 250 000 km2 et une population de mois de
100000 habitants) le Maroc et la Mauritanie revendiquèrent des droits sur ce territoire.
En 1974, l’Assemblée générale des Nations Unies demanda un avis consultatif sur les
deux questions suivantes : 1. Le Sahara occidental était-il, au moment de la colonisation
par l’Espagne un territoire sans maître ? 2. En cas de réponse négative à cette question,
quels étaient les liens juridiques que de ce territoire avec le royaume u Maroc et
l’ensemble mauritanien ?

A la première question, la Cour répondit, effectivement, par la négative. Interprétant la


notion de terra nullius en vigueur en 1884, au moment où l’Espagne revendique ce
territoire, la Cour constate que les territoires habités par les tribus ou des peuples
n’étaient pas considérés comme terra nullius. Car, au moment de sa colonisation, le
Sahara occidental était habité par de populations qui, bien que nomades, étaient
socialement et politiquement organisés en tribus e placés sous l’autorité de chefs
compétents pour les représenter.

Signalons qu’à la deuxième question,la Cour répondit qu’il y avait, certes, des liens
juridiques entre ce territoire et l royaume du Maroc d’une part et l’ensemble mauritanien
d’autre part. Mais, ce n’étaient pas des liens de souveraineté territoriale. Aussi la Cour ne
vit aucune raison pour écarter le principe d’autodétermination.

&2. La création d’un Etat sur base de l’exercice du droit des peuples à

10
disposer d’eux-mêmes : du droit à la décolonisation au droit à la sécession

La Charte des Nations unies consacre le principe de l’égalité des peuples et leur droit à
disposer d’eux même (art. 1er &2 et 55).

Le droit à la décolonisation est posé après l’adoption de la Charte. La Conférence de


Bandoeng (Indonésie) des 17 au 24 avril 1955 qui traitait du colonialisme, du
neutralisme et du développement économique e culturel, en pose les jalons. A partir de
cette année on note le renforcement, à l’AG /NU des groupes constitués en fonction e
tendances idéologiques. Les Etats nouvellement indépendants se soudent et forment le
groupe afro-asiatique particulièrement combatif sur les problèmes de décolonisation qui
devient, dans les années 58-60, le cheval de bataille de l’ONU et l’un des buts essentiels
de l’OUA qui sera crée en 1963.

Le droit de devenir un Etat est formellement reconnu aux peuples coloniaux par l’ONU
dont l’Assemblée générale adopte, le 14 décembre 1960 la Déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux C’est la célèbre Résolution 1514 (XV)
appelée également charte de la décolonisation. Aux termes de cet instrument : « tous les
peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement
économique, social et culturel ». « la sujétion des peuples à une subjugation, à ne
domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux
de l’homme, est contraire à la Charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix
et de la coopération mondiale ».

Si en tant que résolution de l’AG, la résolution 1514 (XV) qui me l’accent sur l’impératif
d’accélérer la décolonisation, est dépourvu d’effet obligatoire, il importe de relever ses
effets politiques considérables. En effet, dès 1961, un Comité de décolonisation chargée
d’assurer la mise en œuvre de la résolution précitée fut mis sur pied. Son action aboutit à
la Résolution 2526 (XXV) « déclaration relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la
Charte des Nations Unies. Cette résolution érige le principe de l’égalité des peuples et le
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en principe fondamental de la coexistence
pacifique. L’Assemblée Générale a consacré le droit inhérent des peuples coloniaux de
lutter par tous les moyens nécessaires contre les puissances coloniales. Ce peules ont le
droit de se constituer en Etat. L’Assemblée générale interdit aux autre Etats de s’y
opposer, voir même leur recommande d’y concourir. Peu importe les moyens utilisés par
le peuple sous domination coloniale pour accéder à l’indépendance. L’idéal eut été que
ces moyens soient conformes aux règles fondamentales du droit international (respect
des droits fondamentaux, non recours à la force, …). En réalité, il importe peu en soi que
de violations du droit soient le cas échéant à l’origine de l’apparition d’un Etat nouveau.
Sans doute ces violations doivent être réprimées. Elles ne peuvent à elles seules
empêcher sa naissance. Pas plus que l’adultère dont il est le produit ne suffit pour
contester à un enfant la vie.6

6
J.VERHIEVEN, Op.cit., p. 60.

11
Les peuples étant libre de déterminer librement, sans ingérence extérieure, leur statut
politique, ils peuvent soit créer un Etat indépendant soit s’intégrer dans un Etat
indépendant préexistant. La consultation populaire du peuple concerné est nécessaire.
Quant aux modalités de la consultation la pratique internationale n’offre pas de solution
unique : référendum, vote d’une assemblée délibérante, etc.

Quid du droit des peuples à disposer d’eux même dans un contexte post colonial ? Elle se
matérialise par la participation du peuple au gouvernement au moyen notamment du
fédéralisme, de la décentralisation, … Le droit à la sécession n’est pas totalement exclu
lorsque l’Etat se caractérise par une politique systématique de discrimination,
d’exclusion d’une faction de sa population au processus législatif, gouvernemental et
administratif par des violation systématique des droits de l’homme et es peuples.
Interpréter la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Lire l’affaire
Congrès du peuple Katangais contre Zaïre, commission africaine des droits de l’homme
et des peuples.

&3. Création d’un Etat à partir d’un territoire préexistant

Deux principales hypothèses envisageables : la fusion de deux Etats et le démembrement


d’un Etat préexistant qui peut se réaliser suivant deux modes, soit la sécession soit la
dissolution pure et simple.

La fusion. Examen de la pratique internationale  : En 1964 le Tanganyika et le Zanzibar


ont fusionné pour former la Tanzanie. En 1990, par le traité de Sanaa, le Yémen du Nord
et le Yémen du su se sont réunifiés avant de se combattre de nouveau en 1994. Par le
traité du 31 août 1990 qui a établi l’unité de l’Allemagne la réunification de l’Allemagne
s’est faite par l’absorption de la RDA par la RFA.

Le démembrement. Il se réalise, on l’a vu, soit sous forme de sécession soit sous forme
de dissolution. Il y a sécession lorsqu’une partie de la population d’un Etat se détache
volontairement de celui-ci pour former un Etat nouveau ou éventuellement s’intégrer à
un autre Etat. Le cas le mieux réussi de sécession demeure celui du Bangladesh qui est
un Etat formé, en 1971) par une ancienne province du Pakistan oriental. En règle
générale, la sécession rencontre l’hostilité de la communauté internationale, non pas
qu’elle a horreur de voir grossir le nombre de ses membres - aucune règle de droit des
gens n’impose de limites à ce propos - mais à cause de la divergence d’intérêts politiques
et économiques qu’elle suscite et, accessoirement, la nécessité de prévenir les violations
des règles fondamentales du droit des gens dont, généralement, elle s’accompagne. Les
tentatives de sécession du Katanga (1960-1961) et du Biafra (1967-1969), qui ont échoué
faute d’appui de la communauté internationale, illustrent bien ce propos. La Belgique,
ancienne puissance coloniale, est le seul état qui a reconnu « l’Etat du Katanga »…

Section I. ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’ETAT

12
L’Etat est une réalité physique, juridique, sociologique et historique. En droit on
s’accorde à le définir comme un groupement d’individus établis sur un territoire
déterminé, sous l’autorité exclusive et effective d’un gouvernement indépendant. Il en
découle que trois éléments permettent d’identifier l’Etat, c’est-à-dire de le distinguer des
multiples autres groupes ou entités qui se manifestent dans les rapports internationaux à
savoir un territoire, une population et un gouvernement effectif et indépendant. Ces trois
éléments sont indissociables. Un peuple sans territoire, même avec un gouvernement est
tout sauf un Etat au sens du droit international. Par ailleurs, un gouvernement ne
saurait prétendre engager l’Etat du fait de sa simple formation lorsqu’il n’exerce pas son
autorité de manière exclusive sur une population établie sur un territoire. De même, un
peuple établi sur un territoire, mais sans gouvernement effectif et indépendant ne
constitue pas un Etat. La conjonction des trois éléments précités est donc nécessaire à
l’existence ou à l’apparition de l’Etat sur la scène internationale. Et la reconnaissance de
la part des Etas préexistant permet de raffermir l’entité qui se déclare étatique.
Examinons de plus près ces éléments.

&1. LE TERRITOIRE

Il n’est pas exclu qu’il existe en droit des gens des personnalités non territoriales. Mais il
ne peut y avoir d’Etat sans territoire. Ce dernier constitue la base spatiale sur laquelle le
gouvernement peut exercer son autorité sur les gens et sur les biens. Il constitue la zone
de compétence exclusive de l’Etat. Le territoire est placé sous l’autorité exclusive de
l’Etat qui en est titulaire, celui-ci y exerce la plénitude des droits ou des compétences qui
sont l’attribut de sa souveraineté, y compris le pouvoir de contrainte. Au-delà de son
territoire l’Etat n’a plus ni autorité ni compétence, sauf disposition contraire du droit des
gens.

Il n’est pas indispensable que le territoire de l’Etat soit délimité. Il suffit que la masse
territoriale sur laquelle celui-ci s’appuie ne prête pas à contestation. L’Etat d’Israël en est
l’exemple le plus éloquent. Si discuté qu’il fut, cet Etat a existé de manière incontestable
pendant près (ou plus) de quarante ans, sans avoir de frontière internationalement
reconnue avec aucun de ses voisins. Il a fallu attendre le traité de paix signé à
Washington le 26 mars 1979 pour que l’Egypte, la première, et pendant longtemps la
seule, convienne avec Israël d’une délimitation en bonne et due forme.7

Il n’est aucune règle de droit des gens qui impose une superficie territoriale minimale ; il
suffit à l’Etat qu’il ait un territoire, si réduit soit-il. Ce qui justifie l’existence sur la scène
internationale des Etats exigus ou lilliputiens (les Iles Tuvalu comptent 26 km2, la Sainte
Lucie Iles des petites Antilles comptent 616 km2). Certes la multiplicité de tels Etats ne
va pas sans poser des problèmes dabs les rapports internationaux. Nul n’a toutefois
soutenu à ce jour que la qualité d’Etat doit leur être dénié parce que l’étendue de leur
territoire demeure inférieure à un seuil quantitatif que serait imposé par le droit des
gens.8
7
Voy. J. VERHOEVEN, Op.cit., p. 52.
8
Ibid.

13
Pour prévenir ou régler les différents territoriaux (frontalier) consécutifs au processus de
décolonisation le droit international a établi des principes gouvernant la matière : le
principe de l’Uti possiedis (comme vous possédez vous possèderez) et celui de
l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. C’est sur ces principes, sans
écarter l’équité comme méthode d’interprétation du droit (rôle infra legem), que la CIJ,
à l’occasion de l’affaire du différent frontalier Burkina-Faso/Mali, s’est fondé pour
déterminer le tracé de la ligne frontière entre ces deux Etats, anciennes colonies
françaises, devenus indépendants en 1960. Le principe de l’Uti possidetis fut confirmé
par la CIJ dans l’affaire du différend frontalier terrestre, insulaire et maritime El
Salvador/Honduras à l’occasion de laquelle réaffirma le rôle de l’effectivité une
possession effective confirmée par l’exercice effective de la souveraineté sur un territoire
consolide le principe sous examen.9

1.1. Composantes du territoire

Le territoire de l’Etat renferme trois composantes : le territoire terrestre, le territoire


maritime et le territoire aérien.

a) Le territoire terrestre

C’est l’assise matérielle ou le support physique de l’existence de l’Etat. Cet espace est
déterminé par les frontières naturelles ou artificielles et comprend le sol et le sous-sol.
Le droit des gens ne s’intéresse pas à la configuration géographique du territoire
terrestre. Celui-ci peut être continu, en un seul bloc, ou discontinu, en plusieurs parties,
séparés dans ce cas par d’autres espaces, maritimes ou autres Etats. Le territoire français
ou hollandais dont certains départements et territoires se trouvent outre-mer ou le
territoire américain avec l’Alaska et Hawaï illustrent bien ce propos. Rappelons
qu’aucune règle de droit des gens n’impose quelque masse critique du territoire, sa taille
importe donc peu.

La frontière est la ligne légale qui marque la limite du territoire et le sépare soit du
territoire d’un autre Etat, soit d’un espace international. Elle marque aussi la limite de la
compétence territorialité d’un Etat. La fixation de la frontière est une opération en deux
actes : d’abord la délimitation par accord entre les Etats concernés,avec la signature d’un
traité, puis la démarcation sur le terrain. La frontière peut également être déterminé par
voie judiciaire à l’issue d’un différent opposant deux ou plusieurs Etats. L’Affaire du
différent frontalier Burkina Faso / Mali et très instructif quant à ce. En effet, saisie par
compromis 1983 par ces deux anciennes colonies françaises, indépendants depuis 1960,
d’un différent frontalier qui les opposait, la Cour a déterminé le tracé de la ligne –
frontière et la démarcation se fera par la suite, avec l’aide d’experts. La Cour s’est fondé
in casu sur les principes de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et de
l’uti possidetis, sans écarter l’équité comme mode d’interprétation du droit (rôle infra
9
CIJ. Affaire du différend frontalier terrestre, insulaire et maritime, El Salvador/Honduras, arrêt du 11 septembre
1992.

14
legem)10. Pratiquement la zone contestée d’environ 30 000 km2 a été divisée par moitié.

Les principes de l’uti possidetis juris - comme vous possédez vous posséderez – et de
l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation ont été développés lors de la
décolonisation en Amérique latine puis repris lors de la décolonisation de l’Afrique. Ce
principe veut que l’Etat nouvellement créé hérite des frontières établies par l’Etat
colonisateur, sauf accord des Etats frontaliers pour modifier cette situation. Ce principe
confirmé suite à la dissolution de l’URSS et de la Yougoslavie est continuellement
réaffirmé par la CIJ (Affaire du différend frontalier terrestre, insulaire et maritime,
1992) qui l’a qualifié de principe général de droit.

b) Le territoire maritime
Il comprend les eaux intérieures, la mer territoriale ou zone adjacente aux côtés, la zone
économique exclusive et le plateau continental. L’Etat exerce des droits souverains sur
ces espaces maritimes. Ce qui n’est par le cas pour la haute mer qui n’est soumise à
aucune souveraineté territoriale.

Les eaux intérieures sont des espaces maritimes inclus dans le territoire terrestre et sur
lesquels l’Etat exerce la plénitude et l’exclusivité de ses compétences. Par exemple ; les
baies ; les rades ou les mers fermés, les ports.
La mer territoriale. Au sujet de la délimitation de la mer territoriale, la Convention de
Montego bay sur le droit de la me dispose : « Tout Etat a le droit de fixer la largeur de sa
mer territoriale ; cette largeur ne dépasse pas 12 milles marins mesurés à partir de la
ligne de absence établie conformément à al Convention. ». Cependant, a été
traditionnellement fixée à 3000 nautiques. avant que la convention de Montego bay sur
le droit de la mer, en son article 3, ne la porte à 12000 nautiques (un nautique ou mille
marin correspond à 1852 mètres). L’Etat côtier est cependant tenu de respecter le droit
de passage inoffensif dont peuvent bénéficier les navires étrangers.

c) Le territoire aérien

Aux termes de la Convention de Washington de 1919 qui règle le statut juridique de


l’espace aérien, chaque Etat dispose de la souveraineté pleine et entière sur l’espace
atmosphérique au dessus de son territoire terrestre et maritime. Ce principe a été
réaffirmé par la Convention de Chicago relative à l’organisation de l’aviation civile
internationale (OACI).

L’Etat dispose des pouvoirs de réglementer l’entrée et le survol de son espace aérien.
Ainsi un aéronef étranger ne peut survoler le territoire d’un Etat sans l’accord de ce
dernier. Un survol non autorisé constitue une violation de la souveraineté territoriale de
l’Etat ;l4Eat survolé a le droit d’intercepter et de forcer à atterrir un aéronef étranger qui
survole sans autorisation son territoire aérien. Ce droit, au regard des impératifs de la
navigation aérienne, doit toutefois s’exercer dans le respect des principes du droit
10
CIJ, Affaire du différent frontalier Burkina Faso / Mali, arrêt du 22 décembre 1986.

15
international. Rappelons ici l’incident tristement célèbre du Boeing sud coréen assurant
le survol New York – Séoul. Ce bœing survola, le 1 er septembre 1983, l’île de Sakhakine
située en territoire soviétique. Pris en chasse par les avions militaires soviétique ce
Bœing fut abattu avec 269 personnes à bord. L’opinion publique internationale en fut
terriblement émue. En conséquence l’AG et l’OACI adoptèrent le 10 mai 1984, un
amendement ainsi libellé : Les Etats contractants reconnaissent que chaque Etat doit
s’abstenir de recourir à l’emploi des armes contre les aéronefs civils en vol et en cas
d’interception, la sécurité des aéronefs et la vie des personnes se trouvant à bord des
aéronefs ne doivent pas être mises en danger … ». Dans le cas à l’étude, on ne conteste
pas que le Boeing soviétique ait violé l’espace aérien soviétique ; violation d’autant plus
grave que cette zone était interdite à la navigation aérienne pour des raisons de sécurité.
L’ex URSS avait certes le droit d‘intercepter le Boeing mais il aurait dû exercer ledit droit
dans le respect des règles humanitaires.

1 .2. Modes d’acquisition du territoire

-L’acquisition d’une terra nullius ?


-L’acquisition par l’effet de l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes, du droit à la décolonisation au droit à la sécession
-Fusion et sécession

1.3. Délimitation du Territoire et la question des frontières

La frontière c’est la ligne de démarcation de la frontière entre deux Etats voisins. C’est
une ligne séparatrice de souverainetés. C’est –à-dire la ligne déterminant où
commencent et où à finissent les territoires relevant respectivement de d’Etats voisins.
Pour la CIJ définir un territoire est définir es frontières11.

La détermination des frontières s’opère en trois phases : la délimitation, la démarcation


et l’abornement.

La délimitation est une opération juridique et technique dont l’objet est de déterminer
l’emplacement de la frontière. D’une manière générale, lorsque deux Etas définissent
entre eux une frontière, un de leurs principaux objectifs est d’arrêter une solution stable
et définitive. La stabilité et le caractère définitif des frontières sont nécessaires pour
assurer la sécurité juridique des Etats et la prévention des conflits frontaliers.

La délimitation de la frontière est généralement conventionnelle, elle peut aussi se faire


par voie juridictionnelle ou arbitrale ou même de manière unilatérale. La délimitation de

11
CIJ, Différend frontalier, Lybie c.Tchad , Rec. 1994, p.20.

16
la frontière peut faire l’objet d’un traité spécial 12 ou faire partie d’un traité plus général
contenant une ou plusieurs dispositions portant reconnaissance des frontières 13. Sur ce
point l’Acte constitutif de l’UA qui consacré le principe d’intangibilité des frontières
héritées de la colonisation, règle coutumière qui s’st construite au départ de la
Déclaration du Caire, est galamment un traité établissant la frontière.

Les Etats négocient et concluent les traités de frontières comme tout autre traité. Mais
une fois concluent, nous le verrons plus loin, ces traités sont soumis à un régime
juridique particulier. Par exemple, ils ne pâtissent pas comme d’autres traités des
changements de circonstances (art. 61 de la CVDT) ni ne sont affectés par la succession
d’Etats (art. 11 succession d’Etats en matière de traité), l’Etat successeur étant se
trouvant ipso jure lié par les traités de frontière précédemment conclus par l’Etat
prédécesseur. La délimitation juridictionnelle ou arbitrale résulte de l’échec des
négociations entre deux Etats voisins qui décident alors de soumettre leur différend
frontalier à un juge ou à un arbitre. Ainsi, à la demande des Etats concernés, la CIJ s’est
prononcé, le 11 septembre 1992, sur la ligne frontière litigieuse entre le Salvador et le
Honduras14, a fixé définitivement, le 10 décembre 2002, la frontière entre le Cameroun
et le Nigeria et procédé, le 16 avril 2013, à la délimitation de la frontière entre le
Burkina-Faso et la République du Niger. Il importe de souligner que dans le compromis
par lequel les deux derniers Etats avaient convenu de soumette leur différend à la Cour,
ils avaient mentionné au titre du droit applicable « le principe d’intangibilité des
frontières héritées de la colonisation ». Par ailleurs, tout en délimitant la frontière, la
Cour, dans un obiter dictum, exprimait le souhait de voir les deux Etats, tout en
exerçant leur autorité sur la sur le territoire relevant de leur souveraineté, de tenir
dûment compte des besoins des populations concernées ou affectés par le tracé, en
particulier les populations nomades ou semi-nomades et de la nécessité de surmonter
les difficultés qui pourraient surgir pour ces populations du fait de la frontière. La Cour
met ainsi en exergue toute la délicatesse des problèmes frontaliers particulièrement en
Afrique et la fracture sociale et donc les conflits auxquels pourraient donner lieu
l’exercice intégriste d’autorité par le souverain territorial qui ne tiendrait pas compte de
l’impératif de la coopération transfrontière pour minimiser les risques des conflits
inhérent aux frontières intangibles mais belligènes. Elle insidieusement invité les Etats à
coopérer sans affirmer toutefois l’obligation de coopérer en zones transfrontalières. On
comprend dès lors l’importance du programme frontière de l’UA qui invite les Etas à
délimiter leurs frontières mais aussi à développer des programmes et actions de
coopération transfrontalières en vue d’assurer la prévention ou la gestion des conflits
inhérents aux frontières en Afrique. Selon l’UA, plus de ¾ des frontières africaines ne
sont pas délimités.

La délimitation unilatérale concerne uniquement la délimitation du territoire national


d’un Etat avec un espace international.

12
Cas du traité de paix et d’amitié entre l’Argentine et le Chili du 29 novembre 1984 .
13
Cas du traité de paix entre l’Egypte et Israël du 26 mars 1976
14
CIJ, Affaire du différend frontalier El Salvador § Honduras ,

17
&2. LA POPULATION

Il n’y a pas d’Etat sans population, c’est-à-dire sans communauté humaine établie sur
son territoire et, de ce fait, soumise à son autorité. La population comprend l’ensemble
des personnes qui relèvent de l’Etat et qui sont soumises à son autorité. Ainsi, la
population de l’Etat regroupe les personnes qui sont juridiquement rattachées à cet Etat,
même lorsqu’elles se trouvent à l’étranger. Il s’agit d’abord des nationaux ou des
ressortissants de ‘Etat, c’est-à-dire des personnes qui sont rattachées à l’Etat par le lien
de nationalité. Il s’agit d’autre part des étrangers ou des personnes établies sur le
territoire d’un Etat sans en avoir la nationalité. Si la population englobe aussi bien les
nationaux que les étrangers, il faut souligner que les droits et obligation de l’Etat varie
suivant qu’il s’agit du national ou de l’étranger. De même les droits et obligations des
individus varient suivant qu’ils se trouvent face à un Etats étranger ou à un Etat dont ils
ont la nationalité.

Bref, la population est un élément essentiel de l’Etat dès lors qu’il n’y a pas d’ Etat sans
personnes humaines sous sa juridiction. Si essentiel que soit cet élément humain de
l’Etat, le droit des gens ne s’en préoccupe guère particulièrement. Il n’impose en
l’occurrence ni quantité ni composition particulières. Ainsi que l’a pertinemment relevé
Joe Verhoeven « aucune entité prétendant constituer un Etat ne s’est vue à ce jour dénié
cette qualité au motif que ses nationaux étaient en nombre insuffisant, si peu nombreux
fussent-ils »15. Il est bien des Etats qui ont vu le jour sans que l’on sache exactement
quelles personnes ils tenaient pour leurs, et sur quelles bases décisions qui leur
appartiennent souverainement. Il est de même indifférent à l’égard des Etats que leur
population soit ou non ethniquement, linguistiquement, religieusement, culturellement,
et., homogène en dépit des problèmes que la multiplicité de ses composantes peut à
l’évidence susciter.

&3. LE GOUVERNEMENT EFFECTIF ET INDEPENDANT

Le gouvernement est l’ensemble de l’appareil politico-juridique chargé d’assurer les


principales fonctions étatiques : législation, administration, juridiction, défense,
représentation. L’ensemble des autorités publiques qui assurent la gestion de l’Etat et
qui exercent leurs pouvoirs sur les choses et sur les gens au sein de l’Etat. Celui-ci
s’identifie particulièrement par le pouvoir qu’il exerce, à l’intermédiaire d’une autorité
dite gouvernementale, sur les choses et sur les biens. Le gouvernement doit exercer une
autorité exclusive sur le territoire, sur les personnes qui l’habitent et sur les biens qui s’y
trouvent. C’est là un corollaire de la souveraineté de l’Etat. Dans une société
internationale où il n’y a pas de hiérarchie entre les sujets de droit, chaque Etat est
souverain et son autorité s’exerce sur son territoire, sa population, sans partage et à
l’exclusion de celle de tout autre Etat.

Le gouvernement ou l’organisation politique et administrative de Etat relève du droit


public interne de chaque Etat. Le droit des gens ne s’en préoccupe guère. Il suffit pour lui
15
Ibid., p. 53.

18
que le gouvernement soit effectif et indépendant.

Le gouvernement doit être effectif c’est-à-dire qu’il doit être concrètement en mesure de
faire respecter sur le territoire de l’Etat les obligations que le droit international impose
à celui-ci et de faire valoir ses droits découlant du droit des gens. La seconde exigence est
tenue pour accessoire car elle dépend largement de la (bonne) volonté de l’Etat. Il ne
peut en revanche dépendre de la (bonne) volonté de l’Etat que les règles du droit des
gens doivent ou non être respectées, pour ce à quoi elles obligent. 16 Si l’exigence de la
capacité de l’Etat à faire valoir ses droits sur la scène internationale a été qualifiée de
juridiquement superflu, il faut relever faut relever toutefois qu’elle apparaît parfois dans
les conditions auxquelles est subordonnée la reconnaissance de l’Etat nouveau.

En plus de l’effectivité du gouvernement, le droit des gens exige que celui-ci soit
indépendant. C’est-à-dire qu’il doit être en mesure d’exercer, dans le respect du droit
international, les fonctions et les responsabilités de l’Etat sans être soumis en
l’occurrence à aucune autorité extérieure ou étrangère. L’exigence se conçoit sans peine.
Quel pourrait être l’intérêt d’accorder la personnalité juridique, c’est-à-dire une parole
autonome, à celui qui n’est jamais que la voix de son maître ?

&4. QUELQUES REMARQUES CONCLUSIVES SUR LES TROIS ELEMENTS

Le territoire, la population et le gouvernement effectif et indépendant sont-ils des


éléments constitutifs de l’Etat ou seulement des éléments d’identification de celui-ci ? La
question a polarisé les controverses. Certains auteurs tiennent ces éléments pour de
critères qui permettent de découvrir l’apparition de l’Etat lorsque se modifie la
composition de la « communauté » internationale.17 La doctrine dominante confortée
par la pratique internationale prête à ces éléments une portée plus fondamentales, les
tenant pour éléments constitutifs voire pour conditions d’existence de l’Etat. En effet,
après avoir défini l’Etat comme une collectivité qui se compose d’un territoire et d’une
population soumis à un pouvoir politique organisé », la Commission dite d’arbitrage de
la Conférence européenne sur la paix en ex-Yougoslavie dit expressément se référer à
des « principes universellement reconnus du droit international qui déterminent les
éléments constitutifs de l’Etat »18.

Si passionnant que soit ce débat, il ne présente aucun intérêt pratique. Il est


unanimement admis qu’il n’y a pas d’Etat sans territoire, sans population et sans
gouvernement effectif et indépendant. L’essentiel est là. Faut-il encore savoir s’il existe
une certaine hiérarchie entre les trois éléments.

Le droit des gens n’établit aucune hiérarchie entre les trois éléments constitutifs de l’Etat
à savoir la population, le territoire et le gouvernement. Il est affaire de doctrine d’en
privilégier l’un ou l’autre à la faveur des multiples combinaisons qu’ils permettent.
Certes, l’attention a été longtemps portée au territoire que d’aucune tenait encore, il y a

16
Voy. Ch. HILLGRUBER, « The admission of New States to the International Community, EJIL, 1998, pp. 499-
504, cite par J. VERHOEVEN, Op.cit., p. 54.
17
J. VRHOEVEN, Op.cit., p. 54.
18
Avis n° 8 4 juillet 1992, RGDIP, 1993, p. 588.

19
peu, pour « le concept fondamental du droit international », quitte à lui prêter une
nature mystique. Mais au regard de la consécration progressive des droits fondamentaux
des personnes, de la finalité ultime de l’Etat, à savoir l’homme et de la perméabilité de
plus en plus grande des frontières spatiales, on ne saurait contester que l’élément
humain donc la population soit aujourd’hui passé à l’avant-plan. Le territoire n’est plus
guère ni le jardin secret de l’Etat, ni le miroir où se reflète l’identité de sa population, qui
se veut « nationale » plus que « territoriale ». Enfin on a relevé que l’élément
gouvernement est assurément le plus décisif lorsqu’il importe d’identifier l’Etat. A
l’appui de cette thèse l’on avance que nombreuse sont les collectivités établies sur un
territoire ; nombreuses sont même celles qui peuvent prétendre en l’occurrence à une
gestion autonome effective tels les associations sportives ou les municipalités, mais que
seul l’Etat se gouvernent en toute indépendance.19

Déterminant pour l’identification de l’Etat, l’élément gouvernement est aussi celui dont
la constatation est la lus malaisée. Il n’y a normalement guère de difficulté à vérifier su
une entité se déclarant étatique « bénéficie » d’une population et d’un territoire. Que
celui-ci ne doive pas être clairement délimité ne peut d’ailleurs que faciliter l’entreprise
…Tout autre chose est en revanche de s’assurer de l’effectivité et de l’indépendance de
son pouvoir.20

Ce sont là (l’effectivité et l’indépendance d’un pouvoir) des notions intrinsèquement


relatives. La souveraineté de l’Etat dans l’appréciation desdites notions et le caractère
discrétionnaire de cette appréciation n’en rand pas la constatation aisée… La pratique
internationale confirme sans peine que le pouvoir effectif des gouvernements est
infiniment variable, selon les lieux, les moments et les intérêts en présence. Tout est
affaire de circonstances21. La pratique contemporaine semble toutefois vouloir imposer à
tout gouvernement le respect d’exigences démocratiques élémentaires. La tentation est
alors grande de contester la réalité d’un gouvernement u motif qu’il n’est pas
démocratique. A dire vrai, la « légalité » d’un pouvoir est normalement seule en cause en
pareil contexte. Il ne peut être exclu toutefois que son effectivité s’en ressente, à raison
même du nombre – et du poids – de ceux qui refusent de traiter des affaires de l’Etat
avec une autorité réputée illégale22.

Section II. PROCEDURES D’IDENTIFICTION DE L’ETAT SUR LA SCENE


INTERNATIONALE  : LA THEORIE DE LA RECONNAISSANCE

Dès lors qu’il est par essence appelé à se mouvoir dans le concert des Nations avec ses
paires, l’Etat nouveau ne saurait se satisfaire de la réunion en son chef des trois éléments
essentiels à savoir un territoire, une population et un gouvernement effectif et
indépendant. Faut-t-il encore que d’autres sujets du droit international, principalement
19
Ibid.
20
Ibid.
21
Ibid.
22
Ibid., p. 57

20
les Etats, en vérifient ou en constate aussi l’existence et en tirent par conséquent, toutes
les conséquences juridiques. En d’autres termes, l’entité qui se proclame étatique a
besoin de la reconnaissance des autre sujets du droit international. C’est la
reconnaissance d’Etat. La reconnaissance est un acte unilatéral par lequel un Etat ou une
organisation internationale atteste l’existence à son égard d’une situation ou d’un fait
donné et s’engage expressément à tirer les conséquences que le droit international
attache à cette existence.

Ainsi, si les trois éléments constitutifs de l’Etat suffisent à ce dernier, la reconnaissance


est la procédure par laquelle il doit passer pour opérer sa percée dans le concert des
Nations, celle-ci étant la preuve que les autres sujets de droit des gens en ont vérifié ou
constaté la réalité.

L’idéal eut été que la communauté internationale des Etats prit elle-même en charge
cette vérification et cette constatation, pour prévenir les jugements contradictoires de ses
membres. Il n’en a rien été. A la Conférence de San Francisco, en 1945, la proposition a
été émise de confier à l’Assemblée générale des Nations Unies le soin de reconnaître les
Etats nouveaux. Elle fut fermement repoussée. Ainsi, à défaut de procédure centralisée,
il appartient à chacun des membres de la famille des nations, de vérifier pour ce qui le
concerne, si la collectivité qui se proclame étatique, peut ou non revendiquer cette
qualité étant donné que ce jugement n’engage que lui-même. Ils s’expriment à cette fin
sous la forme d’une reconnaissance dont il convient, à présent, d’analyser le régime
juridique.

&1. Le sujet et l’objet de la reconnaissance

Dans la mesure où la reconnaissance répond à un besoin d’indentification, il appartient


aux Etats et aux organisations internationales, sujets majeurs du droit international, de
reconnaître un Etat nouveau, tant que fait défaut une procédure collective qui
permettrait de se passer en l’occurrence des décisions individuelles. Dans la pratique
cependant la reconnaissance semble être demeurée l’apanage quasi exclusif des Etats…

C’est au droit interne de chaque Etat qu’il appartient de déterminer quelle est en son sein
l’autorité habilitée à décider de reconnaissance ou de la non reconnaissance. En règle
générale c’est à l’organe auquel est confié les relations internationales qui est compétent
en la matière.

La reconnaissance essentiellement pour objet l’Etat nouveau dont elle constate


l’apparition sur la scène internationale.

&2. Formes de la reconnaissance

En cette matière comme dans bien d’autre, le droit des gens n’est pas formaliste. Il
appartient souverainement à l’Etat intéressé d’exprimer en conséquence sa volonté de la
manière qu’il juge la plus appropriée. Elle peut expresse ou implicite comme elle peut
être individuelle ou collective.

21
&1) Reconnaissance expresse et reconnaissance implicite

La reconnaissance expresse, forme la plus courante, suppose l’adoption d’un acte


juridique plus ou moins solennel qui exprime clairement la reconnaissance de l’Etat
nouveau. Exemples : - signature d’un acte unilatéral par l’Etat préexistant engageant
celui-ci à l’égard de l’Etat nouveau, une note verbale ; - conclusion d’un traité de
reconnaissance ou de reconnaissance mutuelle tel l’Accord de Tayton-Paris de 1995 par
lequel la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie se reconnaissent mutuellement (art. 10) 
ou le traité de paix israélo-palestinien de 1994), - l’adoption ‘un acte concerté non
conventionnel (déclaratin commune, communiqué conjoint, communiqué ou acte final
d’une conférence ou d’un congrès.

En revanche, la reconnaissance implicite ou tacite se déduit de certains faits ou de


certains actes normalement réservés aux relations interétatiques accomplis par l’ Etat
préexistant.23 Il suffit, en l’occurrence, que la reconnaissance puisse être
raisonnablement établie au départ des comportements qui attestent d’une intention de
reconnaître (l’établissement des relations diplomatiques ; échange d’ambassadeurs ou de
consuls, envoi ou maintien d’ambassadeurs et consuls sut le territoire de l’Etat nouveau,
conclusion des traités bilatéraux avec l’Etat nouveau, l’engagement des négociations avec
l’Etat nouveau en vue de la réparation des …)

Le plus simple est assurément que la reconnaissance soit explicite, ce qui lève toute
incertitude sur la volonté de reconnaître. L’instrument qui est utilisé à cette fin importe
peu (échange de lettre, notes verbales communiqués officiels,…) Le droit n’impose pas
de lui imprimer une publicité particulière.

La non reconnaissance peut subsister en dépit de la participation commune avec l’Etat


nouveau à une même organisation internationale, fut-elle plénière comme l’ONU.

La volonté de reconnaître doit être certaine. Pour que la reconnaissance puisse être
affirmée il faut que l’acte dont il est induit émane de l’organe habilité à représenter
l’Etat dans les relations internationales.

Que la reconnaissance soit explicite ou non, elle ne peut valablement exprimer une
volonté de reconnaître que si elle émane d’une autorité habilitée à cet effet par le droit
public interne de chaque Etat.

&2) Reconnaissance individuelle, collective et concertée

La reconnaissance est normalement un acte individuel, un acte unilatéral, un acte


discrétionnaire qui n’engage que son auteur. Cet acte individuel est actuellement
exprimée sous forme unilatéral (communiqué, Déclaration, …) Il ne perd toutefois pas ce
caractère lorsqu’il s’exprime dans un traité. Certaines reconnaissances individuelles ont
un poids diplomatique particulier, en particulier la reconnaissance opérée par l’Etat
colonisateur lorsque l’Etat nouveau est issue d’une ancienne colonie ou celle de l’Etat
23
NGUYEN QUOC DINH, P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ, 2005, p. 567.

22
démembré si l’Etat nouveau est la conséquence d’une sécession.

Bien que la reconnaissance soit par nature individuelle, la pratique internationale fait
état des reconnaissances conjointes. En effet, dans certaines circonstances politiques,
plusieurs Etats s’entendent pour procéder à une reconnaissance conjointe de l’Etat
nouveau. Traditionnellement il s’agit en l’occurrence, d’une initiative des grandes
puissances destinées à consacrer définitivement l’indépendance du nouvel Etat et son
insertion dans la communauté internationale, malgré les réticences de l’Etat démembré.

La pratique est riche en la matière. En effet, par le traité de Constantinople de 1832 la


Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Turquie reconnurent conjointement le
nouvel Etat grec. De même le nouvel Etat belge fut contentement reconnu par
l’Angleterre, la France, la Prusse, la Russie et l’Autriche, les Pays-Bas ayant attendu 1839
pour leur emboîter le pas. En 1878, la Roumanie, la Serbie et le Monténégro, détachés
de l’empire Ottoman furent reconnus conjointement par les Etats participants au
Congrès de Berlin. La Pologne et la Tchécoslovaquie ont été reconnues conjointement
par tous les Etats signataires du traité de paix de 1919. Plus récemment, en 1992, les
Etats membres de la Communauté européenne reconnurent conjointement trois Etats
issus du démembrement de la Yougoslavie à savoir le Bosnie-Herzégovine, la Croatie et
la Slovénie. De même la France et l’Espagne ont reconnu conjointement Andorre comme
Etat souverain par le traité des 1er – 3 juin 1993.

A notre sens, même exprimée conjointement (dans un traité), comme dans les cas
précités, la reconnaissance ne perd pas son caractère unilatéral dans la mesure où les
Etats qui participent à pareille reconnaissance sont liés par elle et ne peuvent plus
prétendre subordonner à une reconnaissance individuelle les effets habituels de la
reconnaissance.24

Une nuance mérite d’être établie entre la reconnaissance conjointe exposée ci-avant et la
reconnaissance concertée. Compte tenu notamment de ses implications politiques, il est
devenu habituel que la reconnaissance ou la non reconnaissance fasse l’objet d’une
concertation plus ou moins étroite entre les Etats qu’unissent les alliances ou que
rapproche les politiques. Les cas examinés plus haut en disent déjà long. L’Union
européenne à qui le traité de Maastricht a confié la responsabilité d’une politique
étrangère et de sécurité commune (PESC) a, par exemple, ses «  lignes directrices sur la
reconnaissance des nouveaux Etats en Europe orientale en en Union soviétique »
adoptées à Bruxelles le 7 décembre 1991 par la Communauté et ses Etats membres. 25

Il ne s’ensuit pas que lorsque la reconnaissance a été concertée elle soit nécessairement
exprimée conjointement par les Etats intéressés. La concertation ici faite permet
simplement de s’entendre sur une politique commune ou de prendre une position
commune que chaque Etat demeure libre de mettre en œuvre individuellement suivant
un calendrier et une procédure de son choix. Ce n’est pas une reconnaissance collective.

24
Ibid. p. 566.
25
Ibid.

23
Il est fréquent que l’entité qui se proclame étatique s’empresse à adhérer aux
organisations internationales universelles ou régionales comme si cette adhésion était
l’attestation de sa naissance dans la famille des Nations ou le gage de sa maturité.
Certes, l’entrée des Etats nouveau dans les organisations internationales est, du point de
vue politique, considérée comme la consécration de l’entrée de l’Etat sur la scène
internationale. Mais juridiquement on ne saurait y voir une reconnaissance collective qui
obligerait chacun des membres de l’organisation. Une telle reconnaissance fait
actuellement défaut en droit des gens les auteurs de la Charte ayant notamment refusé,
rappelons-le, d’accorder un tel pouvoir à l’Assemblée générale de l’ONU. En tout état de
cause, il appartient sans doute à l’organisation internationale d’identifier l’Etat nouveau,
de sorte à nouer des relations avec lui et son acte n’engage qu’elle et ne saurait engager
collectivement les Etats membres. C’est donc à tord que le Maroc s’est retiré de l’OUA en
guise de protestation contre l’entré de la République Arabe Sahraoui Démocratique au
sein de cette organisation. Il pourrait juridiquement coexister avec elle au sein de cette
organisation régionale sans que cela ne soit interprété comme une reconnaissance.

&3. Conditions de la reconnaissance

Il n’est généralement pas contesté que la reconnaissance est discrétionnaire, les Etats
étant parfaitement libres de l’accorder ou de ne pas l’accorder pour des raisons qu’ils
jugent opportunes et sans devoir s’en justifier. D’aucuns ont défendu l’existence d’un
droit à la reconnaissance 26 ou d’une obligation de reconnaître. Toutefois, la pratique
internationale demeure attachée au caractère discrétionnaire de la reconnaissance.
L’institut de droit international dans sa résolution 1936 prend du reste acte que la
reconnaissance d’Etat est un acte juridique libre, discrétionnaire. Ce qui entraîne, qu’en
règle générale il n’existe ni obligation de reconnaître, ni un devoir de ne pas reconnaître.
Ce que souligne également la Commission d’arbitrage de la conférence pour la paix en ex
Yougoslavie qui estime que la reconnaissance « est un acte discrétionnaire que les autres
Etats peuvent effectuer au moment de leur choix, sous la forme qu’ils décident
librement »27. La Commission de préciser que les Etats sont tenus de respecter en
l’occurrence « les conditions mises à un tel acte par le droit international et par la
Déclaration et les lignes directrices du 16 décembre 1991 ».

1) Conditions juridiques

En dépit des termes de la Déclaration de la Commission d’arbitrage précitée, il est


difficile de préciser les conditions auxquelles le droit international général subordonne
l’octroi de l’indépendance.

Sans doute faut-il qu’existe une collectivité satisfaisant aux critères habituels
d’identification de l’Etat. En d’autres termes une population établie sur un territoire et
placé sous la juridiction exclusive d’un gouvernement effectif et indépendant. Mais ce
sont là des critères objectifs qui permettent de se rassurer de la réalité de l’Etat objet de
26
Notamment Ch. HYDE,International Law Chiefly as Interpreted and Applied by the United by the United States,
vol. I., 1947, p. 47
27
Avis n°10 du 4 juillet 1992, &4, RGDIP, 1993, p. 594.

24
la reconnaissance et non, à proprement parler, des conditions de reconnaissance.

En tout état de cause, en ces matières comme dans bien d’autres de droit des gens, les
règles de jus cogens ne doivent pas être méconnues. L’Etat ne saurait s’affranchir par un
acte unilatéral d’une règle à laquelle il lui est interdit de s’affranchir par convention.
Cela dit, sous la réserve d’une éventuelle obligation de ne pas reconnaître les situations
découlant d’un recours illicite à la force armée, il n’y a aucune règle d’ordre public
international (jus cogens) qui régisse spécifiquement l’octroi ou le refus de
reconnaissance d’Etat (ou de toute autre reconnaissance) dans le droit international
contemporain. C’est seulement les circonstances dans lesquelles la reconnaissance est
octroyée ou refusée que pourrait résulter une violation des « normes impératives du
droit international général ».

Le caractère discrétionnaire de la reconnaissance demeure intact dans la pratique


interétatique.

2) Conditions politiques

En principe la reconnaissance a pour objet d’identifier l’Etat nouveau sur la scène


internationale. Mais dans la pratique elle est accordée ou refusée pour des raisons
politiques, c’est-à-dire sur la seule base des avantages que son auteur entend obtenir ou
des intérêts de même ordre qu’il a pour souci de défendre.

Il n’y a pas en la matière des modèles autorisés. Il y a autant de conditions qu’il plait aux
intéressés d’en imposer en fonction notamment des intérêts qui leur sont propres. Il n’y
a là, franchement rien d’illégal, pour autant que ces conditions ne soient pas par elles-
mêmes, ou du fait des circonstances qui entourent la reconnaissance, contraire au droit
international.

Il faut relever que dans la pratique les Etats subordonnent très rarement l’octroi ou le
refus de la reconnaissance à des profits qui leur soit strictement personnels. En règle
général ils préfèrent plus largement des conditions héritée d’une certaine idée de société
(internatinale) et du droit qu’ils entendent défendre. Les directives de la Commission
d’arbitrage pour la paix en Yougoslavie semblent s’orienter dans cette direction. Parmi
les conditions qu’elles imposent figurent :
- Le respect des règles démocratique et Sauvegarde des droits de l’homme,
- Le respect de l’inviolabilité des frontières, uti possidetis,
- La garantie des droits des groupes ethniques et nationaux et des minorités,
- Le règlement pacifique des différends,
- Le maintien des arrangements précédemment conclus (notamment en matière de
non prolifération nucléaire)
-
Les lignes directrices instituent une procédure originale pour vérifier la réalisation des
conditions qu’elles imposent. La Commission d’arbitrage instituée par la conférence
européenne pour la paix en Ex Yougoslavie. Règles substantielles et procédures des
directives démontrent de la volonté des Etats de défendre un intérêt collectif qui
transcende les seuls droits immédiats qu’aurait pu défendre les auteurs de la (non)

25
reconnaissance. Politique qualifié de « légitimiste » par Verhoeven qui souhaite qu’elle
ne demeure pas la responsabilité exclusive d’une oligarchie européenne (pp. 69-70).

3) Une obligation de ne pas reconnaître ? La doctrine Stimson

Pour que l’Etat nouveau soit reconnu il lui suffit d’être effectif ; qu’aucun de ses éléments
constitutifs ne prête à contestation. Les conditions dans lesquelles elle s’est constitué
doivent –elle interférer dans la (non)reconnaissance ? En d’autres termes est-til
nécessaire que l’Etat en question se soit constitué de façon régulière au regard du droit
international ? Existe-il une obligation pour les Etats de ne pas reconnaître les Etats qui
se sont formés en violation du droit international ?

Depuis le précédent de Mandchoukouo, il a été maintes fois souligné que le Etats ont
l’obligation de ne pas reconnaître l’annexion d’un Etat, de tout ou partie du territoire
d’un autre Etat lorsque celle-ci est réalisée par la force des armes, en violation du droit
international. A la suite de l’occupation en 1931 par le Japon de la Province chinoise de
Mandchourie, le Japon entreprit de créer un Etat fantoche, le Mandchoukouo. Le
secrétaire d’Etat américain de l’époque, Stimson, adressa au gouvernement japonais une
note où il déclarait que le gouvernement américain « n’avait pas l’intention de
reconnaître une situation, un traité ou un accord qui aurait été obtenu par des moyens
contraires aux engagements ou obligations du Pacte de Paris (ou Pactes Briand Kellog)
de 1928 ». Cette attitude est depuis lors connue sous le nom de « doctrine Stimson »
impliquait le refus de reconnaître un Etat créé par une action de force illicite.

En dépit de cet avertissement, Mandchoulkou fut créé le 1 e mars 1932. L’Assemblée de la


SDN adopta immédiatement une résolution qui confirmait et universalisait la doctrine
Stimson : « Les membres de la société sont tenus de ne pas reconnaître aucune situation,
traité ou accord créé par des moyens contraires au Pacte de la S.d.N. ou au Pacte de
Pari ». Ce qui n’empêche pas quelques Etats de reconnaître cet Etat. Et en 1935, après
une guerre illicite, l’Italie annexa l’Ethiopie et le Royaume d’Italie devint l’ »Empire
d’Italie et d’Ethiopie ». L’Assemblée de la S.d.N. n’ayant pas réussi à adopter une
résolution comparable à celle de 1932, il fut plus aisé aux Etats de reconnaître cette
nouvelle qualification de l’Etat italien, résultat d’une création illicite.

Bref, la première tentative d’encadrement de la compétence de reconnaissance paraissait


se solder par un échec. Il importe de souligner qu’en 1945, consécutivement à l’échec du
Japon et de l’Italie, la Mandchoukouo et l’empire italien ont disparu, le premier par le
retour de la Mandcourie à la chine et le second par la restauration de l’Etat
Ethieopien…28

En doctrine l’on affirme l’existence en droit de gens contemporain d’une obligation de ne


pas reconnaître un Etat nouveau, ou toute autre situation provenant d’un usage illicite
de la force (comme si l’adultère dont il est issu ôterait à l’enfant le droit à l’assistance
dont il a besoin pour sa survie et sa croissance) 29. Il nous semble que l’obligation est
28
Voy. NGUYEN et all., Op.cit.,p. 563.
29
Ibid.

26
certaine lorsque les Etats en sont convenus ainsi, ou lorsqu’elle est consacrée par une
organisation internationale dans l’exercice des pouvoirs que les Etats lui ont attribué.
Elle est assurément fort discutable à l’absence d’un traité ou de décision qui l’impose
sans ambiguïté.30Dans son avis rendu à l’occasion de l’affaire des conséquences
juridiques pour les Etats de la présence e l’Afrique du Sud en Namibie, la CIJ paraît lui
donner un fondement général quasi coutumier.

Concluons avec Joe Verhoeven : « …il y a indiscutablement une tendance, dans la


pratique contemporaine, à étendre cette obligation de non reconnaissance à l’Etat
nouveau lorsque la création de celui-ci repose sur des actes ou comportement qui
violent gravement des règles élémentaires du droit des gens. Encore que le conseil de
sécurité paraisse souvent ordonner aux Etats de s’abstenir de reconnaître plutôt que leur
rappeler qu’ils ont l’obligation de ne pas le faire (Rés. 277(1970), du 18 mars 1970,
adoptée à propos de la Rhodésie). … ces illégalités, si fondamentales soient-elles, ne
paraissent pas de nature à empêcher un Etat d’exister. Et s’il existe, on ne voit pas ce qui
devrait interdire qu’on l’identifie ou ce que l’on pourrait gagner à ne pas l’identifier. Si la
reconnaissance a pour seule fonction de procéder à cette identification, il apparaît
saugrenu d’obliger à ne pas reconnaître. Il en va différemment si elle poursuit, à tort ou à
raison, d’autres objectifs. On peut comprendre par exemple que la non-reconnaissance
cherche à sanctionner les violations du droit sur lesquelles s’appuie la création de l’Etat.
Et on peut comprendre aussi que les responsables de la sanction obligent en pareille
perspective à ne pas reconnaître si ce la leur paraît bénéfique pour le respect du droit. Il
est difficile cependant de ne pas trouver le cheminement compliqué. Toute défaillante
qu’elle soit bien souvent, la sanction gagne sans doute à être proférée sans détours, en se
gardant de toute confusion entre être, reconnaître et punir ».31

&4. Le moment de la reconnaissance

Comme la reconnaissance elle-même le moment de son octroi est un acte discrétionnaire


de l’Etat. C’est lui qui choisit librement quand est-ce qu’il donne sa reconnaissance. Il
n’y a dès lors aucune contrainte qui puisse àà ce propos lui être imposée.

Certaines reconnaissances onte été dénoncées comme tardives ou à l’inverse comme


prématurées. La reconnaissance est prématurée lorsqu’elle est accordée à une entité qui
ne présente pas (encore)toutes les caractéristiques d’un Etat, alors qu’est tardive celle
qui lui est conférée lorsqu’elle les possède depuis longtemps.

Qu’elle soit tardive ou prématuré, elle exprime valablement la volonté de reconnaître de


son auteur ; elle demeure donc valide. Toutefois les conditions particulières qui
l’entourent ou dans lesquelles est conférée peut lui imprimer un caractère illicite. Une
reconnaissance prématurée peut, dans des circonstances particulières, constituer une
immixtion dans les affaires intérieures d’un autre Etat.

30
En ce sens J. VERHOEVEN, Op.cit., pp. 70-71.
31
Ibid.

27
&4. Les effets de la reconnaissance

La question des effets de la reconnaissance a polarisé les controverses.

1) Effet constitutif, effet déclaratif, effets politiques

a) Théorie de l’effet constitutif de la reconnaissance

Pour certains auteurs, la reconnaissance a un effet constitutif de l’Etat, c’est elle qui
attribue la qualité d’Etat, elle le constitue en ce sens qu’elle achève son processus de
création. La reconnaissance devient ainsi, en plus de l’existence d’une population, d’un
territoire et d’un gouvernement effectif et indépendant, un quatrième élément constitutif
de l ‘Etat. Cette conception « attributive », ou « constitutive » de la reconnaissance est
héritée des auteurs volontaristes (Triepel, Jellinek, Cavaglieri) qui soutenaient que
l’existence d’un Etat nouveau doit être acceptée par les Etats préexistants, la
reconnaissance étant le mode d’expression de ce consentement. Les Etats préexistant
bénéficient d’une position privilégiée par rapport à l’Etat nouveau dont la naissance,
suivant la théorie constitutive, serait subordonnée à leur consentement. Ce faisant cette
théorie est contraire au principe sacro-saint de l’égalité souveraine des Etats.

La théorie e l’effet constitutif a aujourd’hui perdu beaucoup de terrain au profit de la


théorie de l’effet déclaratif qui l’a supplanté. Il sied toutefois de relever que l’idée de
« coopération » et de vérification concertée si pas collective de la qualité d’Etat dans le
chef d’une nouvelle entité qui se prétend étatique n’a pas totalement disparue dans la
pratique internationale.

b) Théorie de l’effet déclaratif

Cette théorie aujourd’hui défendue par la doctrine dominante repose sur l’idée que la
naissance d’un Etat nouveau est un fait dont l’existence ne dépend pas des intentions ou
appréciations des Etats existants. En d’autres termes, la reconnaissance n’attribue pas la
personnalité juridique à l’Etat nouveau. Celle-ci est censé exister de plein droit dès
l’instant où une collectivité établie sur un territoire a un gouvernement effectif et
indépendant.

La reconnaissance d’Etat n’a qu’une portée déclarative parce que son seul objet est de
constater l’existence de l’Etat nouveau, sans lui conférer aucune qualité juridique qu’il ne
possède déjà du fait de ses trois éléments constitutifs. Elle ne crée pas la souveraineté de
l’Etat nouveau bien qu’elle en conditionne, dans une certaine mesure, les effets
internationaux. L’institut du droit international est claire à ce propos : « La
reconnaissance a un effet déclaratif. L’existence d’un Etat nouveau, avec tous les effets
juridiques qui s’attachent à cette existence, n’est pas affecté par le refus de
reconnaissance d’un ou de plusieurs Etats »32. La déclaration de Montevideo (VII
conférence panaméricaine) du 27 décembre 1933 partage ce point de vue en son article 3
qui se lit comme suit : « l’existence politique d’un Etat est indépendant de sa
reconnaissance par les autres Etats ». Dans le cadre latino-américain cette formule a été
32
Résolution de 1936, session de Bruxelles.

28
reprise comme en écho ainsi que l’atteste le libellé de l’article 9 de la Charte de Bogota de
1948 et de l’article 12 de sa version modifiée par la Conférence de Buenos-Aires de 1967.

La jurisprudence abonde dans le même sens. Un Tribunal arbitral mixte a jugé en 1919 à
propos de la Pologne : «  Suivant l’opinion admise à juste titre par la grande majorité des
auteurs du droit international, la reconnaissance d’un Etat n’est pas constitutive, elle est
simplement déclarative. L’Etat existe par lui-même, et la reconnaissance n’est rien
d’autre que la déclaration de son existence reconnue par les Etats dont elle émane ». Ce
point de vue a également été consacré par la Commission d‘arbitrage de la conférence
européenne pour la paix en ex-Yougoslavie qui dit : « l’existence ou la disparition de
l’Etat est une question de fait ; la reconnaissance par les autres Etats a des effets
purement déclaratifs ». Elle parait toutefois nuancer ce propos lorsqu’elle précise  que la
reconnaissance « tout comme la qualité de membre d’un organisation internationales,
témoigne de la conviction (des autres) Etats que l’entité ainsi reconnue constitue une
réalité et lui confèrent certains droits et certaines obligations au regard du droit
international ».33

Le refus de reconnaissance n’interdit pas à un Etat d’exister. Inversement l’octroi de la


reconnaissance ne suffit pas pour créer un Etat. Ainsi donc, si les éléments constitutifs
ne sont pas vérifiés, l’entité reconnue n’est pas pour autant un Etat. La reconnaissance
du Katanga par la Belgique (le seul Etat à l’avoir fait) n’a pas conféré la qualité d’Etat à
cette Province de l’ancienne colonie belge.

c) Effet politique

La reconnaissance est un acte exclusivement politique dont l’importance ne saurit être


minimisée. La pratique internationale atteste qu’elle peut avoir une influence décisive
sur la réalisation d’une effectivité. Etre un Etat c’est « être avec » ceux qui prétendent
généralement l’être. C’est être admis ou accepté par eux comme un des leurs appelé à
jouer avec eux le jeu de l’indépendance et de la souveraineté. 34

2) Effet partiel ou plénier

La reconnaissance de facto est une reconnaissance provisoire limitée à certains effets.


La reconnaissance de jure est une reconnaissance générale.

3) Effets juridiques de la reconnaissance

Il faut répéter qu’un Etat nouveau n’a pas besoin d’être reconnu pur exister en tant
qu’Etat. Toute Dès que le processus de création est achevé, il est un Etat, il est titulaire
de toutes les compétences étatiques et comme les autres Etats il peut en faire usage
conformément au droit international. Sur son territoire il s’organise librement, légifère,
administre, juge et ses autorités publiques sont seules, à l’exclusion de toute autre
autorité, en mesure d’exercer des actions de contrainte (police, défense, armée). Bref il
exerce ses compétences de manière plénière et exclusive sur son territoire, il respecte le
33
Avis n°8, &1, 4 juillet 1992.
34
J. VERHOEVEN, Op.cit., p. 76.

29
droit international et veuille à son respect par les autres Etats au oins à son égard. Le
protocole de Buenos-Aires confirme ce point de à son article 12 : Même avant d’être
reconnu, l’Etat a le droit de défendre son intégrité et son indépendance, d’assurer sa
conservation et sa prospérité, et, par suite, e s’organiser le mieux qu’il l’entend, de
légiférer sur ses intérêts, d’administrer ses services et de déterminer la juridiction t la
compétence de ses tribunaux. L’exercice de ces droits n’a d’autre limites que l’exercice
des droits des autres Etats conformément au droit international ».

On ne saurait déduire de ce raisonnement que la raisonnement, acte évidemment


politique, ne présente pas d’utilité ou d’effets juridiques. En effet, comme le souligne
l’article 13 de Protocole de Buenos-aires, « La reconnaissance implique l’acceptation par
l’Etat qui l’accorde, de la personnalité du nouvel Etat avec tous les droits et les devoirs
fixés pour l’un et l’autre, par le droit international ». En effet, l’Etat qui reconnaît l’Etat
nouveau accepte que lui soient désormais opposables tous les actes accomplis, dans
l’exercice régulier de ses compétences, par l’Etat qu’il a reconnu la souveraineté et l’
égalité. L’Etat non reconnu par tous a le droit d’avoir des relations diplomatique et
juridiques avec l’Etat qui l’a reconnu (ex. exercer le droit de légation passif et actif,
conclure des traités, entrer dans les organisations internationales régionales, …). Mais sa
liberté d’action est limitée vis-à-vis des Etats qui ne le reconnaissance pas.

Bref, la reconnaissance est le point de départ des liens juridiques bilatéraux entre l’Etat
qui reconnaît et l’Etat reconnu.

4) Effet rétroactif de la reconnaissance

L’examen de la théorie déclarative a permis de comprendre que la reconnaissance ne


créent pas l’Etat, qu’elle n’est qu’une procédure par laquelle les sujets de droit des gens
existants constatent la naissance, dans la famille des Nations, d’un nouveau sujet de
droit, égal à eux même. C’est comme une carte ou un certificat de baptême sur le fonds
baptismaux de la communauté internationale. L’Etat en soi existe, on l’a vu, dès
l’effectivité des trois éléments constitutifs. Dans cette perspective, il se comprend sans
peine que la reconnaissance de l’Etat porte ses effets à compter de la naissance effective
de l’Etat et non pas de la date de la reconnaissance 35.

5) Effet relatif (ou personnel) de la reconnaissance

La reconnaissance a un caractère personnel, elle n’engage que son auteur. C’est là un


corollaire de son caractère discrétionnaire et une conséquence logique de la souveraineté
et de la liberté des Etats.

L’Etat nouveau non reconnu ne peut contraindre les autres Etats à le reconnaître ou à
entrer en relation juridique avec lui sur la base de l’égalité parce qu’un d’eux l’a déjà fait.

35
En ce sens l’avis n°11 de la Commission d’arbitrage pour la paix en ex-Yougoslavie du 16 juillet 1993, relatif aux
dates e succession des Nouveaux Etats, RGDIP, 1993, pp. 1102-1105.

30
&5. La contestation de l’autorité étatique et la question de
reconnaissance

1) La reconnaissance comme insurgés et la reconnaissance de belligérante

Insurrection interne remettant en cause l’unité nationale et l’effectivité


gouvernementale. Mais ici les insurgés ne réussissent pas encore à prendre le contrôle
d’une partie du territoire mais sont si organisés qu’ils remettent en cause l’unité
nationale et l’effectivité du gouvernement. Ce qui oblige fréquemment les Etats tiers à
prendre position en vue de protéger leurs intérêts. Le souci de ne pas violer la règle de
non ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats incitent les gouvernements
étranges à éviter de reconnaître l’état de guerre ou de procéder à des reconnaissances
d’Etats prématurées. Il s se tirent d’affaire par la reconnaissance d’insurgés, institution
issue de la pratique des Etats-Unis à la fin du XIXè siècle. 36

Un progrès spectaculaire du droit international s’est opérée dans le cadre spécifique du


droit international humanitaire qui reconnaît des droits aux combattant insurgés en tant
qu’individu et leur impose les obligations (le respect et l’inviolabilité des non
combattants, …) . Le siège de la matière est ici le Protocole additionnel II de Genève de
1977 qui a complété et renforcé les dispositions de l’article 3 commun aux Conventions
de Genève.

Lorsqu les insurgés réussissent à prendre le contrôle d’une partie du territoire national
et à mener une véritable guerre contre les autorités légales, il devient difficile d leur nier
une certaine capacité juridique internationale. Ainsi la reconnaissance de belligérante
permet de leur attribuer la personnalité juridique international d’un gouvernement « de
facto » local.
Les pouvoirs de l’autorité « belligérante » sur la portion de territoire qu’elle contrôle
sont assimilables à ceux d’un occupant de guerre. L’ordre juridique mis en paca par
l’organisation insurrectionnelle est opposable au sujet du droit des gens et justifie que
soit engagée la responsabilité internationale des autorités insurgées lorsqu’elles
triomphent du gouvernement légal.

Etude des cas : - AFDL, MLC, - RDC, …

Dans la conduite du conflit armé, le pouvoir légal et les insurgés doivent respecter le
DIH. Les Etats tiers devront respecter la neutralité. Voir l’affaire des activités armées
RDC c. Ouganda.

36
Pour de plus amples informations voy. NGUYEN et all. Op.cit., pp. 568-569.

31
2) La reconnaissance des mouvements de libération nationale (MLN)

Cette reconnaissance répond historiquement au besoin d’assurer à des peuples sur le


point d’accéder à l’indépendance une capacité juridique internationale susceptible
d’accélérer le processus. Ce sont les peuples sous domination coloniale ou étrangère en
lutte en vue de se gouverner librement, en vue de disposer d’eux-mêmes qui sont ici
concernés. Aujourd’hui le sens du MLN peut être élargie et s’entendre comme
l’incarnation d’un peuple en lutte pour se gouverner librement ou qui aspire à
l’indépendance, même dans le contexte post colonial, au moyen de la sécession

La reconnaissance par les Etats ou les organisations internationales est un soutien


politique vital en vue de hâter le processus de libération. Mais dans ce contexte les
mouvements ont été pour le passé concurrents sur un même territoire. L’arbitrage et la
conciliation ou l’arbitrage ont permis de régler plusieurs crises ou conflit de légitimité.
Ainsi, l’OUA a crée en 1963 un comité de libération qui procédé, notamment, à la
reconnaissance de la SWAPO (South West Africa People Organization), considéré
comme le seul authntique représentant du peuple namibien, de même pour le FRELIMO
au Mozambique. De mê, au Sommet de Rabat, enoctobre 1974, l’Organisation pour la
libération de la Palestine (OLP), a été reconnu comme seul représentant du peuple
palestinien. Et le 28 octobre 1974, l’AGNU a reconnu la même organisation (OLP)
comme « seul et légitime représentant du peuple palestinein ».
Les conditions qui président à la reconnaissance des MLN sont identiques à celles qui
président à la reconnaissance de belligérance. En tout état de cause, ici comme ailleurs,
la reconnaissance demeure un acte discrétionnaire. Il se dégage de la pratique deux
conditions objectives qui ne suffisent pas à elles seules à conférer la reconnaissance :
- La représentativité du MLN. Ce ne doit pas être un mouvement fantoche. Certains
groupes ou mouvements politiques, pour des raisons inavouées (soit assurer la
longévité du pouvoir en place soit qu’ils ne sont qu’une caisse de résonance des
puissances colonialistes ou neo colonialistes), prétendent être le porte parole du
« peuple » sans avoir la moindre effectivité.
- L’effectivité du MLP. On évalue généralement le contrôle que le MLN exerce sur le
territoire qu’il contrôle. Le concept d’effectivité, compte tenu du contexte
politique, peut être interprété en faveur ou en faveur du MLN. Parlons d’abord du
cas de la guerre du Biafra (Nigeria) de 1968 à 1970. L’Ethnie des Ibos,
sécessionnistes, exerçait le contrôle effectif sur le territoire qu’elle revendiquait.
Elle ne fut toutefois pas reconnu par la majorité des Etats qui tenait pour capital
(supérieur) l’impératif de sauvegarder l’unité politique du Nigeria. En revanche
l’OLP a été reconnue alors qu’elle n’exerçait pas de contrôle réel sur le territoire
de l’Etat de la Palestine (qui n’est d’ailleurs pas défini jusqu’à présent). Au plan
diplomatique le MLN reconnu devient l’interlocuteur valable du peuple concerné.
La reconnaissance du MLN ayant un effet constitutif, elle correspond à la
reconnaissance de la capacité juridique internationale dudit mouvement (au
moins dans ses rapports avec les sujets du droit international qui l’ont reconnu), à
la reconnaissance de la légitimité de la cause qu’elle défend et des autorités qui le
représente. La reconnaissance des MLN par les organisations internationales
implique généralement l’octroi du statut d’observateur au sein desdites
organisations. Ainsi, l’OLP a qualité d’observateur permanent dans les sessions de

32
l’AGNU.

Cette reconnaissance a une portée comparable à la reconnaissance de belligérante : les


droits reconnus aux MLN le sont en vertu de la reconnaissance qui de ce fait a un effet
constitutif, entraîne l’application des règles de DIH, …

Section III. L’ORGANISATION DE L’ETAT

Il n’y a d’Etat que là où la population établie sur un territoire est placée sous l’autorité
d’un gouvernement effectif et indépendant qui exerce les compétences étatiques dans
leur plénitude. C’est par le truchement du gouvernement que l’Etat, sujet par excellence
du droit international, devient l’interlocuteur de ses paires.

Même si le droit des gens requiert de l’Etat un Gouvernement, il n’en régit aucunement
les formes. Ce serait contraire au principe de souveraineté… Il suffit au gouvernement
qu’il soit indépendant pour que l’ordre que postule le droit des gens puisse lui être
réservé et qu’il soit indépendant pour que l’autonomie de la personnalité e l’Etat dont il
est l’organe puisse être sauvegardée. Le gouvernement étant le miroir de l’Etat, il
convient de préciser les principes de droit des gens qui le régit (&1). Et lorsque par le fait
d’un coup d’Etat, d’un « poutch », d’une guerre ou de toute autre moyen
anticonstitutionnel, le gouvernement vient à tomber, quelles sont les règles juridiques
qui encadrent la reconnaissance internationale du gouvernement qui, illégalement, lui
succède  (&2)? Certes, il appartient à chaque Etat de se gouvernement comme il
l’entend. Il ne lui est toutefois pas interdit, pour les motifs qu’il juge opportun, de
s’associer avec d’autres, en vue d’une gestion conjointe (ou internationale) des fonctions
gouvernementales. Les formes internationalisées de gestion gouvernementale doivent
être connues (&3). Et au regard des bienfaits incontestés de la démocratie, forme de
gouvernement qui se généralise, il n’est pas inintéressant de se demander si le droit des
gens pose quelques exigences en la matière ou sanctionne les dictatures (&4). Enfin on
ne saurait clore le commentaire sur l’organisation du gouvernement sans analyser la
manière dont le droit des gens protège les fonctions gouvernementales à travers la
protection des agents de l’Etat sans laquelle ils ne sauraient exercer en toute
indépendance et efficacité leurs fonctions internationales (&5).

&1. Les principes internationaux régissant le gouvernement

Traditionnellement le droit des gens laisse chaque Etat libre de s’organiser comme il
l’entend. Les appréciations peuvent, assurément, être délicates en cas de pluralité de
gouvernement.

a) L’effectivité du gouvernement

L’effectivité du gouvernement est une condition inhérente à la nécessite d’organisation


de la communauté des internationale composée de sujets souverains et dépourvu d’un

33
système de contrôle hiérarchisé. Chacun devra ainsi être en mesure de faire respecter
pour ce qui le concerne les règles du droit international. Ce qui suppose qu’ils contrôlent
réellement les personnes et les espaces qui rentrent dans le champ de leur compétence.

L’effectivité du gouvernement est un concept fugace. Il n’est pas aisée de déterminer ce


qu’il recouvre. Elle s’apprécie in concreto. Pour dire d’un gouvernement qu’il est effectif,
on vérifiera par exemple si sur le territoire gouverné la sécurité des personnes et des
biens est assurée ou maintenue, la justice rendue, l’enseignement dispensé, la
subsistance de la population assurée, etc. et les engagements internationaux de l’Etat
observés, au moins tant que les autorités de celui-ci ne refusent pas explicitement de s-‘y
conformer. On peut vérifier également si le gouvernement est en mesure de faire
respecter les droits de l’Etat dont il est l’organe, à moins que celui-ci n’y renonce
explicitement… En vérité, il n’y a pas de critères préétablis dont il puisse être fait usage
pour mesurer le degré de maîtrise du gouvernement. Il est un fait du reste que si la
vérification de cette vérification d’une effectivité gouvernementale est rigoureuse lors de
la naissance de l’Etat (voir la reconnaissance d’Etat), elle devient purement formelle
dans le cours ultérieur de l’existence étatique.

Somme toute, le gouvernement est présumé effectif, ce qui dispense de s’en assurer
régulièrement, et il censé le demeurer tant qu’il est reconnu. Ce qui simplifie les choses
dès lors qu’on sait que la mise en cause de l’effectivité d‘un gouvernement étranger a le
plus souvent été considéré, probablement à tort, comme une intervention illicite dans les
affaires intérieures de l’Etat dont ce gouvernement se prétend l’organe.

b) La liberté du gouvernement

La déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations


amicales et la coopération entre les Etats, adoptée le 24 octobre 1970 par l’Assemblée
générale des Nations Unies formule en ces termes le principe de la liberté de
gouvernement : « tout Etat a le droit inaliénable de choisir son système politique,
économique, social et culturel sans aucune forme d’ingérence de la part d’un autre
Etat ». Autrement dit chacun est libre de se gouverner comme il l’entend, ainsi que l’a
souligné la CIJ dans l’affaire du Sahara occidental : « Aucune règle du droit international
n’exige que l’Etat ait une structure déterminée, comme le prouve la diversité des
structures étatiques qui existent actuellement dans le monde ».37 Rien ne les empêche
toutefois, dans l’exercice de leur souveraineté, de s’engager, collectivement ou
individuellement, de s’engage le cas échéant à adopter une forme particulière de
gouvernement. Ainsi la charte e l’OEA, signé à Borota le 30 avril 1948, impose-t-elle par
exemple à ses membres « une organisation politique basée su le fonctionnement effectif
de la Démocratie représentative »38. Il en est de même des Etats de l’Union
Européenne39.

La liberté de gouvernement doit être entendue de manière large sous la réserve de


l’évolution contemporaine qui cherche à imposer un modèle démocratique. Cette liberté
37
Acis relatif au Sahara occidental, 16, oct. 1975, Rec. 1976, &94, pp. 43-44.
38
Art. 3, d.
39
Art. 6, ex art. F 1, du traité UE.

34
avalise par avance tout choix organisationnel opérée par l’autorité gouvernementale.
Qu’il s’agisse par exemple de décider de la formule économique (libéralisme ou pas), de
techniques électorales, de décentralisation fonctionnelles et territoriales ou de modalités
administratives (le fédéralisme, …), du régime linguistique, de politique éducative, …
l’Etat est parfaitement libre. Ce sont des matières du droit interne dans lesquelles le
droit international ne peut exercer aucune censure. Il suffit qu’un Etat dans l’adoption
de ces politiques ne puisse se soustraire des conventions internationales qu’il a ratifié ni
se retrancher derrière les règles de son droit interne pour ne pas exécuter ses obligations
internationales.

Si la liberté laissée à l’Etat de s’organiser comme il l’entend reflétait à l’origine


‘l’impuissance du droit international à contester des effectivités, c’est aujourd’hui
clairement un choix. Depuis le démantèlement de l’Union soviétique et la fin de la guerre
froide la démocratie libérale et l’économie de marché s’impose comme modèles de
gestion de l’Etat. Cette forme d’organisation étatique à dominante européenne, si pas
occidentale, va se généralisant… Ce qui, comme l’a si bien dit Joe Verhoeven, n’est pas
la meilleure manière de garantir la démocratie 40.

c) L’unicité du gouvernement

L’effectivité du gouvernement implique son unicité dans la mesure où le gouvernement


doit être en mesure d’exercer les fonctions étatiques sur un territoire à l’exclusion de
toute autre autorité. Mais l’Etat étant libre d’organiser l’appareil gouvernemental
comme bon lui semble, i peut en centraliser ou en décentraliser la gestion. En pareille
perspective, la complexité ou la multiplicité de l’autorité gouvernementale n’en remet
aucunement en cause l’unicité.

La question se pose autrement en cas de coexistence, dans un même Etat, de


gouvernements rivaux. Cela n’a rien à coir avec la décentralisation territoriale ou le
fédéralisme. C’est plutôt le reflet d’une désorganisation interne du gouvernement, d’un
vide de pouvoir ou une tentative de renversement non constitutionnel du gouvernement,
voire une tentative de sécession ou de démantèlement du régime.

La pluralité du pouvoir met en cause son effectivité. Puisqu’il n’y a pas d’Etat sans
gouvernement effectif, on eut cru que l’existence de l’Etat est mise en cause dès que son
gouvernement ne l’est plus. L’assertion est démentie par la pratique internationale. Les
cas du Congo, du Liban de la Somalie de l’Afghanistan, … où l’Etat n’a pas été mise en
cause en dépit de l’ineffectivité du gouvernement illustrent ce point de vue.

Il convient à présent de déterminer quelles est, des autorités en présence, en cas de


pluralité de gouvernement, celle à qui il appartient d’exercer les droits ou de rendre
compte des obligations de l’Etat. On suit souvent les effectivités existantes. Pour des
question plus délicates on appliquera la politique de paralysie provisoire, c’est-à-dire
qu’on laisse la question ouverte en attendant la réapparition d’un gouvernement effectif.
Lorsque la question ne peut attendre, la pratique a tendance à privilégier le
gouvernement « reconnu » c’est-à-dire celui qui était incontestablement au pouvoir
40
J. VERHOEVEN, Op.cit., p. 84-85.

35
avant que survienne la situation qui a mis en doute son autorité. Ce qui suppose que ce
gouvernement n’a pas disparu.

Si acceptable soit-elle cette dernière solution, selon les enseignements de la pratique,


n’est pas toujours suivie. Leurs intérêts économiques ou leurs amitiés idéologiques
incitent bien souvent les Etats tiers à traiter des affaires de l’Etat avec une autorité qui
n’est ni l’ancien gouvernement reconnu, ni le nouveau pouvoir effectif. Il eut été
intéressant de ne régler avec pareille autorité que des affaires courantes et lui interdire
de prendre au nom de l’Etat des décisions qui peuvent avoir pour celui-ci des
implications fondamentales. La conclusion ne se vérifie pas dans la pratique. Les
engagements souvent déterminant pour l’avenir de l’Etat adoptées par un gouvernement
sans réelle effectivité, fut-ce à charge d’une ultime assistance dans la reconquête du
pouvoir. On cite souvent l’exemple du gouvernement nationaliste chinois qui, après la
prise du pouvoir par Mao-tsé-tung à Pékin en 1949, a continué à représenter la chine aux
Nations Unies et de conclure à ce titre d’importants traités en son nom (ex. la non
prolifération), en dépit d‘une absence pratiquement totale d’effectivité hors le soutien
des occidentaux, et singulièrement des Etats-Unis. Dans le précédent chinois toujours,
sur la question de la représentation d’un Etat à l’ONU , celle-ci a encore préféré la
légitimité (souvent discutable) à l’effectivité et a aussi invité d’autres organisations
internationales de sa famille à lui emboîter les pas.41

La pratique est, à la vérité, flottante. Dans d’autres affaires internationales, la pratique


onusienne retient l’effectivité au mépris de la légitimité. La participation de la RDC à la
session de l’OIT en 199 est éclairant à ce sujet. Deux gouvernement rivaux se présenter à
Genève pour représenter l’ex Zaïre : le gouvernement conduit par Mr Etienne
Tchisekedi, premier ministre élu par la conférence nationale Souveraine et la délégation
conduite par le gouvernement Birirdwa, issus du conclave. L’OIT a subordonné la
participation de la RDC à ses travaux au payement de ses arriérés de cotisations. Le
gouvernement légitime (celui de Tchisekedi) ne pouvait pas payer. Le gouvernement
effectif ayant en ses mains la gestion effective de l’Etat et qui s’imposait par les armes a
honoré les engagements du Zaïre, à savoir les dettes du pays à l’OIT, et a été admis à
représenter l’Etat zaïrois.

Bref, il n’y a pas de solution définitivement établie en cette matière où les intérêts
politiques, économiques, idéologiques jouent un rôle déterminant. Seule cette règle est
incontestable : un Etat, un gouvernement. Nul n’a jamais contesté qu’à un Etat
corresponde un gouvernement, qu’il soit qualifié légitime ou effectif. Tout est question
de reconnaissance dont il bénéficie, encore qu’ici plane des mystères d’un acte purement
politique …

&2. La reconnaissance du gouvernement

C’est vers la fin de la moitié du XIXè sicle que la pratique internationale a soumis les
41
Voy. rés. 396 (V), 14 décembre 1950.

36
gouvernement nouveaux à une reconnaissance spécifique lorsqu’ils parviennent au
pouvoirs par des procédés contraires à la constitution ou à la loi fondamentales (ex.
poutch, court d’Etat, guerre, …). Toutefois, depuis le début des années soixante, un
nombre croissant d’Etat estime qu’il n’y a pas lieu de reconnaître des gouvernements,
qu’elle qu’en soit l’origine.

Il faut noter que la reconnaissance de gouvernement ne s’impose qu’aux les


gouvernements nouveaux parvenus au pouvoirs par des moyens anticonstitutionnels.

La reconnaissance de gouvernement répond à une logique à bien des égards


comparables à celle qui domine la reconnaissance d’Etat. Elle a pour objet un
gouvernement nouveau mais, comme on le sait, tous les gouvernements nouveaux n’y
sont pas soumis. Elle ne concerne que les gouvernements illégaux, ceux qui se sont
emparés du pouvoir par des moyens anticonstitutionnels.

1) Formes et effets de la reconnaissance

La reconnaissance des gouvernements est, comme la reconnaissance d’Etat,


discrétionnaire. L’Etat est parfaitement libre de choisir les formes qui lui plaisent et
d’imposer des conditions qui paraissent appropriées au regard de ses intérêts ou des
principes qu’il entend défendre. Au-delà des conditions liées à leurs intérêts purement
personnels, il n’est plus de nos jours sérieusement contesté que des conditions visant un
certain « intérêt général » international soient imposé par les Etats aux gouvernements
qu’ils entendent reconnaître : l’exigence démocratique et l’engagement ferme du
gouvernement à respecter et faire respecter sur son territoire le droit international,
particulièrement les droits de l’homme et des peuples.

La reconnaissance du gouvernement a des effets déclaratifs et non constitutifs comme


d’aucuns ont semblé le suggérer. C’est-à-dire que cette reconnaissance ne crée pas le
gouvernement. Elle n’est qu’un constat de l’effectivité d’un pouvoir qui est en mesure de
faire respecter dans le ressort d’un Etat les règles du droit international. D’aucuns ont
semblé prêter à la reconnaissance des effets constitutifs. On voit mal comment la
reconnaissance du gouvernement – acte unilatéral et discrétionnaire d’un Etat étranger
– pourrait être créatrice de la représentativité d’un gouvernement au sein d’un Etat
également souverain. Ce serait heurter le principe fondamental de l’égalité souveraine,
de la liberté de l’Etat et de non immixtion dans les affaires intérieures et de la liberté qui
est laissé à chaque Etat de s’organiser comme il l’entend. Certes, cette liberté n’est plus
totale et le gouvernement doit se conformer à certaines exigences démocratiques et aux
impératifs des droits fondamentaux de la personne humaine. Il demeurerait néanmoins
fondamentalement antidémocratique que sa représentativité dépende de la volonté
discrétionnaire d’une autorité étrangère. S’il appartient à tout peuple de doter d’un
gouvernement de son choix, il ne se comprendrait guère que celui-ci puisse être en
quelque sorte censuré par un autre Etat. La liberté de gouvernement implique que la
communauté internationale doit simplement prendre acte d’un gouvernement effectif,
c’est-à-dire soutenu par la majorité de la population quels que soient les moyens par
lesquels il s’est constitué. Pareil gouvernement effectif est présumé en mesure de faire
respecter les engagements internationaux de l’Etat. Ce qui suffit à satisfaire la famille des

37
Nations. Pour le reste, même non reconnu, un gouvernement effectif, respectant les
règles fondamentales du droit des gens notamment droits de l’homme et, de ce fait,
soutenu par la majorité de la population peut exercer toutes les compétences d’un Etat
reconnu. L’importance de la reconnaissance est simplement de garantir l’opposabilité de
ce gouvernement à l’égard de ses paires. Elle n’a, somme toutes, que des effets
déclaratifs ; lui prêter des effets constitutifs serait contrarier les principes de droit des
gens susmentionnés.

Cela n’exclut pas que la reconnaissance de gouvernement, comme du reste la


reconnaissance de l’Etat, ait des effets politiques déterminants pour la survie de l’entité
dont elle a pour objet de ratifier l’existence et l’effectivité. Il est extrêmement difficile
pour un gouvernement de se maintenir au pouvoir si aucun autre gouvernement
n’accepte de traiter avec lui les affaires de l’Etat. Il faut admettre que la reconnaissance
contribue indiscutablement, et parfois de manière décisive, à l’effectivité voire au
maintien d’un gouvernement nouveau. On ne saurait pour autant la juger
« constitutive » comme si la représentativité internationale du gouvernement en
dépendait.

Comme la reconnaissance d’Etat, la reconnaissance du gouvernement est réputée


rétroactive et irrévocable, au moins tant que subsiste l’autorité qui en fut originairement
destinataire. Elle peut être de facto ou de jure. Est réputé de facto le gouvernement,
encore précaire, qui s’empare du pouvoir dans des conditions irrégulières et dont la
survie est incertaine. Est en revanche de jure l’autorité officielle en charge des affaires
de l’Etat, dont l’effectivité ne peut normalement pas être mise en doute.

2) Abandon de la reconnaissance de gouvernement

Réagissant contre le recours abusif à des critères de légitimité en matière de


reconnaissance de gouvernement, Genaro Estrada, ministre méxicain des affaires
étrangères fut le premier à dénoncer, dans sa célèbre déclaration du 27 septembre 1930,
une « insulting practice and one which (…) implies that judgement of some sort may be
passed upon the internal affairs of those nations by other governments ». En
conséquence il a proposé que les Etats, en face de changements inconstitutionnels de
gouvernements dans d’autres Etats, se préoccupant exclusivement du maintien ou de la
rupture de relations diplomatiques avec le gouvernement nouveau qui s’est
irrégulièrement emparé du pouvoir, sans autrement se soucier de le “reconnaître ».

La doctrine Genaro Estrada a été interprétée comme impliquant une reconnaissance


tacite des autorités avec lesquelles ces relations n’étaient pas rompues. Elle semble
toutefois revenir sur le principe même de la reconnaissance de gouvernement, dont
l’opportunité est fondamentalement en cause. Trois décennies après sa formulation,
cette doctrine a pris effet dans la pratique internationale. En effet, un nombre croissant
d’Etats considèrent aujourd’hui qu’il n’y a plus lieu de reconnaître les gouvernements
étrangers même s’ils sont parvenus irrégulièrement au pouvoir.

38
La France fut la première a voir avoir déclaré, lorsque le gouvernement Diem est
renversé au Vietnam du Sud en 1963, qu’elle n’entendait pas reconnaître les
gouvernements nouveaux et qu’elle se limitait, partant, à décider s’il y a lieu ou nom
d’établir ou de maintenir avec celui-ci des relations officielles, principalement
diplomatiques. La même politique sera défendue par la Belgique, lorsqu’en 1965,
Mobutu s’empare du pouvoir en RDC (ex Zaïre.) Ces décisions s’expliquaient à l’évidence
par la complexité de situations qui auraient pâti de la reconnaissance officielle d’une
autorité nouvelle plus qu’elles n’en auraient profité. C’était là une politique ambiguë
susceptible, suivant les circonstances, d’être interprétée tantôt comme une
reconnaissance tacite du gouvernement nouveau, tantôt comme un refus de
reconnaissance de ce gouvernement irrégulier. Cette ambiguïté était une politique
délibéré car en réalité on a cru au début que ces gouvernements demeuraient éphémères.
Il n’en a rien été.

Plusieurs autres Etats se sont ralliés à la doctrine Genaro Estrada déclarant abandonner
la pratique de reconnaissance des gouvernements étrangères (Autriche, suisse,
Allemagne, Italie, Royaume-Uni, etc.). D’autres en revanche, après l’avoir inauguré,
semblent par moment l’avoir oublié, et être revenus à une reconnaissance qu’ils
déclaraient avoir abandonnée. Ce qui suffit à montrer la complexité d’un acte
discrétionnaire, par nature politique, … tout dépend des intérêts à sauvegarder et des
principes à défendre.

En tout état de cause la reconnaissance de gouvernement ne devrait pas être


abandonnée. Il se dégage, d’ailleurs, de la pratique internationale qu’elle est loin de
tomber en désuétude. Il est certes délicat voire difficile de déterminer la conduite à
suivre à l’égard de gouvernements dont l’accession – et souvent d’ailleurs le maintien- au
pouvoir repose sur la violation grave des règles fondamentales, touchant notamment les
droits fondamentaux de la personne humaine ou des groupes. Mais la reconnaissance de
gouvernement est l’un des rares moyens aux mains de la communauté internationale de
censurer le gouvernement nouveau sur les critères des principes établis du droit des
gens, notamment les droits de l’homme et le droit humanitaire, et de prévenir les
violations de ce droit par les candidats au gouvernement.

L’UA est l’une des organisations intergouvernementales ayant développé un cadre


juridiques international « pro démocratie » et qui , depuis quelques décennies,
sanctionne quasi systématiquement les gouvernements illégaux. On peut douter de la
pertinence de ces sanctions, mais lorsque les circonstances s’y prêtent elles ont relevé
leur efficacité. CAS

&3. Les formes internationalisées de gestion gouvernementale

S’il appartient à chaque Etat de se gouverner comme il l’entend, il ne saurait lui être
interdit de s’associer avec un ou plusieurs autres Etats, pour les motifs qu’il juge
opportuns aux fins d’un exercice conjoint des fonctions gouvernementales. La liberté
dont jouit l’Etat dans le choix de son mode de gouvernement couvre à l’évidence ces
formes internationalisées pour autant qu’elles n’emportent pas par elles mêmes aucune
violation de règles de jus cogens (ordre public international) auxquelles aucune

39
dérogation n’est permise. Même si le droit des gens est en principe indifférent aux
systèmes internes de gouvernement, il ne peut en l’occurrence totalement s’en
désintéresser, fût-ce parce qu’il régit l’accord au moins implicite, en dehors duquel ces
collaborations gouvernementales ne se conçoivent guère.42

Les formules de collaboration intergouvernementales sont multiples et variées, ce qui


traduit la particularité et la multiplicité des besoins auxquels elles sont censées
répondre. Hormis les situations exceptionnelles dans lesquelles une autorité peut être
amenée à assurer provisoirement certaines fonctions gouvernementales pour le compte
d’un Etat étranger (occupation, concordat, etc) les formules sous examen ont été
systématisées par la science politique sous trois catégories particulières à savoir l’union
personnelle, l’Union réelle et la confédération 43.

1) L’Union personnelle

C’est la situation par laquelle deux Etats conviennent d’utiliser le même souverain
(exemples : Pays-Bas et Luxembourg de 1815 à 1890 ; Belgique et Etat Indépendant du
Congo de 1985 à 1909 ; ect.)

Par une loi du 30 avril 1885, Léopold II, roi des Belges, fut autorisé à devenir le
souverain du nouvel Etat indépendant du Congo (E.I.C.). Largement fictif, celui-ci a
permis au Roi des belges de poursuivre une entreprise personnelle de colonisation qu’il
cèdera après à la Belgique. ainsi par une loi du 28 octobre 1908, approuvant les accords
conclus à cet effet le 28 novembre 1907 et le 5 mars 1908 que l’EIC fut annexé à la
Belgique. La France a vainement fait valoir à cette occasion l’existence d’un droit de
préemption qui lui avait été consenti en 1908 par l’Association internationale du Congo,
confirmé par un accord franco-belge du 5 février 1895, demeuré non ratifié, ce droit a été
reconnu, postérieurement à l’annexion, dans un arrangement franco-belge du 23
décembre 1908.

2) L’Union réelle

Mécanisme par laquelle deux Etats s’associent pour gérer certaines politiques (ex.
affaires étrangères, finances, armée, police, fonction publique, …), ce qui implique le
recours à des organes communs ( Autriche et Hongrie de 1867 à 1919 ; suède et Norvège
de 1805 à 1905 ; etc.)

3) La confédération

Situation dans laquelle plusieurs Etats confient la responsabilité de politiques


communes à un organe collégial (Diète) auxquels les transferts indispensables de
compétences ont été consentis (confédération germanique de 1815 à 1871 ; confédération
helvétique (Suisse) de 1819 à 1848 ; etc.)
42
J. VERHOEVEN, Op.cit., p. 98.
43
Ch. ROUSSEAU, t. II, 1974, pp. 96-158 ; J. VERHOEVEN, Op.cit., pp. 98 et s.

40
La distinction entre ces diverses formules de gouvernement internationalisées demeure
parfois malaisée. La confédération ne se démarque pas toujours très clairement de
l’Union réelle. Les frontières entre ces diverses catégories sont loin d’être imperméables.
Un élément commun unit ces catégories : aucune de ces formules ne met n cause la
pluralité de sujets de droit qui sont convenus d’un gouvernement « internationalisé ».
Elles se distinguent en cela des techniques fédérales dans lesquelles l’Etat fédéral seul
bénéficie de la personnalité juridique au regard du droit des gens, en dépit des
compétences parfois étendues qui peuvent être reconnues à ses composantes dans le
domaine des relations internationales.

Les catégories susmentionnées sont certainement liées à des situations historiques


propres au XIXè siècles. On se gardera toutefois d’en déduire que les modes
internationalisés de gouvernement ont fait long feu. Bien au contraire, ils peuvent aider
à résoudre certains problèmes contemporains dans plusieurs Etats. En effet, peu d’Etat
peuvent prétendre se gouverner seuls dans un environnement que l’on dit mondialisé.
Ce n’est pas tant qu’ils ne soient plus pleinement indépendants. C’est surtout qu’ils ne
peuvent plus réellement assumer seuls de manière efficace toutes les responsabilités
qu’implique la gestion d’une société. Le succès des organisations internationales en
témoigne. Mais si celles-ci ne sont que des éléments de service communs à plusieurs
Etats, il faut relever que leurs implications gouvernementales demeurent limitées, à
l’exception de la Communauté européenne qui a en charge des politiques communes.
C’est autant dire que des formules de gouvernement internationalisé demeurent
porteuses et pourraient permettre aux Etats confrontés à des problèmes similaires de les
résoudre plus efficacement. Ne pourrait-on pas penser à la gestion commune des
politiques de désarmement dans la Régions des Grands lacs africains ?

&4. La conditionnalité démocratique du gouvernement (liberté de


gouvernement et obligation de démocratie : fondements juridiques)

Il appartient, nous l’avons vu, à chaque Etat de se gouverner comme bon lui semble et
de se doter d’un gouvernement de son choix sans avoir, en la matière, d’injonctions
émanant de qui que ce soit. Cela ne signifie pas que le droit des gens ait renoncé dès
l’origine à imposer à ses sujets quelque discipline en la matière. Le droit des gens n’est
toutefois pas encore parvenu à formuler sur ce point des règles acceptables par tous et
moins encore à les faire respecter.

L’apparition de formules « socialistes » de gouvernement dans un monde dominé par le


capitalisme, tout autant que le scepticisme d’Etat colonisés à l’endroit de toute condition
qui paraîtrait mettre en cause une indépendance fraîchement acquise, n’ont pas manqué
de renforcer en un premier temps l’hostilité dans Etats envers toue règle de « bon »
gouvernement. Le temps n’est plus aujourd’hui eu refus systématique. La démocratie
s’impose progressivement et circonscrit, partant, l’espace dans lequel la liberté de se
gouverner et appelé à s’exercer. L’exigence concerne, ici, les « communautés » nationales
sans minimiser la nécessité de démocratisation de la Communauté internationale.

41
D’accord toutefois que le modèle démocratique national ne saurait comme tel être
transposé à la communauté internationale ni aux organisations internationale.

a) Consécration de l’exigence démocratique : le « bon » gouvernement

La Charte des Nations Unies nonobstant les excès du régime nazie, et ceux de ses alliés,
se garde de consacrer intentionnellement quelque exigence démocratique. Il se contente
de consacrer le principe du droit des peuples à disposer d’eux même (art. 1 er et 55) et
d’inviter à tenir compte « des aspirations librement exprimées des populations
intéressées » dans la définition et la mise en œuvre du régime des territoires sous tutelle
(art. 76, b). La référence démocratique s’est toutefois cristallisée en droit des gens,
singulièrement depuis la fin de la guerre froide, symbolisée par la chute du mur de
Berlin. Relevons les grands traits de l’évolution :

- La consécration par la Charte des droits fondamentaux de la personne humaine


dont la portée a été explicitée par la suite dans les traités spécialisés à violation
universelle ou régionale. Même si ces droits ne déterminent par eux-mêmes
aucune forme particulière de gouvernement, ils fixent néanmoins un cadre
général qui doit être respecté sous peine de méconnaître une élémentaire dignité
humaine. Ils prescrivent certaines barrières à l’action des gouvernants et
garantissent certains droits individuels et collectifs de nature à déclencher ou à
hâter le processus démocratique (liberté d’expression, liberté de réunion, liberté
de presse, liberté d’association, etc.) ;
- L’affirmation d’un droit à des élections libres lequel implique de manière plus
immédiate une forme de gouvernement fondée sur le consentement populaire. Le
principe est posé en de termes très généreux et de manière large par l’article 21 de
la DUDH (1948). Des instruments conventionnels contraignants appelés à lui
donner effet se révèlent plus mesurés : art. 25 du PIDCP adopté par l’AGNU le 16
décembre 1966, l’art. 3 du premier protocole à la convention européenne des
droits de l’homme du 20 mars 1952, l’art. 23 de la convention américaine des
droits de l’homme du 22 novembre 1969 et l’article 21 de la charte africaine des
droits de l’homme et des peuples du 26juin 1981.
- Au lendemain de la chute du mur de Berlin, les références démocratiques sont
devenues plus globales. La démocratie, impliquant quelque pluralisme politique,
passe pour un élément de la rule of law qui s’impose à tout Etat. Il n’est plus
question d’exciper de la liberté de tout Etat de se gouverner comme bon lui
semble pour ne pas s’y soumettre. C’est le « document de Copenhague » adopté
dans la cadre de la CSCE qui pose le premier ce principe qui sera confirmé sans
ambiguïté par la Charte de Paris pour une nouvelle Europe adoptée le
21novembre 1990. Cette soudaine consécration de l’exigence démocratique
s’explique par la brutale prise de conscience qu’il n’est pas de stabilité possible
dans les Etats nés du démembrement de la Yougoslavie et de l’Union soviétique si
leurs autorités ne respectent pas les règles démocratiques, et qu’il n’est pas de
sécurité possible dans un environnement fragilisé sans une stabilité de ses
composantes. Aussi, les lignes directrices sur la reconnaissance des nouveaux
Etats en Europe centrale et en Union soviétique, adoptées le 16 décembre 1991
par la Communauté et ses Etats membres, subordonnent expressément celle-ci au

42
« respect (…) des engagements souscrits dans l’Acte final d’Helsinki et la Charte
de Paris, notamment en ce qui concerne l’Etat de droit, la démocratie et les droits
de l’homme ».44

Cette prise de conscience ne s’est pas limitée à l’Europe. L’Assemblée générale de


l’ONU n’est pas demeurée en reste. Elle s’est concentrée sur « le renforcement du
principe d’élections périodiques et honnêtes » et s’est révélée attentive « au
respect des principes de la souveraineté nationale et de la non-ingérence dans les
affaires intérieures en ce qui concerne les processus électoraux ». Ces formulent
témoignent des réticences instinctives mis n’ont pas empêché les Nations unies de
contrôler à maintes reprises l’organisation d’élections à l’intérieur d’un Etat dont
la situation pouvait laisser croire que celles-ci ne s’y déroulerait pas
régulièrement, de manière démocratique. Inaugurée en 1989 au Nicaragua,
l’opération de surveillance des élections est devenue routinière. Elle s’est déroulée
en RDC en 2007, au Burundi, … D’autres organisations internationales ont déjà
inscrit dans leurs programme la surveillance des élections afin qu’elles se
déroulent librement et démocratiquement (OSCE, l’UA, SADEC, etc.). Les
directives de l’AGNU de 1992 font clairement apparaître le souci de l’organisation
de ne pas entraîner d’ingérences abusives dans les affaires intérieures des Etats
intéressés. Aussi souligne-t-elle par exemple que l’assistance électorale doit être
accordée au cas par cas, les gouvernements intéressés continuant d’assume en la
matière les responsabilités principales.45

b) La sanction

Il ne suffit pas d‘affirmer les règles. Faut-il encore, et c’est mieux, de les faire respecter.
Le droit international a connu des développements spectaculaires en matière de mise en
oeuvre ou de contrôle des droits garantis. Qu’il s’agisse des mécanismes onusiens de
protection des droits de l’homme, le comité des doits de l’homme et d’autres mécanismes
spécifiques de contrôle montrent bien leur efficacité. Les système régionaux de
protection des droits de l’homme sont encore les mieux élaborés et les plus avancés. Que
l’on pense à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui assure le contrôle
des droits garantis par la conventions européenne. Une commission et une cour
interaméricaine assurent le contrôle des droits proclamés par la convention américaine
des droits de l’homme ; une commission et une cour africaine assurent le contrôle des
droits proclamés par la charte africaine des droits de l’homme et par d’autres
instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par les Etats parties.
Rien de tel en ce qui concerne le contrôle du respect de la démocratique au sein des
Etats. Il n’y a pas à en être surpris. Comme le relève pertinemment Joe Verhoeven « la
consécration des obligation qui pèsent en cette matière sur les Etats est trop récente, et
leur contenu à dire vrai encore trop imprécis, pour qu’il se conçoive, toute sensibilité
face aux ingérences étrangères mise à part, que leur respect fasse l’objet de procédures
spéciales d’une effectivité comparable ».

44
RGDIP, 1992, p. 261 cité par J. VERHOEVEN, Op.cit., p. 103.
45
Ibid.

43
L’on se satisfait dès lors des techniques générales de sanction que connaît le droit
international, dont les misères sont bien connues. Il se dégage de la pratique, entre
autres, les sanctions ci-après :

- Le refus de reconnaissance des gouvernements non démocratiques. Cette


politique a eu son heure de gloire sans grand succès. Ainsi que nous l ’avons
montré précédemment, elle est aujourd’hui dépassée par l’abandon croissant de la
reconnaissance de gouvernement dans la pratique.
- Rupture des relations diplomatiques avec les gouvernements antidémocratiques.
La rupture de toute relation avec les autorités qui ne respectent pas les règles d’un
«  bon » gouvernement constitue une mesures de rétorsion parfaitement légal
tant que l’Etat n’a aucune obligation d’entretenir les relations qu’il entend
rompre. Dans le cas contraire, la rupture ne peut être justifiée qu’au titre de
contre - mesures. L’Etat devra –t-il justifier d’un préjudice propre ? Nous le
pensons.
- L’intervention d’humanité. C’est là une exception au principe de non recours
(unilatéral) à la force armée.
- Dénier à un gouvernement le pouvoir de représenter (le peuple d’)un Etat
lorsqu’il méconnaît les règles élémentaires d’un gouvernement démocratique.
Sanction courante dans la pratique des organisations internationale. Cette
politique a été suivie par l’AGNU à l’égard de l’Afrique du sud avant l’abandon par
celle-ci de sa pratique d’apartheid. Les pouvoirs de représentation de l’Afrique du
sud ont été infirmés par l’AG à partir de 1970, au motif que le gouvernement de
Pretoria qui les avait délivrés, n’était plus habilité à représenter le peuple sud-
africain. Nul ne contestait cependant ni l’authenticité de ces pouvoirs ni
l’effectivité du gouvernement qui les avait établis. Interprété au début comme
blâme n’interdisant pas la délégation sud-africaine de participer aux travaux de
l’assemblée, en 1974, sous la présidence de M. Boutefrika il a été suivi d’effet, ce
qui a entraîné l’expulsion de l’Afrique du sud. La solution applicable mutatis
mutandis dans toute organisation internationale, offre une sanction indirecte
d’une efficacité plus grande. Elle demeure toutefois juridiquement discutable car
elle aboutit à suspendre la représentation d’un Etat membre sans respecter les
conditions en principe imposées par l’article 5 de la Charte. Il n’est pas certain
qu’elle soit même politiquement judicieux car en effet, car elle dénie toute
représentativité à l’autorité effective à laquelle est reprochée la violation des
règles élémentaires, ce qui risque de priver la communauté internationale de
l’interlocuteur indispensable pour que soit rétabli la démocratie…

&5. La protection internationale des fonctions gouvernementales

Tout en laissant chaque Etat libre de s’organiser comme il l’entend, le droit


international assure une protection particulière à ceux de ses agents ou organes qui
traitent des affaires « internationales » de manière à s’assurer tant que faire se peut du
bon fonctionnement de la communauté des Nations. Sans cette protection en effet ces
agents ou organes ne sauraient, sur la scène internationale, exercer en toute
indépendance leurs fonctions gouvernementales. A l’exception des fonctions

44
diplomatiques et consulaires qui connaissent un régime juridique original et précis, il
faut admettre que les règles régissant la matière sont loin d’être parfaitement claires.
Hormis les deux fonctions susmentionnées, de grandes incertitudes subsistant quant à
l’étendue des dérogations au droit commun que requiert l’exercice d’un fonction
« gouvernementale » particulière.

I. Les relations diplomatiques

Le droit international classique reconnaît aux Etats souverains le « droit de légation »


lequel comporte deux aspects. D’abord le droit de légation active est celui d’envoyer des
représentants diplomatiques auprès des Etats étrangers ; comme ces représentants
doivent être accrédités auprès de ceux-ci, l’Etat qui envoie ces représentants est désigné
par l’expression Etat accréditaire ». En second lieu, le droit de légation passive est celui
de recevoir les représentants diplomatiques des puissances étrangères ; l’Etat qui reçoit
les représentants accrédités auprès de lui, est dénommé « Etat accréditaire ». Signalons
au passage, que les Etats participent aux organisations internationales par
l’intermédiaire des missions diplomatiques permanentes ou spéciales et, inversement,
les organisations internationales peuvent être représentées auprès des Etats. 46

A qualité d’agent diplomatique la personne chargée par l’Etat accréditant, de le


représenter officiellement auprès de l’Etat accréditaire, pour traiter des questions
d’intérêt commun. Dès l’aube du droit international, les Etats ont eu le soin d’accorder à
ces légats une protection spéciale pour leur permettre d’exercer efficacement et en toute
indépendance leurs fonctions. Sur le plan juridique, l’étendue et les modalités de cette
protection qui jadis, a suscité de vives controverses, ont été codifié par la convention du
18 avril 1961 sur les relations diplomatiques dont les dispositions sont, aujourd’hui,
tenues pour déclaratives de droit. Dans l’affaire des otages, la CIJ a considéré le droit
diplomatique comme « un édifice juridique patiemment construit par l’humanité au
cours des siècles et dont la sauvegarde est essentielle pour la sécurité et le bien être d’une
communauté internationale (très) complexe (…), qui a plus que jamais besoin du respect
constant et scrupuleux des règles présidant au développement ordonné des relations
entre ses membres ».47

Il importe de souligner que les relations diplomatiques s’exercent normalement à


l’intermédiaire de missions permanentes établies sur le territoire des Etats intéressés.
Elles peuvent toutefois s’appuyer sur des missions temporaires, qui ont pour objet
l’exécution d’une tâche particulière. Le statut de ces émissions spéciales, appelées
diplomatie ad hoc, parce qu’il vise les envoyés itinérants, les conférences diplomatiques
et les missions spéciales envoyées à un Etat à des fins limitées rappellent les
« légations » sur lesquelles s’est originairement construite la diplomatie et fait l’objet
d’une convention adoptée à New York le 8 décembre 1969. L’article 1 er de cette
Convention rappelle le caractère à la fois bilatéral, provisoire, limité et consensuel de la
mission spéciale48.
46
NGUYEN et all., Op.cit., p. 740.
47
Affaire des otages, Fond, 24 mai 1980, Rec., pp. 44, &92.
48
NGUYEN et all. Op.cit., pp. 747 – 748.

45
1) Etablissement et rupture des relations diplomatiques

Aux termes de l’article 2 de la convention de vienne, l’établissement des relations


diplomatiques entre Etats et l’envoi de missions (…) permanentes se font par
consentement mutuel. Il est devenu exceptionnel que ce dernier soit exprimé dans un
traité en bonne et due forme. Les Etats sont parfaitement libres de choisir la forme qui
leur convient…
L’établissement et la rupture des relations diplomatiques revêtent un caractère
discrétionnaire. Ainsi, aucun Etat n’est tenu d’entretenir des relations diplomatiques
avec un autre Etat, même s’il doit coexister pacifiquement avec lui. Semblablement
aucun Etat n’est tenu de maintenir de telles relations lorsqu’elles existent. Il a même le
droit d’y mettre fin, sans avoir à se justifier de quelque manière.

Nonobstant son caractère en principe discrétionnaire, la rupture des relations


diplomatiques ou consulaires peut être rendue obligatoire par une organisation
internationale, et singulièrement les Nations Unies, dans le cadre des sanctions
pacifiques. En effet, dans son avis consultatif rendu dans l’affaire de la Namibie, la CIJ a
déclaré que « conformément au devoir de non reconnaissance de l’administration sud
africaine imposé par le conseil de sécurité, les Etats membres doivent s’abstenir
d’accréditer auprès de l’Afrique du Sud des misions dont la juridiction s’étendrait au
territoire de la Namibie. Ils doivent également, poursuit la Cour, signifier aux autorités
sud-africaines qu’en entretenant des relations diplomatiques ou consulaires avec
l’Afrique du Sud ils n’entendaient pas reconnaître par là son autorité sur la Namibie ».49

On a douté, à tort, de la légalité de cette obligation 50 qui, pourtant, concourt au


renforcement d’une « communauté » internationale fondée sur le respect du droit. La
légalité de la rupture des relations diplomatiques peut néanmoins, à très juste titre, être
contestée lorsqu’elle est constitutive d’un abus de droit. 51 C’est le grief souvent formulé à
l’encore de la doctrine Hallstein, sur la base de laquelle la RFA déclarait rompre tous les
rapports avec les Etats, au moins non socialistes, qui, avant la normalisation des
relations entre les deux Allemagnes, prétendaient reconnaître comme Etat souverain la
« soit disant République démocratique allemande ».

Une pratique récente semble distinguer suspension et rupture des relations


diplomatiques. L’intérêt de la distinction ne paraît pas claire au regard du caractère
discrétionnaire de la reprise des relations ; celles-ci peuvent reprendre à tout moment.
La distinction n’est toutefois pas dénué de tout intérêt si l’on considère qu’à l’inverse de
la rupture des relations diplomatiques qui s’accompagne de la disparition totale des
relations entre les deux Etats, la suspensions laisse quant à elle provisoirement en place
les missions établies qui expédient en l’occurrence les affaires courantes et sert la
propension manifeste des Etats à trouver, entre l’entretien de relations normales et leur
rupture, des situations intermédiaires permettant d’exprimer sans trop de frais leurs

49
Affaire de la Namibie, 21 juin 1971, Rec., p. 55, & 123.
50
J. VERHOEVEN, Op.cit., p. 106.
51
Ibid.

46
mutuels déplaisirs (rappel en consultation, etc.)52

Il reste à souligner que dans les Etats fédéraux (ou fortement décentralisés) les relations
diplomatiques sont en principe toujours l’apanage des autorités fédérales ou centrales
auxquelles appartient le monopole du droit de légation passif et actif. Ce qui n’exclut
certes pas que des entités fédérées ou régionales aient à l’étranger des bureaux de
représentation dépourvu de tout caractère diplomatique, même si par courtoisie,
certaines immunités leurs sont reconnues (ex. Le cas des Régions en Belgique etc.)
L’Etat étant parfaitement libre de s’organiser comme il l’entend, il ne lui est pas interdit
de donner à des entités fédérées ou régionales de réels pouvoirs de représentation
diplomatique, dans ce contexte l’Etat se ferait représenter par une Région ou une
Province. Si l’Etat est parfaitement libre de s’organiser comme bon lui semble, on voit
mal comment cette faculté lui serait interdite au moment où, en vertu du même principe,
il ne lui est pas interdit de confier, en tout ou partie, à un Etat étranger le soin de le
représenter etc. (voy. Exercice international des fonctions gouvernementales). En
dernière analyse, le principe d’indifférence du droit international en cette matière est la
règle. C’est-à-dire que ce droit ne donne aucune directive particulière en ce domaine :
l’Etat fédéré ne possède pas ipso facto le droit de légation, qu’elle soit active ou passive,
mais rien ne l’empêche d’entretenir des relations avec des Etats souverains ou des
organisations internationales si, et dans la mesure où, l’Etat fédéral dont il est membre
l’admet ou le tolère.53

a) La mission diplomatique (ambassade ou légation)

La mission diplomatique permanente, qualifiée généralement d’ambassade et parfois de


légation, est un service public de l’Etat accréditant installée en permanence sur le
territoire de l’Etat accréditaire. Comme l’établissement de relations diplomatiques,
l’envoi et la réception de ces missions se fait par consentement mutuel entre les Etats
concernés.

- De l’accréditation

Deux formalités marquent l’entrée en fonction du chef de mission diplomatique :


l’agrément et la présentation des lettre de créance. En effet, le chef de mission ne peut
entrer en fonction qu’avec l’accord préalable du gouvernement étranger lequel accord se
nomme agrément. Mais après l’agrément et au moment de la prise effective se ses
fonctions, le chef de mission doit encore accomplir une formalité : la remise de ses
lettres de créance par lesquels son propre Etat l’accrédite auprès de l’Etat accréditaire.
La désignation des autres membres de la mission est faite unilatéralement par le
gouvernement national sous réserve d’une simple notification au gouvernement de l’Etat
d’accueil.

La fonction de tout membre du personnel diplomatique prend fin dans l’Etat accréditaire
si celui-ci le déclare persona non grata et demande son rappel. L’Etat accréditant peut
aussi prendre l’initiative de le rappeler. Le rappel temporaire du chef de mission est un
52
Ibid.
53
NGUYEN et all. Op. cit., p. 743.

47
acte grave motivé généralement par un état e tension politique entre l’accréditant et
l’accréditaire.

Outre l’hypothèse générale d’accréditation exposée plus haut, il faut relever que la
Convention de Vienne de 1961 (art.5) a codifié la pratique de l’accréditation double ou
multiple. En effet, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, pour remédier à la
pénurie de personnel diplomatique et en vue de réaliser des économies budgétaires, ont
été amenés à pratique le système de l’accréditation double ou multiple (un même chef de
mission est accrédité auprès de deux pu plusieurs Etats). La convention sous examen
prévoit même qu’un Etat accréditant peut établir une mission diplomatique permanente
dirigée par un chargé d’affaires ad intérim dans chacun des Etats accréditaires où le chef
de la mission n’a pas de résidence permanente.

Le consentement préalable des Etats accréditaires est-il nécessaire ? La question a, en un


moment, polarisé les controverses. En tout cas,le Saint-siège n’accepte pas que le
représentant d’un Etat auprès du Vatican soit aussi accrédité auprès de l’Italie. L’Article
5 de la convention de 1961 a adopté une solution on ne peut plus souple : le
consentement tacite des différents Etats accréditaires suffit.

De la représentation commune. Aux vœux de l’article 6 de la Convention sous examen


« Plusieurs Etats peuvent accréditer la même personne en qualité de chef de mission
auprès d’un autre Etat, à moins que l’Etat accréditaire ne s’y oppose. ».si donc ce dernier
ne s’y oppose pas, le chef de mission commun sera accrédité autant de fois qu’il y a
d’Etats qui le chargeront de le représenter. Cette accréditation commune sert, entretien
et renforce la solidarité entre des Etats-Unis par des intérêts ou de politiques communs.
Il va sans dire que l’Etat accréditaire ne peut l’accepter que si elle ne préjudicie pas ses
intérêts et si lui-même éprouve le même sentiment et poursuit une même politique à
l’égard de tous les Etats accréditaires associés en la circonstance.

La représentation commune doit être soigneusement distinguée du cas où, pour quelque
raison que ce soit, un Etat n’a pas de représentation auprès d’un autre Etat et charge un
troisième Etat qui, lui, est représenté auprès de cet autre Etat, d’assurer la défense de ses
intérêts et de ses nationaux. Il se comprend sans peine que dans ces cas l’agent
diplomatique chef de la mission permanente ne de l’Etat tiers n’est pas spécialement
accrédité par le premier Etat. La pratique est de droit pour les Etats de l’Union
européenne. Si l’absence de représentation du premier Etat est que à la rupture de
relations lié à des confits politiques, la défense des intérêts et la protection des
ressortissants du premier Etat ne doit pas être considéré comme un acte inamical
surtout lorsqu’il repose un engagement international de l’Etat tiers dans le cadre,
notamment, d’une organisation internationale.

- De l’organisation de la mission diplomatique

Aux termes de l’article 12 de la Convention de A961, la mission diplomatique doit


obligatoirement être établie dans la capitale de l’Etat accréditaire et Etat accréditant ne
peut sans l’accord de l’accréditaire ouvrir des bureaux dans d’autres localités.

48
Supprimant la hiérarchie classique entre les chefs de mission, la Convention sous
analyse les a repartis en trois catégories tout en ne donnant à cette répartition qu’une
portée formelle en ce qui concerne la préséance et l’étiquetage :
a) ambassadeurs ou nonces accrédités auprès des Chefs d’Etat, et autres chefs de
mission ayant un rang équivalent ;
b) envoyés, ministres ou internonces accrédités auprès des chefs d’Etat ;
c) chargés d’affaires accrédités auprès des ministres des affaires étrangères ;

Dans la pratique la classe intermédiaire a tendance à disparaître.

L’effectif d’une mission est souverainement déterminé par l’Etat accréditant en fonction
de ses besoins. La convention de Vienne précise toutefois que l’Etat accréditaire, en
l’absence d’un accord explicite avec l’Etat accréditant, a le droit de réduire cet effectif à
« ce qu’il considère comme raisonnable et normal, eu égard aux circonstances et
conditions qui règnent dans cet Etat au aux besoins de la mission en cause » (art. 11). La
règle est coutumière mais la crainte des rétorsions en limite les abus.

- Des fonctions de la mission diplomatique

Il appartient à la mission diplomatique de traiter avec l’Etat accréditaire de toutes


questions d’intérêt commun (négociation d‘accords, protection des nationaux, etc.). Il
est entendu que l’agent diplomatique représente à cette fin l’Etat accréditant, c’est-à-dire
qu’il en est au sens propre l’organe plus que l’employé ou le fonctionnaire.

Sur pied de l’article 3 de la convention de Vienne, la mission diplomatique exerce


notamment les fonctions ci-après :

a) représenter l’Etat accréditant auprès de l’Etat accréditaire ;


b) protéger dans l’Etat accréditaire les intérêts de l’Etat accréditant de ses
ressortissants ;
c) négocier avec le gouvernement de l’Etat accréditaire ;
d) s’informer par tous les moyens licites des conditions et de l’évolution des
événements dans l’Etat accréditaire et faire rapport à ce sujet a gpiverneement de
l’Etat accréditant ;
e) promouvoir des relations amicales et développer les relations économiques,
culturelles et scientifiques entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire.

Cette liste n’est pas exhaustive

La convention de 1961 sur les relations diplomatiques précise en outre qu’il n’est aucune
de ses dispositions qui puisse être interprétée comme interdisant l’exercice des fonctions
consulaires par une mission diplomatique » (art. 3 &2). Et la convention du 24 avril 1963
sur les relations consulaires surenchérit : « le consentement donné à l’établissement de
relations diplomatiques (…) implique, sauf indication contraire, le consentement à
l’établissement de relations consulaires »(art. 2, &2). Ce qui implique que sauf

49
« indications contraires » il n’est pas (plus) besoin d’un accord particulier pour
l’établissement de relations consulaires pour les Etats qui entretiennent des relations
diplomatiques.

Il faut préciser qu’en vertu de l’article 41 &1 de la Convention de Vienne de 1961 le


personnel de la mission, dans l’exercice de ses fonctions, a le devoir de respecter les lois
et règlements de l’Etat accréditaire (les immunités dont ils jouissent ne changent rien à
cet effet) et de ne pas s’immiscer dans ses affaires intérieures. Le souci de réduire le
risque d’immixtion explique qu’une obligation pèse sur la mission de traiter les
questions dont elle est saisie avec son ministre des affaires étrangères.

b) Début et fin des fonctions diplomatiques

Le prescrit de l’article 2 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques


précité est sans équivoque ; l’établissement et la rupture des relations diplomatiques
reposent, sur le consentement mutuel des Etats partenaires. Un Etat n’est pas en droit
d’exiger qu’un autre Etat reçoive ou maintienne sur son territoire ses représentants.
L’Etat n’est même pas (théoriquement) tenu d’entretenir des relations diplomatiques
avec ses paires. Il existe certes un droit de légation inhérent à la qualité d’Etat – droit
imparfait et à exercice discrétionnaire – mais pas d’obligation de légation. En effet, la
Chine et le Japon ont vécu pendant des siècles sans entretenir aucune relation avec les
pays étrangers. La RFA (avant la chute du mur), en vertu de la doctrine Hallstein déjà
rencontrée, a refusé d‘entretenir des relations diplomatiques avec les Etats
reconnaissant la « prétendue » République Démocratique allemande. Il en va de même
aujourd’hui de la chine populaire avec les Etats qui reconnaissent Taiwan, du Maroc
avec les Etats qui reconnaissent la « République Sahraouie ». On peut citer également le
refus des Etats arabes d’entretenir des relations avec Israël.

En revanche, comme l’a souligné la CIJ à l’occasion de l’affaire du personnel


diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, « si aucun Etat n’a l’obligation
d’entretenir des relations diplomatiques ou consulaires avec autre Etat », dès lors qu’il
l’a fait, « il ne saurait manquer de reconnaître les obligations impératives qu’elles
comportent et qui sont maintenant codifiées par les Conventions de Vienne de 1961 et
1963 »54.

Régulièrement nommés par l’Etat accréditant, les agents diplomatiques entrent en


fonction et bénéficient d’un statut privilégié, dès leur arrivée sur le territoire de l’Etat
accréditaire, sans avoir besoin d’aucune autorisation particulière. Il suffit que leur
désignation et leur arrivée lui aient été notifiées. Le consentement de l’accréditaire est
toutefois obligatoirement requis lorsque l’agent est choisi parmi ses ressortissants ; il
peut l’être, l’accréditaire si l’accréditaire s’en réserve le droit, lorsque celui-ci est
ressortissant d’un Etat tiers, tout en ayant pas la nationalité de l’Etat accréditant (art. 8).

La règle est différente pour les chefs de mission. Ainsi que nous l’avons vu
54
C.I.J., Rec., 1979, p. 20.

50
précédemment, la désignation de ceux-ci est subordonnée à l’agrément de l’Etat
accréditaire, qui peut discrétionnairement le refuser sans avoir à s’en expliquer et leur
entrée en fonctions à la remise préalable de lettres de créance. Celles-ci étaient
originairement justifiées par la nécessité de prouver qualité et pouvoirs. Habituellement
la remise de lettres n’est pas exigée des chargés d’affaires, qui sont accrédités auprès du
ministre des affaires étrangères notification et copie).

L’Etat accréditaire peut à tout moment mettre fin, par une décision unilatérale -
déclaration de persona non grata - aux fonctions des agents diplomatiques accrédités
auprès de lui, qu’il s’agisse du chef de la mission ou d’un agent soumis à autorité de
celui-ci (art. 9 CVRD). Semblablement, l’Etat accréditant met fin aux relations
diplomatiques au moyen d’une décision unilatérale qu’il prend de fermer sa mission
diplomatique imposant ainsi la même décision à son partenaire, en vertu du principe de
réciprocité.55

Il faut souligner pour finir que la rupture des relations diplomatiques est un acte grave
qui n’intervient qu’en dernier ressort, d’autres mesures moins radicales pouvant être
prises par les eux Etats en cas de désaccord. La rupture est automatique en cas de guerre
entre les deux Etats. Elle peut être décidée sans guerre si le différend entre eux est d’une
gravité telle que les autres mesures possibles (expulsion des diplomates, rappel du chef
de mission) apparaissent insuffisantes. Elle peut aussi résulter d’une action collective
revêtant le caractère d’une sanction d’un Etat ayant maqué à ses obligations
internationales. C’est ainsi qu’en 1964, les Etats membres de l’O.E.A. ont rompu les
relations diplomatiques avec le Cuba sur demande de l’organisation. De même, sur base
de l’article 41 de la Charte, le Conseil de sécurité a décidé d’imposer des sanctions,
comprenant la rupture des relations diplomatiques, contre la Rhodésie du sud 56 et leur
limitation à un niveau réduit avec la Libye et la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) 57. On
se référera également à l’avis de la CIJ dans l’affaire des Conséquences juridiques pour
les Etats de la présence continue de l’Afrique du sud en Namibie (affaire de la Namibie)
et à notre précédent commentaire y relatif.

2) Privilèges et immunités diplomatiques

L’Etat accréditaire exerce sur le territoire de l’Etat accréditant une mission de service
public par l’entremise des agents et de la mission diplomatiques. Ces acteurs qui
permettent ainsi de concilier le principe de la souveraineté territoriale avec les exigences
des relations internationales sont dans une position spéciale. Ce qui conduit le droit des
gens à leur reconnaître des garanties exceptionnelles leur permettant ou, au moins, leur
facilitant l’accomplissent de leur mission en toute efficacité. On désigne ces facilités par
l’expression « privilège et immunités ».

Il faut distinguer les deux notions. Au moment où les immunités impliquent la


55
NGUYEN et all., Op.cit., p. 744.
56
Rés. 232 du 16décembre 1966.
57
Rés. 757 (1992).

51
soustraction des agents et de la mission diplomatiques aux juridictions de l’Etat
accréditaire, les privilèges les exceptent des obligations de droit commun sur le territoire
dudit Etat (ex. exemption d’impôts et taxes, etc.). Certains auteurs ont tenté de proposer
une distinction fondée sur la base juridique des deux notion estiment que seules les
immunités seraient fondées directement sur le droit international car elles seules
constituent des atteintes à la souveraineté de l’Etat accréditaire et s’imposeraient comme
tel à lui ; tandis que les privilèges dépendrait exclusivement du droit interne de l’Etat
accréditaire qui aurait pleine compétence pour les octroyer à l’Etat à l’Etat accréditant.
Fauchille, un des grands artisans de la distinction estime que les privilèges varient
« selon le bon plaisir des divers Etats,les unes les accordant plus largement, les autres
plus étroitement ». En revanche, défendant une thèse favorable à l’Etat accréditant,
d’autres auteurs, tel Verdosse, repoussent, sur le plan de leur fondement juridique,
toute distinction entre privilège et immunité qu’ils estiment équivalent et qu’ils tiennent
comme reposant toutes deux sur le droit international.

La Convention de Vienne soutien une position intermédiaire. Elle maintient la


distinction entre privilège et immunité tout en assouplissent sa portée. Il ressort de
l’analyse de ses dispositions que les immunités sont totalement fondées sur le droit
international. Pour les privilèges en revanche, certains tirent bien leur source dans le
droit international – c’est le cas des exemptions fiscales - tandis que d’autres sont des
simples mesures de courtoisie à propos desquels le droit international s’exprime en de
termes permissifs et non impératifs et dépendent par conséquent quant à leur existence
et leur étendue du droit interne (art. 34 et 36)58.

Quant aux finalités et à la raison d’être des privilèges et immunités, trois théories
s’affrontent : la théorie de l’extraterritorialité, la théorie fondée sur le caractère
représentatif des agents et de la mission diplomatiques et la théorie fonctionnelle.
Pour la théorie de l’extraterritorialité, l’agent diplomatique est considéré comme
n’ayant pas quitté le territoire de son propre Etat et comme se trouvant, en conséquence,
en dehors du territoire de l’Etat accréditant bien qu’il y exerce ses fonctions. Les locaux
de la mission sont traités de la même façon. Les privilèges et les immunités s’expliquent
par cette extraterritorialité et par conséquent devraient être interprétée de manière
extensive. Cette théorie qui a eu son heure de gloire mais aujourd’hui dépassée et
abandonnée, repose sur une fiction de nature à entraîner des solutions juridiques
absurdes : la mission ne devrait, par exemple, livrer à l’Etat accréditaire un délinquant
de droit commun qui s’y réfugierait qu’à la suite d’une procédure d’extradition… En
revanche la théorie du caractère représentatif de l’agent et de la mission diplomatiques
repose sur l’idée que l’un et l’autre représentent l’Etat accréditant et son chef en
conséquence en respectant les privilèges et immunités aux agents et à la mission
diplomatiques l’Etat accréditaire respectent, comme il en a le devoir, la dignité,
l’indépendant et la souveraineté de l’Etat accréditant et de son chef. Enfin en vertu de la
théorie fonctionnelle, dont nul ne conteste aujourd’hui la pertinence et le bien fondé, les
privilèges et les immunités trouvent exclusivement leur fondement dans la volonté de
permettre les agents et la mission diplomatiques d’exercer en toute indépendance et le
plus efficacement possibles leurs fonctions.

58
Voy. NGUYEN et all. Op.cit., p. 748.

52
Au-delà de tout extrémisme, la pratique combine les deux dernières théories. En effet, la
convention de Vienne, dans son souci habituel de compromis, déclare en son
préambule : « … le but desdits privilèges et immunités est non pas d’avantager des
individus mais d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions des missions
diplomatiques en tant que représentant des Etats ». Et la CIJ, mettant judicieusement
l’accent tant sur le fonctionnalisme que sur le caractère représentatif des privilèges et
immunités des diplomates, à l’occasion de l’affaire du Personnel diplomatique et
consulaire des Etats Unis à Téhéran, relève : « Dans la conduite des relations entre
Etats, il n’est pas d’exigences plus fondamentales que celle de l’inviolabilité des
diplomates et des ambassades et, au long de l’histoire, des Nations de toutes croyances et
de toute culture ont observé es obligations réciproques à cet effet ; et les obligations ainsi
assumées pour garantir la sécurité personnelle des diplomates e leur exemption de toue
poursuite sont essentielles, ne comportent aucune restriction et sont inhérentes à leur
caractère représentatif et à leur fonction diplomatique. L’institution de la diplomatie,
avec les privilèges et immunités qui s’y rattachent, a résisté à l’épreuve des siècles et s’est
avérée un instrument essentiel de la coopération efficace dans la communauté
internationale, qui permet aux Etats, nonobstant les différences de leur systèmes
constitutionnels t sociaux, de parvenir à la compréhension mutuelle et de résoudre leurs
divergences par des moyens pacifiques »59.

Analysons les règles relatives aux privilèges et immunités de la mission diplomatique (a)
avant d’examiner celles se rapportant aux privilèges et immunités des agents
diplomatiques (b)

a) Privilèges et immunités de la mission diplomatique

Une précision s’impose : le statut privilégié dont bénéficie la mission diplomatique


n’implique en rien qu’elle ne soit pas soumise aux lois régulièrement en vigueur dans
l’Etat accréditaire. Elle ne saurait dès lors y être soustraite sous réserve des privilèges et
immunités qui lui sont reconnus par le droit international. Par exemple la mission est
soumise à l’obligation d’obtenir une autorisation de bâtir etc.

1° L’inviolabilité de l’hôtel diplomatique. L’Etat accréditaire a l’obligation non


seulement de ne pas porter atteinte aux locaux de la mission et aux biens qui s’y
trouvent, mais encore de prendre toutes dispositions nécessaires pour les protéger et
prévenir les atteintes qui pourrainet y être portées par les éléments incontrôlés(Voy. CIJ
Affaire du personnel diploamtique et consulaire des Etats Unies à Téhéran, Rec, 1980,
pp. 30 et s.). Cette inviolabilité concerne bien l’hôtel diplomatique, c’est –à-dire les »
ba^timents ou parties de bâtiments et du terrain qui, quel qu’en soit le proptriétaire,
sont utilisés aux fins de la mission »(art. 1er, i). Elle a été étendue à la réssidence du chef
de celle-ci ainsi qu’à la demeure privée des agents dipomatiques (art. 30). Nul ne peut,
partant y pénétrer sna le consentement de l’Etat accréditant, exprimée par le chef de la
mission – qui doit être présumé compétent à cet ffet – ou par le ministre des affaires
étrangères. Formellemtn la règl ne souffre aucune exception. Même la force majeure ?
L’Etat accréditaire peut-il se prévaloir des autres « circonstances excluant l’illicéité »
59
Ordonnance du 15 décembre 1979, Rec., 1979, p. 19.

53
pour déroger à cette règle ? La CDI, dans son projet d’article sur la responsabilité des
Etats, écarte expressément toute dérogation qui serait apporté à la la règle sous examen
au titre de contre-mesures (article 50 Projet CDI)

De facto l’inviolabilité dont jouit la mission diplomatique lui permet de soustraire aux
autorités de l’Etat accréditaire des personnes don, à tort ou à raison, elle cherche à
s’emparer. C’est la pratique de l’asile diplomatique qui a connu de précédents célèbres
ainsi que l’atteste la jurisprudence de la CIJ en l’affaire Haya de la tore mais au sujet de
laquelle les incertitudes, du moins sur la nature juridique, persistent encore. Les Etats
qui l’accordent ne s’accordent pas sur les modalités et la convention de Vienne observe à
son égard un silence prudent.

L’inviolabilité s’étend aux meubles et aux autres objets qui se trouvent dans l’hôtel
diplomatique, aux moyens de transport de la mission, ainsi qu’à ses archives et autres
documents en quelque lieu qu’ils se trouvent (art. 22 et 24). Toute perquisition, saisie ou
taures mesures d’exécution sont, partant, interdits à leur endroit.

2° La liberté des communications officielles est garantie. Ainsi la correspondance de la


mission, qui est en droit de communiquer librement avec l’Etat accréditant, est
également inviolable. La valise diplomatique qui ne peut être « ni ouverte, ni retenue »,
es l’instrument privilégié de ce communication ; elle étend au courrier qui l’accompagne
le bénéfice de l’inviolabilité, pour autant qu’il soit dans l’exercice de ses fonctions (art.
27). Il importe de préciser que pour que la valise diplomatique (et donc les colis qui la
constitue) puisse bénéficier de cette protection, elle doit porter une marque extérieure de
son caractère et ne peut contenir que des documents diplomatiques ou des objets à usage
officiel.

La mission est autorisée à employer tous autres moyens de communication appropriés.


Quid de l’installation et de l’utilisation par la mission d’un poste émetteur de radio ?
L’enthousiasme des grandes puissances à ce propos n’a eu d’égal que les réticences des
petits pays lors des négociations ayant abouti à la Convention de Vienne. Un compromis
fut trouvé : le recours ce moyen de communication est subordonné à l’assentiment de
l’Etat accréditaire.

La Convention de Vienne, en son article 22 § 2, précise que « L’Etat accréditaire a


l’obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin d’empêcher que les
locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée
ou sa dignité amoindrie ». La disposition n’impose pas seulement à l’Etat de s’abstenir
de tout acte ou comportement incompatible avec l’inviolabilité de la mission, de trouble
sa paix ou d’amoindrir sa dignité ; elle lui commande aussi de prendre positivement
toutes les mesures raisonnablement requises pour prévenir les manquements qui y
seraient apportées ou pour y mettre fin sans délai. C’est en fonction de toutes les
circonstances pertinentes qu’il faut vérifier si l’Etat accréditaire a satisfait aux
obligations découlant de l’article précité. Ces appréciations sont, de toute évidence,
extrêmement délicates particulièrement en périodes de troubles et autres agitations
populaires ainsi que l’atteste l’affaire de la prise d’otages à l’ambassade des Etats Unies à
Téhéran.

54
b) Privilèges et immunités des agents diplomatiques

Les membres de la mission diplomatique jouissent traditionnellement de privilèges et


immunités destinés à faciliter l’exercice de leurs fonctions. Seuls les agents
diplomatiques (chef de mission et membres du personnel diplomatique) bénéficient
d’un statut plénier. Les autres catégories de personnel (ex. les chauffeurs)

La qualité d’agent diplomatique est généralement établie par l’inscription sur la liste
diplomatique tenue par le ministre des affaires étrangères de l’Etat accréditant. Les
privilèges et immunités reconnus à l’agent diplomatique sont également reconnus aux
membres de sa famille qui font partie de son ménage. Lorsque l’agent a la nationalité de
l’Etat accréditaire ou sa résidence permanente sur le territoire de celui-ci, in ne bénéficie
de l’immunité de juridiction et de l’inviolabilité que pour les actes officiels accomplis
dans l’exercice de ses fonction.

I est évident que l’agent diplomatique ne dispose en principe de son statut privilégié que
dans l’Etat accréditaire. Dans un Etat tiers, la convention lui accorde l’inviolabilité et
toutes immunités nécessaires pour permettre son passage ou son retour s’il se trouve sur
son territoire pour aller assurer ses fonctions ou rejoindre son poste dans l’Etat
accréditaire ou pour rentrer dans son pays.

Outre certains privilèges (douaniers, fiscaux, etc.), l’agent diplomatique jouit


essentiellement immunités fondamentales à savoir l’inviolabilité de sa personne,
l’immunité de juridiction et l’immunité d’exécution.

1) L’inviolabilité

La personne de l’agent diplomatique est inviolable ; sur le territoire de l’Etat accréditaire


sa sécurité doit être totale. Il échappe à toute contrainte, fût-elle morale qu’entendrait
exercer sur lui les autorités locales. Il ne peut notamment et être soumis à aucune forme
d’arrestation ou de détention, la convention de Vienne précisant que l’Etat accréditaire
doit prendre toutes mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa
liberté et sa dignité » (art. 29). Un arsenal juridique important le protège contre le
terrorisme la convention (universelle) adoptée par l’AGNU le 14 décembre 1973 relative
à la « prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une
protection internationale, y compris les diplomates ». L’Etat refuge des terroristes a
l’obligation de les extrader, soit de les sanctionner pénalement (aut dedere, aut punire).

L’inviolabilité de l’agent diplomatique ne souffre aucune exception. Il ne peut y êre


dérogé au titre de représailles. Quid des autres circonstances excluant l’illicéité ?
D’aucuns soutiennent que l’inviolabilité ne joue pas en cas d’infraction flagrante. La
proposition ne trouve aucun appui dans la Convention de Vienne. La CIJ, à l’occasion de
l’affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats Unies à Téhéran
admet toutefois « qu’un agent diplomatique pris en flagrant délit d’agression ou d’autre
infraction (…) puisse, en certaines circonstances, être brièvement détenu par la police de

55
l’Etat accréditaire à des fins préventives ».60

L’inviolabilité de l’agent est renforcé par la liberté de déplacement et de circulation qui


lui est reconnu sur le territoire de l’Etat accréditaire, réserve faite « des zones dont
l’accès est interdit ou réglementé pour des raisons de sécurité nationale » (art. 26).

2) L’immunité de juridiction

L’agent diplomatique ne peut en principe être soumis, sans l’accord de l’Etat accréditant,
aux juridictions de l’Etat accréditaire. Absolue en matière pénale, cette immunité ne l’est
pas en matière civile et administrative. Aux termes de l’article 31 &1 de la convention de
Vienne, l’immunité de juridiction n’est pas applicable dans les cas d’une :

- « action réelle concernant un immeuble privé situé sur le territoire de l’Etat


accréditaire », ce qui ne couvre notamment pas une action en réparation de
dégâts locatifs ;
- « action concernant une succession »dans laquelle l’agent diplomatique intervient
à titre privé ;
- « une action concernant une activité professionnelle ou commerciale », qui aurait
été exercé par l’agent en violation de l’interdiction qui lui est faite de l’exercer « en
vue du gain personnel » (art. 42)
- Une action reconventionnelle, à la condition qu’elle soit « directement liée à la
demande principale » formée par l’agent diplomatique (art. 32, & 3.

Dans tous les autres ces l’immunité est acquise. Malgré la pression de plusieurs Etats elle
n’a pas été écartée, même en cas d’accident de circulation. La victime peut faire recours
contre l’assureur lorsque le droit interne applicable l’y autorise, étant entendu que
l’agent diplomatique est tenu de souscrire une police d’assurance automobile lorsque la
législation de l’Etat accréditaire le requiert.

3) L’immunité d’exécution

L’immunité d’exécution est absolue. Elle est toutefois écartée dans les matières qui ne
sont pas couvertes par l’immunité de juridiction « pourvu que l’exécution puisse se faire
sans qu’il soit portée atteinte à l’inviolabilité de la personne ou de la demeure de l’agent
diplomatique » (art. 31, &3). La solution est certaine dans les tris hypothèses visées par
l’article 31 &1er, de la convention de vienne. Même si elle n’est pas expressément prévue
en e qui concerne les demandes reconventionnelles, on ne voit pas comment il pourrait
en aller différemment.

4) Exemptions fiscales et franchises douanières

L’agent diplomatique ne peut être contribuable dans l’Etat accréditaire car le paiement
d’impôt est un acte de sujétion et d’allégeance. L’article 34 de la Convention de Vienne
de 1961 proclame l’immunité fiscale tout en créant certaines exceptions parmi lesquelles
figurent notamment les impôts fonciers dus pour des immeubles privés ou ceux qui
60
Rec., p. 40, &86.

56
frappent les revenus privés ayant leur source dans l’Etat accréditaire.

L’exception des droits de douane relève quant à elle de la courtoisie internationale.


L’article 36 de la Convention dispose que suivant les dispositions législatives et
réglementaires qu’il peut adopter, l’Etat accréditaire accorde l’entrée et l’exception des
droits de douane des objets destinés à l’usage personnel de l’agent diplomatique ou des
membres de sa famille.

5) Privilèges et immunités des membres de la famille des diplomates

Les membres de la famille d’un agent diplomatique qui font partie de son ménage
bénéficient, aux termes de l’article 37 de la Convention de Vienne de 1961, des mêmes
privilèges et immunités que ceux prévus en faveur de cet agent, pourvus qu’ils ne soient
pas ressortissants de l’Etat accréditaire.

6) Privilèges et immunités des autres membres de la mission (personnel


administratif et personnel de service) et des domestiques privés

Aux termes de l’article 37 de la convention de Vienne de 1961, ces personnes ne peuvent


bénéficier des privilèges et immunités qu’à condition qu’elles ne soient pas ressortissants
de l’Etat accréditaire ou qu’elles n’y aient pas leur résidence permanente.

Plus schématiquement :

- Les membres du personnel administratif et technique, ainsi que les membres de


leurs familles jouissent, à quelques différences près, des mêmes immunités que
celles des agents diplomatiques.
- Les membres du personnel de service ne bénéficient de l’immunité que pour les
actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Il s’ensuit que les membres de
leurs familles en sont entièrement exclus.
- Les domestiques privés d’un membre de la mission diplomatique sont exemptés
des impôts et taxes sur les salaires qu’ils perçoivent du fait de leur service. Pour le
reste ils sont à la discrétion de l’Etat accréditaire qui détermine librement les
privilèges et les immunités qu’il est disposé à leur accorder.

II. Les relations consulaires

L’origine de l’institution consulaire remonte au Moyen-âge. En effet, par souci de n’avoir


pas à être soumis à des règles et à des autorités qui leur étaient largement inconnus, les
marchands du Moyen-âge choisissaient habituellement un de leurs paires pour régler les
différends qui les opposaient lors des foires et autres marchés organisés dans tout
l’Occident « chrétien ». L’apparition de l’Etat moderne relégua l’institution sous l’ombre.
Il a fallu attendre le XIXè siècle pour voir les consuls retrouver une place importante
dans les relations internationales à la faveur du développement du commerce et de
l’immigration. On voit les Etats conclure des traités bilatéraux et adopter des législations
réglementant ces matières lesquels reçurent application effective par les cours et

57
tribunaux nationaux. Peu à peu des coutumes générales naîtront à partir des règles
constantes émanant des textes et de la jurisprudence susmentionnés, lesquelles
coutumes furent constatées par plusieurs sentences arbitrales et sont, aujourd’hui,
largement codifiées par la Convention sur les relations consulaires, adoptée à Vienne du
24 avril 1963 sous les auspices des Nations Unies. Cette convention entrée en vigueur en
1967, constitue le siège de la matière des relations consulaires.

Certes, à l’inverse des poses et agents diplomatiques, les postes et agents consulaires ne
sont pas chargés d’un rôle de représentation politique ; leurs fonctions revêtent par
nature un caractère purement administratif et leurs compétences sont essentiellement
cantonnées aux questions concernant les particuliers. Ce qui, assurément, ne veut pas
dire que les relations consulaires sont moins importantes ainsi que l’a relevé la CIJ à
l’occasion de l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à
Téhéran :

« le déroulement sans entraves des relations consulaires, également nouées entre les
peuples depuis des temps anciens, n’est pas moins important » que celui des relations
diplomatiques « dans le droit international contemporain, en e qu’il favorise le
développement des relations amicales entre les nations et assure protection et assistance
aux étrangers résidant sur le territoire d’autres Etats ; dès lors, les privilèges et
immunités des fonctionnaires et employés consulaires et l’inviolabilité des locaux et
archives consulaires sont, eux aussi, de principes de droit international profondément
enracinés »61.

Ainsi comprend-t-on sans peine le soin avec lequel la matière est régie.

1) Etablissement et rupture des relations consulaires

L’établissement des relations consulaires et des postes consulaires est soumis, à l’instar
des relations diplomatiques, à la règle du consentement mutuel. Ce qui se comprend
sans peine dès lors que ceux-ci sont comme ceux-là des services de l’Etat national, mais
installés à l’étranger.

Chaque chef de poste consulaire est muni d’une « lettre de provision » de son Etat
d’envoi (et non d’une « lettre de créance ») ; il ne commence à exercer ses fonctions
qu’après avoir reçu l’autorisation de l’Etat de résidence. Cette autorisation porte le nom
d’exequatur qui, en principe, est délivré par le chef de l’Etat.

Il faut noter qu’un Etat peu nommer à un poste consulaire un citoyen étranger,
généralement un commerçant de l’Etat de résidence, celui-ci est appelé « consul
marchant » ou « consul honoraire » par opposition à l’opposition au « consul de
carrière » qui, lui, est ressortissant de l’Etat d’envoi. Celui-là, étant ressortissant de l’Etat
de résidence, ne bénéficie pas des mêmes privilèges et immunités que ce dernier.

Les postes consulaires n’ont pas de caractère représentation politique. Ils présent ce
faisant une grande autonomie par rapport aux relations diplomatiques, les Etats
61
Ordonnance du 24 avril 1979, Rec., 1979, pp. 19-20.

58
veuillent à ce que les intérêts privés dont les consuls ont la charge ne pâtissent pas trop
des incertitudes qui entourent les relations intergouvernementales. Il en découle que la
rupture des relations diplomatique n’entraîne pas avec elle la rupture des relations
consulaire ; de même il n’est pas exclu que les relations consulaires soient établies alors
même qu’aucune mission diplomatique n’est échangée. On a vu en revanche que, sur
pied de l’article 2, &2 de la Convention de 1961, l’établissement des relations
diplomatiques implique, sauf indication contraire, le consentement à l’établissement des
relations consulaires.

Il importe de relever que l’établissement ou le maintien des relations consulaires


n’implique pas reconnaissance d’Etat ou de gouvernement. Cala s’explique par la volonté
de tenir les relations consulaires quelque peu à l’écart des aléas de la apolitique
internationale. Il se dégage toutefois de l’examen de la pratique internationale une
certaine capitalisation politique de l’institution consulaire. Le refus d’entretenir des
relations diplomatiques a plus d’une fois été, à coup sûre, à l’origine d’un
développement très considérable des relations consulaires, qui acquièrent en pareil
contexte une allure « politique » normalement étrangère aux fonctions de nature
administrative qu’exercent en principe les consuls.62

2) Organisation et fonctionnement des postes consulaires

A l’inverse des relations diplomatiques qui s’exercent à l’intermédiaire d’une seule


mission et qui doit nécessairement être établie dans la capitale, il peut y avoir plusieurs
postes consulaires, installées dans les différentes villes où l’Etat d’envoi croit utile de
mettre à la disposition de ses nationaux une assistance particulière.

Aux termes de l’article 4, & 2 de la Convention de Vienne de 1963, le siège du poste


consulaire, sa clase et son ressort territorial (circonscription consulaire) sont déterminés
par accord entre l’Etat d’envoi et l’Etat de résidence. Il leur revient en ouvre de convenir
explicitement de l’effectif du personnel de chaque poste consulaire, à défaut l’Etat de
résidence peut unilatéralement réduire celle-ci à ce qu’il considère comme
« raisonnablement normal » eux égard aux circonstances.

L’article 9 fixe à quatre les classes de chefs de poste consulaires : consuls généraux,
consuls, vice-consuls, agents consulaires.

Le personnel d’un poste consulaire est reparti en plusieurs catégories (fonctionnaires


consulaires, employés consulaires, personnel de service, domestiques privés). Seul le
fonctionnaire consulaire bénéficie des privilèges et immunités.

Sauf opposition de l’Etat de résidence, un poste consulaire d’un Etat d’envoi peut exercer
des fonctions consulaires dans l’Etat de résidence pour le compte d’un Etat tiers. En
vertu de la Convention belgo-luxembourgeoise du 30 septembre 1965 relative à la
coopération dans le domaine consulaire, la Belgique prend en charge de manière
62
J. VERHOEVEN, La reconnaissance internationale dans la pratique contemporaine – Les relations publiques
internationales, Paris, 1975, pp. 371-380.

59
générale, les relations consulaires du Grand-duché de Luxembourg. De même une
convention du 3 juillet 1970 entre la Belgique et le Congo en matière de relations
internationales dispose en son article premier que « dans le pays où le Congo n’a pas
décidé d’ouvrir une représentation diplomatique et consulaire », « le gouvernement
congolais donne ses instructions directement aux représentants diplomatiques et
consulaires belges qui les exécutent au nom du gouvernement congolais ». La disposition
est certes, à plusieurs égard, confuse. On est arrivé à la qualifier a qualifier de
« singulièrement (plus) contestable »63, comme si l’Etat n’était pas libre de s’organiser
comme il l’entend, fût-ce au prix de la limitation souveraine de sa souveraineté, sous
réserve du respect de celle des autres.

3) Les fonctions consulaires

a) Début des fonctions

Conformément à l’article 24 de la Convention de 1963, la nomination et l’arrivée des


membres d’un poste consulaire sur le territoire de l’Etat de résidence sont notifiés aux
autorités de celui-ci (art.24). Il importe de relever que cette désignation n’est
aucunement soumise à leur approbation, sauf si le fonctionnaire consulaire a la
nationalité de l’Etat de résidence (art. 22, &2). Ce dernier peut néanmoins déclarer à
tout moment persona non grata le membre du poste consulaire qui ne leur paraît pas ou
plus acceptable (art. 23).

Le chef de poste consulaire est normalement pourvu d’une « lettre de provision », qui est
transmis (et non remise) au ministre des affaires étrangères. Il ne peut en principe
exercer ses fonctions qu’après avoir reçu de celui-ci un « exequatur » (art. 11) lequel peut
toujours être discrétionnairement refusé. Il découle de l’article 19 de la Convention sous
examen que cet exequatur peut, exceptionnellement, être exigé de simples
fonctionnaires consulaires, si l’un ou l’autre des Etats intéressés le requiert.

b) Fonctions proprement dites

Dès l’origine de l’institution consulaire, les consuls et postes consulaires ne sont pas
chargés de représentation politique ; leurs fonctions revêtent un caractère purement
administratif. En effet, les consuls se soucient principalement de protéger les commerces
privés, au sens large du terme, ce qui explique d’ailleurs que leurs relations puisent
survivre sans trop de peine aux ruptures qui affectent des rapports proprement
politiques64 dont la mission diplomatique a pour vocation d’assure la sauvegarde.

L’article 5 de la Convention de Vienne de 1963, codifiant les anciennes pratiques, précise


les attributions des postes consulaires. Les consuls sont principalement chargés de
protéger dans l’Etat de résidence les intérêts de l’Etat d’envoi et de ses ressortissants
personnes physiques ou morales. Ils sont en outre chargés :
- des fonctions administratives classiques en faveur des nationaux résidant dans
63
J. VERHOEVEN, Droit international public, Op. cit., p. 119.
64
J. VERHOEVEN, Op.cit., p. 121.

60
l’Etat de résidence: fonctions notariales ou d’état civil, assistance judiciaire,
délivrance des passeports, protection des mineurs, législation et signification
d’actes judiciaires et extrajudiciaires, contrôle de la marine marchande, …),
- accorder des visas aux personnes étrangères qui désirent se rendre dans l’Etat
d’envoi,
- surveiller les bateaux, navires, aéronefs et leur équipages en provenance de l’Etat
d’envoi et de leur prêter assistance,
- favoriser le développement des relations économiques, commerciales, culturelles
et scientifiques entre l’Etat d’envoi et l’Etat de résidence,

- protection des nationaux de l’Etat d’envoi auprès des autorités de résidence,


notamment en cas de poursuites judiciaires, d’arrestation, de condamnation ou
d’emprisonnement. Ainsi dans l’affaire LaGrand la CIJ a interprété de manière
extensive l’obligation de l’Etat hôte de permettre aux consuls d’intervenir dès les
premiers stades d’un procès pénal à l’encontre des nationaux de l’Etat d’envoi.

En effet, 1982, deux ressortissants allemands, les frères LaGrand, ont été arrêtés, en
Arizona, et par la suite jugés pour homicide et condamnés à la peine capitale, sans avoir
été informés, comme l’exige la Convention de Vienne de 1963 sur les relations
consulaires, de leur droit à demander à bénéficier de l’assistance consulaire de la part de
leur Etat d’origine. Ce n’est qu’en 1992 que les fonctionnaires consulaires allemands ont
été informés, par les détenus eux-mêmes, de l’affaire.

Le 24 février 1999, l’un des deux condamnés, Karl, était exécuté, en dépit des appels à la
clémence et les interventions diplomatiques de la part de l’Allemagne. Son frère, Walter
devait l’être le 3 mars suivant. Aussi, la veille, le 2 mars 1999, l’Allemagne saisissait la
CIJ du différend et prit à celle-ci, de manière urgente, d’ordonner des mesures
conservatoires en vue d’empêcher l’exécution de Walter LaGrand, tant qu’une décision
définitive n’aurait pas été rendue.

Dans son ordonnance du 3 mars 1999 a Cour, à l’unanimité, demanda aux Etats-Unis d
prendre toutes mesures dont ils disposaient pour que Walter LaGrand ne soit pas
exécuté tant que la décision définitive dans cette instance n’auraient pas été rendue.
Mais, le même jour Walter LaGrand fut exécuté, le gouvernement de l’Etat d’Arizona
ayant rejeté une recommandation de la commission des grâces tendant à ce qu’il soit
sursis à l’exécution.

Dans son arrêt sur le fond rendu le 27 juin 2001, la CIJ, à une très large majorité,
condamna les Etat-Unis pour ne pas avoir informé sans retard les frères LaGrand de la
possibilité de solliciter de la part de l’Allemagne une assistance consulaire et, par la suite,
pour ne pas avoir permis le réexamen et la révision des verdicts de culpabilité. Précisant
pour la première fois que ses ordonnances en indication des mesures conservatoires
avaient force juridique obligatoire, la Cour condamnant les Etats-Unis pour ne pas avoir
pris en compte l’ordonnance du 3 mars 1999 par laquelle il leur enjoint de faire en sorte
que Walter LaGrand ne soit pas condamné tant que la décision définitive de ladite
instance n’aurait pas été rendue.

61
Par ailleurs, saisi par le Mexique d’une plainte dirigée contre les Etats-Unis à propos de
la condamnation de 51 de ses ressortissants, la CIJ, à l’occasion de l’affaire Avena et
autres ressortissants mexicains (Mexique c.Etats-Unis) a confirmé sa jurisprudence
rendue dans l’affaire LaGrand. A cette différence près : cette fois les Etats-Unis ont pris
en compte les mesures conservatoires ordonnées par la Cour le 25 février 2003. Ils ont
fait en sorte que les intéressés ne soient pas exécutés avant l’arrêt de la Cour, laquelle a
pris acte de l’engagement des Etats-Unis de réexaminer les verdicts de culpabilité rendus
dans les affaires en cause.

Outre les termes généraux de l’article 5 de la Convention de 1963, la pratique


internationale est loin d’être parfaitement claire quant aux fonctions des postes
consulaires. D’où l’importance des conventions consulaires par lesquelles les Etats
parties s’accordent sur les attributions de leurs consuls respectifs. A défaut d’accords
celles-ci sont déterminées souverainement par l’Etat d’envoi. l’Etat hôte n’est pas en
droit de subordonner leur exercice à son consentement ou de s’y opposer, au moins tant
qu’il n’est pas dérogé à une pratique habituelle ou à une règle de droit international 65. On
a soutenu qu quand bien m^me il ne s’y oppose pas l’Etat, l’Etat de résidence n’est
aucunement tenu de reconnaître la force probante ou la force obligatoire des actes
accomplis par les consuls étrangers sur son territoire 66. La proposition est séduisante. Il
convient toutefois d’en évaluer la compatibilité avec les principes de bonne foi et de non
immixtion dans les affaires intérieures… Il n’est pas contesté que les postes consulaires
sont des services publics relevant de leur Etat national (Etat d’envoi) simplement
installés dans un Etat étranger (Etat de résidence) avec l’accord de ce dernier. C’est donc
l’Etat d’envoi qui détermine souverainement la force probante ou la force obligatoire
attachée aux actes de ses consuls. Le respect dû à sa souveraineté et le principe de bonne
foi dans les relations internationales requièrent le respect par l’Etat de résidence de la
force probante ou obligatoire ainsi définis souverainement par son partenaire à moins
qu’il ne se soit opposé aux compétences dévolues au consul en la matière sur son
territoire ou que lesdits actes ou la procédure de leur établissement ne soient
manifestement contraires à une pratique habituelle ou à une règle d’ordre public
(interne ou international).

4) Privilèges et immunités consulaires

Le statut privilégié dont jouit le personnel consulaire est à l’abri de controverse. Comme
on l’a vu plus haut, la CIJ en a confirmé l’importance et relevé qu’il exprimait « des
principes de droit international profondément enracinés ».67

Le membre du personnel consulaire bénéficie des privilèges et immunités dès son entrée
sur le territoire de l’Etat de résidence ou dès la notification de sa nomination s’il y réside
déjà. Ils prennent fin lorsque celui-ci quitte ce territoire parce que ses fonctions ont pris
fin de quelque manière que ce soit. Dans ce cas il bénéficie des privilèges et immunités
qui lui est souvent imparti pour organiser, le cas échéant, son départ. Le fonctionnaire
consulaire ne jouit des privilèges et immunités que sur le territoire de l’Etat accréditant.
65
Voy. VERHOEVEN, Op.cit., p. 122.
66
Ibid.
67
Affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats Unies à Téhéran, Rec., 1979, p. 20, &40.

62
Il bénéficie toutefois dans les Etats tiers des immunités nécessaires pour permettre son
passage ou son retour lorsqu’il traverse leur territoire pour rejoindre son poste dans
l’Etat de résidence ou pour rentrer dans l’Etat d’envoi (art. (54).

Il convient de distinguer les privilèges et immunités dont bénéficient le post consulaire


(a) et ceux dont jouissent les fonctionnaires consulaires (b).

a) Privilèges et immunités du post consulaire

Les locaux consulaires (art. 31), leurs ameublement, ainsi que les archives et documents
consulaires (art. 33) jouissent d’une inviolabilité comparable à celle dont bénéficie la
mission diplomatique, sous les réserves ci-après :

- l’inviolabilité n protège que la partie des locaux « que le poste consulaire utilise
exclusivement pour les besoins de son travail » (art. 32, &2), ce qui exclut tout à la
fois les autres locaux du post et la demeure privée du chef de post et des autres
fonctionnaires consulaires ;
- le consentement du chef de post à l’intervention des autorités de l’Etat de
résidence « peut être présumé acquis en cas d’incendie ou autre sinistre exigeant
de mesures de protection immédiate » ;
- l’expropriation est expressément admise, l’Etat de résidence étant tenu en pareil
cas de verser « une indemnité prompte, adéquate et effective » à l’Etat d’envoi et
de prendre toutes autres mesures nécessaires pour que celui-ci puisse exercer ses
fonctions » (art. 31, &4).

La liberté de communication est garantie au bénéfice du pot consulaire ; elle repose


toutefois sur une exigence fonctionnelle. En effet, le poste consulaire est en droit de
communiquer librement avec le gouvernement, les missions diplomatiques et les autres
postes consulaires de l’Etat d’envoi, « pour toutes fins officielles ». Il peut avoir recours à
une valise consulaire. Celle-ci, à la différence de la valise diplomatique, peut être ouverte
et, le cas échéant, renvoyée à son expéditeur si l’Etat de résidence a « de sérieux motifs
de croire (…) qu’elle continent d’autres objets que la correspondance officielle (art. 35, &
5).

Il se comprend sans peine que la liberté de communication avec les autorités de l’Etat
d’envoi, de par la nature même des fonctions consulaires, va de paire avec celle de
communiquer avec les ressortissants de celui-ci sur le territoire de l’Etat de résidence
(art. 36).

b) Privilèges et immunités des fonctionnaires consulaires

Les fonctionnaires consulaires disposent des privilèges et immunités bien plus réduits
que ceux dont jouissent les agents diplomatiques.

- Le fonctionnaire consulaire ne bénéficie de l’inviolabilité, sous réserve qu’il ne


peut être mis en détention préventive qu’en cas de crime grave et moyennant

63
décision judicaire (art. 41, &1er) ;
- Aucune incarcération d’un agent consulaire n’est admise, sinon « en exécution
d’une décision judicaire définitive » (art. 41, &2) ;
- Des « égards » particuliers sont dus au fonctionnaire consulaire lorsqu’une
procédure pénale est engagée contre lui, de manière à gêner le moins possible ses
fonctions (art. 41, &3) ;
- Les fonctionnaires consulaires ne peuvent être tenus de déposer comme témoins
« sur des faits ayant trait à l’exercice de leurs fonctions » ni de témoigner,
« entant qu’experts, sur le droit national de l’Etat d’envoi » (art. 44, - 3) ;
- Le fonctionnaire consulaire bénéficie d’une immunité de juridiction « pour les
actes accomplis dans l’exercice des fonctions consulaires », cette immunité étant
cependant écartée en cas d’action civile résultant soit d’un contrat, soit d’un
accident de circulation (art. 43) ;
- Divers autres privilèges (douaniers, fiscaux, etc.), plus secondaires, sont accorés
au fonctionnaire consulaire comme agent diplomatique.

5. Retrait et renonciation aux immunités consulaires

Il découle de l’article 45 de la Convention de Vienne de 1963 que l’Etat d’envoi est


seul en droit de renoncer à l’inviolabilité et à l’immunité, même très partielles, qui
protègent les fonctionnaire consulaires. Cette renonciation doit être expresse et
communiquée par écrit à l’Etat de résidence.

Ainsi donc, toute renonciation personne de l’intéressé demeure dès lors sans effet, au
moins tant qu’elle n’est pas expressément confirmée par l’Etat d’envoi.

Si le droit des gens réserve un statut privilégié au personnel diplomatique et


consulaire, il se comprend sans peine que le chef d’Etat et membres du
gouvernement ne saurait rester sans protection particulière.

III. Chef d’Etat et membres du gouvernement

Il est unanimement admis que le chef d’un Etat bénéficie d’un statut privilégié sur le
territoire de tout autre Etat, au moins lorsqu’il ne réside pas à titre purement privé. On
comprendrait assez mal que le chef d’Etat soit purement et simplement soumis à
l’étranger aux autorités locales alors que ses agents, au moins diplomatiques, y
bénéficient de privilèges et immunités très étendus. Le fondement juridique de la
protection qui lui est due est néanmoins problématique. Outre les dispositions très
sommaires de l’article 81 de la Convention de New York sur les missions spéciales, il n’y
a pas de convention qui aient été conclue et précisant le statut privilégié du chef de l’Etat
à l’instar des conventions de Vienne de 1961 et 1963 réglant successivement le statut des

64
diplomates et des consuls. Il demeure ainsi extrêmement délicat, voire difficile de
déterminer avec précision le contenu de ce statut privilégié sur le principe duquel nul,
pourtant, ne diverge. Si l’absence de convention spéciale est patente, les règles
coutumières demeurent aléatoires en l’absence de pratiques indiscutablement générales
et constantes68.

Cela dit, nul ne conteste sérieusement que le chef d’Etat en exercice bénéficie, à
l’étranger, d’un régime semblable à celui des agents diplomatiques, à tout le moins
lorsqu’il n’y séjourne pas à titre privé : l’inviolabilité et les immunités diplomatiques lui
sont acquises. Certaines législations le précisent expressément.

L’immunité du chef ‘Etat en fonction est normalement absolue. Elle n’est pas limitée aux
actes accomplis par le chef de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions,ce qui estomperait la
distinction entre organe et sujet69. Elle ne s’étend toutefois pas aux membres de famille
(affaire de la famille du Général Mobutu en Belgique). En cas de contestation de la
qualité de chef de l’Etat la reconnaissance est déterminante : le chef non reconnu en
cette qualité, même s’il exerce effectivement le pouvoir est exclu du bénéfice de
l’immunité sur le territoire de l’Etat qui ne le reconnaît pas (affaire Noriega) 70 ; lors
qu’un Chef d‘Etat qui demeure reconnu bénéficie de l’immunité alors même qu’il n’est
plus effectif (Affaire Aristide)71.

La situation de l’ancien chef d’Etat (qui n’est plus en exercice) est plus délicate. Elle a en
effet polarisé les controverses. La pratique dominante paraît accorder à l’ancien chef
d’Etat au chef d’Etat une immunité de juridiction et d’exécution pour les actes qu’il a
accompli en qualité officielle. Au moment où d’aucuns estiment que l’immunité devrait
être écartée lorsque sont en cause des activités « criminelles », d’autres en revanche
qu’elle doit être maintenue, ce qui pourrait inciter des dictateurs à faciliter une
transition démocratique en quittant le pays.72 Dans l’affaire Pinochet, la Chambre des
Lords a jugé que toute immunité doit être exclue, s’agissant d’un chef d’Etat, lorsque
sont en cause des crimes contre l’humanité (torture), qu’il aient ou non été commis dans
l’exercice de ses foncions. La loi belge du 10 février 1999 relative à la répression des
violations graves du droit international humanitaire a étendu cette règle au chef d’Etat
en exercice et à fortiori aux agents qui lui sont subordonnés tel les ministres …

La CIJ, dans son arrêt rendu le 14 février 2002 à l’occasion de l’affaire du Mandant
d’arrêt du 11 avril 2000 (RDC/Belgique), dite affaire Yerodia, a fixé l’état du droit

68
Voy. la section 20 du Statut Immunity Act (1978) britannique et la section 36 du Foreign States Immunity Act
(1985) australien ; voy. la référence à la convention de Vienne in Civ. Bruxelles, 29 déc. 1988, JLMB, 1989, p. 169,
cité par J. VERHOEVEN, Op.cit., 122.
69
Id., Op.cit.,p. 13.
70
Voy. U.S v. Noriega, U.S. Dt. Cit., Eastern Dt. of Southern Dt. Of Florida 8 juin 1990, ILR, vol. 99, pp. 161-162.,
27 janv. 1994, ILR, vol. 107, p. 581.
71
Voy à propos du Prrésident Aristide, Lafontant v. Aristide, U.S. Dt. Ct. Of New York, 27 janv. 1994, ILR, vol.
107, p. 581.
72
Ch.DOMINICE, « Quelques observations sur l’immunité de juridiction pénale de l’ancien chef d’Etat », RGDIP,
1999, pp. 297-308, et P.E. BASS, « Ex-head of State Immunity : A Proposed Statutory Tool of Foreign Policy »,
Yale LJ, 1988, pp. 299 et ss.

65
international sur la question de l’immunité pénale et de l’inviolabilité d’un ministre des
affaires étrangères.

En effet, les autorités judiciaires belges (le juge d’instruction Damen


VANDERMMERCH) avait émis en avril 2000, un mandat d’arrêt international pour
crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre de M Yerodia Ndombasi, à
l’époque ministre des affaires étrangères de la RDC. La RDC prie la Cour de dire et juger
qu’en émettant un mandat d’arrêt international contre son ministre des affaires
étrangères, la Belgique viole le droit international l’immunité pénale et l’inviolabilité du
ministre des affaires étrangères la RDC,

Examinant ce chef de demande, la Cour constate tout d’abord qu’aucune des conventions
invoquées par les parties (conventions sur les relations diplomatiques, conventions sur
les missions spéciales) ne traite de la question (voy. indigence du droit conventionnel
déjà relevé). En d’autres termes l’immunité du ministre des affaires étrangères (comme
celle d’un Chef de l’Etat) ne trouve pas de base juridique en droit conventionnel. Ainsi la
cour s’est employée à examiner le droit coutumier. De l’examen systématique des
législations nationales et de quelques décisions rendues par de hautes juridictions
nationales (Chambre des lords, Cour de Cassation française) la cour relève qu’il n’y avait
aucune exception à la pratique de cette immunité, même en cas d’incrimination de
crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Se fondant ainsi sur le droit coutumier,
la CIJ condamne la Belgique et dit pour droit que les immunités reconnues au ministre
des affaires étrangères (comme par ailleurs au chef e l’Etat et au Premier ministre) lui
sot accordées pour lui permettre de s’acquitter librement de ses fonctions pour le compte
de l’Etat qu’il représente et à ce titre cette immunité protège l’intéressé pour toute la
durée de sa charge.

C’est là le triomphe de l’immunité absolue et de l’inviolabilité du chef de l’Etat, du


ministre des affaires étrangères et chef de gouvernement en exercice basée sur les
théories fonctionnelle et représentative.

La Cour admet toutefois, on ne peut que s’en réjouir, que l’immunité de juridiction d’un
ministre des affaires étrangères en exercice (et donc d’un chef de l’Etat ou chef de
gouvernement) ne signifie pas qu’il bénéficie de l’impunité. Car, l’immunité de
juridiction présente un caractère procédural et fait simplement obstacle aux poursuites
pendant un certain temps ou à l’égard de certaines infractions. En revanche, la
responsabilité pénale individuelle, qui touche au fond du droit, peut, dans certains cas,
être recherchée (soit devant les tribunaux nationaux, soit devant des tribunaux
étrangers, en cas de levée de l’immunité ou après la cessation des fonctions ou encore
devant les juridictions pénales internationales.

Il importe de noter, au passage, qu’à l’occasion de cette affaire, la Cour, faisant droit à la
demande incidente de la Belgique, ne s’est pas prononcé sur la question de la
compétence universelle par défaut que consacrait la loi belge précitée. Dans son opinion
individuelle le juge Gilbert Guillaume a regretté cet état de chose. Il a constaté que la
compétence universelle par défaut est inconnue du droit international c’est-à-dire
lorsque les infractions ont été commises à l’étranger par des étrangers à l’encontre

66
d’étrangers, lorsque l’auteur de ces infractions ne se trouve pas sur le territoire de l’Etat
intéressé.

Section IV. ATRIBUTS ET COMPETENCES DE L’ETAT

§ 2. Les compétences de l’Etat

Il faut distinguer les compétences que l’Etat exerce sur son propre territoire et celles qu’il
peut exercer hors de celui-ci.

1. Les compétences de l’Etat sur son territoire

La sentence de MAX HUBER de 1928 dans l’affaire de l’Ile de PALMAS dit que la
souveraineté dans les relations entres Etats signifie l’indépendance. L’indépendance
relativement à une partie du globe est le droit d’y exercer à l’exclusion de tout autre Etat
les fonctions étatiques.

Il découle de cette sentence les deux caractéristiques de la compétence de l’Etat sur son
territoire : la plénitude de son contenu et l’exclusivité de sa compétence.

a) La plénitude de compétence

L’Etat est maître de réglementer et de gérer les institutions et les activités humaines les
plus diverses et ceci, dans le plus grand détail (c’est-à-dire que le Droit International
reconnaît à l’Etat le droit d’exercer selon sa plus propre appréciation discrétionnaire
toutes les formes de compétence.

Exemple : la prise en main du secteur pétrolier par le pays producteur et le droit pour les
Etats d’en fixer les prix.

Matériellement, la compétence de l’Etat s’applique à toute les fonctions étatiques, depuis


son organisation constitutionnelle jusqu’à la réglementation de la police la plus modeste
et ce, dans tous les domaines (d’ordre publique comme dans celui d’économie), sans
avoir d’injonction de qui que ce soit.

Le contenu légitime des mesures prises au titre de souveraineté territoriale dépend des
engagements internationaux de l’Etat, qui ont pu transformer une compétence
discrétionnaire en compétence liée.

Mais, il n’y a compétence liée qu’après consentement volontaire de l’Etat sous réserve du
jeu des règles coutumières. Même lorsqu’elle est discrétionnaire, la compétence de l’Etat
ne doit pas être arbitraire ou abusive. Ces pouvoirs ne sont pas ceux d’un propriétaire.
Les compétences ont un caractère fonctionnel puisqu’elles doivent permettre à chaque
Etat de répondre aux besoins de la collectivité nouvelle sous peine d’abus de droit, il doit

67
faire usage des ses pouvoirs dans l’intérêt générale des populations, sans nuire à la
Communauté Internationale et plus particulièrement aux Etats voisins.

En règle générale, le souverain territoriale est compétent pou exercer son pouvoir à
l’égard de toutes les personnes qui se trouvent sur son territoire, du seul fait de leur
présence sur place. (Exemple : cas de Rwanda – France). Même l’exercice de ce pouvoir
est également lié. La plénitude de compétence de l’Etat sur son territoire se traduit par
sa souveraineté permanente sur ses ressources naturelles et ses activités économiques.

b) L’exclusivité

D’après la sentence invoquée plus haut (MAX HUBER), la souveraineté territoriale


implique le droit exclusif d’exercer les activés étatiques.

Ainsi, chaque Etat exerce par l’unique intermédiaire de ses propres organes, les pouvoirs
de législation, d’administration, de juridiction et de contrainte sur son territoire.

La limitation qu’impose le Droit International à l’Etat (sauf d’existence du règle


permissif contraire) est celle d’exclure, toute exercice de sa puissance sur un autre Etat
(Affaire du Lottus).

Entre Etats indépendants, le respect de la souveraineté territoriale est la base même des
rapports internationaux. (Affaires du Détroit de Corfa et affaire du droit de passage en
territoire indien).

Conséquences du principe de l’exclusivité

Le principe de l’exclusivité, de la souveraineté territoriale confère à son titulaire, le droit


de s’opposer aux activités des autres Etats sur son territoire.

Dans l’affaire du Détroit de Corfou, la CIJ, n’a pas admis que la recherche des preuves
d’une éventuelle violation du droit par un Etat autorisait un autre Etat à exercer des
actes de contrainte dans un territoire étranger.

Dans l’Affaire du personnel diplomatique américain à TEHERAN, la CIJ a jugé


nécessaire de préciser qu’elle ne pouvait considérer comme légitime l’inquisition
américaine de 1980 en IRAN malgré la frustration éprouvée par les Etats-Unis face au
refus de l’IRAN de s’incliner devant les résolutions du Conseil de sécurité et devant
l’ordonnance de la cour sur les mesures conservatoires. L’illicéité de tout acte de
contrainte en territoire étranger est la conséquence nécessaire de l’interdiction de tout
empiétement non autorisée par la souveraineté territoriale.

De même les Etats conviennent qu’il n’existe pas un droit de poursuite terrestre.

Exception aux principes

68
L’Etat peut renoncer à l’exclusivité de sa compétence territoriale. C’est là un corollaire de
sa souveraineté. Cette renonciation peut se faire par voie conventionnelle et peut aussi
être d’origine coutumière.

2. Les compétences de l’Etat hors de son territoire

Les Etats peuvent revendiquer l’exercice de compétence à l’égard des personnes ou


d’activités en se fondant sur plusieurs titres juridiques. La souveraineté territoriale
s’appuie sur l’emprise d’un Etat sur un espace donné mais des compétences territoriales
peuvent aussi trouver un fondement dans le droit de la guerre ou dans les délégations
des pouvoirs consenties par la Communauté Internationale ou par le souverain
territoriale.

I. Les compétences territoriales mineures

L’Etat peut exercer certaines compétences sur des espaces qui n’appartiennent à son
territoire. Il peut les exerces de manière exclusive ou de manière collective ou sous
contrôle.

a) Exercice exclusif

 La Cession territoriale sans transfert de la souveraineté, c’est l’exemple type. Dans


cette hypothèse, l’Etat cédant reste titulaire de la souveraineté territoriale et garde
vocation à en récupérer la plénitude à l’issue d’un délai convenu ou en fonction
des circonstances. Ici la cession n’emporte donc pas transfert de la souveraineté
territoriale mais suspension de son exercice par son titulaire initial. La cession
peut être temporaire tout en étant de longue durée, c’est la cession à bail.
Exemple : Cession KIANG THEOU en France pour 99 ans.

A côté de la cession à bail, existait en outre des formules devenues caduques, tel
que la cession administrative ou la concession.

 Occupation militaire : suppose la présence en pratique prolongée ses forces


militaires d’un Etat sur tout ou partie du territoire d’un autre Etat. Du fait de sa
présence armée sur un territoire étranger, l’Etat occupant est en droit de se
conduire comme une autorité territoriale, vis-à-vis des personnes et des biens qui
se trouvent sur le territoire occupé. Les compétences qu’il exerce le sont à titre
exclusif.

Pourtant, aussi étendues que soient ces compétences, elles ne s’expliquent pas par un
transfert de souveraineté territoriale en faveur de l’occupant. L’Assemblée Générale des
Nations Unies est claire à ce point.

- La servitude Internationale : on utilise le territoire comme un droit, comme un


bien, mais le DI hésite.
- Le protectorat : il désigne un système particulier des rapports entre deux Etats, le
protecteur et le protégé, qui n’affectent en théorie que la compétence externe du

69
protégé. L’Etat protecteur est habilité à représenter totalement l’Etat, protégé
dans les relations diplomatiques internationales, à conclure des traités qui
engageront celui-ci. En principe, la souveraineté du territoire de l’Etat protégé
n’est pas entamée.

b) Exercice contrôlé

- Le mandat
- La tutelle
- Le territoire non autonome

A la fin de la première Guerre Mondiale, le statut des deux catégories de territoire restait
en suspens : Celui de colonie enlevé à l’Allemagne après sa défaite et des territoires
détachés de l’empire Ottoman, d’où l’institution de mandat.

Il part de l’idée que les population qui habitent les territoires submentionnées ne sont
pas encore capables de se diriger elles-mêmes dans les conditions particulièrement
difficiles du monde moderne et proclament comme une mission sacrée des civilisation,
l’aide apporter à ces peuples, en vue de favoriser leur bien-être, leur développement.

La base juridique du mandat est l’article 22 du pacte de la SDN. La SDN a confié la


tutelle de ces peuples aux Nation développées. Ainsi, la Syrie et le Lyban fût confiées à la
France et le Rwanda et Burundi à la Belgique etc….

Après la disparition de la SDN, les mandats subsistants ont été transformés en tutelles
comme l’article 77 de la Charte des Nations Unies en prévoyait la possibilité.
A l’exception du Sud-Ouest Africain, que l’Afrique du Sud avait refusé de placer sous ce
régime.

Tutelle

Reprenons dans ses grandes lignes le système du mandat, il en précise les finalités,
renforce les compétences et procédures de l’organisation de contrôle et limite plus
strictement les pouvoirs de l’Etat chargé de l’administration de ses territoires.

Doré avant, en vertu de l’article 76 de la Charte, les peuples sous mandat reçoivent les
garanties d’administration égalitaire.

Section V. LES LIMITES A LA COMPETENCE DE L’ETAT

&1. Limites résultat des droits fondamentaux de la personne humaine (et la


problématique de l’obligation de protéger)

70
&2. Limites résultant de l’obligation de respecter les droits des autres Etats
et y compris ceux de leurs ressortissants

&3. Limites résultant du droit international de l’environnement

Section IV. LA DISPARITION DE L’ETAT ET LA QUESTION DE LA


SUCCESSION

Section V. LA REPRESENTATION DE LETAT : RELATIONS


DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES

Chapitre deuxième

LES ORGANISATIONS INTERNATINALES

Section I. NOTION D’ORGANISATION INTERNATIONALE

71
Les organisations internationales, on l’a vu, répondent aux besoins éprouvés par les
Etats de s’associer pour mieux réaliser ensemble ce qui chacun d’eux, pris isolement, ne
parvient pas à réaliser seul de manière satisfaisante.

Ainsi, on entends par OI, une association d’Etats, constitué par traité, en vue de remplir
certaines fonctions d’intérêt commun et dotés à cet effet, d’un appareil permanent
d’organes et d’une personnalité juridique distincte de celle de ses Etats membres. L’OI
est constitué en vue de remplir certaines fonctions d’intérêt commun.

Section II. TYPOLOGIE DES ORGANISATIONS INTERNAITONALES

Plusieurs critères président à la classification des organisations internationales. Leur


pertinence est loin d’être certaine. Ces classification sont plutôt artificielles.

&1. Classification suivant la composition

Il y a les Organisation Internationale universelles et les Organisation Internationale


régionales.

 Les OI universelles : celles qui ont vocation a recevoir tous les Etats du monde. Ils
ont un caractère générale, comme l’ONU.
 Les OI régionales : ces organisations ont un caractère restreint et limité dans une
région donnée, comme l’UA, l’UE, les Organisation des Etats Américains.
 Il y a aussi les OI sous régionales comme la CEDEAO, le COMESA , la
Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale, etc…
 Les OI ouvertes et les OI fermées :
o Les OI ouvertes : Elles sont ouvertes à tous les Etats (ex : Nations Unies) ;
o Les OI fermées : Elles ne peuvent recevoir des Etats que ceux d’une région
géographique donnée.

&2. Classification suivant les compétences

On distingue d’ici les organisations internationales politiques et les organisations


internationales techniques.

o Les organisations internationales multifonctionnelles (politiques) s’intéressent


aux fonctions politiques, économiques, sociales et culturelles, .. bref à toutes
fonctions qui intéressent la vie internationale. C’est le cas de l’ONU.
o Les organisations techniques sont en principe unifonctionnelles (intéressent à
une matière donnée). Ex : l’OIT, l’UNESCO…

&3. Classification suivant leur autorité

72
On distingue ici les OI inter étatiques et des OI super étatiques. Celle-là se caractérise
par l’absence ou le faible développement du pouvoir de décision et par le fonctionnement
des organes suivant le modèle de l’unanimité. (ex : l’ONU)
Celle-ci en revanche, a un pouvoir des décisions face à leurs membres. Elles connaissent
le vote majoritaire et disposent parfois d’une autorité directe et immédiate dans l’ordre
interne des Etats membres. Il faut souligner que dans la pratique, toutes ces distinctions
sont artificielles.

Section III. ACQUISITION ET PERTE DE LA QUALITE DE MEMBRE

Nous allons examiner ici les catégories des membres, les conditions de l’admission et la
perte de la qualité des membres.

&1. Catégorie de membres

On distingue les membres originaires et les membres admis. Cette distinction n’a
cependant pas d’effet sur le statut des membres.

- Les membres originaires sont ceux qui ont signé le traité constitutif de l’OI.
- Les membres admis sont ceux qui ratifient le traité constitutif après son entré en
vigueur. L’admission des nouveaux membres et fonction du caractère ouvert ou
fermé d’une organisation. La procédure d’admission est, on le verra plus loin,
subordonnée à des conditions de fond et à des conditions de forme.
- Les membres associés sont ceux qui ne sont ni membres originaires, ni
admissibles comme à part entière dans une OI donnée, mais qui ont un intérêt
dans la réalisation des objectifs ou des activités de l’organisation.

&2. Les conditions d’admission

Sont en principe déterminés par le traité constitutif. Il y a des conditions de fond et des
conditions de forme.

- Les conditions de fond : (article 4, paragraphe 2 de la Charte de N.U)


«Peuvent devenir membre des NU tout autre Etat pacifique qui accepte des
obligations de la Charte et être capable de réaliser les obligations, au jugement de
l’organisation et disposer à le faire».
- Les conditions de forme :
Décision de l’Assemblée Général sur recommandation du Conseil de sécurité.

§3. La perte de la qualité des membres

La qualité des membres se perd par retrait volontaire ou par l’exclusion décide par
l’organe compétent. Le retrait volontaire est une possibilité offerte aux Etats membres
par la Charte constitutive.

73
Quid si la Charte est muette sur le retrait ?
 Le retrait volontaire n’a été exercé qu’une fois, par l’Indonésie en 1956, mais cet
Etat a pu reprendre sa place sans procédure de réadmission un an plus tard, son
retrait volontaire ayant été considéré comme une simple suspension de
participation aux travaux des NU. Le retrait est le plus souvent précédé d’un
préavis de durée variable.

L’exclusion par l’OI des membres pour non exécution des obligations est
également prévue. Dans la pratique, l’exclusion est rarement utilisée parce que
cette exclusion prive l’OI de toute possibilité d’accession ultérieure à l’égard d’
l’Etat concerné. La suspension momentanée est également prévue comme
sanction de l’Etat qui ne remplit pas ses obligations.

Section IV. PERSONNALIE JURIDIQUE DES ORGANISAITONS


INTERNATIONALES

La personnalité juridique est la capacité d’être titulaire des droits et des obligations dans
un ordre juridique donné. C’est la capacité d’agir. L’OI a la personnalité juridique interne
et la personnalité juridique internationale.

&1. Personnalité juridique interne

L’OI jouit sur le territoire de chacun de ses membres, de la qualité juridique qui lui est
nécessaire, pour exercer ses fonctions et atteindre ses buts (articles 104 de la Charte).

&2. Personnalité juridique internationale

Elle est inhérente à l’OI. En créant celle-ci, elles Etats lui ………….. par ce fait même la
personnalité juridique internationale.

Personnalité juridique internationale sur le territoire des Etats membres (résultante de


leur participation à l’organisation).
Sur le territoire des Etats tiers. Si ceux-ci invitent l’organisation à œuvrer sur leur
territoire. Cas particulier des organisations internationales de la famille des Nations
Unies : personnalité juridique objective (laquelle s’impose aux Etats membres comme
aux Etats tiers), justification : représentativité, but et objet d’ordre public international.
Cf. Affaire des réparations

74
Section V. CAPACITE ET COMPETENCES DES ORGANISTIONS
INTERNATIONALES

&1. Le principe de spécialité

Les OI, à l’inverse des Etats ne jouissent pas de compétence générale. Elles n’ont que des
compétences qui leurs sont attribuées par les Etats dans leurs fonctions…………,
compétences qui leur sont nécessaires pour exercer leurs fonctions et atteindre leur but.

Les OI bénéficient d’une capacité limitée, aux seuls pouvoirs qui leurs ont été attribués
dans leurs traités constitutifs, afin de réaliser leurs objectifs. Les OI ont des
compétences d’attribution et sont régis par le principe de spécialité.

&2. Les pouvoirs implicites

En dépit de la fermeté du principe de spécialité, il est tempéré par la théorie des pouvoirs
implicites, souligné par la CIJ dans l’affaire des réparation par la TPIR dans l’affaire
AKAYEZU, par la CIJ dans l’affaire TADIC.

Cette théorie veut dire que l’organisation doit être considérer comme possédant les
pouvoirs que s’ils ne sont expressément énoncés dans la charte, sont par une
conséquence nécessaire, conférés à celle-ci, en tant qu’essentiel, à l’exercice de leur
fonction.

Plutôt que s’en remettre aux termes de son traité constitutif, la CIJ avait souligné que les
droits et devoirs d’une institution tel que l’organisation doit dépendre des buts et des
fonctions de celle-ci. Enoncés ou impliqués par son acte constitutif et développé dans la
pratique c’est-à-dire que l’OI a des pouvoirs larges.

Section V. RESPONSABILITE DES ORGANISATIONS INTERNAITNALES

Le fait internationalement illicite entraîne l’obligation de réparer.

&1) Responsabilité active

&2) Responsabilité passive (responsabilité des Etats pour fait de l’organisation ?)

Section VI. STRUCTURE ORGANISAITONELLE DES ORGANISAITONS


INTERNAITONALES

Au sein des OI, il y a un arsenal organisationnel important. Les organes chargés de


mettre en œuvre les objectifs. On peut distinguer les organes principaux des organes
subsidiaires.

75
&1. Organes principaux

Ce sont ceux prévus dans le traité constitutif :


- L’Assemblée Général ;
- Le Conseil de sécurité (en principe en charge de maintient de la paix et de la
sécurité) ;
- Le Conseil économique et social ;
- Un conseil de tutelle ;
- Un CIJ ;
- Un secrétariat.

&2. Les organes subsidiaires

Ce sont des organes, qui ne sont pas prévus dans le traité constitutif, mais qui se révèlent
nécessaires pour la réalisation de l’objet et du but de l’organisation. Ex  : le
TPIR, l’OMS. Les organes subsidiaires sont crées par les organes principaux.

3. Organe plénier et organe restreint

- l’organe plénier regroupe tous les Etats membres


- l’organe restreint regroupe les principaux Etats seulement (ex : Conseil de
sécurité des NU).

Section VI. PRIVILEGES ET IMMUNITES DES ORGANISATIONS


INTERNATIONALES

&1. Fondement et principes

a) Principes :

Les OI bénéficient sur le territoire des Etats membres et sur le territoire des Etats tiers
sur lesquels ils exercent leur activités, des privilèges et immunités nécessaires à
l’accomplissement des dites activités.

b) Fondement

Le but de ce régime est de permettre à l’action de l’organisation et de ses fonctionnaires


de s’exercer en toute indépendance. C’est le caractère fonctionnelles des privilèges et des
immunités. Il permet également de garantir l’égalité entre les Etats membres de
l’organisation.

76
&2. Régime des immunités

a) Immunité de juridiction : une OI bénéficie d’une immunité de juridiction en


ce qui concerne ses biens et ses avoirs, quelque soit leur siège ou leur détenteur.
L’organisation peut cependant renoncer à invoquer son immunité tout en laissant
subsister l’immunité d’exécution.
b) Inviolabilité des locaux : c’est-à-dire qu’aucune perquisition ne peut être
exercée dans les locaux d’une OI, mais il n’existe pas de droit d’asile dans ces
locaux.
c) Exemption de contrainte administrative sur les biens
En principe, aucune mesure d’expropriation, de réquisition, de confiscation ou de
saisie ne peut être prise contre une OI. A l’égard des Communauté Européennes
nécessitait d’une autorisation donnée par la CJCE.
d) Non application des lois financières
On notera ici l’absence de contrôle financier (sur les devises) exemption fiscales et
douanières.
e) Facilité de communication
Les OI bénéficient du même régime que les gouvernements étrangers
(ex : codes, valises diplomatiques).

Section VII. LES FONCTIONNAIRES INTERNATNATIONAUX


&1. Définition du fonctionnaire international

Toute personne par qui l’organisation agit. C’est agent exerçant une fonction publique,
au service d’une OI, d’une manière exclusive et continue et qui est soumis à un régime
juridique particulier de caractère international.

&2. Droits et obligation du fonctionnaire international

a) Droit des fonctionnaires internationaux

Le fonctionnaire international a le droit à une rémunération digne qui le met à l’abri du


besoin. Il a droit à des congés et particularité du congé dans le foyer, droit à
l’avancement, essentiellement d’échelons, droit d’association,….

b) Obligation des fonctionnaires internationaux

Le fonctionnaire international a contrepartie de ses avantages est soumis à certains


devoirs : accomplissement des devoirs de la charge et allégeance à l’égard de
l’organisation. Il doit être soumis exclusivement à son chef hiérarchique.
- incompatibilité d’activité et d’intérêt ;
- loyalisme à l’égard de l’organisation et indépendance à l’égard de l’Etat ;
- Secret professionnel (devoir de discrétion) ;

77
- Tact et réserve ;
- Ne pas nuire à l’organisation, ni faire douter de son impartialité ;
- Refus de distinction honorifique et cadeaux ;
- Réduction des activités politiques.

&3. Privilèges et immunités des fonctionnaires internationaux

Les fonctionnaires jouissent des privilèges et immunités, qui visent a assurer


l’indépendance de la fonction public international et à maintenir l’égalité entre les
Etats. Ils sont institués dans le seul intérêt de l’Organisation Internationale.

&4. Le problème de l’immunité de juridiction des OI est la qualité du


droit au juge

L’immunité, on le sait, c’est la soustraction à la compétence des juridiction de l’Etat


territorial, tandis que le privilège est la soustraction à une obligation de droit
commun.

En cas d’immunité des juridictions de l’OI, le justifiable opposé à l’OI risque d’être
préjudicié. L’OI doit prévoir en son sein, un mécanisme de règlement de différends,
si non l’OI sera traduit devant le juge.

Pour assurer la compatibilité de l’immunité de juridiction avec le droit d’excès au


juge, la juridiction internationale ne retient l’immunité de juridiction en faveur d’une
organisation que lorsque celle-ci prévoit à son sein un mécanisme institutionnel de
règlement de différends, équitable et accessible. Il resta à préciser la source des
privilèges des organisations internationales.

A part un instrument conventionnel pertinent (convention sur la représentation des


Etats dans leurs relation avec les OI de caractère universel, il faut signaler l’existence
et l’importance même des accords de siège, à part le droit propre des OI, (traités
constitutifs de tout autre textes de droit dérivé).

78
Titre deuxième
LES SUJETS MINEURS DU DROIT INTERNATIONAL

Certes, seuls les Etats demeurent des sujets fondamentaux du droit international et
après eux les organisations internationales, qu’ils créent et confient des fonctions
spécifiques d’intérêt commun.

Mais la personnalité juridique de l’individu voire des groupes qui ne se confondent pas
avec les peuple qui sont le support d’un Etat sont aujourd’hui titulaires de droits et
d’obligations qui leur sont accordés par le droit international et ont accès à des
mécanismes juridictionnels, politiques et diplomatiques pour faire valoir ces droit ou
revendiquer leur respect s’ils sont méconnus ou violés par l’Etat ou pour rendre compte
eux même de leur comportement criminels au regard du droit international. Cela suffit à
démontrer que l’individu est aujourd’hui un véritable sujet du droit international en
dépit de la doctrine classique, ayant encore ses défenseurs, qui lui dénie cette qualité. En
effet, ainsi que l’on fait remarqué Jean COMBACO et Serge SUR, nul ne peut être un
titulaire d’un droit sans être sujet de l’ordre juridique qui consacre celui-ci.

Il faut toutefois noter que la place de l’individu et des « peuples » dont question demeure
marginale en droit international dès lors que celui-ci demeure fondamentalement, sinon
exclusivement, l’affaire des Etats. Elle est historiquement récente.

79
II. Les sujets mineurs du Droit International

La doctrine classique a toujours enseigné, on le sait que seul l’Etat était sujet du Droit International. Bien sûr, il demeure le sujet principal du
Droit International, et le socle sur lequel se fonde celui-ci. Mais il y a plus de 50 ans, la CIJ avait reconnue la personnalité juridique de l’ONU est
par extension, des autres organismes internationales.

Le statut des sujets de DI de ses créatures artificielles crées par les Etats pour accomplir les fonctions spécifiques qui leurs sont confiées par les
Etats ne prêtent guère, aujourd’hui, le flanc a contestation. Mais a part les Etats et les OI, plusieurs autres acteurs sont sujets de droit et
d’obligation dans l’ordre juridique international, lequel leurs confèrent le droit d’actionner des mécanismes institutionnelles pour la mise en
œuvre de ces droits. C’est le cas de l’individu de la personne humaine, à qui les instruments internationaux pertinents relatifs aux droits humains,
confèrent des plus spécifiques pour revendiquer les dits droits lorsqu’ils sont violés par les dits Etats. A ce titre il est actif du Droit International.

Le même individu, lorsqu’il commet les crimes de DI tels le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, s’expose éventuellement
à la CPI ou à la poursuite des autres Etats. Il est à ce titre sujet passif du DI.
Qui pourrait contester l’action des multinationales et des ONG, à part l’individu, dans le cadre de la protection internationale des droits de
l’homme et du Droit International. On ne pourrait certes dire qu’ils sont des sujets de DI au sens stricte qu’ils en soient des acteurs non
négligeables.

CHAPITRE : L’ individus comme sujet du Droit International

La déclaration universelle des droits de l’homme n’est pas un acte obligatoire, ce n’est qu’une déclaration d’idée. Exemple  : Le Conseil d’Etat de
France a été saisi d’un recours afin d’obtenir l’annulation ……

La haute juridiction a confirmé que la DUDH est dépourvu de caractères juridiques obligatoires parce qu’elle ne constitue pas une convention. Il
faut noter que m1$me si la DUDH est dépourvu de caractère juridiquement obligatoire, son importance historique et politique est incontesté.
Même sur le plan juridique, certains de ses dispositions sont déclaratifs de droit coutumier. C’est l’essor de la jurisprudence de la CIJ dans
l’affaire du personnel diplomatique et consulaire des EU à TEHERAN.

De même dans l’Affaire FURUNDJIZA également, le TPIY a considéré que l’interdiction de la torture est une règle impérative de Droit
International.

A part ces instruments conventionnels généraux, d’autres instruments spécifiques ont été adoptés par les Etats :

- C’est le cas de la convention des NU contre la discrimination et la torture ;


- La convention sur l’élimination de toute discrimination racial ..

Tous ces instruments internationaux confèrent des droits à l’individu, et l’Etat peut se voir engagé lorsqu’il les viole.

A part ces instruments onusiens, il existe des instruments régionaux des protections de droits de l’homme, l’Europe ayant joué en la matière le rôle
pionnier.

Le système européen

80
Les Etats du Conseil de l’Europe se sont engage a ……….le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne
placée sous leurs juridiction doit jouir les droits de l’homme et des libertés fondamentales.

C’est ainsi qu’en 1950, les Etats Européens ont adopté à Rome, la Convention européenne des droits de l’homme qui est entrée en vigueur en
1953, et qui est enrichie par des protocoles additionnels successifs.

Il importe de souligner que désormais une cour (unique), la Cour Européenne des Droits de l’homme assure le contrôle des droits garanties par
cette convention et ses protocoles additionnels.

Le système inter-américain

L’Afrique ne saurait rester en retrait des ces mouvements de régionalisation des droits de l’homme. Aussi c’est elle dotée d’une Charte des droits
de l’homme et du peuple signée à Nairobi, le 27/06/1981. Cette Charte dite Charte de BANJUL s’est fortement inspirée des précédents européens
et américains, mais présente par rapport à celles-ci, des traits distinctifs assez marqués.

Comme son intitule l’indique, à côté des droits de l’homme stricte sensu, elle garantie certains droits des peuples (à l’existence à la décolonisation,
à la paix, à la libre disposition des ressources naturelles..), en outre, un chapitre entier est consacré au devoir de l’individu envers la famille, l’Etat,
et la Communauté Internationale.

Mais l

Mais là au le bas blesse, c’est au niveau des mécanismes de sauvegarde des droits garanties pour la charte.

A l’inverse des systèmes précédemment étudiés, les Etats africains n’ont constitué qu’un mécanisme non juridictionnel de contrôle, à savoir la
commission africaine des droits de l’homme du peuple.

Elles se sont résolument refusées d’instituer une cour africaine des Droits de l’homme et des peuples.

Toutefois, l’idée de la cour jadis rejetée a été réhabilitée. Après beaucoup d’hésitation un cour africaine de Droits de l’homme et des peuples a été
instituée par le protocole de OUAGADOUGOU de 09/06/1998. Elle est appelée à seconder la commission dans sa mission de protection des
Droits de l’homme.

Il importe de dire un mot sur la nature des droits garantis. Il y a d’une part les droits individuels et de l’autre les droits collectifs. Au moment où
cela ont une dimension strictement individuellement (droit au travail, …) ceux-ci en revanche ont une dimension collective, en ce qu’ils protègent
les relation que plusieurs individus entendent établir et développer entre eux (droit à la liberté de culte, …).

2. Les mécanismes de sauvegarde

Il ne suffit pas que les droits soient garantis. Faut-il encore que des mécanismes qui permettent à des individus, d’en revendiquer le respect
lorsqu’ils sont violés, soient institués. De tels mécanismes existent désormais au plan universel et au plan régional.

Sur le plan universel, donc onusien, des conventions spécifiques prévoient des garanties ou des mécanismes de contrôle. C’est ainsi par exemple,
que le pacte Internationale des Droits Civiles et politique instituent le comité des Droits de l’homme mécanisme de contrôle.

Nous avons déjà évoqué la Cour Européenne des Droits de l’homme pour les Etats Européens, de la commission et de la Cour inter-américain des
Droits de l’homme pour le système inter-américain et de la commission et de la cour africaine de Droits de l’homme et du peuple pour le système
africain.

Il faut noter que la règle de l’épuisement des voies de recours internes constitue la pierre angulaire de système de justiciabilité internationale des
droits de l’homme, c’est-à-dire qu’avant d’attraire l’Etat devant les instances internationales, il faut d’abord épuiser les voies de recours internes.

81
Chapitre premier

L’INDIVIDU SUJET ACTIF DU DROIT INTERNATIONAL DANS


LE CADRE DE LA PROTECTION INTERNAITONALE DES
DROITS DE L’HOMME

« L’affirmation que la personne humaine possède comme telle des droits propres,
opposable d’abord à l’Etat dont elle relève, se différencie radicalement des règles
ordinairement étables en droit international, qui ne concernent en général que
l’organisation des rapports entre Etats ou institutions interétatiques. » PMD, p. 203. Ce
que PMD appelle la formidable révolution des droits de l’homme.

Section I. HISTORIQUE DE LA PROTECTION INTERNATIONALE DES


DORITS DE L’HOMME ET PROPOS SUR L’UNIVERSALITE DE CEUX-
CI

Les balbutiements de la protection internationale des droits de l‘homme apparaissent


déjà vers les années 1920 sous l’égide le la SDN (Constitution de l’OIT, en 1929). Mais ce
n’est qu’après la seconde guerre mondiale, avec la Charte des Nations Unies, que la
reconnaissance et la protection des droits de l’homme sont présentés comme l’un des
axiomes de la nouvelle organisation internationale. La reconstruction des rapports
internationaux s’accompagne dorénavant de l’affirmation des droits fondamentaux de la
personne humaine qui transcendent en leur principe la souveraineté des Etats auxquels

82
ils sont désormais opposables. La Charte des Nations Unies, dans son préambule et
dans ses articles 1 paragraphe 3 ; 55 c, complétés par les articles 13, 62 et 68 consacrent
explicitement les droits de l’homme auxquels elle semble conférer une portée
constitutionnelle. La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre
1948, certes une simple résolution de l‘Assemblée générale de l’ONU, vint affirmer les
principaux droits et attributs de la personne humaine avant que les instruments
conventionnels contraignants universels et régionaux ne viennent consacrer ces droits
et instituer des mécanismes pertinents de contrôle.

Section II. LES DROITS GARANTIS

&1. L’affirmation des droits de l’homme sur le plan universel

A. La Charte internationale des droits de l’homme


Il faut entendre ici les instruments onusiens fondamentaux de protection des droits de
l’homme à savoir : la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée le 10
décembre 1950 par l’Assemblée générale des Nations Unies ; les deux pactes
internationaux de 1966 relatifs, l’un, aux doits civils et politiques et, l’autre, aux droits
économiques, sociaux et culturels  et le protocole facultatif annexé au pacte relatif aux
droits civils et politiques.

Sur le plan de son contenu la Déclaration universelle des dorits de l’homme consacre les
droit civils et politiques traditionnels et les droits économiques et sociaux et réalise ainsi
un compromis entre la conception libérale occidentale e la conception socialiste. La
déclaration universelle est restée muette sur les dorits despeuples. Les pays de l’Est n’ont
pas été entièrement satisfait du compromis réalisé aussi se sont-ils abstenus lors du vote
final. La déclaration fut adoptée avec 48 vois pour, O contre et 9 abstentions.

Sur la valeur juridique de la Déclaration universelle des droits de l’homme. En dépit de


son importance historique et politique incontestée, la DUDH n’a pas en tant que telle de
valeur juridique contraignante. Ce n’est pas un traité. Elle n’est qu’une recommandation.
A ce titre elle n’est pas source d’obligation pour les Etats. A l’occasion d’une affaire où le
requérant, pour obtenir l’annulation d’une élection, invoquait la violation de la DUDH
par l’ordonnance du 21 avril 1944 qui avait déclaré inéligibles certains individus, en
raison des actes de collaboration avec l’ennemi pendant la guerre, le Conseil d’Etat de
France a confirmé que cette Déclaration est dépourvue de caractère juridiquement
obligatoire parce q’elle ne constituait pas un traité international. (Conseil d’Etat de
France, arrêt du 18 avril 1951, Elections de Nolay, leb., p. 189.)

Il faut toutefois noter que si la DUDH en tant que telle n’a pas de valeur juridique
contraignante, les principes qu’elle proclame a valeur de dorit coutumier, voire de
normes impératives. En effet dans l’affaire du personnel diplomatique et consulaire des
Etats Unies à Téhéran, la CIJ a jugé que « le fait de priver abusivement de leur liberté
des êtres humains et de les soumettre, dans des conditions pénibles, à une contrainte
physique est manifestement incompatible avec les principes de la Charte des Nations

83
Unies et avec les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits
de l’homme »73 . Un obiter dictum de cette juridiction avait déjà relevé, dans l’arrêt
Barcelona Traction du 5 février 1970, l’existence des obligations erga omnes parmi
lesquelles, aux yeux de la Cour, figure l’agression et le génocide, les principes
fondamentaux de la personne humaine tels la protection contre l’esclavage et la
discrimination raciale qui, à n’en pas douter, constitue la pierre angulaire de la DUDH.
Le TPIY va encore plus loin lorsqu’il affirme dans son arrêt rendu le 10 décembre 1988
en l’affaire Anto Furundzija que l’interdiction de la torture (énoncée déjà dans la
DUDH) est désormais une règle impérative du droit international et que de tels actes ne
peuvent être couverts par les législations nationales sur l’amnistie. La même juridiction,
dans l’arrêt rendu le 16 novembre 1998 en l’affaire de Celebici, avait déjà estimé que
l’article 3 commun aux conventions de Genève de 1949 (qui reprend en temps de conflit
armé les garanties proclamées par la DUDH) exprime le droit coutumier.

Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant. Nécessité de prolonger la Déclaration


par l’adoption de textes possédant un caractère obligatoire.

Le 16 décembre 1966, à l’issue des négociations menées avec succès, l’Assemblée


générale approuve deux Pactes d’abord celui relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, ensuite celui relatif aux droits civils et politique. Le premier est entré en
vigueur le 3 janvier 1976 et le second le 23 mars de la même année.

Le Conseil économique et social a créé en 1985 un Comité des droits économiques,


sociaux et culturels, composé d’experts indépendants et chargé de surveiller le respect
des obligations découlant du Pacte pertinent par les Etats parties.

Le Pacte relatif aux droits civils et politiques quant à lui institue lui-même déjà, comme
mécanisme de contrôle, un Comité des droits de l’homme. Celui-ci est composé de 18
membres siégeant à titre individuel – donc indépendants des Etats – élus pour quatre
ans par les Etats parties réunies par les soins du Secrétaire général des Nations Unies.
L’organe de contrôle ainsi institué reçoit et étudie des rapports des Etats sur les mesures
prises pour donner effet aux droits reconnus et sur les progrès réalisés dans la jouissance
des droits proclamés par le Pacte. Il lui est permis, sur base de l’article 40 du traité sous
examen, d’adresser éventuellement des observations à ces mêmes Etats. Ceux-ci
peuvent, au moyen de déclarations unilatérales d’acceptation, reconnaître au Comité une
certaine compétence dans le règlement amiable des différends relatifs à l’exécution du
Pacte (art. 41).

Le Protocole facultatif à ce Pacte ouvre aux individus le droit d’adresser au Comité des
pétitions, des plaintes, appelées en l’espèce des communications, dont l’examen peut
aboutir à des constatations destinées à l’Etat en cause et au pétitionnaire et qui peuvent
être publiées dans le rapport annuel des activités du Comité.

Un Protocole additionnel relatif à l’abolition de la peine de mort a finalement été adopté


dans le cadre onusien, le 15 décembre 1989, à New York. Il est entré en vigueur en 1991.
La RDC n’y est pas partie.
73
Rec. 1980, p. 42.

84
B. Instruments onusiens spécifiques de protection des droits de l’homme

Outre ces textes fondamentaux de nombreuses conventions relatives aux droits de


l’homme ont été adoptées par ou sous les auspices des Nations Unies. On notera parmi
les plus importants :
- la convention sur le prévention et la répression du crime de génocide (1948)
- la convention sur l’abolition de la traite des êtres humains et de la prostitution
(1950)
- la convention sur l’abolition de l’esclavage (1953, 1956)
- la convention sur l’abolition de toutes les formes de discrimination raciale (1966)
- la convention sur l’abolition de toues les formes de discrimination à l’égard de la
femme (1979)
- la convention dur l’abolition de l’apartheid (1973)
- la convention contre la torture et autres peine cruelles inhumaines et dégradantes

&2. L’affirmation des droits sur le plan régional

Trois systèmes régionaux de protection des droits de l’homme se sont développés à des
périodes et niveaux différents : le système européen, le système interaméricain et le
système africain.

Le système européen de protection des droits de l’homme

Il s’est développé d
ans le cadre du Conseil de l’Europe et, récemment, dans celui des Communautés
européennes.

Le Conseil de l’Europe. Rôle de pionnier. Aux termes de l’article 3 du Statut du Conseil


de l‘Europe, chacun des Etats membres « reconnaît le principe de la prééminence du
droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir
des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

&3.Nature des doits garantis

Section II. LES MECANISMES DE SAUVEGARDE

&1. Les mécanismes nationaux

- L’obligation d’assurer la répression pénale des crimes de droit international (la


compétence universelle)
- La mise en œuvre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme
par le juge national

85
&2. Les mécanismes régionaux
- Le mécanisme européen : la cour européenne des droits de l’homme
- Le mécanisme interaméricain : la Commission et la cour interaméricaine des
droits de l’homme
- Le mécanisme africain : la Commission et la Cour africaines des droits de
l’homme
&3. Les mécanismes onusiens

Chapitre deuxième

L’INDIVIDU COMME SUJET PASSIF DU DORIT


INTERNATIONAL DANS LE CADRE DU
DROITINTERNATIONAL PENAL

Historique : De Nuremberg – Tokyo – La Haye - Arusha – La Haye

Les juridictions pénales internationales

Les crimes de droit international humanitaire

86
Deuxième partie

LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL

Tous les systèmes de droit connaissent deux conceptions de sources : les sources
matérielles (donc non juridiques) et les sources formelles. De nature non juridique les
sources matérielles est un ensemble d’élément d’ordre social, économique, politique ou
idéologique (croyances collectives, exigences éthiques, nécessité sociale, système de
valeurs) qui, à un moment donné, conduisent à l’établissement d’une rège juridique
déterminée. Les sources formelles quant à elles sont des modes par lesquels est établie
ou contestée une règle applicable. Elles relèvent du droit positif à l’inverse des sources
matérielles qui relèvent de l’histoire, de la sociologie juridique ou de la philosophie du
droit. Il se comprend sans peine que ce sont ces sources formelles qui, dans le cadre de
cet enseignement, nous intéressent.

87
Cela dit, la « famille des nations » ne s’est jamais doté d’une loi fondamentale définissant
de manière autorisée les sources formelles du droit international. Il est cependant
unanimement admis que ces sources sont celles qu’énonce l’article 38 du Statut de la
Cour internationale de justice lorsqu’il précise les règles dont celle-ci doit faire
application à savoir :

a) les conventions internationales soit générales, soit spéciales, établissant


des règles expressément reconnus par les Etats en litige ;
b) la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée
comme étant de droit ;
c) les principes généraux acceptées par les nations civilisées ;
d) sous réserve de la disposition de l’article 59, les décisions judiciaires et la
doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme
moyen auxiliaire de détermination des règles de droit ».

Ce texte a toujours été critiqué en doctrine, souvent abusivement. Certes l’archaïsme du


texte que reflète notamment l’absence des actes unilatéraux des organisations
internationales dans l’énumération des sources et la référence au concept suranné de
nation civilisé est avéré, de même que son caractère contractuel, fonctionnel ou
opératoire. Toutefois, en dépit de toutes ses limites cet article demeure une référence
incontournables ; traités coutumes et principes généraux constituent les sources par
excellence du droit international voir les piliers de cet ordre juridique. La doctrine et la
jurisprudence loin d’être des sources du droit sont plutôt des moyens « auxiliaires »
voire subsidiaires, selon le texte anglais, de détermination des règles de droit, c’est-à-
dire que leur rôle est de concourir à l’élucidation de la règle de droit lorsque son
existence ou son contenu demeurent incertains. Elles ne sont toutefois pas négligeables.
Dans un contexte normatif non formalisé constitué essentiellement des coutumes et
donc reposant sur un procédé non formalisé de création du droit, « ce que les clercs ou
les savants disent du droit peut (…) être aussi important que ce que celui-ci est censé
dire lui-même. »74 Mais, précise Joe Verhoeven, il demeure que jamais leurs « dires » ne
suffisent par eux-mêmes à prescrire le droit.

Dans l’étude des sources du droit international nous faisons ici, à la suite de J.
VERHOEVEN, la part de ce qui relève du droit général, c’est-à-dire des règles
applicables à l’ensemble de la communauté internationale et de droits particuliers c’est-
à-dire des dispositions contractuelles qui sont propres seulement à certaines seulement
des membres de celle-ci.

74
J. VERHOEVEN, Op.cit., pp. 114-115.

88
Titre premier

LES SOURCES D’UN DROIT INTERNATIONAL GENERAL

Une société ne peut se construire et se développer sans un minimum de règles générales,


celles qui tracent et sous-tendent le projet social – et le cadre juridique que celui-ci
implique- dont elle se nourrit. La famille des nations ne saurait faire exception. Quelque
soit l’angle sous lequel on voit le droit international, « communauté » ou « société » ne
change rien à cette évidence, en tout cela il y a l’idée d’un projet commun. Celui-ci
appelle nécessairement des règles générales. La souveraineté des Etats s’accommode
mieux sans doute des arrangements contractuels, c’est-à-dire dont ils conviennent
discrétionnairement. Pourtant à y voir de plus près on s’aperçoit que les règles qui
organisent la force obligatoire des conventions ne peuvent avoir une origine purement
conventionnelle. Or les règles générales ne se limitent pas à ces dernières. Elles sont
aussi, et peut-être plus, souligne Joe Verhoeven, celles qui assignent certains objectifs,
formulent certaines exigences et sauvegardent certaines valeurs dans une société
donnée. La Communauté internationale se contente habituellement de commandements
élémentaires à ce propos, tant la »souveraineté » de ses membres est en soi
destructrices d’un réel ordre « social ». Ce qui explique la pauvreté des règles générales
mais ne suffit pas à les exclure. Les règles générales sont là. « L‘heure de la souveraineté
absolue est close, si elle a jamais existé. Le moment est venu de donner corps à la
communauté des Etats, ce qui ne peut que multiplier les règles générales au détriment
des arrangements particuliers ».75

La coutume est par excellence la source du droit international général (chapitre 1). Elle
n’épuise pas cependant tout le droit international général. Il faut y ajouter, à titre
subsidiaire, les principes généraux de droit, expressément évoqués par le fameux article
38 du Statut de la CIJ. Comme l’un et l’autre source sont loin de répondre aux besoins
normatifs de la communauté internationale, on prend souvent appui sur les résolutions
« légiférantes » émanant d’organisations internationales de la famille des Nations Unies
pour affirmer l’existence de règle générales, en l’absence d’un droit proprement
coutumier (chapitre 3).

75
Ibid., pp. 315-316.

89
Chapitre premier

LA COUTUME INTERNATIONALE

La coutume comme source de droit est connue de tous les systèmes juridiques. Sa
caractéristique est de produire des règles au départ des conduites effectivement suivies
par ceux dont elle entend discipliner les comportements (les relations), sans faire appel à
une autorité extérieure à celle-ci ni requérir une expression particulière à laquelle une
publicité puisse ou doive être donnée. Comme l’a si bien dit Joe Verhoeven, elle est vécue
et non édictée, elle est un fait avant d’être un ordre.

Elle est généralement définie, à l’appui de l’article 38, b du Statut de la CIJ, comme
l’ensemble des pratiques générales acceptées comme étant le droit.

Section I. FONDEMENT DE LA FORCE OBLIGATOIRE DE LA


COUTUME

Il a suscité d’abondantes controverses. Deux principales théories s’affrontent :

&1. Théorie volontariste

Pour la théorie volontariste, la coutume est un accord tacite entre Etats. On en a trouvé
la consécration jurisprudentielle dans le célèbre arrêt rendu par la CPJI dans l’affaire du
Lotus qui précise que « les règles du droit liant les Etats procèdent (…) de la volonté de
ceux-ci, volonté manifeste dans des conventions ou dans des usages acceptées
généralement comme consacrant des principes de droit ».

C’est nier la spécificité des règles coutumières voire l’existence d’un droit international
général que réduire la coutume à un accord tacite entre Etat. S’il en allait ainsi le droit
coutumier et le droit conventionnel devrait être soumis au même régime juridique. Ce
que dément la pratique internationale.

90
&2. Théorie sociologique

La théorie sociologique en revanche, privilégiant les besoins collectifs par rapport à des
engagements individuels, tient la coutume comme l’expression d’une règle objective
répondant aux nécessités sociales. La coutume s’impose ainsi d’elle-même au regard des
besoins de la collectivité. La CIJ conforte cette théorie à l’occasion de l’affaire
Nottebohm (1955) et, de façon plus nuancée, dans l’affaire du Plateau continental de le
mer du Nord (1969) à l’occasion de laquelle la Cour évoqua la « nécessité logique » d’une
règle coutumière, tout en valorisant en même temps le rôle de la volonté des Etats.

Section II. ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA COUTUME

Au départ de l’article 38, 2 du statut de la CIJ qui défini la coutume comme pratique
générale acceptée comme étant le droit, s’est développé la doctrine des deux éléments
constitutifs de la coutume. La coutume est ainsi constituée d’un élément matériel ou
objectif, usus, à savoir les comportements généralement suivis par les Etats (la pratique
générale et constante) et d’un élément moral ou subjectif, (opinio juris), c’est-à-dire le
sentiment des Etats qu’en se comportant ils se conforment à une véritable obligation
juridique.

&1. L’élément matériel : usus

La pratique constitue l’élément objectif ou matériel de la coutume.

1. Qu’est-ce q’une pratique à vocation coutumière ?

C’est l’ensemble des conduites effectivement suivies par les Etats et les autres sujets du
droit international. Il importe peu en soi que celles-ci s’expriment dans les faits
(comportements) matériels ou dans les aces juridiques unilatéraux (lois, décisions
judiciaires, déclarations, …) ou bi - multilatéraux (traités, …).

Dans certains domaines du droit international, comme le DIH, il est tellement difficile
de recueillir les comportements purement matériels que les actes juridiques requièrent
une importance particulière. Le TPIY l’a relevé à l’occasion de l’affaire Tadic :

« quand on s’efforce d’évaluer la pratique des États en vue d’établir l’existence d’une
règle coutumière ou d’un principe général, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de
préciser le comportement effectif des troupes sur le terrain dans le but d’établir si elles
respectent ou ignorent en fait certaines normes de conduite. Cet examen est
considérablement compliqué par le fait que non seulement l’accès au théâtre des

91
opérations militaires est normalement refusé aux observateurs indépendants (souvent
même au CICR) mais aussi parce que les renseignements sur la conduite effective des
hostilités sont dissimulés par les Parties au conflit ; pis encore, les belligérants recourent
bien souvent à la désinformation dans le but de tromper l’ennemi ainsi que l’opinion
publique et les gouvernements étrangers » 76.

Et le tribunal international de conclure :

« lorsqu’on évalue la formation de règles coutumières ou de principes généraux, il


convient par conséquent d’être conscient que, du fait du caractère intrinsèque de ce
domaine, on doit s’appuyer essentiellement sur des éléments comme les déclarations
officielles des États, les manuels militaires et les décisions judiciaires » 77.

Quid des omissions ? Celles-ci peuvent-elles constituer des « pratiques » à vocation


coutumière ? On conçoit aisément que le précédent soit plus crédible s’il repose sur un
comportement actif de l’Etat plutôt que sur de simples abstentions. Tant il est difficile de
tirer d’une omission ou d‘un silence des enseignements particuliers. Comme l’a rappelé
la CIJ dans l’affaire du Lotus, « c’est seulement si l’abstention est … motivée par la
conscience d’un devoir de s’abstenir que l’on peut parler de coutume internationale ».
On ne saurait donc les exclure d’office. Tout dépend des circonstances et de la nature des
droits ou des intérêts en cause qui peuvent renseigner sur l’intention de l’abstenant …

Quid des déclarations formulées in abstracto ? On a parfois soutenu que de telles


déclarations formuées par les Etats sans autre souci de produire des effets particuliers ne
peuvent pas être prises en compte dans la vérification de l’existence d’une pratique sinon
pour confirmer des précédents en bonne et due forme. 78 En revanche la CIJ, s’est à
diverses reprises appuyée sur des déclarations générales faites par les Etats à l’occasion
de conférences internationales sans autre scrupule. Dans l’affaire de la compétence en
matière de pêcheries, elle s’est dans la recherche des règles coutumières pertinentes,
appuyée sur les déclarations faites lors de la première et de la deuxième conférence des
Nations Unies sur le droit de la mer en ce qui concerne les droits préférentiels de pêche.
Et dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord, elle s’est appuyée aux mêmes
fins aux « prises de position des Etats ».

Quid des comportements contraires ? Elles ne peuvent être négligés lorsqu’il y a lieu de
vérifier si une règle prétendument coutumière repose effectivement sur une pratique
incontestée. Dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
76
Aff. Tadic, § 99.
77
Ibid.
78
H. THIRLWAY, International Customary Law and Codification, 1972, P. 58, cite par J. VERHOEVEN, Op.cit., p.
323.

92
contre celui-ci, la CIJ a jugé « suffisant, pour déduire l’existence de règles coutumières,
que les Etats y conforment leur conduite d’une manière générale et qu’ils traitent eux-
mêmes les comportements non conformes à la règle en questions comme des violations
de celle-ci et non pas comme des manifestations de la reconnaissance d’une règle
nouvelle ».

Somme toute, il n’y a pas lieu de restreindre les comportements qui peuvent être pris en
considération dans la vérification de l’existence des règles coutumières. Il suffit que la
pratique – et aussi l’omission – soit imputable aux Etats, qu’elle soit générale et
cohérente. Examinons ces critères 

2. Pratique des Etats ?

a) Une pratique imputable aux Etats

L’article précité parle de « pratique gnérale » sans autre précisions. Qu’elle soit
imputable aux Etats, c’est là une création prétorienne. Mais dans la mesure où la
règle coutumière oblige les Etats, il s’impose que la pratique sur laquelle elle repose
soit aussi celle des Etats.

Il se dégage de la jurisprudence constante de la Cour que la pratique doit être


imputable aux Etats. On retiendra à titre illustratif que dans l’affaire du plateau
continental de la mer du Nord, la CIJ a dit que la Pratique des Etats montre que
l’institution de la zone exclusive s’intégrait au droit coutumier. Et dans l’affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci la CIJ a jugé qu’il
paraît suffisant pour déduire l’existence d’une règle coutumière que les Etats y
conforment leur conduite, d’une manière générale.

Il fat souligner qu’il n’a y a pratique étatique que si l’acte ou le comportement


concerné émane de l’un de ses organes. Il peut s’agir des actes accomplis par les
organes de l’Etat chargés des relations internationales et accomplis dans le cadre de
leurs fonctions, (ministres des affaires étrangères, diplomates), des actes émanant du
pouvoir exécutif, du pouvoir législatif ou du pouvoir judiciaire, etc.

93
On peut se demander si la pratique des sujets du droit international autres que les
Etats et les organisations internationales doit être exclue en tant qu’acte matériel de
la coutume. La question est traditionnellement controversée. Georges Scelle, tenant
de la doctrine objectiviste, soutenant que les comportements pertinents ne pouvaient
être que des actes d’individus. D’autres auteurs encore, tel Strupp, soutenait en
revanche que seul les actes étatiques pouvaient être pris en considération dans le
processus coutumier. La pratique contemporaine, sans aller jusqu’à la formulation
excessive de G. Scelle, consacre la doctrine objectiviste. Il en découle que les
comportements des organisations non gouvernementales, de mouvements de
libération nationale et de sécession (TPIY, Arrêt Tadic du 2 octobre 1995) et même
des sociétés transnationales, peuvent donner naissance à de normes coutumières,à
condition de ne pas se heurter à une opposition expresse des sujets majeurs du droit
international. Ainsi, dans le droit transnational des contrats, contient certaines règles
coutumières nées de « la présence usuelle de certaines stipulations dans la plus part
des contrats de type donné ».79 De même, s’interrogeant sur la lex petrolea
coutumière, en ce qui concerne l’indemnisation des sociétés pétrolières dont les
concessions ont été nationalisées, le tribunal arbitral dans l’affaire Aminoil a jugé
utile de prendre en considération à la fois le comportement de l’O.P.E.P. et ceux des
entreprises pétrolières, société privés.80 Et dans le domaine particulier du DIH, le
TPIY, à l’occasion de l’affaire Tadic, a souligné l’importance de la pratique du CICR
dans le processus coutumier :

« En plus du comportement des États belligérants, des gouvernements et des rebelles,
d’autres facteurs ont contribué à la formation des règles coutumières en cause. Nous
mentionnons en particulier, l’action du CICR […]

b) Une pratique générale

79
P. WEIL, R.A.D.I., 1969-III, vol. 128.
80
J.D.I., 1982, p. 903-904 ; cité par NGUYEN et all., Op.cit., pp. 327-328.

94
Dans la mesure où la règle coutumière oblige en principe tous les Etats, on conçoit sans
peine que doive être générale la pratique sur laquelle elle s’appuie. Il faut toutefois
signaler qu’une pratique générale n’est pas nécessairement une pratique universelle. En
d’autres termes il n’est pas nécessaire que la pratique à vocation coutumière soit
universellement attestée. Dans l’affaire Nicaragua, la cour note qu’il ne faut pas
s’attendre à ce que l’application des règles en question soit parfaite dans la pratique
étatique. Ce qui compte c’est donc l’aptitude à reposer sur une raison juridique
commune. Il se dégage de la jurisprudence de la Cour en l’affaire du Plateau continental
de la mer du Nord que la pratique des Etats « particulièrement intéressés » peut suffire à
établir une règle coutumière sans qu’il ne soit besoin d’exiger l’universalité des
précédents. Faisant spécifiquement référence à la création d’une coutume au départ d’un
traité, la Cour considère qu’« il se peut qu’une participation très large et représentative à
la convention suffise, (à cette fin), à condition toutefois qu’elle comprenne les Etats
particulièrement intéressés »81.

On peut inférer de cette formule de la cour que la généralité n’implique pas université de
la pratique et qu’il demeure possible pour les Etats de se dissocier d’une coutume. D’où
la nécessité de faire le point sur la théorie des l’objecteur persistant (persistant objector)
(1°), d’examiner les notions de coutumes régionales et locales (2°) et cerner la
problématique de l’application de la coutume aux Etats nouveaux (3°).

1° La théorie de l’objecteur persistant (persistant objector)

Il est traditionnellement admis que l’Etat qui n’a cessé de protester contre la pratique
suivie par d’autres Etats n’est pas liée par la règle coutumière dont cette pratique
constitue le support82. C’est la théorie dite de « persitant objector » qui a connu une
consécration jurisprudentielle dans l’affaire des pêcheries à l’occasion de laquelle la CIJ
a jugé que « de toute manière, la règle de 10 milles apparaît comme inopposable à la
Norvège, celle-ci s’étant toujours élevée contre toute tentative de l’appliquer à la côte
norvégienne ».

81
Rec. 1969, p. 43. Nous soulignons.
82
J.VERHOEVEN, Op.cit., p. 362.

95
La proposition a été jugée théorique car, il n’est guère, dans la pratique de persistant
objector, qui ait réussi à s’imposer 83. On peut l’admettre. On sait toutefois que les
certains Etats côtiers se sont en un moment farouchement opposé aux dispositions de la
Convention de Montego Bay relatives à l’exploitation des grands fonds marins. La
doctrine a à cette occasion « droit individuel de dissidence normative »

c) Une pratique cohérente / Constante

Une pratique insuffisamment cohérente ne sera pas pertinente dans le processus


d’établissement des règles coutumières. La CIJ, dans l’affaire du droit d’asile, déclare
« Les faits soumis à la Cour révèlent tant d’incertitudes et des contradictions, tant de
fluctuations et de discordances qu’il n’est pas possible de dégager de tout cela une
coutume constante et uniforme ».

Confronté à la recherche des éléments matériels de la coutume en droit des conflits armés le
TPIY faisait observer :

Et estompant les controverses sur les actes constitutifs de l’usus, le TPI impose une vision
maximaliste conforme aux particularités du droit des conflits armés :
Pour le Tribunal pénal international donc, il n’y a pas lieu de restreindre la pratique [à

Il est intéressant de noter que bien que la formule de l’article 38 définissant la coutume comme
pratique générale acceptée comme étant le droit ne contient pas l’adjectif étatique pour qualifier
la pratique pertinente sous l’angle du droit coutumier, celui-ci s’est vite imposé en jurisprudence.
En effet, dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (Libye/Malte) la Cour
internationale de justice a jugé que : « la pratique des États 84 démontre que l’institution de la
zone exclusive… s’est intégrée au droit coutumier (…) » 85. Sous la même lancée, à l’occasion de
l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, il lui paraissait
suffisant « pour déduire l’existence d’une règle coutumière, que les États y conforment leur
conduite 86 d’une manière générale » 87. Bref, d’après cette jurisprudence, la règle coutumière

83
Ibid.
84
Nous soulignons.
85
C.I.J., Arrêt du 3 juin 1985, Rec., p. 33.
86
Nous soulignons.
87
C.I.J., Arrêt du 27 juin 1986, Rec. p. 98.

96
repose sur la conduite effective des États, sujets de droit international, qu’elle entend obliger ou
régler les comportements.

Chapitre deuxième

LES PRINCIPES GENERAUX DU / DE DROIT

Section 1. PRINCIPES GENERAUX DE/DU DROIT


INTERNAITONAL

Cités en troisième position par l’article 38 du Statut de la CIJ - sans que l’on ne puisse
trouver là une certaine hiérarchie - les principes généraux de droit international
constituent une source autonome du droit des gens. Une source
controversée particulièrement par les pays socialistes et les pays en développement…

Deux catégories de principes généraux doivent être distinguées : les principes généraux
de doit international et les principes généraux du droit international.

1&. Principes communs aux droits des Etats, au sens e


l’article 38 du Statut de la CIJ

Les « principes généraux de droit international » sont ceux visés à l’article sous examen.
Ce sont des principes communs aux ordres juridiques internes qui, dépouillés de leurs
particularités nationales, sont transposables dans l’ordre juridique international. Des
principes communs aux principaux systèmes juridiques (romano-germanique, common

97
law, dit musulman) qui, par un effort de synthèse et d’abstrction, sont universalisés.

En consacrant les principes généraux de droit international comme source les auteurs du
Sattut offait le juge Leur fonction est d’éviter le non liquet. C’est-àire, placée devant
unelacune (procédurale ou substentielle) du droit applicable aux Etats en litige, le juge
peut puiser dans les pricnipes généraux du droit pur vider sa saisine et s’acquiter ainsi de
sa fonction judiciaire.
&2. Difficultés ; banalité

&3. Complétude de l’ordre juridique et non liquet


Exemples de principes généraux de droit international (propres à l’ordre juridique internaitanol) :
- L’indépendance de l’Etat,
- La résomption de souveraineté de l’Etat (les limitations de la souveraineté de l’Etat ne se
présument pas)
- La continuité de l’Etat
- L’unité de l’Etat dans ses relations internationales,
- L’unicité du gouvernement (un Etat – un gouvernement),
- La liberté de gouvernement,
- Principe d non immixtion dans les affaires intérieures, non ingérence,
- L’obligation de juger ou d’extrader les auteurs des crimes de droit international
humanitaire,
-

Section II. LES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT


INTERNAITONAL

Exemples de principes communs aux droits internes transposés en droit international


- Nullum crimen, nulla poena sine lege,
- Autorité de la chose jugée,
- l’obligation de réparer le préjudice causé,
- l’obligation de prouver le lien de cause à effet entre la cause commise et le préjudice, etc
- Nemo judex

&1. Synonymes de coutume : commodité d’écriture

&2. Principe systémique : socle conceptuel, postulat

98
Chapitre troisième

LES RESOLUTIONS LEGIFERANTES

99
Titre deuxième

LES SOURCES D’UN DROIT INTERNATIONAL PARTICULIER

Chapitre premier
LES TRAITES INTENATIONAUX

De manière générale, le traité vise tout accord de volontés par lequel deux ou plusieurs
Etats (sujets du droit international) entendent créer, modifier ou supprimer entre eux un
rapport juridique. Il est l’équivalent en droit international du « contrat » que
connaissent tous les droits internes.

L’attachement naturel des Etats à leur souveraineté, ainsi que le déclin de la coutume,
explique toutefois que les traités présentent indiscutablement pour la société
internationale une importance bien plus considérable.

Diverses classifications ont été utilisées pour regrouper les traités. Elle n’ont en général
qu’une valeur didactique, même si certaines distinctions ont à l’évidence une portée
positive en tant qu’elle identifient (traités bi-ou multilatéraux,…).

100
L e régime juridiques des traités est longtemps demeuré coutumier. Il est aujourd’hui
défini dans la convention de Vienne du 23 mais 1969 sur le droit des traités, qui s’est très
directement inspiré en certaines matières des règles nationales applicables aux contrats.
Ses dispositions sont pour l’essentiel devenues déclaratives de droit coutumier, quand
elles ne l’étaient pas originellement.

Internationalement en vigueur depuis longtemps, la convention de Vienne est en cours


d’approbation en Belgique (voy. Doc. Parl. , Ch . , S. 1990-1991, n° 14/72).

Section I. DONNEES PRELIMINAIRES : CHAMP D’APPLICATION DE


LA CONVENTION DE VIENNE SUR LE DROIT DES TRAITES

Selon l’article 2, § 1, a, de la convention de Vienne, « l’expression « traité » s’entend


d’un accord international, qu’il soit consigné dans un document unique ou dans deux ou
plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ».

L’article n’as pas pour objet de « définir » le traité mais de préciser à quel accord de droit
des gens la convention de Vienne entend spécifiquement s’appliquer. Q’un accord soit
exclu de son champ d’application n’implique ni qu’il ne soit pas valable (voy. article 3),
ni même qu’il soit nécessairement soumis à d’autres règles. Il suffit que les négociateurs
de la convention aient préféré ne pas obligatoirement étendre aux accords soustraits à la
convention de Vienne les dispositions normalement applicables aux traités entre Etats.
D’autres conventions sont appelées à être négociées pour compléter le droit des accords
internationaux (voy. la convention de Vienne du 21mars 1986 sur le droit des traités
entre Etats et organisation internationales ou entre organisation internationales).

&1. Le traité : un Accord « écrit » ?

101
La convention de Vienne ne s’applique pas aux accords « verbaux ». Ceux-ci demeurent
toutefois parfaitement valables et sont d’ailleurs relativement fréquents dans la pratique
internationale.

Que l’accord ne soit pas écrit, n’implique cependant pas qu’il n’y en ait aucune trace
écrite. Cela étant, la distinction peut être malaisée à établir entre l’écrit comme
instrument spécifique et l’écrit comme élément de preuve d’un negotium purement
verbal (voy. à propos d’un communiqué conjoint « ne port(ant) ni signature, ni
paraphe », CIJ, affaire du plateau continental de la mer Egée, Rec., 1978, p. 40, la Cour
considérant qu’il « dépend essentiellement de la nature de l’acte ou de la transaction
dont il est fait état « que le communiqué » constitue ou non un … accord », § 96).

Rien ne permet de croire que les accords verbaux devraient être soumis à des règles
différentes de celles qui sont applicables aux accords écrits, hors les dispositions qui ne
prouvent à l’évidence pas matière à application en l’absence d’un support écrit.

&2. Le traité : un accord « entre Etats » ?

Une double exclusion résulte de la limitation de la convention de Vienne aux accords


inter-étatiques.

La première vise les accords qui sont conclus par ou avec d’autres sujets de droit
international (organisations internationales, mouvements de libération, …). Ces accords
demeurent toutefois des accords de droit international, dont le régime juridique sera le
cas échéant défini dans des traités particuliers adaptant les solutions de la convention de
Vienne du 23 mai 1969 (voy. la convention de Vienne du 21 mars 1986 en ce qui
concerne les organisations internationales).

La seconde vise les accords qui sont conclus par les Etats avec des personnes de droit
interne (entreprises étrangères, …). Ceux-ci ne relèvent pas du droit des gens mais d’un
droit national qui sera identifié conformément aux règles habituelles des conflits de lois.
Il est possible que, dans l’autonomie de leurs volontés, les parties déclarent applicable le
droit international. Il faut voir dans une telle référence quelque incorporation du droit

102
des gens dans le contrat (renvoi « matériel »). Il appartient au droit (national)
régulièrement applicable à ce contrat de décider de la validité de cette
« contractualisation » du droit des gens. On ne saurait en effet y trouver le signe d’un
assujettissement véritable du contrat d’Etat (State contract) au droit international
(renvoi « formel »), malgré les (rares) sentences qui l’ont admis en considérant que le
co-contractant de l’Etat était devenu un sujet – limité – du droit des gens (voy. à propos
de la sentence TOPCO, J. Verhoeven, Droit international des contrats et droit des gens,
R.B.D.I., 1978-79, pp. 209 ss).

103
&3. Le traité : un Accord « régi par le droit international »

On peut discuter si l’accord est régi par le droit international parce qu’il est un traité ou
s’il est un traité parce qu’il est régi par le droit international. L’important demeure
toutefois ce que ces termes excluent.

Une chose est à cet égard certaine : ne sont pas visés par la convention de Vienne du 23
mai 1969 les accords politiques, quelle que soit l’importance que ceux-ci présentent le
cas échéant dans les rapports internationaux (voy. notamment le « compromis » de
Luxembourg ou les « accords » d’Helsinki). Il dépend souverainement de la volonté des
parties que celles-ci se soient ou non engagées en droit. Dans la pratique contemporaine,
ces accords non juridiques sont particulièrement nombreux (gentleman’s agreement, …).

Il est moins sûr que doivent être exclus les accords entre Etats qui comporteraient une
clause de droit applicable renvoyant à un droit national. Les exemples sont très rares
mais ils existent (prêts, …). L’explication la plus répandue y découvre quelque
incorporation par référence, n’impliquant pas que l’accord ne soit pas réellement un
traité soumis à la convention de Vienne (renvoi « matériel »). La conclusion peut
toutefois être discutée, même si son importance reste très théorique (voy. J. Verhoeven,
Traités ou contrats entre Etats, Clunet, 1984, pp. 5 ss.).

&4. Unité ou pluralité d’instruments ?

A l’ordinaire, les traités sont conclus en la forme d’un instrument unique. Il arrive de
plus en plus fréquemment toutefois qu’ils reposent sur une pluralité d’instruments.
L’hypothèse la plus usuelle est à cet égard celle d’un échange de lettres ; rien n’interdit
toutefois des formules singulièrement plus complexes, qui satisfont les besoins
particuliers de ceux qui les ont imaginées (voy. not. les accords d’Alger du 19 janvier
1981 entre les Etats-Unis et l’Iran, qui reposent sur deux déclarations du gouvernement
algérien établies en double exemplaire et signées par l’Algérie, d’une part, ainsi que par
les Etats-Unis ou l’Iran, d’autre part).

Ces complications sont sans incidence sur le régime juridique des traités.

104
&5. Dénominations

Les appellations données par les Etats aux accords qu’ils concluent sont très variées :
traité, convention, arrangement, accord, protocole, charte, pacte, statut, mémorandum,

Juridiquement, ces dénominations sont sans importance, la CIJ ayant précisé à ce


propos que « la terminologie n’est pas un élément déterminant quant au caractère d’un
accord ou d’un engagement international » (affaire du Sud-Ouest africain, except. prél.,
Rec., 1962, p. 331).

Section II. LA CONCLUSION DES TRAITES

La volonté des parties étant en l’occurrence souveraine, il n’y a pas de procédure qui soit
obligatoire pour la conclusion d’un traité. La procédure traditionnelle distingue toutefois
quatre étapes : la négociation, la signature, la ratification et l’enregistrement.

La convention de Vienne du 23 mai 1969 s’est efforcée de préciser les effets qui devaient,
sauf volonté contraire des Etats intéressés, être attachés à chacune de ces étapes.

&1. Négociation

La négociation s’entend de l’ensemble de pourparlers, communications, entretiens,


tractations, secrets ou ouverts, aux fins d’aboutir à un accord entre deux ou plusieurs
sujets du droit international, en l’occurrence Etats. Elle peut être multilatérale ou
bilatérale et sont menées par de personnes revêtues des pleins pouvoirs ou du treaty
making power.

Il appartient aux parties de négocier comme elles l’entendent les termes de l’accord
qu’elles projettent de conclure.

105
Le seul problème qui se pose à cet égard est un problème de pouvoirs : comment vérifier
que la personne qui négocie le traité dispose à cet effet de la compétence requise ? Dans
la pratique, ce problème est réglé par la production d’une lettre de pleins pouvoirs
délivrée dans chaque Etat conformément aux règles qui y sont en vigueur.

Une personne est considérée comme représentant un Etat pour l’adoption ou l’authentification du
texte d’un traité ou pour exprimer le consentement de l’Etat à être lié par un traité si elle produit
des pleins pouvoirs appropriés; ou b) s’il ressort de la pratique des Etats intéressés ou d’autres
circonstances qu’ils avaient l’intention de considérer cette personne comme représentant l’Etat à
ces fins et de ne pas requérir la présentation de pleins pouvoirs (l’Art. 7 al. 1 er.). Ainsi, dans des
circonstances particulières et au regard de la pratique des Etats intéressés, un ministre technique
pourait être considéré comme représentant … La CIJ l’a souligné à l’occasion de l’Affaire des
activités armés RDC/Rwanda) : « Il est de plus en plus fréquent, dans les relations internationales
modernes, que d’autres personnes représentant un Etat dans des domaines déterminés soient
autorisées par cet Etat à engager celui-ci, par leurs déclarations, dans les matières relevant de leur
compétence. Il peut en être ainsi, par exemple, des titulaires de portefeuilles ministériels
techniques exerçant, dans les relations extérieures, des pouvoirs dans leur domaine de
compétence, voire même de certains fonctionnaires (CIJ, 3 févr. 2006, arrêt, Activités armées au
Congo (RDC / Rwanda), Rec. 2006, § 47). […] On ne saurait en principe exclure qu’un ministre
de la justice puisse, dans certaines circonstances, engager par ses déclarations l’Etat dont il est le
représentant (ibid., § 48).

Cependant, comme le précise la convention de Vienne 7, § 2, en vertu de leurs fonctions et


sans avoir à produire de pleins pouvoirs, certaines personnalités sont considérées comme
représentant de droit leur Etat :

« a) Les chefs d’Etat, les chefs de gouvernement et les ministres des
Affaires étrangères, pour tous les actes relatifs à la conclusion d’un traité ;

Comme la CIJ l’a souligné  à maints reprises : «  […] le pouvoir qu'a un chef d'Etat d'agir au nom
de l'Etat dans ses relations internationales est universellement reconnu […] (CIJ, 8 avril 1993,
ord., Application de la convention sur le génocide, Rec. 1993, 11; id., 11 juillet 1996, arrêt, id.,
Rec. 1996, 622). C’est une règle de droit international bien établie que le chef de l’Etat, le chef de
gouvernement et le ministre des affaires étrangères sont réputés représenter l’Etat du seul fait de

106
l’exercice de leurs fonctions, y compris pour l’accomplissement au nom dudit Etat d’actes
unilatéraux ayant valeur d’engagement international (CIJ, 3 févr. 2006, arrêt, Activités armées au
Congo (RDC / Rwanda), Rec. 2006, § 46).  […] le pouvoir qu'a un chef d'Etat d'agir au nom de
l'Etat dans ses relations internationales est universellement reconnu […] (CIJ, 8 avril 1993, ord.,
Application de la convention sur le génocide, Rec. 1993, 11; id., 11 juillet 1996, arrêt, id., Rec.
1996, 622). C’est une règle de droit international bien établie que le chef de l’Etat, le chef de
gouvernement et le ministre des affaires étrangères sont réputés représenter l’Etat du seul fait de
l’exercice de leurs fonctions, y compris pour l’accomplissement au nom dudit Etat d’actes
unilatéraux ayant valeur d’engagement international (CIJ, 3 févr. 2006, arrêt, Activités armées au
Congo (RDC / Rwanda), Rec. 2006, § 46).

b) Les chefs de mission diplomatique, pour l’adoption du texte d’un traité


entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire ;

c) Les représentants accrédités des Etats à une conférence internationale


ou auprès d’une organisation internationale ou d’un de ses organes, pour
l’adoption du texte d’un traité dans cette conférence, cette organisation ou
cet organe ».

Cette disposition est indiscutablement déclarative de droit coutumier. En ce qui


concerne au moins la première hypothèse (a), la règle a d’ailleurs été affirmée depuis
longtemps par la jurisprudence internationale. 88

Aux termes de la Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT) la négociation
prend fin, de l’accord des parties intéressées, par l’adoption du texte du traité. Celle-ci
s’effectue à la majorité de deux tiers des Etats présentes et votants, à moins que ceux-ci
ne décident, à la majorité, d’appliquer une règle différente lorsque la négociation est
poursuivie au sein d’une conférence internationale (art. 9, par. 3).

Les traités sont généralement structurés de la manière suivante : un préambule, avec la


liste des hautes parties contractantes, et l’exposé des motifs ; le dispositif, c’est-à-dire le
corps même du traité divisé en articles ; les clauses finales, précisant la procédure
d’entrée en vigueur, le délai ou le nombre de ratifications nécessaires, les modalités ou
procédures de révision, dénonciation ; le cas échéant, les annexes techniques,modalités

88
(voy. la déclaration Ihlen in CPJI, affaire du Groenland oriental (1933), Série A/B, n° 53, p. 22).

107
d’application, schémas ou cartes et qui ont la même valeur juridique que le traité lui-
même.

C’est avant la clôture des négociations qu’il faut faire le choix de la langue et préciser le
dépositaire du traité. Quant au choix de la langue, l’ancien système était basé sur une
langue unique (jadis le latin, puis le français). Aujourd’hui, la pluralité des langues est de
mise, le plus souvent de valeur égale suivant le principe du choix des langues faisant foi.
L’Anglais semble avoir pris la place autrefois dévolue au latin, mais le français n’est pas
en reste. Dans la plus part des traités multilatéraux, ces deux langues figurent au nombre
des langues faisant foi. Les parties se conviennent librement sur le dépositaire du traité
auprès de qui notamment les instruments de ratification seront déposés. Le plus souvent
c’est l’Etat ou l’organisation internationale sous l’inspiration duquel le traité a été initié.

&2. Signature

Selon l’article 10 de la convention de Vienne, la signature a pour effet d’authentifier le


texte définitif du traité.

Si la signature clôt la négociation, elle n’engage dès lors en principe pas l’Etat. Trois
réserves doivent toutefois être formulées sur ce point :

- volonté contraire : rien n’empêche les parties de se lier dès la signature si telle est bien
leur commune intention. traite de l’expression, par la signature, du consentement à être lié par
un traité l’article 12 de la CVDT dispose :
« 1. Le consentement d’un Etat à être lié par un traité s’exprime par la signature du représentant
de cet Etat: a) lorsque le traité prévoit que la signature aura cet effet; b) lorsqu’il est par ailleurs
établi que les Etats ayant participé à la négociation étaient convenus que la signature aurait cet
effet; ou c) lorsque l’intention de l’Etat de donner cet effet à la signature ressort des pleins
pouvoirs de son représentant ou a été exprimée au cours de la négociation.
2. Aux fins du paragraphe 1:
a) le paraphe d’un texte vaut signature du traité lorsqu’il est établi que les Etats ayant participé à
la négociation en étaient ainsi convenus;
b) la signature ad referendum d’un traité par le représentant d’un Etat, si elle est confirmée par ce
dernier, vaut signature définitive du traité. Et la CIJ de préciser : « A défaut d’autres indications

108
sur les modalités du consentement à être lié, la signature du traité par le chef de l’Etat vaut
consentement à être lié] (CIJ, 10 oct. 2002, arrêt, Frontière Cameroun-Nigeria, Rec. 2002, § 264).

- clauses finales : lorsque la signature n’engage pas l’Etat, sont néanmoins obligatoires
dès celle-ci les dispositions du traité qui déterminent les conditions dans lesquelles il
entrera en vigueur (échange ou dépôt de ratifications, …).

- bonne foi : dès qu’il a signé un traité, l’Etat « doit s’abstenir d’actes qui (le) priveraient
… de son objet et de son but », « tant qu’il n’a pas manifesté son intention de ne pas (en)
devenir partie ». L’article 18 de la CVDT est claire à ce sujet : « Un Etat doit s’abstenir
d’actes qui priveraient un traité de son objet et de son but :
a) lorsqu’il a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve de
ratification, d’acceptation ou d’approbation, tant qu’il n’a pas manifesté son intention de ne pas
devenir partie au traité; ou
b) lorsqu’il a exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède
l’entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci ne soit pas indûment retardée.

Cette solution est conforme à la jurisprudence internationale. 89 Pour la CJCE : « La


signature du traité fait naître dans le chef de ses bénéficiaires une anticipation légitime de respect
du traité par l’Etat signataire avant que le traité ne lie formellement cet Etat » (CJCE, aff. T-
115/94, Opel Austria, 22 janv. 1997, Rec. 1997, II-70).

Les parties sont libres de compliquer comme elles l’entendent cette procédure
d’authentification. On mentionnera en particulier à cet égard :

- le paraphe qui est normalement une signature « technique » émanant d’experts ;


laquelle n’a qu’une valeur provisoire et devra faire l’objet d’une confirmation de la part
des autorités politiques compétentes ;
- la signature ad referendum qui doit être confirmée par les autorités compétentes de
l’Etat. On recourt à ce type de signature provisoire lorsque l’on veut donner plus de
solennité à l’accord souscrit en réservant la signature finale à une autorité supérieure, le
89
voy. l’ affaire des forêt de Rhodope (Grèce/Bulgarie), RSA, III, p. 1405.

109
plus souvent le chef de l’Etat ou le ministre des affaires étrangères ; ou lorsque le
plénipotentiaire estime qu’il y a quelques dispositions du traité particulièrement
délicates qui susciteront éventuellement des déclarations ou des réserves et souhaite s’en
remettre à l’autorité supérieure avant d’apposer sa signature au bas du parchemin ;
- l’authentification par décision d’une organisation internationale (ONU, OIT, …), qui
dispense normalement d’une signature étatique (procédure de ratification sans
signature).

Si la signature d’un traité ne crée normalement pas de lien juridique entre parties, il sied
de souligner qu’elle revêt juridiquement une triple signification : elle authentifie, on l’a
vu, le texte du traité lui donnant un caractère définitif (le traité étant signé ne varietur) ;
elle consacre le consentement des plénipotentiaires au contenu de la négociation ayant
abouti à l’adoption du traité ; elle fixe le lieu et la date qui serviront à la désignation du
traité. On sait en effet qu’habituellement, la date du traité est celle de la signature, ce qui
se comprend aisément puisque la ratification par chacun des Etats interviendra
normalement à des dates différentes. La signature s’effectue normalement en un lieu
unique. La pratique connaît toutefois des exemples de signature en plusieurs endroits,
justifiés par le désir de certains des partenaires de ne pas se rencontrer officiellement.
C’est le cas par exemple du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, signé à
Londres, Washington et Moscou, le 1er juillet 1968.

&3. Ratification / Acceptation / Adhésion

La ratification est l’acte par lequel l’Etat exprime son consentement à être lié par le
traité. L’article 16 dispose : « A moins que le traité n’en dispose autrement, les instruments de
ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion établissent le consentement d’un Etat à
être lié par un traité au moment :
a) de leur échange entre les Etats contractants;
b) de leur dépôt auprès du dépositaire; ou
c) de leur notification aux Etats contractants ou au dépositaire, s’il en est ainsi convenu.

110
Cela dit, l’engagement de l’Etat de respecter le traité peut toutefois être manifesté de
toute autre manière, pour autant que les parties en soient ainsi convenues, ainsi qu’il
découle de l’ art. 11 CVDT ainsi conçu : «  Le consentement d’un Etat à être lié par un traité
peut être exprimé par la signature, l’échange d’instruments constituant un traité, la ratification,
l’acceptation, l’approbation ou l’adhésion, ou par tout autre moyen convenu. ». Le droit
international est peu formaliste : « Le droit international coutumier aussi bien que la Convention
de Vienne sur le droit des traités laissent les Etats entièrement libres d’adopter la procédure de
leur choix [pour l’entrée en vigueur du traité] (CIJ, 10 oct. 2002, arrêt, Frontière Cameroun-
Nigeria, Rec. 2002, § 264).

La ratification est un acte en soi interne ; il en découle, notamment, que c’est chaque
Etat qui détermine librement, suivant son droit constitutionnel, les autorités habilitées à
ratifier les traités et la procédure requise à cette fin. Elle n’intéresse le droit des gens qu’à
partir du moment où elle est exprimée internationalement, ce qui permet aux autres
Etats d’en être averti. Cette expression prend normalement la forme d’un échange (traité
bilatéraux) ou d’un dépôt (traités multilatéraux) des instruments de ratification. Les
obligations du dépositaire sont précisées aux articles 76 et 77 de la convention de
Vienne ; il ne lui appartient en principe pas de contrôler la régularité ou la validité des
ratifications qui lui sont transmises, ce qui suscite néanmoins dans la pratique certaines
difficultés (autorités rebelles, mouvements de libération, …).

On parle généralement d’adhésion pour viser l’engagement d’un Etat de respecter un


traité à la négociation duquel il n’a pas participé et d’acceptation dans l’hypothèse où il
ne l’aurait pas signé tout en l’ayant négocié. La pratique est toutefois peu sûre en ces
matières, l’important étant en toutes hypothèses le consentement de l’Etat.

La ratification est un acte discrétionnaire. Elle peut être librement refusée ou retardée
pour quelque raison que ce soit, sous la seule réserve des dispositions contraires qui
auraient été convenues par les Etats. On invoquera ici par exemple l’obligation de
soumettre aux autorités nationales, pour approbation, les conventions OIT dans un délai
maximal de 18 mois, ce qui n’implique cependant qu’elles doivent nécessairement l’être.

111
L’exigence de ratification est devenue très fréquente. Elle ne semble toutefois pas devoir
être présumée. Si le traité est muet sur les conditions de son entrée en vigueur, il faut dès
lors considérer que la signature vaut engagement de l’Etat.

&4. Enregistrement

Le souci de combattre les traités secrets explique l’insertion dans le pacte de la SDN
d’une disposition prescrivant l’enregistrement des traités auprès du Secrétariat général
(art. 18). Cette disposition a été reprise par la Charte des Nations Unies en son article
102 et confirmé par l’article 80 de la Convention de Vienne.

L’obligation d’enregistrement porte en principe sur tous les accords internationaux. La


pratique récente montre toutefois que plusieurs d’entre eux y sont soustraits, sans qu’on
puisse en tirer des conclusions très claires quant à une limitation éventuelle des traités
qui devraient obligatoirement y être soumis.

Sous l’empire de la SDN les traités non enregistrés étaient frappés de nullité. « Aucun de
ces traités ou engagements internationaux, dit l’article 18 du Pacte, ne sera obligatoire
avant d’avoir été enregistré ». En revanche, aux termes de la Charte des Nations Unies,
l’inopposabilité aux organes de l’organisation, y compris la CIJ, est la sanction qui frappe
de tels traités ainsi qu’il résulte de l’article 102 ainsi conçu : « Aucune partie à un traité
qui n’aura … pas été enregistré…ne pourra invoquer ledit traité ou accord devant un
organe de l’Organisation ». Cette inopposabilité est plus logique que la manière de
nullité évoquée par le Pacte de la SDN. L’efficacité de la sanction est toutefois limitée par
l’absence de tout délai rigoureux. L’article 102 dispose simplement que « Tout traité ou
accord international conclu par un Membre des Nations Unies… sera le plus tôt
possible90, enregistré au Secrétariat et publié par lui… ». Rien en effet n’empêche un
Etat d’enregistrer un traité le lendemain du jour où celui-ci est déclaré inopposable aux
Nations Unies, même si l’article précité lui impose de le faire en principe « le plus tôt
possible ».

90
Nous soulignons

112
Les traités enregistrés sont, à la diligence du Secrétariat général, publiés dans un
répertoire officiel de l’ONU (RTNU).

&5. Accords en forme simplifiée

On appelle « accords en forme simplifiée » des accords conclus, souvent en la forme d’un
échange de lettres, par un organe normalement incompétent pour engager l’Etat (par ex.
en Belgique un ministre, un directeur d’administration, …).

Ces accords, fréquents dans la pratique moderne (voy. les executive agreements
américains), sont considérés comme valables sur la base d’une coutume
constitutionnelle, partagée par la plupart des Etats, organisant une délégation, au moins
implicite, de pouvoirs. On conçoit que celle-ci n’intervienne normalement qu’à propos
d’objets « mineurs » (exécution, interprétation, …). Il s’en faut de beaucoup toutefois
que cette constatation soit toujours vérifiée, de très importants accords ayant parfois été
conclus en forme « simplifiée »91.

Pour le reste, l’accord en forme simplifiée est soumis exactement aux mêmes règles que
le traité92.

Section III. VALIDITE DES TRAITES

Les conditions de validité des traités ont soulevé de vifs débats lors de la négociation de
la convention de Vienne du 23 mai 1969. Aux (grandes) puissances traditionnelles,
soucieuses de la stabilité des liens conventionnels, s’opposaient en effet les Etats
Voy. par exemple l’accord de Munich du 20 février 1938 sur la Tchécoslovaquie
91

Voy. Cass., 25.11.55, Leroy, J. T., 1956, p. 339, note P. De Visscher ; 10.6.74, Sullivan, J. T., 1976, p. 150,
92

note J. Verheven)

113
nouveaux, désireux de libéraliser en quelque sorte les nullités pour pouvoir plus
facilement se dégager le cas échéant d’engagements onéreux. Les articles 42 et suivants
de la convention de Vienne représentent le compromis auxquels les négociateurs sont
parvenus. On notera que leurs dispositions – limitatives (voy. l’article 42) – sont très
directement inspirées des solutions suivies dans les droits internes (occidentaux) en
matière de nullité des contrats93.

Avant la convention de Vienne, la pratique internationale ne connaît pratiquement


aucun cas de nullité de traités (voy. cependant les accords de Munich du 29 septembre
1938 dont la nullité a été affirmée dans la déclaration de Moscou du 1 er novembre 1943
ou les sentences Ciano-Ribbentrop déclarées nulles dans les traités de paix de 1949).
Affirmer en 1969 le caractère déclaratif des articles 42 ss. de la convention de Vienne est
à ce titre présomptueux. Ce caractère déclaratif ne paraît cependant plus contestable
aujourd’hui, sous certaines réserves (délais, intervention obligatoire de la C.I.J. en cas de
ius cogens, …), même si la pratique demeure particulièrement maigre.

&1. Causes de nullité

Traditionnellement, un accord est valable s’il est conclu par une personne capable dont
le consentement a été librement exprimé et s’il porte sur un objet qui ne soit pas interdit.

i) la capacité des parties

L’incapacité n’est pas mentionnée comme une condition de validité du traité par la
convention de Vienne du 23 mai 1969, qui énumère en principe limitativement ses
causes de nullité. Cela s’explique par le fait que, selon son article 6, « tout Etat a la
capacité de conclure des traités ». La convention limitant son champ d’application aux
seuls accords entre Etats, il n’y avait dès lors pas lieu de prévoir une nullité pour
incapacité.

93
(voy. J. Verhoeven, Les nullités du droit des gens, in IHEI (Paris), Droit international 1, 1979-1980, pp.
1 ss.)

114
A la différence de la capacité de contracter, la liberté de contracter des Etats peut être
limitée conventionnellement. En cas de violation, cette limitation est sanctionnée sur le
plan de la responsabilité (licéité), et non pas sur celui de la nullité, sauf à défendre
l’hypothèse d’Etats à souveraineté limitée (voy. supra).

Sous cette dernière réserve, la nullité pour incapacité ne se conçoit dès lors qu’à propos
d’accords conclus par des entités non étatiques, soit que toute personnification leur fasse
défaut (entreprises, …), soit que leur capacité soit intrinsèquement limitée (organisation
internationale, …).

Initialement, l’article 6 de la Convention de Vienne comportait un § 2 aux termes duquel


« les Etats membres d’une union fédérale peuvent avoir une capacité de conclure des
traités si cette capacité est admise par la constitution fédérale et dans les limites
invoquées par ladite constitution ». Cette disposition a été supprimée. A dire vrai, elle
était ou contradictoire – jamais une constitution ne pourrait attribuer une capacité,
impliquant personnification, internationale – ou superflue – il appartient au seul droit
interne d’accorder le cas échéant à une autorité régionale le pouvoir (compétence) de
conclure des traités -. Depuis lors, la conclusion de traités par des autorités régionales
demeurent toutefois l’objet de vives controverses dans la pratique internationale (voy.
supra).

ii) Le consentement des parties

On eût pu se contenter de disposer que le traité est nul si le consentement de l’Etat n’a
pas été librement et régulièrement exprimé. Les auteurs de la convention de Vienne ont
toutefois préféré dresser une liste exhaustive des vices de consentement, sanctionnés de
nullité, directement inspirée du droit des contrats. En l’absence de jurisprudence, il est
difficile toutefois de s’en faire une idée très précise, hors des banalités.

La Convention de Vienne organise quatre vices de consentement de nature à affecter la


validité des traités à savoir l’incompétence, l’erreur, le dol et la corruption d’un
représentant de l’Etat.

115
1. Compétence (article 46 et 47)

Il est logique de considérer que le consentement est vicié s’il a été exprimé par un organe
sans compétence à cet effet. La conclusion risquait néanmoins de mettre largement en
cause la sécurité des relations conventionnelles, particulièrement dans un système où il
défend exclusivement du droit interne de déterminer comment est exercé le treaty
making power. C’est la raison pour laquelle la nullité n’a été admise dans la Convention
de Vienne que si la violation est « manifeste » (voy. sur ce point les précisions apportées
par l’article 46, § 2) et porte sur une règle de droit interne « d’importance
fondamentale ».

« Le fait que le consentement d’un Etat à être lié par un traité a été exprimé en violation
d’une disposition de son droit interne concernant la compétence pour conclure des traités ne peut
être invoqué par cet Etat comme viciant son consentement, à moins que cette violation n’ait été
manifeste et ne concerne une règle de son droit interne d’importance fondamentale » (article
46, § 1).

Il sied de préciser qu’aux termes de l’article 46, § 2 «  Une violation est manifeste si elle est
objectivement évidente pour tout Etat se comportant en la matière conformément à la pratique
habituelle et de bonne foi ».

Il a été jugé qu’[…] un accord intervenu entre hauts fonctionnaires français et belges […] n'a pas le caractère d'un
traité au sens de l'art. 68 de la Constitution (C.E., 17 nov. 1972, RAACE, 1972, 864).

Observons toutefois qu’il n’en serait pas moins si ces fonctionnaires étaient revêtus des pleins
pourvois de leurs gouvernements.

On a vu plus loin qu’il est des personnalités qui sont d’office revêtus du treaty making power. A
l’occasion de l’affaire du différend frontalier Cameroun-Nigeria la CIJ a précisé :

Une restriction au treaty making power d’un chef d’Etat n’est manifeste que si] elle a été rendue publique de manière
appropriée […]. Un Etat n’est pas juridiquement tenu de s’informer des mesures d’ordre législatif ou constitutionnel
que prennent d’autres Etats et qui sont, ou peuvent devenir, importantes pour les relations internationales de ces
derniers (CIJ, 10 oct. 2002, arrêt, Frontière Cameroun-Nigeria, Rec. 2002, §§ 264-265).

Cette solution est assurément coutumière (voy. supra en ce qui concerne la


jurisprudence Ihlen). Compte tenu de la présomption énoncée à l’article 7, § 2, il n’est
pas simple d’obtenir en pareil cas une nullité pour incompétence. On soulignera, si
besoin est, que la violation d’une disposition de droit interne, si fondamentale soit-elle,

116
ne met pas en cause la validité du traité lorsqu’elle ne résulte pas de la méconnaissance
d’une règle « concernant la compétence pour conclure des traités ».

Selon l’article 47 de la Convention de Vienne,

« Si le pouvoir d’une représentant d’exprimer le consentement d’un Etat à être


lié par un traité déterminé a fait l’objet d’une restriction particulière, le fait que
ce représentant n’a pas tenu compte de celle-ci ne peut pas être invoqué comme
viciant le consentement qu’il a exprimé, à moins que la restriction n’ait été
notifiée, avant l’expression de ce consentement, aux autres Etats ayant participé
à la négociation ».

La conclusion est raisonnable dès lors que la bonne foi de l’Etat auquel la nullité est
opposée ne peut être surprise par une restriction de compétence qui lui a été
expressément notifiée. De telles restrictions demeurent toutefois rares dans la pratique.

2. Erreur (art. 48)

Selon l’article 48 de la convention de Vienne, l’erreur peut être cause de nullité si

- l’erreur est de fait et non de droit, en droit international en effet l’erreur de droit n’est
pas recevable car elle est présumée inexcusable et la présomption est irréfragable ;
-elle est d’une gravité suffisante, elle ne correspond pas à de simples erreurs de rédaction
de texte ;
- elle a porté sur « une base essentielle du consentement » de l’Etat ;
- elle n’est pas inexcusable (voy. le § 2). Ici l’Etat victime ne doit pas avoir contribué par
son comportement à cette erreur, ne doit pas avoir été en mesure de l’éviter ni en avoir
été informé à temps utile (CIJ, Affaire du Temple Préah-Vihéar, Thaïlande c.
Cambodge). Le Temple de Preah Vihéar est à la frontière du Cambodge et de la Thaïlande. Un
traité a été conclu pour délimiter la frontière entre les deux pays, à l’ époque où le Cambodge
était encore français et où la Thaïlande était appelée le Royaume du Siam. Quand les autorités
thaïlandaises ont revendiqué le temple, on leur a opposé le traité et la Cour Internationale de
Justice a décidé que pour les traités créés dans des situations objectives s’imposaient

117
automatiquement aux Etats successeurs et qu’il n’était pas nécessaire de notifier le traité. La
Thaïlande a invoqué une erreur mais la CIJ a décidé que la Thaïlande était en mesure de l’éviter.

Dans la pratique internationale, les erreurs ont été très nombreuses. A l’ordinaire, les
parties cherchent néanmoins à les corriger, pour sauver le traité, plutôt qu’à obtenir la
nullité de celui-ci (voy. l’affaire de la rivière Ste Croix).

3. Dol (art. 49)

Selon l’article 49 de la convention de Vienne, « si un Etat a été amené à conclure un


traité par la conduite frauduleuse d’un autre Etat ayant participé à la négociation, il peut
invoquer le dol comme viciant son consentement à être lié par le traité ». La conduite
frauduleuse pour consister en des manœuvres, renseignements ou procédés trompeurs
lesquels poussent l’Etat victime de se faire une représentation inexacte de la réalité.

Il n’y a pas de précédent dans la pratique internationale à une nullité pour dol. Cela dit,
on notera qu’il suffit à cette fin de la conduite frauduleuse d’un Etat « ayant participé à la
négociation », quand bien même celui-ci ne l’aurait ni signé, ni ratifié.

Il convient de souligner qu’en cas de dol le traité n’est pas nul ipso facto, car le dol rend
le traité annulable à l’initiative de la partie lésée, cette annulation pouvant ne porter que
sur certains articles du traité.

4. Corruption (art. 50)

Selon l’article 50 de la convention de Vienne, « si l’expression du consentement d’un


Etat à être lié par un traité a été obtenue au moyen de la corruption de son représentant
par l’action directe ou indirecte d’un autre Etat ayant participé à la négociation, l’Etat
peut invoquer cette corruption comme viciant son consentement à être lié par le traité ».

Quoiqu’il n’y avait pas de pratique en la matière et que le projet initial n’en disait mot, il
a été jugé préférable de viser spécifiquement la corruption pour lever tout doute sur la
nullité de l’engagement qui en est résulté, sans avoir à passer par le détour du dol ou de

118
la contrainte. Ici aussi, la participation du corrupteur à la négociation suffit, quand bien
même il n’aurait agi que par personne interposée (« action directe ou indirecte »).

5. Contrainte (art. 51 et 52)

Deux hypothèses doivent être sur ce point distinguées, l’une et l’autre sanctionnée de
nullité par la Convention de Vienne.

La première est celle de la contrainte exercée sur le représentant de l’Etat « au moyen
d’actes ou de menaces dirigés contre lui » (article 51). Il importe peu que ceux-ci
émanent le cas échéant d’un Etat tiers et qu’ils visent immédiatement une autre
personne que le représentant de l’Etat (membre de sa famille, …) ; il suffit qu’ils soient
manifestement « dirigés contre lui ».

La seconde est celle de la contrainte exercée sur l’Etat comme tel, qui entraîne la nullité
lorsque le conclusion du traité « a été obtenue par la menace ou l’emploi de la force en
violation des principes du droit international incorporés dans la charte des Nations
Unies » (article 52). Il faut noter à cet égard que

- la menace de la contrainte suffit à frapper de nullité l’engagement de l’Etat ;


- la force s’entend exclusivement de la force « armée », ainsi que cela ressort
clairement des travaux préparatoires. Il n’a pas été donné satisfaction aux Etats
(nouveaux) qui entendaient également viser les contraintes économiques ou
politiques, même si une déclaration annexée à l’Acte final de la conférence de
Vienne rappelle que celles-ci sont interdites, sans être pour autant sanctionnées
de nullité ;
- l’article 52 se réfère aux « principes … incorporés dans la charte » pour tenir
compte des Etats qui ne seraient pas membres de l’ONU ;
[…] un accord dont la conclusion a été obtenue par la menace ou l'emploi de la force est nul en droit
international contemporain. […] un tribunal ne peut pas prendre en considération une accusation aussi grave
sur la base d'une allégation générale et vague qu'aucune preuve ne vient étayer (CIJ, 2 févr. 1973, arrêt, Compétence
en matière de pêcheries, Rec. 1973, 14 et 59).

119
- la violence « légitime » - c’est-à-dire celle qui ne viole pas les principes
incorporées dans la Charte des Nations Unies – n’est pas cause de nullité
(légitime défense et sécurité collective) ;
- l’article 52 ne met pas en cause la validité des traités dont la conclusion fut
obtenue par l’emploi de la force armée à une époque où celui-ci n’était pas
interdit.

Dans la pratique, les contrainte ont tendance à se cumuler, les menace sur l’Etat
s’ajoutant à celle qui pèsent sur son représentant (voy. par ex. le mesures d’intimidation
à l’encontre du président Hancha au lendemain de la signature des accord de Munich).

iii) L’objet

Une règle traditionnelle dans les droits internes veut que le contrat soit nul si son objet
est ou impossible ou illicite. Rien ne permet a priori de croire qu’il en aille différemment
en droit des gens.

L’exigence de « possibilité » n’est toutefois pas prévue par la convention de Vienne.


Logiquement, il n’y a dès lors pas là une condition de validité du traité, si réticent que
l’on soit à admettre que puissent être valables des conventions « impossibles ». Il est vrai
cependant que la réserve paraît très théorique, surtout que la souveraineté réduit le
champ de l’impossibilité.

L’exigence de « licéité » est en revanche expressément visée à l’article 53 de la


convention de Vienne dans les termes suivants : « Est nul tout traité qui, au moment de
sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général.
Aux fins de la présence Convention, une norme impérative du droit international général
est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans
son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne
peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le
même caractère ».

Cette disposition confirme la primauté reconnue aux normes de ius cogens (voy. supra),
logiquement entendues comme étant celles auxquelles la communauté internationale

120
des Etats dans son ensemble n’admet aucune dérogation. Ces normes sont normalement
des coutumes ; il est possible toutefois qu’il faille y inclure certains « principes », au
moins pour obvier aux défaillances présentes du droit coutumier.

Si le principe est évident, il peut être plus difficile de déterminer les règles qui sont
effectivement de ius cogens dans la pratique contemporaine, hors celles dont la violation
constitue un « crime international » (voy. infra).

Une distinction essentielle doit en particulier être établie entre les obligations des Etats envers la
communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d'un autre Etat dans le cadre de la
protection diplomatique. Par leur nature même, les premières concernent tous les Etats. Vu l'importance des droits en
cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés; les
obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes. […] Ces obligations découlent par exemple, dans le droit
international contemporain, de la mise hors la loi des actes d'agression et du génocide mais aussi des principes et des
règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection contre la pratique de
l'esclavage et la discrimination raciale (CIJ, 5 févr.
1970, arrêt, Barcelona Traction, Rec. 1970, 32).
[…] le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes tel qu'il s'est développé à partir de la Charte et de la pratique
de l'ONU est un droit opposable erga omnes. [Il] a été reconnu par la Charte des NU et dans la jurisprudence
de la Cour (Namibie, avis, CIJ Rec. 1971, 31-32; Sahara Occidental, avis, CIJ Rec. 1975, 31-33) (CIJ, 30
juin 1995, arrêt, Timor oriental, Rec. 1995, 102).
Dans ses travaux de codification du droit des traités, la Commission du droit international a exprimé l'opinion que "le
droit de la Charte concernant l'interdiction de l'emploi de la force constitue en soi un exemple frappant d'une règle de
droit international qui relève du jus cogens" (CIJ, 27 juin 1986, arrêt, Activités militaires au Nicaragua, Rec. 1986,
100).

b) La procédure

L’adage veut qu’il n’y ait pas de nullité sans juge. Il exprime un souci élémentaire de
soustraire les contestations portant sur la validité d’un accord aux caprices des parties,
dont le bien-fondé ne prête pas à doutes. Lors de la négociation de Vienne, plusieurs
Etats n’ont d’ailleurs pas manqué d’en souligner l’importance. L solution n’a toutefois
pas prévalu. Dans un système où la juridiction n’est pas obligatoire, il n’a pas été
possible – sous une seule réserve – d’imposer le recours à un juge, même pour les
besoins de la nullité des conventions. Cela étant, les articles 65 à 68 de la Convention de
Vienne ont mis au point une procédure particulière, qui n’est pas sans mérite.

On notera spécialement sur ce point :

- l’obligation qui est faite à l’Etat qui invoque la nullité de notifier par écrit sa
« prétention » aux autres parties en indiquant les raisons (article 65, § 1) ;

121
- le dialogue en quelque sorte obligé qui doit s’établir au départ de cette notification
entre les Etats intéressés ;
- l’obligation de résoudre pacifiquement le différend que la nullité suscite ;
- à défaut d’accord dans les douze mois, le renvoi qui est fait par l’article 66 à
- la CIJ (ou à un arbitrage) pour les différends concernant le ius cogens;
- une procédure spéciale de conciliation dans tous les autres cas.

Il est difficile de tenir cette procédure pour pleinement déclarative de droit. En


particulier, les délais particulièrement stricts qui y sont prévus ne paraissent obliger que
les Etats qui sont parties à la convention de Vienne. De même, seuls ceux-ci sont tenus
de s’en remettre à la CIJ en cas de contestation portant sur le ius cogens, leur ratification
de la convention de Vienne valant acceptation de la juridiction de la Cour pour les
besoins de celui-ci.

c) Les effets de la nullité

Les effets de la nullité demandent à être analysés à un triple point de vue : personnel,
matériel et temporel.

i) ratione personae :

Il importe de s’entendre, ratione personae, sur les Etats auxquels la nullité peut être
opposée et sur ceux qui peuvent s’en prévaloir.

La nullité est opposable à tout Etat intéressé en droit des gens, sans restriction ou
condition comparable à celles que connaissent exceptionnellement les droits internes
(société, lettre de change, …).

Il convient de distinguer selon la cause de nullité pour déterminer quel Etat est en droit
de se prévaloir de celle-ci, aux termes de la convention de Vienne :

- en cas de vice de consentement, seule la partie dont le consentement est vicié peut
demander la nullité, et ce malgré la rédaction « objective » de l’article 52 ;

122
- en cas de violation du ius cogens, la nullité peut être demandée par toute partie
contractante. Peut-être l’être également par un Etat tiers ? En l’absence de tout
ministère public, on pourrait être enclin à l’admettre pour éviter que des Etats ne
violent impunément les règles les plus essentielles de la société internationale.
Cette solution paraît toutefois écartée dans les travaux préparatoires de la
convention de Vienne. La jurisprudence internationale est en outre peu favorable
à une actio popularis (voy. CIJ, affaire du Sud-Ouest africain, Rec., 1966, p. 47),
même si la Cour a affirmé, dans l’affaire de la Barcelona Traction, l’existence
d’« obligations des Etats envers la communauté internationale dans son
ensemble » que « tous Etats peuvent être considéré comme ayant un intérêt
juridique » à protéger (Rec., 1970, p. 32).

Aucune règle précise n’existe sur le bénéfice de la nullité en cas d’incapacité, lorsque
celle-ci se conçoit.

ii) ratione materiae :

Les défaillances ou les incertitudes des règles générales (coutumières) expliquent que
l’on ait particulièrement eu souci en droit international de limiter matériellement, tant
que faire se peut, les effets de la nullité d’un traité.

C’est ainsi que l’existence d’un vice de consentement n’entraîne en principe pas la nullité
de l’engagement des Etats dont le consentement n’a pas été vicié, sauf si le traité est
bilatéral.

De même, la divisibilité du traité est admise à l’article 44 de la convention de Vienne, aux


conditions suivantes :

- les clauses annulées doivent être « séparables du reste du traité en ce qui concerne leur
exécution » ;
- ces clauses n’ont pas constitué pour les autres parties « une base essentielle de leur
consentement ;
- « il n’est pas injuste de continuer à exécuter ce qui subsiste du traité ».

123
La divisibilité n’est de droit que lorsque la nullité procède d’une incompétence ou d’une
erreur ; elle est simplement facultative lorsque le dol ou la corruption est cause de nullité
(§5).

iii) ratione temporis

La nullité d’un accord est par essence rétroactive ; c’est ce qui la distingue précisément
de sa terminaison. Cela étant, dans tout système juridique, il est apporté des
tempéraments à cette règle, tant la fiction de la rétroactivité peut être dommageable.

Il en va de même en droit des gens. L’article 69 de la convention de Vienne demeure


cependant ambigu. On relèvera en particulier :

- La prudence de ses termes (« toute partie peut demander ….. autant que
possible »)
- La réserve propre aux « actes accomplis de bonne foi », qui mélange nullité et
illicéité ;
- L’exclusion de tout tempérament à la rétroactivité s’agissant de l’Etat auquel le
dol, la corruption ou la contrainte est imputable, ainsi qu’en cas de violation du
ius cogens.

d) Couverture de la nullité

Selon l’article 45 de la convention de Vienne, un Etat perd le droit d’invoquer la nullité


d’un traité s’il a, implicitement ou explicitement, couvert cette nullité.

On notera que l’article 45 mélange une règle de forclusion (perdre le droit de demander
la nullité) et une règle de couverture (faire disparaître la nullité). L’ambiguïté apparaît
dans la notion d’estoppel, empruntée aux pays de common law. Il en est fait un très
large usage dans la pratique internationale, ce qui permet de s’accommoder de la nullité
sans subir exagérément les effets dommageables (comp. par ex. l’affaire du temple de

124
préah Vihéar (1962), Rec., 1962, P. 61, ou celle de la sentence arbitrale du roi d’Espagne
(1960), Rec., 1960, p. 1962). Cela expliquera que l’on puisse demeurer sceptique devant
les acquiescements parfois déduits de comportements a priori peu concluants (silence,
…).

Il va de soi que la couverture de la nullité est exclue lorsque celle-ci résulte de la violation
d’une règle de ius cogens. Selon l’article 45 de la convention, cette couverture doit
également être exclue en cas de nullité pour contrainte soit sur l’Etat soit sur son
représentant, ce qui est , a priori, plus discutable.

Section IV. LES EFFETS DES TRAITES

Tout traité produit des effets juridiques entre les Etats Parties en créant des obligations
et des droits dans leurs rapports mutuels, ou en édictant une règle de conduite que les
Parties s’engagent à suivre. Le traité présente un caractère obligatoire d’autant plus que
« tout traité lie les parties et (doit) être exécuté par elles de bonne foi » (article 26). Il
revêt également un caractère relatif parce qu’un traité, n’ayant en principe d’effets qu’à
l’égard des Etats contractants, ne crée ni obligations ni droits pour un Etat tiers sans son
consentements (article 34).

Certains correctifs sont néanmoins apportés à ces règles.

§1. Effets des traités à l’égard des parties

a) Le principe cardinal : Pacta sont servanda

Le principe pacta sunt servanda, consacré par l’article 26 de la Convention de Vienne,


est le fondement du caractère obligatoire des traités. En effet, « Tout traité en vigueur,
lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». La jurisprudence surabonde en
ce sens :

125
«  [Ayant] signé un texte contenant des engagements acceptés par leurs gouvernements, et dont
certains devaient recevoir immédiatement application […, un des Etats parties] ne saurait soutenir
ultérieurement qu'il n'entendait souscrire qu'à une "déclaration consignant une entente politique",
et non à un accord international (CIJ, 1er juillet 1994, arrêt, Délimitation maritime et questions
territoriales Qatar/Bahreïn, Rec. 1994, 122). Tout comme la règle du droit des traités pacta sunt
servanda elle-même, le caractère obligatoire d'un engagement international assumé par
déclaration unilatérale repose sur la bonne foi. Les Etats intéressés peuvent donc tenir compte des
déclarations unilatérales et tabler sur elles; ils sont fondés à exiger que l'obligation ainsi créée soit
respectée (CIJ, 20 déc. 1974, arrêt, Essais nucléaires, Rec. 1974, 268 et 473; id., 22 déc. 1986,
arrêt, Différend frontalier Burkina Faso/Mali, Rec. 1986, 573; id., 20 déc. 1988, arrêt, Actions
armées frontalières et transfrontalières, Rec. 1988, 105). [Le principe de bonne foi peut impliquer
que le but du traité et l'intention commune des parties] doivent prévaloir sur son application
littérale. Le principe de bonne foi oblige les Parties à l'appliquer de façon raisonnable et de telle
sorte que son but puisse être atteint (CIJ, 25 sept. 1997, arrêt, Gabcikovo, Rec. 1997, § 142).
L'objet des déclarations étant clair et celles-ci étant adressées à la communauté internationale
dans son ensemble, […] elles constituent un engagement comportant des effets juridiques (CIJ,
20 déc. 1974, arrêt, Essais nucléaires, Rec. 1974, 269 et 474). […] une simple déclaration ne
comportant pas d'offre formelle pouvant constituer par son acceptation, une promesse en droit [ne
comporte pas d'] obligation juridique (CIJ, 27 juin 1986, arrêt, Activités militaires au Nicaragua,
Rec. 1986, 132; id., 22 déc. 1986, arrêt, Différend frontalier Burkina Faso/Mali, Rec. 1986, 574 ;
voy. aussi Entraide judiciaire en matière pénale, France/Djibouti, CIJ, Rec. 2008, p. 42, §§ 128-
130).

La non exécution du traité ne pouvant être justifiée par des difficultés dans les relations
entre les parties, ou parce que l’obligation énoncée est difficile à réaliser. L’obligation
d’exécuter est généralement indépendante de la notion de réciprocité. En effet,
l’exception d’inexécution est inadmissible pour la plus part de traités multilatéraux
spécialement ceux relatifs aux droits de l’homme, au droit international humanitaire ou
interdisant les représailles (art.60).

Par ailleurs, il va de soi qu’un Etat ne saurait jamais exciper de son droit interne pour se
soustraire à une obligation découlant d’un traité international. Toute autre solution
compromettrait en effet radicalement la sécurité des conventions. A ce sujet l’article 27
de la Convention de Vienne est d’une admirable clarté : « Une partie ne peut invoquer les

126
dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité. Cette règle est
sans préjudice de l’article 46.
La jurisprudence est sur la question établie :
« C'est un principe généralement reconnu du droit des gens que, dans les rapports entre
Puissances contractantes d'un traité, les dispositions d'une loi interne ne sauraient prévaloir sur
celles du traité (C.P.J.I., 31 juillet 1930, avis, "Communautés" gréco-bulgares, série B n° 17, p.
32; CIJ, 26 avril 1988, avis, Obligation d'arbitrage selon l'Accord de 1947 relatif au siège de
l'ONU, Rec.1988, 35). [L'art. 27 énonce une règle de droit coutumier] (EMBL Arbitration, 29
juin 1990, I.L.R., 105, 25 ; Entraide judiciaire en matière pénale, France/Djibouti, CIJ, Rec. 2008,
p. 41, § 124 ; id., Usines de pâte à papier, Rec. 2010, § 121). La conformité d'un acte au droit
interne et sa conformité aux dispositions d'un traité sont des questions différentes. Ce qui
constitue une violation d'un traité peut être licite en droit interne et ce qui est illicite en droit
interne peut n'entraîner aucune violation d'une disposition conventionnelle (CIJ, 20 juillet 1989,
arrêt, Elettronica Sicula, Rec. 1989, 51, 74). […] la règle d'après laquelle une loi abroge une loi
antérieure dans la mesure où elle la contredit, est sans application au cas où le conflit oppose un
traité et une loi; […] lorsque le conflit existe entre une norme de droit interne et une norme de
droit international qui a des effets directs dans l'ordre juridique interne, la règle établie par le
traité doit prévaloir; […] la prééminence de celle-ci résulte de la nature même du droit
international conventionnel (Cass., 27 mai 1971, J.T., 1971, 473; C. Trav. Bruxelles, 4 juillet
1973, Rev. prat. stés., 1973, 292; App. Bruxelles, 1er mars 1974, P., 1974, II, 128; Cass., 4 et 16
avril 1984, P., 1984, I, 921 et 1032; id., 17 sept. 1987, P., 1988, I, 71; id., 20 janv. 1989, J.T.,
1990, 724). [Une règle de droit international est directement applicable, si sans mesure
d'exécution interne substantielle, elle peut être appliquée dans l'ordre juridique où elle est en
vigueur. Elle n'a en revanche pas d'effet direct lorsqu'elle impose à l'Etat l'obligation d'agir ou de
ne pas agir] (C.E., 30 déc. 1993, TBP, 1994, 436); [tel est le cas de la Convention sur les droits de
l'enfant] (Cass. fr., 10 mars et 15 juillet 1993, RTDH, 1995, 673- 674). [La règle de droit interne,
qui est incompatible avec une norme de droit international conventionnel, est sans effet] (App.
Bruxelles, 15 janv. 1973, P., 1973, II, 79). […] aucune norme de droit international - lequel est
une création des Etats -, même pas l'art. 27 […] ne donne aux Etats le pouvoir de faire des traités
contraires à leur Constitution (C.A., 3 févr. 1994, M.B., 11 mars 1994). [Ne pas appliquer une
directive européenne parce qu'elle n'a pas été transposée viole le principe de la primauté sur le
droit interne du droit international ayant un effet direct] (Cass., 5 déc. 1994, IDj, 1995, 414).

127
La violation du traité par l’une des parties n’entraine pas non plus son extinction et ne saurait être
interprété comme produisant un tel effet. Même dans l’hypothèse d’un traité bilatéral, violé par
les deux Etats parties, le traité continue à s’appliquer. L’Arrêt Gabcikovo-Nagymaros de la CIJ
est assez instructif quant ce. En effet, il s’agissant in casu d’un traité conclu entre Hongrie et la
Tchécoslovaquie et qui prévoyait la construction de barages et d’écluses sur le Danube. Ces deux
Etats deviennent démocratiques et des mouvements écologistes hongrois parviennent à
convaincre le gouvernement de cesser les travaux. La Hongrie viole donc ses obligations
internationales. La Tchécoslovaquie continue ses travaux mais modifie les stipulations du traité
d’une manière plus favorable pour elle. La Hongrie se plaint de cela. La Slovaquie (état qui
poursuit les obligations de la Tchécoslovaquie) aussi. L’affaire arrive devant la CIJ, chacun des
deux Etats se plaignant de l’exécution fautive de l’autre. Donc même dans un traité bilatéral,
l’inexécution des deux parties, le traité continue à sortir ses effets. La seule chose possible est de
demander à la CIJ de condamner le comportement fautif. La CIJ a donc condamné les deux pays
à respecter leurs obligations respectives.

b) La non rétroactivité des traités


Sauf disposition contraire du traité ou intention contraire des parties, le traité produit des effets ex
nuc. C’est le sens de l’article 16 de la Convention de Vienne, ainsi libellée : « A moins qu’une
intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, les dispositions d’un traité
ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date d’entrée en vigueur de
ce traité au regard de cette partie ou une situation qui avait cessé d’exister à cette date. »

Sur le sujet, la jurisprudence internationale est constante :


«  [L]e Pacte international du 19 déc. 1966 [liant la Belgique postérieurement au litige, n'est donc
pas] applicable au présent litige (C. T. Lg., 24 mai 1983, JTT, 1984, 331; C.E., 1er déc. 1983,
RAACE, 1983, II, 2197).

« En conclusion, s’il est vrai qu’à compter de la date de ratification [d’une convention], tous les
actes et omissions de l’Etat [contractant] doivent être conformes à la convention […], celle-ci
n’impose [à cet Etat] aucune obligation spécifique de redresser les injustices ou dommages
causés avant qu’ils ne ratifient la Convention […]. Toute autre approche saperait à la fois le
principe de non-rétroactivité que consacre le droit des traités et la distinction fondamentale entre

128
violation et réparation qui sous-tend le droit de la responsabilité des Etats » (Cour EDH, Grande
Chambre, Blecic c/ Croatie, 8 mars 2006, § 81).

« [E]n vertu des règles générales du droit international (voir, en particulier, l'article 28 de la
Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités) les dispositions de la Convention
[EDH] ne lient une Partie contractante ni relativement aux actes ou faits antérieurs à la date de
l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de cette partie, ni relativement aux situations qui
avaient cessé d'exister avant cette date » (Id., Varnnava et al. c/Turquie, 18 sept. 2009, § 130).

c) Application territoriale du traité : effet ratine loci

Aux termes de l’article Art. 29, un traité lie chacune des parties à l’égard de l’ensemble de son
territoire, à moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie.
« [Les Etats sont liés par le texte d’un traité indépendamment du point de savoir si leur structure
est unitaire ou fédérale] » (Cour interaméricaine des droits de l’homme, avis cons., 1er oct. 1999,
§ 140).

d) Effet ratione temporis : question de l’application des traités successifs portant sur la même
matière

Il est évident qu’en cas de conflit entre tout traité et les dispositions de la Charte des Nations
Unies, ces dernières prévalent (l’article 103 de la Charte). Les droits et obligations des Etats
parties à des traités successifs portant sur la même matière sont déterminés conformément aux
dispositions suivantes énoncées à l’article 30 de la CVDT :
a) Lorsqu’un traité précise qu’il est subordonné à un traité antérieur ou postérieur ou qu’il ne
doit pas être considéré comme incompatible avec cet autre traité, les dispositions de celui-
ci l’emportent.
b) Lorsque toutes les parties au traité antérieur sont également parties au traité postérieur,
sans que le traité antérieur ait pris fin ou que son application ait été suspendue en vertu de
l’article 59, le traité antérieur ne s’applique que dans la mesure où ses dispositions sont
compatibles avec celles du traité postérieur. La Cour a souligné à l’occasion de l’affaire
du Thon à nageoire bleue que « La lex specialis n’annule pas nécessairement les effets de

129
la lex generalis » car « il existe en droit international un phénomène d’accrétion des
obligations internationales qui se superposent sans qu’elles se substituent toujours les
unes aux autres » (Thon à nageoire bleue, 4 août 2000, sent. arb., § 52).
c) Lorsque les parties au traité antérieur ne sont pas toutes parties au traité postérieur :
-dans les relations entre les Etats parties aux deux traités, la règle applicable est celle qui
est énoncée au paragraphe 3;
- dans les relations entre un Etat partie aux deux traités et un Etat partie à l’un de ces
traités seulement, le traité auquel les deux Etats sont parties régit leurs droits et
obligations réciproques.
d) Le paragraphe 4 s’applique sans préjudice de l’article 41, de toute question d’extinction ou de
suspension de l’application d’un traité aux termes de l’article 60 ou de toute question de
responsabilité qui peut naître pour un Etat de la conclusion ou de l’application d’un traité dont les
dispositions sont incompatibles avec les obligations qui lui incombent à l’égard d’un autre Etat en
vertu d’un autre traité.

e) L’exécution inégalitaire des traités : la théorie des réserves

Les Etats parties au même traité n’assument pas nécessairement les mêmes
engagements. Le souci de favoriser une forte participation aux conventions
multilatérales, d’en faciliter l’acceptation par le plus d’Etats possible ou d’en étendre le
champ d’application a permis, de longue date, aux Etats d’admettre des réserves
unilatérales de manière à sauvegarder tant que faire se peut la participation des Etat qui
ne sont pas en mesure d’accepter le traité dans son intégralité. L’exigence est
particulièrement impérieuse s’agissant de traités à vocation universelle, ainsi que la CIJ
l’a souligné dans son avis en l’affaire des réserves à la convention sur le génocide 94. Une
large participation étant indispensable pour fonder l’autorité ou l’universalité des
valeurs et principes que renferme ce type de traités. Les Etats doivent toutefois se
garder, ainsi que l’a rappelé la Cour, de sacrifier « à la vaine recherche du nombre de
participants les fins même de la convention ».95

Aux termes de la convention de Vienne, « l’expression « réserve » s’entend d’une


déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat
quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à
94
Rec., 1951, p. 15
95
Ibid, p. 23.

130
exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur
application à cet Etat » (art.2, S 1, d). L’effet propre de la réserve est donc de soustraire
l’Etat qui la formule à certaines des obligations qui pèsent normalement sur les parties
contractantes. On ne confondra pas la réserve avec une déclaration interprétative, dans
laquelle l’Etat se contentée seulement de préciser le sens d’une disposition du traité.
Rien ne paraît devoir interdire ces déclarations interprétatives, pour autant au moins
qu’elles ne véhiculent pas de réserves qui seraient interdites (voy. Cour europ. Dr.ho.,
affaire Belilos, 29 avril 1988, Rec., vol.132) ; aucune autorité particulière ne peut
toutefois leur être attachée, faute pour leur de disposer d’un pouvoir unilatéral
d’interprétation.

Dans la convention de Vienne, la réserve est admissible à la condition de ne pas être


expressément interdite, et de ne pas être « incompatible avec l’objet et le but du traité »
(article 19). La CIJ est éclairante à ce propos : « L’objet et le but de la convention
assignent (…) de limites tant à la liberté d’apporter des réserves qu’à celle d’y objecter. Il
en résulte que c’est la compatibilité de la réserve avec l’objet et le but de la convention
qui doit fournir le critère de l’attitude de l’Etat qui joint une réserve à son adhésion et de
l’Etat qui estime devoir y faire une objection. Telle est la norme de conduite qui doit
guider chaque Etat dans l’appréciation qu’il lui appartient de faire individuellement et
pour son propre compte de la régularité d’une réserve. On peut donc conclure que
l’appréciation de toute réserve et des effets des objections qui peuvent y être faites
dépend de circonstances particulières à chaque espèce. »96

La réserve doit par ailleurs être exclue dans le cas d’un traité bilatéral.

En son article 20, la convention de Vienne a déterminé la mesure dans laquelle la réserve
est soumise à une acceptation des autres parties au traité. La Convention mettait fin à
un système rigide appliqué auparavant. En effet peu avant la fin de la seconde guerre
mondiale la validité de la réserve était soumise notamment à l’acceptation unanime de
tous les Etat parties au Traité. La souplesse du droit international s’accommodait mal à
ce système. En 1951, à l’occasion de l’affaire des réserves sur la convention de lutte contre le
génocide la CIJ a marqué un pas en avant sur la question tout en laissant certaines
questions insolubles auxquelles la CVDT apportera des solutions claires et définitives.
En effet, L’URSS avait émis des réserves sur deux articles de cette convention à savoir, l’art 9
(les différents s’élevant à propos de la convention seront soumis à la CIJ ; or, en droit
international public, il y a un principe qui veut que les deux Etats soient d’accord pour aller
96
Affaire des réserves, Rec. 1951, pp. 24-26.

131
devant la CIJ. L’URSS avait émis une réserve.) - et sur l’art 12 (les états pourront étendre
l’application de la convention au territoire dont il exerce les relations extérieures (clause
coloniale) : en principe la convention ne s’applique pas aux colonies mais les Etats peuvent faire
en sorte que oui. L’URSS avait émis une réserve car elle souhaitait que la convention s’applique
à tous les Etats même aux colonies mais la France s’est sentie offensée par cela).

Dans son avis consultatif donné en cette affaire, La CIJ y a répondu en deux points :
A) l’Etat qui a émis une réserve à laquelle une ou plusieurs membres de la Convention font
objection sera néanmoins considéré comme partie à la convention si les autres ne font pas
objection Æ on renverse donc le principe qui prévalait jusqu’alors. En effet, si un seul Etat ne fait
pas objection, ou se tait (qui ne dit mot consent), l’Etat pourra être considéré comme partie au
traité.
B) Si un Etat a fait une objection à une réserve, il pourra considérer que l’Etat réservataire n’est
pas partie à la convention et que dès lors la convention ne sortira pas ses effets dans leurs
rapports respectifs. Une question restait insoluble : quid si un Etat refuse une réserve mais qu’il
est néanmoins d’accord pour appliquer le reste du traité dans ses rapports avec l’Etat
réservataire ?

La Cour laissait insoluble le cas d’un Etat qui tout en refusant la réserve est néanmoins d’accord
pour appliquer le reste du traité dans ses rapports avec l’Etat réservataire.

La CVDT règle la question en distinguant l’hypothèse où le traité en cause traite de la


question des réserves (il faut se conformer à ses dispositions) et celle où le traité est
muet sur la question.

a) soit le traité traite lui-même de la question des réserves (dans les clauses finales parce qu’elles
s’appliquent avant l’entrée en vigueur) ƒ le traité peut les interdire purement et simplement (un
Etat ne pourra donc pas émettre de réserves) ƒ le traité peut
1. interdire certains types de réserves (la CEDH interdit les réserves de caractère général et
n’admet que certaines réserves spécifiques) ou limiter les articles auxquels des réserves peuvent
être apportées (ex. dans les conventions codificatrices des coutumes, il y a certaines dispositions
sur lesquelles on peut apporter des réserves et d’autres où non ; les dispositions sur lesquelles on

132
ne peut apporter de réserves sont les dispositions coutumières et les autres qui sont introduites
dans la codification sans être coutumières)
3. ou que pour certaines raisons (CEDH : réserve que si une législation existante de l’Etat
membre est en contradiction avec l’une des libertés présentées par la convention) ƒ Le traité peut
prévoir un contrôle des réserves (par ex. par un des organes mis en place par le traité mais
problème car l’organe ne sera mis en place qu’après la mise en vigueur du traité et l’Etat peut
avoir émis une réserve au moment de la signature et qui ne sera pas acceptée par la suite) ƒ

Le traité peut autoriser des réserves mais s’il les autorise purement et simplement, on considérera
malgré tout que l’on rentre dans l’hypothèse où le traité est mûr. On part de l’idée que les
rédacteurs d’un traité ne peuvent autoriser les états membres à émettre n’importe quelle réserve
sur le contenu du traité et qu’il faut laisser la possibilité aux Etats d’accepter ou non les réserves.
Si ces réserves sont prévues dans des termes généraux, on considérera que les Etats ont malgré
tout la possibilité de faire des objections.

b) Le traité est muet sur la question des réserves. Dans ce cas, la CVDT prévoit 5 hypothèses : ƒ -
Le traité est bilatéral ou multilatéral restreint, et la réserve porte sur une disposition fondamentale
du traité, il faut que tous les Etats membres acceptent la réserve. Si un seul la refuse, l’Etat
réservataire se retire du traité ou retire la réserve.
- Si le traité est constitutif d’une organisation internationale, la convention de Vienne prévoit à
titre supplétif un contrôle collectif : c’est l’organe compétent de l’organisation international qui
devra décider si oui ou non la réserve est acceptée. Mais même problème que supra.
- Soit l’Etat accepte la réserve ou du moins n’y fait pas d’objection, dans ce cas, le traité
sortira tous ses effets entre l’Etat réservataire et l’Etat non objectant sauf la disposition
qui fait l’objet de la réserve. ƒ-
- L’Etat tiers fait une objection simple à la réserve (nouveau par rapport à l’avis de 1951),
les deux Etats seront liés par la convention internationale sauf par la disposition qui fait
l’objet de la réserve.
- L’Etat refuse la réserve et déclare expressément qu’il se considère comme non lié pour
l’entièreté du traité avec l’état réservataire.

On soulignera sur ce point que

133
- aucune acceptation n’est requise lorsque la réserve est expressément autorisée (S
1) ;
- une acceptation est toujours requise lorsque l’acceptation intégral du traité est
une condition essentielle du consentement de chacune des parties ou lorsque le
traité est constitutif d’une organisation (S 3) ;
- en règle générale, les contractants demeurent en droit d’exprimer des objections
aux réserves formulées ; cela n’empêche pas le traité d’entrer en vigueur, ‘’à moins
que l’intention contraire n’ait été nettement exprimée par l’Etat qui a formulé
l’objection (S3.b) ;

La réserve – qui est en principe toujours réciproque – peut être faite lors de la
signature ou de la ratification du traité (jamais après cette dernière !).
Elle peut normalement être retirée à tout moment (article 22 ; voy. Par ex. le
retrait par l’Union soviétique, en février 1989, de sa réserve à la convention sur le
génocide).

Réserves. Exemples :
Réserves à la convnention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée :
- L’Afrique du Sud et l’Algérie, lArabie saoudite, , l’Azerbaïdjan, le Bahreïn, la
Colombie, ElSalvador, Equaeur, les Etats-Unis les Etats fédérs de Micronese,
Venezuela, Colombiepar exemple ne se considèrent pas liés par les dispositions
du paragraphe 2 de l’aricl 35 de cette conveniton prévoyant la juridiciton
obligatoire de la CIJ en cas de différent relatif à l’interprétation et à l’application
de la conveniton.

Déclarations :
-

1.- Jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, on disait que tous les Etats doivent accepter la
réserve faite par l’un d’entre eux. Si un seul état refuse la réserve, l’Etat réservataire ne peut
adhérer ou ne peut adhérer que s’il retire sa réserve.

134
2.- Au fil du temps, on a considéré que la pratique était peu indiquée car retirait toute souplesse
au droit international.

La Convention de Vienne sur le droit des traités qui a apporté une solution définitive au
problème. A la base, la CVDT distingue deux hypothèses :

d) Exceptions à l’obligation de respecter les traités en vigueur

Nous aborderons plus loin les circonstances excluant l’illicéité et analyserons les travaux
de la CDI sur la question. Il suffit pour l’instant de retenir cinq circonstances qui peuvent
justifier le non respect des engagements découlant d’un traité, à savoir : l’exception de
force majeure, l’exception de légitime défense, les représailles ou contre-mesures, l’état
de nécessité et l’exception d’inexécution.
- L’exception de force majeure. Lorsque par suite d’un événement extérieur,
irrésistible et imparable l’Etat n’arrive plus à respecter les engagements découlant d’un
traité qui le lie. Exemples : le cas de la disparition d’une île volcanique dotée d’un statut
international particulier.
- L’exception de légitime défense, individuelle ou collective, conformément à
l’article 51 de la Charte des Nations Unies : lorsqu’un Etat est victime d’une agression
armée, il peut, en riposte, être conduit à ne pas exécuter un traité le liant à l’agresseur à
l’exception des traités se rapportant aux droits fondamentaux de la personne humaine et
au droit humanitaire.
- L’exercice des représailles ou contre-mesures. C’est lorsque l’Etat adopte un
comportement ou accompli des actes internationalement illicite (saisie des biens,
inexécution de traités, expulsion des diplomates, boycott, blocus d’un port) en riposte à
des actes également illicites au regard du droit international commises antérieurement à
son préjudice par un autre Etat et qui ont pour objet de contre celui-ci, au moyen d’un
dommage, à respecter le droit international ou à réparer les dommages résultant de sa
violation. Comme nous le verrons plus loin l’exercice des représailles est soumise à des
conditions strictes : existence préalable d’un acte internationalement illicite, mise en
demeure restée infructueuses, nécessité de recourir aux représailles, proportionnalité de
la riposte, les représailles armées sont interdites, absence d’un engagement antérieur de

135
ne pas y recourir. Les représailles armées sont interdites. De même, les actes contraires
aux droits fondamentaux de la personne humaine ne peuvent être adopté au titre de
représailles. Celles-ci sont également exclues du champ d’application du droit
international humanitaire.97 Il faut distinguer les représailles de la rétorsion. Si celles-là ,
on l’a vu, sont des mesures contraires au droit international, celle-ci, en revanche, usage
rigoureux du droit, est constitué de mesures inamicales mais licites prises dans
l’intention de ramener son destinataire, au moyen d’un dommage, à une attitude plus
amicale.
- L’état de nécessité. Elle autorise un Etat à prétendre que la sauvegarde de ses
intérêts vitaux le met dans l’impossibilité de se conformer à ses obligations
internationales. Il est le plus souvent invoqué mais rarement admis. Après avoir soutenu
dans son avis du 8 juillet 1992 dans l’affaire de la licéité, qu’elle ne saurait se prononcer
sur l’illicéité de l’utilisation de l’arme nucléaire par un Etat dans un conflit armé si la
survie de cet Etat en dépendait, la CIJ, dans son avis du 9 juillet 2004 rendu à l’occasion
de l’affaire du Mur a écarté l’état de nécessité et considéré que l’édification d’un mur par
Israël dans le territoire palestinien occupé, et le régime qui lui est associé,sont contraires
au droit international.98
- L’exception d’inexécution. Lorsqu’un Etat ne respecte pas ses engagements
découlant d’un traité, le cocontractant n’est pas tenu de respecter les siens découlant du
même traité. L’excptio non adempleti contractus est donc admise en droit international.
L’article 60 de la Convention de vienne sur le droit des traités est clair à ce propos.
Toutefois, il est des conventions non soumises à la loi de la réciprocité, c’est-à-dire pour
lesquelles l’exception d’inexécution est inopérante. C’est le cas des conventions
multilatérales de caractère objectif telles celles relatives aux droits de l’homme et au
droit international humanitaire.

&2. Effets des traités à l’égard de tiers

97
Voy. CIFENDE KACIKO, « Essai sur l’émergence d’une règle coutumière d’interdiction des représailles en droit
international humanitaire contemporain », in BULABULA (dir), Vers l’épanouissement de la pensée juridique
congolaise, Mélanges Lihau, Bruylant-PUK, Bruxelles-Kinshasa, 2007.
98
Rec. 2007, p.

136
L’effet relatif des traités est en la matière la règle de base. Elle est énoncé à l’article 34 de ma
convention de Vienne ainsi conçu : «  Un traité ne crée ni obligations ni droits pour un Etat tiers
sans son consentement »

Ainsi jugé : «  [Interpréter un] accord d’association CE-Israël de telle sorte que les autorités
israéliennes seraient investies de compétences douanières à l’égard des produits originaires de
Cisjordanie [alors qu’un accord d’association CE-OLP prévoit un traitement préférentiel pour
l’importation dans l’UE] de produits originaires de Cisjordanie reviendrait à imposer aux
autorités douanières palestiniennes l’obligation de ne pas exercer les compétences qui leur sont
pourtant dévolues par [le] protocole CE-OLP. Une telle interprétation, ayant pour effet de créer
une obligation pour un sujet tiers sans son consentement, irait ainsi à l’encontre du principe de
droit international général «pacta tertiis nec nocent nec prosunt», tel que codifié à l’article 34 de
la convention de Vienne » (CJCE, Aff. C-346/08, Brita, 25 févr. 2010, § 52).

L’effet relatif des conventions, qui reflète le caractère particulier des obligations
consenties, est bien établi, est bien établi. Il protège tant les tiers contre les parties
(inopposabilité des effets internes) que les parties contre les tiers, qui ne peuvent
méconnaître ce dont elles sont légitimement convenues (opposabilité des effets
externes).

Traditionnellement, certaines atténuations sont apportées à cette règle (succession


d’Etats, clause de la nation la plus favorisée, …). D’aucuns sont allés plus loin.
Principalement à une époque où de grandes puissances s’essayaient de facto à quelque
gouvernement mondial, certains auteurs ont en effet cherché à apporter de véritables
exceptions au principe de l’effet relatif des traités. Particulièrement variées (statut
objectif, …),
Celles-ci n’ont jamais été unanimement acceptées en doctrine et n’ont guère reçu d’écho
dans la pratique internationale. On n’en trouve aucune trace dans la convention de
Vienne, sous la seule réserve de la stipulation pour autrui. La stipulation pour autrui est
expressément admise dans la convention de Vienne (article 35 et 36), à la condition que

- Les signataires du traité aient eu la volonté de conférer au tiers u droit ou une


obligation ;

137
- Le bénéficiaire de la stipulation accepte celle-ci. L’acceptation est présumée, à
défaut d’objection, en cas de stipulation de droit ; elle doit être expresse et écrite
en cas stipulation d’obligation.

Donc, la convention distingue ainsi deux hypothèses : celle des traités prévoyant des
obligations pour des Etats tiers et celle des traités prévoyant des droits pour des Etats tiers.

Aux termes de l’Art. 35 «  Une obligation naît pour un Etat tiers d’une disposition d’un traité si
les parties à ce traité entendent créer l’obligation au moyen de cette disposition et si l’Etat tiers
accepte expressément par écrit cette obligation ».

[En adoptant une loi destinée à assurer la coopération avec le Tribunal pénal international, un
Etat non membre des NU indique qu'il accepte l'obligation de coopération prévue par le Statut de
ce Tribunal] (TPIY, 29 oct. 1997, aff. n° IT-95-14-AR108 bis, Blaskic, § 26).

Quant à l’Art. 36 il énonce : « 1.Un droit naît pour un Etat tiers d’une disposition d’un traité si les
parties à ce traité entendent, par cette disposition, conférer ce droit soit à l’Etat tiers ou à un
groupe d’Etats auquel il appartient, soit à tous les Etats, et si l’Etat tiers y consent. Le
consentement est présumé tant qu’il n’y a pas d’indication contraire, à moins que le traité n’en
dispose autrement. 2. Un Etat qui exerce un droit en application du paragraphe 1 est tenu de
respecter, pour l’exercice de ce droit, les conditions prévues dans le traité ou établies
conformément à ses dispositions.

Force est de conclure que ces règles n’apportent aucune dérogation à l’effet relatif des
traités puisque la stipulation doit être dûment offerte et acceptée (accord collatéral).
Puisqu’elle repose sur un accord de tous les intéressés, il est logique qu’elle ne puisse, en
principe, être révoquée ou modifiée sans leur accord (article37).

Il faut souligner que des dispositions d’un traité peuvent devenir obligatoires pour des Etats tiers
par la formation d’une coutume internationale ou lorsqu’elles sont ou deviennent déclaratives de
droit coutumier. A cet effet, l’article Art. 38 dispose : « Aucune disposition des articles 34 à 37
ne s’oppose à ce qu’une règle énoncée dans un traité devienne obligatoire pour un Etat tiers en
tant que règle coutumière de droit international reconnue comme telle. »

138
«  […] on ne voit aucune raison de penser que, lorsque le droit international coutumier est
constitué de règles identiques à celles du droit conventionnel, il se trouve "supplanté" par celui-ci
au point de n'avoir plus d'existence propre » (CIJ, 27 juin 1986, arrêt, Activités militaires au
Nicaragua, Rec. 1986, 95-96).
« […] même non ratifiée, une disposition d’un traité peut avoir force contraignante, en plus des
obligations créées pour les parties contractantes, si elle reflète le droit international coutumier,
soit qu’elle « codifie » ce dernier, soit qu’elle donne naissance à de nouvelles règles
coutumières » (Cour EDH, Sabeh el Leill c/ France, 29 juin 2011, § 54).

Section V. INTERPRETATION DES TRAITES

Deux questions doivent être de ce point de vue distinguées.

&1. Le pouvoir d’interpréter

Dans la logique de l’acte conventionnel, c’est aux parties contractantes seules qu’il
appartient d’interpréter authentiquement le traité. Sauf dispositions conventionnelles
en sans contraire (FMI, …), une telle interprétation requiert l’accord de tous les
contractants. Cette exigence suffit à rendre l’interprétation authentique très
exceptionnelle, même certains exemples dans des rapports bilatéraux (accords en forme
simplifiée). La convention d’interprétation se distingue de la convention de
modification en ce que la portée de la première est naturellement déclarative.
L’interprétation par un juge international est obligatoire pour les Etats parties au litige,
dans les limites du principe de l’effet relatif de la chose jugée, sans être à proprement
parler authentique.

L’interprétation unilatérale, par une autorité interne (juge), ne peut en principe être
considérée comme illicite, à tout le moins tant que le traité n’en dispose pas autrement
(voy. L’article 177 CEE). Elle est dépourvue cependant de toute autorité particulière en
droit des gens.

139
Il a été proposé à diverses reprises d’introduire auprès de la C.I.J. le système du renvoi
préjudiciel fonctionnant dans les communautés européennes. On voit mal telle réforme,
à la supposer souhaitable, intervenir néanmoins dans un avenir proche.

&2. Règle générales d’interprétation

1° Bonne foi, sens ordinaire des termes, contexte, objet et but du traité
Aux termes de l’Art. 31 « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens
ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son
but. »
Le silence d’un texte est souvent mal interprété. Il a ainsi été jugé : « Le silence d’un texte
sur une pratique] ne veut pas nécessairement dire que cette pratique est permise » (CPI, ICC-
01/04-01/06, Lubanga, 30 nov. 2007, § 36). […]
L’effet utile du traité doit toujours être cherché ainsi que l’a souligné la CIJ : « chaque
fois que possible, les mots doivent être interprétés de manière à avoir un effet utile (CIJ, 1er avril
2011, Convention discrimination raciale (Géorgie c/ Russie), Rec. 2011, § 134). [Dans l’énoncé
d’une condition,] le futur antérieur renforce encore l’idée qu’une action préalable (une tentative
de régler le différend) doit avoir été accomplie avant qu’une autre action (la saisine de la Cour)
puisse être engagée (ibid., § 135). »

Si aux fins de l’interprétation d’un traité on doit tenir compte du contexte, force est de
constater que la Convention de Vienne en a une conception bien large. En effet, « 2. (…) le
contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus :
a) tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à
l’occasion de la conclusion du traité;
b) tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité
et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.

2° Accord et pratique ultérieurs et règle pertinente du droit des gens

140
« Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :
a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de
l’application de ses dispositions;
b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi
l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité. Il est de jurisprudence constante que la
pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité est tellement importante qu’elle « peut
primer sur les termes clairs du traité si cette pratique traduit l’accord des parties » (CIJ, 15 juin
1962, arrêt, Temple de Preah Vihear, Rec. 1962, p. 33; Tribunal arbitral Egypte-Israël, 29 sept.
1988, sent. arb., Taba, § 235, ILM, 1988, pp. 120-121; Commission Erythrée-Ethiopie, 13 avril
2002, Frontière, § 3.10).
« Pour qu’on puisse parler de pratique ultérieure établissant l’accord des parties sur
l’interprétation d’un traité], il est nécessaire qu’il y ait une concordance indiscutable entre les
positions des parties et que ces positions aient été susceptibles d’avoir fixé le sens d’une
disposition du traité. […] Quand il y a divergence entre le comportement de l’administration et
celui des autorités susceptibles d’exprimer la position d’un Etat, il faut préférer celui de ces
dernières (Trib. arb. France/UNESCO, 14 janv. 2003, sent. arb., § 74, RGDIP, 2003, p. 249).

c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
Pour la Cour « Une disposition conventionnelle relative au maintien de la paix et aux intérêts
vitaux des parties doit être interprétée en tenant compte de toute règle internationale liant les
parties, et notamment des règles relatives à l’emploi de la force » (CIJ, 6 nov. 2003, arrêt, Plates-
formes pétrolières, Rec. 2003, § 41 ; aussi, CIJ, 20 avril 2010, usines de pâte à papier, Rec. 2010,
§ 62). La formulation large et générale des dispositions d’un traité n’enlève en rien ses effets
juridiques. Comme la Cour l’a rappelé : « [Les dispositions d’un traité liant les parties] sont des «
règles pertinentes » en dépit du fait qu’elles sont formulées d’une manière large et générale, dans
la mesure où elles expriment des aspirations » (Entraide judiciaire en matière pénale,
France/Djibouti, Rec. 2008, p. 37, § 113).

3° L’intention des parties ou l’esprit du traité

Au delà des mots qui ne sont qu’un instrument d’expression de la volonté des Etats parties,
c’est cette dernière que l’interprète du traité devra toujours rechercher. C’est les sens de l’article
31§4 : « Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention

141
des parties ». On comprend aisément pourquoi la Cour après s’être laissé séduire par le charme de
mots dans leur « signification naturelle et ordinaire » est revenue à l’essentiel. Pour elle en effet,
[…] si les mots, lorsqu'on leur attribue leur signification naturelle et ordinaire, sont équivoques ou conduisent à des
résultats déraisonnables, c'est alors - et alors seulement - que la Cour doit chercher par d'autres méthodes
d'interprétation ce que les parties avaient en réalité dans l'esprit quand elles se sont servies des mots dont il s'agit
(CIJ, 3 mars 1950, avis, Affaire de l’Admission aux NU, Rec.1950, 8).

« [L'art. 31 peut être considéré] comme une codification du droit international coutumier
existant » (CIJ, 12 nov. 1991, arrêt, Sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Rec. 1991, 69; id., 3
févr. 1994, arrêt, Différend territorial Libye/Tcha), Rec. 1994, 21; id., 15 févr. 1995, arrêt, Affaire
de la Délimitation maritime et questions territoriales Qatar/Bahreïn, Rec. 1994, 18; id., 8 juillet
1996, avis, Licéité de l'utilisation d'armes nucléaires (OMS), Rec. 1996, 75; id., 12 déc. 1996,
arrêt, Affaire des Plateformes pétrolières, Rec. 1996, 812 ; Affaire de l’Ile de Kasikili/Sedudu,
Botswana/Namibie, arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1075, par. 18 ; CIJ, 4 juin 1978, On
comprend aisément Entraide judiciaire en matière pénale, France/Djibouti, Rec. 2008, pp. 37 et
40, § 112 et 123).

« L’obligation d’interpréter un traité de bonne foi implique qu’on ne peut adopter une loi interne
contraire au traité » (Panel de l’OMC, Rapport, 22 déc. 1999, ILM, 2000, p. 472). […]

« le premier devoir d'un tribunal appelé à interpréter et à appliquer les dispositions d'un traité, est
de s'efforcer de donner effet, selon leur sens naturel et ordinaire, à ces dispositions prises dans
leur contexte. Si les mots pertinents, lorsqu'on leur attribue leur signification naturelle et
ordinaire, ont un sens dans leur contexte, l'examen doit s'arrêter là (CIJ, 3 mars 1950, avis,
Admission aux NU, Rec.1950, 8; id., 12 nov. 1991, arrêt, Sentence arbitrale du 31 juillet 1989,
Rec. 1991, 69).

« [Il faut conserver au texte] son effet utile (CIJ, 15 févr. 1995, arrêt, Délimitation maritime et
questions territoriales Qatar/Bahreïn, Rec. 1995, 19).

« […] tout instrument international doit être interprété et appliqué dans le cadre de l'ensemble du
système juridique en vigueur au moment où l'interprétation a lieu » (CIJ, 21 juin 1971, avis,
Namibie, Rec. 1971, 31).

142
« [Les règles d'interprétation] de la Convention de Vienne peuvent s'appliquer seulement par
analogie [aux déclarations d'acceptation de la juridiction de la Cour] dans la mesure où elles sont
compatibles avec le caractère sui generis [de ces dernières] (CIJ, 4 déc. 1998, arrêt, Pêcheries,
Rec. 1998, § 47).

« [L’interprétation de règles] identiques ou similaires [figurant dans] différents traités peut ne pas
aboutir à des résultats identiques, compte tenu, notamment, des différences entre leurs contextes,
objets et buts respectifs, de la pratique ultérieure des parties et des travaux préparatoires »
(TIDM, 3 déc. 2001, ord., Usine Mox, § 51).

«  La violation de la règle d’interprétation des traités ne donne lieu à cassation que si, ce faisant,
le traité faisant l’objet de l’interprétation a été violé » (Cass., 30 mars 2000, P., 2000, I, 214).

4° Moyens complémentaires d’interprétation : Travaux préparatoire et


circonstances de conclusion du traité …

Aux termes de l’article 32 de la Convention de Vienne, Il peut être fait appel à des moyens
complémentaires d’interprétation et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances
dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de
l’article 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’article 31
: a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou
b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable.

Pour la CIJ « [L'art. 32 peut être considéré] comme une codification du droit international
coutumier existant »(CIJ, 12 nov. 1991, arrêt, Sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Rec. 1991,
69).

Quelle que soit l’importance des travaux préparatoires on y recourt que quant le texte est obscur,
on les scrute pour y déceler l’intention des parties. Ainsi jugé : «  […] il n'y a pas lieu de recourir
aux travaux préparatoires si le texte d'une convention est en lui-même suffisamment clair » (CIJ,
2 févr. 1973, arrêt, Compétence en matière de pêcheries, Rec. 1973, 10 et 56). Cela dit : « [Même
s'il est inutile de recourir aux travaux préparatoires du traité lorsque le texte est clair, la Cour peut
toutefois s'y référer pour] confirmer la lecture qu'elle fait du texte du traité (CIJ, 3 févr. 1994,

143
arrêt, Différend territorial Libye/Tchad, Rec. 1994, 27; id., 15 févr. 1995, arrêt, Délimitation
maritime et questions territoriales Qatar/Bahreïn, Rec. 1995, 21).

C’est là accréditer un principe général de droit « De claris cessait interpretatio » La Cur précise :
« […] si les mots, lorsqu'on leur attribue leur signification naturelle et ordinaire, sont équivoques
ou conduisent à des résultats déraisonnables, c'est alors - et alors seulement - que la Cour doit
chercher par d'autres méthodes d'interprétation ce que les parties avaient en réalité dans l'esprit
quand elles se sont servies des mots dont il s'agit (CIJ, 3 mars 1950, avis, Admission aux NU,
Rec.1950, 8). Lorsque cette méthode d'interprétation [du sens naturel et ordinaire des termes
employés] aboutit à un résultat incompatible avec l'esprit, l'objet et le contexte de la clause ou de
l'acte où les termes figurent, on ne saurait valablement lui accorder crédit » (CIJ, 21 déc. 1962,
arrêt, Sud-Ouest Africain, Rec. 1962, 336; id., 12 nov. 1991, arrêt, Sentence arbitrale du 31 juillet
1989, Rec. 1991, 69).

« Le fait que telle ou telle proposition n’ait pas été adoptée par un organe international
n’implique pas nécessairement qu’une décision collective inverse ait été prise » (CIJ, 21 juin
1971, avis, Namibie, Rec. 1971, 36, § 69).

Que conclure de l’examen des règles d’interprétation des traités. Les nombreuses
formules retenus par la convention de Vienne, souvent vagues et générales ne sauraient
faire oublier que l’exigence première dans l’œuvre d’interprétation, est de retrouver la
volonté des parties – qui est déterminante-, sachant, par hypothèse, qu’une telle tâche
est délicate puisque celles-ci ne sont pas clairement exprimées. Telle est sans doute la
règle fondamentale. Pour le reste, de très nombreuses techniques, largement inspirées
de l’interprétation des contrats, peuvent être mises en avant, sans qu’il soit possible de
leur accorder une portée réellement normative (interprétation restrictive, téléologique,
ab absurdo …), en dépit des résultats remarquables auxquels elles ont parfois conduit.

Section VI. MODIFICATION DES TRAITES

144
En application d’une règle élémentaire, un traité ne peut en principe être modifié que de
l’accord de toutes les parties contractantes, sauf si celles-ci en sont autrement
convenues.

La seule réserve sûre concerne en l’occurrence les effets de la guerre sur les traités, dont
la convention de Vienne a entendu expressément ne pas préjuger (voy. l’article 73).
Traditionnellement, on considère à ce propos que :
- les conventions dont la guerre est l’hypothèse subsistent (conventions de La Haye
et de Genève,…). Toute autre solution serait absurde ;
- dans les rapports avec ou entre les Etats neutres, les autres conventions
subsistent, sus la seule réserve de la suspension qui peut être obtenue pour cause
de force majeure ou d’imprévision ;
- dans les rapports entre belligérants, les accords incompatibles avec la guerre
disparaissent de plein droit (traités de paix,…) ; tandis que les autres diverse. De
nombreuses situations particulières doivent en outre être sur ce point réservées
(traités constitutifs d’une organisation internationale,…).

Les effets de la guerre sur les traités sont à l’étude au sein de la Commission du droit
international. Les travaux devraient aboutir à l’élaboration d’une convention
particulière, dont la conclusion n’est cependant pas encore en vue.

&1. Volonté commune des parties

La suspension ou la terminaison ne suscitent aucune difficulté lorsqu’elles résultent de la


volonté même des auteurs du traité, quels que soient la forme sous laquelle et le moment
où celle-ci est exprimée (abrogation conventionnelle, échéance du terme…)

C’est par l’effet même de la volonté des parties qu’il est en effet mis fin au traité en
pareille hypothèse (voy. les articles 54 et 57 ; comp. l’article 59).

&2. Volonté unilatérale

145
Le retrait ou la dénonciation unilatérale sont clairement admis lorsqu’ils reposent sur la
volonté, expresse ou implicite (voy. l’article 56, §1, a) ;

En l’absence d’une telle volonté commune, l’un ou l’autre devrait être interdit, même si
le traité a été conclu pour une durée illimitée. La convention de Vienne n’en admet pas
moins le droit de dénonciation ou de retrait, s’il peut « être déduit de la nature du
traité » (article 56, §1, b).
La solution est sage, tant il paraît déraisonnement d’obliger en quelque sorte
éternellement un Etat. Il n’est pas simple de distinguer toutefois ce qui relève de la
« nature » objective d’un traité, d’une part, et de la volonté, implicite, des parties, d’autre
part.

&3. Terminaison liée à des circonstances objectives

1. Circonstances imputables aux parties

Si l’on excepte certaines dispositions d’importance secondaire (voy. apr ex. l’article 55,
comp. l’article 59), c’est la violation par un Etat de ses propres obligations qui doit être
principalement mentionnée à ce propos (exceptio non adimpleti contractus). Il est à cet
égard classiquement admis en droit interne que l’un des parties à un contrat peut être
déliée de ses engagements lorsque son cocontractant viole ses propres obligations. La
résolutoire tacite, est également admise en droit des gens, et singulièrement par la
convention de Vienne.

Il faut noter à ce propos que

- la terminaison ou la suspension n’est admise qu’en cas de violation


« substantielle » (material breach) (voy. A ce propos les précisions fournies à
l’article 60,§3) ;
- l’exceptio est inapplicable s’agissant des « dispositions relatives à la protection de
la personne humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire,

146
notamment, (des) dispositions excluant toute forme de représailles à l’égard des
personnes protégées par les dits traités » (article 60, §5) ;
- lorsque le traité est multilatéral, sa violation par l’une des parties peut selon les
cas entraîner sa suspension ou sa terminaison pour toutes les autres parties ou
pour certaines d’entre elles seulement (voy. l’article 60, §2) ;
- « aucune violation du traité… ne saurait avoir pour effet d’empêcher (une) partie
d’invoquer les dispositions du traité relatives au règlement pacifique des
différends » (CIJ, affaire du personnel diplomatique et consulaire américain à
Téhéran, Rec., 1980, p. 28)

Le caractère coutumier de l’article 60 a été confirmé par la CIJ dans son avis du 21 juin
1971 sur la Namibie (Rec., 1971, p.47)

2. Circonstances indépendantes des parties

La force majeure et l’imprévision peuvent normalement entraîner en droit interne la


suspension ou l’extinction des contrats. Il n’en va pas tout à fait de même en ce qui
concerne les traités.

- force majeure : la force majeure n’est pas comme telle admise par la convention
de Vienne. En son article 61, celle-ci vise la seule impossibilité d’exécution
résultant « de la disparition ou (de la) distinction … d’un restrictif. Cette
impossibilité ne peut en outre jamais être prise en considération pour mettre fin
au traité si elle est « fautive » (voy. l’article 61, §2). En l’absence de jurisprudence
ces termes demeurent parfois particulièrement vagues.
- Imprévision : un changement fondamental de circonstances peut-il entraîner la
terminaison (ou la suspension) d’un traités ? La question a longtemps divisé la
doctrine. Il n’y a d’ailleurs pas à s’en étonner, les droits nationaux étant loin
d’être parfaitement convergents sur ce point. Après de vifs débats à Vienne,
l’imprévision n’a été admise qu’aux conditions – qui sont cumulatives suivantes :
 Le changement doit avoir porté sur des circonstances qui constituaient
« une base essentielle du consentement » (article 62, §1, a) ;

147
 Il doit avoir eu pour effet « de transformer radicalement la nature des
obligations qui restent à exécuter en vertu du traité » (article 62,§1, b) ;
 Il ne doit pas être « fautif » (article 62,§2, b) ;
 La CIJ a confirmé le caractère déclaratif de ces dispositions (voy. affaire de
la compétence en matière de pêcheries, Rec., 1973, p.18). On notera
qu’aune référence n’est faite à quelque volonté implicite des parties (clause
rebus sic statibus).

En toute hypothèse, la clause rebus sic statibus ne s’applique aux traités de frontières
(art.62,§2, a). On a voulu, ce faisant, sauvegarder les règlements territoriaux,
nonobstant les changement liés à la décolonisation.

3. Procédure de terminaison

Mutatis mutandis, la procédure de terminaison est identique à celle qui est applicable en
matière de nullité (article 65 à 67 ; voy. supra)

4. Effets de la terminaison

i) Effet rationne materiae :

Les dispositions sur la divisibilité (article 44) sont identiques à celles qui sont
applicables en matière de nullité (voy. supra).

ii) Effet ratione temporis

La terminaison opère ex nunc, c’est-à-dire sans rétroactivité aucune (article 70).

Dans le cas d’un retrait unilatéral, elle n’opère qu’au terme d’un préavis de 12 mois à
dater du jour de la notification, sauf dispositions express en sens contraire (article 56,
§2). Si le délai de 12 mois ne peut être considéré comme déclaratif de droit, l’exigence

148
d’un « délai raisonnable », qui découle d’une élémentaire obligation de bonne foi, l’est
assurément.

Hors le retrait (dénonciation) unilatéral, la convention de Vienne ne dit rien du moment


où la terminaison (suspension) prend effet. Un délai considérable peut à cet égard
s’écouler entre la date de la survenance de la cause de la terminaison (suspension) et
celle où celle-ci est demandé. Il semble, pour des raisons élémentaires de sécurité
juridique, que cette dernière date doive être préférée.

iii) Effet ratione personnae :

La terminaison (suspension) peut en principe être demandé par toute partie


contractante, dans les limites prévues par la convention de Vienne, et elle ne peut être
opposée à tout Etat intéressé, sans restriction aucune.

S’agissant d’un traité multilatéral, le retrait d’un Etat n’empêche pas le traité de subsister
entre les autres parties, à moins que la présence de cet Etat ne soit indispensable à son
maintien en vigueur. L’article 55 de la convention de Vienne ajoute à cet égard qu’à
moins que le traité n’en dispose autrement, un traité multilatéral ne prend pas fin pour
le seul motif que le nombre des parties tombe au-dessous du nombre nécessaire pour
son entrée en vigueur ».

Section. 5. EXTINCTION DES TRAITES ET SUSPENSION DE LEUR


APPLICATION

L’extinction d’un traité international, c’est sa fin définitive ; il disparaît. La suspension est qu’on
va suspendre les effets du traité pendant un certaine durée, déterminée ou non, et pendant celle-ci
les états doivent se comporter de bonne foi

S’il est seulement suspendu, le traité reprend plein et entier effet lorsque la cause de
suspension a disparu. La convention de Vienne précise à ce propos que « pendant la

149
période de suspension, les parties doivent s’abstenir de tous actes tendant à faire
obstacle à la reprise de l’application du traité » (article 72, §2).

La Convention de Vienne consacre pas moins de dix articles sur la question. La CIJ en a
relevé toute l’importance à l’occasion de l’occasion de l’affaire Gabcikovo 
«  [à moins que les parties n'en aient convenu autrement, un traité ne peut] prendre fin que pour les motifs énumérés
limitativement dans la Convention de Vienne » (CIJ, 25 sept. 1997, arrêt, Gabcikovo, Rec. 1997, §§ 100 et 106).

§1. Extinction ou retrait en vertu des dispositions du traité ou par consentement des parties

Aux termes de l’Art. 54 L’extinction d’un traité ou le retrait d’une partie peuvent avoir lieu :
a) conformément aux dispositions du traité; ou,
b) à tout moment, par consentement de toutes les parties, après consultation des autres Etats
contractants.

Il en résulte que si le traité prévoit des conditions de fond et de forme de son extinction ou du
retrait d’une quelconque des Ets parties, il suffit de se conformer à ces dispositions. L’alinéa b
concerne deux l’hypothèse, celle où le traité est muet sur la sur les questions sous examen et
celle où le retrait envisagé contrarie les exigences ou dispositions du traité en la matière. Dans ces
cas la liberté des Etats souverains de se retirer est garantie à tout moment, avec toutefois la
nécessité de requérir le consentement des autres Parties et après consultation avec ceux-ci. C’est
l’esprit d’équilibre au cœur de la Convention entre la souveraineté des Etats et les exigences de la
coopération internationale. La sécurité juridique justifie la règle. La covneitn de Vienne parle des
consultations sans autre précisions. Il a été jugé que :
« L’approbation unanime par les Etats membres de l’UE de la décision - cadre du Conseil du 13 juin 2002 contient
une consultation au sens de l’art. 54, b, de la Convention de Vienne » (Cass., 24 août 2004, JT, 2005, p. 322).

§2. Nombre critique des parties à un traité multilatéral

Un traité multilatéral, dit l’article 55, ne prend pas fin pour le seul motif que le nombre des
parties tombe au-dessous du nombre nécessaire pour son entrée en vigueur, à moins que le traité
n’en dispose autrement. (en vertu de).

§3. Dénonciation ou retrait dans le cas d’un traité ne contenant pas de dispositions relatives à
l’extinction, à la dénonciation ou au retrait

L’Etat qui désire dénoncer un traité ou se retirer de celui-ci doit respecter, on l’a vu, les
dispositions prescrites à cette fin par ledit traité. Mais le problème se pose lorsque le traité en
question est muet sur la question, c’est-à-dire lorsqu’il ne contient pas de dispositions relatives à
l’extinction, à la dénonciation ou au retrait. On purrait se fonder sur la souveraineté des Etats
pour soutenir la liberté de l’Etat de dénoncer ce traité. Mais la Convention de Vienne établit en la
matière un régime complexe ; il faut scruter les intentions des Etats et établir qu’ils entendant
admettre la possibilité d’une dénonciation ou d’un retrait ou que la nature du traité s’y prête. En
effet, l’article 56 dispose :

150
«  1. Un traité qui ne contient pas de dispositions relatives à son extinction et ne prévoit pas qu’on
puisse le dénoncer ou s’en retirer ne peut faire l’objet d’une dénonciation ou d’un retrait, à
moins :
a) qu’il ne soit établi qu’il entrait dans l’intention des parties d’admettre la possibilité d’une
dénonciation ou d’un retrait; ou
b) que le droit de dénonciation ou de retrait ne puisse être déduit de la nature du traité.
2. Une partie doit notifier au moins douze mois à l’avance son intention de dénoncer un traité ou
de s’en retirer conformément aux dispositions du paragraphe 1. »

En tout état de cause il résulte de la jurisprudence de la Cour que la partie qui entend dénoncer le
traité ou s’en retirer l’Etat a l’ »obligation d'agir de bonne foi et de tenir raisonnablement compte des intérêts
de l'autre partie au traité » (CIJ, 20 déc. 1980, avis, Accord O.M.S.-Egypte, Rec. 1980, 95).

Art. 57. - Suspension de l’application d’un traité en vertu de ses dispositions ou par
consentement des parties
L’application d’un traité au regard de toutes les parties ou d’une partie déterminée peut être
suspendue :
a) conformément aux dispositions du traité; ou,
b) à tout moment, par consentement de toutes les parties, après consultation des autres Etats
contractants.

Art. 58. - Suspension de l’application d’un traité multilatéral par accord entre certaines
parties seulement
1. Deux ou plusieurs parties à un traité multilatéral peuvent conclure un accord ayant pour
objet de suspendre, temporairement et entre elles seulement, l’application de dispositions du
traité :
a) si la possibilité d’une telle suspension est prévue par le traité; ou
b) si la suspension en question n’est pas interdite par le traité, à condition qu’elle :
i) ne porte atteinte ni à la jouissance par les autres parties des droits qu’elles tiennent
du traité ni à l’exécution de leurs obligations; et
ii) ne soit pas incompatible avec l’objet et le but du traité.
2. A moins que, dans le cas prévu à l’alinéa a) du paragraphe 1, le traité n’en dispose
autrement, les parties en question doivent notifier aux autres parties leur intention de conclure
l’accord et les dispositions du traité dont elles ont l’intention de suspendre l’application.
Art. 59. - Extinction d’un traité ou suspension de son application implicites du fait de la
conclusion d’un traité postérieur
1. Un traité est considéré comme ayant pris fin lorsque toutes les parties à ce traité concluent
ultérieurement un traité portant sur la même matière et :
a) s’il ressort du traité postérieur ou s’il est par ailleurs établi que selon l’intention des
parties la matière doit être régie par ce traité; ou
b) si les dispositions du traité postérieur sont incompatibles avec celles du traité antérieur à
tel point qu’il est impossible d’appliquer les deux traités en même temps.
2. Le traité antérieur est considéré comme étant seulement suspendu s’il ressort du traité
postérieur ou s’il est par ailleurs établi que telle était l’intention des parties.
Art. 60. - Extinction d’un traité ou suspension de son application comme conséquence de sa

151
violation
1. Une violation substantielle d’un traité bilatéral par l’une des parties autorise l’autre partie à
invoquer la violation comme motif pour mettre fin au traité ou suspendre son application en
totalité ou en partie.
[…] aucune violation du traité commise par l'une ou l'autre des parties ne saurait avoir pour effet
d'empêcher cette partie d'invoquer les dispositions du traité relatives au règlement pacifique des différends
(CIJ, 24 mai 1980, arrêt, Personnel diplomatique et consulaire à Téhéran, Rec. 1980, 28).
[La violation d'un traité commise par une partie à la suite d'une violation antérieure du traité commise par
l'autre partie n'autorise pas cette dernière à dénoncer unilatéralement le traité] (CIJ, 25 sept. 1997, arrêt,
Gabcikovo, Rec. 1997, § 110).
[Il ne peut] être unilatéralement mis fin, au motif de manquements réciproques, à un traité en vigueur entre
Etats, que les parties ont exécuté dans une très large mesure et à un coût considérable pendant des années
(CIJ, 25 sept. 1997, arrêt, Gabcikovo, Rec. 1997, § 114).
Voy. égal. le commentaire général de l’article ci-dessous.
2. Une violation substantielle d’un traité multilatéral par l’une des parties autorise :
a) les autres parties, agissant par accord unanime, à suspendre l’application du traité en
totalité ou en partie ou à mettre fin à celui-ci :
i) soit dans les relations entre elles-mêmes et l’Etat auteur de la violation,
ii) soit entre toutes les parties;
b) une partie spécialement atteinte par la violation à invoquer celle-ci comme motif de
suspension de l’application du traité en totalité ou en partie dans les relations entre ellemême
et l’Etat auteur de la violation;
c) toute partie autre que l’Etat auteur de la violation à invoquer la violation comme motif
pour suspendre l’application du traité en totalité ou en partie en ce qui la concerne si ce
traité est d’une nature telle qu’une violation substantielle de ses dispositions par une partie
modifie radicalement la situation de chacune des parties quant à l’exécution ultérieure de
ses obligations en vertu du traité.
3. Aux fins du présent article, une violation substantielle d’un traité est constituée par :
a) un rejet du traité non autorisé par la présente Convention; ou
b) la violation d’une disposition essentielle pour la réalisation de l’objet ou du but du traité.
4. Les paragraphes qui précèdent ne portent atteinte à aucune disposition du traité applicable
en cas de violation.
5. Les paragraphes 1 à 3 ne s’appliquent pas aux dispositions relatives à la protection de la
personne humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire, notamment aux
dispositions excluant toute forme de représailles à l’égard des personnes protégées par lesdits
traités.
Les règles de la Convention de Vienne sur le droit des traités concernant la cessation d'un traité violé (qui
ont été adoptées sans opposition), peuvent à bien des égards, être considérées comme une codification du
droit coutumier existant dans ce domaine (CIJ, 21 juin 1971, avis, Namibie, Rec. 1971, 47; id., 25 sept. 1997,
arrêt, Gabcikovo, Rec. 1997, §§ 46 et 49).
Art. 61. - Survenance d’une situation rendant l’exécution impossible
1. Une partie peut invoquer l’impossibilité d’exécuter un traité comme motif pour y mettre fin
ou pour s’en retirer si cette impossibilité résulte de la disparition ou destruction définitives
d’un objet indispensable à l’exécution de ce traité. Si l’impossibilité est temporaire, elle peut
être invoquée seulement comme motif pour suspendre l’application du traité.
2. L’impossibilité d’exécution ne peut être invoquée par une partie comme motif pour mettre
fin au traité, pour s’en retirer ou pour en suspendre l’application si cette impossibilité résulte
d’une violation, par la partie qui l’invoque, soit d’une obligation du traité, soit de toute autre
obligation internationale à l’égard de toute autre partie au traité.

152
L'état de nécessité ne peut être invoqué que pour exonérer de sa responsabilité un Etat qui n'a pas exécuté
un traité. Même si l'invocation de ce motif est justifiée, le traité ne prend pas fin pour autant; il peut être privé
d'effet tant que l'état de nécessité persiste; il peut être inopérant en fait, mais il reste en vigueur (CIJ, 25 sept.
1997, arrêt, Gabcikovo, Rec. 1997, § 101).
[La disparition ou la destruction de l'objet] ne comprend pas des cas tels que l'impossibilité d'effectuer
certains paiements en raison de difficultés financières graves (CIJ, 25 sept. 1997, arrêt, Gabcikovo,
Rec. 1997, § 102).
[L’Etat partie à un traité ne peut se prévaloir d’un autre traité conclu avec un Etat tiers pour ne pas appliquer
le premier. Il ne peut non plus invoquer l’impossibilité de re-négocier le second traité en raison de la]
situation difficile dans [le] pays tiers contractant. [En pareil cas, l’Etat doit dénoncer le second traité] (CJCE,
aff. C-170/98, 14 sept. 1999, Rec. 1999, p. I-5513).
Art. 62. - Changement fondamental de circonstances
1. Un changement fondamental de circonstances qui s’est produit par rapport à celles qui
existaient au moment de la conclusion d’un traité et qui n’avait pas été prévu par les parties ne
peut pas être invoqué comme motif pour mettre fin au traité ou pour s’en retirer, à moins que :
a) l’existence de ces circonstances n’ait constitué une base essentielle du consentement des
parties à être liées par le traité; et que
b) ce changement n’ait pour effet de transformer, radicalement la portée des obligations qui
restent à exécuter en vertu du traité.
2. Un changement fondamental de circonstances ne peut pas être invoqué comme motif pour
mettre fin à un traité ou pour s’en retirer :
a) s’il s’agit d’un traité établissant une frontière, ou
b) si le changement fondamental résulte d’une violation, par la partie qui l’invoque, soit
d’une obligation du traité, soit de toute autre obligation internationale à l’égard de toute
autre partie au traité.
Une fois convenue, la frontière demeure, car toute autre approche priverait d'effet le principe fondamental
de la stabilité des frontières dont la Cour a souligné à maintes reprises l'importance (Temple de Préah Vihéar,
CIJ, Rec. 1962, p. 34; Plateau continental de la mer Egée, CIJ, Rec. 1978, p. 36). […] Une frontière établie
par traité acquiert ainsi une permanence que le traité lui-même ne connaît pas nécessairement. Un traité peut
cesser d'être en vigueur sans que la pérennité de la frontière en soit affectée (CIJ, 3 févr. 1994, arrêt,
Différend territorial Libye/Tchad, Rec. 1994, 37).
Voy. égal. le commentaire général de l’article ci-dessous.
3. Si une partie peut, conformément aux paragraphes qui précèdent, invoquer un changement
fondamental de circonstances comme motif pour mettre fin à un traité ou pour s’en retirer,
elle peut également ne l’invoquer que pour suspendre l’application du traité.
[…] l'art. 62 […] peut, à bien des égards, être considéré comme une codification du droit coutumier
existant en ce qui concerne la cessation des relations conventionnelles en raison d'un changement de
circonstances (CIJ, 2 févr. 1973, arrêt, Compétence en matière de pêcheries, Rec. 1973, 18 et 63; id., 25 sept.
1997, arrêt, Gabcikovo, Rec. 1997, §§ 46, 99 et 104). […] pour que l'on puisse invoquer un changement de
circonstances en vue de mettre fin à un traité, ce changement doit avoir entraîné une transformation radicale
de la portée des obligations qui restent à exécuter. Il doit avoir rendu plus lourdes ces obligations, de sorte
que leur exécution devienne essentiellement différente de celle à laquelle on s'était engagé primitivement (id.,
2 févr. 1973, loc. cit., 21 et 66).
[Le changement des conditions politiques existant au moment de la conclusion du traité ne constitue un
changement fondamental de circonstances que si ces conditions étaient] une base essentielle du consentement
des parties [et si leur modification transforme] radicalement la portée des obligations qui restaient à exécuter
(CIJ, 25 sept. 1997, arrêt, Gabcikovo, Rec. 1997, § 104). Le fait que l'art. 62 soit libellé en termes négatifs et
conditionnels indique clairement que la stabilité des relations conventionnelles exige que le moyen tiré d'un
changement fondamental de circonstances ne trouve à s'appliquer que dans des cas exceptionnels (ibid.).
[L'état de guerre entre deux pays met fin de plein droit à tous les traités conclus antérieurement] (App. Liège,
17 nov. 1956, Jur. Liège, 1957, 241).
Art. 63. - Rupture des relations diplomatiques ou consulaires

153
La rupture des relations diplomatiques ou consulaires entre parties à un traité est sans effet sur
les relations juridiques établies entre elles par le traité, sauf dans la mesure où l’existence de
relations diplomatiques ou consulaires est indispensable à l’application du traité.
Art. 64. - Survenance d’une nouvelle norme impérative du droit international général (jus
cogens)
Si une nouvelle norme impérative du droit international général survient, tout traité existant
qui est en conflit avec cette norme devient nul et prend fin.
[Un traité conclu par les Pays-Bas avec une tribu du Surinam en 1762 et prévoyant, e.a., la capture par
cette tribu, des esclaves qui se seraient échappés, leur renvoi au gouverneur du Surinam moyennant payement
d’une somme de 10 à 50 florins par tête, ou la vente à ce dernier, comme esclaves, de leurs prisonniers, est
nul et non avenu en ce qu’il contrevient aux normes de] jus cogens superveniens. [Aucun traité de cette
nature ne peut être invoqué devant un tribunal international des droits de l’homme] (Cour interaméricaine des
dr. h., 10 sept. 1993, aff. Aloeboetoe et al., Series C n° 15.I/A).
3 hypothèses d’extinction ou de suspension :
- volonté initiale de parties où l’on distingue
- traité conclu pour un durée déterminée (traité CECA pour 50 ans).
- si le traité est une opération ponctuelle (fourniture d’armes, de pétrole, de certaines technologies
d’Etat à Etat), le traité s’éteindra lorsque l’objet de la convention sera exécuté.
- si le traité est conclu sous condition résolutoire : si tel événement a lieu, le traité cessera de
sortir ses effets - la Convention Politique sur les droits de la Femme prévoit qu’il cessera de sortir
ses effets si le nombre d’états membres devient inférieur à 6.

Quid si le nombre de membres devient inférieur au nombre d’Etats qu’il fallait pour son entrée
en vigueur ? La CVDT, en son art 55, nous dit que cela n’entraîne pas l’abrogation du traité, sauf
si les parties au traité en convienne.
Le retrait d’une convention internationale est souvent prévu par le traité luimême qui dit dans
quelles conditions un Etat pourra se retirer (ex. en fixant un délai de préavis). La dénonciation
d’un traité bilatéral met fin à celui-ci mais pas les traités multilatéraux (même les restreints).
Dans certaines hypothèses de traités bilatéraux, il faut l’accord des deux parties pour mettre fin
au traité. Ex. Guantanamo, base militaire américaine au sud de Cuba, alors que les deux pays sont
en guerre. Un traité avait en effet été conclu entre les deux pays et le traité prévoyait que le traité
ne pourrait être dénoncé qu’avec l’accord des deux parties. Les Américains ont systématiquement
refusé les demandes de Castro.

Quid si pas de procédure de retrait ? Certaines auteurs ont dit que dans ce cas là, le retrait d’un
traité international est impossible. Les Etats sont liés ad vitam eternam. La CVDT se montre un
peu plus souple à cet égard et prévoit une possibilité de dénonciation unilatérale s’il ressort
clairement de l’objet du traité lui-même (ex. traité de commerce ou d’alliance militaire) que les

154
parties n’ont pas voulu se lier éternellement mais que le traité dépendait essentiellement du
régime politique en place au moment où il a été conclu. Il est également impossible de dénoncer
un traité établissant une situation objective.

Quid si un Etat refuse d’appliquer un traité ? L’autre peut-il considérer que le traité a pris fin par
le fait de l’inapplication ? Non car voy. Arrêt Gabcikovo-Nagymaros : un traité a été conclu entre
la Hongrie et la Tchécoslovaquie et qui prévoyait la construction de barages et d’écluses sur le
Danube. Ces deux Etats deviennent démocratiques et des mouvements écologistes hongrois
parviennent à convaincre le gouvernement de cesser les travaux. La Hongrie viole donc ses
obligations internationales. La Tchécoslovaquie continue ses travaux mais modifie les
stipulations du traité d’une manière plus favorable pour elle. La Hongrie se plaint de cela. La
Slovaquie (état qui poursuit les obligations de la Tchécoslovaquie) aussi. L’affaire arrive devant
la CIJ, chacun des deux Etats se plaignant de l’exécution fautive de l’autre. Donc même dans un
traité bilatéral, l’inexécution des deux parties, le traité continue à sortir ses effets. La seule chose
possible est de demander à la CIJ de condamner le comportement fautif. La CIJ a donc condamné
les deux pays à respecter leurs obligations respectives.

Les parties peuvent se mettre d’accord pour mettre fin à un traité


- soit implicitement : conclusion d’un nouveau trait couvrant les mêmes matières.
- soit explicitement.

La survenance de certains évènements, de certaines circonstances


- liées au comportement des parties :
i. l’une des parties viole les obligations résultant pour elle du traité.
1. Si c’est un traité bilatéral, le fait pour une des parties met-il fin au traité ? Non (voy.supra)
mais on ne peut tolérer qu’un traité continue à exister alors que l’une des parties le viole et que
l’autre partie continue à le respecter. La CVDT a créé une procédure qui permet à l’Etat qui
continue à respecter le traité de mettre fin au traité si l’autre partie ne le respecte pas (art 65 et ss).
Un Etat n’a pas le droit de déclarer unilatéralement la fin d’un traité mais peut demander
l’abrogation de celui-ci par simple notification. Si l’autre état n’est pas d’accord, le secrétaire
général des Nations Unies va nommer une commission de 5 membres qui va tenter une
conciliation et en cas d’échec, le traité sera abrogé.

155
2. Si c’est un traité multilatéral, lorsqu’un Etat ne respecte pas les obligations résultant d’un
traité, l’idéal est qu’existe au sein de celui-ci, un mécanisme de règlement des différents (comme
dans la CE : recours en manquement ; ex. ORD dans l’OMC) L’organe juridictionnel saisi va
trancher le litige et suivant les pouvoirs qui lui sont réservés, condamner l’Etat à des astreintes ou
à des amendes (dans le cas de la CJCE) ou à accorder des compensation à ses partenaires
commerciaux (ex. OMC). Si un tel organe n’existe pas, il y aura décision politique à l’égard de
l’Etat fautif. Le traité prévoit souvent lui-même la possibilité de suspendre les effets du traité à
l’égard de celui qui ne remplit pas ses obligations (ex. cotisations non payées à une organisation
internationale : on prévoit que le traité suspendra ses effets). Le traité peut aller jusqu’à prévoir
l’exclusion de l’Etat qui reste en défaut d’appliquer le traité.

ii. Conflit armé entre deux Etats

1. Les traités bilatéraux vont être suspendus ou abrogés selon leur objet (ex. traité d’alliance
militaire abrogé). Cela dit, les traités dont l’objet est de régler des situations de conflit demeurent
d’application, tels les traités de caractère humanitaire.
2. Les traités multilatéraux : deux états membres qui rentrent en conflit n’entraîne pas d’effet
pour les autres états : le traité restera d’application pour ceux-ci mais sera suspendu,
généralement, pour les états belligérants.

Exceptions :
a. Charte des Nations Unies dont le but est de chercher à établir la paix va continuer à sortir ses
effets. Les représentants des deux Etats vont continuer à se rencontrer afin d’aboutir à une
solution diplomatique.
b. Certaines conventions internationales ne sortent leurs effets qu’à partir du moment où un
conflit éclate. C’est le cas des Conventions de Genève sur le droit de la guerre (règle par ex. le
sort des prisonniers de guerre).
c. (exception plus théorique) : les traités créant des situations objectives (traités de frontière, de
démilitarisation). Théoriquement, ils continuent à sortir leurs effets mais en pratique, à la fin
d’une guerre, des modifications territoriales ou du statut de certains territoires interviennent. Ces
nouveaux traités vont donc remplacer les anciens traités créant des situations objectives, dans la
mesure où ce n’est pas l’agresseur qui l’impose par la violence à l’agressé (dans ce cas là, la
nullité du traité pourra être prononcée et il y aura retour aux frontières antérieures).

156
- Des circonstances indépendantes de la volonté des parties

i. Disparition d’un objet essentiel à la réalisation du traité. 1. Ex. Un traité est conclu avec une île
volcanique qui disparaît. Le traité est suspendu : l’île peut réapparaître.

ii. Changement fondamental des circonstances


1. Dans certains cas, l’on admet que les traités ont une cause et que si cette cause disparaît le
traité doit lui aussi disparaître. Si une base essentielle du consentement des parties à être liés
disparaît le traité sera abrogé. Ex. Un traité est conclu entre une métropole et ses colonies. Si la
colonie accède à l’indépendance, le traité disparaîtra ipso facto. Idem pour la colonie
2. Théoriquement, les traités de frontière échappent à cette règle. Aucun changement fondamental
de circonstances ne peut être invoqué ou justifier la fin d’un traité établissant une situation
objective.

iii. Si la CIJ reconnaissait l’existence d’une nouvelle norme de ius cogens, tous les traités qui y
seraient contraires, seraient immédiatement anéantis. 1. La Hongrie demandait à la CIJ d’annuler
le traité portant sur le barrage et les écluses du Danube parce que contraire au ius cogens (dans
lequel elle incluait le droit de l’environnement). La Cour a refusé

Section VII. REGIME DES TRAITES EN DROIT CONGOLAIS

§ 1. Négociation et ratification des traités.


Le pouvoir de négocier et de ratifier des traités internationaux est dévolu au président
de la République.

Le parlement en est informé après conclusion.

§.2. Accord soumis à l’autorisation parlementaire

Le pouvoir du pouvoir de l’Etat n’est pas illimité. S’il peut en principe


négocier/ratifier les traités encore Internationaux et en informer la suite le parlement, il

157
doit avoir l’autorisation de celui-ci, pour ratifier certains traités limitativement énumérés
(Art 189 al 2 Const.) :
-Traité de paix 
-Traité de commerce
-Traité/accords relatifs aux OI 
-Traité qui engagent les finances de l’Etat 
-Traité qui modifient les dispositions de la nature législatives 
-Traités relatifs à l’Etat des personnes.

§3. Accords soumis au référendum populaire

Nulle cession, nulle échange, nulle adjonction d’un territoire n’est permise sans le
consentement du peuple Rwandais consulté/référendum.

§4. Le problème des accords a forme simplifiée

La constitution dit que le Président est informé des négociations d’accords et traités
Internationaux non soumis à la ratification.

§5. Les accords prohibés

Les accords d’installation des bases militaires étrangères au Rwanda sont interdits. De
même que les accords autorisant le transit ou le stockage des déchets toxiques et autres
matières pouvant porter gravement atteinte à la santé et à l’environnement.

§.6. Le problème de la hiérarchie des traités en Droit Rwandais.

Le Rwanda, ainsi qu’il se dégage de l’art 190 de la constitution est un pays à tradition
constitutionnelle moniste avec primauté du DIP. Cette disposition se lit ainsi : « Les
traités ou accords Internationaux, régulièrement ratifiés ou approuvés, ont ,dès leur
publication au journal officiel,une autorité supérieure à celle des lois organiques et des
lois ordinaires, sous réserve pour chaque accords ou traité, de son application par l’autre
partie ».

Deux observations s’imposent :


 Tout d’abord, la réciprocité ainsi entendue ne vaut pas en matière de traité de
caractère humanitaire (relatif au DH).
 S’il y a conflit entre la constitution et le traité, le texte est muet, discret mais il
découle de l’art 192 que lorsqu’ un engagement I le comporte une clause à la
constitution, l’autorisation de le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir
qu’après révision de la constitution.

158
Il faut en déduire a contrario que le traité est supérieur à la constitution, puisqu’il
faut modifier celle-ci pour l’adapter au traité. Mais cette conclusion n’est pas le
certaine au regards de l’art 190 qui consacre expressément la supériorité du traité
part rapport aux lois organiques et lois ordinaires et reste discret sur le sort de la
constitution.

Chapitre II. LES ACTES UNILATERAUX

Section I. ACTES UNILATERAUX DES ETATS

Les Etats posent des actes qui vont avoir des répercussions au niveau international. A l’origine,
ces actes n’engageaient nullement la responsabilité internationale des Etats mais depuis 1974,
dans l’affaire des essais nucléaires français, ils ont acquis une toute autre dimension.
Régulièrement, la France effectue des essais nucléaires près de Tahiti et l’Australie, ainsi que la
Nouvelle Zélande, en sont fort mécontentes. En 1974, ces deux pays déposent plainte devant la
CIJ. Il n’y a pas de traité international qui interdise à cette époque les essais nucléaires. Par
contre, la France avait fait une déclaration (acte unilatéral) par laquelle elle disait qu’elle n’en
ferait plus. Les deux pays demandent la condamnation de la France pour ne pas avoir respecter
cette déclaration. La CIJ va dire qu’à partir du moment où un Etat s’est exprimé publiquement et
avec l’intention de se lier, il est obligé de respecter sa parole. Cet arrêt a bouleversé la théorie des
sources du droit international public et fait que les actes unilatéraux sont considérés aujourd’hui
comme de telles sources.

Pour qu’un acte unilatéral entraîne des droits et obligations, il faut réunir certaines conditions : •
La personne qui s’est exprimée doit avoir eu la capacité de le faire (porte-parole du
gouvernement, chef de l’Etat, premier ministre >< journaliste quelconque par ex.). In casu, c’était

159
le président français qui avait fait la déclaration. Au niveau de la création des coutumes, les actes
unilatéraux des Etats jouent un grand rôle. Généralement, les faits matériels générateurs de
coutume sont à l’origine des actes unilatéraux. Lorsqu’il a fallu déterminer la largeur de la mer
territoriale qui est passée successivement de 3 à 12 mille marins, ce sont des Etats qui ont fait des
déclarations. Le fait que les Etats n’aient pas réagi à ces déclarations ou ont réagi positivement,
ont fait que sont nées ces coutumes. L’acte unilatéral crée des effets dans son chef mais peut-il le
faire dans le chef d’états tiers ? - si l’acte donne naissance à une coutume, c'est-à-dire si les autres
états se sont abstenus de réagir ou ont réagi positivement, on peut avoir création d’obligations
dans le chef d’états tiers à partir de cet acte unilatéral. - Si les états tiers s’y opposent, pas de
création de coutume et donc pas de droits et obligations. ƒ Si l’Etat limite sa liberté d’agir par la
suite, il faut que cette déclaration soit interprétée strictement et il est hors de question de chercher
à faire dire à une déclaration ce qu’elle ne voulait pas dire ou augmenter les obligations
internationales qui en découlent. NB. Le fait que la France ait été condamnée en 1974 ne l’a pas
empêché d’en refaire par la suite. Le droit international reste donc volontariste (sauf dans le cas
de la CE, par ex.).
D’après la doctrine, l’état ne peut pas revenir sur un acte unilatéral. En pratique, les Etats sont
quasi libres de faire ce qu’ils veulent. 5.

Le silence et l’acquissent comme acte unilatéral

Une série de rencontres bilatérales entre les deux gouvernements


ont eu lieu à Kinshasa, du 11 au 13 août 1997, à Kampala, du 6 au 7 avril
1998, puis à nouveau à Kinshasa, du 24 au 27 avril 1998. Cette dernière
rencontre aboutit, le 27 avril 1998, à la signature entre les deux pays d’un
protocole relatif à la sécurité le long de la frontière commune, où était
exprimé notamment le souhait «de mettre un terme à l’existence de
groupes rebelles opérant d’un côté comme de l’autre de la frontière,
c’est-à-dire dans le Ruwenzori». Les deux parties étaient convenues
que leurs armées «coopérer[aient] afin d’assurer la sécurité et la paix le
long de la frontière commune». La RDC soutient que cette phrase ne
comporte «aucune invitation ni acceptation d’aucune des deux parties
contractantes à envoyer son armée sur le territoire de l’autre ». La Cour
estime que tant l’absence d’objection à la présence des troupes ougandaises
au cours des mois précédents que la pratique observée après la
signature du protocole donnent à penser que la RDC avait accepté au
titre de celui-ci le maintien, comme auparavant, de la présence de ces
troupes. L’Ouganda a indiqué à la Cour que,
«[e]n application de ce texte, [il avait envoyé] un troisième bataillon
dans l’est du Congo, portant l’effectif de ses troupes à environ deux
mille hommes, et poursuiv[i] ses opérations militaires contre les
groupes armés dans la région, tant unilatéralement que conjointement

160
avec les forces du Gouvernement congolais».
La RDC ne l’a pas démenti, et n’a pas non plus contesté que ses autorités
avaient accepté la situation.
47. Si l’on peut raisonnablement penser que la coopération envisagée
dans le protocole impliquait une prorogation de l’autorisation accordée à
l’Ouganda de maintenir des troupes dans la région frontalière, le protocole
ne constituait pas le fondement juridique de cette autorisation ou de
ce consentement. L’origine de l’autorisation ou du consentement au franchissement
de la frontière par ces troupes remontait à une date antérieure
au protocole, et cette autorisation ou ce consentement préexistants pouvaient
par conséquent être retirés à tout moment par le Gouvernement de
la RDC, sans formalité particulière.
48. La Cour observe que, lorsque le président Kabila arriva au pouvoir,
l’influence de l’Ouganda, et surtout du Rwanda, en RDC devint
considérable. Dans ce contexte, il n’est pas inutile de noter que l’armée
congolaise comptait dans ses rangs de nombreux officiers supérieurs
rwandais et que le colonel James Kabarebe, de nationalité rwandaise,
était le chef d’état-major des FAC (forces armées de la RDC). A partir de
la fin du printemps 1998, le président Kabila chercha, pour diverses raisons,
à réduire cette influence étrangère; au milieu de l’année 1998, ses
ACTIVITÉS ARMÉES (ARRÊT) 197

Section II. ACTES DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Les actes sont posés par un organe de cette organisation internationale. Ces actes sont
subordonnés au traité et donc - doivent respecter la procédure d’adoption - peuvent On ne peut
pas imposer un traité à un Etat mais les actes des organisations internationales comportent une
série d’hypothèses qui lieront un Etat alors qu’il n’a pas voté pour lors de l’adoption de cet acte.
Il y a des transferts qui sont faits vers les organisations internationales et qui peuvent faire qu’un
Etat doive respecter des normes internationales alors que son représentant ne l’a pas accepté. Les
actes des organisations internationales peuvent être distinguées en deux types : ƒ les actes
autonormateurs : toute organisation peut adopter son règlement de fonctionnement interne
(barêmes, statuts de fonctionnaires, conditions de fonctionnement, possibilité de créer des
organes subsidiaires). Ce règlement peut être invoqué par une fonctionnaire de l’administration
qui s’en estime victime devant la juridiction compétente pour trancher ce litige. Ex. litige entre un
fonctionnaire et une organisation devant TPI ou devant la CJCE

Les actes hétéronormateurs : ceux qui visent à régler les rapports entre l’organisation
internationale et ses états membres. L’on distingue deux types d’actes hétéronormateurs : - Actes
à caractère obligatoire : les décisions i. Force exécutoire directe (pas besoin d’être incorporées
dans le système juridique interne des Etats membres) : elles peuvent être invoquées comme telles

161
dès qu’il y a litige. 1. le règlement communautaire et la décision: dans les organisations
d’intégration poussées, certains actes seront adoptés et obligatoires tout en ne nécessitant pas
d’incorporation dans l’ordre juridique interne 2. les actes visant à régler le statut des espaces
internationaux. Ex. Antarctique, les Hauts fonds marins. On voit mal les états adopter des
législations relatives à ce sujet. Ces normes restent donc dans la sphère du droit international et
ne pénètrent donc pas dans l’ordre juridique interne 3. les décisions du Conseil de Sécurité des
Nations Unies. Lorsque le Conseil de sécurité des nations Unies a décidé de créer le TPI, les Etats
membres n’ont pas eu à acter cette création dans leur législation. De même quand le CS décrète
un embargo ou autorise une intervention militaire, pas besoin de législation interne. ii.
Incorporation, Transcription, etc. Deux hypothèses sont possibles. 1. Obligatoire. Ex. la directive
communautaire 2. Non Obligatoire.

Ex. les règlements de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI). L’OACI adopte
une série de règlements en ce domaine (pas de fouilles dans les bagages, etc.). Si les Etats
acceptent, ils engagent leur responsabilité internationale. Sinon, aucune responsabilité
internationale ne pourra être invoquée. Ex. L’OIT. Adoptées par un organe composé pour chaque
état membre de deux représentants du gouvernement, d’un représentant patronal et un syndical,
les conventions collectives de l’OIT doivent être acceptées par l’organe législatif compétent dans
les 18 mois. Si cet organe ne veut pas, on en reste là. Tous ces actes peuvent avoir des effets sur
des Etats membres ou sur les personnes privées ou morales se trouvant sur le territoire de ces
états. Les destinataires peuvent être, dans le cadre des règlements communautaires, des personnes
morales ou privées. L’Etat doit l’accepter et n’a pas la possibilité d’en dispenser certains de son
application et doit même, parfois, veiller à la bonne application de ces normes. Pour OACI, celle-
ci a la pouvoir d’autoriser ou non une compagnie aérienne à opérer sur le territoire international.
Cette autorisation ou non est adressée directement à la compagnie. - Actes à caractère facultatif
(dépourvus de caractère obligatoire) : les recommandations (= soft law) Pas de possibilité de
créer des droits et obligations dans le chef d’états sur base de ces recommandations. Il n’est donc
pas possible de poursuivre un Etat pour ne pas avoir respecter une telle recommandation. On
propose simplement aux Etats membres d’adopter certaines attitudes mais le fait de ne pas
l’adopter ne peut entraîner la responsabilité internationale

Face à une recommandation, les Etats ont une obligation : l’examen de bonne foi. Cette notion de
bonne foi est assez différente de celle examinée lors de l’examen des traités (bonne foi pour les

162
traité = ne rien faire pour entraver la bonne application du traité). Ici, la notion de bonne foi est
vidée de toute substance. La recommandations a quelques conséquences - pas de reproches par
une organisation si un Etat respecte la recommandation d’une autre organisation. - rôle important
dans l’élaboration de la coutume : elles permettent dans certaines hypothèses de déterminer
l’existence ou non d’une opinio juris (surtout assemblée générale de l’ONU) - Dans certaines
hypothèses, même s’ils savent qu’ils ne courrent aucun risque, les Etats respectent malgré tout les
recommandations de certaines organisations internationales (ex. Union Internationale des
Télécommunications qui distribue les différentes bandes disponibles pour la radio et la télévision
sous forme de simples recommandations)

163
SECTION II. LES VRAISSEMBLANCES OU LES POSSIBILITES

Hors l’Etat et l’organisation, nombreux sont les acteurs qui se pressent sur la scène
internationale, sans pour autant bénéficier d’une qualité – au moins incontestée – de
sujet de droit. Le Saint-Siège – Vatican fait seul notablement exception à cet égard, mais
c’est comme Etat que, fût-ce au prix de la fiction, une personnalité propre lui est
reconnue.

Il n’est pas inutile de s’y attarder quelque peu.

$ 1. LES SOUVENIRS ETATIQUES

C’est un passé étatique qui explique au premier chef la personnalité juridique dont se
revendiquent, à tort ou à raison, deux entités particulières : le Saint-Siège - Vatican et
l’Ordre de Malte.

a) Le Saint-Siège – Vatican

A l’origine du droit des gens, le papa était le chef d’un Etat (« les Etats pontificaux »)
dont la personnalité était incontestée, quelque que fut à certains égards l’étrangeté de
son organisation politique.

Cette qualité étatique est demeurée incontestée jusqu’en 1870, même si l’Etat a connu
certaines vicissitudes, singulièrement lors de la révolution française qui le vit république
(1798-1801) avant qu’il ne devienne momentanément partie de l’empire napoléonien
(1809-1814)

L’unification italienne entraîne en 1870 la disparition des Etats pontificaux. Approuvée


par un plébiscite, l’annexion de Rome au royaume d’Italie est en effet proclamée par la
loi du 31 décembre 1870. L’Italie n’en reconnaître pas moins à la papauté le bénéfice de

164
certains privilèges et immunités (loi des garanties du 13 mai 1871). Les Etats étrangers
continueront par ailleurs à entretenir avec elle des rapports diplomatiques, même si le
pape se claquemure dans le plaisir de Latran d’où il ne cesse de protester contre la
conquête italienne.

Le conflit persistera jusqu’à la signature, le 11 février 1929, des Accords de Latran, dans
lesquels l’Italie reconnaît apparemment deux sujets de droit international distincts : le
Saint-Siège et l’Etat de la Cité du Vatican.

Depuis lors, d’innombrables constructions ont été présentées pour justifier cette dualité.
La plus usuelle voit dans le pape le chef de deux sujets de droit qui seraient en union
personnelle et dont l’un (la Cité du Vatican) serait un Etat.

Il faut douter de bien-fondé de cette construction, non parce que le Vatican est exigu ou
bizarre, au vu des canons étatiques, mais parce que ses fonctions ou sa vocation sont
l’antithèse de celles de l’Etat au sens du droit des gens. Il est plus probable que la
personne de droit soit l’Eglise, qu’elle ait pour gouvernement le Saint-Siège dont le chef
est la Pape et qu’elle ait bénéficié d’une garantie territoire (la Vatican) pour pouvoir
exercer en toute quiétude et effectivité ses missions.

Quoi qu’il en soit, la personnalité juridique du Saint-Siège – Vatican est incontestable ;


elle s’exprime notamment dans la conclusion de nombreux accords, qu’ils aient
(concordats) ou non un objet religieux.

b) L’Ordre de Malte

Ordre militaire et hospitalier reconnu dès 1113 par le Pape, l’Ordre de Malte n’est à
l’origine qu’une confrérie religieuse au service des Lieux Saints.
L’écroulement des royaumes francs à la suite de la perte de Tyr et de St Jean d’Ancre par
les croisés (1291) conduira l’Ordre à se réfugier à Chypre avant de s’emparer de l’île de
Rhodes (1309) où il demeura jusqu’à la conquête turque (1522). C’est au lendemain de
celle-ci que l’Ordre s’établit dans l’île de Malte, dont le territoire lui fut cédé par Charles-
Quint (1530).

165
L’ordre exerça une manière de souveraineté territoriale sur l’île de Malte jusqu’à la fin
du XVIIIе siècle. En 1798, Bonaparte s’empara de l’île. Il en fut rapidement chassé par
les anglais (1800) qui s’y maintinrent jusqu’à la proclamation d’un Etat maltais
indépendant (1962). Chassé de l’île en 1798, l’Ordre de Malte n’y reviendra plus. Etabli à
Rome depuis 1834, il poursuit depuis lors des tâches purement humanitaires.

Jusqu’à l’abandon de l’île de Malte, la personnalité internationale de l’ordre est


difficilement contestable, quelles qu’en soient les particularités.
Depuis lors, elle paraît en revanche largement sujette à caution. D’aucuns, même de nos
jours, n’en persistent pas moins à l’affirmer et font état à cette fin des accords
« internationaux » conclus entre l’Ordre et l’Italie, des privilèges quasi diplomatiques
dont ses représentants bénéficient dans quelques Etats, ainsi que de la reconnaissance
que ceux-ci accordent aux passeports qu’il délivre. Appui est également trouvé dans une
sentence cardinalice du 24 janvier 1953 qui affirme la «  souveraineté » de l’ordre de
Malte sous la dépendance du St Siège.

Il faut douter néanmoins qu’il y ait là effectivement un sujet de droit international,


quelle que soit l’autonomie dont l’Ordre de Malte bénéficie au sein de l’ordre canonique
de l’Eglise catholique et quelle que soit la courtoisie particulière que manifestent
plusieurs Etats à son endroit. Nul ne contestera cependant que les appréciations
d’effectivité soient en l’occurrence particulièrement délicates.

$2. LES DEGRADATIONS ETATIQUES

Sous le vocable « dégradations étatiques », sont visées des situation très diverses,
souvent chargées d’histoire, qui ont en commun de mettre en cause des entités qui, sans
être pleinement des Etats, ne peuvent en être totalement dissociées.

Il serait vain et fastidieux d’analyser dans le détail toutes ces situations, l’une après
l’autre. On se contentera dès lors de souligner que globalement deux hypothèses peuvent
être distinguées. L’une – dite constitutionnelle – regroupe des entités dépourvues, en
vertu des règles d’un droit interne, des attributs habituels de l’Etat ; l’autre –
internationale – rassemble des Etats dont la souveraineté serait ne quelque sorte limités

166
par l’effet de règles du droit international, et singulièrement de traités qu’ils auraient
conclus.
Ceux-ci ne seraient plus tout à fait des Etats au sens du droit des gens, alors que celles-là
ne le seraient pas encore, l’intérêt étant, dans l’un et l’autre cas, de vérifier s’il y a place, à
côté de l’Etat, pour d’autres personnalités à connotation étatique.

A. L’HYPOTHESE CONSTITUTIONNELLE

Dans une mesure variable, chaque Etat moderne laisse à certaines entités en son sein la
responsabilité de gérer certaines affaires qui leur sont propres.
La décentralisation n’est pas seulement administrative ; elle peut être aussi « politique »,
comme dans les fédéralisme ou régionalisme qui ont aujourd’hui tendance à se
multiplier.

Les formes sont en l’occurrence très variées, tant il est vrai qu’il n’y a pas du fédéralisme
ou du régionalisme un modèle autorisé. Dans toutes ces hypothèses, il est néanmoins
constant que l’entité infra-étatique (fédérée, régionale,…) dispose d’un pouvoir propre en
certaines matières, qu’elle entend également exercer dans les relations internationales.
Les revendications se font d’ailleurs de plus en plus vives à ce propos (Québec,
Communautés et Régions en Belgique, …).

Ce qui est habituellement réclamé, c’est un pouvoir autonome de conclure des


« traités », qui compléterait naturellement une autonomie « législative » interne.
Implicitement au moins, d’autres revendications « internationales » sont néanmoins
formulées (responsabilité, accès à la juridiction, …). Assez naturellement, les entités
fédérées ou régionales en viennent ainsi à revendiquer une qualité autonome de sujet du
droit des gens. Celle-ci demeure à ce jour très incertaine, sinon franchement inexistante.
Quoi qu’il en soit, il importe de s’entendre sur l’importance qu’il convient d’accorder
respectivement au droit des gens et au droit interne dans cette personnification.

Il appartient au droit (constitutionnel) interne de conférer à des entités infra-étatiques


les moyens d’une autonomie (ressort territorial, pouvoirs, ….) sans laquelle toute
personnification internationale est vide de sens. Dès l’instant où le droit des gens laisse à
chaque Etat le soin de s’organiser comme il l’entend, c’est à cet Etat seul qu’il appartient

167
de décider de la mesure dans laquelle il laisse en dessous de lui coexister des autorisés
plus ou moins autonomes.

Il appartient au droit des gens seul de décider s’il accorde ou non une personnalité
propre à des entités infra-étatiques le droit constitutionnel a donné les moyens d’une
autonomie internationale. Dans un système où l’octroi de la personnalité n’obéit pas à
des critères formels, cette personnification se vérifie à l’effectivité d’une présence comme
sujet du droit des gens dans les relations internationales. A ce jour, une telle effectivité
ne se constate pas, quelles que soient les revendications de certaines entités qui
multiplient les comportements ambigus.

Qu’une entité fédérée ou régionale ne soit pas sujet du doit des gens, n’implique pas
qu’elle ne puisse voir aucune « conduite » internationale propre. Faute d’être celle d’un
sujet autonome, distinct de l’Etat, cette conduite sera alors celle d’un organe de cet Etat,
dans la mesure où le droit interne de celui-ci le permet. La compréhension des textes
constitutionnels est néanmoins parfois délicate à ce propos, singulièrement dans les
Etats fédéraux qui sont nés de la fusion intervenue entre plusieurs sujets de droit
auparavant indépendants (Suisse).

Aucune constitution n’accorde de ce point de vue un pouvoir illimité de conclure des


traités à une autorité « régionale ». Quand ce pouvoir n’est pas réservé en monopole à
l’autorité « centrale », celle-ci doit au moins autoriser celle-là à conclure des traités dans
des matières qui sont limitativement énumérées. Tout autre conclusion ne se
comprendrait à dire vrai guère. C’est en effet à l’autorité ‘centrale’ qu’il appartient de
définir une politique étrangère dont le traité pourrait mettre en cause la cohérence et
c’est à elle aussi qu’il incombera de répondre envers l’Etat co-contractant des violations
éventuelles de celui-ci. La méconnaissance des limites ainsi apportées au treaty making
power de l’autorité ‘régionale’ est en principe sanctionnée de nullité, au moins lorsqu’il y
a violation ‘manifeste’ d’une règle de droit interne ‘d’importance’, au sens de l’article 46
de la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités.

B. L’HYPOTHESE INTERNATIONALE

168
A l’hypothèse constitutionnelle fait écho une hypothèse « internationale », regroupant
divers Etats qui, quoique sujets du droit des gens, ne paraissent plus présenter de l’Etat
tous les attributs. On a parlé à leur propos d’Etats à souveraineté (capacité) limitée. Si
l’on excepte des constructions purement doctrinales (Etats divisés, non reconnus, …) ou
des « accidents » historiques révolus (Etats vassaux, indigènes, …), deux situations
doivent être de ce point de vue principalement distinguées.

a) Le régime conventionnel objectif

Il est des traités par lesquels un de ses signataires renonce, en apparence au moins, à
exercer à l’avenir l’un ou l’autre de ses attributs étatiques. La neutralité et le protectorat
en offrent de bons exemples.

i) Le protectorat

Le protectorat est un régime conventionnel par lequel un Etat charge un autre Etat de le
représenter internationalement et obtient en contrepartie la garantie d’une protection,
interne ou internationale, particulière. Les protectorats français sur le Maroc (1881-
1955) ou la Tunisie (1912-1956) en offrent les exemples les plus célèbres.

Ce rapport de représentation ne souffre normalement pas discussion, rien n’empêchant


en principe un Etat de se faire internationalement représenter par un autre. De soi, il n’y
a pas lieu de subordonner l’opposabilité aux tiers du protectorat ainsi compris à quelque
reconnaissance particulière, même si des considérations exclusivement politiques
peuvent expliquer des (non) reconnaissances dépourvues d’effet juridique spécifique.

Formellement, l’Etat sous protectorat conserve sa qualité de sujet du droit des gens,
ainsi que l’a souligné la C.I.J. dans l’affaire relative aux droits des ressortissants des
Etats-Unis d’Amérique au Maroc (Rec., 1952, pp. 176 ss.).
Théoriquement, la conclusion est certaine. Dans la pratique, sa vérification est toutefois
compliquée par le contexte colonial qui e entouré la plupart des protectorats modernes
et qui a rendu souvent aléatoire la distinction à établir entre protectorat et annexion. En
toute hypothèse, il est d’ailleurs évident que l’effectivité d’un Etat dont une autorité
étrangère assure totalement la représentation est pour le moins sujette à caution.

169
Avec le protectorat au sens précité, il ne faut pas confondre

- le régime de protection spéciale ou ‘rapprochée’ dont bénéficient certains


Etats particulièrement exigus (voy. Monaco et la France, Saint-Marin et
l’Italie,….) ;
- le régime international particulier dont bénéficient certains territoires
démunis de toute personnification autonome (voy. La principauté d’Andorre,
territoire français sur lequel l’évêque espagnol d’Urgel exerce des compétences
particulières) ;
- les distinctions établies par le colonisateur entre diverses possessions
coloniales bénéficient d’un statut constitutionnel diversité, sans pertinence
particulière en droit des gens (voy. le British Protectorates, Protected States
ans Protected Persons Order in Council, n° 140 (1949), qui distingue
‘protectorats’ (Aden, Iles Salomon, …) et ‘Etats protégés’ (Brunei, Maldives,
Emirats du Golfe persique, Tonga, …).

ii) La neutralité

La neutralité est un régime conventionnel par lequel un Etat s’engage envers un autre
Etat à ne participer à aucun conflit armé international, et obtient le cas échéant en
contrepartie la garantie de son intégrité territoriale et de son indépendance politique.
S’agissant de la Suisse, la pratique de neutralité est d’une ancienneté telle que d’aucuns y
voient une règle coutumière.

Il importe peu que cet accord soit exprimé en bonne et due forme dans un traité (en ce
qui concerne la Belgique, voy. Les traités de 1831 et 1839), ou qu’il résulte exclusivement
de la conjonction d’une offre et de son acceptation par les tiers (s’agissant de l’Autriche,
voy. le mémorandum de Moscou du 15 avril 1955 et la loi autrichienne de neutralisé).
L’important demeure qu’il y ait engagement en droit, ce qui distingue la neutralité du
neutralisme (Suède, …) ou du non-alignement (Yougoslavie, …).

La neutralité n’implique pas seulement que l’Etat s’abstienne de prendre part à des
hostilités ; elle interdit aussi, dès le temps de paix, à l’Etat neutre de participer à des

170
alliances ou autres organisations, même purement économiques (CEE, …), qui
pourraient à terme l’impliquer dans un conflit.
On ne saurait néanmoins considérer que la neutralité est incompatible avec une
admission aux Nations Unies, la force à l’emploi de laquelle l’Etat neutre peut en pareil
cas être associé assurant la défense des intérêts généraux de la communauté
internationale. La neutralité n’implique par ailleurs pas la démilitarisation de l’Etat,
même si elle lui interdit peut-être la possession de certains armements.

On ne confondra pas la neutralité permanente du temps de paix avec la neutralité


occasionnelle du temps de guerre qui, sous la réserve de la légitime défense collective,
oblige les tiers à demeurer neutres dans le conflit particulier qui oppose deux Etats et
dont le régime est, pour l’essentiel, fixé dans les conventions de la Haye de 1907. Dans la
pratique moderne, une situation dite de non-belligérance semble néanmoins avoir
supplanté la neutralité d’antan. En toutes hypothèses, le respect des règles de neutralité
est aujourd’hui devenu particulièrement aléatoire.

iii) Liberté ou capacité ?

Dans l’un et l’autre cas, l’Etat a accepté certains engagements particuliers.


La question reste de savoir si, ce faisant, il s’est contenté de limiter pour l’avenir sa
liberté d’agir ou si, s’auto-mutilant en quelque sorte, il a véritablement réduit sa capacité
d’agir. Si cette seconde branche de l’alternative est fondée, l’Etat aurait à proprement
parler une souveraineté ou une capacité limitée et ne serait plus pleinement identique à
l’Etat au sens du droit des gens. Mutatis mutandis, c’est ce à quoi conduit très
exactement, dans les Communautés européennes, une jurisprudence attentive au
caractère définitif et irrévocable du transfert de souveraineté auquel les Etats auraient
procédé en ratifiant les traités de Rome et de Paris.

Logiquement, l’une ou l’autre solution peut se défendre, même s’il est techniquement
plus difficile d’expliquer la réduction de la capacité à laquelle conduit une manière
d’objectivation des engagements. Dans la pratique, on ne constate toutefois pas que des
Etats aient accepté d’autres limitations que celles de leur liberté, sous la réserve de
fictions pures et simples. C’est dans l’illicéité et non dans la nullité que doit en

171
conséquence être trouvée la sanction de comportements qui méconnaîtraient la
neutralité, le protectorat, … ou toute autre situation analogue.

On notera que certains fédéralismes sont expliqués par les limitations que des Etats
fédérés préexistant à la fédération se seraient réciproquement consenties. Le résidu de
capacité internationale qui en découle permettrait de donner un statut juridique
indiscuté à des actes de nature et de portée imprécises (voy. par ex. les accords de
Lindau en Allemagne fédérale).

b) Les micro-Etats

N’imposant à la population ou au territoire d’un Etat aucun seuil quantitatif, le droit des
gens ouvrait la porte aux Etats exigus. Races à l’origine (Saint Marin, Lichtenstein, …),
l’Assemblée générale des Nations Unies ayant porté à l’indépendance des entités dont le
territoire et la population étaient extrêmement réduits (Tuvalu, …). Ces micro-Etats sont
sans difficulté devenus membres des Nations Unies, leur qualité étatique d’ailleurs l’effet
plutôt que la condition de cette admission.

Sans l’Organisation des Nations Unies, ces Etats, tout formellement souverains et égaux
qu’ils soient, éprouveraient assurément bien de la peine à participer aux affaires du
monde. Ils n’en compliquent pas moins son fonctionnement, en déformant les majorités
qui s’y dégagent. Les problèmes qu’ils posent à ce titre sont à l’étude depuis longtemps
(pondération, votes groupés, …) ; ils ne sont pas prêts toutefois d’être résolus.

Malgré les doutes que suscite leur viabilité, la personnalité juridique de ces micro-Etats
ne souffre pas discussion, pas plus que leur qualité étatique. Au moins virtuellement,
leur existence même confirme toutefois l’intérêt qu’il pourrait y avoir à personnifier dans
une société internationale organisée des collectivités politiques qui ne présenteraient
plus, faute de pouvoir pleinement les exerces, tous les attributs de l’Etat.

On rappellera que c’est à tort sans doute que l’Etat de la Cité du Vatican est
traditionnellement considéré comme un micro-Etat. Le Saint-Siège-Vatican est en effet
une personne dont la nature intrinsèque paraît très éloignée de l’Etat, fût-il
particulièrement exigu.

172
$ 3. LE PEUPLE

Longtemps, le peuple n’a désigné en droit des gens que la masse des personnes,
nationales ou étrangères, sur lesquelles s’exerce le pouvoir de l’Etat.

Cette ‘population’ pouvait très exceptionnellement avoir été l’objet de réglementations


particulières. Elle ne constituait cependant aucunement un sujet de droit autonome.

Il importe peu à cet égard que l’Etat se qualifie le cas échéant de ‘peuple’ à des fins que
seule quelque grandiloquence paraît expliquer (voy. le préambule de la Charte de San
Francisco, manifestent inspiré de la Constitution américaine : « Nous, peuple des
Nations Unies, … avons décidé d’associer nos efforts … »).

L’indifférence traditionnelle du droit des gens envers le peuple paraît cependant


aujourd’hui abandonnés, la Charte des Nations Unies affirmant en son article 1, $2,
« l’égalité de droits des peuples et … leur droit à disposer d’eux-mêmes », sans que l’on
ait toutefois de ces droits une perception très claire.

173
a) La nation polonaise et tchécoslovaque

Durant la 1ère guerre mondiale, les alliés reconnurent l’existence d’une ‘nation’ polonaise
et d’une « nation » tchécoslovaque. Ces nations étaient représentées par un comité
national, exerçant en quelque sorte les fonctions d’un gouvernement.

Cette reconnaissance a permis d’organiser en toute autonomie une armée polonaise et


une armée tchécoslovaque dans la lutte contre les puissances de l’axe. Il s’en déduisait
théoriquement quelque personnification d’une « nation » représentée par un ‘comité’,
jouissant de prérogatives propres dans le cadre d’une co-belligérance (drapeau,
juridiction, …) et habilité à traiter à cette fin (voy. par ex. l’accord du 28.9.1918 entre le
gouvernement de la République française et le Conseil national tchécoslovaque sur le
statut de la nation tchécoslovaque en France).

Ces comités avaient respectivement pour objectif la restauration d’une Pologne


indépendante, disparue lors du 3 ème partage de 1795 entre l’Autriche, la Prusse et la
Russie, et la création d’une Tchécoslovaquie indépendance, à ce jour sans passé étatique
autonome. Dès la conférence de la pais (1919), la Pologne et la Tchécoslovaquie
n’hésiteront d’ailleurs pas à transformer leur reconnaissance comme nation en une
reconnaissance d’Etat anticipée ou, du moins, en la reconnaissance d’un Etat en
gestation.

Faut-il souligner que l’autonomie d’un peuple, un instant entrevue, disparaît en pareille
hypothèses ?

b) Les minorités

Appelés à organiser la paix, les vainqueurs de la 1 ère guerre mondiale s’efforcèrent de


redessiner la carte de l’Europe après avoir démantelé ces ensembles pluri-nationaux
séculaires que constituaient l’Autriche-Hongrie et l’empire ottoman.

A ces ensembles furent substitués tant que faire se peut des Etats nationalement
homogènes. Pour grande qu’elle ait été, l’habilité des négociateurs ne fut pas suffisante
toutefois pour éliminer toute minorité dans les Etats nouvellement configurés, malgré

174
les solutions extrêmes qui furent parfois envisagées (voy. la convention du 30 janvier
1923 sur l’échange des populations grecques et turques). Conscients des excès auxquels
exposait la logique même du nationalisme, les négociateurs organisèrent en conséquence
un régime de protection de ces minorités (traités de Versailles, Saint-Germain, Neuilly,
Lausanne, …) impliquant à la fois.

- l’indentification de groupes minoritaires par référence principalement à la


« nation », l’ « ethnie », la « race », la « langue » ou la « religion » ;

- la définition de droits au profit des minorités, fussent-ils plus ‘culturels’ (créer et


contrôler des institutions charitables ou religieuses, utiliser sa propre langue, …)
que politiques ;

- l’organisation d’un système de contrôle du respect de ces droits, placé sous la


garantie de la Société des Nations.

Fût-il seulement ‘minoritaire’, le ‘peuple’ ou le groupe devient virtuellement en pareille


perspective un sujet de droit autonome, titulaire de droits qu’il peut être appelé à faire
valoir internationalement contre l’Etat dont ses membres sont les ressortissants.
Pratiquement, le système mis au point dans les traités de paix n’a toutefois guère
fonctionné. Les dispositions qui l’organisaient sont rapidement devenues lettre morte,
en manière telle que la personnalité latente des peuples qu’elles impliquaient n’a connu
aucune actualisation.

A la différence du pacte de la S.D.N., la Charte de l’O.N.U. est totalement muette sur les
droits des minorités. A ce jour, ceux-ci demeurent à peu près totalement méconnus sur
le plan international (voy. cependant l’article 27 du pacte des Nations Unies sur les
droits civils et politiques), sous la seule réserve de la convention du 9 décembre 1948 sur
la prévention et la répression du crime de génocide qui condamne les actes ‘commis dans
l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux comme tel’ (article 2).

Depuis la seconde guerre mondiale, les Etats se sont certes attachés à sauvegarder les
droits fondamentaux de la personne humaine, au nombre desquels figure celui de ne

175
pas être victime de discriminations arbitraires. Il est regrettable cependant qu’ils aient
tiré parti de la protection accrue de ces droits individuels pour nier la question des
minorités, à la seule fin – sans doute illusoire – d’ignorer les revendications politiques
inhérentes à la reconnaissance d’un groupe minoritaire. Au lendemain de la pérestroïka,
du retour de l’Europe socialiste à la démocratie libérale et de la dislocation de l’U.R.S.S.,
ainsi que de la Yougoslavie, voire de la Tchécoslovaquie, une attention tout à fait
nouvelle est néanmoins prêtée aux droits de ces minorités, dont le respect conditionne la
survie d’Etats plurinationaux.
Certain ‘engagement’ ont été pris sur ce point dans le cadre de la CSCE.
Une convention est par ailleurs à l’étude au sein du Conseil de l’Europe, à ce jour, aucune
disposition contraignante n’a toutefois été acceptée. On notera que les projets en
discussion paraissent exclure les minorités « nationales », tout en limitant le bénéfice de
la protection aux personnes ayant la nationalité de l’Etat en cause (exclusion des
immigrés). Il semble par ailleurs acquis que les dispositions envisagées ne seront pas
soumises au contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme (ou à un contrôle
juridictionnel analogue), des formules plus ‘politiques’ ayant, au moins provisoirement,
la faveur des experts.

c) Le régime des mandats

Dépouillant l’Allemagne de ses possessions coloniales et réduisant l’Empire ottoman à la


Turquie devenus kémaliste, les négociateurs des traités de paix qui mirent fin à la 1 ère
guerre mondiale ne consentirent pas à distribuer entre les vainqueurs des territoires
qu’ils refusèrent de considérer comme ‘sans maître’ au sens du droit des gens. Ils
jugèrent toutefois impossible d’accorder immédiatement l’indépendance à des
populations qu’ils estimaient insuffisamment développées pour se gouverner elles-
mêmes sans plus attendre.
Aussi confièrent-ils l’administration de leur territoire à des « nations développées »
(européennes), à charge pour celles-ci de les conduire à l’indépendance. C’est le
« mandat ». Le mandant est en l’occurrence la Société des Nations et le mandataire l’Etat
qui a reçu de celle-ci la charge d’administrer un territoire particulier, ce mandataire
étant tenu de rendre régulièrement compte de sa gestion à l’Assemblée générale de la
S.D.N.

176
L’article 22 du pacte de la Société des Nations a organisé trois types de mandat : A (Irak,
Liban, Palestine, Syrie), B (Cameroun, Rwanda-Urundi, Togo, Tanganyika) et C (Sud-
Ouest africain, Nauru, Samoa, …), en fonction du degré de développement atteint par les
populations intéressées. Les mandats de type A, promis à une proche indépendance,
s’accompagnaient d’une autonomie interne étendue, alors que les mandats de type C ne
se distinguaient guère, sinon formellement, des colonies. C’est en vain que l’on a cherché
à placer certaines populations (Arménie, …) sous un mandat dont aucun mandataire n’a
voulu.

Dans le mandat, l’identification du peuple n’a obéi à aucun critère précis ; on parle
d’ailleurs indifféremment de peuples, populations, territoires, communautés, … Dans
une logique coloniale, ce sont des découpages administratifs ou territoriaux qui ont été
seuls pris en considération pour organiser le système. Celui-ci ne s’accompagne par
ailleurs pas ouvertement de l’affirmation des droits dont jouirait une collectivité
populaire, même si l’on insiste sur la ‘mission sacrée de civilisation’ qui incombe au
mandataire. Il est présomptueux à ce titre d’affirmer que le mandat a vu apparaître un
nouveau sujet sur la scène internationale. Il est vrai qu’activement, celui-ci ne s’est
aucunement manifesté. Il n’empêche que le bénéfice en son chef d’une qualité de sujet
du droit des gens, même purement passive, paraît la seule explication raisonnable des
solutions données en droit à certains problèmes techniques particuliers (souveraineté
territoriale, …).

La charte de l’O.N.U. a substitué au mandat un régime de tutelle, les titulaires d’un


mandat S.D.N. étant invités à conclure avec les Nations Unies un accord de tutelle. A
défaut d’accord, le régime du mandat subsiste, la C.I.J. ayant jugé qu’en pareil ces les
fonctions de contrôle, auparavant dévolues à la Société des Nations, devaient être
exercées par les Nations Unies (voy. l’avis en l’affaire du statut international du Sud-
Ouest africain, Rec., 1950, pp. 137-139). En 1966, l’Assemblée générale a rompu le
mandat exercé par l’Afrique du Sud sur le Sud-Ouest africain (rés. 2145 (XXI)),
considérant que le mandataire manquait gravement à ses obligations. A la suite de cette
décision, dont la légalité a été confirmée par la C.I.J. (voy. l’avis du 21 juin 1971, Rec., pp.
16 ss.), les Nations Unies ont décidé de prendre en charge elles-mêmes l’administration
du Sud-Ouest africain, rebaptisé Namibie. Un Conseil des Nations Unies pour la
Namibie a été chargé d’exercer en la matière, sous la responsabilité de l’Assemblée

177
générale, les fonctions du mandataire déchu. L’Afrique du Sud n’a néanmoins pas mis
fin à son occupation, devenue parfaitement illégale, du territoire namibien, malgré les
injonctions du Conseil de Sécurité. Cette occupation illégale a persisté jusqu’à l’accession
de la Namibie à l’indépendance, le 21 mars 1990.

d) Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Lénine et Wilson furent sans doute les plus fervents partisans du droit des peuples au
lendemain de la 1ère guerre mondiale. Ce que recouvrent concrètement ce droit demeure
néanmoins confus, même si l’on accepte que, selon les termes du président Wilson, les
peuples ne peuvent « faire l’objet de marchés » ni être les « simples pions d’un jeu »
(discours au Congrès du 11 février 1918). La formule : « droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes » ne se retrouve au demeurant pas dans le pacte de la Société des Nations,
même si d’autres instruments y font plus ou moins directement écho.

La charte des Nations Unies est en revanche sans ambiguïté sur ce point. En ses articles
1. $2, et 55, elle affirme en effet « l’égalité des droits des peuples et … leur droit à
disposer d’eux-mêmes ». Depuis lors ce droit sera maintes fois réaffirmé, notamment
dans de multiples résolutions légiférentes de l’Assemblée générale des Nations Unies
(voy. surtout la résolution 2625 (xxv) sur les relations amicales et la coopération entre
les Etats) ou dans les pactes des Nations Unies portant respectivement sur les droits
civils et politiques et sur les droits économiques et sociaux {rés. 2200 (XXI) (1966) de
l’Assemblée générale}.

La consécration semble ainsi décisive. Elle l’est sans doute. On est loin toutefois de
s’accorder unanimement sur son exacte portée.

i) L’intention initiale

Quelle était l’intention réelle des rédacteurs de la Charte lorsqu’ils affirmèrent le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Il est difficile de le savoir avec certitude, tant il
demeure extraordinaire à l’époque, malgré les précédents de la S.D.N., d’affirmer une
personnification de peuples distincts des Etats.

178
On peut certes considérer que les « peuples » visés aux articles 1 et 55 ne sont rien
d’autre que des Etats qui se cachent sous une appellation populaire.
Cela n’aurait à dire vrai rien de très étonnant puisque le préambule de la Charte débute
par ces mots : « Nous, peuples des Nations Unies, … ». Le droit des peuples ne serait en
conséquence que le droit des Etats, ce droit ne souffrant d’ailleurs contestation même si
l’utilité de son rappel aux articles 1 et 55 n’apparaît guère.

Telle ne semble toutefois pas avoir été la volonté des négociateurs de la Charte, comme
en témoigne le rejet, à San Francisco, d’un amendement belge qui cherchait à substituer
le terme ‘Etat’ au terme « peuple », dans l’article 1er , pour dissiper toute équivoque.
L’amendement fut repoussé à une forte majorité, ce qui confirme assurément que la
volonté était bien de garantir le droit des peuples et non celui des Etats.

Quel est ce peuple et quels sont ses droits ? Il est difficile de le préciser, au vu des débats.
Au lendemain des atrocités nazies, l’idée est sans doute que toute population a le droit de
ne pas être aveuglement soumise à un gouvernement qui abuse de sa force. Il s’en faut de
beaucoup toutefois qu’on en ait une compréhension très claire.

ii) Le droit du peuple colonial à devenir un Etat indépendant.

Quel qu’en fût le contenu, le droit des peuples demeura dans un premier temps
parfaitement lettre morte au sein d’un système qui se voulait strictement interétatique.

Au lendemain de la conférence de Bandung, l’évolution a néanmoins été rapide.


En quelques années, le droit des peuples est devenu une des clefs des relations
internationales. Initialement invoqué pour faire techniquement échec à l’exception du
domaine réservé (guerre d’Algérie), le droit du peuple à disposer de lui-même devient le
droit des colonies de devenir indépendantes de leurs métropoles européennes
(occidentales).

L’action des Nations Unies présente en la matière deux aspects essentiels. Le premier est
normatif. Il consiste à affirmer le droit des ‘pays et peuples coloniaux’ à l’indépendance,
sur la base d’une interprétation des articles 1 et 55 de la Charte. Cela sera fait dès 1960
dans la fameuse résolution 1514 (XV) et inlassablement répété depuis lors, non point

179
seulement comme une règle transitoire liée à une situation historique particulière mais
comme un principe fondamental des relations internationales. Le second est
institutionnel. Il consiste à mettre en place un mécanisme permettant de gérer
l’entreprise de démantèlement. Celui-ci sera très tôt installé, le Comité dit des 24 ou de
la décolonisation y jouant un rôle privilégié sous la tutelle ultime de l’Assemblée
générale.

A ce jour, l’œuvre est à peu près totalement achevée ; elle l’était déjà pratiquement dès
les premières années de la décennie 1970, seuls quelques rares territoires demeurant
aujourd’hui dans des liens de dépendance coloniale normalement appelés à disparaître.
Le succès est, faut-il le souligner, remarquable, les Nations Unies ayant en une dizaine
d’années réussi à démanteler complètement des empires coloniaux parfois séculaires.

On rappellera que les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies n’ont pas
comme telles force obligatoire. Il n’est pas contestable toutefois que les règles qu’elles
énoncent en ces matières soient aujourd’hui devenues coutumières, ainsi que l’a
d’ailleurs précisé la CIJ. Votées à des très larges majorités, ces résolutions véhiculent par
ailleurs une interprétation particulièrement autorisée, même si elle n’est pas à
proprement parler authentique, de la Charte de San Francisco.

Il est intéressant de s’interroger au terme de cette évolution sur la signification juridique


précise du ‘droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ‘.

1. Le peuple.

D’entrée de jeu, l’Assemblée générale a réduit considérablement la portée de l’article 1,


$2, en limitant ses faveurs aux peuples coloniaux. Ce qui ne peut que compliquer à priori
la détermination de ses bénéficiaires puisque non content de déterminer ce qu’est un
peuple, il faut encore vérifier s’il est ‘colonial’.

Dans la résolution 1514 (XV), l’Assemblée générale vise la « sujétion … à une


subjugation, à une domination et à une exploitation étrangère ». La formule est restée
substantiellement inchangée par la suite, même si l’épithète « raciste » est souvent

180
adjoint. Nul ne contestera que cela demeure particulièrement vague. Ces ambiguïtés
subsisteront néanmoins, nonobstant les efforts faits aux Nations Unies pour les dissiper.

La difficulté de la définition n’a cependant pas retardé l’Assemblée générale, dans son
programme de décolonisation. Soucieuse d’identifier plutôt que de définir, celle-ci a
présumé coloniaux les territoires « géographiquement séparés et ethniquement ou
culturellement distincts du pays qui (le) administre » (rés. 1541 (XV) 1960).
Concrètement, sont ainsi pour l’essentiel visées les possessions européennes d’outre-
mer, conquises durant l’expansion coloniale du XIX è siècle. Quelles que soient les
incertitudes d’une définition abstraite, il n’y a, pour qui accepte cette problématique,
aucune difficulté à identifier les bénéficiaires de la décolonisation.

Reste à savoir ce qu’est peuple, même si l’on sait qui est colonial. La tâche est plus
compliquée. Il ne suffit plus en effet de circonscrire une aire de conquête ; il faut encore
identifier ce qui, dans ces espaces, peut-être qualifié de « peuple » et bénéficier de
l’autodétermination. Et l’on revient à la question, jusqu’alors insoluble, de la définition
du peuple. Les Nations Unies ne s’en embrasseront guère. Poursuivant la politique
inaugurée par la Société des Nations à propos des mandats, elles utiliseront en la matière
un critère purement territorial : seront réputés peuples, pour les besoins de la
décolonisation , les territoires tels qu’ils avaient été circonscrits par les colonisateurs,
nonobstant l’artifice des regroupements humains qui en est résulté. L’Assemblée
générale fera preuve en l’occurrence d’une rigueur implacable, les dérogations
(Cameroun) à la règle demeurant exceptionnelles.

On peut regretter que le territoire ait en l’occurrence totalement caché le peuple. Il faut
reconnaître cependant que toute autre solution eût exposé les Nations Unies à des
difficultés de « sélection » inextricables, paralysant la décolonisation. Si la Charte parle à
l’article 1. $ 2, de « peuples », elle vise, au demeurant, à l’article 73 les « territoires non
autonomes ». Ce sont ces territoires que l’Assemblée générale s’est efforcée avec succès
d’identifier, après leur avoir réservé le bénéfice de l’autodétermination.

La dernière difficulté fut parfois d’identifier le représentant du peuple colonial


bénéficiaire de l’autodétermination, singulièrement lorsque la décolonisation

181
rencontrerait des oppositions. Aucun critère précis ne paraît avoir été en l’occurrence
déterminant. Dans leur recherche d’un indispensable porte-parole, les Nations Unies se
sont exclusivement inspirées de critères politico-idéologiques, sans avoir égard à
l’effectivité ou à la légitimité d’un pouvoir. Leur reconnaissance a été discrétionnaire,
l’Assemblée générale s’étant le cas échéant appuyée sur des organisations régionales
pour l’accorder, et singulièrement sur l’O.U.A {voy. la rés. 2198 (XXVII)} ou sur la Ligue
arabe
{voy. la rés. 3102 (XXVIII)} en Afrique et au Proche-Orient.
Cette reconnaissance paraît moins que jamais un acte juridique ; plus que jamais
pourtant, elle revêt une portée politique fondamentale tant il est vrai qu’il n’y a guère de
salut possible, dans le cadre de la décolonisation, sans une bénédiction des Nations
Unies.

Dans la pratique, cette reconnaissance onusienne a très largement supplanté les


reconnaissances individuelles.

2. « Disposer de soi-même »

Les termes : « disposer de soi-même » peuvent avoir a priori de multiples significations.


Dans le cadre de la décolonisation, les Nations Unies n’en ont retenu qu’une seule :
parvenir à l’indépendance. Le droit à l’autodétermination est ainsi devenu celui d’être
indépendant du colonisateur, et il représente un devoir autant qu’une faculté,
nonobstant les quelques plébiscites où l’on sauvegarde un apparent respect de la volonté
des populations. Tous autres sens possibles seront écartés.

A côté de la création d’un Etat souverain, la résolution 1514 (XV) ou la résolution 2625
(XXV) envisagent certes «  l’intégration avec un Etat indépendant ou l’acquisition de
tout autre statut politique librement décide ». Force est cependant de reconnaître que,
dans la pratique, le résultat de l’autodétermination fut quasi toujours la formation d’un
Etat autonome par voie de sécession. Cela dit, l’obligation de consulter le peuple colonisé
a été en principe affirmée par la CIJ dans son avis relatif au Sahara occidental (Rec.,
1975, p. 33).

182
A l’article 19 du projet d’articles de la Commission du droit international sur la
responsabilité des Etats, il est précisé que le maintien par la force d’une domination
coloniale constitue un « crime international » (voy. infra).

3. le « droit » des peuples

Si les peuples ont un droit, fût-il seulement d’eux-mêmes, ils bénéficient assurément
d’une personnalité juridique propre, tant il est vrai qu’un droit ne peut exister sans un
sujet qui en soit titulaire.

La conclusion est a priori certaine. Elle n’en laisse pas moins songeur.

La pratique internationale témoigne sans doute possible de l’existence en l’occurrence


d’une obligation des Etats : celle de l’Etat colonisateur d’accorder l’indépendance et celle
des Etats de concourir à cette décolonisation. Cette obligation n’est pas, beaucoup s’en
faut, sans importance ; elle permet en effet de déroger à certaines règles bien établies en
droit des gens, comme la non-intervention.

La pratique internationale atteste aussi que les guerres de libération nationale, c’est-à-
dire les luttes suscitées par la décolonisation (colonies portugaises, …), sont des conflits
internationaux auxquels le droit de la guerre est en principe de plano applicable (voy. la
résolution 3103 (XXVIII) sur le statut juridique des combattants dans les conflits
coloniaux et l’article 1er du premier protocole additionnel (1977) aux conventions de
Genève sur le droit humanitaire).

S’ensuit-il véritablement que les peuples soient sujets de droit ? La difficulté est sans
doute de trouver effectivement trace de cette personnalité dans la pratique
internationale (accords, relations quasi « diplomatiques »,…). Ces traces font en
effet très largement défaut. Font seuls exception à cet égard les peuples contraints par
une longue lutte à s’implanter plus concrètement dans les rapports internationaux
(peuple palestinien et O.L.P., peuple saharoui et Polisario). Même en ce cas, il demeure
toutefois difficile de faire la part respective du politique et du juridique. Force est par
ailleurs de constater qu’une attention instinctive à affirmer anticipativement l’Etat

183
conduit à tuer prématurément le peuple. On notera à cet égard que la RASD est membre
de l’OUA depuis le 12 novembre 1984, et que la Palestine fut dès l’origine membre de la
Ligue arabe, même s’il a fallu attendre le 15 novembre 1988 pour que la naissance d’un
Etat palestinien soit officiellement proclamée.

iii) Le droit des peuples non coloniaux

La fascination exercée par la décolonisation laisse quelque peu dans l’ombre la condition
des peuples non coloniaux.

De la pratique des Nations Unies, il ressort clairement que les peuples qui ne sont pas ou
qui ne sont plus coloniaux ne bénéficient pas du droit à l’autodétermination entendu
d’un droit à l’indépendance (Allemagne, Irlande, Biafra, Katanga, Kurdes, Erythrée,
Tamoul, …). La fragilité des constructions étatiques issues de la décolonisation ne peut
d’ailleurs que renforcer en cette matière l’inclination d’une majorité à l’Assemblée
générale à revenir à une application stricte de la règle du domaine réservé.

Le droit de sécession n’épuise certes pas tout le droit à l’autodétermination, comme le


démontre l’intention, même confuse, des rédacteurs de la Charte de garantir aux peuples
quelque « bon » gouvernement. Cela dit, si l’on excepte la question de l’apartheid en
Afrique du Sud, rien, dans la pratique des Nations Unies, ne confirme à ce jour que le
droit des colonies à devenir indépendantes.
Cette réduction du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes à un incident de la
décolonisation n’est cependant aucunement commandée, faut-il le préciser, par les
termes ou l’esprit de la Charte des Nations Unies.

e) Droit au développement, à la paix, … ?

S’agissant des individus, un souci d’accroître la sauvegarde des droits fondamentaux


pousse aujourd’hui à l’affirmation de droits dits de la 3ème génération, conçus en termes
particulièrement larges (droit au développement, à la paix, à un environnement sain, …).

184
D’aucuns n’hésitent pas à soutenir que ces droits sont également les droits des peuples et
des Etats, comme l’affirme d’ailleurs expressément la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples (article 22).

On peut se réjouir de ce que le champ des droits offerts aux peuples soit ainsi étendu. Il
n’en est pas moins vrai que
- le contenu effectif de ces droits est à ce point vague qu’on voit mal comment leur
conférer quelque portée utile ;
- le peuple, qui en serait titulaire, échappe à toute indentification, hors une
assimilation dommageable à l’Etat.

On dira que l’affirmation anticipe heureusement un développement du droit


international. Dans l’immédiat, le risque n’en est pas moins qu’à force de fournir au
peuple des leurres, on range aussi parmi les chimères, sous le prétexte des obscurités du
développement, de la paix, … la limite indéniable que, fût-ce encore dans le vague, son
droit à l’autodétermination apporte à la prétention de l’Etat de le subjuguer totalement.
Le danger est aussi que, sous couvert du droit de l’Etat au développement, on en vienne à
légitimer les entorses que celui-ci entendrait apporter, sous le prétexte de ses exigences
fondamentales, aux droits de l’homme ou du peuple. La conquête de ceux-ci est trop
récente et trop fragile pour qu’il y ait quelque intérêt à prendre le risque de les sacrifier à
l’Etat, déjà particulièrement favorisé par le système international actuel.

Section 1. NOTIONS GENERALES SUR LES TRAITES

§1. Définition

Il est généralement admis en doctrine que par traité il faut entendre tout accord de volonté entre
deux ou plusieurs sujets de droit international voulant se lier en droit. En d’autres termes, un
accord de volonté par lequel deux ou plusieurs Etats ou OI entendent créer, modifier ou
supprimer un rapport juridique. Le traité est ainsi en droit international l’équivalent du
« contrat » que connaissent tous les droits internes.

185
La convention de vienne sue le dorit des traités définit le traité comme accord accord
international conclu par écrit entre Etats et régi par le dorit international, qu’il soit consigné dans
un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa
dénomination particulière (art. 2).

Quelques précisions s’imposent sur la portée de cette convention !

- Elle ne s’applique qu’aux conventions en la forme écrite, à l’exclusion des accords


verbaux ou des conjonctions d’actes unilatéraux qui, pourtant, demeurent juridiquement
valides au regard du caractère non formaliste du droit international.
- Elle ne couvre pas les conventions passés entre OI ou entre celles-ci et les Etats.
- Elle est elle-même une convention et par conséquent soumis à la règle de l’effet relatif des
traités.
- Cependant, la CVDT est pour l’essentiel une codification ou une systématisation des
règles coutumières préexistantes. Ainsi, aucune des limitations susmentionnées ne
l’empêche d’être utilisée aujourd’hui comme un véritable code du droit des traités, à
l’exception de quelques règles novatrices tel l’article 53 relatif au jus cogens.
- La Convention de Vienne du 23 mai 1969 a été complétée par celle du 21 mars 1986
portant sur les traités passés par les organisations internationales. Celle-ci est une
adaptation qui s’est largement inspirée de celle-là.

§1. Classification des traités

Plusieurs critères président à la classification des traités :


- Classification suivant l’objet du traité (militaire, commercial, diplomatique, etc.),
- Classification suivant le champ d’application géographique ( universel, régional, etc.)
- Classification suivant le nombre des parties (traité bilatéral, traité multilatéral, traité
ouvert, traité fermé …)
- Classification suivant la qualité des parties ( Etats, OI, …)
- Classification suivant la forme des traités (traités en forme solennelle et traités en forme
simplifiée)
- Etc.

Deux méthodes de classification des traités paraissent s’imposer en doctrine. La première prend
en considération les aspects intrinsèques des traités, leur contenu ou leur fonction juridique ; on
parle dans ce cas de classification matérielle. Dans cette hypothèse on distingue les traités lois
des traités-contrats. La seconde s’intéresse aux variables extrinsèques des traités et donne
naissance à des classifications formelles (traités bilatéraux et traités multilatéraux.

a) Traité-contrat et traité-loi

C’est la distinction la plus classique en doctrine mais aussi la plus controversée. Les traités-loi
sont celles qui posent des règles générales, des règles d’intérêt collectif. Les traités relatifs à la
protection des droits de l’homme ou, en termes généraux, ceux de caractère humanitaire dont
l’article 60 par. 5 de la CVDT précise qu’il ne peut y être mis fin ou que leur application ne peut

186
être suspendue au prétexte de violation substantielle par l’autre partie en constitue l’exemple hors
controverse.

A l’occasion de l’affaire des réserves à la convention sur le génocide, la CIJ, dans son avis
consultatif, a souligné que celle-ci « vise d’une part à sauvegarder l’existence de certains groupes
humains, d’autre part à confirmer et à sanctionner les principes de morale le plus élémentaires ».
Dans une telle convention, précise la cour, les Etats contractants n’ont pas d’intérêts propres ; ils
ont, tous et chacun, un intérêt commun, celui de préserver les principes supérieures qui sont la
raison d’être de la convention ».99

Les traités-contrat sont ceux qui consacrent une opération juridique au contenu matériel et
subjectif. La plus part des traités bilatéraux sont des traités contrat. Ex. les traités relatifs aux
échanges commerciaux, etc.

b) Traité bilatéral et traité multilatéral

Les traité bilatéraux sont ceux qui unissent deux sujets de droit international. C’est la catégorie la
plus ancienne de traités apparue dans la pratique interétatique.

Les traités multilatéraux unissent plusieurs (en tout cas plus de deux) sujets de dorit international.
Une sous catégorisation distingue les conventions multilatérales restreintes qui sont proches des
traités bilatéraux des conventions multilatérales générales.

Toutes les qualifications qui précèdent ont une protée limitée.

§2. Traité et accord non juridique

Il est de la nature des traités, on l’a vu, de produire des engagements juridiques régis par le droit
international. En ceci, les traités se distinguent d’une panoplie de « textes » rencontrés dans la
pratique contemporaine qui, bien que concertés, n’expriment pas un accord en droit de leurs
signataires. Ils reoivent en doctrine des appelations variées : gentlemen’s agreements,
communiqué conjoint, MOU (Memorandum of understanding ie memorandum ou Protocole
d’entente) , déclarations ou résolutions, acte final d’une conférence etc. Ces textes sont des
accords de caractère politique, sans obligation juridique en découlant. Les exemples les plus
souvent cités sont : la Charte de l’Atlantique de 1941, l’Acte final de la conférence sur la sécurité
et la coopération en Europe d’Helsinki de 1975 et son prolongement de 1990 par la Charte de
Paris pour une nouvelle Europe, Déclarations communes à l’issue d’entretiens entre responsables
politiques de deux ou plusieurs Etats, etc.

Quel est le critère qui permet d’établir si l’accord est ou non juridique ? Il est de pur fait : la
volonté des parties. Il suffit que les parties n’aient pas voulu se lier en droit.

Quid lorsque les parties ne font pas clairement connaître leurs intentions ? La nature de l’acte ou
de la transaction dont il est fait état, les termes employés et les circonstances dans lesquelles
99
Avis consultatif du 28 mai 1951, Affaire des réserves, Rec. 1951, p. 23.

187
l’accord a été élaboré sont des critères retenus par la CIJ pour répondre à cette question. Cette
jurisprudence ne résout pas le problème car en effet dans l’hypothèse sous examen les « termes
employés » ne révèlent pas clairement quelle a été l’intention des parties contractantes100.

Si l’accord sous examen ne lie pas juridiquement, rien n’interdit qu’il oblige politiquement dès
l’instant où les engagements sont incontestables. On sait que les contraintes politiques sont
déterminantes dans la conduite des relations internationales.

La règle de bonne foi peut-elle rendre juridiques ces engagements purement politiques ? Certes,
interprétée à la lumière du contexte politique cher aux relations interétatiques le principe de
bonne foi implique que les parties respectent les promesses qui ont été échangées. Elle ne saurait
toutefois pas rendre « juridiciser » a priori un accord que se veut par nature politique. La bonne
foi préside à l’exécution des conventions ; elle ne s’y substitue pas. La bonne foi présuppose une
obligation ; elle ne suffit pas à la créer.101

§2. Traité et contrat

L’Etat, sujet majeur du dort international, s’engage par traité avec un autre sujet majeur de droit
international.

En revanche, il s’engage par contrat, comme sujet de droit national avec une autre personne de
droit interne. Incorporation des règles de droit international dans le contrat. Soumission de la
validité du renvoi au droit interne applicable au contrat. Non transformation du sujet de droit
interne en sujet de droit international.

Traité entre sujets de droit des gens et incorporations des règles de droit interne. Ce n’est pas
exclu. Bipolarité de l’Etat (sa personnalité participe à deux ordres juridiques différents interne et
international)102.

Section 2. LA CONCLUSION DES TRAITES

Le droit international n’est pas formaliste. La volonté des Etats est souveraine en matière de
conclusion des traités. Il se dégage de ces deux postulats qu’il n’y a pas de procédure qui soit
obligatoire pour la conclusion d’un traité ni de disposition d’ordre public (jus cogens) qui doivent
en cette matière être respectées. Il y a ainsi théoriquement autant de techniques de conclusion des
traités qu’il plaît aux parties d’en imaginer. Il suffit qu’elles paraissent utiles. Il se dégage
toutefois de la pratique internationale que les solutions suivies par les Etats pour la conclusion
des traités sont généralement très proches. Une procédure traditionnelle de conclusion des traités
(par. 1) que vient bouleverser l’existence d’accords en forme simplifiée (par 2) se fait jour.

100
Affaire du Plateau continental de la mer Egée, 19 déc. 1987, Rec. P. 40.
101
J. VERHOEVEN, Op.cit. p. 373.
102
Ibid. p. 374.

188
§1. La procédure traditionnelle

Il est question ici d’examiner les phases qui permettent progressivement aux Etats de se mettre
d’accord sur le texte qui les obligera comme traité (B). Cela suppose que l’on s’accorde
préalablement sur les personnes habilitées à conclure le traité au nom et pour le compte de l’Etat
(A).

1.1. Le pouvoir de conclure des traités

C’est à chaque Etat qu’il appartient de déterminer discrétionnairement quel est parmi ses organes
celui auquel revient le treaty- making power. C’est là le corollaire d’une règle bien établie
d’après laquelle l’Etat est libre de s’organiser comme il l’entend.

Au-delà de l’organe il importe de préciser quelle est la personne à laquelle il revient de prendre
concrètement les diverses mesures indispensables pour qu’un traité soit conclu. La question n’est
pas sans intérêt pratique car si cette personne est sans pouvoir à cet effet, le traité devrait
normalement être déclaré nul. Le principe n’est toutefois pas absolu ainsi que nous le verrons
plus loin (ex. hypothèse de la confirmation ultérieure de l’acte accompli sans autorisation, art. 8
CVDT).

1.1.1. Lettres de pleins pouvoirs

§2. Les accords en forme simplifiée

Section 3. LA VALIDITE ET LA NULLITE DES TRAITES

§1. Les causes de la nullité

1. L’incapacité ?

2. Les vices de consentement

a) Incompétence ?
b) L’erreur (art. 48)
c) Le dol (art. 49)
d) La corruption (art. 49)
e) La contrainte (art. 51 et 52)

3. L’illicéité l’objet (art. 53)

§1. La procédure de la nullité

189
« Pas de nullité sans juge » est un principe de droit bien connu. Son utilité est incontestable : il
permet de soustraite les contestations pourtant sur un accord aux caprices des parties. Les Etats
occidentaux ont milité, sans succès, pour qu’il soit consacré par la convention de Vienne sur le
droit des traités. En réalité, cette règle s’appliquerait difficilement dans l’ordre juridique
international qui ne connaît pas de juridiction obligatoire.

La Convention de Vienne a cependant mis sur pied des dispositions procédurales qui prennent à
compte les spécifiés des relations internationales et du droit qui les régissent. Examinons-les.

1. Le principe général

Originalité de la Convention de Vienne : le cheminement qu’organise ses articles 65 et 67.


L’objectif est manifestement de parvenir à un accord entre les Etats intéressés, au terme d’un
dialogue dont le calendrier est fixé d’avance avec une relative précision. Voici le cheminement :

- L’Etat qui invoque la nullité doit notifier par écrit (art. 67, par. 1er )sa prétention aux
autres parties, en en faisant connaître les raisons (art. 65, par 1er )
- Acceptation présumée de cette prétention par les autres parties faute pour celles-ci d’avoir
formulé des objections dans un délai « qui, sauf (…) urgence particulière, ne saurait être
inférieur à une période de trois mois à compter de la réception de la notification (art. 65,
par. 2)
- Obligation de résoudre pacifiquement, en cas d’objection, le différend que la nullité
suscite (art. 65, par. 3).
2. Le jus cogens

Section 4. LES EFFETS DES TRAITES

Le traité engage, en principe, les seuls Etats qui y sont parties (&1). Il n’est toutefois pas exclu
qu’il produise des effets à l’égard d’Etats tiers (& 2).

§1. Les effets des traités entre parties

A. Du caractère obligatoire des traités

D’après une règle coutumière codifiée par la Convention de Vienne sur le des traités - Paca sunt
servanda – tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécutée par elles de bonne foi (art.
26). Avant sa consécration conventionnelle la règle avait déjà été rappelée par la CIJ en 1952 à
l’occasion de l’affaire de ressortissants américains au Maroc, où il fut jugé que les parties sont
tenues d’exécuter un traité de bonne foi et raisonnablement.

190
Le traité lie ainsi chacun des Etats parties à l’égard de l’ensemble de son territoire à moins
qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie (art. 29).

Signalons que compte tenu du principe de la continuité de l’Etat, les changements dans l’autorité
ayant conclu le traité sont, en principe, sans effets sur les traités conclus au nom de l’Etat. Ce
raisonnement mérite toutefois d’être nuancé en face des changements révolutionnaires dans la
structure de l’Etat lesquels posent quelques problèmes particuliers dans la pratique.103

Un Etat peut-il invoquer son droit interne pour ne pas appliquer un traité ? D’évidence non. Il
ressort clairement de l’article 27 de la Convention de Vienne qu’un Etat ne peux pas exciper de
son droit interne pour ne pas respecter ses obligations découlant d’un traité qui le lie. C’est là une
consécration du principe de la primauté du traité sur le droit interne dans les rapports
internationaux. La règle a été rappelée par la CIJ, dans l’affaire de l’accord de siège Etats-Unis /
ONU à propos du bureau de l’OLP à New York (avis consultatif, 1988).

Il va de soi qu’un traité s’impose aux différents organes de l’Etat ; autorités législatives104,
exécutives et juridictionnelles. Il en découle que l’Etat est tenu de se doter d’une législation
permettant l’exécution d’un traité, sous peine de voir sa responsabilité internationale engagée.
Cette dernière serait de même mise en jeu si une autorité refusait d’appliquer un traité,même pour
un motif légitime au regard du droit interne ( cas du traité non publié).

Quid de la question de l’effet direct des traités à l’égard des individus ? En principe l’individu ne
relève pas directement du droit international qui ne s’applique à lui que par le relais du droit
interne. Les traité ne créent de droits qu’au profit des hautes parties contractantes et non à l’égard
des particuliers, à moins que telle ait été l’intention des parties. Il ne créent normalement

Section 5. LA MODIFICATION DES TRAITES

Section 6. SUSPENSION, EXTINCTION ET TERMINAISON DES TRAITES

Troisième partie

RESPONSABILITE INTERNATINALE ET REPARATIONS


103
On mentionnera par exemple l’attitude du gouvernement soviétique, après 1917, reniant les traités conclus par les
tsars ; suspension de Cuba par l’OEA, en 1962, après la prise du pouvoir par Fidel Castro – institutionnalisation de
cette procédure, en 1992, par le Protocole de Washington.
104
CIJ, Affaire de la tutelle des mineurs, 1958.

191
Les sources du droit international (coutumes, principes généraux, traités, actes
unilatéraux) et leur régime juridique étant connus, il faut à présente déterminer les
conséquences juridiques de la violation des règles primaires qu’elles renfermeraient.
Comme dans tout ordre juridique, en droit international les sujets de droit engagent leur
responsabilité lorsque leurs comportements portent atteinte aux droits et intérêts des
autres sujets. C’est dire que les Etats et les organisations internationales engagent leurs
responsabilités lorsqu’ils transgressent les règles prescrites ou manquent à leurs
obligations internationales. La violation d’une règle de droit primaire entraine la
responsabilité (règle secondaire) et l’obligation de réparer.

Chapitre Ier LA RESPONSABLITE INTERNATIONALE DES ETATS ET DES


ORGANISATIONS INTERNATIONALES

La violation par un Etat ou une Organisation internationale d’une obligation internationale qui lui
encombre engage sa responsabilité internationale et entraine l’obligation de réparer. C’est là la
spécificité de la règle juridique dont la violation engendre ipso jure de nouvelles relations
juridiques entre l’auteur de la violation et la victime. Comme l’a souligné Dominicé :«
L’institution de la responsabilité pour fait illicite est au cœur de tout ordre juridique. S’il n’existe
pas de règles définissant les effets juridiques d’une violation du droit, la notion d’ordre juridique
est vide de sens, car il n’y a pas de différence entre le comportement conforme au droit et celui
qui ne l’est pas. »105

Section I. GENERALITES SUR LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE

Notion : la responsabilité internationale s’entend des relations juridiques naissant de la violation


du droit international par un quelconque de ses sujets (Etat ou OI) faisant naitre à la charge de
l’auteur de violation une obligation de réparer et en faveur de la victime un droit subjectif de
recevoir réparation.

Pour reprendre la disctincion de Robert Ago, les règles relatives à la respnsabité sont des règles
secondaires quiinterviennent en cas de manquement aux regles primainres ie celles qui
définissent le contenu des obligations internaitnales dont la violation engge la responsablité .
Elles visent à définir les «  conditions générales que pose le droit international pour que
l’État soit considéré comme responsable d’actions ou omissions illicites, et aux conséquences
juridiques qui en découlent »106.

105
Ch. Dominicé, « Observations sur les droits de l’État victime d’un fait internationalement illicite », in L’ordre
juridique international entre tradition et innovation. Recueil d’études, P.U.F., 1997, p. 261, cité par A. PELLET,
Remarques sur la jurisprudence récente de la C.I.J. .dans le domaine de la responsabilité internationale ; in
Perspectives du droit international au 21 ieme siècle, Liber amicorum Christian Dominicé, Martinus Nijhoff
Publisher, 2012, p.321.
106
CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, 2001, p. 61.

192
Le siège de la matière c’est le projet d’article de la CDI qui poru reprendre Robert Ago visent à
préciser «les principes qui régissent la responsabilité des États pour faits illicites internationaux,
en maintenant une distinction rigoureuse entre cette tâche et celle qui consiste à définir
les règles mettant à la charge des États les obligations dont la violation peut être cause
de responsabilité… [D]éfinir une règle et le contenu de l’obligation qu’elle impose est
une chose et établir si cette obligation a été violée et quelles doivent être les suites de
cette violation en est une autre33.»

La CDI a une conception large de la responsabilité : « Tout fait internationalement illicite de


l’Etat, engage sa responsabilité internationale ». Au sens ce cet article ce concept « recouvre les
relations qui, selon le droit international, naissent du fait internationalement illicite d’un État,
qu’elles se limitent au rapport existant entre l’État auteur du fait illicite et un seul État lésé, ou
qu’elles s’étendent aussi à d’autres États ou même à d’autres sujets de droit international, et
qu’elles soient centrées sur des obligations de restitution ou de réparation ou qu’elles donnent
aussi à l’État lésé la possibilité de réagir en prenant des contre-mesures »107.
Cela dit, le fait que, selon l’article premier, tout fait internationalement illicite d’un État engage la
responsabilité internationale de celui-ci ne signifie pas que d’autres États ne puissent pas aussi
être tenus pour responsables du comportement en question, ou du dommage qui en résulterait. En
effet, un même comportement peut être attribuable à plusieurs États à la fois108. De même, un seul
et même État peut être responsable du fait internationalement illicite d’un autre, par exemple si ce
fait a été commis sous sa direction et son contrôle109. Néanmoins, le principe de base du droit
international est que chaque État est responsable de son propre comportement en ce qui concerne
ses propres obligations internationales.110

Il sied de rappeler le principe de l’unicité du régime de la responsabilité pour fait


internationalement illicite qu’elles s’appliquent aux Etats (sujets fondamentaux du droit des gens)
ou aux organisations internationales (sujets dérivés). On sait depuis l’affaire de la Réparation des
dommages subies au service des Nations Unies que l’ONU, et par ricochet toute organisation
internationale, est  «est un sujet de droit international,… a capacité d’être titulaire de droits et
devoirs internationaux et … de se prévaloir de ses droits par voie de réclamation
internationale111». En outre, comme l’a rappelé la Cour, la responsabilité de l’Organisation peut
être engagée pour la conduite de ses organes ou de ses agents 57. Somme toutes, la responsabilité
pour fait illicite est un attribut essentiel de la personnalité juridique internationale. Cela n’exclut
toutefois pas mais que des considérations particulières s’appliquent à la responsabilité des autres
personnes juridiques internationales non étatiques112.

La CDI a codifié les règles de droit international sur la responsabilité des Etats pour fait
internationalement illicite ( travaux de la CDI – A/RES/56/83) et sur la responsabilité des
organisations internationales (A/CN.4/L.778, 2ème lecture 2011). Ses projets d’articles c’est de la
doctrine, elles ne sont pas juridiquement contraignantes à ‘égard des Etats tant que ceux-ci ne les
ont pas encore acceptées sous forme de traité dument conclu. Cela dit, les dispositions des
107
Ibid, p. 69.
108
Voy. Projet d’article de la CDI, chapitre II
109
Ibid, chapitre IV,
110
Ibid.
111
C.I.J., Recueil 1949, p.179.
112
Sur la responsabilité des OI, voy. Art. 57 et le Projet d’article sur la responsablité des OI.

193
articles de la CDI ne sont pas pour autant dépourvus de conséquences juridiques voire de
caractère juridiquement contraignant, comme dans le cas où elles sont déclaratives de droit
coutumier ou de principes généraux du droit ou même lorsqu’elles reflètent l’assentiment de
l’Etat à leur égard pour les avoir adopté sans objection. Dans ce cas, le principe de bonne foi
obligent que les Etats qui ont adopté ces dispositions sans objection s’en tiennent à leur prescrit
dans leurs relations réciproques.

Si l’Etat victime de la violation ou celui à qui incombe le manquement à ses obligations


internationales doit réparation à l’Etat lésé il ne faut pas en déduire que les relations juridiques
qui naissent de la survenance d’un fait internationalement illicite sont exclusivement bilatérales,
c’est-à-dire n’existent qu’entre l’État responsable et l’État lésé. En effet, comme l’a relevé la
CDI, «  il est de plus en plus généralement reconnu que certains faits illicites engagent la
responsabilité de l’État en question envers plusieurs États, ou un grand nombre d’États, ou même
envers la communauté internationale dans son ensemble ». La Cour internationale de Justice a
apaisé, si elle n’a pas clôt, la controverse doctrinale qui sévissait sur la question lorsqu’elle a
indiqué à l’occasion de l’affaire de la Barcelona Traction, qu’: «une distinction essentielle doit
… être établie entre les obligations des États envers la communauté internationale dans son
ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d’un autre État dans le cadre de la protection
diplomatique. Par leur nature même, précise-t-elle, les premières concernent tous les États. Vu
l’importance des droits en cause, conclut-t-elle, tous les États peuvent être considérés comme
ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés; les obligations dont il s’agit étant
des obligations erga omnes » 113

Il s’agit là de ce que chacun doit à tous et ce que tous doivent à chacun. En accord avec le
commentaire de la CDI : « Chaque État, du fait qu’il appartient à la communauté internationale, a
un intérêt juridique à ce que certains droits fondamentaux soient protégés et certaines obligations
essentielles respectées ». aux yeux de la Cour, ces obligations erga omnes découlent par exemple
«de la mise hors la loi des actes d’agression et du génocide mais aussi des principes et des règles
concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection contre la
pratique de l’esclavage et la discrimination raciale». 114 C’est là une actio popularis ouverte à tous
les membres de la Communauté internationale des Etats dans son ensemble lorsque ces droits
sont violés.

Section II. LES CRITERES DE LA RESPONSABLITE INTERNAITONALE


Pour que la responsabilité internationale soit établie, il faut qu’il y ait tout d’abord un fait
internationalement illicite, c’est-à-dire un manquement (par action ou par omission) de l’Etat (ou
mutatis mutandis de l’OI), à ce qui est requis de lui en vertu d’une règle de droit internationale
qui le lie quelle qu’en soit la nature (coutumière, conventionnelle, …). Le comportement
internationalement illicite doit donc être attribuable voire imputable à un sujet de droit
internationale ( Etat ou OI) agissant en la personne de ses organes ou de ses agents de jure ou de
facto. Cela dit les circonstances particulières qui entourent le manquement à une obligation
113
C.I.J., Recueil, 1970, p. 23 par 33.
114
Outre Barcelona il faut voir Timor oriental (Portugal c. Australie), C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29;
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 258, par. 83; Application de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 1996,
p. 615 et 616, par. 31 et 32.

194
internationale ou la commission d’un acte illicite peut en exclure l’illicéité. En tout état de
cause, le dommage et le lien de causalité entre celui-ci et la violation du droit international reste
requis.

C’est le lieu de souligner que la responsabilité internationale se satisfait de la simple violation du


droit international et ne se soucie guère de la faute (substitue laïque du péché) à inverse du droit
interne qui requiert le lien de causalité le fait dommageable et la faute (art. 258 du code civil livre
III)115.

1. Le fait internationalement illicite


Notion
« Il y a fait internationalement illicite de l’État lorsqu’un comportement consistant
en une action ou une omission:
a) Est attribuable à l’État en vertu du droit international; et
b) Constitue une violation d’une obligation internationale de l’État ». (art. 2 CDI)

Il en découle deux conditions pour qu’un comportement (une action ou une omission) déterminé
puisse être qualifié de fait internationalement illicite. La première condition est le comportement
en question doit être attribuable à l’État d’après le droit international et la deuxième condition est
que ce comportement doit constituer une violation d’une obligation juridique internationale qui
était alors à la charge de cet État quelle qu’’en soit la nature ou la source. Sur ce point la CDI
souligne ; « L’expression «violation par l’État d’une obligation internationale existant
à sa charge» est établie de longue date et s’applique aux obligations tant conventionnelles que
non conventionnelles ». Cette deuxième conditin est diversement qualifié en jurisprudence mas
trradut l ameme réalité . En effet, dans son arrêt concernant la compétence dans l’affaire relative
à l’Usine de Chorzów, la Cour permanente de Justice internationale s’est servie de l’expression
«violation d’un engagement69». Elle a repris la même expression dans son arrêt concernant le
fond70.
La Cour internationale de Justice s’est référée explicitement à ces termes dans son avis
consultatif concernant la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies71. Dans
l’affaire du Rainbow Warrior, le tribunal arbitral a employé l’expression «toute violation par un
État de toute obligation72». Dans la pratique, des expressions telles que «non-exécution
d’obligations internationales», «actes incompatibles avec des obligations internationales»,
«violation d’une obligation internationale», «violation d’un engagement» sont également
utilisées73. Toutes ces
69 Usine de Chorzów, compétence, 1927, C.P.J.I., série A, no 9, p. 21.
70 Usine de Chorzów, fond, 1928, C.P.J.I., série A, no 17, p. 29.
71 Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1949, p. 184.
72 Rainbow Warrior (Nouvelle-Zélande/France), Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales,
vol. XX (1990), p. 251, par. 75.
73 À la Conférence pour la codification du droit international tenue en 1930 par la Société des
Nations, l’expression «tout manquement aux obligations internationales d’un État» a été adoptée;
Annuaire . 1956, vol. II, p. 226.
- 75 -
115
« Toute fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à
le réparer »

195
formules ont essentiellement la même signification. L’expression retenue dans les présents
articles est «violation d’une obligation internationale» en tant qu’elle correspond au libellé
du paragraphe 2 c de l’article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice

La première conditin a été qulifié d’élement


ayant précisé que La jurisprudence constante de la CIJ a mis ces deux éléments en lumière. En
effet dans l’affaire des Phosphates du Maroc116, la Cour a lié expressément la naissance d’une
responsabilité internationale à l’existence «d’un acte imputable à l’État et décrit comme contraire
aux droits conventionnels d’un autre État117». Dans l’affaire relative au Personnel diplomatique et
consulaire des États-Unis à Téhéran61, elle a souligné que pour établir la responsabilité de
l’Iran...
«[t]out d’abord elle doit déterminer dans quelle mesure les comportements en question peuvent
être considérés comme juridiquement imputables à l’État iranien. Ensuite, elle doit rechercher
s’ils sont compatibles ou non avec les obligations incombant à l’Iran en vertu des traités en
vigueur ou de toute autre règle de droit international éventuellement applicable62.»
De même dans l’affaire de la Dickson Car Wheel Company, la Commission générale des
réclamations États-Unis d’Amérique/Mexique a indiqué comme condition pour que l’État puisse
encourir une responsabilité internationale le fait «qu’un acte illicite international lui soit imputé,
c’est-à-dire qu’il existe une violation d’une obligation imposée par une norme juridique
internationale».

Il faut retenir que le comportement attribuable à l’État peut consister en une action ou une
omission. Aussi la CDI a-t-elle préféré le concept de « fait » à celui d’acte internationalement
illicite. Elle souligne par ailleurs : « Les cas dans lesquels la responsabilité internationale d’un
État a été invoquée sur la base d’une omission sont au moins aussi nombreux que ceux qui sont
fondés sur des faits positifs, et il n’existe en principe aucune différence entre les deux. De plus, il
peut s’avérer difficile d’isoler une «omission» des circonstances qui l’entourent et qui
interviennent dans la détermination de la responsabilité ». En effet, dans l’affaire du Détroit de
Corfou, la Cour internationale de Justice a estimé que le fait que l’Albanie savait, ou aurait dû
savoir, que des mines se trouvaient dans ses eaux territoriales et n’avait rien fait pour avertir les
États tiers de leur présence constituait une base suffisante pour établir sa responsabilité65.
Dans l’affaire dite des otages, la Cour a conclu que la responsabilité de l’Iran était engagée par
l’«inaction» des autorités iraniennes qui avaient «manqué de prendre des mesures appropriées»,
dans des circonstances où celles-ci s’imposaient à l’évidence66. Dans certains cas, ce peut être le
cumul d’une action et d’une omission qui fonde la responsabilité67.

On a vu que pour qu’un comportement déterminé puisse être qualifié de fait internationalement
illicite, il doit avant tout être un comportement attribuable à l’État ou à une organisation
internationale. Ce sont là des personnes morales ; elles ne peuvent « agir qu’au moyen et par
l’entremise de la personne de leurs agents et représentants », pour emprunter les mots de la CPJI
en l’affaire des colons allemands en Pologne118. Et la CDI souligne : « L’État est une entité
organisée réelle, une personne juridique ayant pleine qualité pour agir d’après le droit
international. Mais le reconnaître ne veut pas dire nier la vérité élémentaire que l’État comme tel
116
C.P.J.I., série A/B, no 74, p. 10.
117
Ibid.
118
Colons allemands en Pologne, 1923, C.P.J.I., série B, no 6, p. 22.

196
n’est pas capable d’agir. Un «fait de l’État» met nécessairement en jeu une action ou une
omission d’un être humain ou d’un groupe ». Aussi est-t-il nécessaire de déterminer, comme nous
le ferons plus loin, quelles sont les personnes qui devraient être considérées comme agissant au
nom de l’État, c’est-à-dire ce que constitue un «fait de l’État» aux fins de la responsabilité des
États.

– fait internationalement
illicite et droit interne (art. 3).

1) Violation d’une obligation internationale


Contrariété à une obligation internationale, indifféremment de sa nature (art. 12) –
principe de contemporanéité (art. 13) – fait illicite instantané ou continu (art. 14)
– fait composite (art. 15).
Circonstances excluant l’illicéité – notion – consentement (art. 20) – légitime
défense (art. 21) – contre-mesures (art. 22) – force majeure (art. 23) – détresse
(art. 24) – état de nécessité (art. 25) : difficultés et limites, statut coutumier : CIJ,
Affaire relative au projet Gabčíkovo-Nagymaros, Hongrie c. Slovaquie, 25
septembre 1997, §51 – limite : jus cogens (art. 26) – exclusion de l’illicéité et
indemnisation (art. 27).
Gradation dans l’illicite ?– « crimes » et « délits » : art. 19 projet CDI (1979) –
violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit
international général (art. 40) – portée.
2) Imputation (attribution) à l’Etat
Notion.
Organes selon le droit interne (art. 4) – exercice des prérogatives publiques (art.
5) – agissant en qualité – forces armées : art.3 Règlement La Haye 1907 – ultra
vires (art. 7 et doctrine Drago) – organe de fait (art. 9 et art. 11) – CIJ, Affaire
relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran
(Etats-Unis c. Iran), 24 mai 1980 – rebelle triomphant (art. 10) – direction ou
contrôle (art. 8) : CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua c. Etats-Unis, 27 juin 1986, §115 ; TPIY,
Tadič, IT-94-1-A, 15 juillet 1999, §145 (« contrôle global ») ; CIJ, Affaire
relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), 26 février
2007, §403 – organe mis à disposition d'un autre Etat (art. 6) ou d'une
organisation internationale (pratique forces maintien de la paix ; contrôle effectif
du comportement en cause : art. 7 A/CN.4/L.778 ; CEDH, Behrami, 2 mai 2007 ;
CEDH, Al-Jedda, 7 juillet 2011).
Synopsis Droit international public 2011-2012 15
Responsabilité à raison du fait d'autrui – aide ou assistance (art. 16) – contrôle
(art. 17) – contrainte (art. 18).
2. Le dommage et la réparation
1) Le dommage
Notion – le dommage comme construit juridique.
Elément intrinsèque : atteinte à un intérêt juridiquement protégé – ordre juridique
de référence – intérêts protégés : souveraineté, biens, respect du droit

197
international en la personne des ressortissants – dommage matériel ou moral (art.31) –
environnement.
Elément extrinsèque : lien de causalité (art. 31) – causalité naturelle et causalité
du droit – enjeu – chaîne de causalité et normalité, prévisibilité, « proximity » –
causalité et dommages de guerre : Versailles 1919, Paris 1947, UNCC.

Chapitre II. LA REPARATION

2) La réparation
Notion – CPJI, Affaire relative à l’usine de Chorzów (Allemagne c. Pologne), 13
septembre 1928, Série 1, n°17, p. 47 – réparation (intégrale) et pristin état –
formes de réparation (art. 34) – restitution (art. 35) : restitutio in integrum,
restitution au sens strict et restitution au sens large (réparation en nature) –
réparation par équivalent : indemnisation (art. 36) ; damnum emergens et lucrum
cessans ; monnaie de paiement ; dation en paiement ; punitive damages ? –
intérêts (art. 38) : compensatoires et moratoires ; moment de l’évaluation du
préjudice – satisfaction (art. 37) – « réparation juridique » : CIJ, Affaire du
mandat d’arrêt (RDC c. Belgique), 14 février 2002, §76.
3) La réclamation
Protection diplomatique – notion : CPJI, Affaire des Concessions Mavrommatis
en Palestine (Grèce c. Royaume-Uni), 30 août 1924, Série A, n°2, p.12 –
conditions : nationalité continue et effective – nationalité, liberté des Etats, défaut
d’effectivité et inopposabilité (CIJ, Affaire Nottebohm (Lichtenstein c.
Guatemala), 6 avril 1955 , p. 23) – nationalités multiples et réclamation –
personne morale et actionnaires : CIJ, Affaire de la Barcelona Traction, Light
and Power Company, Limited (nouvelle requête : 1962, 2ème phase), Belgique c.
Espagne, 5 février 1970, §70 ; CIJ, Ahmadou Sadio Diallo, Guinée c. RDC, 24
mai 2007, §61, §87-89 ; traités bilatéraux d'investissement & CIRDI – violation
du droit international et standard minimum de justice – droits de l'homme : CIJ,
Ahmadou Sadio Diallo, Guinée c. RDC, 24 mai 2007, §39 – épuisement des voies
de recours internes (art. 44) – droit de l’Etat : réparation reçue ; renonciation de
l’individu (clause Calvo) – Projet d’articles sur la protection diplomatique
(A/RES/62/67, 6 décembre 2007).
Pluralité de créanciers (art. 46 ; art. 33, §1) – pluralité de débiteurs (art. 47).
Synopsis Droit international public 2011-2012 16
Accord indemnitaire et renonciation (art. 45).
Fait internationalement illicite et droit des individus (art. 33, §2) – responsabilité
de droit interne – Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un
recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit
international des droits de l’homme et de violations graves du droit international
humanitaire (A/RES/60/147, 16 décembre 2005) – CIJ, Conséquences juridiques
de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du
9 juillet 2004, §§152-153 – norme directement applicable violée et droit à la
réparation en droit international.
3. Autres conséquences
1) Respect du droit primaire et cessation

198
Respect du droit primaire (art. 29) ; CIJ, Conséquences juridiques de l’édification
d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004,
§149 – cessation du fait illicite continu comme obligation secondaire (art. 30, a) ;
CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire
palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, §151, §163 (3) B –
cessation ou restitution (démantèlement mur, actes internes) ?
2) Assurances et garanties de non-répétition
Assurances et garanties de non-répétition (art. 30, b) – pratique conventionnelle
(traités de paix) – pratique juridictionnelle : CIJ, Affaire LaGrand (Allemagne c.
Etats-Unis), 27 juin 2001, §124 et dispositif ; CIJ, Affaire Avena et autres
ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis), 31 mars 2004, §150 et
dispositif.
3) Violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit
international général
Conséquences spécifiques – réparation ? – Art. 41, §1 : coopérer pour mettre fin
ou ne pas prêter aide ou assistance ? – CIJ, Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9
juillet 2004, §159 et §163 (3) D – Art. 41, §2 : obligation de ne pas reconnaître –
CIJ, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique
du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain), avis consultatif du 21 juin 1971, §119
point 2 dispositif (obligation de reconnaître l’illégalité) ; CIJ Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif du 9 juillet 2004, §159 et §163 (3) D.
Synopsis Droit international public 2011-2012 17
4. Les contre-mesures
1) Notion et finalités
Contre-mesures, rétorsion, représailles – art. 22 – Sentence arbitrale, Affaire
concernant l’accord relatif aux services aériens du 27 mars 1946 entre les Etats-
Unis et la France, 9 décembre 1978, RSA, vol. XVIII, p. 483 – art. 49 et art. 53 –
destinataire : riposte dirigée contre l’auteur du fait illicite CIJ, Affaire relative au
projet Gabčíkovo-Nagymaros, Hongrie c. Slovaquie, 25 septembre 1997, §83.
2) Auteurs : Etat lésé et autres
Etat lésé : art. 42 – Etats autres que l’Etat lésé : art. 48 – art. 54 : projet 1996 en
cas de « crimes » et évolution – enjeu et difficultés.
3) Conditions
Nécessité : invitation cessation et réparation (art. 43), notification, offre
négociation et instance règlement (art. 52) – statut normatif de ces conditions –
proportionnalité (art. 51), comp. CIJ, Affaire relative au projet Gabčíkovo-
Nagymaros, Hongrie c. Slovaquie, 25 septembre 1997, §85 – limites (art. 50 ;
question des « self-contained regimes » CIJ, Affaire relative au personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis c. Iran), 24 mai
1980, §86).
Synopsis

Quatrième partie

199
REGLEMENT DES DIFFERENDS INTERNATIONAUX

Longtemps, l’emploi de la force,tout détestable qu’il fut, demeura le procédé le plus


efficace, si non, le plus répandu, de règlement des différends internationaux.
Lorsque le recours à la force fut interdit, il s’imposa plus que jamais d’organiser d’autres
moyens pacifiques de solution des litiges survenant entre les membres de la
communauté internationale. Les méthodes diplomatiques et juridictionnelles furent à
cette fin privilègiées, quel règlement politique étant par ailleurs obtenu dans le cadre de
l’organisation des Nations Unies. Diverses conventions, universelles (voy. les
conventions de la Haye du 29 juillet 1899 (loi du 6 août 1900) et du 18 octobre 1907 (loi
du 25 mai 1910) pour le règlement pacifique des conflits internationaux) ou régionales
(voy. la convention européenne du 29 avril 1957 (loi du 6 mars 1970) pour le règlement
pacifique des différends), furent en outre conclues à cette fin, souvent sans grand succès.

Chapitre premier

L’INTERDICTION DU RECOURS A LA FORCE ET LE


DEVELOPPEMENT DES MECANISMES DE REGLEMENT
PACIFIQUE DES DIFFERENDS INTERNATINAUX

L’interdiction du recours à la force armée est très récente dans la pratique


internationale, puisqu’elle remonte seulement au Pacte Briand Kellog du 26 août 1928.
Avant cette date, diverses doctrines de la guerre juste avaient sans trop de peine légitimé
l’emploi de la force. Sans doute ne furent elles pas toujours reprises telles quelles par le
droit positif. Celui-ci n’en admettrait pas moins très libéralement le droit de faire la
guerre, nonobstant les critiques grandissantes que son exercice suscita au fil des temps
et qui expliquent certaines réactions limitées (voy.la convention de la Haye de 1907, dite
Drago-Porter, concernant la limitation de l’emploi de la force pour le recouvrement de
dettes contractuelles). Même le pacte de la Société des nations (1919) ne prohibait pas
radicalement le recours à la force armée, nonobstant sa condamnation ferme de la
guerre d’agression (voy. les articles 10 et 12), déclarée « crime international » par
l’Assemblée (résolution du 25 septembre 1925).

Section I. LE PRINCIPE DE NON RECOURS A LA FORCE

Le pacte international de renonciation à la guerre est né d’une initiative de la France qui,


lors de négociations portant sur le renouvellement d’une convention franco-américaine
d’arbitrage, proposa de mettre plus largement la force hors la loi. D’autres Etats ayant
été invités, sur la suggestion des Etats-Unis, à s’associer à cette révolution, 15 Etats
signèrent, le 26 août 1928, un pacte dans lequel ils « déclarent solennellement qu’(ils)

200
condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et
qu’(ils)y renoncent en tant qu’instrument de politique nationale dans leurs relations
mutuelles » (art.1er). La plupart des autres membres de la société internationale y
ayant rapidement adhéré, le pacte pouvait sans guère de difficulté être tenu pour
déclaratif d’un droit général à la veille de la 2ème guerre mondiale, nonobstant la
violation parfois patente de ses dispositions (Mandchourie, Ethiopie, Tchécoslovaquie
…). Le tribunal de Nüremberg s’en est d’ailleurs prévalu pour condamner en 1946 les
crimes contre la paix commis par l’Allemagne nazie.

La formule du pacte est reprise par l’article 2, §4, de la Charte des Nations Unies selon
lequel, de manière plus générale, « les membres de l’organisation s’abstiennent, dans
leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit
contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Cette condamnation de la
guerre a depuis lors été maintes fois répétée, notamment dans de multiples résolutions
de l’Assemblée générale (voy. Par exemple la déclaration sur les principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats (résolution
2625 (XXV)) ou la déclaration sur le droit des peuples à la paix (résolution 39/11 du 12
novembre 1984)). Le recours à la force étant prohibé, il appartient aux Etats de régler
leurs différends par des moyens pacifiques, « de telle manière que la paix et la sécurité
internationales, ainsi que la justice ne soient pas mises en danger » (art.2 §3). La charte
vise principalement à cet égard la négociation, l’enquête, la médiation, la conciliation,
l’arbitrage, le règlement judiciaire, ainsi que le recours aux organismes ou accords
régionaux (article 33).

Section II. LE REGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFERENDS

&1. Les méthodes diplomatiques de règlement des différends

Les méthodes diplomatiques de règlement des différends internationaux ont pour


caractéristiques de reposer totalement sur la bonne volonté d es Etats intéressés, qui se
mettent d’accord sur la solution à donner au litige qui les divise sans qu’aucune décision
leur soit à cette fin imposée. Elles demeurent les plus utilisées dans la pratique
internationale contemporaine, ce qui se comprend aisément dans un système où il
n’existe aucun juge obligatoire. Leur efficacité ne prête au demeurant pas à doutes, au
moins lorsqu’un accord est trouvé entre les parties, puisqu’il met plus sûrement fin en
pareil cas au différend que toute décision extérieure qui n’aurait pas leurs faveurs.
On distingue habituellement à ce propos diverses méthodes : négociations directes, bons
offices et médiation, enquête et conciliation. Dans la pratique, la distinction est
cependant rarement rigoureuse, plusieurs méthodes étant fréquemment enchevêtrées.
Aucune d’entre elles ne fait par ailleurs l’objet de règles très précises, même si certains
traités organisent une médiation ou une conciliation obligatoire. Cela ne surprendra , à

201
dire vrai, guère puisqu’il suffit que les intéressés se mettent d’accord,quelles que soient
les voies à l’aide desquelles ils y parviennent.

a) Négociations directes.

Dans les négociations directes, les Etats négocient eux-mêmes la solution à apporter à
leur conflit, notamment à l’intermédiaire de leur mission diplomatique respective.
La méthode est on ne peut plus élémentaire, qui cherche à trouver un règlement directe
et amiable entre les parties. D’autres semblent considérer que ces négociations
(diplomatiques) doivent toujours être épuisées avant qu’un juge ou tout autre autorité
puisse être saisi. Une telle règle n’existe cependant pas en droit international général :
les négociations non seulement ne doivent pas être achevées mais peuvent même se
poursuivre durant l’instance, sans que cela « constitue … en droit, un obstacle à
l’exercice par la Cour de sa fonction judiciaire » (C.I.J., affaire du plateau continental de
la mer Egée, Rec. 1978, p.13, §29) ; si elles aboutissent , l’affaire sera rayée du rôle (voy.,
affaire relative au procès des prisonniers de guerre pakistanais, Rec., 1973, p.346) ; Il est
possible que des négociations doivent être achevées pour que l’objet exact d’un différend
soit connu ; sous cette réserve , il faut une convention particulière pur que puisse être
imposé aux Etats quelque épuisement préalable des voies diplomatiques, son
interprétation pouvant au demeurant n’être pas exempte d’incertitude (sur l’article II du
pacte de Bogota, voy., C.I.J., Nicaragua c. Honduras, Rec., 1988, pp. 92 ss. §§58 ss).
Les négociations doivent être poursuivies de bonne foi, sans autres règles que celles dont
les parties sont le cas échéant convenues spécifiquement ou qui leur sont applicables par
suite de leur commune participation à une organisation internationale. Cette bonne foi
s’impose avec une force particulière dans les domaines, comme la délimitation du
plateau continental ou de la zone économique exclusive (voy., supra), où le droit
international se contente d’imposer aux parties de négocier aux fins de parvenir à une
solution équitable.

b) Les bons offices et la médiation

Bons offices et médiation supposent l’intervention d’un tiers dans le conflit. Si, dans les
bons offices, il se contente de mettre (ou de remettre) les parties en présence pour que
les négociations directes puissent être entamées (ou poursuivies), ce tiers prend
activement part à celles-ci dans la médiation, en proposant s’il y a lieu une solution.
Bons offices et médiation ont été organisés par la convention I de la Haye (1899 et 1907),
ses signataires s’engageant à y recourir « en tant que les circonstances le permettront »
(art.2). Il y est expressément précisé qu’une offre de bons offices ou de médiation ne
peut jamais être regardée comme un acte « peu amical » (art., 3), ce qui s’explique par
l’inclination de certains, durant le XIX ème siècle, à y découvrir une intervention
contraire à l’égalité et à la souveraineté des Etats.
Le recours à la médiation peut être imposé par traité (voy., déjà l’article 63 de l’Acte

202
général de Vienne en 1815). Elle est alors dite obligatoire, ce qui n’implique cependant
aucunement que les parties au litige soient tenues d’accepter la solution éventuellement
proposée par le médiateur.
Bons offices et médiation peuvent être exercés par des organisations internationales, et
notamment par l’O.N.U. (Palestine, Cachemire, …). Il importe peu à ce propos que le
différend concerne des Etats ou des organisations internationales.
Dans la pratique contemporaine, les bons offices purs et simples sont devenus
relativement exceptionnels. La médiation en revanche connaît toujours de nombreuses –
et souvent spectaculaires – applications (voy, la médiation du Pape dans le conflit entre
le Chili et l’Argentine à propos du canal de Beagle en (1979), de l’Algérie dans le
différend entre l’Iran et les Etats-Unis lié à l’affaire des otages (1981), du Maroc dans le
litige entre la Belgique et le Zaïre à propos de la dette (1988), … sans qu’il soit toujours
possible de faire la part de ce qui relève des négociations, des bons offices et de la
médiation respectivement (voy., le rôle des Etats-Unis dans la conclusion des accords de
camp David entre l’Egypte et Israël (1978).

Il convient de souligner que le différend qui appelle médiation ou bons offices ici
envisagé est un différend international ; c’est-ç dire qui oppose des sujets majeurs de
droits des gens. L’offre de médiation ou de conciliation dans un conflit ne présentant pas
un caractère international peut s’avérer une immixtion dans les affaires intérieures d’un
Etat et donc acte internationalement illicite. Il n’y a évidemment rien d’illicite lorsque
l’intervention d’un tiers dans le conflit repose sur la demande ou l’assentiment de l’Etat
dont les pouvoirs ou la gouvernance sont contestés ou lorsqu’il s’impose à lui sur base
d’un accord international le liant. Etait ainsi licite la médiation du Président de l’Afrique
du Sud dans le conflit en RDC (2002), la médiation de l’Ouganda dans le conflit
opposant la RDC et la rébellion du M23 (2012), la médiation de l’Union africaine (par le
truchement du facilitateur Edem Kodjo) dans le conflit opposant la RDC et l’opposition
quant à la tenue des élections dans le délai constitutionnel conformément à la résolution
2277 du Conseil de sécurité des Nations Unies (2016), …

c) L’enquête.
L’enquête a en soi pour seul objectif d’établir des faits qui ne sont pas connus ou qui sont
contestés, et non point de résoudre un différend. Dans le contexte des relations
internationales où les litiges proviennent souvent de divergences sur les faits plutôt que
sur le droit, on ne saurait toutefois sous-estimer l’importance particulière que peut
présenter une procédure d’enquête internationale.
Cela expliquera que, dès la 1ère conférence de la Haye en 1899, les Etats aient jugé
« utile et désirable » que soient constitués des commissions d’enquête chargées « de
faciliter la solution … (des) conflits en éclaircissant, par un examen impartial et
consciencieux, les questions de fait », au moins dans les litiges « n’engageant ni (leur)
honneur, ni (leur) intérêts essentiels » (art. 9, voy., également la convention I de 1907).
Divers traités bilatéraux ont par ailleurs été conclus aux mêmes fins, singulièrement par
les Etats-Unis (traités de Bryan en 1913-1914).
Selon l’article 35 de la Convention de 1907, « le rapport de la commission internationale
d’enquête, limité à la constatation des faits, n’a nullement le caractère d’une sentence
arbitrale. Il laisse aux parties une entière liberté pour la suite à donner à cette

203
constatation ». La formule est ambiguë. Il va de soi que l’enquête ne saurait avoir pour
objet de trancher quelque point de droit litigieux ; cela dit, on voit mal les Etats qui ont
accepté le principe de l’enquête contester la réalité des faits régulièrement constatés au
terme de celle-ci.
Les commissions d’enquête interétatique n’ont à ce jour guère été utilisées dans la
pratique internationale. Il est vrai que la propension instinctive des enquêteurs à se
soucier, par delà les faits, des responsabilités éventuelles (voy. l’affaire du DoggerBank
(Grande-Bretagne c. Russie, 1904) ou du Red Crusader (Grande-Bretagne c. Danemark,
1961) n’encourage guère les Etats à s’engager dans une procédure qui risque de
déboucher un arbitrage déguisé. Il est possible que l’enquête connaisse davantage de
succès si elle est conduite par une organisation internationale. Il fut naguère suggéré à ce
propos d’instituer auprès de l’Assemblée générale quelque organisme spécialisé à cette
fin. L’idée semble néanmoins aujourd’hui abandonnée, même si les Nations unies
cherchent à développer l’enquête internationale, sans faire toujours clairement la part de
ce qui relève du fait (emploi d’armes chimiques en Afghanistan, …) ou du droit
(détermination de l’agresseur dans le conflit irano-irakien, …)

d) La conciliation

La conciliation est une forme institutionnalisée de médiation, qui repose sur


l’intervention d’un organe spécialisé (commissions, …) chargé de proposer une solution
eu litige qui divise deux ou plusieurs Etats.
Comme tout autre moyen diplomatique de règlement, la conciliation n’est jamais
obligatoire que si les Etats sont expressément convenus de s’y soumettre. Au lendemain
de la création de la SDN, nombreux furent toutefois les traités bilatéraux organisant une
conciliation obligatoire ; une telle procédure est également souvent prévue dans des
accords régionaux (Voy., l’article 4 de la convention européenne du 19 avril 1957,
s’agissant des litiges non juridiques). Dans un système où la souveraineté ne
s’accommode pas d’une obligation de se soumettre à un juge, la conciliation obligatoire
représente sans doute la contrainte maximale que les Etats sont normalement disposés à
supporter en matière ce règlement des différends (voy. la conciliation spéciale organisée
à l’article 66 de la convention de Vienne du 23 mais 1969 à propos de la nullité ou de la
terminaison des traités).
Les composition, procédure, compétence, … de la commission ou de l’organisme chargé
de la conciliation sont souverainement déterminés par les Etats intéressés. Il importe
peu que ces questions soient réglées à l’avance dans des traités auxquels ils ont adhéré
ou qu’ils concluent à ce propos des arrangements ad hoc. Certains modèles ont été
proposés sur ce point aux Etats (voy. le règlement de l’Institut de droit international
(1961), … ils ne paraissent pas réellement suivis dans la pratique internationale. Dans
des matières totalement dominées par le bon vouloir des parties en litige, il est au
demeurant difficile de prétendre établir des règles générales. Très souvent, la
conciliation présente toutes les apparences d’une œuvre juridictionnelle. Quelle que
puisse être l’autorité politique ou morale qui s’y attache, les conclusions de la
conciliation ne sont jamais obligatoires, ce qui suffit à distinguer radicalement le
conciliateur d’un arbitrage ou d’un juge. Il est possible d’ailleurs qu’une procédure de

204
conciliation doit être épuisée avant que celle-ci puisse être saisie, si telle a été la volonté
des Etats intéressés (voy. à propos de l’article XXXIII du pacte de Bogota, C.I.J.
Nicaragua c. Honduras, Rec., 1988, pp. 88 ss 42 ss).

§2. Les modes juridictionnels de règlement des différends

Les méthodes juridictionnelles, largement utilisées dans les ordres internes, demeurent
peu fréquentes dans les relations internationales. Il est vrai que le juge n’est pas
obligatoire dans l’ordre juridique international, ce qui parait d’ailleurs à certains le signe
le plus manifeste de son caractère encore largement embryonnaire. La carence s’explique
principalement par le sentiment exacerbé d’une souveraineté, qui n’accepte pas sans son
consentement exprès d’être lié par la décision d’un tiers, même indépendant et
impartial. On ne saurait toutefois négliger l’influence qu’exercent en l’occurrence les
traits propres à la règle juridique internationale, la pratique démontrant souvent que
c’est du droit plutôt que du juge que méfient les Etats.
Les méthodes juridictionnelles revêtent deux formes essentielles : l’arbitrage et le
règlement judiciaire. La différence entre l’un et l’autre tient à ce que l’arbitre est choisi
par les parties alors que le règlement judiciaire repose sur une autorité préconstituée
(C.I.J.) ; elle est à tout prendre secondaire dans un système où la juridiction est toujours
volontaire, c’est-à-dire n’existe jamais que si les Etats l’ont acceptée.
Les méthodes juridictionnelles se distinguent principalement des moyens diplomatiques
de règlement d’un différend en ce que elles ne s’appliquent qu’aux différends juridiques,
elles règlent nécessairement le différend conformément au droit ; elles conduisent à une
décision obligatoire.
La notion de différend juridique ou politique a suscité d’abondants commentaires. A dire
vrai, ceux-ci ne sont guère concluants, tout différend pouvant être ou juridique ou
politique selon l’angle sous lequel il est pris. Pour qu’il y ait différend juridique, il faut et
il suffit que les parties soient en désaccord sur le droit. Il est possible que l’objet précis
de ce désaccord doive être précisé ; c’est toutefois l’existence d’un différend et non son
caractère juridique qui prête en pareille hypothèse à doutes.
Habituellement, le différend juridique n’est que l’un des éléments d’un différend
politique plus large. Il est même possible d’ailleurs que celui-là soit objectivement
dérisoire par rapport à celui-ci. Il ne s’ensuit toutefois aucunement que le règlement
juridictionnel doive être exclu. Dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua, la C.I.J. citant son arrêt dans l’affaire des otages, a précisé à ce propos : « Nul
n’a … jamais prétendu que, parce qu’un différend politique, la cour doive se refuser à
résoudre dans l’intérêt des parties les questions juridiques qui les opposent. La Charte et
le Statut ne fournissent aucun fondement à cette conception des fonctions ou de la
juridiction de la Cour ; si la Cour, contrairement à sa jurisprudence constante, acceptait
une telle conception, il ne résulterait une restriction considérable et injustifiée de son
rôle en matière de règlement pacifique des différends internationaux » (Rec. , 1984, p.
439, §105 ; voy, également l’arrêt sur la compétence dans l’affaire Nicaragua c.Honduras,
Rec, 1988, p. 91, §52). Le motif est assurément d’application générale dans tout le
règlement juridictionnel.

205
A. L’ARBITRAGE

« L’arbitrage international a pour objet le règlement des litiges entre les Etats par des
juges de leur choix et sur la base du respect du droit » (art. 15 conv. La Haye 1999 ; art.
37 conv. la Haye 1907).
Même s’il trouve des précédents lointains dans l’Antiquité et au Moyen-âge, l’arbitrage
n’a réellement pris naissance dans la pratique internationale qu’à la fin du XVIII ème
siècle, lorsque la Grande-Bretagne et les Etats-Unis convinrent de soumettre à la
décision de commissions mixtes les contentieux liés à l’indépendance du nouvel Etat
(traité Jay, 1794). Après diverses applications disparates durant le XIX ème siècle (voy.
not. la célèbre affaire de l’Alabama (Grande-Bretagne c. Etats-Unis, 1872), R.S.A.,vol. II,
p. 713), il connaîtra un développement plus systématique à l’occasion des conférences de
la Haye de 1899 et 1907, qui aboutirent à la mise en place d’une Cour permanente
d’arbitrage.
L’objectif est clairement de trouver dans l’arbitrage le mode normal de règlement des
différends internationaux qui ne peuvent être résolus par des négociations entre parties.
La création de la S.D.N. et la mise de la guerre hors-la-loi lui conféreront un surcroît de
justification, puisqu’il convient de mettre au point des substituts efficaces à la force
armée dont l’emploi est désormais interdit. Il se comprend dès lors que les traités
bilatéraux prévoyant un arbitrage obligatoire se soient multipliés, alors même que
l’Assemblée de la S.D.N adoptait, le 26 septembre 1928, un Acte général d’Arbitrage qui
aurait dû, escomptait-on, donner au règlement juridictionnel dans les rapports entre
Etats une impulsion décisive. Force est de constater que ces espoirs ont été déçus,
l’arbitrage ne réussissant pas à s’imposer véritablement dans la pratique internationale.
L’Assemblée générale des Nations unies adopta certes, le 28 avril 1949, un acte général
révisé pour le règlement pacifique des différends internationaux (sur le maintien en
vigueur de l’acte général de 1928, qui serait, selon la France, tombé en désuétude, voy.
l’opinion dissidente commune des juges Onyema, Dillard, Jiménez de Arechaga et
Waldock dans l’affaire des Essais nucléaires, Rec.,1974, pp 337-345). Sans grand succès
cependant puisque sept Etats seulement (dont la Belgique, Mon., 10 mai et 13 août
1950), l’ont à ce jour ratifié. Cela ne signifie pas que l’arbitrage international ait
aujourd’hui disparu. Bien au contraire, il conserve un crédit indéniable auprès des Etats,
ainsi qu’en atteste, notamment en matière de délimitation maritime, une pratique
récente. Il n’empêche que, malgré ceux qui en prophétisent régulièrement le
renouveau, l’arbitrage ne s’impose pas dans les relations internationales comme le mode
usuel de règlement des litiges entre les Etats.
Les règles générales sur l’arbitrage international demeurent pour l’essentiel de nature
coutumière. La commission du droit international en a entrepris, au lendemain de la
2ème guerre mondiale, la codification, ce qui a conduit à l’adoption en 1955, sur rapport
du professeur G. Scelle, d’un projet de convention. L’Assemblée générale n’y a cependant
guère été favorable, par suite notamment des réticences que suscitaient chez plusieurs
Etats certaines suggestions formulées par la C.D.I. ; elle s’est en conséquence contentée
d’y voir un modèle de règles sur la procédure arbitrale (rés. 1262 (XIII) du 14 novembre
1958), qui ne paraît, à l’expérience, avoir rencontré aucun succès dans la pratique
internationale. Depuis lors, aucun instrument de portée générale n’a été adopté dans le

206
domaine de l’arbitrage international.

a) Nature « internationale » de l’arbitrage.

Il n’y a arbitrage international « public » que là où deux ou plusieurs Etats (ou par
extension sujets de l’ordre juridique international) conviennent de faire trancher par les
personnes qu’ils choisissent à cette fin et sur la base des règles du droit des gens les
différends qui les opposent. Doivent en conséquence être exclus du droit des gens que les
arbitrages de droit international privé (arbitrage commercial international, …) qui ne
mettent pas en cause des sujets du droit des gens. On ne saurait rattacher ces arbitrages
au droit des gens sous le prétexte qu’un Etat pourrait y être exceptionnellement partie,
par suite du litige qui l’oppose à une entreprise étrangère. Il est vrai que certains
arbitrages spécifiques peuvent être sur ce point organisés par traités (voy. par ex. la
convention de Washington du 18 mars 1965 pour le règlement des différends relatifs aux
investissements, loi du 17 juillet 1970) ; il est vrai aussi qu’une pratique récente tend en
pareil cas à internationaliser la procédure arbitrale, sur des bases diverses. Sauf à
accepter que l’entreprise devienne en pareille hypothèse sujet du droit des gens (voy. la
sentence Texaco, Clunet, 1977, p.350), ce qui paraît présentement indéfendable, il n’ y a
toutefois pas arbitrage de droit international public en pareil cas, puisque ne sont pas en
cause deux sujets de l’ordre juridique international qui s’opposeraient sur l’application
ou l’interprétation des règles de celui-ci.
On peut parler en l’occurrence d’arbitrage transnational pour souligner la spécificité des
règles qui sont suivies dans une pratique dont ne sauraient rendre compte les techniques
usuelles du droit international privé. Justifiée ou non, la qualification ne permet en
aucun cas de trouver dans le droit des gens le fondement de la solution qui est donnée à
un litige ; tout au contraire, son intérêt est précisément de souligner que l’arbitrage est
organisé en dehors des Etats, qu’ils agissent unilatéralement (droit national) ou
collectivement (droit international).
Si évidente que soit cette conclusion, elle ne saurait cacher que la nature précise
d’arbitrage est parfois difficile à déterminer, singulièrement lorsque des particuliers sont
exceptionnellement en droit d’agir devant la juridiction « internationale » mise en place
par traité. Une tell formule a été plus d’une fois utilisée au lendemain de périodes
troublées (guerres, révolutions, …) pour qu’il soit mis adéquatement fin à un abondant
contentieux d’origine « privé » (Claims commissions (Venezuela, Mexique, …) ;
tribunaux mixtes ; commissions de conciliation ; …). Si l’on n’a généralement pas
contesté qu’il y avait là un arbitrage de droit des gens, nonobstant les particularités de
son fonctionnement, la conclusion est plus douteuse s’agissant du Iran-United States
Claims Tribunal institué par les Déclarations d’Alger du 19 janvier 1981 pour statuer
principalement sur les réclamations de ressortissants américains (ou iraniens) contre
l’Iran (ou les Etats-Unis) à la suite de mesures prises au lendemain de la révolution
islamique. Quoiqu’il paraisse se considérer, probablement à tort, comme relevant de
l’arbitrage commercial international plutôt que de l’arbitrage interétatique, le Tribunal
ne s’est cependant jamais clairement prononcé sur sa nature propre.

b) Le fondement de l’arbitrage

207
L’arbitrage trouve toujours son fondement dans l’accord de volontés entre les parties,
aucun Etat ne pouvant sans son consentement y être soumis. La règle n’est aucunement
propre au droit des gens, le caractère juridictionnel dans tous les systèmes juridiques.
S’il convient que cet accord de volontés ait été valablement conclu (voy. les vices de
consentement limitativement énumérés par la convention de Vienne sur le droit des
traités du 23 mai 1969), sa forme est en revanche sans importance. Habituellement,on
distingue à cet égard :
le compromis occasionnel, portant sur un litige né et actuel, qui suscite un arbitrage dit
facultatif,
la clause compromissoire par laquelle les Etats conviennent par avance de soumettre à
un arbitrage dit obligatoire les différends qui surviendraient tant que demeure en
vigueur le traité qui la contient. La clause est dite générale (traité d’arbitrage) ou
spéciale selon qu’elle vise tous les litiges futurs et éventuels ou seulement ceux qui
relèvent d’une catégorie déterminée.
La conclusion des traités généraux d’arbitrage a été fort encouragée au lendemain e la
création de la S.D.N. La pratique internationale n’a guère hésité à l’époque à accepter
que des réserves puissent le cas échéant être formulées, quand bien même leur caractère
particulièrement vague (« intérêts vitaux », « l’honneur », …) rendait passablement
incertains les engagements pris. L’idéal est sans doute que le traité lui-même décide des
conditions auxquelles des réserves peuvent être faites (voy. l’Acte général de Genève
(1928) ou de New York (1949). A défaut, il y a lieu de faire application des règles
générales sur le droit des traités ; la raréfaction contemporaine de l’arbitrage obligatoire
a néanmoins fait perdre aux controverses éventuelles une bonne part de leur intérêt en
l’occurrence.
Etant un procédé juridictionnel, l’arbitrage n’est applicable qu’aux différends juridiques.
La volonté des Etats étant souveraine, on peut concevoir que des différends politiques y
soient également soumis (voy. l’article 21 de l’Acte général de Genève (1928)). Il n’ y a
pas de doutes que la décision des arbitrages doive en pareil cas être respectée. Hors les
dispositions dont sont expressément convenues les parties, les règles générales sur
l’arbitrage ne sauraient toutefois appliquées, puisque l’on sort d’un règlement
proprement juridictionnel. Ce qui est appelé arbitrage n’est rien d’autre en pareille
hypothèse qu’une « conciliation » aboutissant exceptionnellement à une solution
obligatoire.

c) Le fonctionnement de l’arbitrage.
L’arbitrage est au premier régi par les dispositions dont sont expressément convenues
les parties. En l’absence de telles dispositions, il y a lieu de faire application des règles
générales du droit des gens, dont la nature coutumière aggrave à l’ordinaire les
incertitudes.

1° Choix des arbitres

Longtemps pratiqué, l’arbitrage par souverain (voy. l’article 56 de la convention de La


Haye de 1907) a aujourd’hui pratiquement disparu. Ce n’est pas tant que l’on se méfie

208
d’un arbitrage unique ; c’est surtout que l’on craint l’inclination naturelle d’un chef
d’Etat à conserver de bonnes relations avec l’une et l’autre partie, fût-ce au détriment du
droit.
A l’ordinaire, les Etats préfèrent mettre en place un collège ou un tribunal arbitral.
A l’origine, celui-ci était composé de manière strictement paritaire (traité Jay, 1794) ; par
la suite, un élément neutre y fut introduit. Initialement appelé à départager les arbitres
nationaux en cas de désaccord (umpire), celui-ci est progressivement devenu
prépondérant, dans des collèges comportant un nombre impair de membres. Quelle que
soit l’excellence de la formule, le danger est sans doute de transformer les arbitres
nationaux en « super-avocats » des Etats qui les ont désignés, seuls les neutres exerçant
véritablement des responsabilités arbitrales. Mieux vaut sans doute qu’aucun national
des Etats intéressés n’en soit membre du tribunal arbitral, même s’il est probable que
tout arbitre unilatéralement désigné par l’une des parties ait naturellement tendance à
prêter à ses thèses un accueil favorable.
Pour éviter que le refus de l’une des parties de procéder aux désignations qui lui
incombent ne paralyse l’arbitrage, il est fréquent que les Etats chargent par avance,
dans la clause compromissoire, une autorité ou une personnalité tierce (président de la
C.I.J., Secrétaire général des Nations Unies, …) d’y procéder, sur requête unilatérale de
l’autre partie.
La Cour permanente d’arbitrage, créée par la convention de La Haye de 1899 pour le
règlement pacifique des conflits internationaux, et révisée par la convention de 1907,
n’est, malgré son application, qu’un tableau d’arbitres parmi lesquels les Etats
signataires sont invités à choisir leurs arbitres en cas de litige. Chaque Etat est invité à
désigner parmi ses nationaux, pour 6 abs, 4 arbitres qui formeront sa liste nationale.
Pour louable qu’ait été le souci d’aboutir ainsi à la formation d’une jurisprudence
cohérente au départ d’un corps spécialisé, force est de constater que l’objectif n’a guère
été atteint. Les arbitrages qui furent rendus sous l’empire de la cour permanente
d’arbitrage sont en effet demeurés très rares, la dernière sentence ayant été rendue en
1932. Formellement, la Cour n’en subsiste pas moins et conserve au Palais de la Paix, à la
Haye, un « Bureau international » qui fait office de greffe. Celui-ci a adopté en 1962 un
« règlement d’arbitrage et de conciliation pour les confits internationaux entre deux
parties dont l’une seulement est un Etat », qui est néanmoins demeuré lettre morte dans
la pratique internationale.

2° Saisine des arbitres

Lorsque l’arbitrage est dit facultatif, la saisine des arbitres s’effectue par l’effet même du
compromis occasionnel dans lequel les parties conviennent de se soumettre à ce
règlement juridictionnel. Lorsque l’arbitrage est dit obligatoire, la saisine des arbitres
requiert un compromis spécial, distinct de la clause compromissoire, dont la raison
d’être première tient à la nécessité de déterminer avec précision l’objet du différend qui
leur est déféré.

3° Pouvoir des arbitres

Il appartient à l’arbitre de trancher le différend dont il a été saisi par les parties, dans le

209
respect des dispositions du compromis et, plus largement, des règles qui déterminent
toute entreprise juridictionnelle.
En cas de doute sur la portée du compromis, l’arbitre est tenu d’interpréter celui-ci. Il
tranche seul les contestations relatives à l’étendue de ses pouvoirs (compétence de la
compétence) et ne peut se refuser à juger sous le prétexte d’obscurités. Cette
compétence s’étend aux litiges qui porteraient sur la validité de l’accord aux termes
duquel les parties sont convenues de se soumettre à un arbitrage (autonomie de la clause
compromissoire).
L’arbitre tranche le litige par application des règles du droit international régulièrement
applicables (traités, coutumes, principes généraux, …). Si les parties en sont
spécialement convenues, l’arbitre peut néanmoins être appelé à
statuer en application des seules règles de droit expressément précisées dans le
compromis (affaire de l’Alabama (1871), affaire de la fonderie du Trail (1938), …) ;
décider ex aequo et bono, ce qui invite l’arbitre à corriger en fonctionne de l’équité le
résultat auquel conduit l’application du droit ;
faire œuvre d’amiable composition, ce qui conduit à un règlement transactionnel sur la
base de considérations non juridiques (affaire de l’île de Bulama (1870), affaire de la baie
de Delagoa (1875), …) ;
procéder à un règlement d’intérêt, destiné à prévenir la survenance dans le futur de
conflits semblables (affaire des phoques de la mer de Behring (1893), des pêcheries de
l’Atlantique nord (1910) , …)
Encore faut-il toutefois que la méthode demeure intrinsèquement juridictionnelle, sauf
à attirer l’arbitrage dans l’orbite d’un règlement diplomatique qui obéit
fondamentalement à des règles totalement distinctes.

4° Procédure arbitrale

A défaut de précisions dans le compromis sur la procédure arbitrale, il appartient à


l’arbitre de décider de celles-ci dans le respect des règles générales qui déterminent toute
procédure juridictionnelle (débats contradictoires, motivation de la sentence, …).
Divers modèles ont été sur ce point ce point proposés, qu’ils soient spécifiques (voy. le
règlement sur la procédure arbitrale internationale adopté en 1875 par l’Institut de droit
international ; sur le projet C.D.I. de convention, voy. supra) ou non (CCI, …) à
l’arbitrage interétatique. Ils ne paraissent pas rencontrer un grand succès dans la
pratique internationale (voy. cependant la référence aux règles de l’UNCITRAL contenue
dans l’article III de la Déclaration d’Alger (Claims Settlement Declaration) du 19 janvier
1981).
En règle générale, les débats ne sont pas publics, sauf si les parties en conviennent
autrement.

d) Autorité de l’arbitrage

C’est par l’effet même de la volonté des parties et sans qu’il soit besoin d’une acceptation

210
spéciale, que la décision de l’arbitre est obligatoire. Il importe peu que le compromis soit
muet sur ce point, le principe même de l’arbitrage étant que le litige est tranché par la
décision de l’arbitre. La convention de La Haye de 1907 rappelle d’ailleurs expressément
à ce propos que « le recours à l’arbitrage implique l’engagement de se soumettre de
bonne foi à la sentence » (art. 37, al.2).
La force de chose jugée de la sentence est relative. La sentence ne lie que les parties, dans
les limites de ce qui a été jugé, tout en dessaisissant l’arbitre de sa juridiction. Sauf
accord des Etats intéressés, dont l’éventualité parait devoir demeurer parfaitement
théorique, il n’ y a pas d’exception à cette règle, nonobstant les théories qui ont parfois
été avancées pour échapper à la relativité de la chose jugée (autorité de la chose
interprétée, …).

1° Voie de recours ?

La sentence arbitrale est en principe définitive (voy. l’article 81 de la convention de La


Haye de 1907). Sauf dispositions contraires du compromis, très exceptionnelles dans la
pratique internationale, elle n’est partant susceptible, en principe, d’aucun recours.
Il est généralement admis néanmoins qu’une sentence peut toujours faire l’objet d’un
recours en rectification ou en interprétation, sans qu’il soit besoin d’une disposition
spéciale à cet effet. Ni l’un, ni l’autre ne remettent en effet en cause, au moins en
principe, la chose jugée puisque le premier a pour seul objet de faire redresser une erreur
matérielle alors que le second permet à l’arbitre de préciser la volonté qui est censée
avoir été toujours la sienne (voy. la sentence interprétative du 14 mars 1978 rendue dans
l’affaire de la mer d’Iroise, le compromis comprenant cependant une disposition
expresse sur ce point)
En revanche, on ne saurait, sans clause spéciale, accepter que la sentence puisse faire
l’objet d’un recours en révision en cas de découverte, postérieurement à son prononcé,
d’un fait qui, s’il avait été connu, aurait pu exercer une influence décisive sur la décision.
Même s’il n’y a pas à proprement parler appel en pareille hypothèse, la réformation de la
sentence à laquelle peut conduire le recours requiert un consentement exprès des
parties, en dépit des quelques précédents en sens contraire qui existent dans la pratique
internationale.

2° Nullité de la sentence arbitrale

Les conventions de La Haye de 1899 et de 1907 n’organisent pas expressément la nullité


de la sentence. Il paraît excessif toutefois d’en déduire que la validité de celle-ci ne
saurait être mise en doute. Tout obligatoire et définitive qu’elle soit en principe, elle ne
l’est que si elle a été valablement rendue. La pratique internationale le confirme au
demeurant clairement, le défaut de validité d’une sentence ayant été à diverses reprises
soulevé sans que le principe même de la nullité soit contesté. Cette pratique parait à ce
jour une spécialité largement latino-américaine (affaire de la sentence arbitrale du Roi
d’Espagne, affaire du Canal de Beagle, …) d’aucun n’ayant d’ailleurs pas hésité à
défendre quelque spécificité d’un droit latino-américain en cette matière (voy. opinion
diss. Urrutia Hholguin, C.I.J., affaire de la sentence arbitrale du Roi d’Espagne, Rec.,

211
1960, pp223-226.
En l’absence de toute codification réussie, les causes de la nullité demeurent
relativement incertaines. Il pourrait être utile de parvenir un jour à une énumération
limitative de ces causes. Cela étant, la nullité procédera toujours fondamentalement soit
de la nullité du compromis qui prive de tout fondement la sentence éventuellement
rendue par l’arbitre, étant entendu qu’en cas de doute sur la validité du compromis, la
contestation peut être valablement tranchée par l’arbitre (autonomie de la clause
compromissoire) ; soit de la méconnaissance du compromis, du moins lorsqu’elle est
suffisamment grave pour mettre en cause la validité de la sentence, dont l’exemple le
plus typique est sans doute l’excès de pouvoir de l’arbitre ; soit de la violation d’une
exigence fondamentale du règlement juridictionnel, que soient par exemple en cause la
personne même de l’arbitre (corruption, …) ou les règles de procédure qui ont été suivies
(défaut de motivation …).
En revanche, une erreur de l’arbitre, si flagrante soit-elle, ne saurait jamais constituer
en soi une cause de nullité.
Sauf convention contraire, la contestation de la validité d’une sentence arbitrale n’est
soumise à aucune procédure particulière ; la seule obligation des Etats est en
l’occurrence de régler de manière pacifique le différend que cette contestation suscite,
qu’ils s’adressent par exemple à la C.I.J. pour trancher celui-ci (affaire de la sentence
arbitrale du Roi d’Espagne) ou qu’ils conviennent d’accepter les propositions d’un
médiateur (affaire du canal de Beagle). Dans un système où la juridiction n’est pas
obligatoire, il ne saurait être question de soumettre nécessairement à décision de justice
la nullité de la sentence arbitrale. Cela étant, il ne saurait davantage être fait grief à l’Etat
au profit duquel cette sentence a été rendue de s’y conformer tant qu’elle n’a pas été
régulièrement annulée, sachant qu’un défaut de protestations de l’autre partie peut en
toute hypothèse couvrir le vice dont elle serait le cas échéant entachée (voy. l’affaire de la
sentence arbitrale du Roi d’Espagne).

3° Force exécutoire de la sentence arbitrale

Si la sentence arbitrale a indiscutablement force obligatoire, elle ne dispose d’aucune


force exécutoire spécifique. Il ne saurait dès lors être question de procéder à son
exécution forcée dans l’ordre juridique international, le conseil de sécurité ne disposant
d’aucune compétence particulière à ce propos (s’agissant des arrêts de la C.I.J, comp.
Infra).
Rien n’empêche en revanche que la sentence soit le cas échéant mise à exécution dans
l’ordre interne, conformément au droit du for. Contrairement à ce que paraissent
suggérer certaines décisions (voy. la décision rendue par le tribunal civil de Bruxelles
dans l’affaire Socobel, le 30 avril 1951, Rev. Crit. D.i.p. 1952, p.115), l’on ne saurait
soumettre sur ce point la sentence « internationale » aux conditions, et notamment à
l’exigence d’exequatur qui pèsent en droit commun sur les sentences « étrangères ».
Seule l’authenticité de la sentence doit le cas échéant être vérifiée, si elle n’est pas
clairement établie. Cela étant, l’exécution forcée n’est possible que dans la mesure où elle
ne heurte pas à l’immunité d’exécution de l’Etat national ou étranger - , ce qui limite en
toute hypothèse considérablement les possibilités de se procurer dans l’ordre interne ce

212
qui ne peut être obtenu dans l’ordre international.

B. LE REGLEMENT JUDICIAIRE

Le règlement judiciaire repose sur l’intervention d’une juridiction permanente, qui se


distingue de l’arbitrage par le fait que sa composition et, plus largement, les règles de
son fonctionnement échappent à la maîtrise des parties. La différence n’est pas
négligeable ; elle ne saurait toutefois faire oublier que le règlement judiciaire, comme
l’arbitrage, demeure purement volontaire en droit des gens, les Etats n’étant jamais
obligés de s’y soumettre que s’ils y consentent. L’idée de créer une juridiction
permanente à compétence générale pour les besoins des relations internationales a été
régulièrement défendue depuis longtemps ; son bien-fondé n’est à l’ordinaire pas
contesté tant la juridiction parait inséparable de l’existence même d’un ordre juridique
digne de ce nom, quitte à faire preuve le cas échéant de quelque excès de fétichisme
juridictionnel. Elle connaîtra sa première réalisation avec l’établissement à La Haye de la
Cour permanente de justice internationale. Le statut de cette cour, dont la création était
prévue dans le pacte de la Société des Nations (art.14) ; fut déterminé par un protocole
du 15 décembre 1920 soumis à la ratification des Etats, les signataires du pacte ayant
renoncé à décider eux-mêmes des conditions précises de son organisation et de son
fonctionnement.
Lors de la dissolution de la S.D.N., la C.P.J.I., laissera place à la Cour internationale de
justice. Selon l’article 92 de la Charte de San Francisco, la C.I.J, dont le statut est annexé
à celle-ci (loi du 14 décembre 1945), « constitue l’organe judiciaire principal des Nations
unies », ce qui atteste d’une manière d’intimité dont la C.P.J.I ne disposait pas par
rapport à la S.D.N. Elle ne présente cependant aucune différence marquante par rapport
à celle-ci, dont elle continue fidèlement l’œuvre (voy. les articles 36, §5, et 37), le
principe même d’une juridiction permanente n’ayant jamais été sérieusement contesté
lors des travaux préparatoires de la Charte des Nations Unies.
De ces juridictions à compétence générale doivent être distinguées les juridictions
spécialisées. Celles-ci demeurent cependant rares au niveau universel (tribunal
administratif des Nations Unies, tribunal du droit de la mer, …) ; elles sont plus
fréquentes au niveau régional, du moins en Europe occidentale (cour des communautés
européennes, cour européenne des droits de l’homme, cour Benelux, …). Il ne peut être
exclu, mais il est à ce jour demeuré très exceptionnel, que ces juridictions régionales
aient une compétence générale (voy. l’existence éphémère de la Cour de justice centre-
américaine (Costa-Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Salvador) créés par une
convention du 20 décembre 1907). Il ne sera brièvement question ci-dessous que de la
cour internationale de justice.

a) Organisation de la C.I.J.

L’organisation de la C.I.J obéit pour l’essentiel aux dispositions du statut (chap. I), dans
le respect des règles générales fixes par la Charte de Sans Francisco.

213
1° Composition

La Cour se compose de 15 membres élus sur l’Assemblée générale et le Conseil de


sécurité sur présentation des groupes nationaux de la cour permanente d’arbitrage.
La Cour « ne pourra comprendre plus d’un ressortissant d’un même Etat » (art. 3), les
Nations unies devant veiller à ce que ces membres « assurent dans l’ensemble la
représentation des grandes formes de civilisations et des principaux systèmes juridiques
du monde » (art.9). Dans les faits, certains usages politiques, privilégiant une
représentation géographique, sont habituellement suivis ; les membres permanents du
conseil de sécurité ont en outre toujours disposé à ce jour d’un juge de leur nationalité.
L’élection est acquise lorsque le candidat obtient « la majorité absolue des voix dans
l’Assemblée générale et dans le conseil de sécurité » (art. 10), sans droit de veto, des
règles particulières sont prévues dans le cas où aucune majorité ne se dégage après trois
jours (voy. l’article 12).
« Les membres de la Cour sont élus pour 9ans et ils sont rééligibles » (art.13). Ils
« jouissent, dans l’exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités
diplomatiques » (art.19).

2° Juge ad hoc

L’article 31 du statut admet la désignation par l’Etat qui ne dispose pas d’un juge de sa
nationalité au sein de la cour d’un juge ad hoc. Ce vestige de l’arbitrage a pour raison
d’être fondamentale d’assurer l’égalité entre les parties lorsque l’une d’entre elles
bénéficie d’un juge de sa nationalité, qui conserve le droit de siéger dans l’affaire dont la
cour est saisie. La désignation d’un juge ad hoc peut néanmoins également intervenir
lorsqu’aucune des parties ne dispose d’un juge de sa nationalité au sein des membres
permanents, c’est un certain respect de la souveraineté des Etats, si non des exigences
d’une bonne administration de la justice, qui explique alors une nomination
exceptionnelle.
Le juge ad hoc, soumis pour le reste aux mêmes règles, notamment d’indépendance et
d’impartialité, que les juges permanents, ne doit pas nécessairement avoir la nationalité
de l’Etat qui le désigne (affaire de Corfou, de la Barcelona Traction, des activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua, …) ; celui-ci peut par ailleurs renoncer à y avoir
recours (affaire du temple de Préach Vihéar, …). Deux Etats peuvent convenir de
désigner un même juge ad hoc (Pays-Bas et Danemark dans l’affaire du plateau
continental de la mer du nord) ; lorsqu’un Etat fait cause commune avec un autre Etat
qui a précédemment désigné un juge ad hoc ou qui dispose d’un juge de sa nationalité
parmi les membres permanents, la Cour s’oppose toutefois à ce qu’il désigne un
(nouveau) juge ad hoc (voy. l’article 31, §5).
La désignation d’un juge ad hoc peut intervenir dans une procédure consultative (voy.
infra), au moins lorsque la demande d’avis met en cause de manière directe les droits ou
obligations d’un Etat (voy. la désignation d’un juge ad hoc – refusée à la Mauritanie –
par le Maroc dans l’affaire du Sahara occidental).

214
C’est à la Cour qu’il appartient de vérifier si les conditions requises pour la désignation
d’un juge ad hoc sont remplies.

3° Administration interne

« 1. La Cour nomme, pour trois ans, son Président et son Vice-Président ; ils sont
rééligibles.
2. Elle nomme son greffier et peut pourvoir à la nomination de tels autres fonctionnaires
qui seraient nécessaires » (art. 21).
Les frais de fonctionnement de la Cour sont supportés par les Nations-Unies, son budget
étant arrêté par l’Assemblée générale qui fixe le traitement de ses membres (art. 32 et
33).

4° Siège
« 1. Le siège de la Cour est fixé à La Haye. La Cour peut toutefois siéger et exercer ses
fonctions ailleurs lorsqu’elle le juge désirable.
2. Le Président et le greffier résident au siège de la Cour » art. 22).

5° Chambres

Si la Cour exerce normalement ses attributions en séance plénière, le statut lui laisse
néanmoins la possibilité de constituer en son sein certaines chambres :
chambre de 3 juges pour connaître de catégories déterminées d’affaires (art.26,§1),
chambre dont le nombre de juges est fixé avec l’assentiment d’affaires « pour connaître
d’une affaire déterminée » (art.26, §2)
chambre de 5 juges pour « statuer en procédure sommaire lorsque les parties le
demandent (art.29).
Longtemps, ces procédures sont demeurées totalement inutilisées, les parties paraissant
considérer que la composition plénière de la Cour est une garantie de conne justice.
Récemment, elles ont toutefois connu certaines applications (affaire relative à la
délimitation maritime dans le golfe du Maine (1982 affaire du différend frontalier entre
le Burkinafaso et la Mali (1986), …). Une réforme du règlement de la Cour devrait en
faciliter l’emploi, que les divisions présentes de la société internationale encouragent
indirectement en jetant, dans des affaires « sensibles », la suspicion sur les juges de telle
ou telle origine politico-idéologique.
Avant de composer la chambre appelée à connaître d’une affaire déterminée, la Cour
« s’informe (des) vues » des parties à ce propos. Il ne faudrait cependant pas que le poids
de leurs desiderata devienne trop grand, sauf à transformer la procédure par chambre en
un avatar de l’arbitrage.

b) Compétences

215
A côté d’une compétence contentieuse, traditionnelle, la C.I.J jouit d’une compétence
consultative, plus exceptionnelle, dont disposait déjà la C.P.J.I.

1° Compétence contentieuse

Dans l’exercice de sa compétence contentieuse, la Cour est classiquement appelée à


trancher par voie de décision obligatoire les différends juridiques qui lui sont soumis.

1. Accès à la juridiction

Selon l’article 34 du statut, « seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la
Cour ».
La règle, déjà en vigueur sous l’empire de la C.P.J.I., exclut en conséquence que les
différends mettant en cause d’autres sujets du droit des gens et, a fortiori, des
particuliers puissent être soumis à la C.I.J. La possibilité qui est laissée aux
organisations internationales, pour lesquels l’arbitrage constitue le seul règlement
juridictionnel possible, de faire le cas échéant connaître à la Cour leurs observations,
notamment lorsqu’est en cause l’interprétation de leur acte constitutif, ne compense
guère cette exclusion.
S’agissant des Etats membres des Nations-unies, l’accès à la cour existe de plein droit le
seul fait qu’ils sont nécessairement parties au statut. S’agissant des Etats non membres,
la possibilité leur est laissée soit d’adhérer au statut aux conditions fixées par
l’Assemblée générale (voy. les résolutions 91 (I), 264 (III) et 2520 (XXIV) sur
recommandation du conseil de sécurité (art. 93, §2, Charte) (Liechtenstein, Sans
Marino, Suisse), soit de soumettre à la Cour un litige particulier en se conformant aux
conditions déterminées par le Conseil de sécurité (voy. la rés. 9 (1946)) (art.35, §2, )

2. Fondement de la juridiction

Si la Cour est ouverte à tous les Etats, elle ne s’impose à ceux-ci que s’ils ont
préalablement accepté sa juridiction. L’idée d’une juridiction obligatoire, sérieusement
envisagée lors de l’élaboration du statut de la C.P.J.I, a depuis lors été totalement
abandonné, elle parait, il est vrai peut compatible avec un postulat fondamental de
souveraineté auquel les Etats demeurent dans l’ensemble viscéralement attachés.
Cette acceptation de la juridiction de la cour peut classiquement être exprimée dans un
compromis occasionnel ou dans une clause compromissoire. La forme de l’un ou de
l’autre importe peu, dès l’instant où la volonté de se soumettre à la juridiction en ressort
avec certitude. La C.I.J a ainsi souligné qu’il n’existait aucune règle « interdisant qu’un
communiqué conjoint constitue un accord international destiné à soumettre un
différend à l’arbitrage ou au règlement judiciaire » (affaire du plateau continental de la
mer Egée, Rec,. 1978, p.39). Il n’est même pas obligatoirement requis qu’une déclaration
expresse soit adoptée, le consentement pouvant être le cas échéant déduit du seul défaut
de protestation, in limine litis, contre la compétence de la Cour (forum prorogatum),
ainsi que la Cour l’a clairement admis (affaire du détroit de Corfou (1948), …).
Encore faut-il néanmoins toujours que cette volonté de se soumettre à la Cour soit

216
certaine, le juge n’existant que parce que et dans la mesure où il a été accepté.

3. La clause facultative de juridiction obligatoire

Soucieux d’encourager les Etats à soumettre leurs différends à la Cour, les auteurs du
statut ont mis au point, dès la C.P.J.I., une clause facultative de juridiction obligatoire
qui permet à tout Etat de « déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans
convention spéciale, à l’égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la
juridiction de la Cour » (art. 36, §2). La déclaration est normalement notifiée au
Secrétaire général des Nations unies ; en son arrêt Nicaragua c. Etats-unis, la C.I.J.
semble avoir néanmoins admis, dans des motifs il est vrai peu clairs, que l’acceptation de
l’Etat puisse exceptionnellement demeurer purement tacite (voy. Rec., 1984, pp.412 ss,
§§46ss.).
La déclaration, qui s’analyse en manière de pollicitation, se distingue de la clause
compromissoire par le caractère général et impersonnel de son objet. Dès la C.P.J.I., il a
été admis qu’elle puisse être entourée de réserves, même si le statut se contente de
prévoir qu’elle peut être faite « purement et simplement ou sous condition de
réciprocité, … ou pour un délai déterminé »(art.36, §3). Si celles-ci peuvent être
acceptées, en application des règles générales sur le droit des traités, lorsqu’elles portent
sur des objets précis et limités, leur validité est singulièrement plus douteuse lorsque
leur contenu précis demeure largement indéfinissable. La réserve dite automatique qui,
dans la formulation donnée par les Etats-Unis, soustrait à la Cour les « différends relatifs
à des questions relevant essentiellement de la compétence nationale des Etats-Unis
d’Amérique, telle qu’elle est fixée par les Etats-Unis d’Amérique » (déclaration du
26août 1946, dénoncée le 7 octobre 1985), en offre l’un des meilleurs exemples. Il a été
fait application de cette réserve au titre de la réciprocité (voy. l’affaire des emprunts
norvégiens, Rec., 1957, p. 23, …), qui revêt en l’occurrence la portée d’une règle générale.
La cour n’a toutefois jamais confirmé expressément la validité de la réserve, qui est plus
que douteuse par suite du caractère apparemment purement potestatif de l’engagement
pris. Si sa nullité devrait être prononcée, elle devrait, par analogie avec les règles de la
convention de Vienne sur le droit des traités, entraîner la disparition de l’acceptation de
la juridiction de la cour, eu égard au caractère probablement déterminant de la réserve
dans le consentement de l’Etat.
Selon l’article 36, §5 du statut de la C.I.J, les déclarations faites en application du statut
de la C.P.J.I.. « Pour une durée qui n’est pas encore expirée » (« still in force » dans la
version anglaise) seront considérées comme emportant acceptation de la juridiction de
la C.I.J. « Pour la durée restant à courir d’après ces déclarations ». La cour a considéré
que cette continuité ne pouvait être admise que si l’Etat intéressé était membre des
Nations Unies au jour de la dissolution de la S.D.N, ce qui a préservé sa déclaration
d’une caducité irrémédiable (affaire de l’incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël-
Bulgarie), Rec., 1959, pp.127ss). Dans l’affaire Nicaragua – Etats-Unis (compétence), la
Coura par ailleurs jugé, de manière plus incompréhensible, qu’une déclaration qui n’est
jamais entrée en vigueur sous la C.P.J.I., faute de ratification du statut, conserve sous
l’empire de la C.I.J un « effet potentiel » suffisant à l’application de l’article 36, §5 (Rec.,
1984, pp.404 ss, §§ 27ss).

217
On pouvait espérer trouver dans la généralisation de la clause facultative quelque
substitut à une juridiction obligatoire défaillante. Le palliatif s’est rapidement révélé
purement illusoire. Plusieurs Etats, et singulièrement les pays socialistes, se sont en effet
déclarés systématiquement hostiles à la clause, et plus largement à la juridiction de la
Cour ; certaines déclarations récentes de l’URSS annoncent toutefois un revirement à ce
propos, qui serait à proprement parler révolutionnaire. Les autres Etats ne se sont, à
l’expérience, guère révélés plus enthousiastes ; seule une quarantaine d’entre eux
souscrivent à ce jour à la clause compromissoire, mais souvent avec des réserves telles
que la portée de leur engagement en est singulièrement réduite. Divers Etats, dont la
France et les Etats-Unis, ont, enfin, récemment dénoncé la clause avec fraca, à la suite
notamment de jugements qui leur déplaisaient.
La Belgique est l’un des rares Etats qui continue de manière paisible à reconnaître la
juridiction obligatoire de la Cour conformément à l’article 36, §2, pour une durée
indéterminée et sans réserve particulière (déclaration du 17 juin 1958, Mon., 29-30 juin
1958).

4. Droit applicable

Selon l’article 38 du statut,


« 1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les
différends qui lui sont soumis, applique :
les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles
expressément reconnues par les Etats en litige ;
la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant
de droit ;
les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ;
sous réserve de la disposition de l’article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des
publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de
détermination des règles de droit ;
la présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont
d’accord, de statuer ex aequo et bono, »
La Cour ne saurait en revanche procéder à quelque autre règlement, même ave le plein
accord des parties, sans abandonner son caractère proprement judiciaire.

2° Compétence consultative

Selon l’article 65 du statut, « la Cour peut donner un avis consultatif sur toute question
juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte
des Nations-Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis ».
Cette compétence consultative, qui était déjà prévue dans l’article 14 du pacte de la
Société des Nations, tempère quelque peu l’interdiction qui est faite aux organisations
d’avoir accès au contentieux. Tout en leur étant réservée, les Etats en sont en effet exclus,
elle ne leur est pas ouverte à toutes. Si le droit de demander un avis appartient de plein
droit au conseil de sécurité et à l’Assemblée générale, il ne peut être pour le reste exercé
que par les « autres organes de l’organisation et institutions spécialisées » spécialement
autorisés par celle-ci. Toutes les organisations, et singulièrement les organisations

218
régionales, qui n’ont pas qualité d’institutions spécialisées des Nations-unies, sont dès
lors exclues du bénéfice des avis consultatifs. Cela dit, l’autorisation de saisir la Cour
d’une demande d’avis a été assez généreuse accordée par l’Assemblée générale à ces
institutions, ainsi qu’aux organes, principaux ou subsidiaires (voy. l’avis sur la demande
de réformation du jugement n°158 du T.A.N.U., Rec., 1973, p. 172) des Nations unies,
sous la seule exception – remarquable- du Secrétaire général.
L’avis doit être demandé sur une question « juridique ». Si la C.P.J.I. a considéré que
cette question ne pouvait porter sur une matière contentieuse entre les Etats (affaire de
la Carélie orientale, Série B, n°5 (1923)), pour éviter toute méconnaissance indirecte du
caractère purement volontaire de la juridiction internationale, la C.I.J, ne semble pas
vouloir faire preuve de la même réserve (voy.l’affaire du Sahara occidental, Rec., 1975,
pp.12 ss), et parait disposée à accueillir la demande d’avis pour autant qu’aucune
demande n’ait été introduite au contentieux. La cour n’est cependant pas tenue de
répondre à toute question qui lui serait adressée.
La procédure des avis consultatifs est substantiellement identique à celle qui s’applique
en matière contentieuse (voy. l’article 68), qui se conçoit d’autant mieux que la Cour
n’hésite plus à se prononcer sur des questions qui ne sont pas purement abstraites.
Par définition, l’avis consultatif, qui véhicule une réponse et non une décision, n’oblige
pas, quelle que soit son autorité dite morale. Il est possible néanmoins que, par
convention, les Etats (voy. par ex. l’article VIII de la convention du 13 février 1946 sur les
privilèges et immunités des Nations Unies) ou les organisations internationales (voy. par
ex. les statuts de l’Agence internationale de l’énergie atomique ou les statut du Tribunal
administratif des Nations unies) s’engagent par avance à respecter l’avis de la C.I.J, ce
qui lui confère indirectement un caractère obligatoire. On aurait pu considérer qu’il y
avait là une violation de la Charte, s’opposant à l’exercice d’une compétence
consultative ; la Cour ne l’a cependant pas admis.

3° Procédure et pouvoirs

Les pouvoirs de la C.I.J., ainsi que les règles de procédure, sont déterminés par le Statut,
ainsi que par le Règlement de procédure adopté par la Cour en application de son article
30, dans le respect des règles générales formulées dans la Charte des Nations Unies.
Sans entrer dans le détail de solutions à l’ordinaire assez classiques, quelques mentions
plus particulières méritent d’être faites sur ce point.

i) Saisine

La saisine de la Cour se fait normalement par notification au greffe du compromis


occasionnel ou par requête unilatérale en cas de clause compromissoire ou de clause
facultative de juridiction obligatoire.

ii) Compétence de la compétence

219
Selon l’article 36, §6 de son statut, « en cas de contestation sur le point de savoir si la
Cour est compétente, la Cour décide ». Cette « compétence de la compétence », qui n’a
jamais été sérieusement contestée, s’est à l’expérience avérée particulièrement utile ;
nombreuses sont en effet, surtout dans la pratique récente, les affaires dans lesquelles
l’Etat défendeur a dénié à la Cour, parfois véhémentement, toute juridiction.
On distingue sur ce point exceptions d’incompétence ou d’irrecevabilité, sans que la
distinction soit toujours aisée à établir. Quoi qu’il en soit, l’exception, nécessairement
préliminaire, doit toujours être soulevée in limine litis. Logiquement l’exception
d’incompétence doit être examinée en premier lieu.

Depuis la révision de son règlement intervenue en 1972, la jonction des exceptions au


fond ne peut plus être ordonnée par la Cour. Si elle décide néanmoins que l’exception n’a
pas un caractère exclusivement préliminaire, il lui appartient de fixer en conséquence les
délais pour la suite de la procédure (art. 72, §7) (voy. sur ce point les explications
fournies par la Cour in Nicaragua c. Etats-Unis (fond), Rec., 1986, pp. 290, §§ 37ss).

iii) Mesures conservatoires

Selon l’article 41 du statut, «  la Cour a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les
circonstances l’exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être
prises à titre provisoire ». Le caractère obligatoire de ces mesures est controversé en
doctrine. Même si les termes sont peu sûrs (« indiquer »), on voit mal a priori comment
les mesures prises par un juge pour prévenir d’urgence un préjudice irréparable
pourraient ne pas s’imposer aux parties. Il est indifférent à cet égard que ces mesures
n’aient plus d’une fois pas été respectées. Cela étant, il est vrai que la Cour n’a jamais à ce
jour clairement « ordonné » des mesures conservatoires, elle s’est contentée de les
« indiquer » dans l’ambiguïté par voie d’ordonnance.
Pour que ces mesures puissent être indiquées, il n’est pas indispensable que la
compétence de la Cour soit clairement établie. Selon une jurisprudence constante, il
suffit que celle-ci ne soit pas prima facie manifestement incompétente ou du moins que
« les dispositions invoquées par le requérant paraissent constituer prima facie une base
sur laquelle sa compétence pourrait être fondée (affaire Nicaragua – Etats-Unis,
ordonnance du 10 mai 1984, §24).
Compte tenu des termes de l’article 41 et de la ratio même des mesures conservatoires, la
Cour peut indiquer d’office, même de telles mesures, comme le prévoit expressément
l’article 75 de son règlement. A ce jour, la Cour n’a toutefois jamais véritablement agi
d’office, même si elle a parfois accordé d’autres mesures que celles qui lui étaient
formellement demandées.
Il va de soi que l’indication de mesures conservatoires ne préjuge aucunement de la
décision sur la compétence ou sur le fond. Dans l’affaire de l’Anglo-Iranien Oil cy, la
Cour s’est d’ailleurs déclarée incompétente après avoir adopté des mesures provisoires
(Rec., 1952, pp. 93ss)

iv. Défaut

220
Le défaut est formellement prévu à l’article 53 du statut. Malgré les réticences que
suscite son emploi, on voit mal comment le contester légalement, que l’Etat ne participe
aucunement à l’instance ou qu’il décide de se retirer de la procédure après y avoir
initialement pris part (voy. dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua, le retrait des Etats-Unis après l’arrêt sur la compétence et l’opinion de la
Cour in Rec., 1986, pp. 23ss, §§26ss.). Dans un système de juridiction volontaire, on
aurait pu croire que le défaut resterait exceptionnel. Il ne l’est plus véritablement depuis
l’arrêt rendu dans l’affaire de la compétence en matière de pêcheries opposant le
Royaume Uni à l’Islande (Rec., 1973, pp.3ss.), même s’il est rarement « pur », l’Etat
défaillant cherchant habituellement à faire indirectement part à la Cour de ses
observations.
En cas de défaut, l’autre partie peut demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions.
L’article 53 du statut invite cependant celle-ci, avant d’y faire droit, à s’assurer de sa
compétence, ainsi que du bien-fondé des conclusions du demandeur. La Cour n’a pas
manqué dans la pratique de faire sur ce point preuve d’une prudence toute particulière,
pour garantir tant que faire se peut la crédibilité de sa décision. On ne saurait en
principe le lui reprocher, même si le déséquilibre ainsi introduit entre les parties paraît
parfois faire la part exagérément belle à l’Etat défaillant.

v. Intervention

Sauf lorsque l’affaire dont est saisie la Cour a pour objet même les droits ou « intérêts
juridiques » d’un tiers (voy. l’affaire de l’or monétaire albanais, Rec., 1954, p.32), il n’y a
pas de « partie indispensable » dont la participation à l’instance puisse conditionner la
recevabilité de la requête, ce « qui ne serait concevable que parallèlement à un pourvoir,
dont la Cour est dépourvue, de prescrire la participation à l’instance d’un Etat tiers »
(arrêt Nicaragua c. Etats-Unis (compétence), Rec., 1984, p. 431, §88). Cela étant, il est
loisible à un Etat tiers d’intervenir dans la procédure, étant entendu qu’il sera lié par la
décision de la Cour dans la limite de l’objet de son intervention.
Selon l’article 63 du statut, l’intervention paraît de droit « lorsqu’il s’agit de
l’interprétation d’une convention à laquelle ont participé d’autres Etats que les parties en
litige » (voy. l’intervention de Cuba dans l’affaire Haya della Torre (1951) opposant le
Pérou à l a Colombie).
La formule de l’article 62 est moins claire, qui semble laisser à la Cour un droit
discrétionnaire d’accepter ou de refuser l’intervention de l’Etat qui « estime que, dans un
différend, un intérêt d’ordre juridique est pour lui en cause ». Cette dernière notion ne
laisse d’être mystérieuse. S’il ne suffit pas de se prévaloir de quelque intérêt général dans
le développement ou la formulation du droit international (voy. l’intervention de Malte
dans l’affaire du plateau continental Tunisie/Lybie, Rec., 1981, p.19), il ne paraît pas
davantage justifié de se réclamer à cette fin de droits propres qui pourraient être
méconnus (voy. l’intervention de l’Italie dans l’affaire du plateau continental
Libye/Malte, Rec., 1984, pp.1ss). L’on ne sait pas ailleurs s’il doit exister un lien
juridictionnel entre l’intervenant et les parties originelles, ou si l’article 62 suffit à

221
constituer une base de compétence. Dans l’immédiat, les droits des tiers n’en sont pas
moins sauvegardés, au moins formellement, par le caractère relatif de la chose jugée.

4° Autorité de la juridiction

Les arrêts de la Cour bénéficient de l’autorité relative de la chose jugée, l’article 59


précisant expressément que « la décision n’est obligatoire que pour les parties en litige et
dans le cas qui a été décidé. Il n’est pas fait exception à cette règle lorsque le jugement
est dit déclaratoire, même si son autorité s’étend en pareil cas aux litiges futurs qui
entrent dans l’hypothèse de la question abstraite tranchée par la Cour sans référence
immédiate à un différend concret. Il n’ y a pas d’autorité de la chose interprétée qui
puisse étendre à tous les signataires d’une convention la force obligatoire de
l’interprétation qui en est donnée par la Cour dans le litige particulier dont elle est saisie,
sauf si ces Etats sont intervenus dans la procédure conformément à l’article 63 du statut.
« L’arrêt est définitif et sans recours » (art. 60). Si tout appel ou opposition est en
conséquence exclu, le statut admet néanmoins expressément un recours en
interprétation (art. 60), « en cas de contestation sur le sens et la portée » de son
dispositif, ainsi qu’un recours en révision « en raison de la découverte d’un fait de nature
à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l’arrêt, était inconnu de la
Cour et de la partie qui demande la révision, sans qu’il y ait, de sa part, faute à l’ignore  »
(art., 61) (voy. l’affaire de la demande en révision et en interprétation de l’arrêt du 24
février 1982 en l’affaire du plateau continental Tunisie/Lybie, Rec., 1985, pp. 192 ss).
Logiquement, s’il n’ y a aucune raison de soustraire les arrêts de la C.I.J à une nullité qui
devrait pouvoir être substantiellement admise pour les mêmes causes qu’en matière
d’arbitrage. L’adage (interne) : « voies de nullité n’ont point cours contre les jugements »
ne parait en effet guère applicable dans un système qui ne connaît aucune organisation
des recours judiciaires. Cela étant, on ne voit pas bien comment cette nullité pourrait
jamais être concrètement obtenue sans un accord entre parties, qui, reposant sur de
souveraines volontés, fait perdre à la nullité même une bonne part de sa spécificité.
Même si les décisions de la C.I.J. ne disposent pas à proprement parler de la force
exécutoire, l’article 94 de la Charte précise que « si une partie à un litige ne satisfait pas
aux obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt rendu par la Cour, l’autre partie
peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire des
recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt » (comp.
l’article 13, §4, du pacte de la S.D.N.). Il y a là une compétence discrétionnaire dont
l’exercice est indépendant de toute atteinte à la paix, à laquelle est normalement
subordonné le pouvoir de décision dont jouit le conseil de sécurité dans le cadre du
chapitre VII de la Charte (voy. infra). Il n’est pas exclu que l’article soit libéralement
interprété de manière à y inclure, à côté des arrêts proprement dits, des ordonnances
éventuelles, notamment celles qui « indiquent » des mesures conservatoires. A ce
jour, l’article 94, §2, n’a toutefois connu aucune application. Il est vrai que les arrêts sont
très généralement exécutés, ce qui en réduit –heureusement- l’utilité.
Rien ne devrait s’opposer à ce que les décisions de la C.I.J. soient, comme les sentences
arbitrages, mises à exécution dans l’ordre interne, sans autre contrôle que de leur
authenticité.

222
C. LE REGLEMENT POLITIQUE

On peut appeler « politique », de manière très approximative, la solution qui est


apportée à un litige par une organisation internationale, en marge des méthodes
proprement diplomatiques ou juridictionnelles.
Ce règlement est particulièrement travaillé dans l’organisation des Nations Unies, qui a
pour objectif premier, du moins originellement, de maintenir la paix et la sécurité
internationale (voy. infra chap. VI). On ne saurait toutefois négliger le rôle parfois très
considérable que jouent en ces matières d’autres organisations, universelles ou
régionales, ni être surpris de ce que l’efficacité de leur action soit à l’ordinaire
directement proportionnelle à l’étendue de leur pouvoir de décision, ainsi qu’à
l’importance des « services » qu’elles offrent à leurs membres (F.M.I., Banque Mondiale,
Communautés européennes, …).

Chapitre deuxième

LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE NON RECOURS A LA FORCE : EXCEPTIONS


CERTAINES ET EXCEPTIONS CONTROVERSEES

Pour radicale que soit la condamnation du recours à la force, elle n’exclut pas que
certaines exceptions puissent lui être apportées. Deux exceptions au principe de non
recours à la force sont incontestées car elles ressortent clairement des dispositions de la
charte : l’emploi de la force dans le cadre de la légitime défense (individuelle ou
collective) et dans le cadre de la sécurité collective. D’autres exceptions émergent mais
demeurent controversées telles l’ingérence humanitaire armée, l’emploi de la force en
vue d’assurer le sauvetage des nationaux à l’étranger, …

Section I. LES CERTITUDES : LA LEGITIME DEFENSE INDIVIDUELLE OU


COLLECTIVE

Aucune disposition de la Charte, dit l’article 51 de celle-ci, ne porte atteinte au droit


naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des
Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le conseil de sécurité ait
pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales.

Ce droit de légitime défense, qui a été invoqué à des multiples reprises depuis 1945, est
dit naturel pour souligner son caractère élémentaire, le qualificatif n’impliquant pas de
soi le retour obligé à quelque jusnaturalisme. La C.I.J., à l’occasion de l’affaire
Nicaragua, a par ailleurs confirmé le caractère coutumier du droit naturel de légitime
défense. LA Cour observe : « la déclaration relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales entre Etats démontre que les Etats représentés à

223
l’Assemblée générale considèrent l’exception à l’interdiction de la force que constitue le
droit de légitime défense individuelle (…) comme déjà établie par le droit international
coutumier »119. La cour souligna, à la même occasion, « que les domaines réglementés
par l’une et par l’autre source de droit ne se recouvrent … pas exactement et (que) les
règles n’ont pas le même contenu »120

Par delà les problèmes de compétence, soulevés devant la Cour, l’intérêt de la précision
est fondamentalement d’étendre aux Etats non membres des Nations Unies le bénéfice
de la légitime défense. Elle ne saurait cependant faire oublier que celle-ci n’a aucun sens
en dehors d’un système de sécurité collective qui permet de faire l’économie d’un recours
« privatif » à la force. Dans l’état présent des relations internationales, ce système ne
peut qu’être conventionnel.

On a vu qu’au regard de son caractère coutumier le droit de légitime défense relève du


droit international général ; il s’impose erga ones, tous les Etats en bénéficient, qu’ils
soient ou non partie à la Charte qui le codifie. Il reste à souligner que le droit de légitime
défense existe tant au profit de l’Etat attaqué (légitime défense individuelle), que l’Etats
tiers (légitime défense collective). C’est autant dire que face à une agression armée, il n’y
a pas que l’Etat victime de l’agression qui a le droit de riposter militairement pour
repousser l’agression. Les Etats tiers aussi, avec ou sans accord préalable d’entraide
militaire avec l’Etat agressé, ont le droit de recourir à de mesures (même armées) pour
répliquer à une agression.

Quels que soient les appels nombreux qui y furent faits depuis l’origine du droit des gens
dans le cadre des théories de la guerre juste, la légitime défense ne présente d’intérêt en
droit positif qu’à partir du moment où le recours à la force armée est en principe interdit,
c’est-à-dire au lendemain du pacte Briand-kellog. Avant cette date, le problème est en
effet d’en interdire, et non d’en légaliser, exceptionnellement l’emploi.
Si l’unanimité est acquise sur la légitimité de la légitime défense, les conditions
d’exercice de ce droit « naturel » suscitent encore des controverses.

§ 1. La légitime défense individuelle

Il convient de la définir (a) et en examiner les conditions d’exercice (b).

a) Notion

La légitime défense individuelle est le droit d’un Etat attaqué d’avoir recours à la force
(armée) pour se protéger contre l’agression dont il est victime. Pour que l’Etat puisse
recourir à la guerre dans l’exercice de son droit inhérent de légitime défense individuelle
il faut qu’il soit (réellement et actuellement) victime d’une agression armé, que le

119
Rec., 1986, pp. 102-103.
120
Ibid., p. 94, &176.

224
recours à la force soit le moyen nécessaire et proportionnel pour se mettre à l’abri de
l’agression, qu’il informe immédiatement le Conseil de sécurité des mesures prises au
titre de légitime défense et soit prêt à les abandonner lorsque le Conseil de Sécurité y
aura substitué des mesures proprement collectives.

b) Analyse des conditions d’exercice de la légitime défense individuelle

i) L’agression

« Dans le cas de la légitime défense individuelle, ce droit ne peut être exercé que si l’Etat
intéressé a été victime d’une agression armée » (Nicaragua c. Etats-Unis », Rec., p. 103,
§195).
L’exigence paraît évidente, dans la mesure où elle est expressément formulée à l’article
51 de la Charte. Il demeure toutefois que la version anglaise de celui-ci utilise
l’expression « armed attack », ce qui a permis à un important courant doctrinal de
soutenir qu’il peut y avoir légitime défense sans agression. Aucune explication
convaincante de cette disparité de terminologie n’a cependant jamais été offerte.
Depuis la société des Nations, la définition de l’agression s’est heurtée à de grosses
difficultés, aucun des différents projets de traité qui furent successivement présentés
n’ayant jamais abouti. Le 14 décembre 1974, l’Assemblée générale des Nations Unies a
cependant adopté par consensus une résolution sur la définition de l’agression (3314
(XXIX)) qui, quoique de droit force obligatoire spécifique, est généralement tenue pour
déclarative de droit coutumier, comme la C.I.J. ne l’a pas contesté dans l’affaire des
activistes militaires et paramilitaires au Nicaragua (Rec., 1986, §195, p. 103).
Selon la résolution 3314 (XXIX), « l’agression est l’emploi de la force armée par un Etat
contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat,
ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies, ainsi qu’il
ressort de la présente définition » (art.1er). Il parait bien y avoir là une tautologie.
L’intérêt de la résolution est toutefois de présumer agresseur l’Etat qui a le premier
recours à l’un des actes énumérés dans la résolution, qui sont présumés constitutifs
d’agression (art. 2 et 3). Sont visées à cette fin non seulement diverses formes
d’agression directe (invasion armée, bombardement …) mais également l’agression dite
indirecte définie dans les termes suivants : « l’envoi par un Etat ou en son nom de
bandes ou de groupes armés, de force irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des
actes de force armée contre un Etat d’une gravité telle qu’ils équivalent aux actes
(d’agression directe) …, ou le fait de s’engager d’une manière substantielle dans une telle
action » (art. 3, g). L’énumération fournie par la résolution n’est cependant pas
limitative, d’autres actes pouvant être qualifiés d’actes d’agression par le conseil (ou le
C.I.J) (art.4). On notera que l’agression est définie sans référence aucune ni à l’étendue
d’un dommage causé, ni à quelque mobile qui aimerait l’agresseur. Il demeure toutefois
que le conseil de sécurité est en droit d’écarter la qualification d’agression « compte tenu
de toutes circonstances pertinentes, y compris le fait que les actes en cause ou leurs
conséquences ne sont pas d’une gravité suffisante » (art. 2). Il est généralement admis
que la légitime défense ne peut être mise en œuvre qu’en présence d’une agression

225
réalisée, ce qui exclut son exercice préventif. Il est vrai qu’on ne voit guère comment ses
conditions pourraient être dûment vérifiées, et le recours à la force limité à ce qui est
strictement nécessaire à un Etat pour préserver son indépendance politique et son
intégrité territoriale, si la légitime défense pouvait être exercée préventivement. Cela
étant, il n’est pas sûr, compte tenu du développement moderne des technique de combat,
qu’il faille toujours déclarer illicite l’utilisation de la force justifiée par la menace
imminente d’une agression armée, à la supposer raisonnablement établie.

ii. Nécessité et proportionnalité

Dans la logique d’un système qui cherche à en réduire au minimum l’emploi unilatéral,
la force armée ne peut être utilisée que dans la mesure strictement nécessaire pour se
protéger de l’agression, ce qui condamne les mesures disproportionnées qui seraient
utilisées à cette fin.

Ces exigences de nécessité et de proportionnalité sont admises de longue date (voy.


L’affaire de la Caroline, 1837). Elles demeurent applicables sous l’empire de la Charte
des Nations Unies. Certes, l’article 51 n’en fait pas expressément mention. Mais, la CIJ
a, à plusieurs reprises, réaffirmé ces exigences et en a souligné le caractère coutumier.
En effet, dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci, elle avait déclaré qu’il existe « une règle spécifique (…) bien établie en droit
international coutumier » selon laquelle « la légitime défense ne justifierait que des
mesures proportionnées à l’agression subie et nécessaires pour y riposter »121. On ne peut
être plus claire. Semblablement, dans son avis du 8 juillet 1996 sur la Licéité de la
menace ou de l’emploi de l’arme nucléaire, elle a rappelé que « la soumission de
l’exercice du droit de légitime défense aux conditions de nécessité et de proportionnalité
est une règle de droit international coutumier ».122 On ne saurait se cacher cependant
qu’hors des hypothèses d’école, la vérification de ces conditions est à l’ordinaire
particulièrement délicate.

iii. Information du Conseil de sécurité.

Selon l’article 51 de la Charte, « les mesures prises dans l’exercice … (du) droit de
légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du conseil de sécurité et
n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le conseil, en vertu de la présente Charte,
d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la
paix et la sécurité internationales ».
La précision se conçoit, en son principe, aisément. L’emploi « privatif » de la force ne se
justifiant fondamentalement que par l’impossibilité dans laquelle la société
internationale se trouve provisoirement de prendre les mesures adéquates pour protéger
l’un de ses membres, l’Etat qui se prévaut de la légitime défense doit informer le conseil
de sécurité des mesures qu’il adopte à cette fin, pour que leur licéité puisse être vérifiée
et que des dispositions collectives puissent y être substituées le plus rapidement
possible. La légitime défense est un droit provisoire qui n’existe jamais que « jusqu’à ce
121
Rec., 1986, p. 94, &176.
122
Rec., 1996, p. 245, &41.

226
que le conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la
sécurité internationales ». Si évident qu’en soit le principe, l’application de cette règle est
cependant rendue très malaisée dans la pratique par les carences du système de sécurité
mis en place par la Charte des Nations unies.
Dans son arrêt, Nicaragua c. Etats-Unis, la C.I.J. a considéré que cette obligation
d’informer le conseil de sécurité ne pouvait être considérée comme de droit général, «  la
licéité de l’exercice de la légitime défense n’(étant) pas conditionnée (en droit coutumier)
par le respect d’une procédure aussi étroitement dépendante du contenu d’un
engagement conventionnel et des institutions qu’il établit (Rec., 1986, p.105, §200). C’est
peut-être oublier que la légitime défense est indissociable d’un système de sécurité
collective qui demeure présentement, malgré ses imperfections, celui qu’organise la
Charte des Nations Unies.

2° La légitime défense collective : notion et conditions d’exercice

La légitime défense collective est le droit d’un Etat d’utiliser la force pour venir en
aide à un autre Etat victime d’une agression. Malgré les vives critiques dont elle a
parfois fait l’objet, elle est expressément admise par l’article 51 de la Charte.

La légitime défense collective ne peut être exercée que si les conditions de la légitime
défense individuelle sont remplies. Il faut notamment qu’une agression armée ait été
commise contre l’Etat qui bénéficie de la légitime défense collective, même si l’auteur de
celle-ci ne doit pas avoir été lui-même victime d’une telle agression. Dans l’affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, la C.I.J. a considéré à cet égard « que
c’est l’Etat victime d’une agression armée qui doit en faire la constatation. Il n’existe, en
droit international coutumier, aucune règle qui permettrait à un autre Etat d’user du
droit de légitime défense collective contre le prétendu agresseur en s’en remettant à sa
propre appréciation de la situation » (Rec., 1986, p. 104, §195). La Cour a considéré en
outre qu’ « aucune règle ne permet la mise en jeu de la légitime défense collective sans la
demande de l’Etat se jugeant victime de l’agression alléguée …, l’exigence d’une demande
de l’Etat victime de l‘agression alléguée s’ajout(ant) à celle d’une déclaration par laquelle
cet Etat se proclame agressée (ibid., p.105, §199). Toute autre conclusion permettrait à
un Etat d’exciper de l’agression dont serait victime un tiers pour utiliser abusivement la
force, en compromettant radicalement la sécurité des relations internationales. Cela
étant, la forme de cette constatation et de cette demande n’est pas autrement précisée,
l’absence traditionnelle de formalisme en droit des gens permettant de se satisfaire le cas
échéant des modes les plus simples d’expression dès l’instant où ils ne laissent pas de
doute sur la réalité de l’un et de l’autre acte.

3° Le problème des représailles armées

Dans un système qui entend réserver l’usage de la force à une autorité centrale, en
l’occurrence le conseil de sécurité, sous la seule réserve du droit de légitime défense, il n’

227
y a logiquement aucune place pour des représailles armées. En conséquence, celles-ci
sont à l’ordinaire expressément condamnées, la déclaration sur les principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats (rés. 2625
(XXV)) précisant par exemple que « les Etats ont le devoir de s’abstenir d’actes de
représailles impliquant l’emploi de la force ».
La conclusion est en soi indiscutable ; nul ne le contestera. La difficulté est néanmoins
que le système de sécurité collective imaginé par les autres de la Charte ne fonctionne
pas ou guère, ce qui incite les Etats à recourir unilatéralement à la force dans une mesure
bien plus large qu’ils n’auraient pu le faire si ce système avait effectivement fonctionné.
On peut considérer que toutes ces pratiques sont parfaitement illégales et doivent en
conséquence être proscrites, quelles que puissent être les défaillances de l’organisation
des Nations Unies. La conclusion est parfaitement logique. Si quelque réalisme
élémentaire conduit à ne pas s’en satisfaire, il n’ y a que deux moyens de réconcilier le
droit avec les faits : ou bien l’on ouvre la légitime défense en acceptant qu’elle puisse
être exercée en dehors des hypothèses d’agression armée, ou bien on admet
exceptionnellement la licéité de quelques représailles armées aux mêmes conditions,
mutatis mutandis, que celles qui régissent les « contre-mesures » non militaires
(voy.supra). Ceux qui craignent que la légitime défense demeure (trop) largement
interprétée lorsque le système de sécurité collective fonctionnera effectivement, ne
manqueront sans doute pas de préférer cette seconde solution.

&3. La sécurité collective

S’il est interdit aux membres de toute société organisée d’avoir recours à la force armée
dans leurs relations réciproques ou de se rendre justice eux-mêmes, c’est parce que la
société organise et garantie elle-même la sécurité de ses membres. La société
itnernantioalle ou la communauté des Etats ne fait pas exception à ce principe. C’est
l’objet de la sécurité collective qui peut être définie comme le système par lequel une
collectivité d’Etat conclut, en vue de prévenir l’emploi de la force contre l’un d’entre eux,
des engagements de règlement de différends aux termes desquels chacun pourra
bénéficier, sous forme d’actions communes, de la garantie de l’ensemble de la
collectivité.123 Ainsi entendue, la sécurité collective ne consiste dons pas en une coalition
a priori de certains Etats partageant une philosophie commune contre d’autres, ni en
des alliances fluides et pragmatiques 124. C’est bien l’engagement pris par chaque Etat
membre d’une organisation internationale d’apporter son appui à une décision collective
décidée par cette organisation, de s’opposer à tout Etat coupable, au jugement de
l’organisation, d’une agression ou d’une menace à la paix et à la sécurité de
internationale125.

C’est là une nouveauté consécutive à la création de la Société des Nations en 1919. Dans
le droit des gens classique la « sécuritéé » n’était pas une question objective. Il
appartenait à tous les Etats de prendre individuellement les mesures qu’ils croient

123
J. SALMON (dir), Op.cit., p. 1024.
124
Il faut souligner que la sécurité collective se distingue des alliances régionales et même défensives dans la mesure
où ces dernières ne peuvent qu’être tournées contre les Etats extérieurs à l’alliance.
125
NGUYEN et all., Op. cit., p. 991.

228
opportunes pour se protéger des dangers, agressions et autres accidents auxquelles ils
osnt exposés, quitte à nouer des alliances utiles à cette fin.

Lorsqu’en revanche la SDN est crée, la sécurité de ses mebres devient l’une des
responsabilités de l’organissation appelée à regrouper tous les mebres de la famille des
Nations. Cette préoccupation sécuritaire est la résultante de la prise de conscience de la
fragilité de certaines constructions étatiques, sinon des effets désastreux que produirait
une nouvelle déflagration entre puissants. Un rôle déterminant est confié au Conseil de
laSDN à composition restreinte auquel il appartient de contrôler un processus qui devait
conduire à des anctions dans les cas d’agressions et autres violations particulièrement
graves des exigences découlant du dorit international. Le système n’a guère fonctionné.
Dès le début des années trente, sa faillite est lentente et s’explique par le refus des
grandes puissances d’adhérer à cette organisation, la confusion entre les organes et le
respect trop rigide de l’égalité entre les Etats. En 1945, la SDN est dissoute à la majorité
de ses (trente-quatre) menres et l’ONU lui succède. Si à l’inverse de la SDN l’ONUn’est
pas directement greffé sur des traités de paix, sa structure et ses objectifs sont
fondamentalement les mêmes. Iln’est certes pas question de sauvegarde les arangements
qu’une victoire a permis d’imposer mais d’ordonner le développement futur des nations
que se veulent « unies. En pareille perspective, le mainteint de la paix et de la sécurité
internaitonale est, de toute évidence, un enjeux important. C’est l’objectif principalde
l’ONU.Le maient de la paix et la sécutité internaitnale deveint la responsabilité
quasiexclusive du Cosneil de sécurité, un organe restreint, au sein duquel les cinq
Grands (membres permanents) disposent à la fois d’un siège permanent et d’un droit de
veto contre toute décision qui n’aurait pas leur faveur. L’intention est clairement d’en
faire un « fgendarme » musclé, au risque d’institutionnaliser une manière de directoire
des puissants déjàdénoncés. Le risque s’est rapidemnt révélé théorique. Une fracture
s’est vite installée entre vainqueur que symbolise le rideau de fer qui délimite en europe
leurs zones d’influence. Il n’est plus question de concertation abusives des Grands au
détriment des « petits ». C’est entre les « grands », dont on pouvait craindre les abus de
position dominante, que la division s’installe. Ainsi, bien que le Conseil de sécurité
survit formelment à la guerre froide, il en est paralysé. La sécurité est mis en mal par le
recours souvent systématique et souvent abusif au droit de veto. Les affrontements se
limitent aux poches où les Grands laissent, pour divers motifs, sourde la violence, face à
des « Nations Unies » largement impuissantes.126

Il a fallu attendre la fin de la geurre froide qui s’accompagene en pricnipe de l’adhésion


de chacun aux règles de la démocratie libérale et aux principes de l’économie de marché,
pour que les choses cahngent. Les oppositions structurelles entre Etats s’estompent et
avec elles le recours systématique au veto. La fin de la bipolarité du monde voit se
développer la maîtris factuelle du Conseil par une super puisance : les Etats Unie. La
réforme des Naitons Unies est proposé. En mars 1997, M. Rizali alors président de
l’Assemblée générale, a proposé qu’un siège permanent soit accordé, sans dorit deveto,
l’alleagne et au Japon, ainsi qu’à un Etat africain, asiatique et latino-américain.

A. De la SDN à l’ONU
B. Les sanctions collectives
126
J. VERHOEVEN, Op.cit., pp. 789-790.

229
- Sanctions militaires
- Sanctions non militaires

Section 3. LES EXCEPTIONS CONTROVERSEES

1&. L’ingérence humanitaire armée

&2. Le recours à la force aux fins d’assurer le sauvetage des nationaux à l’étranger

&3. Les représailles armées

&4. Guerre de libération nationale (infra)

Section 3. LE DROIT DANS LA GUERRE (jus in bello)

Quel que soit le fondement de l’usage de la force ou la « justification » du conflit armé 


(légitime défense individuelle ou collective, sécurité collective dans le cadre des
organisations internationales, rebellions, etc.) les belligérants ont l’obligation de
respecter le droit international humanitaire, le jus in bello. Celui-ci comprend d’une part
le droit dit de La Haye lequel renferme les règles régissant les méthodes et les moyens
utilisables par les combattants et de l’autre le droit dit de Genève composé de règles
protégeant les personnes qui ne combattent pas (la population civile) ou qui ne
combattent plus (les blessés, las malades, les naufrages et les prisonniers de guerre). Le
droit de la Haye repose sur l’essentiel sur les conventions conclues à La Haye le 29 juillet
1899 et le 18 octobre 1907. La Convention de Genèv repose essentiellement sur les
quatre conventions de Genève du 12 août 1949 et sur ses Protocoles additionnels du 10
juin 1977. Cette distinction demeure artificielle car les Protocoles compètent aussi bien le
droit de la Haye que le droit de Genève.

Principales règles du DIH : - Les belligérants n’ont pas un droit illimité quant au choix
de moyens de nuire à l’ennemi. - Il est interdit de causer à l’ennemi des maux superflus, -
Le principe de distinction ; les combattants doivent uniquement diriger les opérations
militaires contre les combattants, les civils ne doivent aucunement être attaqués, -
Principe de proportionnalité etc.

Champ d’application du DIH : à tous les conflits armés

- Conflits armés non internationaux ou guerres civiles (Prococole additionnel II,


art. 3 commun)
- Conflits armés internationaux (Conventions de Genève, Protocole additionnel I,
etc.)

Nature juridique des règles de DIH : règles coutumières applicables par tous (droit

230
international général) et opposable erga omnes indépendamment de tout lien
contractuel (Affaire Nicaragua, Affaire de la Licéité)

SOMMAIRES DE CONTENTIEUX INTERNATIONAL127

Le classement des affaires a été effectué selon l’ordre alphabétique déterminé par le mot-clé du
libellé de l’affaire.
Abu Dhabi (Sentence de Lord Asquith du 28 août 1951)
Le litige opposait la Petroleum Development C° au Cheikh d’Abu Dhabi, à propos de la portée
des concessions pétrolière obtenues par la compagnie en 1939. Ces concessions s’étendaient
aux territoires soumis à l’autorité du Cheikh. Or, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
une société concurrente obtint le droit d’effectuer des recherches sur ce qui correspond au
plateau continental de l’émirat (du point de vue géographique il n’y a, cependant, pas de plateau
continental du fait de l’absence de rupture de continuité dans la plate-forme immergée). L’arbitre
anglais constata que la notion de plateau continental était inconnue à l’époque où les
concessions avaient été accordées à la Petroleum, de telle sorte que ces concessions ne
s’étendaient pas au sous-sol marin au-delà des eaux territoriales. La jurisprudence de la C.I.J. a,

127
Le terme de « contentieux » est pris au sens large et cette rubrique évoque des affaires ayant soulevé des questions
de droit international, sans donner nécessairement lieu à un « litige » d’un point de vue formel.

231
simplement, constaté que la notion de « statut territorial », visée par la Grèce en 1931 était une
notion évolutive qui, interprétée en 1978, englobait la notion de plateau continental.
(I.L.R., 1951, p. 144.)

Accord aérien franco-américain


L’accord de 1946 (dénoncé en 1992) a fait l’objet de deux arbitrages :
 Interprétation de l’accord franco-américain relatif au transport aérien international
(Sentence arbitrale du 22 décembre 1963).
Le litige portait sur l’interprétation de l’accord du 27 mars 1946 sur le transport aérien, et plus
précisément, sur le sens su terme « Proche-Orient », utilisé dans l’accord, à propos de la
désignation des escales sur les routes aériennes. De façon concrète, les 2 pays s’opposaient
quant à la localisation de la Turquie et de l’Iran au Proche-Orient. Le Tribunal arbitral recourut
au sans naturel et ordinaire du terme « Proche-Orient » et analysa le contexte. Il aboutit à la
constatation que la France avait raison de ne pas considérer Istanbul, Ankara et Téhéran
comme des points intermédiaires situés au Proche-Orient, d’après l’accord aérien. Il trouva
confirmation des résultats obtenus en recourant également aux moyens auxiliaires
d’interprétation, que constituent les travaux préparatoires et la conduite ultérieure des parties.
Mais, par ailleurs, le Tribunal arbitral admit que la conduite postérieure des parties pouvait
modifier un accord international et ainsi le Tribunal du constater que la France avait admis, dans
la pratique, la desserte de Téhéran et celle d’Istanbul et Ankara, mais sans droits commerciaux
entre Paris et ces escales.
(R.S.A., vol. XVI, p. 11.)

 Rupture de charges (interprétation de l’accord franco-américain relatif au transport aérien


international – Sentence arbitrale du 9 décembre 1978).
Le litige opposait à nouveau la France et les Etats-Unis au sujet de l’interprétation de l’accord
aérien de 1946. En 1978, la compagnie américaine Pan Am décida de reprendre l’exploitation
de la ligne partant de la côte Ouest des Etats-Unis et aboutissant à Paris, via Londres. Tout en
renonçant à tout droit de trafic entre Londres et Paris (c’est-à-dire sans embarquer à Londres
des passagers pour Paris et inversement), la compagnie américaine décida une « rupture de
charge » à Londres, c’est-à-dire un changement d’appareil (Boeing 727 au lieu d’un 747) aux
fins d’une exploitation plus économique en fin de parcours, grâce aux Boeings 727 stationnés en
Europe. La France prétendit que cette initiative était contraire à l’accord aérien, car celui-ci ne
réglait que les ruptures de charge sur le territoire des Parties contractantes et non sur le
territoire d’un Etat tiers (Londres). Les autorités françaises interdirent le débarquement de
passagers de la Pan Am.
Les Etats-Unis décidèrent, alors, immédiatement, une « contre-mesure », en l’occurrence
l’exigence du dépôt par les compagnies françaises, dans des délais déterminés, de leurs
programmes de vol, à destination u en provenance des Etats-Unis. Le principe de mesures plus
radicales fut également retenu. Le Tribunal arbitral a donné entièrement tort à la France, en
reconnaissant, non seulement le droit pour le transporteur américain de changer d’appareil à
Londres, mais également la légitimité des contre-mesures arrêtées par les autorités
américaines.
(R.S.A. vol. XVIII, p. 454.)

232
Accord de siège Etats-Unis – O.N.U. (officiellement : applicabilité de l’obligation d’arbitrage en
vertu de la section 21 de l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l’O.N.U. ; C.I.J., avis
consultatif du 26 avril 1988).
En vertu d’une loi contre le terrorisme adoptée en 1987 par le Congrès, le gouvernement
américain décida la fermeture du bureau à New York de la mission d’observation de l’O.L.P.
auprès des Nations unies. Malgré les protestations du Secrétaire général de l’O.N.U., le
gouvernement américain refusa à la fois de revenir sur sa décision et d’accepter de recourir à
l’arbitrage prévu par l’accord de siège. Les autorités américaines estimaient prématuré le
recours à l’arbitrage, la loi n’étant pas encore appliquée du fait d’une procédure en cours devant
les tribunaux américains. Sur une demande d’avis consultatif présentée par l’Assemblée
générale, la C.I.J. a estimé que l’accord conclu avec les Nations unies l’emportait sur le droit
interne et que les Etats-Unis étaient tenus de recourir à l’arbitrage.
(Rec., p. 12.)

Mais, par la suite (29 juin 1988), un tribunal fédéral américain a considéré que le gouvernement
américain devait respecter l’accord de siège et ne pas faire obstacle à l’accomplissement des
fonctions officielles de la mission d’observation de l’O.L.P. auprès des Nations unies. Le juge
Palmieri a considéré qu’il n’y avait aucune indication de la volonté du Congrès, en votant la loi
anti-terroriste, de lui accorder une supériorité sur l’accord de siège. La loi anti-terroriste a donc
été déclarée inapplicable à la mission d’observation de l’O.L.P. eu égard aux obligation des
Etats-Unis au titre de l’accord de siège.
(I.L.M., 1988, p. 1055.)

Accord sur les dettes extérieures allemandes (Arbitrage du 16 mai 1980)


Sur la base d’un accord de 1953, sur les dettes extérieures allemandes, la République fédérale
allemande s’engageait envers les autres Etats signataires à offrir aux porteurs de l’emprunt
Young (1930) une garantie de change. Un différend surgit dans les années 60 à la suite de
réévaluation du D.M. et fut porté devant le tribunal d’arbitrage créé par l’accord de 1953. Le
tribunal chargé d’appliquer « les règles généralement acceptées du droit international » prit en
considération le « but de la clause à interpréter » (« devise la moins dépréciée ») et considéra
qu’il s’agissait de protéger les créanciers contre les pertes pécuniaires résultant de dévaluations,
mais que la clause ne jouait pas en cas de réévaluations.
(R.G.D.I.P., 1980, p. 1158.)

Achille Lauro (bien que cette affaire n’ai donné lieu à aucun contentieux international formel,
elle nous paraît devoir retenir l’attention)
En octobre 1985, après avoir embarqué à Gênes, 4 terroristes palestiniens, affiliés à une
fraction de l’O.L.P., détournent, au large de Port-Saïd, un paquebot italien de croisière d’Achille
Lauro. Les quelques 450 passagers et membres de l’équipage sont pris en otages. L’objectif du
commando n’était pas précis. Toujours est-il qu’après avoir assassiné de sang-froid un passager
juif américain et hémiplégique, les 4 terroristes se rendirent aux autorités égyptiennes. Celles-ci
les laissèrent partir à bord d’un avion égyptien, à destination de Tunis, où se trouvait le Q.G. de
l’O.L.P. Mais, au-dessus des eux internationales de la Méditerranée, un avion militaire américain
intercepta l’appareil et, avec l’accord du gouvernement italien, l’avion égyptien du atterrir en
territoire italien. Les autorités italiennes arrêtèrent ces 4 terroristes (qui furent condamnés, en

233
1986, avec plusieurs complices), mais elles permirent à un responsable de l’O.L.P.,
commanditaire de l’opération, et qui était également à bord de l’avion, de s’enfuir en
Yougoslavie. Or les autorités américaines s’apprêtaient à demander son extradition.
Bien que critiquée dans certains milieux politiques, l’action des autorités américaines apparaît
légitime, compte tenu des nécessités de la vie sociale internationale, même en l’absence de
disposition formelle du droit international. En effet, l’action à bord de l’Achille Lauro pouvait être
assimilée à un acte de piraterie, sans aucune comparaison avec l’affaire de la Santa Maria (v.
infra). Les autorités américaines étaient donc fondées à intervenir, même dans l’espace aérien
au-dessus de la haute mer, pour permettre l’arrestation des pirates, coupables de plus, d’un
meurtre. Et cela, bien que la convention sur le droit de la mer de 1982 ne prévoie formellement
que l’intervention directe à l’égard d’un navire-pirate ou d’un avion-pirate. Cette action n’est
nullement comparable à l’initiative prise par les autorités françaises, en 1956, au cours de la
guerre d’Algérie, d’intercepter en haute mer un avion (dont la nationalité marocaine était
d’ailleurs contestable) qui transportait, de Rabat à Tunis, cinq chefs de la rébellion algérienne
(dont le principal, Ahmed Ben Bella). Cet incident est à l’origine de l’élaboration, sous les
auspices de l’O.M.I. (Organisation maritime internationale), de la convention du 10 mars 1988
sur la répression des actes illégaux contre la sécurité de la navigation maritime.
(A.F.D.I., 1985, p. 221.)

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci


En avril 1984, le Nicaragua a assigné les Etats-Unis devant la Cour, en raison de l’aide apportée
par ceux-ci à des mouvements d’opposants au régime sandiniste, se livrant à des attaques
armées, dans ce pays et contre ce pays. Le gouvernement du Nicaragua protestait, notamment,
contre la pose de mines limitant l’entrée et la sortie des ports nicaruguayens, le survol de son
territoire, des opérations lancées contre des installations pétrolières et une base navale.
 C.I.J., ordonnance du 10 mai 1984 sur une demande en indication de mesures
conservatoires.
La Cour a confirmé la précédente jurisprudence (affaire de la compétence en matière de
pêcheries, affaire des essais nucléaires). En effet, alors que la compétence de la Cour était
contestée par les Etats-Unis, la Cour a donné suite à la demande du Nicaragua, en considérant
qu’elle était compétente dès lors que les « dispositions invoquées par le requérant paraissent
constituer prima facie une base sur laquelle sa compétence pourrait être fondée ». En
l’occurrence, le Nicaragua invoquait sa propre déclaration d’acceptation de la compétence de la
C.P.J.I., dont les Etats-Unis contestaient l’existence. Autrement dit (et la Cour serait mieux
avisée de s’exprimer dans l’une de ses deux langues officielles – l’anglais et le français – et non
en latin, langue morte), la Cour accepte d’ordonner des mesures conservatoires, dès lors que
son incompétence n’est pas manifeste (ou qu’à première vue elle apparaît compétente).
(Rec., 1984, p. 169).
 C.I.J., arrêt du 26 novembre 1984 sur la compétence
Bien que rendue à une écrasante majorité (15 voix c. 1), la décision de la Cour de se déclarer
compétente n’apparaît pas à l’abri des critiques du fait, notamment, que 6 opinions individuelles
divergent sérieusement sur le fondement de cette compétence (déclaration facultative
d’acceptation de la compétence de la Cour et/ou clause compromissoire dans un traité bilatéral).
Par ailleurs, la Cour ne s’est pas arrêtée à l’absence de négociations diplomatiques préalables,
cependant prévues par le traité bilatéral. En revanche, la C.I.J. a considéré, à juste titre, à
propos des réserves formulées par les Etats-Unis entendaient invoquer à leur profit le fait que le

234
Nicaragua n’avait prévu aucun préavis pour la modification de sa déclaration, alors qu’eux-
mêmes avaient prévu un tel préavis, qu’ils devaient donc respecter. A la suite de cet arrêt, les
Etats-Unis arguant que le litige portait sur des questions politiques, ne relevant pas de la
compétence de la Cour, décidèrent de ne plus participer à la procédure.
On relèvera, également, le fait que, dans cette affaire, la C.I.J. a consacré une conception peu
formaliste du droit international. Elle a, en effet, admis la validité, à l’égard de la C.I.J., d’une
déclaration d’acceptation de juridiction obligatoire, faite à l’époque de la C.P.J.I., alors que le
Nicaragua n’avait pas notifié, formellement, sa ratification du protocole portant statut de cette
Cour, et n’était donc pas partie à celui-ci. Ce faisant, la Cour rattache le mécanisme de la clause
facultative au droit des traités, même si certains juges de la minorité soulignent le caractère sui
generis de cette institution, qui se présente, formellement, comme un acte unilatéral (v. infra
Espace/Canada).
(Rec., 1984, p. 382.)
Par la suite, les Etats-Unis ont retiré leur déclaration d’acceptation de la comptérence de la Cour
(cf. attitude de la France après l’affaire des essais nucléaires), tout en soumettant, sur la base
d’une clause de juridiction, un litige les opposant à l’Italie (v. infra : affaire de l’Elettronica
Sicula).
 C.I.J., arrêt du 27 juin 1986 sur le fond
Sur le fond, la Cour a, à une large majorité, admis le bien-fondé de la réclamation du Nicaragua,
en considérant que les Etats-Unis, par leur aide aux forces contras et par certaines initiatives
propres, avaient violé le traité d’amitié américano-nicaraguayen et le droit international
coutumier (non-recours à la force, non-intervention, respect de la souveraineté). Elle a, en effet,
reconnu qu’elle n’était pas compétente, du fait d’une réserve américaine, visant les traités
multilatéraux, pour statuer au regard des dispositions de la Charte des Nations unies. Elle a
rejeté la justification de légitime défense, avancée par le gouvernement américain et l’a
condamné à répare le préjudice causé.
(Rec., 1986, p. 14.)

La Cour aurait dû statuer, en 1990, sur les formes et le montant de la réparation due. Mais, le
changement de régime politique au Nicaragua a entraîné une amélioration des relations entre
les deux pays et le Nicaragua s’est, finalement, désisté, en 1991, de la procédure engagée
devant la Cour.
Admission aux Nations unies
Ce problème fut soulevé à l’occasion de deux avis consultatifs demandés à la C.I.J., l’un portant
sur les conditions de fond de l’admission, l’autre sur les conditions de procédure.
 Conditions d’admission d’un Etat comme membre des Nations unies (C.I.J., avis consultatif
du 28 mai 1948)
La C.I.J. fut consultée à propos de la controverse soulevée par l’Union soviétique qui, durant la
période dite de « guerre froide » (1948-1955), entendait subordonner l’admission d’un Etat à
l’admission d’autres Etats (idéologiquement proches d’elle). La Cour estima que la liste des
conditions de fond posées par l’article 4 de la Charte était limitative et que ce marchandage était
illégal. (De fait, en 1955, un marchandage global intervint cependant.)
(Rec., p. 57.)

235
 Compétence de l’Assemblée générale pour l’admission de nouveaux membres (C.I.J., avis
consultatif du 3 mars 1950)
L’union soviétique continuant à paralyser (après l’avis de 1948), l’admission de nouveaux
membres, la Cour fut consultée sur le point de savoir si, aux termes de l’article 4 de la Charte,
l’Assemblée générale pouvait passer outre à l’absence de recommandation du Conseil de
sécurité (une éventuelle recommandation se heurtant au veto soviétique). La Cour répondit par
la négative, car la recommandation du Conseil de sécurité est le support essentiel de la décision
de l’Assemblée générale.
(Rec., p. 4.)

Alabama (Sentence arbitrale du 14 septembre 1872)


Ce navire avait été construit et armé en Angleterre pour le compte des Confédérés (Sudistes),
durant la guerre de Sécession et causa d’énormes pertes à la marine fédérale américaine.
Après la fin de la guerre de Sécession, les Etats-Unis se retournèrent contre la Grande-
Bretagne, accusée d’avoir manqué aux règles de la neutralité maritime. L’affaire fut confiée à un
tribunal arbitral qui accorda une indemnité aux Etats-Unis.
S’agissant de l’évaluation du dommage à réparer, le tribunal arbitral n’accorda pas aux Etats-
Unis, la réparation du dommage indirect causé par la hausse du coût des frets et des polices
d’assurance, du fait de l’activité du navire.
A noter la déclaration de l’Angleterre déniant toute valeur coutumière, à l’époque, aux « trois
règles de Washington », relatives aux obligations des Etats neutres en cas de guerre sur mer (le
compromis d’arbitrage, signé à Washington, indiquait, en effet, aux arbitres les normes par
rapport auxquelles ils devraient apprécier le comportement de l’Angleterre).
(De la Pradelle et Politis, R.A.I., T. 2, p. 889.)

Ambatielos (C.I.J., arrêt du 1er juillet 1952 sur l’exception préliminaire)


Le litige opposait la Grèce à la Grande-Bretagne à propos d’un différent mettant en cause un
armateur grec, Ambatielos, qui avait été condamné par les tribunaux britanniques pour
l’inobservation, en 1921, d’un contrat qui le liait au gouvernement anglais. La Grèce fondait la
compétence de la Cour, quant au fond du litige, sur le traité anglo-grec de commerce et de
navigation de 1926. La C.I.J. rejeta la thèse grecque, car cela conduisait à donner à ce traité un
effet rétroactif, en ce qui concernait la compétence de la C.I.J. (même si, dans un traité de 1886,
il y avait des « clauses similaires » à celles se trouvant dans le traité de 1926).
(Rec., p. 28.)

Aminoil c/ Koweit (Sentence arbitrale du 24 mars 1982)


Sentence rendue par un tribunal arbitral de trois membres et présidé par le professeur P.
Reuter, dans un litige opposant une société pétrolière américaine (Aminoil) au Koweït, à propos
des conditions de nationalisation de la société en 1977. Cette sentence présente un double
intérêt. D’une part, le tribunal y déclare que le consentement donné sous l’effet d’une contrainte
économique ne peut servir de précédent pour l’établissement d’une règle coutumière. D’autre
part, à propos d’engagements pris par un gouvernement à l’égard d’un concessionnaire (clauses
de stabilisation), ces engagements n’auront qu’un effet limité, s’ils sont rédigés en termes très
larges et ne peuvent concerner qu’une période relative et limitée.

236
(I.L.M., 1982, p. 976.)

Anglo-Iranian Oil Company (C.I.J., arrêt du 22 juillet 1952 sur l’exception préliminaire)
En 1951, le gouvernement iranien décida de nationalise l’industrie pétrolière. Cette mesure eut
pour effet de remettre en question un contrat de concession, conclu, en 1933, avec l’Anglo-
Iranian Oil Company.
Ayant porté l’affaire devant la C.I.J., la Grande-Gretagne invoquait, notamment, le bénéfice de
traités plus avantageux que ceux de 1857 et 1903 qu’elle avait conclus avec la Perse, en
l’occurrence des traités de 1934 et 1937, conclus respectivement avec le Danemark et la Suisse
d’une part, et avec la Turquie d’autre part. Cette prétention s’appuyait sur la clause de la nation
la plus favorisée, contenue dans les accords anglo-iraniens de 1857 et 1903. Or, l’Iran n’avait
accepté, en 1930, la compétence de la Cour (la C.P.J.I. à l’époque) que pour les différends et
faits relatifs à l’exécution de traités postérieurs à la ratification de cette déclaration. La Cour,
contrairement à la thèse de la Grande-Bretagne de s’en prévaloir. Autrement dit, c’est le traité
contenant la clause de la nation la plus favorisée, qui est le traité de base, et que la Grande-
Bretagne et l’Iran et qui confère à la Grande-Bretagne les droits, dont jouit l’Etat tiers. Un traité
avec un Etat tiers, indépendamment et isolément du traité de base, ne peut produire aucun effet
juridique entre la Grande-Bretagne et l’Iran. Il est res inter alios acta. Or, ce traité de base,
datant de 1857 ou 903, est antérieur à la déclaration iranienne d’acceptation de la compétence
de la Cour et ne peut, donc, être invoqué à l’appui de la compétence de la Cour et ne peut,
donc, être invoqué à l’appui de la compétence de la Cour.
(Rec., p. 93.)

Armes nucléaires (officiellement : licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans
un conflit armé-requête pour avis consultatif présentée par l’O.M.S. ; licéité de la menace ou de
l’emploi d’armes nucléaires – requête pour avis consultatif présenté par l’Assemblée générale –
deux avis consultatifs en date du 8 juillet 1996.)
Paradoxalement, la Cour a été saisie à des dates différentes d’abord par l’Organisation d’avis
portant pratiquement sur une question identique, malgré un libellé légèrement différent.
Concrètement, en mai 1993, l’Organisation mondiale de la santé interrogea la Cour sur le point
de savoir si « compte tenu des effets des armes nucléaires sur la santé et l’environnement, leur
utilisation par un Etat au cours d’une guerre constituerait-elle une violation de ses obligations au
regard du droit international y compris la Constitution de l’O.M.S. ». L’Assemblée générale de
l’O.N.U., organisation à caractère plus politique, ne pouvait évidemment pas être en reste à
l’égard de l’O.M.S. - la procédure consultative pouvant être réduite à 6 mois (1989), voire deux
mois (1988)-, l’Assemblée demanda à la Cour « de rendre dans les meilleurs délais » (sic) un
avis consultatif sur la question suivante : « Est-il permis en droit international de recourir à la
menace ou à l’emploi d’armes nucléaires en toute circonstance ? »
Il semble bien que la Cour quelque peu embarrassée ait pris tout sont temps pour répondre.
Une activité contentieuse rendue plus active par la fin de la guerre froide n’explique pas le long
délai de réflexion pris par la Cour. Et s’il est vrai que les Etats réclament souvent des délais
importants pour déposer leurs mémoires, dans le cas d’un différend interétatique, le fait qu’une
quarantaine d’Etats aient, dans ces deux procédures consultatives, déposé des explosés écrits
à propos desquels certains d’entre eux ont présenté des observations écrites et que la Cour ait
tenu une dizaine d’audiences publiques n’expliquent pas la durée de la procédure : près de 3
ans pour l’avis demandé par l’O.M.S. et 18 mois pour celui demandé par l’Assemblée générale

237
de l’O.N.U. Le délivré a, à lui seul, duré plus de 7 mois, alors que le texte même des avis est
relativement court.
La déception pour la majorité des Etats membres de l’O.M.S. qui avaient été à l’origine de la
saisine de la Cour a dû être d’autant plus grande que la Cour s’est à une très large majorité (11
voix contre 3) déclarée – pour la première fois de son existence – incompétente pour donner un
avis à cette Organisation estimant que l’avis sollicité aurait dû se poser dans le cadre de
l’activité de l’institution requérante. Ce que la Cour n’a pas estimé être le cas en l’espèce. En
effet, l’O.M.S., comme toute organisation internationale est tenue par le principe de la spécialité
de sa compétence, telle qu’elle est définie par son acte constitutif. Certes, selon les dispositions
de la Constitution de l’O.M.S., celle-ci est habilitée à traiter des effets dur la santé de l’utilisation
d’armes nucléaires, ou de toute autre activité dangereuse, et à prendre des mesures
préventives destinées à protéger la santé des populations, au cas où de telles armes seraient
utilisées ou de telles activités menées. Mais, la Cour a constaté que la question qui lui était
posée portait non sur les effet de l’utilisation d’armes nucléaires sur la santé, mais sur la licéité
de l’utilisation de telles armes compte tenu de leurs effets sur la santé et l’environnement
(passages soulignés par la Cour elle-même). De plus, l’O.M.S. fait partie du « système des
Nations unies », qui regroupe l’O.N.U., dotée de compétences de protée générale et les
Institutions spécialisées –dont l’O.M.S. - dotées de compétences sectorielles. S’il est vrai que
d’après l’article 57 de la Charte des Nations unies, l’O.M.S. est pourvue d’attributions
internationalement étendues, la Cour n’en considère pas moins que celles-ci sont
nécessairement limitées au domaine de la santé publique et ne sauraient empiéter sur celles
d’autres composantes du système des Nations unies. Or, selon la Cour, les questions touchant
au recours à la force, à la réglementation des armements et au désarmement sont du ressort de
l’Organisation des Nations unies et échappent à la compétence des institutions spécialisées.
Un certain nombre de juges de la confortable majorité qui s’était ainsi dégagée pour rejeter la
demande d’avis présentée par l’O.M.S. se réservaient, sans doute, pour l’examen de la
demande d’avis présentée, pratiquement donc, sur la même question par l’Assemblée générale
des Nations unies.
Or, cette fois, il n’y eu qu’une majorité « artificielle » sur le fond même du problème. Du moins, à
l’exception du juge japonais, tous les autres membres de la Cour furent d’avis de donner suite à
la demande d’avis consultatif, toutefois notamment contestée par la France. En revanche, ce
n’est que la vois prépondérante du président (le juge de nationalité algérienne) qui permit, sur le
point le plus délicat soulevé par l’Assemblée générale, de dégager une majorité du fait que les
14 membres en exercice – un membre nouvellement élu ne participait pas au délibéré –
s’étaient partagés en deux fractions égales. Cette situation ne s’était produite qu’une fois du
tems de la C.P.J.I. (affaire du Lotus, 1927), et une fois en 1966, lorsque la Cour examina les
requêtes de l’Ethiopie et du Liberia, dirigées contre l’Afrique du Sud, à propos du territoire, alors
sous mandat, du Sud-Ouest africain (future Namibie). Cette fois encore, ces conditions
d’adoption ont conduit à une solution qui ne brille pas par sa clarté, à laquelle ne contribuent pas
les nombreuses déclarations et opinions séparées.
Certes, à l’unanimité, la Cour a estimé que ni le droit international coutumier, ni le droit
international conventionnel n’autorisent spécialement la menace ou l’emploi d’armes nucléaires.
Il manqua en revanche 3 voix pour considérer que le droit international ne comporte pas
d’interdiction complète et universelle en ce sens. L’unanimité s’est ensuite reconstituée pour
considérer que serait illicite la menace ou l’emploi de la force au moyen d’armes nucléaires qui
serait contraire à l’article 2 § 4 de la Charte (relatif à l’interdiction de recourir à la menace ou à
l’emploi de la force) et qui ne satisfait pas à toutes les prescriptions de son article 51 (qui
reconnaît le droit naturel de légitime défense sous la double condition de nécessité et de
proportionnalité). De même, tous les juges ont admis que la menace ou l’emploi d’armes

238
nucléaires devrait aussi être compatible avec les exigences du droit international applicable
dans les conflits armés, spécialement celles des principes et règles du droit international
humanitaire, ainsi qu’avec les obligations particulières en vertu des traités et autres
engagements qui ont expressément trait aux armes nucléaires. Mais, la Cour a, toutefois, refusé
de se prononcer sur le point de savoir si ces principes et règles du droit humanitaire font partie
du jus cogens.
Mais ce n’est qu’avec la voix prépondérante du président Bedjaoui que la Cour a tout d’abord
considéré qu’il ressort des exigences susmentionnées que la menace ou l’emploi d’armes
nucléaires serait généralement contraire aux règles du droit international applicable dan les
conflits armés, et spécialement aux principes et règles du droit humanitaire. Mais elle a
immédiatement précisé qu’au vu de l’état actuel du droit international, ainsi que des éléments de
fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure de façon définitive que la menace ou
l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime
défense dans laquelle la survie même d’un Etat serait en cause. La Cour a, à cet égard, relevé
la pratique dénommée « politique de dissuasion » sans pour autant se « prononcer » à son
propos. Alors que cette question ne lui avait pas été posée – d’où la critique d’avoir statué ultra
petita évoquée par le juge français Gilbert Guillaume (élu président de la Cour en 2000) dans
son opinion individuelle-, la Cour a, cependant, à l’unanimité, conclu son avis en déclarant qu’il
existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations
conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle strict et efficace.
On relèvera que selon la déclaration du président de la Cour : « ce qui n’est pas expressément
prohibé par le droit international n’est pas pour autant autorisé ». Cette affirmation tend don à
remettre en question, du moins selon le président en exercice de la Cour, la présomption de
liberté laissée par le droit international à tout Etat souverain, comme l’avait admis la C.P.J.I., en
1927, dans l’affaire du Lotus.
(Rec., p. 66.)

Barcelona Traction
 C.I.J., arrêt du 24 juillet 1964 sur les exceptions préliminaires
En 1948, un juge espagnol prononça un jugement de faillite à l’égard de Barcelona Traction, qui
était, à l’époque, la plus importante entreprise d’électricité d’Espagne. Cette société, constituée
selon le droit canadien, comportait, cependant, une majorité d’actionnaires belges. Aussi, la
Belgique crut devoir défendre les intérêts de ses ressortissants. Elle intervint, ainsi, auprès des
autorités espagnoles. Devant l’échec de ces négociations, la Belgique porta l’affaire devant la
C.I.J., en 1958, mais de nouvelles négociations étant entreprises, la Belgique se désista en
1961. Les négociations n’ayant pas abouti, la Belgique saisit, à nouveau, la Cour, en 1962. Du
coup, l’Espagne souleva l’incompétence de la C.I.J., du fait du désistement de la Belgique en
1961. La Cour rejeta l’exception soulevée par l’Espagne, estimant que le désistement était, sauf
preuve contraire, un acte purement procédural et en l’espèce, n’avait pas opéré, en même
temps, renonciation à la réclamation à l’égard de l’Espagne. La Cour a considéré que le
désistement de la Belgique, en 1961, avait été motivé par la volonté de na pas compromettre les
négociations en cours.
(Rec., p. 66.)

 C.I.J., arrêt du 5 février 1970 – 2e phase

239
La C.I.J., examinant les systèmes de droit interne, reconnaissant la société anonyme, remarque
qu’il faut distinguer deux entités séparées : la société et l’actionnaire, chacune dotée de droits
distincts. Or, dans cette affaire, la Société était canadienne et les actionnaires, pour lesquels la
Belgique entendait agir, étaient belges. Mais, les actes dommageables, imputables à l’Espagne,
visaient les droits de la société et non les droits propres des actionnaires (droit de vote, droit aux
dividendes, etc.). Ceux-ci voyaient seulement leurs intérêts affectés. Cela ne justifiait donc pas
la réclamation de la Belgique, dès lors que la Société existait toujours et que le Canada pouvait,
ainsi, prendre fait et cause pour elle. Dans ces conditions, la Cour contesta à la Belgique la
qualité pour agir et rejeta sa requête.
On a relevé que dans cette affaire, la Cour a, par un obiter dictum, évoqué ( § 33 de l’arrêt)
l’existence d’obligations erga omnes, dont elle a donné quelques exemples ( § 34) agression,
génocide, principe fondamentaux de la personne humaine (protection contre l’esclavage et la
discrimination raciale).
(Rec., p. 3.)

Beagle (Chenal de) (Sentence arbitrale du 22 avril 1977)


L’Argentine et le Chili se disputaient, depuis près d’un siècle, la possession de 3 petites îles à
l’extrême-sud du continent américain, à l’entrée du chenal de Beagle, qui baigne la Terre de Feu
(et permet de passer de l’océan Atlantique dans l’océan Pacifique et vice-versa, en évitant le
redoutable Cap Horn).
La reine d’Angleterre reprenant, en réalité, à son compte une décision rendue par une instance
arbitrale a reconnu, en 1971, la souveraineté du Chili sur ces trois îles.
L’Argentine, refusant de reconnaître la sentence, le Pape a été chargé d’une médiation entre les
deux pays, à ce sujet, qui a abouti, en 1984. Le Chili a renoncé à l’exercice de droits sur les
eaux territoriales de ces îles, qui lui auraient donné accès à l’océan Atlantique.
(I.L.M., 1978, p. 634.)

Bernadotte v. Dommages subis au service des Nations unies


Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro) (officiellement : Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide)
A la suite de la désagrégation de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, quatre
république fédérées déclarèrent leur indépendance : Croatie, Slovénie, Macédoine et Bosnie-
Herzégonive. Dans cette dernière république, une guerre civile éclata, fomentée par la
population d’origine serbe, qui fut soutenue par la nouvelle République fédérative de
Yougoslavie, limitée aux deux dernières républiques de Serbie et du Monténégro. Des exactions
(assassinats, tortures, viols, etc.) furent imputées aux miliciens serbes, accusés, notamment, de
poursuivre une politique de « purification ethnique » à l’encontre des musulmans bosniaques.
Aussi, en mars 1993, la Bosnie-Herzégovine assigna la Yougoslavie devant la C.I.J., pour
violation de la convention de 1948 sur le génocide, qui contenait, par ailleurs, une clause de
juridiction obligatoire (on signalera que, en 1999, la Croatie a également introduit une instance,
devant la C.I.J., contre la Yougoslavie pour violation de la convention sur le génocide).
 C.I.J., Ordonnance du 8 avril 1993 sur une demande en indication de mesures
conservatoires :

240
La Cour s’est déclarée compétente, sans s’arrêter sur le fait que les organes des Nations unies
ont contesté la « continuité » entre la Yougoslavie et l’ex-République fédérative et socialiste de
Yougoslavie comme membre de l’O.N.U., d’où sa suspension de participation par l’Assemblée
générale. Elle a pris en compte la déclaration de l’actuelle Yougoslavie de respecter les traités
internationaux auxquels était partie l’ex-Yougoslavie (des Etats non partie au statut de la Cour
peuvent, en effet, se présenter devant elle, dès lors qu’ils ont signé un traité reconnaissant la
compétence de la Cour : ex. : convention sur le génocide). De même, elle n’a pas considéré que
l’indication de mesures conservatoires serait prématurée et inappropriée du fait que le Conseil
de sécurité serait toujours saisi des divers aspects de la situation dans l’ex-Yougoslavie. Car, le
Conseil a des attributions politiques et la Cour exerce des fonctions purement judiciaires, qui
peuvent donc coexister de façon complémentaire à propos des mêmes événements.
La Cour se refuse à conclure définitivement sur les faits ou leur imputabilité et se préoccupe
seulement d’indiquer des mesures conservatoires que les parties devraient prendre pour
protéger des droits conférés par la convention sur le génocide. Convaincue qu’il existe un risque
grave que soient prises des mesures de nature à aggraver ou étendre le différend existant ou à
en rendre la solution plus difficile, elle rappelle que le crime de génocide « bouleverse la
conscience humaine ». Ainsi, à l’unanimité, invite-t-elle le gouvernement de la République
fédérative de Yougoslavie à « prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir la
commission du crime de génocide ». Mais, le juge russe a émis une opinion dissidente à
l’invitation adressée, par ailleurs, à ce même gouvernement de veiller à ce qu’aucune des unités
militaires, para-militaires ou unités armées irrégulières qui pourraient relever de son autorité ou
bénéficier de son appui, ni aucune organisation ou personne pouvant se trouver sous son
pouvoir, son autorité ou son influence, ne s’entendent en vue de commettre ce crime, n’incitent
directement et publiquement à le commettre ou ne s’en rendent complices. Il a considéré que
cela pouvait donner l’impression que la Yougoslavie était effectivement impliquée ou tout au
moins qu’elle pouvait l’être dans des actes de génocide.
Mais, la Cour a implicitement refusé de reconnaître à la Bosnie-Herzégovine, comme celle-ci
cependant le lui demandait, un droit de légitime défense l’autorisant à passer outre la décision
d’embargo sur les armes à destination de l’ex-Yougoslavie (résol. 713/1991). Il est vrai que cette
question n’entrait pas dans le champ d’application de la convention sur le génocide.
(Rec., p. 3.)

 C.I.J., ordonnance du 13 septembre 1993 sur une nouvelle demande en indication de


mesures conservatoires.
La Bosnie-Herzégovine demandait de nouvelles mesures conservatoires (ex. : interdiction de
plans de partage, illégalité de mesures d’annexion) que la Cour a écartées, car elle a, à cette
occasion, expressément indiqué qu’elle n’était compétente qu’à l’égard de la convention sur le
génocide. Or, ces mesures n’étaient pas en rapport avec cette convention. Et la Cour s’est
bornée à confirmer son ordonnance du 8 avril mais en demandant la mise en œuvre immédiate
et effective des mesures ordonnées à cette date.
La République fédérale de Yougoslavie (Serbie, Monténégro) demandait de son côté que la
Bosnie soit invitée à prendre toutes mesures afin de prévenir la commission du crime de
génocide contre le groupe ethnique serbe. La Cour considère que dans la précédente
ordonnance, elle a rappelé que la Bosnie-Herzégovine (comme la Yougoslavie) est tenue de
faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer la prévention d’actes de génocide. Elle estime
qu’il n’est pas nécessaire d’en dire plus.
(Rec., p. 325.)

241
 C.I.J., arrêt du 11 juillet 1996 sur les exceptions préliminaires :
La Cour a rejeté toutes les exceptions préliminaires soulevées par la Yougoslavie au sujet de sa
compétence.
La Cour a estimé, notamment, que les droits et obligations découlant de la convention étaient
opposables erga omnes (c’est-à-dire à tout Etat) et que l’obligation de l’Etat de punir le crime de
génocide n’était pas limité territorialement par la convention.
(Rec., p. 595.)

La Yougoslavie a demandé, en avril 2001, une révision de cet arrêt du fait qu’avant le 1 er
novembre 2000, date de son admission à l’ONU, elle n’était pas partie à la Convention, qui n’est
ouverte qu’aux Etats membres de l’ONU ou invités à signer par l’AG.
 C.I.J., ordonnance du 17 décembre 1997 sur les demandes reconventionnelles de la
Yougoslavie.
La Cour a, pour la première fois de son histoire, admis la recevabilité de demandes
reconventionnelles à un stade préliminaire. Dans le passé, la Cour avait statué, par deux fois,
sur des demandes reconventionnelles, mais en rendant sa décision finale sur le fond de l’affaire
(affaire du droit d’asile, 1950 et affaire des droits des ressortissants américains au Maroc, 1952
v. également Cameroun/Nigeria).
La Yougoslavie, assignée par la Bosnie-Herzégovine, accuse, à son tour, ce pays d’être
responsable de génocide commis contre des Serbes en Bosnie-Herzégovine.
(Rec., p. 243.)

Mais, en septembre 2001, la Yougoslavie a retiré ses demandes reconventionnelles.


Botswana/Namibie (officiellement : différend sur l’île de Kasikili/Seducu ; C.I.J., arrêt du 13 déc.
1999).
Cette île, d’une superficie d’environ 3,5 km², située sur le cours d’un fleuve (Chobe) séparant les
deux pays est sujette à des inondations qui durent plusieurs mois, chaque année. Ce litige se
situait dans le contexte de la décolonisation : le Botswana fut longtemps un protectorat
britannique et la Namibie, initialement colonie allemande, fut ensuite placée sous mandat de
l’Afrique du Sud (sous le nom de territoire du Sud-Ouest africain). Les deux pays sont devenus
indépendants, respectivement en 1966 et 1990.
Le litige portait pratiquement sur la notion de « chenal principal » du Chobe autour de l’île et
mettait en cause un traité de 1890 délimitant les zones d’influence de l’Allemagne et de la
Grande-Bretagne dans le Sud-Ouest de l’Afrique.
La Cour a pris notamment en considération la profondeur et la largeur du chenal, le débit, la
configuration du profil du chenal et sa navigabilité.
Elle a constaté que la conduite ultérieure des parties au traité de 1890 n’a donné lieu à aucun
accord entre elles au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions.
Elle n’a pas non plus pu tirer de conclusions du dossier cartographique.
Enfin, elle a examiné l’argument subsidiaire de la Namibie selon lequel cet Etat et ses
prédécesseurs auraient acquis un titre sur l’île en cause, en vertu de l’exercice d’une juridiction

242
souveraine sur cette île depuis le début du siècle. Mais la Cour a considéré que si des membres
d’une tribu de la bande de Caprivi (territoire appartenant à la Namibie) ont bien utilisé l’île
pendant de nombreuses années, ils l’ont fait de façon intermittente, au gré des saisons et à des
fins exclusivement agricoles, sans qu’il ait été établi qu’ils occupaient l’île « à titre de
souverain », c’est-à-dire en y exerçant des attributs de la puissance publique au nom des
autorités du Caprivi. La Cour n’a donc pas eu à se prononcer sur le statut de la prescription
acquisitive en droit international ou sur les conditions d’acquisition d’un titre territorial par
prescription.
La Cour a conclu que l’île fait partie du territoire du Botswana. Mais, sur la base du compromis
l’habilitant à déterminer le statut juridique de l’île, la Cour a cru opportun de se foncer sur un
communiqué commun des deux présidents, en date de 1992, pour conclure que les parties se
sont mutuellement garanti la liberté de navigation sur les chenaux autour de l’île pour les
bateaux de leurs ressortissants battant pavillon national. Il en résulte que les ressortissants des
deux pays et les bateaux battant pavillon national. Il en résulte que les ressortissants des deux
pays et les bateaux battant pavillon de ceux-ci doivent bénéficier du régime du traitement
national.
Brown (Sentence arbitrale du 23 novembre 1923)

Les Etats-Unis présentaient une réclamation pour le compte d’un de leurs ressortissants, Bown,
victime du refus opposé par les autorités sud-africaines en 1897 d’exécuter un arrêt de la Haute
Cour du Transvaal. Or, à l’issue de la guerre des Boers, la Grande-Bretagne avait annexé, en
1900, la République Sud-africaine du Transvaal. Le Tribunal arbitral rejeta la réclamation
américaine, la Grande-Bretagne n’ayant pas succédé aux actes illicites de l’Etat du Transvaal.
(R.S.A., vol. VI, p. 120.)

Cameroun/Nigeria (officiellement : affaire de la frontière terrestre entre le Cameroun et le


Nigeria).
Le Cameroun a, en 1994, saisi la CIJ d’une requête introductive d’instance contre le Nigeria au
sujet d’un différend portant sur la question de la souveraineté sur plusieurs points de la frontière
terrestre et maritime entre les deux Etats. Ce recours se fondait sur les déclarations des deux
Etats reconnaissant la compétence obligatoire de la Cour (art. 36-2 du Statut de la Cour).
 C.I.J., arrêt du 11 juin 1998 sur les exceptions préliminaires :
Le Nigéria avait soulevé huit exceptions préliminaires mettant en cause la compétence de la
Cour et la recevabilité des demandes du Cameroun. La Cour, à une large majorité, en a rejeté
sept et joint la huitième à la procédure sur le fond.
La Cour a, notamment, considéré que le Cameroun n’avait pas à informer le Nigéria qu’il avait
souscrit la déclaration facultative de juridiction obligatoire, avant de la saisir. De même, elle a
estimé que l’épuisement des négociations diplomatiques ne constituait pas un préalable à la
saisine de la Cour. Elle n’a pas non plus considéré que le règlement des différends frontaliers
dans la région du Tchad relevait de la compétence exclusive de la commission du bassin du lac
Tchad, qui n’entre pas dans les prévisions du chapitre VIII de la Charte. Enfin, nous retiendrons
que la Cour a déclaré que pour établir l’existence d’un différend, il faut démontrer que la
réclamation de l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre et, que, par ailleurs,
l’existence d’un différend international demande à être établie objectivement.
(Rec., p. 275)

243
Le Nigéria a demandé, en octobre 1998, à la Cour d’interpréter son arrêt sur les exceptions
préliminaires, mais la Cour a déclaré irrecevable cette requête le 25 mars 1999. En revanche,
par une ordonnance du 30 juin 1999, la Cour a déclaré recevables des demandes
reconventionnelles présentées par le Nigéria.
Cameroun septentrional (C.I.J., arrêt du 2 décembre 1963 sur les exceptions préliminaires)
En 1961, le Cameroun, nouvellement indépendant, assigna la Grande-Bretagne devant la C.I.J.,
en alléguant que ce pays n’avait pas respecté certaines obligations résultant de l’accord de
tutelle, concernant le Cameroun sous tutelle britannique (rappelons qu’une autre partie du
Cameroun avait été placée sous tutelle de la France). La Grande-Bretagne avait, en effet,
introduit deux régimes d’administration du Cameroun, déjà à l’époque du mandat, transformé,
par la suite, en tutelle. De telle sorte qu’au moment de la décolonisation un plébiscite fut
organisé dans le Cameroun septentrional et aboutit à son rattachement au Nigéria. Tandis que
sur la base d’un second plébiscite, le Cameroun méridional s’unit au Cameroun sous tutelle
française pour former la République du Cameroun. La Cour déclara la requête du Cameroun
irrecevable, car inutile. En effet, le différend portait sur l’interprétation et l’application de l’accord
de tutelle, qui avait pris fin à la suite d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations
unies. La Grande-Bretagne n’aurait aucune compétence, désormais, pour prendre les mesures
demandées par le Cameroun.
(Rec., p. 15.)

Canevaro (C.P.A., 3 mai 1912)


Le Pérou contestait à l’Italie le droit de protéger le baron Canevaro, qui était, à la fois,
ressortissant italien jure sanguinis et ressortissant péruvien jure soli. La C.P.A. préféra la
nationalité péruvienne à la nationalité italienne, parce que Canevaro, par son attitude antérieure,
avait montré qu’il voulait se rattacher à la nationalité péruvienne (candidat aux élections
législatives péruviennes, candidat au poste de consul des Pays-Bas au Pérou, etc.)
(R.S.A., vol. XI, p. 405.)

Chemin de fer de Panevesys-Saldutiskis (C.P.J.I., arrêt du 28 février 1939)


L’Estonie présentait une réclamation contre la Lituanie pour le compte d’une société qui était
russe au moment du dommage (rappelons que les Etats baltes ont été – temporairement –
reconstitués au lendemain de la Première Guerre mondiale avant leur annexion par l’U.R.S.S.
en 1940 et n’ont recouvré leur indépendance qu’en 1990). La Cour a rejeté la réclamation de
l’Estonie sur une autre base (non-épuisement des voies de recours internes).
(Série A/B, n° 76, p. 4.)

Chorzow (Usine de) (C.P.J.I., arrêt du 13 septembre 1928)


Il s’agit là du problème plus général, soulevé, déjà, dans l’affaire des intérêts allemands en
Haute-Silésie, en 1926 (d’où, chez certains auteurs, une confusion entre ces 2 affaires). La
Pologne s’était emparée d’une usine, appartenant à des sociétés allemandes, en exécution
d’une loi jugée contraire à un engagement international (arrêt de 1926). La C.P.J.I., en 1928,
met à la charge de la Pologne l’obligation de réparer le préjudice, subi par les sociétés
allemandes, du fait de cette saisie.

244
(Série A, n° 17.)
Clipperton (Ile de) (sentence arbitrale du roi d’Italie du 27 janvier 1931).
Ce litige opposa le Mexique et la France à propos de la souveraineté sur une île située dans
l’océan Pacifique, à hauteur de l’Amérique centrale. L’arbitre prit en considération une
proclamation du gouvernement français, le débarquement d’un détachement, des relevés
géographiques, suivis d’inspections périodiques et conclut à la souveraineté de la France.
(R.S.A., vol. II, p. 1105.)
Comité de sécurité maritime de l’O.M.C.I. (C.I.J., avis consultatif du 8 juin 1960)
La question posée à la C.I.J. portait sur le point de savoir si l’élection au Comité de sécurité
maritime de l’O.M.C.I., intervenue en 1959, était régulière au regard de la convention de base,
alors que le Libéria et Panama n’avaient pas été élus. Or, d’après ladite convention de base, sur
les 14 membres du Comité de sécurité maritime, élus par l’Assemblée générale, devaient figurer
8 au moins des pays possédant « les flottes de commerce les plus importantes ». Sur la base
des tonnages immatriculés, le Libéria était, à l’époque, à la 3e place et Panama à la 8e. Mais, du
fait de la pratique des « pavillons de complaisance », imputable à ces deux pays, ils n’avaient
pas été élus. La C.I.J. a déclaré illégale la composition du Comité de sécurité maritime, car elle
a retenu, comme seul critère de l’importance de la flotte, le tonnage immatriculé, en écartant la
nationalité des actionnaires ou des propriétaires du navire. La Cour a considéré que ce critère
était « pratique, certain et facilement applicable ».
(Rec., p. 150.)

Compétence des tribunaux de Dantzig (C.P.J.I., avis consultatif du 3 mars 1928)


La C.P.J.I. était appelée à interpréter l’accord polono-dantzikois du 22 octobre 1921 relatif aux
droits et obligations des cheminots dentzikois, passé au service de l’administration polonaise.
Elle a admis que cet accord avait des effets directs à l’égard de ce personnel et qu’il pouvait être
invoqué par lui devant les tribunaux internes, « l’intention des parties étant (à cet égard)
décisive ». C’était donc une exception à un principe de droit international bien établi relatif à
l’absence d’effet direct des conventions à l’égard de particuliers.
(Série B, n° 15.)

Compétence en matière de pêcheries (ou encore affaire des pêcheries islandaises)


 C.I.J., ordonnances du 17 août 1972, demandes en indication de mesures conservatoires.
Cette affaire est intéressante en ce qui concerne le pouvoir de la C.I.J. de prendre des mesures
avant dire droit, en l’occurrence de prescrire des mesures conservatoires. Ainsi, bien que
l’Islande ait refusé de comparaître, la C.I.J. imposa à la Grande-Bretagne et à la République
fédérale d’Allemagne des quotas dans leurs prises annuelles, en attendant les décisions sur le
fond (ces mesures furent respectées par les deux Etats).
(Rec., p. 302 et 313.)
 C.I.J., arrêts sur la compétence du 2 février 1973
Dans cette affaire, la République fédérale d’Allemagne et la Grande-Bretagne contestaient la
validité internationale de la réglementation islandaise portant à 50 milles marins la zone de
pêche exclusive de ce pays.

245
Or, en 1961, des accords avaient été conclus entre ces 3 pays consacrant l’élargissement à 12
milles marins de la zone de pêche exclusive et prévoyant la compétence de la C.I.J. en cas de
litige consécutif à tout nouvel élargissement de cette zone.
D’une part, l’Islande, tout en ne comparaissant pas devant la C.I.J., contesta la validité de ces
accords, laissant entendre qu’ils avaient été conclus sous la contrainte, la flotte britannique
employant la force pour s’opposer à l’établissement de la zone de pêche exclusive à 12 milles.
Mais, la Cour a estimé qu’elle ne pouvait pas se satisfaire d’une allégation générale non étayée
par des preuves. Et, elle a considéré que le déroulement des négociations ayant conduit aux
accords de 1961 révélait une parfaite égalité des parties et une entière liberté de décision.
Notons, au passage, que dans son opinion dissidente, le juge (de nationalité mexicaine et
ancien ministre des Affaires étrangères de son pays) Padilla Nervo a soutenu que, lorsque dans
un litige, s’opposaient une grande puissance et une petite puissance, une simple allégation de la
petite puissance suffirait.
D’autre part, l’Islande soutenait que les accords conclus en 1961 avec la Grande-Bretagne et la
République fédérale d’Allemagne étaient devenus caducs, en raison d’un changement dans les
circonstances. D’une part, il y avait eu un changement du droit, car les conceptions en matière
de zones de pêche avaient évolué depuis 1961. D’autre part, il y avait eu un changement de
circonstances de fait, résultant de l’exploitation croissante des ressources de la mer. La Cour
considère que l’invocation d’un changement de circonstances n’équivaut pas au droit de
dénoncer unilatéralement l’accord, mais seulement d’en proposer l’abrogation à l’autre partie et,
en cas de contestation, de saisir un tiers du différend (art. 65 et 66 de la Convention de Vienne
sur le droit des traités).
(Rec., p. 3 et 49.)
 C.I.J., arrêts sur le fond du 25 juillet 1974
Sur le fond, la C.I.J. considéra que la réglementation islandaise, portant de 12 à 50 milles
nautiques la zone exclusive de pêche islandaise, était inopposable à la Grande-Bretagne et à
l’Allemagne fédérale. Eu égard à l’évolution du droit international en la matière, à l’époque où
l’arrêt fut rendu, la C.I.J. n’a pas explicité sa position. Mais, on peut considérer que cette position
reposait plus sur l’existence de droits établis au profit de la Grande-Bretagne et de la
République fédérale d’Allemagne, en vertu des accords de 1961, que sur le refus d’admettre un
droit d’élargissement unilatéral des zones de pêche.
(Rec., p. 3 et 175.)
Convention sur le génocide (titre officiel : affaire des réserves à la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide) C.I.J., avis consultatif du 28 mai 1951)
Certains Etats, tels l’Union soviétique, avaient formulé des réserves à cette convention, élaborée
sous les auspices de l’O.N.U. (la réserve de l’Union soviétique portait sur la clause de juridiction
obligatoire contenue dans la convention – cette réserve a été levée en 1989) et ces réserves
suscitèrent des objections de la part d’autres Etats.
Consultée sur le problème des réserves, les objections formulées et leurs effets juridiques, la
C.I.J. a admis qu’une réserve pouvait être valable, si elle était compatible avec le but de la
convention. Mais (et sur ce point, la convention de Vienne de 1969 s’éloigne de la position de la
Cour en 1951), la C.I.J. considérait, à l’époque, qu’en cas d’objection d’un Etat, la convention ne
serait pas en vigueur entre un Etat qui a formulé une réserve et un Etat qui a présenté une
objection à cette réserve.
(Rec., p. 15.)

246
Cumaraswamy (officiellement : différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur
spécial de la Commission des droits de l’homme ; C.I.J., avis consultatif du 29 avr. 1999)
Un ressortissant malaisien, M. Cumaraswamy, rapporteur spécial de la Commission des droits
de l’homme, chargé d’étudier la question de l’indépendance des juges et des avocats, faisait
l’objet de poursuites en diffamation devant les tribunaux malaisiens à la suite d’une interview
accordée à un journaliste. Dans cette interview, le rapporteur spécial avait commenté certaines
affaires qui avaient été portées devant les tribunaux malaisiens et portait une appréciation
critique sur le système judiciaire de la Malaisie, eu égard à certaines décisions prises par les
tribunaux de ce pays. La Malaisie refusa d’aviser les tribunaux malaisiens de la position du
secrétaire général des Nations unies, qui estimait que l’intéressé était couvert par l’immunité de
juridiction édictée par la Convention générale de 1946 sur les privilèges et immunités des
Nations unies. A la différence de l’affaire Mazilu (v. infra p. 281), la Malaisie ne contesta pas qu’il
y eut un différend sur cette question et la Cour fut donc saisie, par l’ECOSOC, d’une demande
d’avis consultatif ayant un effet décisif aux termes de la Convention générale précitée.
La Cour considéra que ladite Convention était bien applicable au cas de l’intéressé et que les
paroles citées dans l’article en cause avaient été prononcées en qualité de rapporteur spécial et
qu’il avait donc agi au cours de sa mission. De ce fait, il bénéficiait de l’immunité de toute
juridiction. La Cour a pris en compte le fait que l’ECOSOS avait pris note des méthodes de
travail du rapporteur spécial et avait prorogé son mandat.
Mais la Cour a terminé son avis par un obiter dictum par lequel elle estime que tous les agents
de l’Organisation, quelle que soit la qualité officielle en laquelle ils agissent, « doivent veiller à ne
pas excéder les limites de leurs fonctions et doivent se comporter de manière à éviter que des
demandes soient dirigées contre l’Organisation ». Autrement dit, les agences de l’Organisation
doivent s’en tenir à une conception relativement rigoureuse du devoir de réserve et de
discrétion, afin de ne pas mettre en jeu la responsabilité de l’Organisation.
(Rec., p. 62.)
Danemark c. Norvège (officiellement : Délimitation maritime dans la région située entre le
Groenland et Jan Mayen) (C.I.J., arrêt du 14 juin 1993)
La Norvège et l’Islande avaient pu régler, en 1981, par voie de conciliation (ayant conduit à un
accord), leur litige au sujet de la délimitation des espaces maritimes autour de l’île de Jan
Mayen, territoire norvégien d’environ 317 km², situé à environ 540 milles du territoire
métropolitain, et à 293 milles de l’Islande. En revanche, le Danemark porta devant la Cour le
litige qui l’opposait à la Norvège à propos des espaces maritimes (zone de pêche et plateau
continental) autour de cette île située à environ 240 milles du Groenland. Le Danemark
revendiquait une ligne unique de délimitation à une distance de 200 milles à partir des lignes de
base du Groenland. La Norvège plaidait pour une ligne de délimitation fondée sur la ligne
médiane. Il en résultait une zone de chevauchement dans les revendications respectives.
Sur la base des principes d’interprétation des Nations unies de 1982 sur le droit de la mer, elle
considère que l’indication d’une « solution équitable » reflète les exigences du droit coutumier.
Estimant que la notion de « circonstances spéciales » figurant dans les conventions de 1958 et
de 1982 peut être assimilée à celle de « circonstances pertinentes » utilisée par le droit
coutumier, elle examine la disparité (ou la disproportion) entre les longueurs des côtes
« pertinentes » (524 km pour le Groenland oriental et 58 Km pour Jan Mayen, soit une
proportion de 9 à 1). Mais, l’équité s’oppose à la prise en compte de la réclamation du
Danemark, qui ne laisserait à la Norvège qu’une zone résiduelle très limitée. Elle examine,
ensuite, l’accès aux ressources halieutiques qui la conduit à envisager un ajustement vers l’Est
de la ligne médiane. Se référant à sa jurisprudence dans l’affaire Malte/Libye (v. infra p. 290),

247
elle écarte l’incidence d’une disparité de situation économique relative aux deux Etats concernés
et celle du faible peuplement de Jan Mayen. Elle admet, en revanche, l’incidence de
considérations tirées des impératifs de sécurité. Mais, par ailleurs, elle écarte la référence faite
par le Danemark à la délimitation établie entre la Norvège et l’Islande au large de Jan Mayen,
car elle estime qu’une méthode unique ne s’impose pas pour la délimitation des espaces
maritimes de tous les côtés d’une île ou pour l’ensemble de la façade côtière d’un Etat
particulier. La Cour ne trouve donc d’élément tiré de la conduite des Parties de nature à
influencer l’opération de délimitation.
Aussi, la Cour, en adoptant, à titre provisoire, la ligne médiane, considère que celle-ci doit être
ajustée ou déplacée pour attribuer au Danemark une plus grande étendue d’espaces maritimes.
Et elle va donc s’efforcer de préciser l’emplacement de cette ligne à l’intérieur de la zone de
chevauchement des revendications, c’est-à-dire entre la ligne médiane (revendiquée par la
Norvège) et la ligne de 200 milles (revendiquée par le Danemark). Et elle divise la zone de
chevauchement en trois secteurs dans lesquels elle délimite, selon des critères différents, les
zones respectives des deux Etats, en utilisant les lignes de base et les coordonnées employées
par les parties dans leur argumentation (écrite et orale).
Le juge ad hoc danois est le seul à avoir voté contre l’arrêt rendu en estimant que la zone
attribuée au Danemark n’est que de 3 à 1 (par rapport à la proportion 9/1 que représente la
disparité de longueur des côtes). Selon lui, la ligne de délimitation à 200 milles aurait permis de
retenir une proportion de 6 à 1, plus conforme au principe de proportionnalité.
(Rec., p. 38.)
Dépenses de l’O.N.U. (C.I.J., avis consultatif du 20 juillet 1962)
L’envoi de « casques bleus » au Moyen-Orient, en 1957 (F.U.N.U.) et au Congo, en 1960
(O.N.U.C.) souleva le problème de la régularité, au regard de la Charte de ces « opérations de
maintien de la paix », improvisées par l’O.N.U., par suite de l’impossibilité de mettre en œuvre
les dispositions du chapitre VII relatives aux forces militaires à la disposition permanente des
Nations unies. L’Union soviétique et la France, notamment, contestèrent le caractère obligatoire
des dépenses résultant de ces initiatives, prises en dehors du Chapitre VII. La C.I.J. fut, donc,
consultée sur le point de savoir si ces dépenses étaient des « dépenses de l’Organisation », au
sens de l’article 17 § 2 de la Charte, de telle sorte qu’elles seraient obligatoires pour tous les
membres. La Cour relève que la Charte n’utilise pas d’adjectif (ordinaire ou administratif) pour
qualifier les dépenses et le budget de l’O.N.U. et, à propos de la F.U.N.U., créée à l’initiative de
l’Assemblée générale, considère que cet organe n’est pas cantonné dans des pouvoirs
exhortatifs. L’Assemblée générale peut, également, prendre l’initiative d’actions, à condition que
ces actions n’aient pas de caractère coercitif. Car, seul le Conseil de sécurité, au titre du
chapitre VII, peut prendre de telles initiatives. Les dépenses relatives aux « opérations de
maintien de la paix » sont donc obligatoires pour tous les Etats membres.
(Rec., p. 151.)
Déserteurs de Casablanca (C.P.A., 22 mai 1909)
Avant l’établissement du protectorat de la France sur le Maroc (1912), l’Acte d’Algésiras (1906)
avait confié la police de ce pays à la France, qui avait envoyé un corps expéditionnaire,
composé de légionnaires. Au moment où 6 déserteurs de Légion étrangère, dont 3 Allemands,
allaient s’embarquer à Casablanca, à destination de l’Allemagne, avec l’aide d’un fonctionnaire
du Consulat d’Allemagne, l’armée française intervint et arrêta les déserteurs. L’affaire ayant été
portée devant une instance arbitrale, l’Allemagne soutenait la prééminence de sa compétence
personnelle sur ses nationaux, sur la base du régime des capitulations. La France invoquait,

248
elle, sa compétence en raison des services publics qui, par ailleurs, du fait du régime
d’occupation, primait la compétence territoriale du Maroc. La France obtint gain de cause.
(D. 1911-2-177.)
Detroit de Corfou
En 1946, des navires de guerre britanniques, naviguant dans le détroit de Corfou, situé dans les
eaux territoriales albanaises, heurtent des mines, d’où des pertes en vies humaines et en
matériel.
 C.I.J., arrêt du 25 mars 1948 sur l’exception préliminaire
Dans cette affaire, la C.I.J. s’estima compétente, même en l’absence de compromis entre les 2
Etats et même sans que l’Albanie ait souscrit à la déclaration d’acceptation de al compétence de
la Cour. Celle-ci s’est fondée sur le comportement de l’Albanie qui, par une lettre, avait accepté
de se présenter devant la Cour (forum proragatum). Encore, faut-il que le consentement de
l’Etat à la compétence de la Cour soit incontestable (ce qui n’était pas le cas de la Turquie dans
l’affaire du plateau continental de la Mer Egée, v. infra p. 288).
(Rec., p. 15.)
 C.I.J., arrêt du 9 avril 1949 sur le fond
La C.I.J. admit la mise en jeu de la responsabilité internationale de l’Albanie, car il lui appartenait
de prévenir les navires étrangers de la présence de mines dans ses eaux territoriales.
Contrairement à l’argumentation de la Grande-Bretagne, qui se fondait sur une convention de la
Haye – que la Cour ne déclare applicable qu’en cas de guerre – la C.I.J. fonde cette obligation
sur « certains principes généraux et bien reconnus tels que … le principe de la liberté des
communications maritimes et l’obligation, pour tout Etat, de ne pas laisser utiliser son territoire
aux fins d’actes contraires aux droits d’autres Etats ».
Dans cette affaire, la Grande-Bretagne avait procédé au déminage d’autorité des eaux
territoriales albanaises, ce qui constituait une atteinte à la souveraineté territoriale de l’Albanie.
Mais, la Cour a considéré que la Grande-Bretagne pouvait se prévaloir, dans la violation de
cette règle de droit international, de circonstances atténuantes, du fait du comportement de
l’Albanie.
Notons, également, que l’Albanie contestait le caractère de voie d’eau internationale du détroit
de Corfou, du fait qu’il ne s’agit que d’un itinéraire facultatif et que le détroit ne servait qu’au
trafic local. Mais, la Cour a retenu un critère géographique : le détroit met en communication
deux portions de haute mer. C’est donc une voie d’eau internationale.
(Rec., p. 4.)
Différend frontalier Burkina Faso/Mali (C.I.J., arrêt du 22 décembre 1986)
En 1983, deux anciennes colonies françaises, le Burkina-Faso (ex-Haute Volta) et le Maili (ex-
Soudan), indépendantes depuis 1960, ont saisi, par compromis, la C.I.J. de leur différend
frontalier. L’affaire a été tranchée par une chambre de la Cour, non sans que, fin 1985, les deux
pays se soient affrontés militairement, durant quelques jours. D’où une ordonnance du 10
janvier 1986, indiquant des mesures conservatoires, qui, cette fois, ont été respectées (retrait
des forces armées de la zone contestée). L’arrêt a été rendu à l’unanimité (les deux juges ad
hoc n’ayant joint qu’une opinion individuelle, ce qui mérite d’être souligné). La Cour a déterminé
le tracé de la ligne-frontière et la démarcation de fera, par la suite, avec l’aide d’experts. Elle
s’est fondée sur les principes de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et de l’uti
possidetis, sans écarter l’équité comme méthode d’interprétation du droit (rôle infra legem).
Pratiquement, la zone contestée (3000 km²) a été divisée par moitié.

249
(Rec., p. 554)
Dogger Bank (Commission d’enquête internationale – Rapport du 25 février 1905)
Au cours de la guerre russo-japonaise (1904-1905), l’escadre russe de la Baltique torpilla, par
mégarde, du fait du brouillard, en octobre 1904, des chalutiers anglais, qui pêchaient sur le
Dogger Bank, un lieu de pêche en Mer du Nord, au large de Kingston upon Hull, leur port
d’attache. Les Russes prétendirent qu’ils avaient cru avoir affaire à des torpilleurs japonais. La
France offrit sa médiation pour faire constituer une commission d’enquête internationale.
L’expérience de cette commission d’enquête permit de perfectionner, lors de la Conférence de
1907, le mécanisme rudimentaire d’enquête internationale, posé dans la convention sur le
règlement pacifique des différends, lors de la 1 ère Conférence de paix de la Haye, en 1899. (Sur
le fond, la Russie dut indemniser les dommages causés par les pertes en vies humaines et en
matériel.)
(R.G.D.I.P., 1905, docum. p. 4.)
Dommages subis au service des Nations unies (officiellement : affaire de la réparation des
dommages subis au service des Nations unies : couramment : affaire Bernadotte) (C.I.J., avis
consultatif du 11 avril 1949)
En 1948, lors de la première phase du conflit israélo-arabe, l’O.N.U. envoya, comme médiateur
en Palestine, un ressortissant suédois, le comte Bernadotte. Celui-ci fut assassiné par des
extrémistes israéliens. Indépendamment de l’indemnisation à laquelle avait droit la famille de la
victime, la question se posa de savoir si l’O.N.U. ne pouvait pas, elle-même, prétendre à une
réparation pour la dommage qu’elle avait subi, du fait de la disparition d’un haut fonctionnaire
international, qui était à son service. Or, on pouvait se demander si la personnalité juridique de
l’O.N.U. était opposable à l’Etat d’Israël qui, à l’époque, n’était pas membre de l’Organisation. La
C.I.J. a répondu par l’affirmative, eu égard au fait que 50 Etats avaient pu créer, en 1945, une
entité possédant une personnalité internationale objective, opposable à tout Etat dans la société
internationale. La Cour rattache le droit de réclamation de l’O.N.U., qui découle de la
personnalité juridique de l’Organisation, à une compétence impliquée par la nécessité de
disposer de droits pour atteindre ses buts et remplir ses fonctions.
(Rec., p. 174.)
Droit d’asile v. Haya de la Torre
Droit de passage dans les détroits danois (officiellement : passage par le Grand Belt)
En 1991, la Finlande a assigné le Danemark à propos du passage par le Grand Belt (l’un des
trois détroits permettant le passage de la Baltique à la Mer du Nord) de plates-formes
pétrolières. Ce passage serait pratiquement interdit par la construction projetée d’un pont (à 65
m au-dessus du niveau de la mer) qui empêcherait le passage de plates-formes d’un tirant d’air
de 65 m ou plus, en provenance ou à destination de ports ou de chantiers navals finlandais.
En juillet 1991, la Cour a estimé inutile d’ordonner des mesures conservatoires demandées par
la Finlande, en invitant les parties à régler leur différend à l’amiable, ce qui fut fait, d’où le
désistement de la Finlande en 1992.
Droit de passage en territoire indien (C.I.J., 12 avril 1960, arrêt sur le fond)
Depuis l’époque coloniale, le Portugal occupait, en particulier au nord-ouest de la péninsule
indienne, plusieurs territoires enclavés en territoire indien. Au lendemain de son accession à
l’indépendance, l’Inde s’opposa au passage, en transit, sur son territoire, de forces armées que
le Portugal voulait acheminer, en direct, dans ses enclaves pour rétablir l’ordre troublé par la
contestation, par une partie de la population locale, de la présence portugaise. La Cour admit

250
que le Portugal avait un droit de passage pour les personnes privées, les fonctionnaires civils et
les marchandises en général, suivant une pratique constante et uniforme « acceptée par les
parties comme étant le droit » et qui « a donné naissance à un droit et une obligation
correspondante ». En revanche, la Cour déclare que le Portugal n’avait pas le droit de passage
ni pour les forces armées, ni pour la police armée, ni pour les armes et munitions, car ce type de
passage était, autrefois, subordonné à l’autorisation préalable des Britanniques, puis des
Indiens. Pour la Cour, « l’exigence d’une autorisation préalable au passage est la négation
même de l’exercice du passage à titre de droit ».
(Rec., p. 6.)
Droits de pêche (officiellement : arbitrage relatif aux droits de pêche dans le golfe du Saint-
Laurent, sentence du 22 juillet 1986)
La France et le Canada s’opposaient à propos de l’interprétation d’un accord de 1972, autorisant
un certain nombre de chalutiers français à pêcher sur « un pied d’égalité » avec les chalutiers
canadiens. Or, ceux-ci ne pouvaient, d’après une législation canadienne, visant à maintenir des
emplois à terre, découper (« fileter ») à bord les poissons pêchés. Les pêcheurs français, eux,
entendaient bien pouvoir « fileter » à bord. La majorité du tribunal arbitral a considéré que
l’accord de 1972 n’autorisait pas le Canada à interdire le filetage à bord des chalutiers français.
Il est intéressant de relever que la motivation du Tribunal constitue une synthèse des principes
d’interprétation des traités, posés par la Convention de Vienne de 1969 (v. supra, p. 52).
L’accord de 1972 a été « interprété dans son contexte, à la lumière de son objet et de son but,
et compte tenu des circonstances dans lesquelles il a été conclu et appliqué par les parties ». Le
Tribunal s’est par ailleurs référé, à plusieurs reprises, à la convention de Montego Bay de 1982
(non encore en vigueur à l’époque). Ce faisant, il rejoint la jurisprudence de la C.I.J. affirmant le
caractère coutumier de diverses dispositions de ladite convention sur le droit de la mer.
(R.G.D.I.P., 1986, p. 713.)
El Salvador/Honduras (officiellement : différend frontalier terrestre, insulaire et maritime)
(C.I.J., arrêt du 11 septembre 1992)
Les deux Etats sont issus de l’éclatement de l’Empire espagnol en Amérique centrale et leurs
territoires correspondent aux subdivisions administratives de cet Empire. Après avoir constitué
avec le Costa Rica, le Guatemala et le Nicaragua la République fédérale d’Amérique centrale,
ils ont, en 1839, donné naissance à des Etats distincts. Un différend était latent quant à la
délimitation de leurs frontières. Des incidents frontaliers fréquents donnaient lieu à des tensions
et un bref (100 heures), mais violent (5000 morts) conflit armé en 1969, à la suite de péripéties
consécutives à un match de qualification pour la Coupe du monde de football.
En 1972, les deux pays purent se mettre d’accord sur la plus grande partie de leurs frontières
terrestres. A la suite d’une médiation du Pérou, un traité général de paix fut conclu en 1980
prévoyant qu’une commission mixte serait chargée de fixer, dans les cinq ans à venir, le reste
des frontières terrestres (environ 400 km² étaient concernés), la situation juridique des îles et
des espaces maritimes. A défaut, les deux Etats s’engageaient à saisir la Cour. Ce qui fut fait en
1986 et l’affaire fut portée devant une Chambre de cinq juges, dont deux juges ad hoc.
L’arrêt rendu, qui avantage légèrement le Honduras, confirme, tout d’abord, l’applicabilité du
principe de l’uti possidetis (v. supra : différend frontalier Burkina Faso/Mali) qui se trouve
consolidé par la possession, confirmée par l’exercice de a souveraineté. La Cour réaffirme ainsi
le rôle de l’effectivité. De même, la Cour prend en compte l’absence de réactions ou de
protestations consacrant un acquiescement.
L’arrêt est également intéressant quant aux méthodes d’interprétation. La Cour fait, à nouveau,
application de l’équité infra legem : (v. supra p. 78).

251
Par ailleurs, interprétant le compromis lui ayant donné compétence, la Cour, se référant à la
convention de Vienne de 1969, retient le sens ordinaire des termes du compromis, replacés
dans leur contexte. Elle précise que le recours aux circonstances dans lesquelles le compromis
a été conclu ne peut constituer qu’un moyen complémentaire d’interprétation et ne peut
l’emporter sur l’intention commune des parties, telle qu’elle est exprimée. Elle précise, ainsi, la
portée du principe de l’effet utile.
S’agissant de la notion de baies historiques, la Cour rappelle qu’il n’y a pas de régime unique,
mais seulement un régime particulier pour chaque cas concret (v. affaire du plateau continental
tuniso-libyen) et elle confirme que les règles et principes normalement applicables aux baies,
dont un seul Etat est riverain, ne sont pas nécessairement appropriées à une baie, dont
plusieurs Etats sont riverains et qui est également revendiquée comme une baie historique.
La Cour reconnaît qu’un condominium (administration commune d’un territoire) est
généralement institué par un traité. Mais elle admet qu’une souveraineté commune puisse
découler d’une succession d’Etats (en l’occurrence à la suite de l’indépendance de l’Amérique
centrale à l’égard de l’Espagne en 1821). Cela lui semble être le cas du golfe de Fonseca (sauf
sur une distance jusqu’à 3 milles des côtes, où la Cour admet un libre passage inoffensif dans
les eaux intérieures) qui est donc soumis à la souveraineté conjointe d’El Salvador, du Honduras
et du Nicaragua (dont l’intervention au litige a été admise sur ce point). Mais, s’agissant
précisément de la portée de l’intervention du Nicaragua, la Cour considère qu’elle ne conduit
pas à donner autorité de chose jugée de l’arrêt à l’égard du Nicaragua, en l’absence d’un
consentement exprimé par les parties.
C’est surtout par cette reconnaissance de droits du Honduras sur le golfe de Fonseca que cet
arrêt est important pour cet Etat, car il lui reconnaît ainsi un accès à l’océan Pacifique.
(Rec., p. 351.)
Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (C.I.J., arrêt du 20 juillet 1989)
Peu de temps après avoir retiré sa déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour, du
fait qu’elle s’était déclarée compétente dans l’affaire Nicaragua/Etats-Unis, le gouvernement
américain a sais la Cour par voie de requête unilatérale, en se fondant sur une clause de
juridiction obligatoire, figurant dans un traité italo-américain d’amitié, de commerce et de
navigation. Ils ‘agissait d’un litige dans lequel les Etats-Unis avaient pris fait et cause pour des
actionnaires américains d’une société italienne. Cette société, passée sous contrôle de deux
sociétés américaines, avait voulu arrêter ses activités, en raison de ses mauvais résultats ; mais
elle en avait été empêchée par l’occupation des usines et par des mesures de réquisition prises
par des autorités locales italiennes. Finalement, la société fut mise en faillite, après différentes
interventions publiques et parapubliques et les actionnaires ne purent rien retirer de la
liquidation des actifs.
La Cour, statuant dans la formation restreinte d’une chambre, admit implicitement la recevabilité
de la requête américaine. La situation était, en effet, différente de l’affaire de la Barcelona
Traction, car d’une part, l’Etat national de la société (l’Italie) était l’auteur même des faits
incriminés et d’autre part, la société n’existait plus, lorsque les Etats-Unis saisirent la Cour.
A la différence de l’affaire de l’Interhandel, la Cour admit qu’il y avait eu, en l’espèce,
épuisement des voies de recours internes.
Mais, sur le fond, la Cour rejette le recours. Elle n’a, en effet, constaté aucune violation du traité
bilatéral en cause, notamment en ce qui concernait le droit de contrôler et gérer des biens, la
protection et la sécurité des biens, ni relevé de mesures discriminatoires et/ou arbitraires.
(Rec., p. 15.)

252
Emprunts norvégiens (C.I.J., arrêt du 6 juillet 1957 sur les exceptions préliminaires)
Un contentieux surgit entre la France et la Norvège, à propos des emprunts émis par ce pays,
en 1885 et 1909. Dans l’exercice de la protection diplomatique de ressortissants français, qui
s’estimaient lésés par l’attitude de la Norvège, à l’égard de la clause-or assortissant ces
emprunts, la France saisit la C.I.J. Mais, la Norvège, se fondant sur le principe de la réciprocité,
invoqua, à son profit la réserve faite, à cette époque, par la France, à sa déclaration
d’acceptation de la compétence de la Cour. Imitant les Etats-Unis, la France avait, en effet, au
lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, exclu de la compétence de la C.I.J. les affaires
relevant de la compétence nationale de la France, telle qu’elle serait définie par le
gouvernement français. Or, la Norvège estima que les questions de crédit public relevaient du
droit interne et non du droit international public. La C.I.J. donna gain de cause à la Norvège et
débouta la France. Celle-ci, instruite par ce nouvel épisode de « l’arroseur arrosé » renonça, par
la suite, à ce type de réserve, dite réserve automatique, et admit que la compétence nationale
serait définie par référence au droit international public.
(Rec., p. 9.)
Espaces maritimes France/Canada (officiellement : affaire de la délimitation des espaces
maritimes entre le Canada et la République française) (arbitrage au 10 juin 1992).
L’accord de pêche du 27 mars 1972 (v. affaires des droits de pêche, supra p. 268) avait permis
de délimiter une partie des espaces maritimes entre Terre-Neuve et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Mais, pour le reste, subsistait un contentieux, les deux Etats revendiquant, depuis 1977, des
zones économiques exclusives de 200 milles qui se chevauchaient. La France se fondait sur le
principe de l’équidistance (qu’elle avait, cependant, précédemment, écarté dans son litige avec
la Grande-Bretagne à propos des espaces maritimes au large de Jersey et de Guernesey, v.
affaire du plateau continental franco-britannique, infra p. 289). Le Canada entendait limiter les
droits de la France à une mer territoriale de 12 milles. Bien que le tribunal arbitral (composé de 5
membres dont deux arbitres « nationaux », qui ont exprimé une opinion dissidente) ait relevé l’
« exagération des thèses des deux parties », et n’en ait retenu aucune comme point de départ
pour la délimitation, la solution qu’il consacre, fondée sur un critère de proportionnalité, minimise
les droits de Saint-Pierre-et-Miquelon en n’accordant d’une zone de 12 milles supplémentaires
au-delà des eaux territoriales. Pratiquement, l’arbitrage est favorable au Canada, même si le
tribunal accorde, à la France, en vue de parvenir à un « résultat équitable » une projection
frontale en mer, vers le Sud, jusqu’à ce qu’elle atteigne la limite extérieure de 200 milles. Mais
cette zone, mesurée par la « largeur de l’ouverture côtière des îles », prend alors une forme
(allongée et étroite) bizarre et aboutit à une enclave difficile à exploiter.
(R.G.D.I.P., 1992, p. 673.)
Espagne/Canada (officiellement : affaire de la compétence en matière de pêcheries).
(C.I.J. arrêt du 4 décembre 1998)
En mars 1995, l’Espagne a déposé une requête introductive d’instance contre le Canada au
sujet d’un différend relatif à la loi canadienne sur la protection des pêches côtières, telle
qu’amendée en 1994, sur la réglementation d’application de cette loi ainsi que sur certaines
mesures prises sur la base de cette législation. Le différend portait, en particulier, sur
l’arraisonnement en haute mer par un patrouilleur canadien d’un bateau de pêche battant
pavillon espagnol, avec un équipage espagnol.
Le Canada a contesté la compétence de la Cour en raison d’une réserve figurant dans sa
déclaration d’acceptation de la compétence obligatoire de la Cour qui exclut de cette
compétence les différends relatifs aux mesures de gestion et de conservation adoptées par le

253
Canada pour les navires pêchant dans le zone de réglementation de l’Organisation des pêches
de l’Atlantique Nord-Ouest et à l’exécution de telles mesures.
La Cour, à une confortable majorités (12 voix contre 5, 2 juges ad hoc avaient été désignés) a
fait droit à l’exception d’incompétence soulevée par le Canada. Elle a, notamment, considéré
que les règles d’interprétation des déclarations d’acceptation de sa compétence ne sont pas les
mêmes qu’en matière de traités. Elle a examiné, avec un soin tout particulier, les différentes
expressions figurant dans la réserve canadienne avant de se déclarer incompétence.
(Rec., p. 432.)
Essais nucléaires (C.I.J., arrêts du 20 décembre 1974)
Au début des années 70, la France, non partie au Traité de 1963 sur l’arrêt partiel des
expériences nucléaires, procédait, en Polynésie française, à des essais d’armes nucléaires dans
l’atmosphère (ayant dû renoncer à utiliser la base de Reggane, située au Sahara, devenu
territoire algérien). L’Australie et la Nouvelle-Zélande, craignant des retombées nucléaires
nocives, demandèrent, en vain, à la France de renoncer à ces expériences. (Il faut noter que les
Etats-Unies avaient pu, dans le passé, effectuer de telles expériences, sans susciter de critiques
de ces deux Etats …) Ayant échoué, ces deux pays portèrent l’affaire devant la C.I.J. La France
contesta la compétence de la C.I.J. (la déclaration française d’acceptation de la compétence de
la Cour excluant les affaires touchant à la défense nationale) et refusa de comparaître, tout en
publiant plusieurs documents, dont un Livre blanc, exposant la thèse française.
Les deux pays demandaient à la C.I.J., en des termes légèrement différents, de dire et juger que
la poursuite d’essais nucléaires dans l’atmosphère était contraire aux règles du droit
international et d’ordonner la cessation des essais. Or, la Cour releva que les demandeurs
n’avaient pas voulu obtenir un jugement déclaratoire, mais qu’ils avaient eu pour objectif initial et
conservaient pour objectif ultime la cessation de ces essais. Aussi, la Cour prit-elle en
considération un certain nombre de déclarations faites par diverses autorités françaises, y
compris par le nouveau président de la République (V. Giscard d’Estaing) au lendemain de son
élection en 1974, d’après lesquelles la France envisageait de cesser de procéder à des
expériences nucléaires dans l’atmosphère, une fois terminée la campagne d’essais de 1974.
Ayant ainsi constaté que le différend avait disparu, la Cour estima qu’elle n’avait plus à statuer.
Mais, la France, tirant la conséquence de l’attitude de la Cour, qui, en se déclarant compétente
pour ordonner des mesures conservatoires, n’avait pas pris en considération la réserve
française (touchant les affaires relatives à la défense nationale) retire, en 1974, sa déclaration
d’acceptation de la compétence de la Cour. La France ne tint, d’ailleurs, pas compte de la
mesure conservatoire (suspension des essais nucléaires) ordonnée.
(Rec., p. 253 et 457.)
A l’été 1995, relance de la C.I.J. par la Nouvelle-Zélande (avec intervention de l’Australie et de
plusieurs autres Etats du Pacifique) après la décision du nouveau président de la République (J.
Chirac) de procéder à une série limitée (jusqu’en 1996) d’essais nucléaires souterrains. Rejet de
la plainte et de la demande en indication de mesures conservatoires (ordonnance du 22
septembre 1995) en l’absence de lien entre les essais nucléaires (dans l’atmosphère) concernés
par l’instance de 1974 et les essais nucléaires (souterrains) envisagés par la France en 1995.
(Rec., p. 288.)
Fonderie de Trail (Sentences arbitrales des 16 avril 1938 et 11 mars 1941)
Cette affaire illustre le premier exemple de contentieux international provoqué par un cas de
pollution transfrontières. En l’occurrence, les fumées nocives émises par une fonderie de plomb,
située en territoire canadien, dévastaient les récoltes d’agriculteurs américains, établis de l’autre

254
côté de la frontière. En l’espèce, en l’absence de règles de droit international public, les arbitres
raisonnèrent par analogie, en se référant aux principes applicables en cas de pollution des eaux,
par-delà les limites d’un Etat référé, dans un ensemble fédéral. La responsabilité du Canada fut
retenue par les arbitres. Cette sentence est considérée comme constituant l’ébauche d’une
règle de droit coutumier international consacrant la responsabilité de l’Etat en cas de dommage
causé à l’environnement d’autres Etats ou dans des zones ne relevant d’aucune compétence
territoriale (cf. Principe 21 de la Déclaration de Stockholm sur l’environnement, 1972). La
question a été évoquée à la suite de l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en 1986.
Mais, l’Union soviétique a décliné toute responsabilité.
(R.S.A., t. III, p. 1907.)
Frontière maritime Guinée/Guinée Bissau (officiellement : Tribunal arbitral pour la délimitation
de la frontière maritime Guinée/Guinée Bissau – Sentence du 14 février 1985)
La Guinée (ancienne colonie française) et la Guinée Bissau (autrefois, colonie portugaise) ont
demandé à 3 arbitres (choisis parmi les membres de la C.I.J.) d’interpréter une convention
conclue, en 1886, entre la France et le Portugal, aux fins de savoir si ce texte déterminait la
frontière maritime entre les possessions respectives de ces 2 Etats en Afrique. Le tribunal a
répondu par la négative à cette question, car il considéré que cet accord visait, essentiellement,
les possessions terrestres des 2 Etats et que le terme de « limite », utilisé dans le texte, n’était
pas assimilable à celui de frontière. Le tribunal s’est également appuyé, pour étayer son
interprétation, comme l’y invitaient les parties, sur les protocoles et documents annexes à la
convention de 1886. Aussi, faisant droit à la requête des Parties, le tribunal a établi le tracé de la
ligne délimitant les territoires maritimes des 2 Etats. Cette ligne unique partage les eaux
territoriales, la zone économique exclusive et le plateau continental. Elle aboutit à une solution
intermédiaire entre les revendications des 2 Etats. Se référant à la jurisprudence de la C.I.J. et à
la convention de 1982, le tribunal s’est efforcé d’aboutir à une solution équitable et objective,
tout en ne s’appuyant que sur des considérations de droit et non d’équité. Le tribunal a,
notamment, pris en compte la configuration et l’orientation du littoral, y compris l’existence d’îles,
tout en rejetant la règle de l’équidistance et en constatant l’unicité du plateau continental des 2
Etats. Le tribunal a, également, considéré qu’il devait exister une proportionnalité entre la
longueur du littoral et la superficie des zones à attribuer à chaque Etat, mais il a écarté, en
l’espèce, les considérations économiques.
(R.G.D.I.P., 1985, p. 484.)
Golfe du Maine (officiellement : délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du
Maine) (C.I.J., 12 octobre 1984)
Le Canada et les Etats-Unis ont, par voie de compromis, demandé à une chambre de la Cour
(1ère utilisation de cette possibilité ; par la suite 3 autres affaires : Burkina Faso/Mali, Elettronica
Sicula, El Salvador/Honduras) de délimiter le tracé de la frontière maritime de ces deux pays
dans la région du golfe du Maine (qui baigne les côtes du Massachussetts et de la Nouvelle-
Ecosse).
Pour la première fois, la Cour était invitée à tracer elle-même la ligne de démarcation et d’autre
part, cette délimitation concernait non seulement le plateau continental mais aussi la zone de
pêche exclusive. Comme en 1982 (affaire du plateau continental tuniso-libyen), la Cour
considère qu’il y a lieu de se référer à des critères « équitables » et d’utiliser des méthodes
pratiques aptes à assurer, compte tenu de la configuration géographique de la région et des
autres circonstances pertinentes de l’espèce, un résultat « équitable ». La Cour écarte toute
énumération in abstracto et admet la nécessité de combiner diverses méthodes pratiques. Mais,
alors, comme pour la décision de 1982, certains reprochent à la Cour de transformer « toute
l’opération de délimitation en une appréciation discrétionnaire par chaque juge de ce qui lui

255
semble équitable » (opinion dissidente du juge Gros). De fait, la décision de la Cour conduit à
partager la zone contestée entre les deux Etats concernés et bien que reconnaissant une
souveraineté plus étendu aux Etats-Unis (5/6 de la zone) cette décision a été accueillie
favorablement par le Canada. Ainsi, la Cour a bien rempli le rôle qu’on attend d’elle, c’est-à-dire
de mettre fin à un litige entre 2 Etats d’une manière acceptable par les deux parties.
Greenpeace v. Rainbow Warrior
Groenland oriental (C.P.J.J., arrêt du 5 avril 1933)
Dans cette affaire, le Danemark entendait faire reconnaître ses droits sur ce territoire à
l’encontre de la Norvège. La Cour a admis que le Danemark pouvait, notament, se prévaloir
d’une déclaration du ministre des Affaires étrangères norvégien et elle prit en considération le
fait que le Danemark avait accordé des concessions et promulgué des lois.
(Série A/B, n° 53, p. 22.)
Haya de la Torre (C.I.J., arrêts du 20 novembre 1950 et du 13 juin 1951)
En 1948, à la suite de l’échec d’une rébellion militaire au Pérou, l’un des instigateurs, le Chef de
l’Alliance populaire révolutionnaire américaine, Haya de la Torre, demanda asile à l’Ambassade
de Colombie à Lima. Le Pérou contesta à la Colombie le droit de qualifier la nature du délit aux
fins d’accorder l’asile politique. La Cour, dans l’arrêt de 1950, constata que la Colombie ne
pouvait fonder sa réclamation sur aucune convention opposable au Pérou, ni sur « le droit
international américain », autrement dit sur une règle coutumière. En effet, la Colombie n’a pu
prouver l’existence d’une coutume « comme preuve d’une pratique générale acceptée comme
étant le droit ». Elle a cité des traités sans pertinence et des cas sans valeur où l’asile avait été
accordé pour des raisons d’opportunité politique. La C.I.J. estima donc que la Colombie ne
pouvait qualifier la nature du délit par une décision opposable au Pérou.
Dans l’arrêt de 1951, la Cour, sur requête de la Colombie, estima qu’il ne lui appartenait pas, en
l’absence de règles de droit international public, applicables en l’espèce, de dire comment l’asile
accordé par ce pays devait cesser. Notons, au passage, que le juge international (à la
différence, par exemple, du juge français) n’est pas obligé de statuer (non liquet).
(Rec., 1950, p. 395 et 1951, p. 71.)
Hongrie/Slovaquie (officiellement : affaire relative au projet
Gabcikovo-Nagymaros-Hongrie/Slovaquie) C.I.J., arrêt du 25 septembre 1997.
En 1977, la Hongrie et la Tchécoslovaquie avaient conclu un traité prévoyant la construction de
barrages (avec un système d’excuses) en Slovaquie et en Hongrie afin de produire de
l’électricité, de lutter contre les inondations et d’améliorer la navigation sur le Danube. En 1989,
la Hongrie a suspendu puis abandonné la réalisation du projet faisant valoir qu’il comportait de
graves risques pour l’environnement en Hongrie et pour l’alimentation en eau de Budapest. La
Slovaquie (qui a succédé à la Tchécoslovaquie) a contesté ces allégations et insisté pour la
Hongrie s’acquitte des obligations que le traité mettait à sa charge. Elle a conçu puis mis en
service sur son territoire exclusivement un projet de rechange, dont l’exploitation a eu des effets
sur l’accès de la Hongrie aux eaux du Danube.
En 1993, les deux ex-« démocraties populaires » ont saisi, par voie de compromis, la Cour.
Dans son arrêt, la Cour a conclu que les deux Etats avaient violé leurs obligations juridiques et
les a invités à exécuter le traité applicable qui les liait tout en tenant compte de la situation de
fait telle qu’elle s’est développée depuis 1989.
Indépendamment du fait que la Cour confirme que certaines des règles énoncées dans la
convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités pouvaient être considérées comme une

256
codification du droit coutumier existant, on relèvera que pour rejeter l’exception d’état de
nécessité qu’avait invoquée la Hongrie pour justifier sa dénonciation du traité de 1977, la Cour a
précisé, sur la base du projet d’articles de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats, les cinq
conditions requises pour pouvoir invoquer cette exception : il faut un « intérêt essentiel » de
l’Etat auteur du fait contraire à l’une de ses obligations internationales ; que cet intérêt doit avoir
été le « seul moyen » de sauvegarder ledit intérêt ; que le fait incriminé doit avoir « gravement
porté atteinte à un intérêt essentiel » de l’Etat à l’égard duquel l’obligation existait ; et enfin que
l’Etat auteur dudit fait ne doit pas avoir « contribué à la survenance de l’état de nécessité ».
De même, pour bien cerner la responsabilité incombant également à la Slovaquie, la Cour a pris
soin de distinguer entre la réalisation d’un fait illicite (que celui-ci soit instantané ou continu) et le
comportement antérieur à ce fait qui présente un caractère préparatoire et « qui ne saurait être
traité comme un fait illicite ».
Surtout, la Cour a tenu à relever que de nouvelles normes du droit de l’environnement,
récemment apparues, étaient pertinentes pour l’exécution du traité et que les parties pouvaient,
d’un commun accord, en tenir compte en appliquant les dispositions du traité.
S’agissant des effets de la dissolution de la Tchécoslovaquie, la Cour a considéré que le traité
de 1977 en tant que traité territorial liait la Slovaquie.
Bien que la Cour ait constaté que les deux Etats avaient manqué à leurs obligations découlant
du traité, elle n’en a pas moins considéré que ledit traité était toujours en vigueur et que les
parties devaient l’appliquer de façon raisonnable et de telle sorte que son but puisse être atteint.
Or, ce traité a des objectifs multiples, parmi lesquels la protection de l’environnement naturel ne
doit pas être négligé. Et elle souligne que le traité de 1977 ne prévoit qui devait rétabli.
La Cour admet que chacune des deux parties a subi des dommages, mais dans la mesure où
elles ont commis des actes illicites croisés, elle estime que dans le cadre d’un règlement
d’ensemble, chacune des deux parties pourrait renoncer à ses demandes financières.
Des négociations ont donc été engagées, mais l’accord-cadre paraphé n’a pas été signé par la
Hongrie. La Slovaquie a donc saisi, en septembre 1998, la Cour d’une requête afin qu’elle
détermine les modalités d’exécution de l’arrêt de 1997.
(Rec., p. 7.)
Hull v. Dogger Bank
Ile des Palmes (Arbitrage du 4 avril 1928)
Entre les deux guerres mondiales, les Pays-Bas, qui étaient souverains sur ce qu’on appelait,
alors, les Indes néerlandaises, et qui allaient constituer, ultérieurement, l’Indonésie, et les Etats-
Unis, alors maîtres des Philippines, se disputèrent l’île des Palmes, située entre ces deux
territoires. Les deux pays choisirent comme arbitre un juriste suisse, Max Huber. Celui-ci donna
gain de cause aux Pays-Bas, qui exerçaient effectivement les fonctions d’Etat sur l’île
(perception d’impôts, visite de navires de guerre, assistance lors d’un typhon, contrat de
suzeraineté avec les indigènes).
(R.S.A., vol. II, p. 850.)
Inde-Pakistan v. O.A.C.I.
Interhandel (C.I.J., arrêt du 21 mars 1959 sur les exceptions préliminaires)
Les Etats-Unis considérèrent, durant la Seconde Guerre mondiale, que la société suisse
Interhandel n’était, en réalité, qu’un écran pour la société allemande I.G. Farben, et la société fit
l’objet de mesures de séquestre de ses biens, au titre de la législation concernant le commerce

257
avec l’ennemi. Or, la société protestait de sa bonne foi, déclarant qu’elle n’avait plus de lien
avec la société allemande depuis 1940. La société entama une procédure devant la justice
américaine pour récupérer ses biens. Mais, parallèlement, elle demanda à la Suisse d’endosser
sa réclamation. Aussi, la Cour débouta la Suisse, car la procédure introduite devant les
tribunaux américains était encore en cours.
(Rec., p. 6.)
Intérêts allemands en Haute Silésie (officiellement : Affaire relative à certains intérêts
allemands en Haute Silésie) (C.P.J.I., arrêt du 25 mai 1926)
Une loi polonaise avait prescrit, à l’égard des biens allemands en Haute Silésie, des mesures
contraires aux dispositions de la Convention de Genève, ente l’Allemagne et la Pologne, du 15
mai 1922. Or, la Pologne essayait d’invoquer pour les justifier l’article 19 de la convention
d’armistice du 11 novembre 1918. D’après cet article, il ne devait être rien distrait par l’ennemi
des valeurs publiques pouvant servir aux Alliés de gage pour le recouvrement des réparations.
Et la Pologne prétendait que l’Allemagne avait violé cette disposition. La Cour a considéré que
la Pologne ne pouvait pas invoquer la convention d’armistice, à laquelle elle n’était pas partie.
Sur le fond, la C.P.J.I. considère que l’action des autorités polonaises qui avaient déclaré nuls
certains droits acquis par des personnes privées, était contraire au principe selon lequel, en cas
de changement de souveraineté, les droits privés devaient être respectés.
(Série A, n° 7.)
Interprétation des traités de paix (C.I.J., avis consultatif du 30 mars 1950)
Le litige portait sur le non-respect par la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, des dispositions
des traités de paix de 1947, relatives au respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales. Dans l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale à la C.I.J., la question
essentielle portait sur le point de savoir si le Secrétaire général pouvait se substituer aux Etats
défaillants, pour désigner les membres des commissions de conciliation chargées de régler les
différends relatifs à l’application des traités de paix. La Cour a répondu par la négative. A cette
occasion, la Cour a déclaré : « Il est clair que le refus de s’acquitter d’une obligation
conventionnelle est de nature à engager la responsabilité internationale. »
(Rec., p. 65.)
Jan Mayen v. Danemark c. Norvège
Jugements du Tribunal administrative des Nations unies (officiellement : Affaire de l’effet de
jugement du Tribunal administratif des Nations unies) (C.I.J., avis consultatif du 13 juillet 1954)
En 1949, l’Assemblée générale des Nations unies avait créé un tribunal pour régler le
contentieux du personnel. Or, le tribunal accorda, sur recours de fonctionnaires illégalement
licenciés, d’importantes indemnités. Le Secrétaire général ayant demandé à l’Assemblée des
crédits supplémentaires correspondants, divers Etats, dont les Etats-Unis, mirent en doute le
caractère obligatoire pour l’Assemblée générale des jugements du tribunal administratif. La Cour
admit la légalité de la création d’un tribunal par l’Assemblée générale, bien que celle-ci n’ait pas,
elle-même, de compétence juridictionnelle. Ecartant l’idée de délégation de compétence, la Cou
rattache cette création aux pouvoirs implicites de l’Assemblée générale, qui était fondée à
accorder une protection judiciaire à ses fonctionnaires, conformément aux objectifs de liberté et
de justice de l’Organisation.
A la suite de cet avis, une procédure de réformation des jugements du Tribunal administratif des
Nations unies fut mise en place en 1955. La saisine de la Cour internationale de justice était
prévue, mais elle était plus large que celle instituée pour la mise en cause des jugements du

258
Tribunal administratif de l’O.I.T. (ouverture seulement à l’Organisation internationale concernée).
Les cas d’ouverture de la procédure étaient au nombre de quatre : incompétence positive ou
négative, erreur essentielle de procédure, erreur de droit sur des dispositions de la Charte. Un
Comité, composé des Etats membres du bureau de l’Assemblée générale des Nations unies,
filtrait les réclamations, avant de solliciter, éventuellement, un avis consultatif de la Cour, qui
avait, pratiquement, force obligatoire. Le Comité pouvait être saisi par le fonctionnaire concerné,
que le tribunal, dans le jugement n° 158, n’avait ni omis d’exercer sa juridiction (une déclaration
erronée d’incompétence équivalant à une incompétence négative), ni commis une erreur
essentielle de procédure (Rec., p. 166.)
Dans un avis du 27 mai 1987 (Rec., p. 16), la Cour, sur la base d’une demande de réformation
présentée par un ancien fonctionnaire (d’origine russe et ayant demandé le droit d’asile aux
Etats-Unis) a estimé que le T.A.N.U. une instance d’appel d’une Commission d’arbitrage
statuant en premier ressort. Mais cette réforme du repoussée à une date ultérieure, de telle
sorte que depuis 1996 il n’y a plus de mécanisme de réformation des jugements du T.A.N.U.
Jugements du Tribunal administratif de l’O.I.T. sur requêtes contre l’U.N.E.S.C.O. (C.I.J.,
avis consultatif du 23 octobre 1956)
A l’époque de la « chasse aux sorcières » (lutte anticommuniste) aux Etats-Unis, au début des
années 50, quatre ressortissants américains fonctionnaires de l’U.N.E.S.C.O. furent invités à
répondre à des questions et à se présenter devant un « Loyalty Board » (sorte de commission
d’enquête). A la suite de leur refus, ces fonctionnaires se virent refuser, par le directeur général
de l’U.N.E.S.C.O., le renouvellement de leur contrat venu à expiration, le motif invoqué étant le
manque d’« intégrité ». Dur recours devant le Tribunal administratif de l’O.I.T., compétent pour
connaître du contentieux relatif aux fonctionnaires de l’U.N.E.S.C.O., le Tribunal alloua une
indemnité pour non renouvellement abusif des contrats. Le statut de ce Tribunal prévoyant le
recours possible devant la C.I.J. en vue d’obtenir un avis consultatif ayant force obligatoire (sic),
la C.I.J., après s’être déclarée compétente, confirma les jugements du Tribunal administratif de
l’O.I.T., celui-ci étant compétent pour statuer (la procédure d’avis consultatif n’est ouverte, au
seul profit de l’Organisation mise en cause qu’au cas où le Tribunal serait incompétent ou aurait
commis un vice grave de procédure).
(Rec., p. 77.)
Lac Lanoux (Sentence arbitrale du 16 novembre 1957)
Le lac Lanoux constitue un réservoir naturel important des Pyrénées Orientales, dont le trop-
plein se jetait en Espagne. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France décida
d’aménager le lac en vue de produire de l’énergie hydro-électrique. Pour tenir compte des
intérêts espagnols, le projet primitif fut modifié pour permettre la restitution intégrale, en
Espagne, des eaux prélevées par la dérivation des eaux, opérée en territoire français. Mais,
l’Espagne soutenait que la France ne pouvait pas procéder à des travaux d’utilisation des eaux
du lac, sans son accord préalable. Le Tribunal a écarté la thèse espagnole, selon laquelle il
existait entre les deux Etats une zone soumise à un statut spécial. Le Tribunal reconnaît la
souveraineté territoriale de la France et n’admet pas de droits au profit de l’Espagne. Mais, il
note que les intérêts espagnols ont bien été respectés par la France, grâce à la solution
technique retenue.
(R.S.A., vol. XII, p. 285.)
Libye/Etats-Unis et Grande-Bretagne (officiellement : affaire des questions d’interprétation et
d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie :
Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis ; id/Royaume-Uni).

259
En décembre 1988, un appareil de la compagnie aérienne américaine Pan Am s’écrasait au-
dessus de Lockerbie, en Ecosse, entraînant la mort de 270 personnes. Une bombe placée à
bord avait provoqué la destruction de l’appareil. Les autorités judiciaires américaines et
britanniques ayant fait apparaître que deux ressortissants libyens étaient suspectés d’être à
l’origine de cet attentat terroriste, les gouvernements américain et britannique demandèrent aux
autorités libyennes leur extradition, ce qui leur fut refusé. Parallèlement, les autorités françaises
présentèrent une demande dans le même sens à la suite de la destruction, dans des
circonstances identiques, en septembre 1989, d’un appareil de la compagnie U.T.A., au-dessus
du Niger, d’où la mort de 170 personnes. Un refus analogue leur fut opposé.
En janvier 1992, le Conseil de sécurité, par sa résolution 731, condamnant les deux attentats,
déplorait l’attitude du gouvernement libyen et « demandait instamment aux autorités libyennes
d’apporter immédiatement une réponse complète et effective à ces demandes afin de contribuer
à l’élimination du terrorisme international ». Les gouvernements américain et britannique
n’avaient pas caché leur intention de demander au Conseil de sécurité de prendre des sanctions
contre la Libye, au cas où ce pays persistait dans son attitude.
De façon surprenante, c’est la Libye qui, début mars 1992, prit l’initiative de saisir la C.I.J. d’une
plainte dirigée contre ces deux gouvernements, au motif que la Libye avait bien respecté toutes
ses obligations au regard de la convention de Montréal relative à la répression des atteintes à la
sécurité de l’aviation civile et que c’étaient au contraire ces deux gouvernements qui n’en
respectaient pas les dispositions, notamment en ce qui concerne la procédure de règlement des
différends. De plus, ces gouvernements étaient accusés de violer la souveraineté de la Libye en
exigeant l’extradition de nationaux libyens. Le gouvernement libyen demanda à la Cour
d’indiquer des mesures conservatoires interdisant, notamment, aux deux Etats en cause
d’engager aucune action contre la Libye visant à la contraindre de procéder à cette extradition.
Mais, le 31 mars 1992, le Conseil de sécurité, devant le refus persistant de la Libye, décida de
faire application du chapitre VII de la Charte, estimant que « le défaut de la part du
gouvernement libyen de démontrer, par des actes concrets sa renonciation au terrorisme …
constituait une menace contre la paix et la sécurité internationales ». Aussi, la résolution 748
édicta à l’égard de la Libye un embargo sur les livraisons d’armes et les relations aériennes,
ainsi qu’une réduction de l’importance des missions diplomatiques. Ces sanctions devaient
entrer en vigueur le 15 avril 1992.
 C.I.J., ordonnances du 14 avril 1992 sur les mesures conservatoires :
Par 11 voix contre 5 (la Libye ayant désigné un juge ad hoc et le président de la Cour, de
nationalité britannique ayant, par ailleurs, renoncé à exercer sa présidence), la Cour a refusé eu
égard « aux circonstances de l’espèce » à exercer son pouvoir d’indiquer des mesures
conservatoires. Elle a, en effet, estimé que l’indication de telles mesures porterait atteinte aux
droits que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne peuvent tirer de la résolution 748. Or cette
résolution présence un caractère obligatoire (par référence à l’art. 25 de la Charte) et, sur la
base de l’article 103 de ladite Charte, les obligations des Parties à l’égard de cette convention
prévalent sur toutes leurs obligations en vertu de tout autre accord international, y compris la
convention de Montréal.
(Rec., p. 3 et 114.)
 C.I.J., arrêt du 27 février 1998 sur les exceptions préliminaires :
La Cour a rejeté, à une importance majorité, les trois exceptions préliminaires soulevées par les
Etats-Unis.
(Rec., p. 9 et 115.)

260
A plusieurs reprises, par la suite, il a été question de la radiation de cette affaire du rôle de la
Cour. De fait, la question est redevenue d’actualité depuis que la Libye a accepté, en 1999, de
livrer deux responsables présumés de l’attentat, qui ont été jugés aux Pays-Bas, par des juges
écossais. A l’issue du procès, qui s’est terminé, début 2001, l’un des inculpés a été condamné à
la prison et l’autre a été acquitté. En revanche, aucune suite n’a été donnée à la réclamation de
la France à l’égard des auteurs de l’attentat contre l’appareil français, qui ont été jugés par
contumace, en France, en 1999, et condamnés également à payer des dommages-intérêts que
la Libye s’est engagée à régler.
Libye/Tchad (officiellement : affaire du différend territorial Jamahria arabe libyenne/Tchad, arrêt
du 3 février 1994).
La Libye a, en 1973, envahi une zone de 114000 km² (soit 1/10 e du territoire tchadien),
dénommée bande d’Aouzou et située à la frontière entre les deux pays. Le Tchad n’a protesté
qu’en 1975 et en 1989 les deux pays convenaient de saisir la C.I.J. si dans un délai d’un an ils
ne parvenaient pas à régler leur différend par tous les moyens politiques. La Cour, à la quasi-
unanimité (16 voix contre une, celle du juge ad hoc désigné par la Libye) s’en est tenue à
l’interprétation et à l’application du traité franco-libyen d’amitié et de bon voisinage de 1955 pour
régler le différend en faveur du Tchad. La Cour a constaté qu’en 1955, les deux Etats avaient
entendu procéder à une délimitation définitive de leur frontière en se référant à la ligne établie
dans des instruments diplomatiques de 1898-1899 et de 1919. Et elle a relevé que la conduite
ultérieure des parties avait corroboré l’existence de la ligne ainsi définie.
Les deux pays ont alors conclu un accord sur les modalités pratiques d’exécution de l’arrêt
rendu par la C.I.J. et le Conseil de sécurité de l’O.N.U a autorisé le déploiement pour une
période de quarante jours d’une équipe d’observateurs des Nations unies, chargés de surveiller
le retrait libyen, (Groupe d’observateurs dans la bande d’Aouzou-GONUBA).
(Rec., p. 6.)
Lotus (C.P.J.I., arrêt du 7 septembre 1927)
Le navire français Lotus ayant abordé, en haute mer, le navire charbonnier turc Boz-court, ce
dernier coula et il y eut de nombreuses victimes. A l’occasion d’une escale du navire français
dans un port turc, les autorités turques décidèrent d’intenter des poursuites pénales contre
l’officier de quart français, de service au moment de l’accident. Le problème posé était de savoir
si, au regard des règles du droit international public, relatives aux compétences étatiques, la
Turquie avait le droit de poursuivre l’officier français, alors que l’accident s’était produit en haute
mer, zone qui échappe à l’exercice de toute compétence étatique territoriale.
La Turquie invoquait – ce que contestait la France – une règle coutumière l’autorisant à engager
des poursuites contre le responsable d’un dommage, causé à des ressortissants turcs, même
en dehors du territoire turc. La C.P.J.I. a admis l’existence d’une telle règle coutumière.
(Série A, n° 10)
Mavrommatis (C.P.J.I., arrêt du 31 août 1924)
Dans cette affaire, la Grèce intervient au profit d’un de ses nationaux, Mavrommatis, qui, établi
en Palestine, à l’époque de la souveraineté turque, était menacé dans des droits, relatifs à des
concessions, par la Grande-Bretagne, à laquelle avait été confié, après 1919, le mandat
d’administrer ce territoire. Mavrommatis n’ayant subi aucun préjudice, la réclamation fut rejetée
(arrêt du 26 mars 1925.)
(Série A, n° 2.)

261
Mazilu (officiellement : affaire de l’applicabilité de la section 22 de l’article VI de la convention
sur les privilèges et immunités des Nations unies) (C.I.J., avis consultatif du 15 décembre 1989)
Peu de temps avant la chute du dictateur roumain Ceaucescu, la Cour a rendu à la demande de
l’ECOSOC, un avis consultatif relatif à l’applicabilité de la convention générale sur les privilèges
et immunités des Nations unies au cas de M. Mazilu, expert de nationalité roumaine, en mission
pour le compte d’une sous-commission des Nations unies, compétente dans le domaine des
droits de l’homme.
En l’espèce, l’intéressé s’était vu interdire toute communication avec l’Organisation et avait été
empêché d’accomplir sa mission pour se rendre, notamment, à Genève où siégeait la sous-
commission.
A cette occasion, pour écarter une réserve roumaine à la compétence consultative de la Cour
(avec, toutefois, effet décisoire), en cas de différend sur l’interprétation ou l’application de la
convention, la Cour a considéré qu’il n’y avait qu’une divergence de vues entre la Roumanie et
l’O.N.U. Ce faisant, elle a, donc, adopté une conception restrictive de la notion de différend par
rapport à sa jurisprudence antérieure (v. affaires citées, supra p. 201). Sur le fond, la Cour a
déclaré la convention applicable à M. Mazilu en tant qu’expert en mission pour le compte de
l’O.N.U. – même solution adoptée, en 1999, dans l’affaire Cumaraswamy, v. supra p. 263.
(Rec., p. 177.)
Minquiers et Ecrehous (C.I.J., arrêt du 17 novembre 1953)
Les îles Minquiers et Ecrehous, situées entre l’île de Jersey et la France, avaient été réclamées,
dès la fin du XIXe siècle, par la France. Cette revendication rebondit après la Deuxième Guerre
mondiale, lorsque les bureaux d’études d’E.D.F. envisagèrent de construire, dans la baie du
Mont Saint-Michel, une usine marémotrice et, dans ce but, d’ancrer un barrage sur l’un des îlots
composant cet ensemble. Or, la France et la Grande-Bretagne se prévalaient d’accords
féodaux, fort anciens et contradictoires. Aussi, la Cour saisie par les deux pays renonce-t-elle à
reconnaître une portée décisive à des présomptions indirectes, déduites d’événements datant
du Moyen Age. La Cour constata que les Miniquiers et Ecrehous n’avaient pas cessé d’être
considérées comme des dépendances de fiefs accordés par le Roi d’Angleterre. A l’époque
récente, des enquêtes pénales y furent conduites, des mutations immobilières enregistrées par
les autorités de Jersey, des postes de douanes aménagés, etc. La France, pour sa part, n’avait
fait que poser des bouées de balisage pour la navigation. Aussi, la Cour reconnut-elle la
souveraineté de la Grande-Bretagne.
(Rec., p. 47.)
Namibie (officiellement : affaire des conséquences juridiques pour les Etats de la présence
continue de l’Afrique du Sud en Namibie-Sud-Ouest africain – nonobstant la résolution 276/1970
du Conseil de sécurité) (C.I.J., avis consultatif du 21 juin 1971)
En 1966, l’Assemblée générale des Nations unies avait révoqué le mandat exercé par l’Afrique
du Sud sur le Sud-Ouest africain, auquel elle donna, par la suite, le nom de Namibie, après avoir
décidé, en 1967, de prendre en charge, temporairement, l’administration internationale de ce
territoire. Mais, l’Afrique du Sud maintint sa présence et, en 1969, le Conseil de sécurité, saisi
de la question, demanda au gouvernement sud-africain de retirer immédiatement son
administration du territoire. Cette résolution, comme d’autres, postérieures, demeura sans effet.
Aussi, il déclara illégale, par la résolution 246/1970 la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie et invita les Etats à agir en conséquence. Et pour éclairer son action, le Conseil décida
de demander un avis consultatif à la C.I.J. sur le point de savoir quelles sont les conséquences
juridiques de la présence de l’Afrique du Sud en Namibie, nonobstant la résolution 276/1970. Or,
l’Afrique du Sud soutenait que la saisine de la Cour n’était pas valable, car la résolution décidant

262
de demander un avis consultatif avait été adoptée, alors que deux membres permanents
s’étaient abstenus lors du vote. La Cour rappelle que la pratique des Nations unies montre que
l’abstention des membres permanents ne fait pas obstacle à l’adoption d’une résolution (sur le
fond, la Cour a été d’avis que la présence de l’Afrique du Sud en Namibie était illégale et qu’elle
devait retirer immédiatement son administration ; quant aux Etats membres des Nations unies,
ils devaient s’abstenir de tous actes et de toutes relations avec le gouvernement sud-africain,
impliquant la reconnaissance de la légalité de cette présence ou constituant une aide à cet
égard). Jusqu’à l’accession à l’indépendance de la Namibie, en 1990 (à la suite de négociations
menées avec l’Afrique du Sud – grâce à la médiation des Etats-Unis – ayant abouti à des
accords en 1988), cet avis ne fut suivi d’aucune conséquence pratique.
(Rec., p. 16.)
Nauru/Australia (officiellement : affaire de certaines terres à phosphates à Nauru).
La République de Nauru (non membre des Nations unies à l’époque et qui était devenue partie
spécialement au statut de la C.I.J.) a assigné, en 1989, l’Australie au sujet d’un différend
concernant la remise en état de certaines terres à phosphates exploitées sous administration
australienne avant l’indépendance de Nauru (1967). Elle a soutenu que l’Australie avait violé à
la fois ses obligations au regard de l’accord de tutelle de 1947 pour Nauru et en vertu du droit
international général.
 C.I.J., arrêt du 26 juin 1992 relatif aux exceptions préliminaires
La Cour, rejetant toutes les exceptions soulevées par l’Australie – sauf une portant sur un point
mineur – se déclare compétente. A première vue, la solution retenue tranche avec celle rendue
dans l’Affaire du Cameroun septentrional (supra, p. 260), puisque c’est l’ancienne puissance
administrative qui est mise en cause après la levée de sa tutelle. En réalité, la Cour considère
que les circonstances ne sont pas les mêmes, car, avant la levée de la tutelle, nul n’ignorait que
des divergences d’opinion subsistaient entre le Conseil de gouvernement local de Nauru et
l’autorité administrante au sujet de la remise en état des terres à phosphates exploitées avant le
1er juillet 1967, date de la levée de la tutelle. Par ailleurs, la Cour, constatant que le droit
international n’impose pas une limite de temps déterminée pour présenter une requête,
considère qu’eu égard aux circonstances de l’espèce, la demande de Nauru a bien été
présentée dans des « délais raisonnables » (des démarches auprès des autorités australiennes
avaient été tentées auparavant, mais on relèvera que Nauru avait mis 14 ans pour protester par
écrit et encore près de 6 ans pour saisir ensuite la Cour). De même, la Cour ne s’estime pas
empêchée de connaître d’une requête dirigée contre l’Australie du seul fait que, selon l’accord
de tutelle, la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande étaient, au même titre que l’Australie,
considérées comme « l’autorité chargée de l’administration » de Nauru, alors que ces deux
Etats ne sont pas parties à l’instance. Elle constate que non seulement d’après les textes, mais
également par la pratique, l’Australie jouait un rôle tout particulier mais de plus les intérêts de
ces deux autres Etats ne constituaient pas l’objet même de la décision qu’elle aurait à rendre sur
le fond.
(Rec., p. 240.)
Un règlement amiable est intervenu, en septembre 1993, et les parties se sont désistées de
l’instance. L’Australie s’est engagée à verser une importante subvention annuelle pendant une
période de vingt ans.
Nicaragua/Etats-Unis v. Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
Nicaragua/Honduras (officiellement : affaire relative à des actions armées frontalières et
transfrontalières)

263
Nicaragua se plaignait de l’activité de bandes armées agissant à partir du territoire du Honduras,
à la frontière du Nicaragua et sur son territoire.
Or monétaire (officiellement : Affaire de l’or monétaire pris à Rome en 1943) (C.I.J., arrêt du 15
juin 1954)
L’affaire trouvait son origine dans un accord de 1946, concernant les réparations à recevoir de
l’Allemagne, où il était dit que l’or monétaire récupéré en Allemagne, ou en pays tiers, serait
réparti entre les pays victimes d’une spoliation par l’Allemagne. L’Italie et l’Albanie réclamaient
toutes deux l’or de la Banque nationale d’Albanie enlevé à Rome en 1943. Ultérieurement, un
accord conclu entre les trois alliés occidentaux renvoya le litige à un arbitre, qui déclara que l’or
devait revenir à l’Albanie, la Grande-Bretagne le recevrait en indemnisation partielle des
dommages subis dans le détroit de Corfou (l’Albanie ayant refusé d’exécuter l’arrêt de la Cour
dans cette affaire – v. supra p. 266). L’Italie saisit alors la C.I.J. pour contester la sentence
arbitrale. Or, paradoxalement, par la suite, l’Italie, elle-même, déposa une question préliminaire
relative à la compétence de la Cour. Celle-ci constata alors qu’elle n’était pas compétente pour
statuer sur le litige, en l’absence du consentement de l’Albanie.
C’est à cet arrêt que la C.I.J. s’est référée, dans l’affaire du Timor (v. infra p. 295), en l’absence
du consentement de l’Indonésie.
(Rec., p. 19.)
Oscar Chinn (C.P.J.I., arrêt du 12 décembre 1934)
La Belgique avait concédé des droits de transport sur le Congo à une société belge Unatra,
dans laquelle elle était majoritaire. Elle imposa en 1931, une baisse importante des tarifs, qu’elle
compensa par le versement d’une subvention à la société Unatra. Une entreprise anglaise,
Oscar Chinn, pour laquelle la Grande-Bretagne prit fait et cause, s’estima lésée, par ce qu’elle
considérait comme une violation du principe de l’égalité de traitement, posé, pour le Congo, par
la convention de Saint-Germain de 1919. La C.P.J.I. estima qu’il n’y avait pas discrimination,
puisque la nationalité (belge) du bénéficiaire de la subvention était indifférente, la subvention
ayant été accordée sur la base des liens particuliers existant avec l’Etat belge. La décision de la
C.P.J.I., rendue à une voix de majorité, fut critiquée, car elle reposait sur une conception étroite
de l’égalité de traitement dans la liberté de navigation, alors que celle-ci est étroitement liée au
principe de la liberté commerciale.
(Série A/B, n° 63, p. 65.)
Otages américains (officiellement : affaire du personnel diplomatique et consulaire américain à
Téhéran) (C.I.J., arrêt du 24 mai 1980)
Après le renversement du Chah d’Iran, en février 1979, le nouveau régime, qui s’établit à
Téhéran, n’est pas toujours en mesure de contrôler la situation et dans la confusion, qui en
résulte, certaines autorités de fait échappent au contrôle du pouvoir légal. C’est ainsi qu’en
novembre 1979, des manifestants attaquent les locaux de l’ambassade américaine, en dépit
des appels à l’aide adressés par le personnel aux forces de sécurité iraniennes, et prennent en
otages un certain nombre de ressortissants américains ayant le statut diplomatique. Devant le
refus des autorités iraniennes de faire évacuer les locaux et de libérer tous les otages, les Etats-
Unis intentèrent une action devant la C.I.J. L’Iran refusa de comparaître devant la Cour, mais
cela n’empêcha pas celle-ci de constater que l’Iran avait violé les dispositions des conventions
de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et celle de 1963 sur les relations consulaires.
Il faut noter, d’ailleurs, que la Cour a considéré qu’avant même d’engager sa responsabilité pour
l’appui donné, par la suite, officiellement aux militants révolutionnaires, l’Iran avait manqué à son
obligation de due diligence. En effet, du fait de sa passivité face à des éléments incontrôlés,
l’Etat iranien avait, dès l’abord, manqué à son devoir de protection et de répression. La Cour

264
ordonna la libération des otages, ce que refusa le gouvernement iranien. Après une tentative
avortée de la part des Etats-Unis de récupérer par la force leurs ressortissants, l’Iran accepta
finalement, en janvier 1981, de libérer les otages, moyennant la levée des mesures de blocage
des avoirs iraniens dans les banques américaines, décidées à titre de représailles par le
gouvernement américain.
(Rec., p. 3)
Parcelles frontalières (officiellement : souveraineté sur certaines parcelles frontalières) (C.I.J.,
arrêt du 20 juin 1959)
Dans cette affaire, portée par la Belgique et les Pays-Bas devant la C.I.J., la Cour était invitée à
déterminer si la souveraineté de plusieurs parcelles cadastrales appartenaient à la Belgique ou
aux Pays-Bas, dans une zone où il y avait enchevêtrement de souverainetés, du fait de la
présence d’enclaves belges en territoire néerlandais et inversement. Les Pays-Bas, se fondant
sur une contradiction existant entre deux documents diplomatiques, soutenaient qu’une erreur
avait été commise, la souveraineté de la Belgique ayant été, à tort, reconnue par l’un des deux
accords. Mais, la Cour considéra qu’une simple erreur documentaire ne suffisait pas à vicier le
consentement. Il fallait que l’erreur présente une gravité suffisante. Or, en l’espèce, la Cour,
allant au-delà de la lettre des textes (qui se contredisaient) en a recherché l’esprit. Elle a
constaté que la Commission de délimitation n’avait pas commis d’erreur d’attribution en
consacrant la souveraineté de la Belgique.
(Rec., p. 209.)
Pêcheries anglo-norvégiennes (C.I.J., arrêt du 18 décembre 1951)
Alors que les pêcheurs britanniques s’abstenaient de pêcher à proximité des côtes
norvégiennes jusqu’au début du XXe siècle, les chalutiers britanniques modifièrent leur attitude
peu de temps avant la Première Guerre mondiale. La population locale se sentant menacée
dans son unique activité économique, les autorités norvégiennes promulguèrent une nouvelle
délimitation des zones de pêche norvégiennes. Après un certain nombre d’incidents durant
l’entre-deux-guerres et après 1945, la Grande-Bretagne décida de saisir la C.I.J. Elle contestait
la méthode utilisée par la Norvège pour délimiter la ligne de base des eaux territoriales. En
l’espèces, eu égard à la configuration de la côte, la Norvège n’avait pas utilisé la méthode
classique du tracé parallèle, qui épouse scrupuleusement tous les contours de la côte, mais,
depuis 1869, avait retenu certains points appropriés et les avait réunis par des lignes droites
suivant la méthode des lignes de base droites. La C.I.J. admit la régularité de cette méthode,
dès lors que les lignes de base droites. La C.I.J. admit la régularité de cette méthode, dès lors
que les lignes de base ne s’écartaient pas de façon notable de la direction générale de la côte.
La C.I.J. prit en considération le fait que le système norvégien avait reçu l’assentiment tacite
général et que la Grande-Bretagne n’avait pas fait d’objections pendant 60 ans.
(Rec., p. 116.)
Pêcheries de l’Atlantique Nord (C.P.A., 7 septembre 1910)
Dans cette affaire portée devant une instance arbitrale, les Etats-Unis s’opposaient à la Grande-
Bretagne, à propos de la pêche dans l’Atlantique, déjà réglementée au XVIIIe siècle et qui avait
fait l’objet d’un traité entre les deux pays en 1818. La Cour permanente d’arbitrage considéra
que la Grande-Bretagne devait conserver et protéger les pêcheries et en faire bénéficier les
pêcheurs américains.
(R.G.D.I.P., 1912, p. 452.)
Pêcheries de phoques de la mer de Behring (Sentence arbitrale du 15 août 1893)

265
Ce litige opposait les Etats-Unis, ayant succédé à la Russie en Alaska, à la Grande-Bretagne,
représentant le Canada, à propos de la pêche des « phoques à fourrure » (en réalité des otaries
à fourrure) dans le détroit de Behring. A côté de certaines questions précises posées au
Tribunal arbitral, les Parties laissèrent le soin aux arbitres de déterminer les modalités suivant
lesquelles la chasse devait être exercée à l’avenir. Les arbitres fixèrent, ainsi, une zone de
protection, limitèrent la saison des chasses, imposèrent le système de la licence et interdirent
l’emploi de certains engins. Mais, cet arbitrage « quasi législatif » n’empêcha pas la quasi-
disparition de l’espèce, 5 ans après la sentence. D’où une convention multilatérale de 1911
interdisant la chasse en mer, mais autorisant la chasse à terre. Cet accord, liant les Etats-Unis,
la Grande-Bretagne, le Japon et la Russie, a été révisé, à différentes reprises, depuis. Le sort de
ces pinnipèdes (mammifères adaptés à la vie aquatique) ne doit pas être confondu avec celui
des « phoques à capuchon » chassés à terre sur des territoires canadiens et norvégiens. Les
pratiques barbares à l’égard des bébés phoques émurent l’opinion publique, d’où la décision
prise par les Etats membres de la C.E.E., en 1983, d’interdire l’importation de fourrures de
phoque.
(La Fontaine, Pasicrisie internationale, p. 426.)
Pêcheries islandaises v. Compétence en matière de pêcheries
Personnel diplomatique et consulaire américain à Téhéran v. Otages américains.
Phares (Sentence arbitrale du 24 juillet 1956)
Cette affaire opposait la France à la Grèce à propos d’une concession de phares dans l’Empire
ottoman. Parmi les réclamations dont le Tribunal arbitral eut à connaître, figuraient, notamment,
des demandes d’indemnité présentées par une société française, concessionnaire de l’entretien
et de l’exploitation des phares installés sur les côtes de l’Empire ottoman, après 1860, à propos
de la succession de l’Etat annexant (Grèce) à des actes imputables à l’Etat cédant démembré
(Turquie). Il s’agissait d’une part, des frais de remise en état d’installations démantelées, à
Salonique, par la Turquie, en 1912, et d’autre part des dépenses inutiles engagées dan le Sud-
Ouest de la Grèce en 1903 et en 0908. Le Tribunal arbitral écarta tout appel à la transmission
de la responsabilité internationale de la Turquie à la Grèce. En revanche, le Tribunal rappela le
principe du respect des droits acquis et par voie de conséquence, considéra que la Grèce (Etat
successeur) ne pouvait modifier le régime des concessions accordées par l’Etat cédant
(Turquie) sans compensation.
Accessoirement, le Tribunal a eu à se prononcer sur la qualité de navire de guerre. Il a, à
l’époque, retenu la finalité militaire des bâtiments de guerre en insistant sur « son affectation
réelle à des buts militaires de combat » et au fait que de tels bâtiments
sont « susceptibles de participer effectivement, grâce à leur armement, aux opérations
militaires ». Cette définition n’est plus conforme au droit positif, tel qu’il s’exprime dans la
Convention de Genève de 1958, confirmé par la Convention de 1982.

(R.S.A, vol. XII, p. 162.)


Plateau continental de la mer du Nord (C.I.J., arrêt du 20 février 1969)
Dans cette affaire, la République fédérale d’Allemagne s’opposait à ses deux voisins, les Pays-
Bas et le Danemark, au sujet de la délimitation du plateau continental de la mer du Nord, la
R.F.A, refusait de voir pris en compte le principe d’équidistance, que retenait la Convention de
Genève de 1958 sur le plateau continental (principe permettant de tracer une ligne médiane,
dont tous les points sont équidistants des points les plus proches des lignes de base, à partir
desquelles est mesurée l’étendue des eaux territoriales de chaque Etat). En effet, la concavité

266
des côtés allemandes, sur la mer du Nord, amplifiait les effets du principe de l’équidistance et
conduisait à réduire exagérément, selon l’Allemagne, la proposition de plateau continental à
laquelle elle prétendait, en rapport avec la longueur de son littoral. La Cour admet que le
principe de l’équidistance ne peut être opposé à l’Allemagne ni sur une base coutumière, ce
principe n’ayant pas été reconnu comme règle de droit.
Sur le fond, la C.I.J. invite les parties à négocier un accord conformément à certains principes
équitables, faisant appel à divers facteurs (configuration générale des côtes, structure physique
et géologique du plateau, rapport raisonnable entre l’étendue du plateau et la longueur du
littoral). Cet accord fut conclu en 1970.
(Rec., p. 3)

Plateau continental de la mer Egée (C.I.J . , arrêt du 19 décembre 1978)


La Grèce et la Turquie se disputent, depuis de nombreuses années, le plateau continental de la
mers Egée. La Grèce fonde ses droits, que conteste la Turquie, sur la souveraineté qu’elle
exerce sur un grand nombre d’îles, situées dans la mer Egée. La Grèce a porté l’affaire devant
la C.I.J., en se fondant, notamment, sur l’Acte général pour le règlement pacifique des différends
(dit Acte général d’arbitrage) de 1928. La Turquie contestant la compétence de la Cour en
l’affaire, ne se présentant pas devant elle (même attitude de l’Islande dans l’affaire de
compétence en matière de pêcheries de la France dans l’affaire des essais nucléaires, de l’Iran
dans l’affaire des otages et des Etats-Unis dans l’affaire – au - fond des activités militaires au
Nicaragua). Mais, elle fit parvenir des documents écrits concernant l’instance. La Grèce et la
Turquie avaient bien adhéré à l’Acte général de 1928, mais la Turquie inoquait, par voie de
réciprocité, une réserve contenue dans l’instrument d’adhésion grec de 1931. Cette réserve
excluait la compétence de la Cour (à l’époque la C.P.J.I.), notamment, pour des différends ayant
trait au « statut territorial » de la Grèce. Compte tenue du développement du droit international
public relatif au plateau continental, la C.I.J. a considéré que cette expression incluait, en 1978,
les différends relatifs à l’étendue géographique des droits de la Grèce sur le plateau continental
de la mer Egée. La Cour se déclara, donc, incompétente, sur la base de l’Acte général de 1928
(par ailleurs, la Cour refusa de se déclarer compétente sur la base d’un communiqué conjoint
gréco-turc de 1975).
(Rec. P.3)

Plateau continental franco-britannique (Semence arbitrale du 30 juin 1977)


Le litige opposait les deux pays à la fois délimitation du plateau continental dans le secteur des
îles anglo-normandes et dans le secteur atlantique. La France invoquait, dans les deux cas, des
circonstances spéciales justifiant la mise à l’écart de l’application rigoureuse du principe de
l’équidistance. Le Tribunal arbitral fera largement droit aux demandes françaises. Dans le
secteur des îles anglo-normandes, du fait de leur proximité des côtes françaises, le Tribunal
limitera le plateau continental des îles anglo-normandes pris en compte, à la zone de pêche de
12 milles. De telle sorte que la France obtiendra 3000 km² de plus, diminués de 50 km², lorsque,
sur recours de la Grande-Bretagne, le Tribunal n’admit pas l’existence d’une erreur dans cette
partie de la sentence.
(R.S.A, vol. XVIII, p. 130.)

Plateau continental entre la Tunisie et la Libye ( C.I.J., arrêt du 24 février 1982)

267
Cette affaire portait sur la délimitation du plateau continental adjacent aux deux Etats, dans la
partie de la mer Méditerranée qu’on appelle la mer Pélagienne, et qui se trouve au large du
golfe de Gabès. La Cour a écarté les thèses des deux parties, reposant sur la notion de
prolongement naturel, la Libye se fondant sur la géologie et la Tunisie se fondant, elle, sur la
géomorphologie et la bathymétrie (profondeur). La Cour, comme en 1969, pour le plateau
continental de la mer du Nord, va s’efforcer de rechercher des principes équitables de
délimitation, eu égard aux circonstances pertinentes propres à la région. De fait, l’arrêt de la
Cour sera critiqué par la doctrine, car il traduit une conception très subjective de l’équité, la Cour
ayant fait un choix arbitraire parmi les circonstances jugées pertinentes.
La Cour écarte, en effet, certaines circonstances géographiques (l’île de Djerva) et ne prend que
partiellement en compte une autre circonstance géographique (l’île de Kerkennah). Par ailleurs,
la Cour a recours à des circonstances historiques pour faire apparaître un accord implicite des
deux parties. C’est ainsi que la Cour s’appuie sur les archives françaises et italiennes (de
l’époque de la colonisation) et sur la pratique de la délivrance de permis pétroliers selon une
ligne divisoire provisoire. Pratiquement, la zone reconnue à la Libye est nettement supérieure à
celle reconnue à la Tunisie. Celle-ci réclamait, en effet, une zone délimitée selon une ligne qui
décrivait un angle de 62°. Une ligne fondée sur l’équidistance – mais, thèse rejetée par les deux
Etats aurait décrit un angle de 48°. Et la ligne retenue par la Cour ne décrit qu’un angle de 26°.
La Tunisie a déposé, en 1984, un recours en révision (le premier – qui a d’ailleurs été rejeté, en
1985 – devant la Cour) et un recours en interprétation (2° cas après l’affaire Haya de la Torre).
Sur le plan des règles de procédure appliquées par la Cour, notons que la C.ICJ. a déclaré
irrecevable l’intervention de Malte dans l’affaire portée devant elle par la Tunisie et la Libye.
Malte et la Libye ont, par la suite, décidé de porter leur propre litige relatif à la délimitation de
leur plateau continental respectif devant la Cour. Et, cette fois, c’est l’intervention de l’Italie qui
n’a pas été admise. Dans son arrêt du 3 juin 1985 (Rec., p.13) ; la Cour a pratiquement adopté
la même démarche que dans son arrêt de 1982 pour déterminer les principes applicables et les
circonstances particulières à prendre en considération. Tout en soulignant l’importance du
principe de la distance qui rapproche le concept de plateau continental de celui de zone
économique exclusive, la Cour a atténué la portée des données de la nature en minimisant
l’idée de « prolongement naturel ».
(Rec., p. 18 .)
Prises d’eau de la Meuse (C.P.J.I., arrêt du 28 juin 1937)
La C.P.J.I. a admis, interprétant la convention hollando-belge du 12 mai 1863, la compatibilité
avec ce traité de certains travaux d’aménagement effectués par chacun des deux Etats sur son
territoire (construction de canaux).
(Série A/B, n° 70, p. 4)
Rainbow Warrior (Médiation du secrétaire général des Nations Unies, 1986)
Durant l’été 1985, le Rainbow Warrior, navire battant pavillon britannique et appartenant au
mouvement écologiste international Greenpeace, se préparait à manifester contre les
expériences nucléaires françaises à Mururoa ; alors qu’il mouillait dans le port néo-zélandais
d’Auckland, il fut coulé par les agents relevant des services secrets français (D.G.S.E). Un
photographe, de nationalité néerlandaise, mais d’origine portugaise, étant remonté à bord, entre
deux explosions, trouva la mort en se noyant. Cet incident fut à l’origine de la démission du
ministre français de la Défense nationale.
La responsable de la France était incontestablement engagée, mais la violation du droit
international par la Nouvelle-Zélande, qui tolérait, sur son territoire, des actes inamicaux à

268
l’égard de la France et de nature à atténuer la responsabilité de celle-ci, fut insuffisamment
soulignée.
Par la suite, le mouvement Greenpace affréta un nouveau bateau, portant le nom de
l’association , qui tenta, vainement, de pénétrer dans les eaux territoriales autour de l’île de
Mururoa et auquel l’accès du port de Papeete, pour y affecter une réparation, fut refusé.
Deux des officiers français (qui resteront, dans l’histoire, sous le nom des « faux époux
Turenge »), impliqués dans la destruction du Rainbow Warror, arrêtés en Nouvelle Zélande,
furent condamnés, pour « homicide involontaire », à 10 ans de prison. Le gouvernement
français indemnisa à l’amiable (2.3 millions de F) la famille de la victime. Quant au contentieux
international entre la France et la Nouvelle-Zélande, les deux gouvernements sollicitent M.
Perez de Cuellar, secrétaire général des Nations unies, pour régler tous les problèmes nés de
cet incident. Présente, initialement, comme une médiation, l’intervention du secrétaire général
constitue, en réalité, un arbitrage, car les deux parties s’étaient engagées à l’avance, aux termes
d’un communiqué commun, à « se conformer au règlement retenu ». Aux termes du règlement,
qui fit l’objet d’un accord international, sous forme d’échange de lettres, en date du 9 juillet 1986
(publié au J.O. du 13 juillet, p.8750), la France a adressé une lettre d’excuses et accordé 7
millions de dollars d’indemnité (soit 50 millions FF de l’époque), tandis que la Nouvelle-Zélande
a accepté que les deux officiers français soient, après une année de détention, affectés pour 3
ans, sur une base française, dans le Pacifique. Il faut relever, au passage, que l’intransigeance
néo-zélandaise, dans cette affaire, fut vaincue par la menace du recours par la France à des
mesures de rétorsion, de nature commerciale, notamment, dans le cadre de la politique
européenne communautaire relative aux importations agricoles (beurre, mouton), en
provenance de Nouvelle-Zélande (d’où un échange de lettres consacrant l’engagement de la
France de renoncer à toute mesure de nature à gêner les exportations néo-zélandaises vers la
C.E.E.). La réparation des dommages subis par l’association Greepeace a été soumise à un
arbitrage transnational (non publié) qui a abouti, en 1987, à l’octroi d’une indemnité de 8 millions
de dollars (soit à nouveau 50 millions FF de l’époque). Le gouvernement français ayant décidé
unilatéralement (fin 1987 et début 1988) de rapatrier, pour des raisons médicales, les deux
officiers français, la Nouvelle-Zélande a déclanché la procédure d’arbitrage prévue, eu égard au
fait que l’accord de 1986 subordonnait le rapatriement des intéressés « pour quelque motif que
ce soit » à l’agrément des deux parties. La sentence rendue le 30 avril 1990 a constaté la
violation par la France de ses engagements. Mais, la période de trois ans d’assignation à
résidence des deux officiers étant expirée, le Tribunal a retenu la réparation des dommages
« légaux » (sic) et moraux par le moyen d’une déclaration de violation des obligations de la
France. La condamnation de la France , rendue publique par la décision du Tribunal, constituait
une satisfaction appropriée. On notera que, dans cet arbitrage, le Tribunal a écarté trois motifs
invoqués par la France pour ne pas avoir à respecter ses obligations : la force majeure, l’état de
nécessité et la détresse.
(A.F.D.I. , 1985 p.210, 1986 p. 873 et 1990 p. 395 ;
R.G.D.I.P., 1987 p. 9 et 1990 p. 838 ; J.D.I., 1990 p. 841)
Rann de Kutch (Sentence arbitrale du 19 février 1968)
L’Inde et le Pakistan se disputaient un territoire d’environ 90.000 km² (susceptible, en raison de
sa nature marécageuse, de recéler des richesses pétrolière) situé au Nord-Ouest du sous-
continent indien, entre les deux nouveaux Etats, issues du partage de l’Inde britannique en
1947. La majorité du Tribunal arbitral décida de reconnaître à l’Inde 90 % de la superficie du
territoire contesté, en se fondant sur l’exercice des droits de douane, des compétences de police
et sur l’octroi de droits de pâturage. Ce n’est que sur une faible superficie de la région que la

269
majorité du Tribunal admit que l’Etat indigène auquel le Pakistan a succédé et exercé « une
activité continue et intense » et que le titre du Pakistan a une « valeur supérieure ».
( R.S.A., vol XVII, p.5 )
Réparation des dommages subis au service des Nations unies, v. Dommage
Ressortissants américains au Maroc (titre officiel : Droits des ressortissants des Etats-Unies
d’Amérique au Maroc ; C.I.J., arrêt du 27 août 1952)
Dans cette affaire, la France, en tant que puissance protectrice du Maroc, s’opposait aux Etats-
Unies sur divers points relatifs à l’exercice de privilèges, que ce pays retirait du régime des
Capitulations, régime fort ancien, mais auquel il n’entendait par renoncer, du moins à l’époque.
Les deux Etats s’opposaient, notamment, sur l’interprétation de l’article 95 de l’Acte d’Algésiras,
relatif à l’évaluation des marchandises en douane. Rejetant les interprétations données par l’une
et l’autre parties, la Cour estime que le pouvoir d’évaluer appartient aux autorités douanières,
mais elles doivent en user « raisonnablement de bonne foi ».
Le litige, opposant les Etats-Unis à la France, portait également sur l’étendue de la juridiction
consulaire, que les Etats-Unis pouvaient exercer dans la zone française du Marcoc. Les Etats-
Unis entendaient se fonder sur un traité de 1836 pour réclamer le bénéfice de la clause de la
nation la plus favorisée et disposer d’un droit de juridiction consulaire plus avantageux, tel qu’il
avait été accordé par le Maroc à la Grande-Bretagne en 1856 et à l’Espagne en 1861. Or, ces
deux pays avaient renoncé à ces traités, respectivement en 1937 et 1914. Aussi, la Cour a-t-elle
constaté que les Etats-Unis ne pouvaient plus invoquer les avantages supérieurs à ceux
concédés en 1836, dès lors que les traités plus avantageux étaient devenus caducs.
(Rec., p. 176.)
Sahara occidental (C.I.J., avis consultatif du 16 octobre 1975 )
Au moment où l’Espagne envisageait de mettre fin à son administration sur le territoire du
Sahara occidental (d’une superficie de plus de 250.000 km² et une population de moins de
100.000 habitants ) le Maroc et la Mauritannie revendiquèrent des droits sur ce territoire. En
1974, l’Assemblée générale des Nations Unies demanda un avis consultatif sur les deux
questions suivantes : 1. Le Sahara occidental était-il, au moment de la colonisation par
l’Espagne, un territoire sans maître ? 2. Et en cas de réponse négative à cette question, quels
étaient les liens juridiques de ce territoire avec le Royaume du Maroc et l’ensemble
mauritanien ?
A la première question, la Cour répondit, effectivement, par la négative. Interprétant la notion de
terre nullius en vigueur en 1884, au moment où l’Espagne revendique ce territoire, la Cour
constate que les territoires habités par des tribus ou des peuples n’étaient pas considérés
comme terre nullius. Car, au moment de sa colonisation, le Sahara occidental était habité par
des populations qui, bien que nomades, étaient socialement et politiquement organisées en
tribus et placées sous l’autorité de chefs compétents pour les représenter.
A la deuxième question, la Cour répondit qu’il y avait, certes, des liens juridiques entre ce
territoire et le royaume du Maroc d’une part et l’ensemble mauritanien d’autre part. Mais, ce
n’étaient pas des liens de souveraineté territoriale. Aussi, la Cour ne vit aucune raison pour
écarter le principe d’autodétermination.
(Rec., p. 12.)

270
Depuis de nombreuses années, l’organisation d’un référendum d’autodétermination est à l’étude
sous l’égide des Nations unies. Sa mise en œuvre en étant retardée d’année en année, on peut
se demander s’il aura lieu un jour.
Santa Maria (bien que cette affaire n’ait pas fait l’objet d’une décision juridictionnelle, nous
indiquerons quelques éléments d’information sur cette affaire)
En janvier 1961, le capitaine Galvao, opposant politique au régime dictatorial portugais de
l’époque (Salazar) s’empara, avec des sympathisants, du bateau portugais Santa Maria, qui
naviguait dans la mer des Antilles. Le Portugal estimant qu’il s’agissait d’un acte de piraterie
maritime, demanda, en vain, l’assistance des autres Etats pour réprimer une telle action. Les
Etats-Unis suivirent de très près la manœuvre du navire, dans l’intérêt des passagers.
Finalement, le Santa Maria fit escale au Brésil, où Galvao et ses hommes reçurent le droit
d’asile, cependant que le navire était restitué au Portugal.

( R.G.D.I.P., 1962, p. 123)

Savarkar (C.P.A., 24 février 1911)


Profitant d’une escale à Marseille, en juillet 1910, du paquebot anglais, sur lequel il était
transporté pour être jugé aux Indes, un agitateur hindou, Savarkar, avait tenté de s’échapper.
Mais, il fut repris par un gendarme français, de service sur les quais et remis aux autorités du
bord. Par la suite, le gouvernement français réclama la restitution de l’intéressé, en invoquant
l’atteinte à la souveraineté et le respect du droit d’asile, résultant de l’arrestation de Savarkar en
dehors de toute procédure d’extradition et de toute délivrance d’un mandat judiciaire par une
autorité française. La Cour permanente d’arbitrage rejeta la réclamation française, en l’absence
de toute manœuvre frauduleuse ou acte de violence. Il appartenait à la France de faire
respecter son droit et d’éviter de commettre des erreurs dans l’exercice de ses compétences (à
titre anecdotique, on signalera que Savarkar fut soupçonné de complicité dans l’assassinat de
Mahatmah Gandhi, en 1948).
(R.S.A., vol. XI, p. 243 )

Sud-Ouest africain (C.I.J., arrêt du 18 juillet 1966)


Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Afrique du Sud refuse de transformer le mandat
qu’elle exerçait sur le Sud-Ouest africain en tutelle ? Consultée, la C.I.J. admit, par un avis
rendu le 11 juillet 1950, que l’Afrique du Sud avait le droit de ne pas transformer son mandat en
tutelle, mais qu’elle devait, cependant accepter un contrôle de l’O.N.U.
La C.I.J., en l’espèce, fait une nouvelle application (v. précédemment affaire Bernadette) de la
notion de « compétences implicites », en considérant que l’O.N.U. ? compétente pour contrôler
l’exercice de la tutelle, l’est également pour contrôler celui du mandat, dont le but est
comparable, cela après la disparition de la S.d.N. implicitement, d’après l’article 10 de la Charte,
c’est à l’Assemblée générale qu’incombe cette compétence, dont la Cour, par deux avis
ultérieurs de 1955 et 1956, précisera diverses modalités.
Devant le refus de l’Afrique du Sud d’accepter un tel contrôle sur l’exercice du mandat qui lui
avait été confié par la Société des Nations, les deux seuls Etats africains membres de cette
organisation (Ethiopie et Libéria) décidèrent de porter l’affaire sur le plan contentieux. Ils
assignèrent donc l’Afrique du Sud devant la C.I.J. pour faire constater qu’elle ne respectait pas
les obligations, qui lui incombèrent en application du mandat. Or, la Cour n’a pas admis que des

271
considérations humanitaires puissent faire naître des droits et obligations juridiques. Elle « ne
peut tenir compte de principes moraux que dans la mesure où on leur a donné une forme
juridique suffisante ». La mission sacrée de civilisation, à laquelle tous les Etats membres de la
S.d.N. ont certes un intérêt, n’a d’autre expression juridique que le système des mandats et ne
peut donner naissance à des droits et obligations en dehors de ce système. Or, pour la C.I.J. , le
droit de réclamer la bonne exécution du mandat conformément à la « mission sacrée de
civilisation » revenait exclusivement à la S.d.N., dans le cadre de son activité collective et
institutionnelle. Les Etats membres n’avaient aucun droit individuel à faire valoir dans le système
des mandats à l’époque de la S.d.N., rejette, dans ces conditions, la demande des deux pays
pour défaut de droit ou d’intérêt juridique.
(Rec., p. 6.)
Temple de Preah-Vihear
Le Cambodge protestait devant la Cour contre la violation de sa souveraineté territoriale par la
Thaïlande qui soutenait, de son côté, que le temple de Preah-Vihear se trouvait sur son
territoire.
* C.I.J., arrêt du 26 mai 1961 sur les exceptions préliminaires.
Dans l’arrêt sur les exceptions préliminaires, la C.I.J., a eu à se prononcer sur une erreur que la
Thaïlande prétendait avoir commise en 1940, acceptation qui, aux termes de l’article 36-5 du
statut de la C.I.J., valait pour la C.I.J.
Mais, en 1961, la Thaïlande invoquait la jurisprudence de la C.I.J., telle qu’elle se dégageait de
l’arrêt du 26 mai 1959, dans l’affaire de l‘Incident aérien israélo-bulgare. D’après cette
jurisprudence, l’article 36-5 ne s’appliquait qu’aux Etats qui étaient parties au statut de la C.I.J.,
dès l’origine, en 1946. Par contre, pour tous les Etats qui n’étaient pas membres originaires de
l’O.N.U., et donc ne furent pas parties au statut de la C.I.J., dès 1946, les déclarations
d’acceptation de la compétence de la C.P.J.I. étaient devenues caduques au moment de la
dissolution de cette Cour. La Thaïlande estimait que c’était son cas puisqu’elle n’avait été
admise aux Nations unies qu’en décembre 1946 et ce n’est qu’à cette date qu’elle était
devenue partie au statut de la C.I.J. Sa déclaration de renouvellement de 1950 visant une
institution non existante (la déclaration d’acceptation précédente étant caduque) son
renouvellement était sans effet et, du fait de cette erreur, sa déclaration de 1950 était viciée.
Mais, la Cour a considéré qu’une erreur ne pouvait être prise en considération que si elle avait
affecté la réalité du consentement. Or, la Cour a constaté qu’en 1950 la Thaïlande avait bien
exprimé son consentement à l’acceptation de la compétence de la C.I.J., même si la forme de
ce consentement n’était pas adéquate.
(Rec ., 1961, p. 17)
. C.I.J., arrêt du 15 juin 1962 sur le fond
Sur le fond, la Thaïlande soutenait que les cartes établies en 1907 par les autorités
topographiques françaises, à l’époque du protectorat français sur le Cambodge, ne pouvaient
lui être opposées, du fait qu’elles étaient erronées. Or, la Cour a constaté que ces cartes avaient
été communiquées aux autorités siamoises et que celles-ci n’avaient pas réagi, à l’époque, ni
par la suite. Bien plus, les autorités siamoises avaient elles-mêmes utilisé ces cartes. Aussi, la
Cour rejette les prétentions de la Thaïlande, car une partie ne peut invoquer une erreur comme
vice du consentement si elle a contribué à cette erreur par sa propre conduite, si elle était en
mesure de l’éviter ou si les circonstances étaient telles qu’elle a été avertie de la possibilité
d’une erreur.
(Rec., 1962, p. 6)

272
Texaco/Gouvernement libyen (Arbitrage du professeur R.-J. Dupuy du 19 janvier 1977)
L’arbitre a jugé qu’au moment de nationaliser la société pétrolière américaine, le gouvernement
libyen était tenu à respecter un engagement contractuel antérieur composant des dispositions
de stabilisation.
(J.D.I., 1977,p.350)

Timor (Officiellement : affaire relative au Timor oriental) (C.I.J., arrêt du 30 juin 1995)
Le Portugal avait assigné, en 1991, l’Australie devant la C.I.J., pour contester l’atteinte aux
droits du peuple de ce territoire, résultant d’un accord conclu entre l’Indonésie et l’Australie,
relatif à l’exploitation du plateau continental au large de Timor oriental. En effet, le Portugal se
considérait comme étant toujours puissance administrative de cet territoire que l’Indonésie avait
pratiquement annexé en 1976 (profitant de la « révolution des œillets » à Lisbonne). La partie
occidentale de Timor avait été quant à elle, formellement du moins, régulièrement incorporée à
l’Indonésie dans le cadre de sa succession à la souveraineté néerlandaise sur ce territoire.
Le Portugal mettait en cause la notion de situation juridique valant erga omnes (notamment,
souveraineté permanente sur les richesses et ressources naturelles, droit du Portugal
d’accomplir les devoirs qui lui incombent en tant que puissance administrative)
La Cour, par un arrêt du 30 juin 1995, s’est déclarée incompétente du fait qu’elle ne pouvait pas
statuer en l’absence de consentement de l’Indonésie. En effet, elle a estimé que l’examen de
l’affaire l’aurait entraînée à déterminer si ce pays avait acquis le pouvoir de conclure, au nom du
Timor oriental, des traités portant sur les ressources de son plateau continental. Ce faisant, elle
aurait dû prendre en compte les circonstances dans lesquelles l’Indonésie était entrée et s’était
maintenue au Timor oriental.
La Cour, comme dans l’affaire de la Barcelona Traction (v. supra p. 256) a, toutefois tenu à
évoquer la notion d’effet erga omnes de certaines règles. Ainsi, elle a soutenu l’affirmation du
Portugal selon laquelle le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit opposable
erga omnes.
(Rec., p. 90)

Tutelle des mineurs ( C.I.J., arr^rt du 28 novembre 1958)


Dans cette affaire, le Pays-Bas étaient opposés à la Suède au sujet de l’application de la
Convention de 1902 relative à la tutelle des mineurs. La Cour constate que la loi suédoise sur la
protection de l’enfance et de la jeunesse de 1924 n’est pas contraire à la Convention précitée.
Implicitement, donc, elle admet que la Convention l’emporterait sur ladite loi.
(Rec., p. 55)
Union douanière autro-allemande (C.P.J.I., avis consultatif du 5 septembre 1931)
Un protocole prévoyant une union douanière entre l’Allemagne et l’Autriche a été considéré
comme compatible avec le traité de paix de Saint-Germain du 10 septembre 1919, mais jugé
incompatible avec le protocole de Genève du 4 octobre 1922, qui interdisait l’octroi de privilèges
à un Etat quelconque. Or, une union douanière accorderait des avantages exclusifs à
l’Allemagne.

273
(Série A/B, n° 41, p. 37)

Université de Peter Pasmany (C.P.J.I., arrêt du 15 décembre 1933)


L’Université hongroise de Peter Pasmany possédait des biens situés dans la partie de l’Empire
austro-hongrois, qui devait constituer, après 1919, la Tchécoslovaquie, la C.P.J.I. a admis que
ces biens, n’appartenant pas à l’Etat hongrois, devaient rester la propriété de l’Université , qui
avait une personnalité juridique distincte de l’Etat hongrois.

(Série A/B, n° 61, p. 208)

Veuves du Lusitania (Commission germano-américaine du 1er novembre 1923)


Le Lusitania, paquebot anglais, fut coulé par un sous-marin allemand en 1915. A bord, se
trouvaient un certain nombre de citoyens américains, qui périrent, laissant à terre leurs veuves.
Certaines d’entre elles, lassées d’attendre une indemnisation de la part du gouvernement
allemand, décidèrent de se remarier et perdirent, de ce fait, leur nationalité américaine. Mais,
leurs réclamations furent admises, dès lors qu’elles étaient encore américaines au moment de
l’entrée en vigueur de l’accord germano-américain prévoyant le règlement du contentieux par
voie d’arbitrage. Cette solution relativement rigoureuse ne serait, sans doute, plus appliquée, il
suffit, désormais, que la nationalité existe encore au moment de la présentation formelle de
réclamation par la voie diplomatique, sauf disposition conventionnelle plus restrictive.

(R.S.A ., vol VII, p. 32)

Wimbledon (C.P.J.I., arrêt du 17 août 1923)


Dans cette affaire, la France, l’Angleterre, l’Italie et le Japon étaient opposés à l’Allemagne, qui
avait édicté une ordonnance de neutralité pour s’opposer au transit, par le canal de Kiel, d’un
navire, le Wimbledon, transportant du matériel de guerre à destination de la Pologne, alors en
guerre contre l’Union soviétique. Or, le traité de paix de Versailles avait internationalisé le canal
de Kiel et la Cour en a donc conclu qu’ « une ordonnance neutralité, acte de unilatéral d’un Etat,
ne saurait prévaloir sur les dispositions du traité de paix ». L’Allemagne devait accorder le droit
de passage à tous les navires de nations en paix avec elle, même cas de contrebande de
guerre.
Incidemment, on relèvera que la Cour évoque, explicitement, diverses méthodes
d’interprétation, qui seront confiées, beaucoup plus tard par la Commission du droit international
(cf. convention de Vienne de 1969). De même, on se réfère, généralement, à cette affaire pour
considérer que la Cour a admis qu’un traité relatif aux communications internationales pouvait
bénéficier à un tiers (Pologne) et être opposable à un tiers (Russie soviétique).
S’agissant de l’évaluation du dommage à réparer, la C.P.J.I n’accorde pas aux affréteurs du
navire de remboursement pour la part du navire dans les frais généraux de la société. Ces
dépenses furent jugées sans rapport avec le refus de passage dans le canal de Kiel.
(Série A. n° 1)

274
Yougoslavie c/ Pays de l’OTAN (officiellement : Yougoslavie c/Belgique, Yougoslavie c/
Canada, Yougoslavie c/ France, Yougoslavie c/Allemagne, Yougoslavie c/Italie, Yougoslavie
c/Pays-Bas, Yougoslavie c/Portugal, Yougoslavie c/Espagne, Yougoslavie c/Royaume-Uni,
Yougoslavie c/Etats-Unis d’Amérique).
Au printemps, 1999, les pays membres de l’OTAN décidèrent d’effectuer des frappes aériennes
contre la Yougoslavie (Force alliée) du fait du comportement des autorités serve au Kosovo,
territoire théoriquement soumis à un régime d’autonomie, mais dans lequel, à l’encontre de
résolutions formelles du Conseil de sécurité, était pratiquée une politique d’épuration ethnique.
La Yougoslavie décida donc d’assigner devant la C.I.J dix des principaux Etats membres de
l’OTAN impliqués dans cette opération en invoquant la violation de diverses obligations
internationales (non-recours à la force, non immixtion dans les affaires intérieures, atteinte à la
souveraineté, protection des populations civiles et des biens de caractère civil en temps de
guerre, liberté de navigation, etc.)
.CIJ, ordonnance du 2 juin 1999 sur une demande en indication de mesures conservatoires.
La Yougoslavie avait pratiquement demandé à la Cour d’ordonner aux Etats en question de
cesser immédiatement de recourir à la force, c’est-à-dire de mettre fin aux bombardements.
La Cour se déclare incompétente à l’égard des actions dirigées contre l’Espagne et les Etats-
Unis et ordonne la radiation de ces affaires de son rôle.
Quant aux huit autres affaires, elle constate qu’elle n’avait pas compétence prima facie ( à
première vue), condition préalable à l’indication de mesures conservatoires et que, par
conséquent, elle ne saurait indiquer de telles mesures. La question de la compétence sera
examinée ultérieurement et la Cour reste saisie de ces affaires.
(Rec., p. 124)
Zones franches (C.P.J.I., arrêt du 7 juin 1932)
Dans cette affaire, la Suisse et la France s’opposaient à propos de la suppression des zones
franches instituées en 1815, en territoire français, au profit de la Suisse. Or, dans le compromis
portant l’affaire devant la C.P.J.I., les deux Etats avaient indiqué que leur consentement serait
nécessaire pour la mise en œuvre de prescriptions éventuelles, ordonnées par la Cour, dans
l’arrêt à intervenir. En quelque sorte, les deux Etats avaient subordonné à leur commun
acquiescement une partie de l’arrêt de la Cour. Celle-ci a considéré qu’il serait incompatible
avec son statut de rendre un arrêt, dont la validité serait subordonnée à l’approbation ultérieure
des parties (ord. du 6 décembre 1930, série A, n° 24).
Sur le fond, en 1815, les grandes puissances avaient décidé, en particulier pour faciliter le
ravitaillement de la ville de Genève, de placer la frontière « douanière » de la Savoie et du pays
de Gex en arrière de la frontière, « politique ». Les traités de 1815, conclus lors du Congrès de
Vienne, prévoyaient, donc, en territoire français, des « zones franches », dans lesquelles les
marchandises étrangères étaient admises en franchise de droits de douane. Ce système étant
critiqué, la France voulut, après la guerre de 1914-1918, faire disparaître ce régime. Elle
prétendait – à tord d’ailleurs – que l’article 435-2 du Traité de Versailles abrogeait ce régime. La
Suisse protesta car , en tout état de cause, elle n’était pas partie au Traité de Versailles.
L’affaire fut donc portée devant la C.P.J.I. La Cour constata que, bien que n’étant pas non plus
partie aux traités de 1815, la Suisse pouvait se prévaloir des dispositions de ces traités relatifs
aux zones franches, les ayant acceptées et qu’elle ne pouvait en être privée sans son
consentement.
(Série A/B, n° 46, p . 96.)

275
Abréviations

A.F.D.I. Annuaire française de droit international


D Dalloz
I.L.M International Legal Materials
J.D.I. Journal du droit international (Clunet)
R.A.I Recueil des arbitrages internationaux
Rec Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnance de la C.I.J.
R.G.D.I.P. Revue générale de droit international public
R.S.A Recueil des sentences arbitrales
Série A Recueil des arrêts de la C.P.J.I (--- 1930)
Série B Recueil des avis consultatifs de la C.P.J.I (--- 1930)
Série A/B Recueil des arrêts et avis consultatifs de la C.P.J.I ( à partir de 1931)

276

Vous aimerez peut-être aussi