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Année universitaire 2019-2020

Licence 1 Droit – Semestre 1

Droit constitutionnel – Travaux dirigés

Équipe pédagogique :
M. J.-J. URVOAS (CM), M. L. MVE ELLA (TD)
Mme S. LE BRETON (TD) M. J.F. LE GOFF

Séance n° 9 – LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL (1) :


son organisation et son rôle le régulateur des pouvoirs publics

Eléments bibliographiques :
- R. Chiroux, « libres propos sur le Conseil constitutionnel – le spectre du gouvernement des juges », Revue
Politique et Parlementaire, 868, mai-juin 1977, p. 15-30.
- F. Delpéré, « Le Conseil constitutionnel – Etat des lieux », Pouvoirs, 2003, 105, p. 5-16.
- C. Emeri, « Gouvernement des juges ou veto des sages ? », Revue du droit public, 1990, 106, p. 335- 358.
- B. Genevois, « L'influence du Conseil constitutionnel », Pouvoirs, 1989, 49, p. 52.
- Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, Dossier : le Conseil constitutionnel et le Parlement,
2013/1, n° 38.
- Revue Française de droit constitutionnel, « Le Conseil constitutionnel 45 ans après », n°57, 2004/1

Objectif de la séance et travail à faire :

1 Identifier les fonctions du Conseil constitutionnel.


2 Rechercher la composition actuelle et le statut des membres du Conseil constitutionnel.
3 Comprendre les modalités de saisine du Conseil constitutionnel.
4 Représenter sous forme de schéma les procédures de saisine a priori et a posteriori du Conseil constitutionnel.
5 Quelles sont les grandes dates du conseil constitutionnel et à quoi sont elles associées ?
6 Après avoir trouvé la classification (par lettres) des décisions du Conseil constitutionnel, analysez les quatre
décisions du document. Sur quoi portent-elles ?

Dissertation :

« La création du Conseil constitutionnel manifeste la volonté de subordonner la loi, c'est-à-dire la volonté du


Parlement, à la règle supérieure édictée par la Constitution. Il n'est ni dans l'esprit du régime parlementaire, ni dans
la tradition française, de donner à la justice, c'est-à-dire à chaque justiciable, le droit d'examiner la valeur de la loi.
(…) La Constitution crée ainsi une arme contre la déviation du régime parlementaire ».
Cet extrait du discours de Michel Debré prononcé le 27 aoüt 1958 devant le Conseil d’Etat vous paraît-il toujours
d’actualité ?

Document 1 : Les missions du Conseil constitutionnel, site de l’Assemblée nationale

1. – Les compétences consultatives

« Le Président de la République doit consulter le Conseil constitutionnel lorsqu’il décide d’exercer les pouvoirs
exceptionnels que lui confère l’article 16 de la Constitution (l’avis du Conseil est publié au Journal officiel). Les
mesures prises dans le cadre de l’article 16 requièrent l’avis préalable du Conseil. Depuis juillet 2008, l’article 16
prévoit que, après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil peut être saisi par le Président de
l’Assemblée nationale ou du Sénat ainsi que par soixante députés ou sénateurs aux fins d’examiner si les
conditions requises par la Constitution pour recourir à ces pouvoirs demeurent réunies ; il procède de plein droit à
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cet examen au bout de soixante jours.Par ailleurs, le Gouvernement consulte le Conseil sur les actes préparatoires
à l’organisation du scrutin pour l’élection présidentielle et le référendum.

2. – Les compétences juridictionnelles

a) Le contentieux électoral et référendaire

Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des consultations électorales.

– Pour l’élection présidentielle, il vérifie notamment l’éligibilité des candidats, contrôle les parrainages, s’assure du
dépôt de la déclaration de situation patrimoniale, établit la liste des candidats, veille à la régularité des opérations
électorales, examine les réclamations (celles-ci peuvent être formulées par tout électeur) ; il proclame les résultats
de l’élection ; il examine également les recours contre les décisions de la Commission nationale des comptes de
campagne et des financements politiques ; enfin, c’est le Conseil constitutionnel qui peut décider de reporter
l’élection en cas de décès ou d’empêchement d’un candidat.

– Pour les élections parlementaires, le Conseil vérifie la régularité des résultats sur requête des électeurs ou des
candidats ; il peut soit valider les résultats, soit annuler l’élection, voire (mais ce cas ne s’est produit qu’une seule
fois) réformer le résultat et proclamer élu un autre candidat. Le Conseil est également saisi de la situation des
candidats dont le compte de campagne a été rejeté par la CNCCFP (ou qui ont omis de déposer un tel compte) ;
il peut confirmer ce rejet, et, le cas échéant, prononcer l’inéligibilité à tout mandat (pour une durée pouvant aller
jusqu’à trois ans) du candidat dont le compte a été rejeté à bon droit. S’il s’agit du candidat élu, cette inéligibilité
entraîne la démission d’office du mandat.

– Pour les consultations référendaires, le Conseil est consulté sur le texte soumis à référendum ainsi que sur les
décrets relatifs à l’organisation du scrutin. Depuis 2000, il s’est déclaré compétent pour vérifier les opérations
préparatoires ; il veille à la régularité des opérations de vote et examine les réclamations portées devant lui. Il en
proclame les résultats.

b) Le contrôle des normes

Le contrôle de constitutionnalité

Domaine de référence du contrôle


Le contrôle de constitutionnalité ne se limite pas à la vérification de la conformité à la seule Constitution au sens
strict. Il s’étend à ce qu’il est convenu d’appeler le « bloc de constitutionnalité ».Outre la loi fondamentale de la
République, le bloc de constitutionnalité comprend notamment le préambule de la Constitution. Celui-ci, en
renvoyant à deux autres textes, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et le préambule de la
Constitution de 1946, confère également valeur constitutionnelle à ces textes ; la loi est donc soumise aux principes
contenus dans la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, aux « principes fondamentaux reconnus par
les lois de la République » et aux « principes particulièrement nécessaires à notre temps » au sens du préambule
de 1946, ainsi qu’à divers principes et objectifs de valeur constitutionnelle définis par la propre jurisprudence du
Conseil. Le bloc de constitutionnalité comprend également la Charte de l’environnement annexée à la Constitution
depuis la révision du 1er mars 2005.

Mise en œuvre du contrôle


Le contrôle de constitutionnalité est systématique pour les lois organiques avant leur promulgation et pour les
règlements des assemblées parlementaires. Celles-ci ne sont donc plus pleinement maîtresses de leur règlement
et ont ainsi perdu un des attributs essentiels des régimes parlementaires antérieurs à la Vème République. Pour
les lois ordinaires, le contrôle est facultatif et s’opère après une saisine du Président de la République, du Président
du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, du Premier ministre ou, depuis la révision constitutionnelle de
1974, de soixante députés ou soixante sénateurs. Le Conseil doit statuer dans un délai d’un mois, qui peut être
ramené à huit jours par le Gouvernement en cas d’urgence.
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Le Conseil constitutionnel peut également opérer, depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 et la loi
organique du 19 mars 1999, un contrôle de constitutionnalité sur les lois du pays adoptées par l’assemblée
délibérante de Nouvelle-Calédonie et qui, aux termes de l’article 77 de la Constitution, ont force de loi. Dans ce
cas, il doit être saisi par le haut-commissaire, le gouvernement, le président du congrès, le président de l’une des
assemblées de province ou dix-huit membres du congrès. Il se prononce dans les trois mois de sa saisine.
Sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution, introduit par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la
loi organique du 10 décembre 2009 a mis en place, à compter du 1er mars 2010, un mécanisme de contrôle de
constitutionnalité a posteriori des dispositions législatives : la question prioritaire de constitutionnalité. Tout
justiciable peut, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, soutenir qu’une disposition législative,
par définition déjà promulguée, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La juridiction vérifie
que les conditions posées par la loi organique sont remplies et transmet la question à la juridiction suprême de son
ordre, laquelle exerce à son tour un filtre et renvoie, le cas échéant, la question au Conseil constitutionnel. Ce
dernier statue alors sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la disposition législative
ainsi contestée, dans un délai de trois mois.

Conséquences des décisions du Conseil constitutionnel : en cas de non-conformité, la disposition est censurée.

Plusieurs situations sont alors possibles :


– l’intégralité de la loi est censurée, ce qui interdit sa promulgation ;
– une partie de la loi est censurée. Si le Conseil constitutionnel précise que la disposition visée est inséparable du
reste du texte, celui-ci ne sera pas promulgué et sera donc soit abandonné, soit fera l’objet d’un nouveau dépôt
intégrant les modifications susceptibles de le rendre conforme à la Constitution. Si, en revanche, la disposition est
séparable, le Président de la République promulguera la loi amputée de la disposition non constitutionnelle ou
demandera une nouvelle délibération, conformément à l’article 10, alinéa 2 de la Constitution. Dans le cadre de la
question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel abroge la disposition déjà promulguée qu’il juge
inconstitutionnelle. Il peut choisir de moduler dans le temps les effets de sa décision. Il détermine également les
conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition abrogée a produits sont susceptibles d’être remis
en cause.

Le Conseil peut aussi assortir de conditions une déclaration de constitutionnalité en émettant des « réserves
d’interprétation ». Celles-ci orienteront l’interprétation de la loi.

Contrôle de la compatibilité des accords internationaux avec la Constitution


Le Conseil constitutionnel peut être saisi aux fins de vérifier si un engagement international ne comporte pas de
clauses contraires à la Constitution. Le droit de saisine est ouvert aux mêmes autorités que celles habilitées à le
saisir en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, y compris soixante députés ou soixante sénateurs depuis
la révision constitutionnelle de 1992. S’il s’avère qu’une clause de ce type existe, la révision de la Constitution doit
alors précéder la ratification de l’accord. »
[…]

Document 2 : Discours de Nicolas Sarkozy, Conseil constitutionnel, 1er mars 2010.

[…]
Le 1er mars 2010 restera en effet comme la date d'un changement profond de notre système juridique. L'entrée
en vigueur de l'article 61-1 de notre Constitution, tel qu'il ressort de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, ouvre
à tout justiciable la possibilité de soulever l'exception d'inconstitutionnalité. Il marque l'aboutissement d'une
évolution commencée avec la Constitution de 1958 pour instaurer dans notre droit une véritable hiérarchie des
normes qu'une longue tradition de souveraineté absolue de la loi avait jusqu'alors rendue impossible.

Cette souveraineté absolue de la loi avait sa logique. Celle d'une République qui s'était longtemps battue pour
imposer la souveraineté de la nation comme source de toute légitimité. Exprimant la volonté générale, le pouvoir
de la loi ne pouvait être ni subordonné, ni limité.

Cette souveraineté absolue de la loi était également porteuse de risques. Celui d'une rupture de l'équilibre entre le
pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Et celui de l'abus de pouvoir, qui est inhérent à tout pouvoir illimité.
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Pour rompre avec le régime d'assemblée qui avait tour à tour généré tant d'excès puis tant d'impuissance, la Ve
République institua le parlementarisme rationalisé qui ne permettait plus au pouvoir législatif d'empiéter sur le
pouvoir exécutif. C'est ainsi que pour la première fois dans notre histoire fut institué un contrôle de constitutionnalité
qui, en obligeant le législateur à respecter la Constitution, plaçait celle-ci au-dessus de la loi elle-même, au sommet
de l'ordre juridique.

Au fur et à mesure des jurisprudences et des réformes constitutionnelles, cette primauté de la Constitution s'est
depuis lors affirmée, installant une véritable hiérarchie des normes dans laquelle d'abord le Préambule de la
Constitution, puis, en vertu même de l'article 55 de la Constitution de 1958, les traités internationaux ont pris leur
place.

Je ne rappellerai pas ici les grandes étapes de cette construction juridique, marquée par les grandes décisions du
Conseil Constitutionnel, du Conseil d'État et de la Cour de cassation qui, depuis 1971, ont accompagné le
changement des mentalités et de la relation au droit dans nos sociétés modernes. Vous les connaissez.

Après l'extension du « bloc de constitutionnalité » aux grands principes qui fondent notre pacte civique et social et
l'élargissement, Monsieur le président Giscard d'Estaing, de la saisine du Conseil constitutionnel à soixante
députés ou soixante sénateurs, il était difficile, je dirais même impossible, de tenir indéfiniment le citoyen à l'écart
du contrôle de constitutionnalité des lois.

On aurait pu naturellement souhaiter en rester au contrôle de constitutionnalité des lois avant leur promulgation,
qui était le principe fixé par la Constitution de 1958 pour préserver la stabilité de l'ordre juridique. Mais après avoir
longuement réfléchi et observé que la loi promulguée était déjà susceptible d'être remise en cause au regard des
traités internationaux, je me suis convaincu que c'était s'exposer de façon certaine, à plus ou moins longue
échéance, au contrôle de la constitutionnalité des lois par le juge ordinaire, même si par respect pour les
prérogatives du Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour de cassation avaient toujours eu jusque-là la
sagesse de maintenir la jurisprudence séculaire par laquelle ils s'interdisaient d'exercer un tel contrôle.

Le choix que le constituant a fait, sur la suggestion du comité Balladur auquel j'adresse à nouveau mes
remerciements les plus vifs pour l'œuvre qu'il a accomplie, est donc assumé : au Conseil constitutionnel et à lui
seul le contrôle de la constitutionnalité des lois, y compris promulguées, sur renvoi des cours suprêmes des deux
ordres juridictionnels ; mais aux juridictions de droit commun et à elles seules le contrôle de leur compatibilité avec
les traités internationaux et les actes de droit dérivé, dans le respect le cas échéant du rôle régulateur des cours
européennes. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs lui-même souligné la force et la cohérence de cette répartition
des tâches dans la décision qu'il a récemment rendue sur la loi organique relative à ce nous appellerons désormais
la « question prioritaire de constitutionnalité ».

La grande majorité des lois aujourd'hui en vigueur sont de mon point de vue à l'abri du soupçon
d'inconstitutionnalité. Parce que la plupart sont récentes, du fait notamment des progrès de la codification ; parce
que le Conseil constitutionnel a pu en être saisi par les parlementaires ; parce qu'en amont le Conseil d'État donne
un avis sur tous les projets de loi du Gouvernement, et désormais – c'était ô combien nécessaire – sur les
propositions de loi qui lui sont soumises par les assemblées ; parce que le juge s'est toujours efforcé d'interpréter
les textes en vigueur à la lumière des règles et principes de valeur constitutionnelle ; parce qu'enfin et surtout le
contrôle de conventionalité, au regard notamment de la Convention européenne des droits de l'homme, a pu
apparaître, dans une certaine mesure, comme un substitut au contrôle de constitutionnalité.

L'entrée en vigueur de l'article 61-1 n'en marque pas moins un progrès important pour la garantie des droits.
Enserré par le législateur organique dans des délais brefs – qui ont fait l'objet de grands débats –, garantissant le
filtrage des contestations dépourvues de sérieux, le traitement de la question prioritaire de constitutionnalité ouvre
un champ absolument considérable aux justiciables. Hier partielle, tributaire des saisines a priori – c'est-à-dire du
jeu po-litique –, la vérification de la constitutionnalité des lois devient potentiellement systématique, à condition
bien sûr qu'un doute sérieux naisse dans le cadre d'un litige en cours. Car il n'était pas question d'ouvrir un recours
direct et autonome contre la loi, dont la censure ne doit pouvoir être provoquée que lorsque son application concrète
révèle une difficulté réelle.
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L'effet abrogatif des déclarations d'inconstitutionnalité sera un moteur puissant pour la mise en œuvre effective de
ce droit nouveau. Et il y a, on le sait, nombre de règles constitutionnelles qui ne font l'objet d'aucune protection
équivalente dans les conventions internationales. Je suis heureux que, précisément en ce temps où l'on débat
d'identité nationale, les « principes inhérents à l'identité constitutionnelle de la France », pour reprendre les termes
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, se voient reconnaître leur pleine effectivité au lieu d'être cantonnés
dans une primauté purement formelle. Ils ne pouvaient pas rester plus longtemps, à l'égard des lois promulguées,
à l'état de droit sans sanction.

J'ajoute, parce que j'y suis très attaché, que la réforme va non seulement permettre une renationalisation de
certains contentieux, mais aussi se révéler comme un instrument incomparable de réappropriation, par les citoyens,
de notre corpus constitutionnel.

[…]
La souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. Tel est le
principe cardinal de notre République et de notre démocratie. Le juge qui statue au nom du peuple français ne peut
juger ni la loi, ni le législateur. Mais le juge a pour mission de faire en sorte que l'État de droit soit une réalité, et le
contrôle de constitutionnalité a pour rôle de veiller à la cohérence de l'ordonnancement juridique du point de vue
tant des principes qui le fondent que des règles qui l'organisent. Il ne peut y avoir d'État de droit si le Parlement
agissant en législateur contredit le Parlement agissant en pouvoir constituant. Il ne peut pas y avoir d'État de droit
si le législateur ne se sent pas lié par les traités dont il a lui-même autorisé la ratification. Quand la loi est invalidée,
il appartient au Parlement de réviser la Constitution ou de changer la loi. Chacun ainsi se trouve placé face à ses
responsabilités – principe essentiel de la démocratie – et face à un impératif de cohérence qui permet aux
justiciables de connaître et de faire valoir leurs droits.

Si le législateur doit respecter la hiérarchie des normes et les principes qui fondent sa propre légitimité, le juge doit
veiller à assurer dans ses jurisprudences la stabilité et la prévisibilité des règles de droit, comme il doit toujours
veiller scrupuleusement à juger en droit et non en opportunité. Le juge constitutionnel doit être d'autant plus
exigeant avec lui-même que jugeant souvent du respect des grands principes, son pouvoir d'appréciation est
immense. On ne dit pas par hasard « les sages du Palais-Royal », car c'est bien de sagesse dont a besoin la
République quand elle se trouve confrontée à la question de savoir si elle est fidèle ou non à ses propres valeurs.
Il y a toujours, inévitablement, un point où le contrôle de constitutionnalité rencontre le jugement philosophique ou
moral. Comment pourrait-il en être autrement quand on juge au regard des droits de l'homme et du citoyen, quand
on invoque le principe de liberté ou celui d'égalité ?

Il y a une spécificité du contrôle de constitutionnalité des lois, parce que la Constitution n'est pas un texte juridique
comme les autres.

C'est dire que le Conseil constitutionnel ne saurait être une juridiction comme une autre. C'est la raison pour
laquelle j'ai souhaité qu'il ne soit pas composé que de techniciens du droit et que les anciens présidents de la
République y conservent leur qualité de membres de droit, parce que l'expérience d'un ancien chef de l'État, qui a
fait fonctionner les institutions, peut apporter beaucoup à la qualité des décisions du Conseil, à leur équilibre, à leur
réalisme. C'est avec le même souci que le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et moi-même
avons choisi les trois nouveaux membres du Conseil constitutionnel qui allient la compétence juridique à une longue
expérience parlementaire. Le Conseil constitutionnel n'est pas une cour comme une autre.

Mais que le Conseil constitutionnel ait intérêt pour l'accomplissement de sa mission à être riche d'expériences
diverses et en particulier de celles de personnalités ayant exercé de hautes responsabilités politiques ne doit pas
conduire à l'ériger en une sorte de contre-pouvoir politique. Autant la séparation des pouvoirs est indispensable à
toute démocratie, autant la notion de contre-pouvoir est étrangère à notre conception de l'État et de la République.
Je le dis parce que cette réforme, je l'ai profondément voulue, notre État de droit y gagnera ; mais elle est difficile,
elle est complexe et elle doit être mesurée à l'aune de l'état d'esprit qui est celui de chacun d'entre nous.
[…]

Document 3 : Quate décisions du Conseil constitutionnel.


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Décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962


Loi relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum du
28 octobre 1962

Incompétence pour statuer

Le Conseil constitutionnel,

Saisi par le Président du Sénat, sur la base de l'article 61 2e alinéa, de la Constitution, du texte de la loi
relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct et adoptée par le Peuple
dans le référendum du 28 octobre 1962, aux fins d'appréciation de la conformité de ce texte à la
Constitution ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

1. Considérant que la compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la Constitution
ainsi que par les dispositions de la loi organique du 7 novembre 1958 sur le Conseil constitutionnel prise
pour l'application du titre VII de celle-ci ; que le Conseil ne saurait donc être appelé à se prononcer sur
d'autres cas que ceux qui sont limitativement prévus par ces textes ;

2. Considérant que, si l'article 61 de la Constitution donne au Conseil constitutionnel mission d'apprécier


la conformité à la Constitution des lois organiques et des lois ordinaires qui, respectivement, doivent ou
peuvent être soumises à son examen, sans préciser si cette compétence s'étend à l'ensemble des textes
de caractère législatif, qu'ils aient été adoptés par le peuple à la suite d'un référendum ou qu'ils aient été
votés par le Parlement, ou si, au contraire, elle est limitée seulement à cette dernière catégorie, il résulte
de l'esprit de la Constitution qui a fait du Conseil constitutionnel un organe régulateur de l'activité des
pouvoirs publics que les lois que la Constitution a entendu viser dans son article 61 sont uniquement les
lois votées par le Parlement et non point celles qui, adoptées par le Peuple à la suite d'un référendum,
constituent l'expression directe de la souveraineté nationale ;

3. Considérant que cette interprétation résulte également des dispositions expresses de la Constitution
et notamment de son article 60 qui détermine le rôle du Conseil constitutionnel en matière du référendum
et de l'article 11 qui ne prévoit aucune formalité entre l'adoption d'un projet de loi par le peuple et sa
promulgation par le Président de la République ;

4. Considérant, enfin, que cette même interprétation est encore expressément confirmée par les
dispositions de l'article 17 de la loi organique susmentionnée du 7 novembre 1958 qui ne fait état que des
"lois adoptées par le Parlement" ainsi que par celles de l'article 23 de ladite loi qui prévoit que "dans le
cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la
Constitution sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de la loi, le Président
de la République peut promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux Chambres
une nouvelle lecture" ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune des dispositions de la Constitution ni de la loi
organique précitée prise en vue de son application ne donne compétence au Conseil constitutionnel pour
se prononcer sur la demande susvisée par laquelle le Président du Sénat lui a déféré aux fins
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d'appréciation de sa conformité à la Constitution le projet de loi adopté par le Peuple français par voie de
référendum le 28 octobre 1962 ;

Décide :
Article premier :
Le Conseil constitutionnel n'a pas compétence pour se prononcer sur la demande susvisée du Président
du Sénat.

Article 2 :La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 7 novembre 1962, page 10778 Recueil, p. 27


ECLI:FR:CC:1962:62.20.DC

Décision n° 2017-171 PDR du 10 mai 2017


Proclamation des résultats de l'élection du Président de la République

Au vu des textes suivants :


• la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ;
• l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
• l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au
suffrage universel ;
• la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des
Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ;
• le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection
du Président de la République au suffrage universel ;
• le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier
1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour
l'élection du Président de la République ;
• le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président
de la République ;
• le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes mentionnés ci-dessus ;
• la déclaration du Conseil constitutionnel du 26 avril 2017 relative aux résultats du premier tour de scrutin
de l'élection du Président de la République ;
• la décision du Conseil constitutionnel du 26 avril 2017 arrêtant la liste des candidats habilités à se
présenter au second tour de l'élection du Président de la République ;

Au vu de la décision du Conseil constitutionnel du 10 mai 2012 proclamant M. François HOLLANDE


Président de la République et de la date à laquelle celui-ci a pris ses fonctions ;
Au vu des pièces suivantes :
• les procès-verbaux établis par les commissions de recensement ainsi que les procès-verbaux des
opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes,
pour l'ensemble des départements, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-
Calédonie, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ;
• les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 7
de la loi organique du 31 janvier 1976 mentionnée ci-dessus ainsi que les réclamations présentées par
des électeurs et mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ;
• les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ;
• les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ;
Après avoir entendu les rapporteurs ;
Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations parvenues directement au Conseil constitutionnel
en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus ;
8

Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote,
opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et
aux annulations énoncées ci-après ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :


- Sur les opérations électorales :
1. Dans la commune de Nice (Alpes-Maritimes), la composition du bureau de vote n° 208, dans lequel
474 suffrages ont été exprimés, ne respectait pas, en l'absence d'assesseur, les conditions prévues par
l'article R. 42 du code électoral. Cette irrégularité s'étant poursuivie en dépit des observations faites par
le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans
ce bureau.

2. Dans le bureau de vote n° 105 de la commune de Toulouse (Haute-Garonne), dans lequel 350
suffrages ont été exprimés, dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Besné (Loire-Atlantique),
dans lequel 789 suffrages ont été exprimés, dans les bureaux de vote nos 3, 4 et 6 de la commune de
Pontchâteau (Loire-Atlantique), dans lesquels ont été respectivement exprimés 609, 822 et 623 suffrages,
et dans les bureaux de vote nos 8 et 9 de la commune des Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), dans
lesquels ont été respectivement exprimés 473 et 558 suffrages, les magistrats délégués du Conseil
constitutionnel ont constaté, lors de leur passage, qu'un seul des membres du bureau de vote était
présent, contrairement aux dispositions de l'article R. 42 du code électoral. Une telle irrégularité étant de
nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis
dans ces bureaux.

3. Dans la commune de Wallon-Cappel (Nord), dans laquelle 518 suffrages ont été exprimés, le magistrat
délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu'aucun des membres constituant
le bureau de vote n'était présent. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à favoriser
la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune.

4. Dans les sept bureaux de vote de la commune de Savenay (Loire-Atlantique), dans lesquels 4 197
suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son
passage, qu'aucun membre du bureau de vote n'était présent. Ces bureaux étaient tenus par des
personnes non désignées à cet effet. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à
favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune.

5. Dans les communes de Canteleux et de Guinecourt (Pas-de-Calais), dans lesquelles respectivement


8 et 12 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, à 15 heures
pour la première commune et à 17 heures pour la seconde, que l'unique bureau de vote était fermé. Le
président de chaque bureau de vote a ainsi contrevenu aux dispositions du paragraphe II bis de l'article
3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus, en vertu desquelles le scrutin ne peut être clos
avant 19 heures. Une telle irrégularité ayant été, en l'espèce, de nature à empêcher des électeurs
d'exercer leur droit de suffrage, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces communes.

6. Dans les quatre bureaux de vote de la commune de Millas (Pyrénées-Orientales), dans lesquels 1 966
suffrages ont été exprimés, dans les communes de Montbel (Ariège), de Vaudreville (Manche), de La
Chapelle-sur-Usson (Puy-de-Dôme) et de Maconcourt (Vosges), dans lesquelles ont été respectivement
exprimés 47, 46, 41 et 51 suffrages, des bulletins blancs étaient déposés sur la table à l'entrée de la salle
de scrutin à côté des bulletins de vote des deux candidats, en méconnaissance des dispositions de
l'article L. 58 du code électoral. La présence de documents autres que les bulletins de vote des candidats
constitue une irrégularité de nature à influencer les électeurs et à porter atteinte à la sincérité du scrutin.
Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces communes.
9

7. Dans le bureau de vote n° 5 de la commune de Mamoudzou (Mayotte), dans lequel 195 suffrages ont
été exprimés, plusieurs enveloppes contenant déjà un bulletin au nom de l'un des candidats ont été mises
à disposition des électeurs. Alerté sur cette situation par un électeur et par le magistrat délégué du Conseil
constitutionnel, le président du bureau de vote, qui a la responsabilité de veiller à la régularité du scrutin,
n'a pas mentionné cette irrégularité au procès-verbal des opérations de vote. Dans ces conditions, il y a
lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau.

8. Dans le bureau de vote n° 11 de la commune de Bastia (Haute-Corse) dans lequel 363 suffrages ont
été exprimés, le président du bureau était en possession des deux clefs de l'urne et a en outre tenté de
dissimuler cette irrégularité au magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a
lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau.

9. Dans le bureau de vote n° 17 de la commune de Bastia (Haute-Corse), dans lequel 454 suffrages ont
été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage en fin
d'après-midi, que l'urne était ouverte de sorte qu'il était possible d'y introduire des bulletins par une autre
ouverture que celle prévue à cette fin. Une telle irrégularité étant de nature à favoriser la fraude, il y a lieu
d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau.

10. Dans la commune d'Évrecy (Calvados), dans laquelle 441 suffrages ont été exprimés, les électeurs
étaient invités à signer la liste d'émargement avant d'introduire leur bulletin dans l'urne, en
méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral. Cette irrégularité,
qui s'est déroulée jusqu'à peu avant la clôture des opérations de vote, a été constatée par le magistrat
délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages
émis dans cette commune.

11. Dans la commune de Vendœuvres (Indre), dans lequel 637 suffrages ont été exprimés, les électeurs
étaient invités à signer la liste d'émargement avant d'introduire leur bulletin dans l'urne, en
méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral. Cette irrégularité
s'est poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel
auxquelles le président du bureau de vote a refusé de donner suite. Dès lors, il y a lieu d'annuler
l'ensemble des suffrages émis dans cette commune.

12. Dans le bureau de vote n° 4 de la commune de Givors (Rhône), dans lequel ont été exprimés 449
suffrages, il a été procédé aux opérations de dépouillement hors la présence des électeurs, qui se sont
vu refuser l'accès au bureau à compter de la clôture du scrutin, en méconnaissance des articles L. 65 et
R. 63 du code électoral. Les électeurs ont ainsi été privés, sans justification, de la possibilité d'exercer
leur droit à surveiller le dépouillement des votes. En raison de cette méconnaissance de dispositions
destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce
bureau.

13. Dans les bureaux de vote nos 1 et 2 de la commune de Sainte-Foy (Vendée), dans lesquels ont été
respectivement exprimés 633 et 545 suffrages, il a été procédé aux opérations de dépouillement en
méconnaissance des dispositions de l'article L. 65 du code électoral, sans double contrôle ni lecture à
haute voix des bulletins dépouillés, ni comptage des bulletins au fur et à mesure du dépouillement. Ces
manquements rendent impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu
d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces bureaux.

14. Les listes d'émargement des bureaux de vote des communes de Fontaines et d'Asquins (Yonne),
dans lesquelles ont été respectivement exprimés 253 et 186 suffrages, n'ont pas été transmises à la
10

préfecture après le dépouillement du scrutin, en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral. Ce


manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu
d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces communes.

15. Dans le bureau de vote n° 2 de la commune d'Appoigny (Yonne), dans lequel 638 suffrages ont été
exprimés, la liste d'émargement du bureau de vote fait apparaître des signatures similaires pour
l'ensemble des votants. Cette irrégularité est de nature à affecter la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu
d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau.

16. La commune de Lagamas (Hérault), dans laquelle 89 suffrages ont été exprimés, a transmis à la
préfecture après le dépouillement du scrutin un procès-verbal des opérations de vote incomplet, sans
dénombrement des enveloppes et bulletins dépourvus d'enveloppe trouvés dans l'urne, des bulletins
blancs et des suffrages exprimés, et n'a pas non plus joint les feuilles de pointage, en méconnaissance
des articles L. 68, R. 67 et R. 68 du code électoral.
Ces manquements rendent impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc
lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune.

- Sur l'ensemble des résultats du scrutin :

17. Les résultats du second tour pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé les
6 et 7 mai 2017, sont les suivants :
Électeurs inscrits : 47 568 693
Votants : 35 467 327
Bulletins blancs : 3 021 499
Suffrages exprimés : 31 381 603
Majorité absolue : 15 690 802

Ont obtenu :
M. Emmanuel Macron : 20 743 128
Mme Marine Le Pen : 10 638 475

Ainsi, M. Emmanuel MACRON a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés requise pour être
proclamé élu.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL PROCLAME

M. Emmanuel MACRON élu Président de la République française.


Il prendra ses fonctions à compter de la cessation de celles de M. François HOLLANDE, laquelle, en
vertu de l'article 6 de la Constitution, aura lieu, au plus tard, le 14 mai 2017 à 24 heures.
Les résultats de l'élection seront publiés au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 8, 9 et 10 mai 2017 où siégeaient : M.
Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel
CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI
et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 10 mai 2017.
JORF n°0110 du 11 mai 2017 texte n° 1
ECLI:FR:CC:2017:2017.171.PDR
11

Décision n° 2018-5622 SEN du 1er juin 2018


SEN, Morbihan
Non lieu à prononcer l'inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 7 mars 2018 par la Commission nationale des
comptes de campagne et des financements politiques (décision du 26 février 2018), dans les conditions
prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation
de M. Jacques LE NAY, candidat aux élections qui se sont déroulées le 24 septembre 2017 dans le
département du Morbihan en vue de la désignation de trois sénateurs. Elle a été enregistrée au secrétariat
général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5622 SEN.

Au vu des textes suivants :


• la Constitution, notamment son article 59 ;
• l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
• le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 et L. 308-1 ;
• le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de
l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :


• les observations présentées pour M. LE NAY, sénateur, par Me Emmanuel Vital-Durand, avocat au
barreau de Paris, enregistrées les 27 mars et 2 mai 2018 ;
• les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :


1. Il résulte de l'articles L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections sénatoriales soumis
au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir
un compte de campagne et le déposer au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier
tour de scrutin à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La
même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à
l'article L. 52-8. L'article L. 52-15 du même code prévoit que la commission saisit le juge de l'élection
notamment lorsqu'elle constate que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit.
Ces articles sont applicables aux élections sénatoriales en vertu de l'article L. 308 du même code.
2. Le compte de campagne de M. LE NAY a été rejeté par la Commission nationale des comptes de
campagne et des financements politiques dans sa décision du 26 février 2017 au motif qu'il n'a pas été
présenté dans le délai légal.
3. Cette circonstance est établie. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes
de campagne et des financements politiques a considéré que le compte de campagne de M. LE NAY
n'avait pas été présenté dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral.
4. En vertu du deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la
Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible
le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article
L. 52-12 du même code. Pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté de déclarer un
candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue,
du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du
compte et du montant des sommes en cause.
5. Il résulte de l'instruction que M. LE NAY a pris les dispositions nécessaires pour que son compte soit
présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés et chargé ce
dernier de déposer en son nom le compte auprès de la Commission nationale des comptes de campagne
et des financements politiques. Il résulte également des pièces du dossier que l'envoi tardif du compte le
4 décembre 2017, soit un jour ouvré après l'expiration du délai légal le 1er décembre 2017 à 18 heures,
12

résulte d'une carence imputable à l'expert-comptable, qui disposait le 28 novembre 2017 de l'ensemble
des pièces nécessaires pour établir le compte de campagne et le déposer à la Commission nationale des
comptes de campagne et des financements politiques. Il résulte de l'instruction que cet envoi tardif ne
procède ni d'une fraude ni d'une volonté de dissimulation, n'a privé ni la Commission ni le Conseil
constitutionnel des informations et des justificatifs nécessaires au contrôle de la licéité des dépenses et
des recettes de la campagne électorale et ne s'est accompagné d'aucun autre manquement.
6. Il n'y a donc pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de prononcer l'inéligibilité de M.
LE NAY.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Il n'y a pas lieu de déclarer M. LE NAY inéligible en application des dispositions de l'article
L.O. 136-1 du code électoral.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les
conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mai 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS,
Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel
JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 1er juin 2018.
JORF n°0126 du 3 juin 2018, texte n° 60
ECLI:FR:CC:2018:2018.5622.SEN

Décision n° 2019-1 RIP du 9 mai 2019


Proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 10 avril 2019, par le président de l'Assemblée


nationale, sous le n° 2019-1 RIP, conformément au quatrième alinéa de l'article 11 et au premier alinéa
de l'article 61 de la Constitution, de la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public
national de l'exploitation des aérodromes de Paris.

Au vu des textes suivants :


• la Constitution, notamment ses articles 11 et 40 ;
• l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,
notamment son article 45-2 ;
• la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution,
ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 ;
Au vu des pièces suivantes :
• les observations du Gouvernement, enregistrées les 23 avril 2019 ;
• les observations de M. Sébastien Nadot, député, enregistrées le même jour ;
• les observations en réponse de Mme Valérie Rabault et plusieurs autres députés, enregistrées
le 29 avril 2019 ;
• les observations en réponse de M. Gilles Carrez, député, enregistrées le même jour ;
• les observations en réponse de M. Patrick Kanner, sénateur, enregistrées le même jour ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :


13

1. La proposition de loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été déposée sur le bureau de
l'Assemblée nationale, en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution.
2. Aux termes des premier, troisième, quatrième et sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution : « Le
Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur
proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum
tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique
économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou
tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences
sur le fonctionnement des institutions. »« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa
peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des
électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne
peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an ».
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect
des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique. »
« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de
référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans
suivant la date du scrutin ».
3. Aux termes de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus : « Le Conseil
constitutionnel vérifie, dans le délai d'un mois à compter de la transmission de la proposition de loi :« 1°
Que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, ce
cinquième étant calculé sur le nombre des sièges effectivement pourvus à la date d'enregistrement de la
saisine par le Conseil constitutionnel, arrondi au chiffre immédiatement supérieur en cas de fraction ;
« 2° Que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l'article 11 de la
Constitution, les délais qui y sont mentionnés étant calculés à la date d'enregistrement de la saisine par
le Conseil constitutionnel ;
« 3° Et qu'aucune disposition de la proposition de loi n'est contraire à la Constitution ».
4. En premier lieu, la proposition de loi a été présentée par au moins un cinquième des membres du
Parlement à la date d'enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel.
5. En deuxième lieu, elle a pour objet de prévoir que « l'aménagement, l'exploitation et le développement
des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et de Paris-Le Bourget revêtent le caractère d'un
service public national au sens du neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
».
6. Il en résulte que cette proposition de loi porte sur la politique économique de la nation et les services
publics qui y concourent. Elle relève donc bien d'un des objets mentionnés au premier alinéa de l'article
11 de la Constitution.
7. Par ailleurs, à la date d'enregistrement de la saisine, elle n'avait pas pour objet l'abrogation d'une
disposition législative promulguée depuis moins d'un an. Et aucune proposition de loi portant sur le même
sujet n'avait été soumise au référendum depuis deux ans.
8. En dernier lieu, aux termes du neuvième alinéa du Préambule de 1946 : « Tout bien, toute entreprise,
dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit
devenir la propriété de la collectivité ». Si la nécessité de certains services publics nationaux découle de
principes ou de règles de valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui doivent être
érigées en service public national est laissée à l'appréciation du législateur ou de l'autorité réglementaire
selon les cas.
9. L'aménagement, l'exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-
Orly et Paris-Le Bourget ne constituent pas un service public national dont la nécessité découlerait de
principes ou de règles de valeur constitutionnelle. La proposition de loi, qui a pour objet d'ériger ces
activités en service public national, ne comporte pas par elle-même d'erreur manifeste d'appréciation au
regard du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
14

10. Il résulte de tout ce qui précède que la proposition de loi est conforme aux conditions fixées par l'article
11 de la Constitution et par l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 tels qu'ils sont rédigés.
11. Dès lors, l'ouverture de la période de recueil des soutiens des électeurs à la proposition de loi doit
intervenir dans le mois suivant la publication au Journal officiel de la République française de la présente
décision. Le nombre de soutiens d'électeurs inscrits sur les listes électorales à recueillir est de 4 717 396.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - La proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation
des aérodromes de Paris est conforme aux conditions fixées par l'article 11 de la Constitution et par
l'article 45-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel.

Article 2. - L'ouverture de la période de recueil des soutiens des électeurs à la proposition de loi visant à
affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris doit intervenir
dans le mois suivant la publication au Journal officiel de la présente décision.

Article 3. - Jusqu'à l'intervention de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel constatera si la


proposition de loi a recueilli le soutien d'au moins 4 717 396 électeurs inscrits sur les listes électorales,
l'examen de la proposition de loi par le Parlement est suspendu.

Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 mai 2019, où siégeaient : M. Laurent FABIUS,
Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne
LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
Rendu public le 9 mai 2019.
JORF n°0112 du 15 mai 2019, texte n° 65
ECLI:FR:CC:2019:2019.1.RIP
15

Séance n° 10 – LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL (2), le gardien des droits et libertés des


citoyens

Eléments bibliographiques :
- Pouvoirs, La question prioritaire de constitutionnalité, 2011/2, n° 137.
- R. Badinter, « L’exception d’inconstitutionnalité », in Mélanges en l’honneur du Président Bruno Genevois,
Dalloz, 2008, p. 39-49.
- G. Drago, « Le Conseil à la croisée des chemins », in 1958-2008: cinquantième anniversaire de la
Constitution française, B. Mathieu (Dir), Dalloz, p. 315-328.
- X. Magnon, A. Botton, B. de Lamy, « La QPC, révélateur des limites du droit constitutionnel ? », Dalloz, 13
septembre 2012, p. 2030-2033.
- P. Wachsmann, « L’oracle des libertés ne parle qu’une seule fois », Dalloz, 4 juin 2012, p. 1047-1053.

Objectif de la séance et travail à faire :

1 Qu’appelle-t-on bloc de constitutionnalité et de quelles normes est-il composé ?


2 Analysez les décisions n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 et n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, IVG. Sur quoi portent-
elles et en quoi ces deux décisions sont–elles particulièrement importantes ?
3 Dans la décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (document n°3), quelle est la nouveauté apportée quant
à l’application des décisioins du Conseil constitutionnel ?
4 Après en avoir trouvé la définition, recherchez si les lois organiques ont une valeur consitutionnelle et justifiez
votre position.
5 Comparez l’évoluttion du nombre de saisines du conseil constitutionnel selon que l’on utilise les articles 61 ou
61-1 de la constitution. Les limites du pouvoir d’interprétation du juge constitutionnel.
6 Qu’appelle-t-on Gouvernement des juges ?

Dissertation :
Commentaire de la phrase de Dominique Rousseau « A l'Etat légal fondé sur la souveraineté de la loi a succédé
l'Etat de droit fondé sur la souveraineté de la Constitution ».

Exposé :
L’évolution du conseil constitutionnel français peut-il déboucher sur un gouvernmenet des juges ?

Document 1 : Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971

Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 1er juillet 1971 par le Président du Sénat, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution,
du texte de la loi, délibérée par l'Assemblée nationale et le Sénat et adoptée par l'Assemblé nationale, complétant
les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

Vu la Constitution et notamment son préambule ;


Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II
du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, modifiée ;
Vu la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées ;

1. Considérant que la loi déférée à l'examen du Conseil constitutionnel a été soumise au vote des deux assemblées,
dans le respect d'une des procédures prévues par la Constitution, au cours de la session du
Parlement ouverte le 2 avril 1971 ;
2. Considérant qu'au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement
réaffirmés par le préambule de la Constitution il y a lieu de ranger le principe de la liberté d'association ; que ce
principe est à la base des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; qu'en
16

vertu de ce principe les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule
réserve du dépôt d'une déclaration préalable ; qu'ainsi, à l'exception des mesures susceptibles d'être prises à
l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alors même qu'elles paraîtraient
entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de
l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire ;
3. Considérant que, si rien n'est changé en ce qui concerne la constitution même des associations non déclarées,
les dispositions de l'article 3 de la loi dont le texte est, avant sa promulgation, soumis au Conseil constitutionnel
pour examen de sa conformité à la Constitution, ont pour objet d'instituer une procédure d'après laquelle
l'acquisition de la capacité juridique des associations déclarées pourra être subordonnée à un contrôle préalable
par l'autorité judiciaire de leur conformité à la loi ;
4. Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 3 de
la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel complétant l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901, ainsi, par voie
de conséquence, que la disposition de la dernière phrase de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi soumise au Conseil
constitutionnel leur faisant référence ;
5. Considérant qu'il ne résulte ni du texte dont il s'agit, tel qu'il a été rédigé et adopté, ni des débats auxquels la
discussion du projet de loi a donné lieu devant le Parlement, que les dispositions précitées soient inséparables de
l'ensemble du texte de la loi soumise au Conseil ;
6. Considérant, enfin, que les autres dispositions de ce texte ne sont contraires à aucune disposition de la
Constitution ;

Décide :
Article premier : Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 3 de la loi soumise à
l'examen du Conseil constitutionnel complétant les dispositions de l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901 ainsi que
les dispositions de l'article 1er de la loi soumise au Conseil leur faisant référence.
Article 2 : Les autres dispositions dudit texte de loi sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Document 2 : Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, IVG (extraits)

1. Considérant que l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général
d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se
prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ;
2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 55 de la Constitution : ‘‘Les traités ou accords
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve,
pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.’’ ;
3. Considérant que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les conditions qu’elles définissent, une autorité
supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n’impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans
le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution prévu à l’article 61 de celle-ci ;
4. Considérant, en effet, que les décisions prises en application de l’article 61 de la Constitution revêtent un
caractère absolu et définitif, ainsi qu’il résulte de l’article 62 qui fait obstacle à la promulgation et à la mise en
application de toute disposition déclarée inconstitutionnelle ; qu’au contraire, la supériorité des traités sur les lois,
dont le principe est posé à l’article 55 précité, présente un caractère à la fois relatif et contingent, tenant, d’une
part, à ce qu’elle est limitée au champ d’application du traité et, d’autre part, à ce qu’elle est subordonnée à une
condition de réciprocité dont la réalisation peut varier selon le comportement du ou des États signataires du traité
et le moment où doit s’apprécier le respect de cette condition ;
5. Considérant qu’une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution ;
6. Considérant qu’ainsi le contrôle du respect du principe énoncé à l’article 55 de la Constitution ne saurait s’exercer
dans le cadre de l’examen prévu à l’article 61, en raison de la différence de nature de ces deux contrôles ;
7. Considérant que, dans ces conditions, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi en
application de l’article 61 de la Constitution, d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un
accord international ;
8. Considérant, en second lieu, que la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse respecte la liberté des
personnes appelées à recourir ou à participer à une interruption de grossesse, qu'il s'agisse d'une situation de
détresse ou d'un motif thérapeutique ; que, dès lors, elle ne porte pas atteinte au principe de liberté posé à l'article
2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
17

9. Considérant que la loi déférée au Conseil constitutionnel n'admet qu'il soit porté atteinte au principe du respect
de tout être humain dès le commencement de la vie, rappelé dans son article 1er, qu'en cas de nécessité et selon
les conditions et limitations qu'elle définit ;
10. Considérant qu'aucune des dérogations prévues par cette loi n'est, en l'état, contraire à l'un des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République ni ne méconnaît le principe énoncé dans le préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel la nation garantit à l'enfant la protection de la santé, non plus
qu'aucune des autres dispositions ayant valeur constitutionnelle édictées par le même texte ;
11. Considérant, en conséquence, que la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse ne contredit pas les
textes auxquels la Constitution du 4 octobre 1958 fait référence dans son préambule non plus qu'aucun des articles
de la Constitution ;

Décide :
Article premier :
Les dispositions de la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, déférée au Conseil constitutionnel, ne
sont pas contraires à la Constitution.
Article 2 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Journal officiel du 16 janvier 1975, page 671
Recueil, p. 19
ECLI:FR:CC:1975:74.54.DC

Document 3 : Communiqué de presse du Conseil Constitutionnel à propos de la décision n° 2010-14/22 QPC du


30 juillet 2010

Le Conseil constitutionnel a été saisi les 1er et 11 juin 2010 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées par M. Daniel W et
35 autres requérants. Ces questions portent sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des
articles 62, 63, 63-1, 63-4, 77 et 706-73 du code de procédure pénale (CPP) relatifs au régime de garde à vue.

I - Sur le régime de la garde à vue en matière de criminalité et de délinquance organisées, de terrorisme et de trafic
de stupéfiants... : articles 63-4, alinéa 7, et article 706-73 du CPP.

Les articles 63-4, alinéa 7, et 706-73 du CPP, issus de la loi du 9 mars 2004, mettent en place un régime particulier
de garde à vue pour la criminalité et la délinquance organisées. La durée totale de la garde à vue peut notamment
être portée jusqu'à 96 heures. Le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il avait jugé ces dispositions conformes à la
Constitution à l'occasion de l'examen de la loi du 9 mars 2004 par la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004. En
l'absence de changement des circonstances depuis cette décision, et en application de l'article 23-2 de
l'ordonnance organique du 7 novembre 1958, il ne peut donc être posé de QPC sur ces dispositions « déjà
déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil ». Dans sa décision
n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil a donc jugé qu'il n'y avait pas lieu pour lui de procéder à un nouvel
examen de ces dispositions.

II - Sur le régime de droit commun de la garde à vue : articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du CPP.

Dans sa décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution
les modifications apportées aux articles 63, 63-1, 63-4 et 77 du CPP alors soumises à son examen.

Toutefois, depuis lors, une évolution des règles et des pratiques a contribué à un recours accru à la garde à vue,
y compris pour des infractions mineures. La proportion des procédures soumises à une instruction préparatoire
représente désormais moins de 3% des dossiers. Dans le cadre du traitement dit « en temps réel » des procédures
pénales, une personne est aujourd'hui le plus souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuve rassemblés
avant l'expiration de sa garde à vue. Celle-ci est devenue la phase principale de constitution du dossier de la
procédure en vue du jugement de la personne mise en cause.
18

Enfin, le nombre des officiers de police judiciaire est passé de 25 000 à 53 000. Ces modifications des circonstances
de droit et de fait ont contribué à ce que plus de 790 000 gardes à vue aient été décidées en 2009. Elles justifient
que le Conseil constitutionnel procède à un réexamen de la constitutionnalité des articles 62, 63, 63-1, 64-4, alinéas
1er à 6, et 77 du CPP.

La garde à vue demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire. Toutefois
les évolutions depuis 1993 doivent être accompagnées des garanties appropriées encadrant le recours à la garde
à vue et assurant la protection des droits de la défense. Or toute personne suspectée d'avoir commis une infraction
peut être placée en garde à vue par un officier de police judiciaire pendant 24 heures renouvelables, quelle que
soit la gravité des faits. L'intéressé ne bénéficie pas de l'assistance effective d'un avocat.

Il en va ainsi sans considération des circonstances susceptibles de justifier cette restriction pour conserver les
preuves ou assurer la protection des personnes alors que, au demeurant, l'intéressé ne reçoit pas même la
notification de son droit de garder le silence.

Le Conseil constitutionnel a jugé que, compte tenu des évolutions survenues depuis près de vingt ans, les
dispositions attaquées n'instituent pas les garanties appropriées à l'utilisation qui est faite de la garde à vue. La
conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infraction et,
d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée.

Le Conseil a donc jugé que les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure pénale sont
contraires à la Constitution. L'abrogation immédiate de ces dispositions aurait méconnu les objectifs de prévention
des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infraction et aurait entrainé des conséquences
manifestement excessives.

Par ailleurs le Conseil ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement.
Comme pour la décristallisation des pensions (n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010), il a donc reporté dans le temps
les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité au 1er juillet 2011 avec, comme conséquence, que les mesures
prises avant cette date ne pourront être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. Ce délai, durant
lequel les règles en vigueur continuent à s'appliquer, doit permettre au Parlement de choisir les modifications de la
procédure pénale de nature à remédier à l'inconstitutionnalité constatée.

Document 4. Le Conseil constitutionnel, gardien des prérogatives de l’État ou des libertés ? D. Rousseau, P.-Y.
Gahdoun, J. Bonnet, Chronique de jurisprudence constitutionnelle (2015), Revue du droit public - 01/01/2016 - n°
1 - page 305

Libertés des anciens vs libertés des modernes, si le Conseil constitutionnel est le gardien des libertés, lesquelles
protège-t-il le mieux ? Celles de l’État d’agir sans contraintes excessives ou celles des individus contre les
intrusions excessives de l’État dans leur vie ? Même si le commentaire est un travail de modestie, écrivait Pierre
Hadot, il est aussi « un exercice de la raison » qui oblige à considérer qu’en 2015 le Conseil a davantage eu le
souci de l’État que celui des libertés.

Jusqu’à la décision du 22 décembre 2015, celle du 23 juillet 2015 relative à la loi sur le renseignement était la plus
emblématique de cette évolution préoccupante de la jurisprudence constitutionnelle.

Considérant que les services de renseignement échappaient largement au contrôle du Parlement et que leurs
activités étaient principalement déterminées et conduites sous l’autorité et les décisions de l’Exécutif, le législateur
vote, le 24 juin 2015, une loi définissant le cadre et le régime juridiques des techniques et actions de renseignement.
Si l’intention est, évidemment, louable, la loi ne fait que donner une base légale aux pratiques existantes et l’étendre
aux techniques nouvelles de renseignement, préciser leur régime d’autorisation en soumettant la décision du
premier ministre à l’avis d’une nouvelle autorité administrative « indépendante » et attribuer compétence au Conseil
d’État pour juger des requêtes contestant la mise en oeuvre des techniques de renseignement.
19

Par définition, une telle loi, fondée sur l’objectif de préserver et garantir l’ordre public, touche nécessairement des
principes constitutionnels aussi importants que le respect de la vie privée, la liberté individuelle, la liberté de
communication, la séparation des pouvoirs, le droit à un recours juridictionnel effectif… Or, s’il reconnaît la
matérialité des atteintes à ces principes, le Conseil ne les juge jamais excessives au regard de l’objectif poursuivi.
Par exemple, il considère que « les interceptions administratives de correspondances électroniques de personnes
appartenant à l’entourage d’une personne concernée par une autorisation d’interception » ne portent pas une
atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances ; même jugement
pour « l’utilisation d’un appareil ou d’un dispositif permettant d’intercepter, sans le consentement de leur auteur,
des paroles ou des correspondances émises, transmises ou reçues par voie électronique ou d’accéder à des
données informatiques » ; pour « la transmission en temps réel de données techniques permettant la
géolocalisation », « la sonorisation de certains lieux et véhicules et la captation d’images et de données
informatiques », « la durée de conservation de six mois pour les données informatiques et images interceptées, de
quatre ans pour les données de connexion et de six ans pour les données chiffrées ».

Chaque fois, le Conseil juge qu’en amont l’avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement (CNCTR) préalable à la délivrance par le premier ministre de l’autorisation de recourir à telle ou
telle technique de renseignement et en aval la possibilité de contester la mise en oeuvre de ces techniques devant
le Conseil d’État offrent les garanties propres à assurer que les autorisations données ne porteront aux principes
constitutionnels que des atteintes proportionnées à l’objectif poursuivi par la loi. Simple, logique et attendu.

Et pourtant, dans cette justification se lit la protection des prérogatives de l’État par le Conseil constitutionnel.

Il est nul besoin d’avoir l’oeil d’un persan pour observer que juger qu’une autorisation administrative ne risque pas
de porter atteinte aux libertés individuelles parce qu’elle est délivrée après avis consultatif d’une autorité
administrative présidée par un conseiller d’État et peut être contrôlée par un juge administratif est adhéré à une
éthique de jugement plus favorable à la liberté de l’État qu’à celle des individus.

Sans s’arrêter sur les modalités de ces interventions administratives – pas d’avocats ou de professeurs de droit
dans la CNCTR, un avis seulement consultatif, régime du recours contentieux… – la validation par le Conseil de
l’exclusion de principe du juge judiciaire du nouveau cadre légal du renseignement marque son souci de protéger
l’entre-soi étatique.

Car l’autorité gardienne de la liberté individuelle est, selon l’article 66 de la constitution, le juge judiciaire ; et que
les mesures de renseignement relèvent de la police administrative n’altère en rien cette donnée constitutionnelle ;
elles la renforcent au contraire dans la mesure où plus la liberté individuelle est menacée – et elle l’est évidemment
par les activités de renseignement – plus le juge judiciaire doit être compétent. D’autant qu’en matière de
renseignement la distinction entre police administrative chargée de la prévention des infractions et police judiciaire
chargée de la recherche et de la répression de leurs auteurs est, de l’avis même des professionnels,
particulièrement illusoire.

En validant le « tout administratif » le Conseil a marqué sa préférence. Et en connaissance de cause puisque


nombreux ont été ceux qui lui ont fait savoir leur préoccupation devant une loi qui octroie, selon les mots prononcés
par le Comité des droits de l’homme des Nations unies quelques jours avant la décision du Conseil, des « pouvoirs
excessivement larges de surveillance très intrusive aux services de renseignement sur la base d’objectifs vastes
et peu définis, sans autorisation d’un juge et sans mécanisme de contrôle adéquat et indépendant ».

Cette tendance jurisprudentielle défavorable aux libertés se manifeste aussi dans la décision du 24 juillet 2015 et
celle encore du 23 juillet 2015 où le Conseil valide des dispositifs qui portent atteinte à l’exercice des métiers
d’avocat et de journaliste, deux professions garantes de ces libertés.

Dans la première, s’opposant à la demande des requérants, le Conseil juge « qu’aucune disposition
constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et
un droit au secret des sources des journalistes ». Si, en effet, aucun article de la constitution n’énonce
expressément ces deux droits, en revanche il n’aurait pas été difficile pour le Conseil de juger, comme il le fait
régulièrement, qu’ils découlent nécessairement et logiquement de droits inscrits dans la constitution.
20

Ainsi, le droit au secret professionnel des avocats découle nécessairement des droits de la défense consacrés par
l’article 16 de la Déclaration de 1789 dans la mesure où ces derniers ne peuvent s’exercer que si une relation de
confiance peut s’établir entre l’avocat et son client, relation de confiance qui se construit par l’assurance pour le
client que les correspondances avec son avocat sont couvertes par le secret. Ce que le Conseil reconnaît
implicitement dans sa décision du 20 novembre 2003 où il juge que, « sauf en cas de force majeure », un étranger
en rétention doit « pouvoir accéder à un espace lui permettant de s’entretenir de façon confidentielle avec son
avocat ». Le Conseil aurait pu aussi faire « découler » le secret professionnel de l’avocat du droit au respect de la
vie privée puisqu’il a déjà fait ce lien dans sa décision du 3 mars 2007 en jugeant que délier, dans certaines
hypothèses, les travailleurs sociaux du secret professionnel ne portait pas une atteinte excessive au droit au
respect de la vie privée ou encore dans la décision du 12 août 2004 où il juge que le droit au respect de la vie
privée « requiert que soit observée une particulière vigilance dans la collecte et le traitement de données à
caractère personnel de nature médicale ».

Quant au secret des sources des journalistes, le Conseil pouvait tout aussi aisément le faire découler de la liberté
de la presse dont il est une composante nécessaire puisqu’il en est une des conditions de son exercice ou, comme
le dit la cour de Strasbourg dans son arrêt Goodwin, « l’une des pierres angulaires ». Ce que la rapporteure d’un
projet de loi sur ce sujet avait résumé par la formule suivante : « sans protection du secret des sources des
journalistes, pas de sources ; sans sources, pas d’information libre ; sans information libre, pas de démocratie ».

Document 5 : D. Lochak, « Le Conseil constitutionnel, protecteur des libertés ? », Pouvoirs, 13, 1986, p. 41.
(Extraits)

Une vigilance à éclipses. A contester le bien-fondé de certaines décisions du Conseil constitutionnel, on s'expose
au grief de prétendre substituer sa propre subjectivité à celle du juge. Il reste que si on s'attache au véritable enjeu
de plusieurs textes qui lui ont été soumis, on montre aisément qu'il n'a pas toujours su ou voulu déjouer les pièges
qu'ils recelaient. Un texte apparemment inoffensif peut être dangereux par l'application qui en est faite : telle est la
constatation réaliste et de bon sens qui a inspiré au Conseil constitutionnel deux de ses décisions importantes,
relatives à la liberté d'association et à la fouille des véhicules. Ce qui l'a déterminé, ce sont les risques d'arbitraire
et d'abus que comportaient des textes de circonstance votés à la demande du Gouvernement et qui s'inscrivaient
ouvertement dans une stratégie d'ensemble visant, sous couvert de lutter contre la subversion ou contre la
criminalité, à accroître de façon permanente le pouvoir des autorités de police. Or cette lucidité semble avoir fait
défaut au Conseil constitutionnel dans d'autres affaires, notamment dans l'affaire du service fait : en refusant de
censurer un texte lui aussi de circonstance, dont le but évident, sinon avoué, était de doter le Gouvernement d'une
arme efficace et expéditive la retenue sur traitement pour lutter contre des formes d'action nouvelles dans la
fonction publique, il a entériné un détournement de procédure lourd de conséquences puisqu'il laisse le champ
libre à l'arbitraire des chefs de service en privant les fonctionnaires de moyens de défense utiles.

Attentif aux atteintes portées aux libertés, le Conseil constitutionnel n'eût-il pas dû, de même, profiter de l'occasion
qui lui était offerte lors de l'examen de la loi sur la grève à la radio et à la télévision pour donner un coup d'arrêt à
la dégradation continue d'une liberté de plus en plus malmenée dans le secteur public, en dépit de son indiscutable
valeur constitutionnelle ? Or, s'il a éliminé certaines virtualités dangereuses du texte qui lui était soumis en déclarant
inconstitutionnelle une formule qui eût conduit à imposer sur les trois chaînes, même en cas de grève, un service
normal, il a admis l'idée que la diffusion, elle, devait dans tous les cas être assurée : ce qui, d'une part, prive les
intéressés d'un droit de grève utile et, d'autre part, aboutit à gonfler encore, sans nécessité apparente, la catégorie
des services « dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ». Le fonctionnement continu du
service de la radio et de la télévision correspond-il à un impératif si évident et si absolu qu'il justifie cette nouvelle
atteinte à un droit constitutionnellement consacré ?

Ces jugements à la Salomon que le Conseil constitutionnel affectionne pour des raisons aisément
compréhensibles, puisqu'ils lui permettent de se poser en défenseur des libertés sans paraître s'opposer
systématiquement au Gouvernement et à la majorité du Parlement, ne sont pas pour autant à l'abri de la critique :
car l'invalidation des dispositions les plus choquantes de certains textes peut servir de paravent au maintien
d'autres dispositions dont les dangers, pour être moins évidents, n'en sont pas moins réels. On évoquait l'hypothèse
de la grève à la télévision ; la remarque vaut plus encore au regard de la récente loi dite « Barre-Bonnet »,
21

officiellement destinée à prévenir l'immigration clandestine : le Conseil constitutionnel a censuré l'atteinte grossière
à la liberté individuelle résultant de la possibilité de maintenir en détention les étrangers sous le coup d'une mesure
d'expulsion, mais a laissé subsister d'autres dispositions inquiétantes par les pratiques qu'elles légitiment et les
principes qu'elles enfreignent.

Finalement, ce texte, dont l'effet est de rendre plus précaire encore la situation des étrangers en aggravant le
contenu d'un statut déjà bien peu conforme aux exigences élémentaires d'un Etat de droit, ressort presque indemne
de son examen par le Conseil constitutionnel. Comment ne pas en éprouver quelque malaise ?

Document 6 : Discours de J-L. Debré, Colloque Assemblée nationale, 5 avril 2013 (extraits)

[…]
I – En premier lieu je voudrais insister avec vous sur les considérables progrès qu'a permis la QPC dans la
protection des droits et libertés.

Il faut dire ici avec force que cette réforme a permis une vague de progrès de l'État de droit sans précédent dans
notre pays depuis des dizaines d'années. Ce mouvement a concerné toutes les branches du droit et de très
nombreuses dispositions, générales ou ponctuelles. Ainsi, en trois ans, le Conseil a rendu 102 décisions de non-
conformité totale ou partielle ou de censure parmi ses 255 décisions QPC. Ce sont donc 102 dispositions
législatives qui ont cessé de produire leurs effets contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Parmi ces 102 décisions, je ne veux prendre avec vous que deux types d'illustration.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel a eu à connaître des deux principaux régimes juridiques de privation de
liberté, celui de la garde à vue et celui de l'hospitalisation sans consentement. Ces deux régimes concernent
respectivement des centaines de milliers et des dizaines de milliers de personnes chaque année. Le Conseil
constitutionnel a censuré ces deux régimes de privation de liberté par ses décisions du 30 juillet 2010 et 26
novembre 2010. Il ne s'est bien sûr pas substitué au législateur pour définir le nouveau régime, j'y reviendrai, mais
a imposé que le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, soit replacé au cœur de ces dispositifs et que
l'avocat y trouve également sa place.

En second lieu, je voudrais prendre comme illustration, non plus ces deux régimes de privation de liberté, mais les
très nombreuses autres QPC de droit pénal ou de procédure pénale. En effet le Conseil constitutionnel a eu à
connaître, en trois ans, d'une quarantaine de QPC dans ces matières. Il a prononcé plus d'une vingtaine de
censures et de réserves.

Pour vous faire percevoir la variété des progrès réalisés, je veux citer certaines des censures opérées qui ont porté
sur : le pourvoi en cassation de la partie civile ; l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires de garde à vue et
des confrontations des personnes mises en cause en matière criminelle ; la désignation de l'avocat dans le cadre
d'une garde à vue en matière de terrorisme ; la définition des crimes et délits incestueux ; la rétention douanière...
Parmi les dispositions dont le Conseil a assuré la conformité aux droits et libertés grâce à des réserves, je voudrais
citer : le recueil des déclarations des prévenus à l'occasion de la notification de la mise en œuvre de l'action
publique ; la communication de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du ministère public lors d'une
demande au JLD de mise en liberté ; l'exécution du mandat d'amener et du mandat d'arrêt ; la procédure relative
au « petit dépôt ».

Toutes ces décisions d'annulation ou de réserve ont visé à faire respecter les principes constitutionnels qui
encadrent le droit pénal et la procédure pénale : la légalité des délits et des peines ; la compétence de l'autorité
judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ; les droits de la défense ; la procédure juste et équitable ;
l'indépendance et l'impartialité des juridictions ; le principe du contradictoire ; la nécessité et l'individualisation des
peines ; le droit à un recours juridictionnel effectif.

Cette quarantaine de décisions de QPC en matière pénale et de procédure pénale marque un formidable progrès
des droits et libertés dans notre pays. Elle souligne la force de la protection constitutionnelle de ces droits qui
conduit à la disparition erga omnes de la norme censurée.
22

Je ne reviens pas avec vous sur toutes les autres décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur des QPC en
matière de droit de l'environnement, de droit fiscal, de santé publique, de droit des pensions···. Leur variété souligne
le succès de la QPC que nos concitoyens se sont appropriée en très peu de temps.

Pour conclure sur cette première partie, je veux seulement relever que les progrès réalisés en trois ans ont été très
au-delà de ceux qu'avait permis jusqu'à présent le contrôle de conventionnalité. Le Conseil constitutionnel a ainsi
été amené à censurer plusieurs dispositions préalablement jugées compatibles avec la Convention européenne
des droits de l'homme. Il en a été ainsi dans de nombreux cas, par exemple pour la cristallisation des pensions,
l'inéligibilité instituée par l'article L. 7 du code électoral, le pourvoi en cassation de la partie civile ou encore la
cession gratuite de terrain.

Document 7 : « la Question Prioritaire de Constitutionnalité : dix ans après, enfin une réforme réussie ! » Didier
Mauss, journal l’Opinion, 16 mars 2020.

Le 6 mars 2020 le Conseil constitutionnel a enregistré sa huit-cent quarante-quatrième saisine d’une question
prioritaire de constitutionnalité (QPC). En l’espèce, il s’agit, sur renvoi de la Cour de cassation, de savoir si, dans
un cas d’hospitalisation sans consentement dans un hôpital psychiatrique, les dispositions pertinentes du code de
la santé publique sont de nature à porter atteinte à la liberté individuelle inscrite à l’article 66 de la Constitution en
ne prévoyant pas systématiquement un contrôle du juge judiciaire. Le simple énoncé de la phrase précédente fait
ressortir les principales caractéristiques de la procédure de la QPC.

Introduite par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, et entrée en vigueur le 1er mars 2010, elle a pour raison
d’être la possibilité de contester devant un juge, et en fin de parcours devant le Conseil constitutionnel, des
dispositions législatives applicables à un litige au motif qu’elles portent atteinte aux « droits et libertés que la
Constitution garantit » (article 61-1 de la Constitution). Derrière l’expression quelque peu compliquée (et très
délicate à traduire) de « question prioritaire de constitutionnalité » se cache une vraie réforme réussie de notre
système judiciaire. Au rythme d’environ quatre-vingts saisines par an, le Conseil constitutionnel est conduit à juger
si telle ou telle disposition législative, ancienne ou récente, est conforme ou contraire à la Constitution, donc à notre
socle des Droits de l’homme, pour reprendre une expression plus aisée à comprendre.

La création de la QPC est l’aboutissement d’une longue histoire, en partie inattendue, et ensuite voulue par les
pouvoirs politiques, Président de la République et Parlement réunis. L’introduction dans la Constitution de 1958
d’un organe intitulé « Conseil constitutionnel » constitue le point de départ, en rupture avec la tradition
constitutionnelle française, de la possibilité de soumettre à une instance non politique la conformité à la Constitution
de la loi votée par le Parlement. À travers la célèbre décision du 16 juillet 1971, qui déclare contraire à la
Constitution une réforme de la loi de 1901 sur les associations, puis de la révision de 1974 qui permet désormais
à soixante députés ou sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel d’une loi avant sa promulgation la Constitution
a changé de nature : d’une simple règle d’organisation des Pouvoirs publics, elle est devenue la norme juridique
suprême de la pyramide juridique. Il ne manque plus alors qu’un étage pour que le système devienne quasi parfait.
Comment admettre que des lois en vigueur contiennent des articles qui, s’ils venaient d’être adoptés par le
Parlement, seraient reconnus comme contraires aux droits et libertés fondamentaux ? En plus d’un contrôle a priori,
celui qui existe dans les faits depuis 1974, il s’avère logique d’instituer un contrôle a posteriori, celui qui devra
s’appliquer au droit positif. Proposée une première fois par le Président François Mitterrand en 1989, la réforme
mettra vingt ans à passer les obstacles politiques et de principe qui se dressaient sur son chemin. Il faudra, en
réalité, la montée en puissance du contrôle de la loi française par les cours européennes (Cour de justice de l’Union
européenne et Cour européenne des droits de l’homme) pour qu’une procédure nationale, intervenant en priorité
avant celles des cours supranationales, soit adoptée en 2008.

Depuis sa première décision QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de s’intéresser à tous
les aspects du droit, même si les questions pénales et fiscales dominent. Avec un taux de jugements de non-
conformité d’environ 30% des affaires examinées, il peut soit confirmer la conformité en la complétant de réserves
d’interprétation destinées guider les acteurs et les juges, soit assortir sa non-conformité d’un effet différé, c’est-à-
dire obliger le législateur à remplacer assez rapidement un dispositif contraire à la Constitution par un autre plus
correct. Dès 2010, à la suite d’une décision du 30 juillet, le régime de la garde à vue a été considérablement
23

remanié, dans un sens plus respectueux des droits de la personne interpellée. Plus récemment, dans des décisions
du début 2020, le Conseil constitutionnel a reconnu que la protection de l’environnement, « patrimoine commun
des êtres humains », est un objectif de valeur constitutionnelle (31 janvier 2020) et a même suggéré que soit
inventée une procédure de réhabilitation des personnes condamnées à mort et exécutées (28 février 2020).

Au-delà de chacune des décisions, à propos desquelles la critique est toujours possible, la réforme de 2008 a
profondément transformé la nature de la Constitution et le déroulement de beaucoup de procès. La procédure qui
consiste à faire trancher « sans délai » le sérieux de la QPC par le premier juge saisi, puis à la transmettre au
Conseil d’État ou à la Cour de cassation pour que la cour supérieure concernée apprécie, dans un délai de trois
mois, s’il convient de saisir le Conseil constitutionnel, ce dernier disposant alors, lui aussi de trois mois pour statuer,
n’a pas connu d’accrocs. En quelques semaines, au maximum six mois, le requérant qui est à l’origine de la QPC
saura si son litige, qu’il soit pénal, civil ou administratif, s’arrête pour un motif de non-respect des droits et libertés
ou s’il a simplement fait avancer l’analyse juridique à son détriment. Un citoyen qui peut faire valoir ses droits, une
Constitution qui protège les droits et libertés, des juges qui sont associés et non dessaisis des dossiers, une cour
constitutionnelle qui ne bénéficie pas encore de cette appellation, voilà les ingrédients d’une réforme réussie. Bon
anniversaire à la QPC !

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