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Droit administratif II

Cours de Mme. Teitgen-Colly


Année 2008-2009
L2 G1
Introduction
La finalité commune de l'action administrative est l'intérêt général. Cette mission peut s'exercer de deux
manières différentes : d'une part, il faut assurer le maintien de l'ordre social (assuré par la réglementation), et d'autre
part, prendre en charge l'ordre social (assurée par voie de prestation).
La police administrative, vise, par des procédés de réglementation des libertés, au maintien de l'ordre
social. Le service public vise, par les prestations qu'il offre, à prendre en charge et construire l'ordre social. Cette
conception des deux modes d'action est liée à la pensée libérale et ne peut pas être entendue comme une opposition
absolue entre police et service public (existence de liens entre les deux).
Le mot police au départ avait un sens beaucoup plus large qu'aujourd'hui. Dans la Grèce antique, la police
désigne à la fois la ville, la Cité, la réunion des citoyens, un État libre, voir même la démocratie. On retrouve cette très
large conception dans la France de l'Ancien Régime puisque l'on va désigner par le mot « police » l'ensemble des
règles qui régissent les individus et qui permettent l'aménagement de la cité. La police est donc une fonction
sociale, constitutive de la Cité, ou de l'État. La police est donc synonyme d'administration, de réglementation.
Nicolas Delamare, dans son ouvrage « Traité de la police » en 1722, évoque cette diversité, de ce qu'est pour lui la
fonction de police. A cette époque, cette notion n'est pas nécessaire péjorative : « bonne police est cause d'abondance ».
Avec le système juridique libéral, cette notion se transforme, et va même être dénaturée : on veut consacrer les droits
de l'Homme et les libertés et on assigne à la police le soin de respecter ces libertés mais aussi de sauvegarder l'ordre
public. On réserve donc l'expression de police aux interventions de l'État comme gardien de l'ordre social et non aux
interventions d'un État qui viendrait prendre en charge l'ordre social. Ainsi, la notion de police se fige de plus en plus
dans sa forme municipale. La doctrine administrativiste libérale a une certaine méfiance à l'égard des activités publiques
qui pourraient être contraignantes pour l'ordre public. Maurice Hauriou considère que la police est un procédé
exorbitant qui révèle les limites de l'intervention de l'État. La police est donc assimilée à la prohibition, à la
restriction. Dès lors que des interventions municipales ont lieu, quand il s'agit par exemple d'améliorer l'hygiène des
rues, il s'agit de prestations de service public et non pas de police. Ainsi, la notion de service public est assimilée à des
prestations qui vise à prendre en charge l'ordre social. Il y a donc une spécificité de la police par rapport au service
public car elle est entendue comme la préservation de l'ordre public. C'est une fonction principale de l'État, car en
garantissant l'ordre public il garantit l'exercice de chacun de ses libertés.
Le service public est différent de la police administrative: il a une fonction large de construction de
l'ordre social et de satisfaction les besoins d'intérêt général qu'exprime l'ensemble de la société à un moment donné.
L'État et les collectivités publiques vont assurer certaines prestations. Le service public n'était toutefois pas ignoré (Ex. :
La Poste sous Louis XIII). La distinction s'est donc affirmée, construite, renforcée avec la Révolution.

Toutefois, il y a des liens entre ces deux notions : il n'y a pas d'opposition à l'État gendarme (cantonné à
la défense dans l'ordre interne et externe) et l'État providence (qui assure la prise en charge des services publics).
L'État gendarme n'ignore pas en effet les services publics et inversement, l'État providence n'ignore pas la police
administrative. En effet, la police est un service public car elle est une mission d'intérêt général (= service public).
Cette mission se caractérise au delà de la seule réglementation qui est son trait caractéristique par l'offre de prestations
matérielles. A l'inverse, les services publics peuvent utiliser les moyens de la police administrative : ils ont besoin de
la réglementation.

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Titre 1 : La police administrative
C'est une notion polysémique : elle renvoie d'une part à la notion d'autorité de police, avec un pouvoir
de décision (celle qui nous intéresse ici) et d'autre part aux forces de polices (chargées de l'exécution).
Le second sens est celle qu'on pense en premier lieu, c'est le sens commun. Ce sont des forces essentielles
dans la société : art. 12 de la DDHC « La garantie des Droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique ».
Cette force est donc instituée pour l'avantage de tous et non pour une utilité particulière. Elle relève de la puissance
publique (État, collectivités territoriales). Seule l'autorité publique peut exercer des missions de police. S'il y a une
recrudescence des sociétés privées de protection, la loi du 12 juillet 1883 dispose que ces sociétés ne peuvent exercer
leur fonction de surveillance sur la voie publique (réservée à la Police), mais seulement dans les établissements privés
où elles sont instituées. On distingue deux types :
=> La police d'État est le personnel le plus nombreux : police nationale (120 000 agents) et force militaire, la
gendarmerie (80 000) qui relève du ministère de la défense mais depuis cette année du ministère de l'intérieur dans ses
fonctions de la police.
=> La police municipale : certaines communes (3000) ont des agents de police municipale. Mais il y a des risques
(milices locales) donc cela reste encadré : le code des collectivités territoriales prévoient ce recours par les
municipalités. Il y est prévu des conditions de nomination, les statuts (« agent de police judiciaire » : pouvoir limité), le
port d'arme doit faire l'objet d'une convention etc. Ces agents n'ont pas de mission générale de police. Ils ont une
mission définie par la loi et par convention entre Maire et préfet. A coté des agents de police municipale, il existe
des garde-champêtres, forces de police rurale.

Ce qui nous intéresse donc sont les autorités de police, celles qui ont le pouvoir de décision et qui exerce,
par ce pouvoir, la mission de police administrative. Les décisions administratives ont principalement une nature
réglementaire mais peuvent être des décisions individuelles. La police doit trouver un équilibre entre ce qu'énonce la
DDHC (exercice des libertés et respect des libertés) et la restriction des libertés au nom des exigences de la police. Le
commissaire du gouvernement Corneille, dans ses conclusions de l'arrêt « Baldy » du 10 aout 1917, disait qu'il fallait
trouver un compromis entre l'homme et la liberté : « la liberté est la règle ; la restriction de police, l'exception ».

Chapitre I : Les finalités de la police administrative


La police administrative vise à sauvegarder l'ordre public, à prévenir les troubles à l'ordre public. Elle
a donc pour première caractéristique d'être préventive (distinction avec la police judiciaire).

Section 1 : Le caractère préventif de la police administrative

§1) L'enjeu de la distinction entre police administrative et police judiciaire

Elle est commandée par le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire. Ce
principe emporte des conséquences sur l'exercice même de la police administrative et judiciaire d'une part et d'autre
part sur le contentieux.

=> Les mesures de police administrative relèvent du pouvoir exécutif tandis que les mesures de police judiciaire sont
placées sous le contrôle de l'autorité judiciaire, car les mesures de la police judiciaire touche de près ou de loin à la
liberté individuelle (or cette liberté est garantie par celle-ci selon l'article 66 de la Constitution). La police judiciaire est
menée par le Parquet et des garanties sont prévues par le Code de procédure pénale.

=> La distinction n'est pas bornée seulement à la mise en œuvre de ces deux pouvoirs : elle concerne également le
contentieux. Le Conseil Constitutionnel est vigilant à l'égard des lois qui ne respectent pas cette spécificité des pouvoirs
de police :
Conseil Constitutionnel, 12 janvier 1977, « Fouille des véhicules »
Le Conseil censure la loi en question car les dispositions confèrent des pouvoirs de police non définis : la loi ne dit pas
si les pouvoirs de police sont des pouvoirs de police administrative ou de police judiciaire. Ne prévoyant pas cela, la loi
ne prend pas les précautions qui s'imposent.

Conseil Constitutionnel, 18 janvier 1995 Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité


Toujours relatif à la fouille des véhicules : Sont inconstitutionnelles les dispositions d'un texte qui permettent de faire
ouvrir les véhicules, aux fins de constat des infractions et de poursuite de leur auteur, sans que l'autorisation de l'autorité
judiciaire ait été prévue, alors qu'il s'agissait d'une opération de police judiciaire.

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Conseil Constitutionnel, 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme
Loi qui donne pouvoir à l'administration de requérir auprès des fournisseurs internet des données techniques de
connexion dans le cadre de la prévention du terrorisme. Le Conseil Constitutionnel censure la loi en observant que la
réquisition des données constituent des mesures de police administrative et ne peut avoir d'autres finalités que de
prévenir les infractions. En indiquant qu'elle vise non seulement à prévenir le terrorisme mais aussi à la réprimer, la
loi viole le principe de séparation des pouvoirs. Le Conseil Constitutionnel n'exclut toutefois pas qu'une loi dispose de
mesures de préventions et de répressions. Seulement, les procédures suivies (avec les deux polices) doivent être
respectées. Il y a des conditions d'exercice que le Conseil Constitutionnel distingue et entérine par sa jurisprudence.

La distinction, comporte un enjeu contentieux dans la mesure où les mesures de police judiciaire
relèvent, dans leur déroulement, du juge judiciaire. Une opération de police judiciaire ne peut engager que la
responsabilité de l'État, c'est l'État qui indemnise les dommages. Pour la police administrative, elle se caractérise par
des décisions administratives, et c'est donc le juge administratif qui est compétent, tant sur le contrôle de la légalité
des actes, ou sur la responsabilité. Ainsi, la responsabilité de la collectivité publique qui a pris la mesure en cause, est
appréciée par le juge administratif. Ce n'est donc pas le patrimoine de l'État qui est concerné mais celui de la collectivité
publique. Il faut toutefois noter que le juge judiciaire est compétent soit par voie de fait soit lorsqu'il s'agit de la
compétence de droit commun du juge pénal. Celui-ci peut être amené à statuer par voie d'exception sur la légalité des
mesures de police administrative (art. 111-5 du Code pénal). Ainsi, il peut avoir à interpréter la décision de la police
administrative et il n'a pas besoin de faire de question préjudicielle au juge administratif.

§2) Les critères de la distinction

A) Le choix du critère

Le critère choisi ne peut être celui organique. En effet, souvent une même autorité cumule des pouvoirs
de police administrative et police judiciaire. Ex. : le Maire, dans sa commune, est une autorité de police administrative
et autorité de police judiciaire. Parfois également, les forces de police d'exécution sont utilisées pour des opérations de
police administrative et judiciaire.
La jurisprudence a donc retenu un critère finaliste tenant au caractère préventif des mesures de police
administrative : il s'agit d'éviter des troubles à l'ordre public (ex. : interdire une manifestation), tandis que les mesures
de police judiciaire sont caractérisées par une finalité répressive (réprimander une atteinte à l'ordre public). L'article 14
du Code de procédure pénale assigne une fonction précise à la police judiciaire. Cet article a distingué les opérations à
partir d'un critère de finalité. Le juge recherche s'il y a une relation entre l'opération de police entreprise et une
infraction pénale déterminée. Est-ce que l'opération de police est menée en relation avec une infraction pénale
déterminée ou est-elle sans relation ? Lorsque l'opération se rattache à une infraction pénale, alors c'est une opération de
police judiciaire. S'il n'y a pas de lien, c'est une opération de police administrative.

CE Sect., 11 mai 1951, Baud


Des policiers poursuivent des malfaiteurs jusque dans un café. Un consommateur apeuré prend la fuite, un policier le
tire alors dessus. Une demande d'indemnité est faite : le Conseil d'État estime qu'il s'agit « d'une action de police en vue
d'appréhender des individus signalés à la police comme faisant partie d'une bande de malfaiteurs » (= infraction
pénale). Ainsi, peu importe qu'il y ait eu erreur sur la personne, dès lors que l'objectif était d'arrêter celui qui était censé
avoir commis une infraction. C'est donc une opération de police judiciaire (= Compétence du juge judiciaire).

TC, 7 juin 1951, Dame Moualek


Dame Moualek, à sa fenêtre, est victime de coup de feu à l'occasion d'une opération de maintien de l'ordre : Police
administrative car pas d'infraction pénale précise. Donc, compétence du juge administratif.

Ce critère est conçu extensivement, peu importe que l'infraction soit réelle ou supposée, réalisée ou projetée. Il suffit
que l'opération ait été menée en relation avec une infraction déterminée, il suffit qu'il y ait intention de poursuivre
l'auteur d'une infraction (Dame Barbier).

TC, 15 juillet 1968, Tayeb


Le policier estime qu'une personne a un comportement bizarre. Le policier l'interpelle et elle s'enfuit. Le policier,
confirmé dans sa suspicion, tire et la blesse. Cette suspicion justifie que ce soit une opération de police judiciaire (juge
judiciaire).

B) Difficultés d'application

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Ce critère pose des difficultés dans son application. Il n'est pas toujours facile de savoir si on prévient un
trouble à l'ordre public ou si on réprime. D'ailleurs, la loi elle-même en convient. Parfois donc, des opérations peuvent
être très ambiguës (polyvalence). Ex. : Les fermetures de café à cause de clients bizarres peuvent être considérées
comme des mesures de police administrative, tandis que s'il y a de la drogue qui circule, c'est une fermeture répressive.

Autre difficulté qui concerne l'évolution d'une opération :


TC, 5 décembre 1977, Demoiselle Motsch
Une autostoppeuse prend place dans une voiture. Alors que le conducteur force un barrage de police, la voiture est
poursuivie et les policiers tirent et blessent la demoiselle. Le TC retient un critère chronologique et dit que le
dommage est causé par des policiers qui voulaient interpellaient des personnes. Opération de police judiciaire donc
compétence du juge judiciaire.

Développement / précision :
TC, 10 mars 1978, Société le Profil
La société a voulu protéger les fonds dépensés à la banque en se faisant escorter par des gardiens de la paix. A
l'occasion d'une opération de retrait de fonds, l'escorte est attaquée, les fonds sont volés, et les malfaiteurs s'enfuient. La
société engage la responsabilité de l'État. Le TC ne retient pas le critère chronologique (découpage de l'opération) mais
celui de la cause essentielle : la raison première est que l'escorte était là pour prévenir un trouble à l'ordre public, donc
police administrative, donc compétence du juge administratif.
Le commissaire du gouvernement avait exprimé qu'il y a ici une seule mission de police demandée par la société, c'est
une opération de prévention.

Cette jurisprudence à l'avantage de renouer avec la jurisprudence classique du Conseil d'État avec les
barrages routiers qui consistait à dire que quand il y a un barrage routier, le juge administratif est forcément compétent
puisqu'il s'agit essentiellement d' une opération de police administrative

Section 2 : L'ordre public, finalité de la police administrative

L'ordre public est une notion polysémique. Il y a plusieurs définitions : celle au sens du Code civil, celle
au sens du contentieux administratif et celle au sens d'une finalité propre à la police administrative.
Dans ce dernier sens, ce serait l'ordre minimum de discipline sociale à assurer pour que prévale la
paix publique. L'ordre public d'un État libéral n'est pas celui d'un État totalitaire. C'est l'ordre public d'une société qui
veut prévaloir les droits et libertés des individus. C'est un ordre circonscrit, minimal mais indispensable à la garantie
des droits et libertés, c'est un ordre de protection. Cet ordre public, on le perçoit déjà comme tel dans l'art. 2 de la
DDHC : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l'Homme ». Ces droits sont la liberté, la propriété, la sureté, et la résistance à l'oppression. Dans l'esprit de 1789, il y a
toujours le risque que chacun, dans l'exercice de ses libertés, peut en abuser, et l'article 4 dispose que la liberté
« consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». A travers ces articles, il revient à l'État de garantir ces droits et
libertés.
Conseil Constitutionnel, 27 juillet 1982, Loi sur la communication audiovisuelle
« La sauvegarde de l'ordre public constitue un objectif de valeur constitutionnelle ».

Le législateur doit rechercher l'équilibre entre les libertés et l'ordre public. Cet ordre, ainsi énoncé, est circonscrit,
déterminé, finalisé. Il n'est pas le même qu'on le conçoit comme ordre public général (finalité de la police
administrative générale) ou comme ordre public spécialisé (finalité des polices administratives spécifiques). Il y a
donc une déclinaison entre deux types d'ordres publics. Les polices administratives spéciales sont nommées par la loi.

I) L'ordre public général, finalité de la police administrative générale

L'ordre public général est défini par le juge administratif, lequel s'est appuyé sur le texte qui a
initialement conféré au Maire un pouvoir de police administrative générale : c'est la loi municipale d'avril 1884. Le
maire est en charge du bon ordre dans sa commune.
Dispositions codifiées à l'article L2212-2 du Code général des collectivités locales. Cet article reprend les grandes
finalités de la police municipale à partir desquelles on voit que l'ordre public est défini comme un ordre matériel.
Mais, sous la plume du juge administratif, cet notion d'ordre public s'est élargie.

A) L'ordre public général est un ordre « matériel » (Hauriou)

Matériel, c'est à dire un ordre articulé, décliné autour de 3 composantes (article L2212-2) :
Sécurité, salubrité, tranquillité. Ces 3 composantes constituent le bon ordre. Lorsque le juge administratif a eu à

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apprécier le pouvoir de police municipale, il l'a élargit la notion d'ordre public.

1) Sécurité

La notion de sécurité, inscrite dès 1789, consiste, par des réglementations adéquates, à protéger les
personnes et les biens. La notion a évolué avec le progrès technique. Ainsi, par exemple, au titre de la sécurité
publique, il faut assurer l'usage de la voiture (cela tient parfois plus de l'agrément que de la sécurité).

CE, 8 décembre 1972, Ville de Dieppe


L'agrément des piétons est un but de la police municipale permettant d'interdire la circulation des véhicules. Le CE
confirme ainsi la légalité d'un arrêté municipal qui réserve, un jour par semaine, une rue de la ville à l'usage exclusif des
piéton.

Cette sécurité va imposer de prendre des mesures de signalisation des dangers divers qui peuvent se
présenter, elle peut aussi prendre des mesures pour protéger des catégories de population. Ex. : couvre-feu le soir à
l'égard des mineurs de moins de 13 ans non accompagnés :
CE, Préfet du Loiret contre ville d'Etampes, 6 juillet 2001 (ou 9)
L'arrêté qui met en place ce couvre-feu par le Maire n'est pas, dans la manière dont il est conçu, excessif au regard de la
finalité de protection de l'ordre public général.

2) Tranquillité

Absence de troubles : Prévenir les manifestations qui tournent mal, mais aussi les troubles, les bagarres.
On a vu aussi des maires développer des arrêtés anti-mendicité qui consistent à empêcher les mendiants de faire chier
les riches. Contentieux : si la finalité d'assurer la tranquillité publique est légale, ici, ces arrêtés sont annulés car trop
généraux. Aussi, protection contre le bruit.

3) Salubrité

Prévention des maladies, des fléaux etc. Ex. : Campagne de vaccination. C'était donc surtout à l'époque,
mais aujourd'hui, cela retrouve une actualité avec les nouvelles pollutions.
Il s'agit pour le Maire par exemple, de contrôler les denrées alimentaires.
Évolution de la notion de salubrité publique Avec les coupures d'eau, les maires pour préserver la
salubrité ont pris des arrêtés anti-coupures d'eau. Arrêtés anti-coupures d'eau sont légaux quand il sont individuels. Ils
sont toutefois illégaux quand ils sont généraux car ils répondent plus à un intérêt social.

Bref, ces 3 notions présentent des difficultés d'appréhension.

B) L'élargissement de la notion d'ordre public (au delà de l'ordre matériel et extérieur)

Ici, le juge administratif seul, qui élargit la notion de Hauriou prévue par la loi municipale. D'une part, il
élargit la notion à travers à la notion de moralité publique et de dignité des personnes.

1) Préservation de la moralité publique

Dans les années 60, la diffusion de certains films créaient des troubles matériels (destruction des sièges
du cinéma par ex.), mais qui trouvaient leurs sources dans l'image projetée. Au delà de cette réglementation, les
autorités de police ont été appelées à intervenir aussi pour prendre des mesures sur ce qui pouvait choquer les
populations locales. Des maires étaient déjà intervenus avant cela pour fermer les lieux de débauche, pour changer les
noms de rues, bref, prévenir ce qui choquait. Au delà de la police spéciale de cinéma, les maires disposent au niveau
local d'un pouvoir de police général qui le permet.
CE Sect, 18 décembre 1959, Société des films Lutétia
Le CE va avoir à connaître de la légalité de la décision par le Maire de Nice d'interdire un film. Le CE décide qu'il peut
le faire dès lors que la diffusion peut provoquer soit des troubles sérieux (ordre public matériel classique), soit que la
diffusion est susceptible d'être à raison de son caractère immoral et des circonstances locales, préjudiciables à
l'ordre public.

Les autorités de police générale ne sauraient imposer un ordre moral ; elles ont seulement le droit de protéger un certain
état des consciences, d'empêcher "les atteintes publiques au minimum d'idées morales naturellement admises, à une
époque donnée, par la moyenne des individus". Elles sont donc à même de limiter ou d'interdire des activités

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"choquantes" au regard de la situation locale voir nationale. On voit donc le danger de cette jurisprudence : si elle
encadre le pouvoir de police des maires en imposant des conditions à l'exercice de ce pouvoir, elle fait référence au
caractère immoral du film en cause et comporte en elle la notion d'ordre moral. Ainsi, on peut considérer que le CE
encadre le pouvoir de police des maires en posant des conditions, mais on peut dire qu'il élargit aussi. En vérité, il y a
une extension considérable (tout en conservant un encadrement).
Le Conseil d'État pose donc deux conditions avec l'immoralité du film et les circonstances locales. Les circonstances
locales (= réception de l'image des populations locales) doivent être prises en considération. C'est une notion de
protection de la moralité publique qui suppose une appréciation concrète et objective du trouble dans les
consciences et non la sauvegarde d'une morale qui repose, elle, sur appréciation abstraite et subjective.
Dans cet arrêt, le Conseil d'État paraît se référer aux circonstances locales, mais en fait il retient en
priorité l'immoralité du film car il relève qu'il y a une vague d'immoralité qui a déferlée sur la ville de Nice au milieu
des années 50 (il est donc très laconique). Ce ne sont donc pas véritablement les circonstances locales qui justifient
l'action du maire. De fait, nombreuses critiques de la doctrine...
Ainsi, le juge administratif, sous le feu de ces critiques, s'est montré par la suite plus soucieux de faire
reposer ses décisions sur les circonstances locales :
CE Sect., 25 mai 1966, Société « Les films Marceau »

CE Ass., 19 avril 1963, Sur le film les liaisons dangereuses


11 arrêts dans lesquels le Conseil d'État prend à chaque fois en compte les circonstances locales pour décider de la
légalité des interdictions de ce film (ex. : ville de pèlerinage) et ne se cantonne plus de fait, à la notion d'immoralité,
trop dangereuse.
Ce contentieux administratif en matière de film s'est aujourd'hui tarit : Les interdictions de films concernent désormais
les films incitant à la violence. Ex. : Interdiction par le Maire d'Aix en Provence
CE, 26 juillet 1985, Ville d'Aix en Provence
Sur le meurtre de Ranucci, dernier condamné à mort. Le Maire, a voulu interdire la diffusion du film « le pull-over
rouge » relatif à ce meurtre. Le CE n'a pas voulu retenir la circonstance locale.

Au delà de son contrôle sur les circonstances locales, le Conseil d'État exerce aussi un contrôle sur la distribution de
journaux d'images que des maires ont jugé immoraux.

2) La préservation de la dignité humaine

Arrêt de principe :
CE Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge
Le CE statue sur la fameuse affaire du lancer de nains. Les tribunaux administratifs ont dû statuer sur la
légalité des décisions des communes d'interdire ce lancer. Ils ont pour cela suivi la jurisprudence Lutétia. Certains
n'ont pas trouvé de circonstances locales, ni de considération immorale (TA de Versailles, 25 février 1992, Société
Fun Production). Le TA de Marseille a quant à lui, en 1992, affirmé que le lancer de nain ne porte pas atteinte à la
dignité de la personne humaine. Celui-ci ne raisonnait donc plus en fonction de la jurisprudence Lutétia
En l'espèce, le Maire de la commune veut interdire le spectacle, qu'il considère comme inadmissible. Le
juge va être saisi par les organisateurs du spectacle. Le Conseil d'Etat va estimer que le respect de la
dignité de la personne humaine est une des composantes de l’ordre public, même en l'absence de de
circonstances locales. On écarte la jurisprudence Lutétia. Cette décision est basée sur l'idée que le respect de la dignité
humaine constitue une des idées morales naturellement admises en France (avis du CDG Frydman). Il y aurait un
consensus autour de l'idée de dignité de la personne humaine.
Le CDG a été inspiré par divers textes :
L'art. 3 de la CESDH : interdiction de la dégradation et du traitement inhumain sur les hommes. C'est un droit
intangible, qui n'accepte aucune réserve de dérogation. Dans les textes nationaux, le préambule de 1946, notamment la
1ère phrase, interdit la servitude. Cela a été repris dans la jurisprudence du juge constitutionnel. Ainsi, le CDG n'invente
pas la notion de dignité mais l'applique au lancer de nains en raison même de son handicap, peu importe qu'il ait
donné son consentement ou pas (d'ailleurs, le nain était d'accord en l'espèce).
Ces articles et la conclusion du CDG conduisent le Conseil d'État à mettre en avant le principe du respect
de la dignité.
Ainsi, en matière de protection de la dignité de la personne humaine, le principe doit être respecté, il est
absolu, il ne tolère aucune appréciation subjective, donc aucune appréciation en fonction des circonstances locales.

Toutefois, le CDG est soucieux que cette protection de la dignité ne conduise à une extension du pouvoir
de police qui puisse aller jusqu’à interdire n’importe quel spectacle. C'est un risque non négligeable. Ainsi, cette
jurisprudence soulève quelques objections.
Jean Charles Froment, dans la revue de Droit public de 1996, essaye de replacer cette jurisprudence dans un contexte

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plus large que le pur contexte technique et juridique. Il souligne que l’annulation sur le fondement de la dignité de la
personne humaine est mal justifiée car il était possible d’obtenir le même résultat en se référant à la notion de la
protection de l’hygiène publique. En effet, l’hygiénisme a conduit à prendre en considération les représentations du
handicap : au début du 20ème siècle, on a doucement commencer à interdire des activités comme l’exposition de siamois,
entre autres. Aujourd'hui, dans un certain nombres de décisions du CE, on retrouve cette idée là.
Dans les affaires précédentes, il était en fait question de la dégradation du corps de la personne. Les arrêtés de police
qui avaient été pris s’étaient souvent fondés sur la question de l’hygiène. Cette tendance du droit à enfermer dans la
notion d’hygiène certains comportements était ainsi fortement présente. De fait, l'auteur met en lumière cela ; il relève à
cet égard que c’est une certaine représentation du corps qu’on l’on cherche à écarter : un corps socialement dévalorisé
doit être écarté. A travers le droit, s’effectuerait alors une certaine représentation du « corps idéal ». L'idée est qu'il n'est
pas nécessaire de recourir au principe de la dignité de la pers humaine, d’autant plus que recourir à cette notion conduit
à une personnalisation abusive du corps et d’autre part, elle conduit à considérer la personne indépendamment de
son corps. Cet article souligne donc la nécessaire dissociation du corps et de la personne. En effet cette confusion
empêche de protéger le corps en tant que tel. De même, on en vient aussi à considérer que tout corps qui ne serait pas
conforme à la norme sociale perdrait sa dignité...

CE, 26 Novembre 2008, Syndicat mixte de la vallée de l’Oise


Dans cette affaire, il était question de l’installation d’une usine de déchet au bois des loges, ce qui posait le problème du
respect de la dignité des morts puisque beaucoup de gens étaient décédés sur le lieu en question (durant la 1ère Guerre
Mondiale). Le préfet avait en effet donné une autorisation d’exploitation (pouvoir de police de l'environnement). Le CE
a accepté de recevoir l’exigence de protection du respect de la dignité humaine, mais en dissociant la question du
pouvoir de police de cette exigence générale de respect du principe de la dignité humaine. Il dissocie ainsi l’exercice du
pouvoir de police au regard des conditions de la police spéciale de l’environnement de la question du respect plus global
de la dignité humaine. C’est un principe fondamental qui s’impose à l’administration dans son exercice du
pouvoir de police. Peut-on considérer cette décision comme une évolution dans la compréhension de la place de ce
principe ?

3) La question des finalités exclues/incertaines

− Concernant la sauvegarde de l’esthétique :


On admet durant l’entre-deux-guerres que des pouvoirs puissent prendre des pouvoirs de police au nom de
l’esthétique. Depuis, l’esthétique a fait l’objet de toute une série de police spéciale : police de l’urbanisme, de
l’affichage etc.
Il y a beaucoup de textes qui prennent en compte la sauvegarde de l’esthétique. Ainsi, au regard de l’émergence de ces
textes, le CE n’admet plus aujourd'hui que les autorités de police administrative générale usent de leurs pouvoirs
pour protéger l’esthétique. Illustration :
CE, 11 mars 1983, Commune de Bures-sur-Yvette
S’il appartient au maire d’exercer son pouvoir de police, il ne tient pas de ces dispositions le pouvoir de limiter pour des
raisons de caractère esthétique.

− Concernant la finalité économique :


Pour protéger l’économie et les marchés, certains textes investissent des autorités particulières. Le Conseil d'État va en
tirer les conséquences, notamment à propos de la limitation de la vitesse des voitures :
CE, 25 juillet 1975, Chaigneau
Le CE conclu à la légalité de la limitation de la vitesse fixée par le Premier Ministre et fondée sur la volonté
d’économiser les carburants mais aussi de diminuer les risques d’accidents. Il y a donc un double objectif : économique
et sécurité publique. Ainsi, la mesure qu’il a prise est justifiable par l'existence du double objectif (et non pas seulement
la raison économique).

− Concernant la protection des relations internationales :


L’autorité de police administrative générale ne peut pas utiliser son pouvoir pour protéger des relations
internationales.
CE, 12 novembre 1997, Ministre de l’Intérieur c/ Association Communauté tibétaine en France
Un maire interdit une manifestation tibétaine en se fondant sur le fait que celle-ci va avoir pour inconvénient d’affecter
les relations diplomatiques de la France avec la Chine. Le CE estime que la protection des relations internationales
n’entre pas dans les finalités du pouvoir de police.

Ainsi, ces 3 finalités sont exclues par le juge administratif en tant que finalité exclusive.

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La question se pose aussi de savoir si le pouvoir de police peut être utilisé pour protéger des personnes contre elles-
mêmes ? C'est une question très délicate et qui n'a pas été complètement réglée.
Cette question se divise en de multiples questions : Peut-on imposer à un conducteur de voiture de mettre une ceinture
de sécurité ? Peut-on interdire aux mineurs de sortir seuls le soir ? Etc.
La difficulté réside en ce que nous sommes dans une société de liberté, celle-ci consistant à faire tout ce qui ne nuit pas
à autrui (art. 4 de la DDHC). Dès lors, la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles de la société (art. 5 de la
DDHC).
Le juge administratif est hésitant sur le sujet.
En matière de circulation, s’agissant notamment de mesures telles que la ceinture de sécurité, la Cour de cassation (Ch.
Crim. 20 mars 1980) a considéré que des mesures de ce type doivent être appliquées.

Le CE quant à lui s’est montré plus prudent :


CE, 22 janvier 1982, Association Auto-défense
Il a considéré que le port obligatoire de la ceinture de la sécurité était légal (Ainsi, une mesure de police peut viser la
protection des individus contre eux-mêmes,) dans la mesure où il avait pour objet de réduire les conséquences des
accidents de la routes.

De même, concernant le couvre-feu pour enfant, le CE ne soulève pas d’illégalité lorsqu’elle contribue à
la sécurité des mineurs.

S'agissant des sectes, le CE admet plus difficilement la protection contre soi-même et refuse l’usage du
pouvoir de police :
CE, 14 mai 1982, Association internationale pour la conscience de Krisna
Le CE annule un arrêté préfectoral interdisant les cérémonies à l’intérieur des immeubles de la secte. Le préfet ne peut
utiliser son pouvoir de police pour interdire ces cérémonies.

Concernant les SDF, un maire peut-il prendre une mesure de police à l’égard des sans-abris ?
CE, 21 Décembre 2004, Association Droit au Logement Paris et environs
Le juge administratif parait se situer sur le terrain de la protection de la personne contre elle-même. Le juge
administration reste donc encore hésitant sur l’étendue de ce pouvoir de police.

II) L’ordre public spécial

A côté de la police administrative générale, il existe des polices administratives spéciales qui visent à
préserver des ordres publics spécifiques. Leur raison d'être réside dans le fait qu'on s'est rendu compte des limites du
pouvoir de police administrative général.
Le législateur est intervenu pour considérer que certains objectifs devaient être atteints/poursuivis par des autorités qui
n’étaient pas nécessairement des autorités de polices administratives générales. La différence principe est que la
police administrative spéciale repose sur un texte de loi. Il faut qu’un texte définisse ces autorités de polices
spéciales, et précise les finalités d’ordre public que celles-ci poursuivent. L’exigence d’une loi s’explique par le fait
qu’on va affecter voir altérer les droits et libertés.

Ces textes habilitent donc des autorités administratives à réglementer une liberté dans un but particulier.
Ces polices spéciales ont des champs précis alors que la police administrative générale peut s’exercer dans tous les
champs, et à l’égard de n’importe quel particulier dans n’importe quelle condition.
Les différents pouvoirs de polices spéciales :
Certaines polices sont limitées à des personnes particulières (ex. : police des étrangers), d’autres sont limitées à des
catégories d’activités (ex. : police des jeux, de l’urbanisme, du cinéma etc.), certaines visent des situations données
(ex. : police des installations classées en différentes catégories en raison des risques qu’elles présentent pour
l’environnement, police des gares, des universités..)

Plusieurs hypothèses :
1ère hypothèse : La police spéciale règlemente une liberté qui ne l’est pas au titre de la police administrative
générale (le maintien de l’ordre public général ne le justifie pas), alors qu'il parait nécessaire de règlementer l’activité.
Ex : avoir une police économique qui règlemente entre autres les marchés parait nécessaire. Ainsi des AAI ont été mises
en place à cet effet, et elles ont un pouvoir de règlementation économique. Or, nous savons que la police administrative
générale ne peut poursuivre une finalité économique (exclusivement). De même pour l'esthétique, alors qu'on a une
police spéciale sur l’esthétique (affichage par exemple). Le législateur a en effet préféré intervenir.

2ème hypothèse : La police spéciale règlemente une liberté qui l'est déjà par le pouvoir administratif général. Il

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s’agit de poursuivre un but différent du but d’ordre public général. On le voit en matière de police du cinéma : il existe
une police administrative générale du cinéma qu’exerce notamment les maires. Parallèlement, il est apparu une police
spéciale du cinéma national exercée par le Ministre de la culture qui consiste à permettre à celui-ci de filtrer la diffusion
des films sur le territoire français (pouvoir relativement discrétionnaire. Il s’est d'ailleurs progressivement élargi).

3ème hypothèse : La police spéciale vient renforcer des mesures prises dans le même but que celui de Police
administrative générale. Ex. : La police de manifestation. En matière de manifestation, la Police administrative
générale s’exerce, et il est possible de limiter au nom de l’ordre public général des manifestations. Mais au delà de cela,
une Police administrative spéciale pour les manifestations existe. Elle résulte d’une loi du 21 Janvier 1995 qui permet
l’interdiction 24h avant le déroulement d’une manifestation de porter ou de transporter des objets susceptibles de
constituer des armes.

Chapitre II : L'exercice du pouvoir de police administrative


Qu’il s’agisse de Police administrative générale ou de Police administrative spéciale, celles-ci supposent
la détention d’un pouvoir normatif, notamment de règlementation, mais elles supposent également des interventions
matérielles (édiction de normes, intervention réelles et matérielles etc.). Le risque que présente cet exercice pour les
libertés justifie qu’il fasse l’objet d’un encadrement particulier. Cet encadrement prend deux formes : c’est un
encadrement des compétences et des procédés de police, c’est aussi un encadrement résultant du contrôle
juridictionnel exercé par les juridictions sur les mesures de polices édictées ou les interventions matérielles réalisées.

Section 1 : L'encadrement des compétences et des procédés de polices administratives

L’exercice du pouvoir normatif de police soulève la question des autorités compétentes et des actes de police.

§1) Les titulaires du pouvoir de police administrative

Observation préliminaire : le pouvoir de police ne peut-être exercé que par des personnes publiques.
Celles-ci sont diverses (pluralité d’autorités), et il se pose donc le problème de la concurrence potentielle entre-elles.

A) Le pouvoir de police : Fonction régalienne par excellence, elle ne peut être exercée que par des
autorités publiques

Seule la puissance publique peut exercer ce pouvoir de police. Ce point s'oppose à la tendance
contemporaine d'externaliser un certain nombres de services.
Le CE, très tôt, a contesté le pouvoir des autorités publiques de se délaisser de leurs fonctions de police
auprès d’autorités privées :
CE, 17 juin 1932, Ville de Castelnaudary
Le CE confirme le monopole de la puissance publique en matière de police, en censurant la décision d’une
commune de déléguer à une personne privée une mission de police.
Ce sont les autorités publiques qui détiennent le pouvoir de police, par conséquent une ville ne peut se dessaisir de son
pouvoir de police en passant un contrat avec une entreprise.

Cette interdiction est justifiée par le fait que la police constitue une prérogative de puissance publique,
c’est l’élément de la puissance de l’Etat, celui-ci détenant le monopole de la puissance légitime (Max Weber), c'est ce
qui le caractérise et c'est inhérent à lui. Ainsi, le CE a confirmé cette jurisprudence à plusieurs reprises : en 1994, en
1997 etc.
Dans un arrêt, le CE accepte qu’une commune concède une plage à une société privée, mais en prenant la peine de
préciser que c’est sans préjudice des pouvoirs qui appartiennent à l’autorité principale pour assurer la sécurité et
la stabilité de la plage.
Bref, la jurisprudence est très ferme sur ce point.

Le Conseil Constitutionnel suit le CE. Il a été saisi de nombreux textes de lois organisant l’externalisation
de certains services pour des raisons diverses (d'efficacité, financière). Exemple :
Conseil Constitutionnel, 25 février 1992, Loi modifiant l'ordonnance de novembre 1945 relatives aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers
La loi qui autorise, en application des accords de Schengen, aux autorités françaises de pénaliser les compagnies de
transport qui acheminent sur le territoire français des étrangers en situation irrégulières et faisant donc peser une
responsabilité sur ces compagnies est constitutionnelle selon le Conseil Constitutionnel. Celui-ci a toutefois pris la
peine de dire que le contrôle précisément opéré par les compagnies de transport ne pouvait pas constituer une

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délégation du pouvoir de police dans l’exercice de ces missions de contrôle, et que le pouvoir confié à ces
compagnies ne saurait être entendu comme leur conférant un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique.
Toutefois, en pratique, cela n'est pas réellement appliqué.
Des raisons financières peuvent également conduire à cette externalisation. Exemple : contrats de partenariat
public/privé. En effet, des lois autorisent le recours au secteur privé pour, entre autres, construire des prisons, des
casernes de gendarmerie, ou encore des lois qui prévoient de faire appel à des sociétés privées pour déplacer des
personnes qui sont détenues dans des centres de rétention. Le Conseil Constitutionnel prend à chaque fois la peine de
préciser que les délégations de services ne peuvent porter que sur la construction et le transport mais ne peuvent
porter sur la mission de sécurité/de surveillance des personnes, qui doit normalement relever de la puissance
publique. Exemple :
Conseil Constitutionnel, 20 novembre 2003, Loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers
en France et à la nationalité
Le Conseil Constitutionnel considère que le transport peut être confié à une personne privée dès lors qu’elle n’applique
pas l’exercice d’un pouvoir de contrainte sur les étrangers (par ses agents privés).

Ainsi, que ce soit à travers la jurisprudence du Conseil Constitutionnel ou du Conseil d'État, il est
confirmé que le pouvoir de police soit un monopole des personnes publiques.

B) La diversité des autorités investies du pouvoir de police administrative

La spécificité des compétences publiques se trouve dans le fait qu’elles ne peuvent être exercées que
par les autorités investies de ces compétences (C'est la condition d'un État de droit). Ainsi, en principe, une autorité
ne dispose d’un pouvoir que parce qu’elle est habilitée à l’exercer.

1) Les autorités investies du pouvoir de police administratif général

Ce pouvoir peut être exercé au nom de l’Etat, ou au nom des collectivités décentralisées.

a) Au nom de l’Etat

Il y a des autorités qui ont compétence pour agir sur l’ensemble du territoire.
Le Premier Ministre est titulaire du pouvoir de police administrative général, il exerce un pouvoir règlementaire
général en sa qualité de chef de l’exécutif. Cette compétence lui a été reconnue par la jurisprudence administrative qui
ne l’a pas inventée mais l’a fondée sur le texte de la Constitution :
CE, Labonne, 8 Aout 1919
Sur le code de la route. Est en cause dans l’arrêt la compétence du chef de l’exécutif sous la IIIème République. Ce
dernier est-il compétent pour règlementer la circulation sur l’ensemble du territoire ? Le CE estime qu’il appartient au
chef de l’Etat, en dehors de toute délégation législative, et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer les
mesures de police qui doivent être appliquées en tout état de cause sur l’ensemble du territoire. Le CE reconnait
donc au chef de l’Etat, le pouvoir d’exercer la police administrative générale en vertu de ses pouvoirs propres.
Sous la IVème République, le chef de l’exécutif est le Chef du Conseil.
Sous la Vème République, il y a eu des difficultés : en principe, si on lit l’article 34 de la Constitution, c’est la loi qui
est compétente (compétence du législateur) pour fixer les règles relatives aux garanties fondamentales accordées aux
citoyens dans l’exercice des libertés. L’article 34 signifiait-il que l’arrêt Labonne était devenu obsolète ? Le CE
considère qu’il y a une compétence propre du Premier Ministre en matière de police, qu’il détient en l’absence de
toute délégation législative, et indépendamment des dispositions de l’article 34. C’est un pouvoir propre, mais dégagé
aussi bien de l’article 34 que de l’article 37, ce pouvoir est exercé en marge de ces deux articles. Il l’exerce de plein
droit, en vue du maintien de l’ordre public (arrêt du 22 Janvier 1982 Association auto-défense, cf. supra qui reconnait
au Premier Ministre le droit de limiter la circulation sur les routes).
Cette compétence n’est pas exclusive, en effet, l’article 13 et 16 de la Constitution donnent au Président des pouvoirs
propres. Le Président peut aussi être appelé à exercer des pouvoirs de police administrative générale soit parce que la
mesure est décidée dans le cadre d’un Conseil des Ministres (Il doit signer) soit qu’il agisse dans le cadre des pouvoirs
spécifiques accordés par l’article 16.

En bref, l’autorité de principe est le Premier Ministre, sous réserve des mesures prises par le Président en
Conseil des ministres ou en vertu l’article 16.

En revanche, aucun Ministre ne dispose de ce pouvoir. Le ministre de l’Intérieur est certes le supérieur
hiérarchique des forces de police civile et des gendarmes (il peut leur donner des ordres) mais il ne peut prendre des
mesures qui vont concerner l’ensemble de la population sur l’ensemble du territoire.

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Certaines autorités exercent ce pouvoir dans un cadre territorial circoncis : les autorités déconcentrées de
l’Etat (le Préfet de département et exceptionnellement le maire dans la commune). Les Préfets de département ont ce
pouvoir de par l'article 2215-1 du code général des Collectivités territoriales qui fait de celui-ci une autorité de police
administrative générale à l’intérieur du département. Ils ont une fonction de coordination des dispositifs. Une loi du
18 Mars 2003 a renforcé leur pouvoir de coordination, en leur accordant des pouvoirs de réquisition et d’action d’office.
Au-delà de cette fonction, ils peuvent intervenir dans deux cas de figure : lorsqu’un trouble à l’ordre public concerne
plusieurs communes, ou en cas de désaccord entre deux communes limitrophes. Il peut également intervenir dans les
communes qui ont une police étatisée. En effet, l’article L.2214 du code général des Collectivités territoriales prévoit
l’étatisation de la police dans certaines communes. Cet article qui résulte de la loi de janvier 1995 prévoit l’étatisation
obligatoire de la police des communes chefs-lieux de départements. De plus, sur décision ministérielle ou décret en
Conseil d'État, lorsque la commune a plus de 20 000 habitants et présente certaines caractéristiques en raison d’une
population permanente, ou tenant à la situation de la commune dans un certain ensemble urbain, ou est concernée par
des phénomènes de délinquance urbaine importante, le Préfet de département dans cette hypothèse peut exercer la
police de la tranquillité publique pour des événements autres que les désordres quotidiens (ex. : Manifestation) (mais
OSEF bordel). Au-delà de ce transfert de la tranquillité, l’étatisation de la police a une seconde conséquence concernant
les forces de police puisque celles qui peuvent intervenir ne sont pas les forces de polices municipales mais la
gendarmerie et les forces de polices nationales. Ce préfet peut-être assisté d’un préfet délégué à la police. Il y existe
également des préfets de « zones de défense » (zones plus larges que les départements, qui coordonne les actions des
préfets de département).
Le maire peut également intervenir, mais dans la commune il est à la fois agent de l’Etat et agent de
police municipale. En tant qu’agent d'État, il peut être appelé à prendre des mesures de police qui lui serait prescrites
par le gouvernement.

b) Les autorités de polices administratives générales décentralisées

La commune ici est en position centrale puisque le maire est l’autorité de police administrative
générale. Les compétences de police sont données au maire, c’est un pouvoir propre, il agit sans le conseil municipal
(article L2212 du code général des Collectivités territoriales). Ce pouvoir de police du maire connait des spécificités :
en cas de carences du maire, le Préfet peut se substituer au maire au nom de la commune. Cette substitution est un
pouvoir assez rare depuis l’affaiblissement de la tutelle en 1982. Elle suppose une mise en demeure du maire, et laisse
la commune responsable des agissements des décisions de polices prises par le Préfet (par exemple, c’est le budget de la
commune qui sera engagé s'il y a un contentieux). A cet égard, la loi a apporté un changement car la jurisprudence,
illustrée par CE Sect., 14 décembre 1962, Doublet, prévoyait que lorsque le Préfet se substituait au maire c'était la
responsabilité de l’Etat qui était engagée. Mais aujourd'hui, c’est donc la responsabilité de la commune qui est engagée.

Le maire peut être appelé à collaborer avec l’exécutif d’un établissement public lorsque la commune
fait partie d’un établissement doté d’une fiscalité propre. Cette collaboration date de la loi du 13 Aout 2004.

Troisième cas : à Paris, il y a un Préfet de police. Il agit au nom de la ville et a une compétence principale
en matière de police. Longtemps, il avait une compétence exclusive qui s’exerçait à travers des justifications
historiques. Les compétences du Maire, s’il intervient toujours, restent marginales malgré à nouveau un élargissement
depuis les lois de 1986 (en matière de salubrité) et de 2002 (en matière de circulation, stationnement).

En bref, le maire peut-être substitué par le Préfet en cas de carence, il peut collaborer avec l’exécutif, et à Paris
le Maire a une compétence marginale par rapport au Préfet de police en matière de police administrative
générale.

Au niveau départemental, l’autorité de police locale est le président du conseil général. Il intervient
pour la circulation sur les voies départementales etc.

2) Les autorités titulaires du pouvoir de police administrative spéciale

Les titulaires sont nombreux et divers. Les compétences sont organisées par chacun des textes qui
instituent une police municipale.
Observations : des autorités compétentes en matière de police spéciale peuvent aussi être
compétentes au titre de la police administrative générale. Ex. du Préfet : ce dernier est investi de la police
administrative générale en tant qu'autorité déconcentrée de l’Etat et aussi comme autorité se substituant au maire de la
commune. Il est également titulaire de pouvoirs de police spéciale (ex. il est titulaire de la police des étrangers). Le
maire aussi détient certain pouvoirs de police spéciale (ex. : police de l’urbanisme).

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Toutefois, le plus souvent, il y a une dissociation. Ainsi, de nombreux pouvoirs de police spéciale sont
confiés à des ministres (Ex. : Police spéciale de cinéma est confiée au Ministre de la Culture).
Les autorités administratives indépendantes peuvent elles aussi prendre des dispositions qui règlementent.

C) L’articulation des compétences

Il y a une diversité d’autorités de police. Dans certains cas les mêmes autorités ont des titres
d’interventions différents.
Il existe trois cas de figures :

1) Concours des polices administratives générales

C'est une question évoquée dans l’arrêt Labonne de 1919 : le Conseil d'État prend la peine de préciser que
ce pouvoir n’épuise pas le pouvoir de police administrative générale puisqu'il reconnait aux autorités locales la
possibilité de prendre toutes les prescriptions règlementaires nécessaires si l’intérêt public local l’exige.
Cette analyse est confirmée :
CE, 18 avril 1902, Commune de Néris Les Bains
C'est une affaire de règlementation de jeux d’argent dans une station. Le maire de Néris-les-bains avait interdit
localement les jeux d’argent. L’interdiction est jugée légale par le Conseil d'État, estimant que les mesures prises
localement, justifiée par un intérêt public local, ne peuvent être que des mesures plus rigoureuses. Les circonstances
locales peuvent justifier l’édiction de mesures de polices locales complémentaires seulement pour renforcer les
mesures de polices administratives prises au niveau national, mais pas pour les atténuer.

2) Concours des polices administratives spéciales

Elles ne se superposent pas, elles sont indépendantes les unes des autres. Le problème du concours
de ne pose pas. Il ne peut y avoir concurrence d’autorités au sein d‘une police spéciale dans la mesure où la loi confie
des compétences et (normalement) hiérarchise.

3) Concurrence de la Police administrative générale et des Polices administratives spéciales

La police spéciale est exclusive de la compétence de la police générale. Par exemple, il existe une
police spéciale des gares. Le maire d’une commune ne peut donc pas intervenir au titre de la police générale pour
préserver l’ordre public dans la gare.
Dans des cas de figures particuliers, l’autorité de police générale est autorisée à intervenir :
− Lors d’un péril imminent pour préserver l’ordre public :
CE 29 septembre 2003 Houillères du bassin de Lorraine (HBL)
Le CE considère qu’en dépit du pouvoir de police spéciale du préfet, le maire peut intervenir pour règlementer des
situations pour assurer l’ordre public en raison d’un péril imminent.

− En cas de circonstances locales qui rendraient nécessaire le renforcement des pouvoirs de polices
spéciales
Illustration par l’arrêt Lutétia (cf. supra) où un pouvoir de police spéciale est confié au ministre de la culture. Les
autorités de police générale ne sont pas privées d’intervenir mais uniquement pour rendre plus rigoureuses les mesures
de police spéciale.

§2) Les actes de polices administratives

Ces actes manifestent l’exercice de la puissance publique car ce sont des prérogatives de puissance
publique, dotés d’un particularisme.

Cinq observations :

=> Le pouvoir de police n’est pas laissé à l’initiative de son titulaire, il n’est pas à la discrétion de l’autorité de police,
ce pouvoir doit être exercé lorsque les conditions de cet exercice sont remplies. Il n'y a pas de liberté d’agir mais
une obligation d’agir, dès lors qu'on se trouve en la présence d’un trouble à l’ordre public pour la police générale. De
même pour la police spéciale, par exemple, dès lors qu'étranger est en situation irrégulière, la police spéciale des
immigrés doit agir.

CE Ass., 20 octobre 1972, Ville de Paris c/ M. Marabout

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Le CE rappelle l'obligation d’appliquer une règlementation de police.

Mais, lorsqu’il ne s’agit plus d’appliquer mais d’intervenir, il s'agit de savoir quand il faut intervenir :
lorsqu’une autorité intervient hors d’une autorisation existante, l’autorité doit apprécier si les conditions de son
intervention sont réunies. Sa compétence dépend des conditions.
CE Sect., 14 décembre 1962, Doublet
Le CE a eu à trancher sur la question de savoir à partir de quand la carence d’une autorité de police dans l’édiction d’un
règlement de police est illégale et fautive ? Il répond que cela dépend de la gravité du péril résultant d’une situation
particulièrement dangereuse pour l’ordre public, rendant indispensable l’édiction des mesures nécessaires pour
rétablir la situation. Il y a donc trois conditions : l’autorité de police est obligée d’exercer son pouvoir lorsqu’il s’agit
de faire cesser un péril résultant d’une situation dangereuse, de prendre des mesures indispensables et qui sont
appropriées à la cessation de celui-ci.

Des affaires ont illustré ces carences. A propos de carences municipales dans la surveillance ou la
prévention des accidents de ski, la Cour d'Appel administrative de Lyon a reproché le 13 mars 1997 au maire de ne pas
avoir pris des mesures indispensables.

Concernant l’exécution des décisions de justices, elles s’imposent normalement aux autorités de polices.
Mais il se peut qu’au regard des circonstances, les autorités en charge de l’exécution hésitent à l’assurer. Exemples
connus :
CE, 30 novembre 1923, Sieur Couitéas
Les forces de l’ordre sur place n’exécutent pas ces décisions car, se déroulant sur le territoire tunisien, cela aurait
entrainé des troubles d’ordres publics
CE Ass. 3 juin 1938 Société "La cartonnerie et imprimerie Saint-Charles"
Il s’agit d’une grève dans la cartonnerie. Une décision de justice autorise l’expulsion. Là encore les autorités de polices
n’exécutent pas cette expulsion car il y aurait un trouble à l’ordre public.

On ne considère pas là que les autorités de polices sont fautives mais on considère que le trouble à
l’ordre public justifie dans certaines conditions l’inexécution de la décision de justice, mais cela crée un préjudice
ouvrant droit à réparation sur un terrain autre que celui de la faute, notamment sur le terrain de la rupture de l’égalité.

=> Les mesures de polices sont toujours unilatérales, il s’agit d’une prérogative de puissance publique qui ne peut
être concédée (il ne peut y avoir de conventions portant sur cet exercice). La jurisprudence est constante sur ce point
depuis un arrêt de 1932 (arrêt Cadel ?)

CE, 8 mars 1985, Amis de la terre


Le CE affirme qu'il n'est pas possible de contracter sur un domaine qui relève du pouvoir exclusif de la puissance
publique de police, ainsi la responsabilité du pouvoir de police reste entre les mains de l’autorité de police.

Dans l’affaire du Bois des loges (cf. supra), le CE observe que le préfet a imposé à l’entreprise le respect de
prescriptions visant à assurer précisément la protection de l’environnement telle qu’exigée par la police spéciale de
l’environnement. Le préfet n’a pas passé de contrat, il a imposé unilatéralement à l’usine de respect des prescriptions.

Ces actes sont donc unilatéraux, qu'ils soient de nature réglementaires ou individuels.

=> Les mesures de police administrative se distinguent des sanctions administratives


La répression en France s’organise selon la loi pénale le plus souvent, mais parallèlement à cela s’est
développé un pouvoir de sanctions administratives : l’administration sanctionne.
Ex. : Le CSA peut prendre des sanctions administratives (régime juridique très encadré et proche des sanctions pénales.
Encadré par le droit). Alors que quand ce sont des mesures de police administrative, les mêmes garanties ne sont pas
exigées, elles sont différentes et le régime est beaucoup moins protecteur.

=> Quelles mesures l’autorité de police peut-elle prendre ?


Ces autorités peuvent-elles assujettir les libertés aux règlementations qu’imposent le respect de l’ordre
public général ou spécial dont elles sont en charge ? Il est donc possible d’imaginer une règlementation des libertés qui
conduirait à un régime de liberté maximale à un régime de liberté circoncit. On distingue ainsi trois régimes :
Le régime d’autorisation : la liberté peut-être exercée à condition d’avoir une autorisation de la part de
l’administration. Régime de déclaration : un peu plus souple, la liberté peut-être exercée à condition de se déclarer
auprès de l’administration. Enfin, le régime le plus favorable à la liberté : on peut exercer la liberté à condition de
l’exercer correctement, en respectant la liberté des autres.

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CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac
Affaire concernant une commune dans laquelle le maire a décidé de règlementer la profession des photographes-
filmeurs, en soumettant à autorisation l’exercice de cette profession. Le CE dit qu’il n’est pas légal de soumettre à
autorisation l’exercice de cette activité économique. Cette liberté ne peut faire l’objet d’une règlementation de
police relative à un régime d’autorisation.

Puis, la Constitution de 1958 confie à la loi le soin de fixer les garanties fondamentales dans l’exercice
des libertés publiques. Ainsi, soumettre à l'autorisation l’exercice d’une liberté revient à toucher aux garanties
fondamentales. De fait, la jurisprudence Daudignac est confirmée par l’article 34 de la Constitution qui exige une
intervention du législateur en cas de mise en cause d’une garantie fondamentale accordée au citoyen dans l’exercice
d’une liberté publique.

Mais la loi pourrait-elle soumettre toutes les libertés à un régime d’autorisation ?


Conseil Constitutionnel, 16 juillet 1971, Liberté d'association
Réponse négative du Conseil Constitutionnel. Il refuse à la loi le pouvoir de soumettre la liberté d’association à un
régime d’autorisation.
Même position concernant la liberté de presse (décisions de 10 et 11 octobre 1984).

=> Les mesures de polices posent des problèmes en terme d’exécution.


L’autorité de police doit s’assurer de l’exécution des mesures de polices. Elles doivent assurer leur
exécution. Mais peut-on assurer par la force l’exécution des mesures administratives de police ? Normalement, si
l’administration dispose du « privilège du préalable », elle ne dispose qu’exceptionnellement du pouvoir
d’exécution d’office.
TC, 2 décembre 1902, Société immobilière Saint-Just
Dans les conclusions du CDG Romieu, celui-ci s’interroge sur les possibilités de l’administration d’agir par la force. Il
estime que cette exécution forcée ne peut intervenir dans n’importe quelle condition. Normalement, les mesures de
polices peuvent-être exécutées par les particuliers eux-mêmes car s’ils n’exécutent pas les décisions de l’administration,
ils seront passibles de sanctions pénales.
L'exécution forcée peut intervenir dans l’hypothèse où aucune sanctions pénales ne viendraient
sanctionner la méconnaissance d’une mesure administrative (ce qui n'est donc pas le cas pour les mesures de police)
Il également possible, indépendamment de ka présence de sanctions pénales, de recourir à l’exécution
d’office en cas d’urgence.

La réquisition quant à elle est possible dans le cadre de la police administrative générale même sans
textes, mais l'intervention ne peut être effectuée qu’à titre exceptionnel, quand il y a urgence, après recours aux
procédés de droit commun, et pour assurer le respect de l’ordre public. Les pouvoirs de réquisitions en matière de
police administrative générale du préfet ont été élargis par des textes (Entre autres, l'ordonnance de 1959 permet au
préfet de requérir les logements qui seraient nécessaires pour loger des personnes dans le besoin). Au titre de la police
administrative spéciale, le préfet dispose également de pouvoirs de réquisition lorsque que des troubles à l'ordre public
concernent plusieurs communes afin d'y mettre fin (il peut alors requérir des biens ou des personnes).

Section 2 : L’encadrement juridictionnel des mesures de polices

Le contentieux permet de décrypter les conditions de légalité des mesures de police.


Le juge administratif intervient dans le cadre du recours pour excès de pouvoir, du recours en référé,
du recours classique, et du recours de pleine juridiction (lorsqu’il s’agit d’indemnisation).

Le juge judiciaire peut intervenir à titre pénal. Le juge civil peut également connaitre des mesures de
police pour celles qui constituent une voie de fait, notamment lorsque l’exécution d’office d'une mesure administrative
ne présente pas les conditions nécessaires pour.

Le juge européen, à travers la CEDH, est fréquemment saisi de mesures de police car les libertés ne
peuvent-être limitées que pour certains objectifs, mais à la condition que les mesures prises soit des mesures
nécessaires dans une société démocratique.

De la jurisprudence ressort l'idée qu’il faut distinguer entre la légalité en période normale, et la légalité
en période de crise.

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§1) La légalité des mesures de police en période normale

Les mesures de police, comme tout acte administratif, voient leur légalité subordonnée à des règles de
légalités externes et internes.

=> Au titre de la légalité externe, le juge administratif appréciera si l’autorité avait bien compétence pour intervenir. Il
appréciera également le respect des règles de procédures ; or, en matière de police, les décisions individuelles
défavorables sont assujetties à des règles de procédures notamment au niveau de la motivation et de la procédure
contradictoire (cf. Cours Capitant).

=> Certaines règles gouvernent la légalité interne, c'est-à-dire le fond même de l’acte administratif. Il y a une règle de
but : le pouvoir de police ne peut s’exercer dans un autre but que celui qui lui est assigné. Le juge administratif
contrôle également le contenu de la mesure de police : il recherche si la mesure respecte les normes juridiques
situées au-dessus dans la hiérarchie des normes (à savoir : les règles internationales, les normes constitutionnelles, la
loi, et les PGD).

A) Le contrôle des motifs de fait des mesures de polices administratives générales

Il y a un contrôle de motifs : Il peut y avoir une erreur de droit (mauvaise interprétation des textes) ou
de fait (le fait à l’origine pouvait-il justifier la mesure ? Question également de la qualification juridique des faits).
Concernant l'erreur de fait, le juge administratif peut être saisi sur la question de l’exactitude matérielle des faits. En
effet, lorsque les faits invoqués ne se sont pas produits, il y a une erreur de fait. Ensuite, le juge contrôle la qualification
juridique, et exerce aussi un contrôle « normal », plus poussé, en recherchant l’adéquation (la proportionnalité) de la
mesure de police à la situation de fait. Il exerce ainsi un contrôle maximum, c'est-à-dire particulièrement poussé

CE, 19 mai 1933, Benjamin


Le Conseil d'État, a propos d’une mesure de police générale, se déclare compétent d’exercer ce contrôle maximum. Un
homme souhaitait en effet faire conférence à Nevers. Elle a été interdite par le Maire, car celui-ci craignait un trouble à
l'ordre public en raison des convictions catholiques de cet homme et de ces propos polémiques à propos des instituteurs
laïcs. Il défère alors au Conseil d'État cette mesure. Le juge administratif annule la mesure, considérant que l’éventualité
d'un trouble ne présentait pas un degré de gravité suffisant. L’interdiction est disproportionnée par rapport aux
exigences de maintien de l'ordre public. Ainsi, le Conseil d'État relève que l’interdiction doit concilier l’exercice du
pouvoir avec la liberté d’expression. Il doit y avoir donc une adéquation des moyens, elle doit être recherchée par les
maires afin d’assurer le respect de l’ordre public.
Le juge s'est montré méfiant a l’égard des mesures générales et absolues car elles ne prennent pas les
circonstances qui pourraient évoluer dans le temps :

− La liberté
A ce sujet, le juge s'est montré plus protecteur, notamment lorsque sont en jeu les libertés les plus importantes. Au
début du 20e siècle, avec la question de la laïcité, le Conseil d'État s'est montré soucieux de permettre d’assurer le
respect de liberté d’expression de la conviction religieuse. Il prend en ce sens des décisions qui s’opposent à des
décisions municipales.
CE, 19 février 1909, Abbé Olivier
Le Conseil d'État statue à propos des cortèges funèbres religieux sur la voie publique. Il incombe à l'autorité de police
« de respecter autant que possible les habitudes et les traditions locales et de n'y porter atteinte que dans la
mesure strictement nécessaire au maintien de l'ordre ».

Si les processions et manifestations non traditionnelles ont été moins rigoureusement protégées à
l'origine, le Conseil d'État n'a pas tardé à les faire bénéficier du contrôle général qu'il exerce sur toutes les interdictions
de police et à annuler les interdictions trop générales ou ne reposant pas sur la nécessité de maintenir l'ordre public.
Tenant compte de l'évolution générale de l'esprit public, il se montre exigeant quant à la nature et à la gravité de la
menace alléguée par l'administration :
CE, 14 mai 1982, Association internationale pour la conscience de Krisna
Le Conseil d'État juge que le préfet de police a porté une atteinte illégale à la liberté des cultes en interdisant une
cérémonie et office religieux organisés par les adeptes.

Toutefois, le Conseil d'État juge légale l'interdiction de ces manifestions lorsque le danger pour l'ordre
public est vraiment grave : tel est le cas notamment si une manifestation religieuse analogue a provoqué& des troubles
dans les communes limitrophes (CE, 2 juillet 1947, Guiller).

15 | 97
CE, 1960, Ville de Rouen
Le CE censure l'arrêté municipal interdisant l’activité des photographes filmeurs dans les rues les plus passantes de la
ville (ce qui empêchait de fait la profession).

CE, 12 mars 1968, Ministre de l'intérieur c/ Epoux Leroy


L'interdiction de cette même activité sur la route nationale qui mène au Mont Saint-Michel est cette fois-ci légale, bien
qu’elle soit générale, car la profession à cet endroit présente une spécificité de danger.

TA Pau, 22 novembre 1995, M. Couveinhes c/ Commune de Pau


Le Tribunal administratif annule l’arrêté anti-mendicité, car il est trop général puisqu’il interdit la mendicité en centre
ville et dans tous les lieux publics de la commune et il interdit la consommation de boisson alcoolisée hors des terrasses
de café.

B) Le contrôle des motifs de fait des mesures de polices administratives spéciales

Prévues par la loi, le législateur confie ces polices administratives spéciales à des autorités particulières
en précisant l’étendu du pouvoir de celles-ci. Cela donne lieu à des contrôles de constitutionnalité. Le juge
administratif, quant à lui, intervient lorsque les mesures de police sont prises en application de ces lois régissant ces
polices spéciales. La loi définissant l’étendue de ces pouvoirs, ces polices ont donc une marge de manœuvre. Depuis
une vingtaine d'années, le juge administratif se montre plus exigeant dans le contrôle des polices spéciales, alors
qu'avant il se limitait aux erreurs de fait (notamment dans le domaine de la haute police des étrangers).

− Concernant les publications étrangères, il y a un décret-loi du 6 mai 1939 par lequel le gouvernement
donne au Ministre de l’Intérieur la possibilité de les interdire.

CE, 17 décembre 1959, Société Olympia


Saisit à propos de l’interdiction d’un ouvrage, le Conseil d'État juge que l’appréciation du Ministre de l’Intérieur n'est
pas susceptible d’être discutée devant le juge administratif. Le ministre est libre concernant les interdictions.

CE Ass., 2 novembre 1973, Société Anonyme "Librairie François Maspero"


Le Conseil d'État, se prononçant sur la légalité d’une interdiction d’une revue, accepte, pour la première fois, d’exercer
un contrôle de la qualification juridique des faits. Ce n'est pas un contrôle normal classique mais un contrôle limité et
restreint car il se borne simplement à voir si le Ministre n’a pas fait une erreur manifeste dans l’appréciation (pas le
cas en l'espèce).

CE Sect., 9 juillet 1997, Association Ekin


Désormais, le juge exerce un contrôle normal et entier de la qualification juridique des faits. En l'espèce, il s'agit d'une
revue basque interdite en France. Le Conseil d'État considère que l’interdiction de la revue est illégale, en constatant
une violation de l’art. 10 CEDH qui protège la liberté d’expression (il rappelle toutefois l’exigence de conciliation de
cette liberté avec l'intérêt général). Ainsi, le Conseil d'État accroit son contrôle et considère qu’il doit assurer la
conciliation des libertés avec l’ordre public.

CEDH, 17 juillet 2001, Association Ekin c/ France


La CEDH va encore plus loin que le Conseil d'État. Pour la Cour, le régime des publications étrangères en France ne
concilie pas les exigences d’intérêts généraux avec la liberté d’expression. Dans une société démocratique, les
publications étrangères ne peuvent pas être soumis à un tel régime.

CE, 7 février 2003, GISTI


Le GISTI demande au Premier ministre d’abroger le décret-loi de 1939. Suite au refus, le Conseil d'État s’estime
compétent et considère que ce refus est illégal. Le Conseil d'État enjoint ainsi au Premier ministre d’abroger ce régime
des publications étrangères.
Le 4 octobre 2004, le Premier ministre abroge le décret en cause.

Ainsi, on a pu voir que le juge administratif a accru son contrôle en matière de publications étrangères.

− Les étrangers peuvent faire l’objet de mesures de reconduite à la frontière lorsque ils sont en situation
irrégulière sur le territoire, suite à la décision d'un préfet. L'expulsion permet aux autorités de renvoyer des
immigrés illégaux pour des motifs particuliers (comme par exemple en cas de menaces graves à l’ordre
public).

16 | 97
CE, 3 février 1975, Ministre de l'intérieur c/ Pardov
En application de la jurisprudence Maspero, le Conseil d'État examine si la mesure prise par le Ministre n'est pas
entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au niveau de la qualification des faits.

Les étrangers peuvent invoquer l'art. 8 de la CESDH (droit à une vie familiale normale), et aussi l'art. 3
qui interdit la torture et traitement inhumain. En effet, l’éloignement porte atteinte à leur droit à avoir une vie familiale
normale et le pays d'origine les expose potentiellement a des traitements inhumains ou dégradants. Le Conseil d'État,
prenant en compte ces articles, accepte d’exercer un contrôle de proportionnalité.

CE Ass., 19 avril 1991, Belgacem et Babas


Le Conseil d'État considère que l’expulsion est illégale car elle est inconciliable avec leur droit a une vie familiale
normale.

CE Sect., 10 avril 1992, M. Aykan


En l’espèce, M. Aykan, ressortissant turc, avait épousé une Française alors qu’il était détenu en Allemagne pour trafic
de stupéfiants, et avait demandé un visa français à la veille de sa libération. Le Conseil a estimé que le refus opposé par
l’administration n’avait pas porté, eu égard à la menace que sa venue en France aurait fait peser sur l’ordre public, une
atteinte excessive à sa vie familiale.

− Police du cinéma

Le Ministre de la Culture peut normalement refuser le visa, mais :


CE Ass., 24 janvier 1975, Ministre de l'Information contre société Rome-Paris Films
Saisi du refus de visa d’exploitation du film « La Religieuse », le Conseil d'État va juger ce refus illégal. Le Conseil
d'État encadre le pouvoir du Ministre de la Culture : il doit concilier la liberté des spectateurs et de l’exploitant, avec les
intérêts généraux dont le Ministre à la charge.

− Police sanitaire

CE Sect., 25 février 1994, Ministre délégué à la santé


Ouverture d’un laboratoire pharmaceutique sous un régime d’autorisation. Il est prévu que l’autorisation peut-être
suspendue ou retirée. Lorsque le laboratoire a procédé à la détection du virus de SIDA, il s'est vu retiré son autorisation.
Le Conseil d'État, transposant la jurisprudence Maspero, recherche si le Ministre de la Santé n’a pas commis d’erreur
manifeste sur le comportement de ce laboratoire. Il jugera que le retrait est illégal.

§2) La légalité des mesures de police en période de crise

Le temps est un paramètre de droit important, il faut adapter les mesures aux circonstances.
Le juge administratif accepte ainsi que les autorités prennent des mesures plus restrictives de la liberté,
tant qu'elles sont justifiées par des circonstances (crises). Il prend en considération « l’urgence », comme le législateur
le fait : en effet, quand il y a urgence, la loi admet que les décisions administratives qui devraient être motivées ne le
soient pas directement. Par exemple, la loi de 1979 atténue les exigences de formes quand il y a urgence, et le juge
admet l’exécution forcée des décisions (TC, 2 décembre 1902, Société immobilière Saint-Just).
Le juge administratif contrôle toutefois l’urgence invoquée. Il regarde si les faits sont de nature à faire apparaître une
urgence afin ensuite d’apprécier la légalité des mesures.

A) Les textes

L’art. 16 de la Constitution donne au Président de la République un pouvoir absolu en cas d’urgence. Il a


été utilisé une seule fois, du 23 avril 1961 jusqu'au 29 septembre 1961. La décision de mettre en œuvre l’art. 16 a été
contestée devant le Conseil d'État :
CE Ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens
La décision du Président de la République était un acte de gouvernement. Le Conseil d'État est donc incompétent pour
apprécier la légalité de l’acte.

L’art. 16 précise les conditions de la mis en œuvre, et pose des limites. Avec la révision constitutionnelle
du 23 juillet 2008, son usage temporel a été encadré. Il est prévu trois temps :
=> Après 30 jours d’exercice de ce pouvoir exceptionnel, le Conseil constitutionnel peut-être saisi afin d’examiner si les
conditions de mis en œuvre demeurent réunies. Il doit se prononcer par un avis rendu public.

17 | 97
=> Au terme de 60 jours, le Conseil constitutionnel procède de plein droit a cet examen, et se prononce par un avis
rendu public.
=> Après le 60ème jour, le Conseil Constitutionnel peut procéder à tout moment et de plein droit à cet examen. Il y a une
pression politique

Concernant l'application de l'art. 16 :


Le Conseil d'État est saisi d’une décision prise en application de l’article qui institue un Haut Tribunal militaire. Le
Conseil d'État fait la distinction entre l’exercice par le Président de la République du pouvoir législatif dans les matières
énumérées à l’art. 34 de la Constitution et l’exercice du pouvoir réglementaire dans les matières prévues à l’art. 37 de la
Constitution. Le Conseil d'État recherche si, en créant ce tribunal, le Général est intervenu dans le champ de l’art. 34 ou
s'il est intervenu dans le champ de l'art. 37.

Il n'y a pas que l'article 16 qui met en place des mesures d’exceptions. Il existe en effet des textes de loi
qui peuvent organiser le régime d'exception.
(Conseil Constitutionnel, 25 janvier 1985, Loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances)

Il existe une loi sur l’état de siège qui date du 9 août 1849. Elle est encadrée par l'art. 36 de la
Constitution, et concerne les situations telles que la guerre, l’insurrection armée etc. Elle permet le transfert du pouvoir
de police des autorités civiles aux autorités militaires. Le décret d'application doit être prolongé par une loi si l’état de
siège dure au delà de 12 jours. Le pouvoir de police est étendu : Pouvoir de perquisition, remise des armes, interdiction
de publication, éloignement des résidents, liberté de réunion interdite.
Durant la Première Guerre Mondiale, à propos de la liberté de commerce et d’industrie des cafés, et de la
liberté d’aller et venir des prostitués, le Conseil d'État a rendu un arrêt :
CE, 28 février 1919, Dames Dol et Laurent
L'extension des pouvoirs de police est admise en cas de guerre et de circonstances exceptionnelles. Les restrictions de
ces libertés sont justifiées par la situation.

Il existe également une loi sur l'état d'urgence, qui date du 3 avril 1955, lorsqu'il est apparu, en pleine
guerre d'Algérie, que les pouvoirs des autorités publiques étaient encore insuffisants. Cet état est décrété en conseil des
ministres, en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ou de calamité publique. Là encore, au
bout de 12 jours, il doit être prolongé par une loi. Il permet aux autorités civiles de conserver leurs pouvoirs de police
qui font, cependant, l'objet de nombreuses extensions. Dans les zones où il est déclaré, il devient possible de restreindre
la liberté de circulation, d'ordonner la remise des armes, de contrôler la presse et l'audiovisuel ainsi que les spectacles,
notamment. Il peut également y avoir un décret spécial lorsque il y a un état d'urgence aggravé. Il permet des mesures
encore plus restrictives.
Frier : La mise en œuvre de ces différents textes dans des circonstances oh combien troublées ! n'a pas
exempte de multiples irrégularités ; ainsi, en Algérie les pouvoirs conférés par la loi sur l'état d'urgence aux autorités
civiles ont été souvent transférés à l'armée, et l'interdiction formelle édictée par la loi de créer des comptes
d'internement a été violée sans que les juridictions aient pu, en admettant même qu'elles l'eussent voulu, être d'une
quelconque efficacité. Le contentieux auquel a donné lieu le recours à l'état d'urgence, fin 2005 (deux décrets du 8
novembre 2005, prorogé par une loi du 21 novembre, fin le 3 janvier 2006), pour faire face à de graves violences
urbaines, enseigne que le contrôle du juge est sur le fond, contrasté : limité quant à la décision de déclarer l'état
d'urgence, assez étroit en ce qui concerne les modalités de la mise en œuvre de celui-ci (CE Ord., 14 nov. 2005, M.
Rolin | CE Ord., 9 déc. 2005, Mme Allouache et autres | CE Ord., 21 nov. 2005, M. Boisvert | CE Ass., 24 mars
2006, M. B et autres)

B) Circonstances exceptionnelles

De manière prétorienne, le juge administratif élabore la théorie des circonstances exceptionnelles.


Certaines décisions administratives illégales en temps normal peuvent devenir légales durant certaines circonstances.
Ces circonstances justifient une adaptation de la légalité. Cette construction date de l’arrêt CE, 28 Juin 1918, Heyriés.

1) Les conditions

La jurisprudence ne définit pas les circonstances, mais s’y réfère au cas par cas (Première Guerre
Mondiale, trouble en outre-mer, insurrection etc.). On parle ainsi de circonstances particulières tant à propos de mai 68,
que lors de l’explosion d’un volcan en Guadeloupe.
Quatre éléments :
=> Il faut un événement déclencheur
=> Il faut une persistance de la situation : les pouvoirs demeurent tant que durent les circonstances.

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=> L’administration doit prendre des mesures « illégales » à titre subsidiaire, c'est-à-dire qu'il faut qu’elle soit dans
l’impossibilité d’agir légalement
=> Les mesures doivent être justifiées par l’intérêt général de l’ordre public.

2) Les effets

Il y a un assouplissement de la légalité car les circonstances justifient une adaptation. Les mesures
illégales deviennent légales du fait des circonstances.
Ainsi, en temps normal, la loi impose que lorsqu’un fonctionnaire est suspendu, il a le droit à la communication de son
dossier. Or M. Heyriés est suspendu pendant la guerre et on ne lui communique pas son dossier. Le Conseil d'État
admet qu'en raison des circonstances, cette garantie légale puisse ne pas être respectée.
Les arrêts Couitéas et Cartonnerie « Saint-Charles » (cf. supra) illustrent également cela (Rappel : les décisions
d’expulsions ne sont pas exécutées, ce qui est normalement illégal, mais pas en l'espèce car cette inexécution était
justifiée par les circonstances).

3) Contrôle des mesures administratives prises en circonstances exceptionnelles

CE Ass., 19 octobre 1962, Canal, Robin et Godot


Condamnés à mort par la Cour Militaire de Justice (créée par le Général De Gaulle pour juger les actes en relations avec
les événements d’Algérie), ils décident de saisir le Conseil d'État contre la décision de la Cour militaire de justice, et
forme un recours en annulation de l’ordonnance par laquelle le Général a crée la Cour (accords d’Evian entre la France
et Algérie). L’ordonnance référendaire est soumise au Conseil d'État. Il considère que la loi de 1962 n’habilite pas le
Général à exercer le pouvoir législatif, mais qu’exceptionnellement son pouvoir réglementaire peut prendre par
ordonnance des mesures qui relèvent normalement de la loi. L’ordonnance n'est alors qu’une extension de son pouvoir
réglementaire et est donc de nature réglementaire.
Il y a un souci d'encadrer les mesures non prévues par la Constitution et considère de fait l'ordonnance comme une
extension du pouvoir réglementaire du Président. Il exerce pour cela un contrôle maximum (vérifie les circonstances,
l'adéquation, la durée...). En l'espèce, l'ordonnance a été annulée.

TC, 27 mars 1952, Dame de la Murette


En période de circonstances exceptionnelles, le juge administratif garde la main, et le juge judiciaire ne peut statuer par
voie de fait. Les personnes victimes d’une illégalité en période de circonstances exceptionnelles peuvent engager la
responsabilité pour faute ou sans faute de l’Etat. L'inexécution de la décision de justice par exemple (cf. supra), si elle
est justifiée par les circonstances, le juge administratif retient toutefois la responsabilité sans faute de l'administration
sur la base de la rupture de l’égalité devant la charge publique.

Frier : L'ensemble des décisions n'échappe pas au contrôle juridictionnel, même si sa portée réelle dans
des situations de crise exceptionnelle est réduite. Appliquant toujours le principe de proportionnalité des mesures de
police, le juge n'autorise la dérogation que si, en fonction des objectifs à atteindre dans des circonstances
particulièrement délicates et en fonction du degré de l'atteinte apportée aux libertés, la mesure prise est strictement
nécessaire, que s'il y a une adéquation parfaite entre la situation et la dérogation (CE, 10 déc. 1954, Desfont et
Solovieff). Cette jurisprudence n'est donc pas exempte d'ambiguïté car en même temps qu'elle fixe des limites au
bouleversement du droit, elle l'autorise pourtant.

19 | 97
Titre 2 : Le service public

Forme de l’action administrative, le service public est une notion essentielle en droit administratif dans la
mesure où le service public détermine largement le champ de compétence de l’action administrative ainsi que
l’application du droit administratif.
TC, 8 février 1873, Blanco
Le Conseil d'État, dans le cadre de l'exercice de sa compétence de justice déléguée, se voit chargé par le Tribunal des
Conflits de régler le problème de la responsabilité de l’Etat du fait du fonctionnement d’un service public de tabac à
l’origine d’un dommage causé à Agnès. Le Tribunal précise que la responsabilité qui peut incomber à l’Etat ne peut
être régie par les principes du Code civil. Il indique :
=> La juridiction administrative est compétente pour un dommage causé par un service public. Cette juridiction ne peut
pas appliquer les règles du droit civil.
=> Il appartient au juge administratif de fixer des règles spéciales de cette responsabilité de l’administration.
=> Il met en valeur la notion de service public, et en fait le critère de compétence de la juridiction administrative et
d’application du droit administratif. Le service public est donc une notion juridique (pas seulement) qui emporte des
effets juridiques.
Jacques Chevallier : « La notion de service public est difficile à appréhender et à cerner parce qu’elle est saturée de
significations multiples ; la notion est juridique, mais elle est aussi institutionnelle et idéologique. »
C'est aussi une notion institutionnelle. En effet, la service public renvoie a la notion de sphère
publique : Il définit le champ de cette sphère en opposition à la sphère privée. Ainsi, le service public est un ensemble
d’organismes qui se rattache a la sphère publique.
Une notion idéologique : le service public sculpte le mythe d’un État bienveillant et soucieux de l’intérêt
de tous. Duguit définit ainsi l’Etat à partir du service public. Il rompt ainsi avec la tradition en pensant l’Etat non en
terme de puissance, mais en le pensant comme animé d’une finalité, comme exerçant une mission et se définissant par
la satisfaction de l’intérêt général comme objectif. L'État se confond avec le service public, son pouvoir est légitime s’il
est utilisé pour satisfaire la collectivité. C'est un État de service, qui place le service public au cœur de l’Etat.

L’avènement du service public marque donc un changement fondamental dans la conception de l’Etat.
L'État conçu comme une puissance inconditionnée devient un État prestataire de services, trouvant sa légitimité dans
son but poursuivi. Il est le responsable actif de la croissance de la société, c'est le facteur du dynamisme économique.
Toutefois, il reste soumis au droit. Cela explique la profondeur de l’enracinement en France de l’Etat-providence. Cette
conception imprègne la pensée politique du 20e siècle.

Ces différentes conceptions traduisent la place particulière de la notion dans la théorie de l’Etat mais aussi
dans le droit administratif français. La notion de service public s’est progressivement développée : du service public on
est passé à « des services publics ». « Par un glissement verbal, on passe du service public, principe unificateur, aux
services publics, activités précises considérées une à une, puis aux organismes. Ainsi, le même mot désigne un concept
général ».

Chapitre I : L'unité de la notion de service public


Le service public obéit à des règles communes : la qualification de service public implique l’application
de principes communs à eux tous..

Section 1 : L'identification

Il s'agit d'abord d'identifier les effets juridiques.


Il n'existe aucune définition légale générale du service public. Toutefois, la question ne se pose pas toujours. Un texte
peut en effet qualifier une activité expressément comme un service public (ex. : le service public hospitalier dans le
code de la santé publique). La qualification légale peut être implicite, résulter des dispositions ou de l’intention du
législateur :
CE Ass., 31 juillet 1942, Monpeurt (GAJA)
CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen (GAJA)
CE Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI)
Hormis l'intention du législateur, l'exercice d'une mission de service public par une personne privée résulte d'une
mission d'intérêt général et de prérogatives exorbitantes ou à défaut de ces dernières se déduit d'un faisceau d'indices.
Le Conseil d'État s'appuie donc sur une qualification implicite du législateur (sur l’intention du législateur). Il écarte la
mission de service public en se fondant sur les dispositions de la loi éclairées par les travaux préparatoires,
« Indépendamment des cas dans lesquels le législateur a voulu reconnaître ou exclure l’existence d’un service

20 | 97
public... ».
Le juge est amené ainsi à identifier lui-même le service public et effectue pour cela une double approche :
Une approche organique et fonctionnelle qui conduit à définir le service public comme « une activité d’intérêt
général assurée par l’Administration » (Chapus).

§1) L’élément fonctionnel (« Une activité d’intérêt général »)

L'activité de service public consiste en des prestations ou des réglementations.


=> Prestations collectives (grands services publics régaliens tels que la Défense nationale, le Fisc, la Police, la Justice,
la Santé etc.), individuelles (Distribution de l’eau, Transports, certains services publics régaliens comme la Police et la
Justice etc.).
=> Réglementations.

L'intérêt général est une finalité consubstantielle du service public : il s'agit de satisfaire les besoins
de la collectivité. On distingue la conception anglo-saxonne de la française.

=> La conception anglo-saxonne


La conception anglo-saxonne est utilitariste. L’intérêt général est perçu comme la mise en commun d’un
certain nombre d’activités pour satisfaire les intérêts individuels. Les public utilities sont donc la somme des
intérêts généraux particuliers. Dans ce soucis, selon la conception utilitariste, l’intérêt général est atteint par la
« main invisible » d’Adam Smith : de la recherche des intérêts particuliers, sortira l'intérêt général. Cette conception
inspire donc ces public utilities qui ont une approche pragmatique et ne sont pas dirigés par des principes communs
théoriques.

=> La conception française


La notion d'intérêt général renvoie a des notions anciennes mise en exergue par Platon : on y voit l’idée
d'un bien commun aux habitants. Développée ensuite par la tradition chrétienne et notamment par Thomas d’Aquin, la
conception française souligne la primauté du bien commun sur les intérêts des particuliers. Ce bien commun
transcende les intérêts particuliers. On fait donc confiance a la volonté générale, et ainsi, l'intérêt général est recherché
par les représentants. La conception républicaine de la notion est volontariste, c'est au pouvoir public de rendre compte
de l’intérêt général et d’instituer les services publics qui commandent sa satisfaction.
Duguit considérait que cet intérêt s’imposait de lui-même : « toute activité dont l'accomplissement doit
être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la
réalisation et au développement de l'interdépendance sociale et qu'elle est de telle nature qu'elle ne peut être réalisée
complétement que par l'intervention de la force gouvernante ». Les disciples de Duguit, notamment Jèze et Mestre, ont
quant à eux, une vision subjective de l’intérêt général : « sont uniquement des services publics les besoins d’intérêt
général que les gouvernants d’un pays donné à une époque donnée ont décidé de satisfaire par le procédé du service
public ».
C’est donc une notion contingente qui évolue au fil des nécessités perçues par les gouvernants. Ainsi, dans un État
libéral attaché aux libertés (notamment économiques), le champ des services publics est borné aux attributions
naturelles de l’Etat (activités régaliennes par lesquelles il exprime sa souveraineté). Une position de la doctrine, celle de
Hauriou, consiste à dire que l'État doit se cantonner à ces fonctions. Cette idée va être appuyée par la jurisprudence :
On remarque ainsi la jurisprudence du début du XXe sur le socialisme municipal (prônant l'intervention économique
des collectivités territoriales) : le Conseil d'État censure ces initiatives prises par des collectivités territoriales avec
CE, 29 mars 1901, Casanova
Le Conseil d'État est hostile à la création de ces services publics (mis en place par les collectivités territoriales et ayant
pour but de mettre en place ce socialisme municipal.

De même,
TC, 9 décembre 1899, Association syndicale du canal de Gignac et CE, 7 avril 1916, Astruc
Dans ces deux arrêts, Hauriou refuse de voir dans les activités de spectacles et de théâtre un service public, faute
d'intérêt public. Dans sa note sous le premier arrêt, il explique que « si l'État entreprend de satisfaire, en plus des
intérêts politiques dont il a naturellement la charge, des intérêts d'ordre économique, si es entreprises agricoles ou
industrielles deviennent des membres de l'État, (…) nous disons que c'est grave, parce qu'on nous change notre État ».

Avec l'avancée du libéralisme, l’intérêt général va toutefois se dilater, sous l’influence de plusieurs
facteurs :
=> Des causes économiques avec l’industrialisation qui va être de plus en plus importante à partir de la fin du 19ème.
Ce phénomène d’urbanisation va exiger la création de centres urbains. Ensuite, il y a la Première Guerre Mondiale et
la crise économique de 1929 qui vont avoir une influence sur la position de l'État en le contraignant à intervenir

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davantage.
=> Des causes politique et idéologique. On assiste à un progrès de l’idéal républicain : sous les IIIème et IVème
Républiques, il y a une prise de conscience des droits et libertés, qui, pour pouvoir s’exercer librement, doivent
nécessiter une intervention de la puissance publique. Par exemple, les droits-créances, inscrits dans le Préambule
de 1946 (santé, aide sociale, etc.), impliquent une intervention active de l’Etat et la création de services publics.
Ensuite, il y a une influence résultant de la dynamique des Droits de l'Homme, en germe à travers les mouvements
sociaux à la fin de la IIIème République et ensuite très animée après la Seconde Guerre Mondiale.
Il y a également une influence de la pensée socialiste et du solidarisme (Léon Bourgeois). Ces idées vont expliquer
que progressivement, il y a une prise de conscience de besoins qui doivent être satisfaits si l'on veut satisfaire l'intérêt
général.
La logique bureaucratique conduit les agents à développer ceci afin de légitimer leur position et constitue alors un
moyen d’affirmer leur autorité.
Au-delà de cette logique bureaucratique, il y a une demande incontestablement grandissante :
Terrains de foot, parcours de golf, animations locales : cela devient presque de l'intérêt général ! Les élus sont alors
obligés de satisfaire ces demandes locales. Dans le domaine culturel, dès 1923, le théâtre est un service public, puis suit
le cinéma, le patrimoine (musée, bâtiments)... Aussi, satisfaction des besoins sociaux (la sécurité sociale en 1945), des
services de santé. Le social c’est aussi le logement social avec la création des HLM. Le service public est aussi
économique : développement de marchés agricoles (marché des céréales, de la viande etc.).

CE Sect., 28 juin 1963, Narcy


On considère comme service public un service de développement de l’industrie.

CE Sect., 22 novembre 1974, Fédération des industries françaises d'articles de sport (FIFAS)
Le Conseil d'État estime que l’organisation de compétition sportive par les fédérations habilitées à cela, constitue un
service public.

Au-delà du sport, on va voir dans le domaine des loisirs, une parade de jazz, un lâché de taureaux, des feux d’artifices,
l’exploitation d’une plage, un café, un restaurant, être considérés comme des actes d'intérêt général constitutifs de
service public. Il y a également le tourisme avec les offices de tourisme. Plus récemment, il y a le soucis de l’écologie et
de la protection de l’environnement. BREF (enfin !), l'intérêt général se dilate de façon extrême.

En ¾ de siècle, les services publics sont devenus très nombreux, ils caractérisent l’activité principale de
l’Etat, et ont acquis une dimension « mythique » (J. Chevallier) en raison de leur grande utilité pour la croissance
économique et sociale. De Gaulle saluait l’importance des services publics pour le développement industriel de la
France. Le service public apparait également comme un moyen de réduire les inégalités sociales et il a donc un rôle
essentiel en permettant la cohésion et la paix sociale (« Quelle merveille que la sécurité sociale ! »). Toutefois, plusieurs
facteurs dans les années 80 vont conduire à stopper cette extension des services publics. On assiste à une altération du
mythe du service public, notamment en raison de la conjoncture économique marquée par la première crise pétrolière
qui va exiger à une réduction des dépenses publiques. On va ainsi vouloir mettre fin au gaspillage en introduisant la
notion de rendement des services publics. Cette envie de productivité, de rendement, de performance a pour
conséquence de réduire les budgets publics. Parallèlement, on assiste à une montée de l'individualisme. Il y a également
un effet non désiré des services publics : ceux-ci peuvent être facteur d'inégalité sociale. En effet, de nombreux services
publics sont utilisés en premier par des classes économiquement favorisées (ex. : terrain de tennis). D'autre part, l'image
du service public se dégrade du fait de certaines affaires de corruption et de confusion des intérêts publics/privés. Il y
a aussi un phénomène de « pantouflage » : les énarques sont allés de plus en plus, dans les années 80, dans le secteur
privé. DE PLUS (!!!), il y a également des contraintes juridico-politiques telles que les contraintes du marché, du droit
de la concurrence, de l'Union Européenne. Évolution de la politique par la montée en puissance de l'idéologie
néolibérale : il s'agit notamment de mettre en place un « droit sans l'État » (Laurent Cohen), en voulant montrer que
l'État est omniprésent et omnipotent (?). On s'interroge sur l'intérêt général et sur ses limites. Tout le monde est d'accord
pour un noyau dur (les grandes activités régaliennes), mais certains veulent ne pas aller plus loin que ce noyaux dans le
cadre des services publics.
Tout d'abord, le Conseil d'État considère que la gestion du domaine privé par l'État n'est pas une finalité
d'intérêt général : il n'y a pas lieu de considérer une activité à dimension purement financière comme un service public.
Le CE n'admettre qu'il y ait service public que s'il peut au-delà des préoccupations purement financières, déceler
d'autres finalités (jurisprudence nuancée) :
TC, 6 janv. 1975, Cts Apap c/ Etat français
Le Tribunal des conflits considère que la gestion du domaine privée n’est pas une activité de service public.
CE, 26 septembre 1986, Epoux Herbelin
Le Conseil d'État rejoint cette analyse du Tribunal des conflits.

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Le Conseil d'État et le Tribunal des conflits soulignent la dimension financière de l'exploitation forestière pour dénier
l'intérêt général. Cela ne va pas de soi car la Cour de cassation, le 29 avril 1998 (Civ. 1ère) y a vu un service public...
L'analyse du TC et du CE n'est toutefois pas une analyse équivoque : il arrive que les juridictions trouvent dans
l'exploitation du domaine privé, des éléments d'intérêt général dès lors que l'exploitation n'est pas poursuivie dans un
seul but financier.
CE, 1995, Courière (??? Introuvable)
Opérations de coupe et d'abattage d’arbres dans un but de protection de la forêt : cela est détachable du domaine privé
et constitue à ce titre, un service public.

Cette jurisprudence n'est donc pas sans problèmes parfois. De même, on trouve également des
jurisprudences relatives aux jeux d'argent qui ne sont pas sans difficultés : Le Conseil d'État considère par exemple que
le PMU n'est pas un service public (1996). La Loterie nationale n'en est désormais (CE, 27 octobre 1999, Rolin)
également plus un alors que dans un premier temps, suite à la Seconde Guerre mondiale, elle avait été considérée ainsi
(1948). Il a en effet considéré que la française des jeux n'a pas une activité de service public en raison du fait que les
jeux en question ne présentaient pas de caractère récréatif, culturel ou intellectuel et se contentaient de fournir une
espérance de gain fondée sur le hasard. Cela reste hésitant, car on peut se demander alors si les fédérations sportives
participent à des activités de service public... D'ailleurs, le Commissaire du gouvernement de l'arrêt FIFAS n'était pas
d'accord pour dire cela.

§2) L'élément organique

Cet élément organique permet de définir le service public et freine une éventuelle expansion quasi-infinie
s'il n'était basé que sur l'élément fonctionnel.

1) Activité assurée par une personne publique

Le juge administratif admet l'existence d'un service public si l'activité d'intérêt général est assurée par une
personne publique (État, Collectivités territoriales, établissements publics etc.).
Longtemps, au début du 20ème siècle, quand s'affirme la théorie du service public, on a une cohésion
absolue entre personnes publiques et services publics : leur raison d'être est d'assurer l'intérêt général. Ainsi, une
activité assurée par une personne publique est présumée être une activité de service public. Ce n'est
qu'exceptionnellement que le juge déniera le caractère de service public de l'activité assurée par une personne publique
(ex. : gestion du domaine privé par une personne publique). La qualification de service public est donc de principe, et
les exceptions sont marginales.

2) Activité assurée par une personne privée

a) La nécessaire habilitation

La question se pose alors lorsqu'une activité d'intérêt général est assurée par une personne privée : dans ce
cas, sauf à considérer que toutes les boulangeries, boucheries etc., sont des services publics, il faut que la collectivité
publique ait marqué son intérêt pour l'initiative privée. Lorsqu'une activité est assurée par une personne privée
(particulier, entreprise, association etc.), elle est présumée relevant du droit privé (présomption inverse). Pour
pouvoir considérer qu'elle exerce une activité d'intérêt général, il faut qu'elle ait une habilitation des personnes
publiques : on pourra alors conclure à une activité de service public. Cette possibilité d'habilitation des personnes
privées à assurer des services publics n'est pas une nouveauté : sous le Moyen-âge, on a des exemples où l'on voyait le
roi confier à tel entrepreneur privé la charge de construire des canots, des routes avec des obligations de le faire de telle
manière (moyennant rémunérations, bien entendu !). Ces habilitations, sous forme de concession de service public
-souvent doublée de concession publique-, sont donc généralement contractuelles. Toutefois, il existe aussi des
habilitations unilatérales, résultant d'un acte unilatéral (loi, règlement).
Pourquoi ces habilitations ? À partir des années 1930, le Conseil d'État constate que les collectivités
publiques sont trop sollicitées et ont ainsi tendance soit à passer des contrats avec des personnes publiques, soit à
organiser unilatéralement des activités en changeant des organismes, qui sont tantôt privés, tantôt non qualifiés. Il
recherche si ces actes unilatéraux qui organisent des organisations privées ou confient les tâches, sont de nature à
organiser une activité de service public :
CE Ass., 20 décembre 1935, Établissement Vézia
Il s'agit d'une société qui avait été organisée localement par des agriculteurs pour se protéger en cas de difficultés. Le
Conseil d'État ne parle pas de service public mais évoque une activité d'intérêt général assurée par des personnes
privées. Cet arrêt annonce l'arrêt suivant :

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CE Ass., 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et protection » (v. GAJA)
C'est le premier arrêt où le Conseil d'État reconnaît qu'un organisme privé puisse gérer un service public. En
l'espèce, il s'agit des caisses primaires d'assurance sociale : il considère que les caisses locales, qui sont des organismes
privés d’assurance sociale, ont une mission de service public et que la loi (voie non contractuelle) qui les a créées en
1936, leur a confiées cette mission.
Sur quel critère se fonde le Conseil d'État ? En présence d'un acte administratif unilatéral, cette décision peut paraître
infondée. La jurisprudence a signifié les éléments de considérations...

b) Le faisceau d'indices

La jurisprudence se fonde sur un faisceau d'indices :


CE Sect., 13 janvier 1961, Magnier (Domaine agricole)
CE Sect., 28 juin 1963, Narcy (Domaine industriel)
On remarquera que la jurisprudence se base beaucoup sur Narcy alors que Magnier lui est antérieur et révèle le recours
aux mêmes indices.

=> Une mission d'intérêt général confiée à l'organisme privé.


Dans Magnier, un groupement d'agrictulteurs, pour lutter contre les parasites « ennemis des cultures » ; dans Narcy,
l'organisme est créé par l'État pour améliorer le rendement industriel en tirant profit du progrès technologique. Dans les
deux affaires, le Conseil d'État va se fonder d'abord par le but d'intérêt général recherché par ces organismes.

=> Quel est le contrôle exercé par l'administration sur l'organisme privé ?
Dans Magnier, le groupement d'agriculteur est agréé par le préfet (AAU). Celui-ci impose à ce groupement de respecter
des statuts-types, prévus par le ministère de l'agriculture. Les agriculteurs doivent utiliser des méthodes de lutte
préconisées par le ministère. Ces groupements ne fonctionnent pas de façon autonome mais sous le contrôle de la
puissance publique.
Dans Narcy, les centres sont privés, mais sont liés organiquement à l'administration, puisque c'est la loi qui a créé les
centres industriels (habilitation unilatérale) et sont donc placés sous la tutelle du ministère de l'Industrie. Le Conseil
nomme des membres et un commissaire du gouvernement qui représente le ministère (pas un CDG du Conseil d'État) a
un droit de véto sur les décisions qu'ils prennent. L'État entend donc de faire de ces groupements privés un instrument
de politique.

Au-delà de la finalité générale, ces jurisprudences mettent ainsi en avant un élément organique qui
peut revêtir des formes diverses.

=> Fallait-il que ces organismes soient en plus dotés de prérogatives de puissance publique pour être considérés comme
des services publics ?
Question compliquée et la doctrine elle-même faisait semblant de ne pas voir le problème...
Dans les arrêts Narcy et Magnier, les organismes en questions étaient dotés de prérogatives de puissance publique. Dans
Magnier, ces prérogatives consistaient à pouvoir percevoir des taxes auprès des agriculteurs concernés (tout à fait
l'expression d'une prérogative de puissance publique.
Dans l'arrêt FIFAS (v. supra), on retrouve cette exigence de prérogatives de puissance publique pour les fédérations
sportives.
Toutefois, il y a des arrêts où le Conseil d'État ne se réfère pas à ces prérogatives et d'ailleurs, certains
commissaires du gouvernement observent que ce n'est même pas la peine. D'ailleurs, avant que la loi n'attribue aux
centres de transfusions de telles prérogatives, un commissaire du gouvernement avait fait savoir qu'ils avaient tout de
même une mission de service public, même en l'absence de prérogatives donc...
CE, 20 juillet 1990, Ville de Melun et Association "Melun-Culture-Loisirs" c/ Vivien et autres
Il s'agit d'une association culturelle que la ville a créée. Le Conseil d'État estime que cette association gère un service
public car la culture est d'intérêt général, en plus d'un contrôle exercé par la ville de Melun. Mais, l'existence de
prérogatives n'apparait pas réellement.

CE Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI)
v. supra
Dans cet arrêt le Conseil d'État a pris acte des divergences et a clarifié la situation en entérinant le fait que la détention
de prérogatives de puissance publique est pas une condition pour conclure au service public. Le Conseil d'État va
considérer qu'il suffit qu'il y ait un intérêt général et un élément organique (contrôle de l'administration suffisant).
À partir de là, on exigera parfois des prérogatives de puissance publique, et dans d'autres cas, on se contentera d'autres
indices.

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Dans l'arrêt APREI, le Conseil d'État va considérer que l'association départementale d'aide aux infirmes n'exerce pas
une mission de service public. Cela pourrait être bizarre, mais en fait, le Conseil d'État s'appuie sur la loi et ses travaux
préparatoires (en l'espèce, la loi imposait la communication de plein droit de certains documents administratifs aux
organismes administratifs, privés ou pas, et de sa qualification de service public ou pas, l'organisme en question aurait
dû transmettre ces documents ou pas).

Ainsi, on distingue deux hypothèses :


Première hypothèse : Une personne privée qui assure l'intérêt général (élément fonctionnel) sous le contrôle de
l'administration (élément organique) et qui dispose de prérogatives de puissance publique (fonctionnel), chargée d'une
mission de service public.

Deuxième hypothèse : Même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit être regardée, dans le silence
de la loi, comme assurant un service public au regard de(s) (indices) :
=> L'intérêt général de son activité (fonctionnel)
=> Conditions de son organisation, son fonctionnement (organique)
=> Obligations qui lui sont imposées
=> Mesures prises pour vérifier que les objets qui lui sont assignés sont atteints. Il apparaît que l'administration a
entendu lui confier une telle mission.

Ce ne sont pas des critères, mais de simple indices. Il en existe d'ailleurs d'autres.
Application de la jurisprudence :
CE Sect., 6 avril 2007, Commune d'Aix-en Provence
Une personne privée prend l'initiative de créer une activité d'intérêt général que l'administration transforme
ultérieurement en service public en exerçant un « droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, [en lui
accordant]... des financements ». Le CE considère alors que l'association organisant le festival de musique de la ville est
un service public au regard, en particulier, des conditions de son organisation et de son financement.

CE, 5 octobre 2007, Société UGC – Ciné


Société d'économie mixte qui gère à Epinal un important cinéma : gère-t-il un service public ? Le Conseil d'État estime
que non car ni la première ni la seconde hypothèse n'est remplie. Il n'y a aucune obligation et aucun contrôle de ses
objectifs. Cet arrêt constitue un éclaircissement à cet égard.

Section 2 : La création, la suppression et l'organisation du service public

Les personnes publiques sont libres de créer un service public car elles apprécient l'intérêt général. La
création, dès lors qu'elles ont la maitrise de l'intérêt général, paraît évident. En réalité, cette liberté et encadrée
organiquement (ce n'est pas n'importe qui) et matériellement (conditions posées à la création de services publics,
positives ou restrictives).

§1) L'encadrement organique des compétences

C'est la compétence exclusive des personnes publiques. Il faut en effet un acte formel d'une autorité
publique pour créer un service public. Ce principe ne souffre que d'une seule exception :
CE, 29 janvier 1932, Société des autobus antibois (v. GAJA)
Le Conseil d'État considère qu'il y a des obligations de service public et donc une mission de service public identifiable
à travers l'exercice par une entreprise de transport en commun (desserte d'un certain nombre de villes, notamment
Antibes). La société des autobus n'a pourtant passé aucun contrat avec la ville, et aucun acte administratif unilatéral ne
formalise une habilitation. Pourtant, il est question de service public dans cette faire : l'entreprise en question a besoin
pour l'exercice de sa profession, d'utiliser le domaine public. Le Conseil d'État, de ce fait, considère que le maire de la
commun peut soumettre ses arrêts dans la ville à autorisation en fixant des points d'arrêts obligatoires ou des itinéraires
spéciaux ; l'arrêté du maire de Cannes est cependant annulé parce qu'en interdisant tout arrêt dans cette ville, il rendait
absolument impossible à la société requérante l'exploitation de son service entre Antibes et Cannes. Ainsi, le Conseil
d'État pose une exception pour l'occupation du domaine public : il appartient à l'autorité chargée de la gestion du
domaine public de « fixer, tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation que dans l'intérêt général, les conditions
auxquelles elle entend subordonner les permissions d'occupation » (CE Sect., 20 décembre 1957, Société nationale
d'éditions cinématographiques), et donc cela concerne les entreprises occupantes.

Pourquoi la création du service public relève de la compétence exclusive des personnes publiques ?
Il y a là l'idée de légitimité démocratique ; l'intérêt général est celui que la volonté nationale estime être tel. Les
gouvernants sont censés exprimer cet intérêt général : il y a un monopole public de la création des services publics

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A) Le principe de répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales

La répartition obéit aux règles générales : un principe de subsidiarité qui résulte de la révision
constitutionnelle de 2003 qui fait de la France une république décentralisée. Les collectivités territoriales ont vocation à
prendre les décisions qui entrent dans leur champ de compétence : c'est la recherche de l'échelon local le plus pertinent.
De plus, il y a le principe de libre administration des collectivités territoriales (Art. 72 de la Constitution) par lequel
chaque collectivité territoriale règle par ses affaires par ses délibérations. De fait, les collectivités territoriales classiques
ont une grande responsabilité, et plus précisément, les EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale...)
à fiscalité propre en ont une très grande.
Ensuite, il y a deux principes secondaires :
=> Pas de tutelle possible d'une collectivité territoriale sur une autre.
=> L'organisation de compétence de chaque collectivité par blocs de compétence (développement économique => la
région, développement social => département etc.)

B) La détermination des autorités compétentes

1) Le principe de parallélisme des compétences

L'autorité qui est compétence pour créer un service public est la seule compétence pour le supprimer.
Le respect du parallélisme n'est pas absolu, par exemple, lorsque la loi est requise pour créer un établissement public
qui appartient à une catégorie nouvelle, il faudra une loi, mais quand on voudra le supprimer, un décret suffira.

2) L'organisation interne des services publics

Soit cette organisation est régie par une loi, soit, le plus souvent, il y a un pouvoir autonome du chef de
service :
CE, 4 mai 1906, Babin
Le Conseil d'Etat juge légaux des actes réglementaires spontanés et autonomes pris par l'exécutif soit pour déterminer
les règles applicables à l'organisation ou au fonctionnement intérieur de l'administration
CE Sect., 7 février 1936, Jamart
Un ministre comme tout chef de service dispose du pouvoir réglementaire pour organiser son service.

3) Quelles sont les autorités qui sont compétentes pour la création / suppression du service public ?

a) Au niveau de l'État

Jusqu'à la Constitution de 1958, on considérait que seul le législateur était compétent pour créer des
services publics, le pouvoir réglementaire ne pouvant agir que sur éventuelle habilitation. Toutefois, la Constitution de
1958 ne dispose d'aucun article portant sur la création des services publics. Le législateur ne doit intervenir que si la
création du service public met en cause des dispositions constitutionnelles qui ne concernent le service public
qu'indirectement. Cette intervention est indispensable, en application de l'article 34 si :
=> Si la création du service public est la conséquence de la nationalisation d'une entreprise privée ;
=> Lorsque sont concernés les services publics de l'enseignement, de la Défense nationale et de la Sécurité sociale, la
loi en fixant les principes fondamentaux ;
=> En cas de création d'une nouvelle catégorie d'établissement public.

Une fois créé, l'organisation du service relève aussi de la loi quand celle-ci est à l'origine de la création,
pour la définition des règles constitutives du service. Mais le pouvoir réglementaire a une compétence
traditionnellement étendu en ce domaine, soit pour préciser les dispositions législatives (CE, 17 décembre 1997,
ordre des avocats à la Cour de Paris), soit au niveau du chef de service, dans le cadre de la jurisprudence Jamart.

CE, 17 décembre 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris


Cet arrêt concerne l'institution de légifrance. Tous les éditeurs privés juridiques étaient hostiles, ainsi, lorsque légifrance
a été institué par décret, il a fait l'objet d'un recours contentieux. Le Conseil d'État relève que la création d'un service
public n'est pas réservée à la loi. C'est cet arrêt qui précise qu'il faut surveiller si la création du service public ne touche
pas une matière qui relève du législateur d'après l'article 34. Est-ce que légifrance met en cause la liberté
d'entreprendre ? Le droit de propriété intellectuelle ? Si oui, alors, relevant de l'article 34, c'est la compétence du
législateur. Toutefois, le Conseil d'État considère qu'il ne porte atteinte à aucune de ces libertés fondamentales.

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Comme nous l'avons vu, l'article 34 impose la compétence du législateur en cas de création d'une
nouvelle catégorie de d'établissement public. Si l'institution de la catégorie relève de la loi, au sein de celle-ci, la
création de divers établissement se fait par décret. Ainsi une nouvelle université est créée par décret en application d'un
loi qui a institué la catégorie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.
Pour déterminer si un nouvel établissement public entre ou non dans une catégorie existante, la
jurisprudence se fonde sur deux critères :
=> Existe-t-il déjà un établissement public ayant une « spécialité analogue » (CC 79-107 L du 30 mai 1979), c'est-à-
dire une mission comparable ?
=> Si un tel établissement existe, est-il soumis à la même tutelle, a-t-il le même rattachement territorial ?
L'établissement public est-il national ou local ?
Les catégories sont alors identifiées. Des catégories peuvent ne comporter qu'un seul établissement public
: c'est le cas de la RATP.

b) Au niveau des collectivités territoriales

Le service public est, ici, créé par une délibération des conseils municipaux, généraux et régionaux
dans le respect de la répartition des compétences entre l'État les collectivités locales afin, notamment, de ne pas
empiéter sur le rôle conféré aux services publics nationaux. La création d'un service public (tout comme la suppression)
se fait par voie réglementaire et doit être transmis au préfet. L'assemblée locale est aussi chargée de réglementer le
service public en définissant sa mission et en fixant son mode de gestion.
Cette création se fait dans le cadre d'habilitations législatives précises pour les services publics
obligatoires ou certains services facultatifs. Dans les autres hypothèses, la décision de l'assemblée délibérante qui doit
respecter la liberté du commerce et de l'industrie se fonde sur la clause générale de compétence d'origine législative.
La suppression du service, si elle est possible, se fait dans les mêmes conditions. Quant à l'organisation,
elle relève de l'assemblée pour les règles générales, et de l'autorité territoriale, chef de service, pour le reste. Il y a
donc un encadrement organique des mesures de création / suppression.

§2) L'encadrement matériel des compétences

1) L'encadrement positif : les services publics obligatoires

Des textes peuvent imposer la création de service public ; ils édictent en ce sens des obligations de
création. En principe, les collectivités territoriales ont des compétences discrétionnaires pour créer un service public car
elles sont seules à même d'apprécier l'intérêt général de l'activité. Cette compétence discrétionnaire explique que si une
collectivité décide de supprimer en service public qu'elle a créé, cela donner lieu à un contentieux. Le juge administratif
respectera cette compétence discrétionnaire mais regardera si l'autorité publique n'a pas commis une erreur manifeste
dans l'appréciation du besoin d'intérêt général.

a) L'obligation légale

Une obligation résultant de loi est classique pour les collectivités territoriales. Mais en raison de la libre
administration des collectivités territoriales, il ne faut pas aller trop loin dans l'étendue de ces obligations. Le
gouvernement a régulièrement l'idée, en dehors de la loi, d'imposer des obligations aux collectivités territoriales.
Exemple : récemment, le ministre a imposé aux communes de prendre en charge la gestion des passeports. C'est un
service à la base national mais l'État a voulu s'en décharger. Les communes ont alors contesté cela :
CE, 5 janvier 2005, Commune de Versailles
Le Conseil d'État censure le décret pour raison d'incompétence. Seule la loi peut transférer une dépense à la charge de
l'État à la charge des collectivités territoriales. Il s'appuie sur le principe de la libre administration et sur
l'incompétence du gouvernement. Le gouvernement n'a ensuite pas voulu passer par une loi pour éviter des réactions
hostiles, car même avec la loi, on ne peut pas non plus surcharger les collectivités.

Quant aux services publics nationaux, certains sont gérés par les communes pour le compte de l'État.
Exemple : la gestion des écoles primaires est effectuée par les communes. Parfois la loi impose cela, mais pour éviter
les atteintes, elle s'en tient généralement à des services publics liés à la police administrative (assainissement, entretien
de la voiries, pompes funèbres, aide sociale pour les départements, formation professionnelle pour région).

b) Les obligations constitutionnelles

Elles font places à côté des obligations légale. Ainsi, le Conseil Constitutionnel s'est prononcé à propos
des privatisations de 1986 :

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CC, 25 et 26 juin 1986, Loi autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social
Au 53ème considérant..., il fait état de services publics nationaux dont la nécessité découle de principes ou de règles de
valeurs constitutionnelles. Plusieurs questions se posent alors :
Est-ce que la Constitution impose un mode de gestion des services publics (opposition nationalisation /
privatisation) ? Question très brouillée car il y a une erreur dans les débats : la privatisation ne consiste pas à passer
d'une structure public à une structure privée (d'un établissement public à une société commerciale => sociétisation),
mais au passage d'un organisme publique à organise privé, dans lequel les collectivités territoriales perdront la majorité
du capital social de l'organisme.
Quels sont les services publics imposés par l'État ?
=> Les services publics relatifs à la souveraineté. L'État ne peut exister s'il n'est pas assuré des éléments de
souveraineté que sont la justice, la police, la défense et le fisc. Cela sont incontestablement des services de
souveraineté, mais d'autres sont moins surs : le service public de la monnaie est-il un service public répondant à une
obligation constitutionnelle ? Difficile de savoir en se fondant sur la jurisprudence constitutionnelle car le Conseil n'a
jamais fait de liste des services publics constitutionnels. Toutefois, il a rejeté la qualification de service public
constitutionnel à propos d'un certain nombre de services. Concernant la monnaie, le Conseil Constitutionnel a
finalement décidé en 1992 qu'il s'agit d'une compétence comportant des éléments essentiels de souveraineté nationale et
qu'ainsi, le transfert de cette compétence au CEE n'est pas constitutionnelle. Le conseil n'a pas eu l'occasion de se
prononcer dans d'autres matières mais la lecture semble imposer la création de services publics nationaux notamment
l'enseignement public et laïc (« devoir de l'Etat » => préambule de 1946). L'État n'est pas le seul compétent mais il ne
peut pas s'en dessaisir totalement, il doit assuré un enseignement gratuit et laïc. Il y a aussi les matières sanitaires et
sociales qui découlent également du préambule de 1946 : obligations constitutionnelles pour l'État de créer des services
publics en la matière. Enfin, la Charte de l'environnement de 2005 impose à l'État d'assurer des activités protectrices de
l'environnement.
Problème : S'il y a des obligations constitutionnelles, comment obtenir de l'État qu'il les assure ? Du pont
de vue contentieux, comment pourrait-on contester un désengagement total de l'État ?
CE, 29 novembre 1968, Tallagrand
Le recours formé contre un refus du gouvernement de déposer un projet de loi pour mettre en œuvre le principe
constitutionnel du préambule de 1946 concernant la solidarité des français devant les calamités nationales est
irrecevable (car c'est un acte de gouvernement et le Conseil d'État n'est pas compétent pour se prononcer sur le refus du
projet de loi du gouvernement).
Toutefois, le Conseil d'État reconnaît qu'il peut y avoir une faute lorsque le pouvoir réglementaire n'a pas assuré le
service public. Des arrêts vont ainsi censurer des manquements dans l'organisation du service public de l'enseignement
à propos de l'organisation du calendrier scolaire.

2) Les services publics facultatifs

Le champ du service public est, ici, le résultat d'un choix politique qui peut déterminer le niveau où ils
sont assurés (État ou collectivités locales). Création comme suppression, avec éventuelle intervention du secteur privé
sont laissées à l'appréciation du législateur ou de l'autorité réglementaire. Encore faut-il ne pas aller jusqu'à ériger
toute activité en service public, ou à donner à chaque service public un domaine d'action trop étendu. Liberté donc,
mais liberté limitée.
Les limitations sont de divers types :
=> Tiennent au principe de spécialité des collectivités publiques (territoriales, géographiques | matérielles pour les
établissements publics)
=> Surtout, elles tiennent d'un principe réellement susceptible de borner l'action des collectivités publiques : c'est le
principe de liberté du commerce et de l'industrie. C'est un principe posé par la Révolution et par le décret d'Allarde
qui est en réalité une loi datant des 2 et 17 mars 1791 et la loi Le Chapelier des 14 et 17 juin 1791. On pose donc ce
principe et on supprime les corporations. Il est ensuite devenu un PGD avec l'arrêt :
CE Sect., 28 octobre 1960, Laboulaye. C'est également une liberté fondamentale (importance en matière de référé) :
CE Ord., 8 juin 2005, Commune de Houilles. Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 16 janvier 1982 en
déduit une liberté de concurrence (liberté présente dans l'art. L 410-1 du Code du Commerce). En droit communautaire,
à propos des services d'intérêt économique général (SIEG), cette liberté est présente dans l'art. 86-2, et les aides sont
réglementées par l'art. 87-1 du Traité de Rome modifié par le traite d'Amsterdam. NB : Le Frier évoque de manière
générale, la liberté d'entreprendre.
Tout cela va freiner la création de services publics dans le domaine économique. En la matière, de la
Révolution au milieu du XXème siècle, le Conseil d'État s'est d'abord montré très strict puis s'est finalement assouplit
comme nous allons le voir.

a) L'évolution d'un principe initial d'interdiction à un principe de liberté d'intervention

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Dans une jurisprudence récente, le Conseil d'État a clarifié sa position :
CE Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris
Le Conseil d'État distingue la question du principe d'intervention des services publics, des modalités de cette
intervention. Il le fait clairement dans cet arrêt (c'était légèrement visible avant).

=> Sur le principe d'intervention : On passe d'un principe d'interdiction initial à un principe de liberté.
Dans le contexte libéral de la Révolution jusqu'au années 30, le Conseil d'État n'acceptait pas en effet les interventions
publiques en matière économique car il considérait que cela empêcherait les entrepreneurs privés de faire leurs affaires.
Les interventions publiques sont donc prohibées sauf dans des cas très particulier :
CE, 29 mars 1901, Casanova (v. GAJA)
Le Conseil d'État adopte donc une position très restrictive de ces interventions en exigeant des « circonstances
exceptionnelles » justificatives de l'institution d'un service public à vocation commerciale. En l'espèce, une
commune décide de payer un médecin pour soigner tous les gens de la commune. Casanova, furieux et voulant choisir
son médecin exerce son recours à l'encontre de cette décision en observant que la liberté du commerce et de l'industrie
est mise en cause. Le Conseil d'État donna donc raison à Casanova.

Par la suite, dans les années 30, sous l'influence croissante de l'idéologie interventionniste, le juge admit
plus largement l'action des collectivités publiques. En effet, le gouvernement édicte un décret-loi où il incite les
collectivités territoriales à intervenir davantage. Le Conseil d'État assouplit ainsi sa jurisprudence, en restant toutefois
parcimonieux :
CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce de Nevers (v. GAJA)
Les épiciers de Nevers défendent leurs intérêts mis en cause par des services de ravitaillement municipaux, trouvant
leur raison dans la crise. Toutefois le Conseil d'État donne raison aux épiciers en considérant qu'il n'y a pas de
circonstances particulières qui justifie l'intervention publique locale (en ces termes : « les entreprises ayant un caractère
commercial restent, en règle générale, réservées à l'initiative privée »). On glisse ainsi des circonstances exceptionnelles
aux circonstances particulières. Le Conseil d'État reste tout de même sévère.

Toutefois, dans la jurisprudence qui suit, si les circonstances particulières sont toujours exigées, elle va
les entende de manière tellement extensive qu'il va permettre de nombreuses initiatives locales.
Le Conseil d'État exige quoi qu'il en soit :

− que l'intervention de la collectivité permette de surmonter une carence de l'initiative privée (CE, 4 juillet
1984, Département de la Meuse => arrêt non cité par prof). On peut dire « à titre subsidiaire » à l'initiative
privée. Cette condition était entendue très strictement par l'arrêt Casanova et beaucoup moins avec celui de
Nevers.

Cette carence peut être de nature différente :


CE, 20 novembre 1964, Ville de Nanterre
Le Conseil d'État considère qu'est légal l'institution d'un cabinet dentaire municipal qui pratique des tarifs plus
intéressants que ceux des praticiens privés.

La qualité peut aussi s'apprécier non pas sur le plan des tarifs mais aussi sur la qualité matérielle des prestations :
CE, 25 juillet 1986, Commune de Mercoeur
Dans cet arrêt, le Conseil juge légale l'intervention de la commune qui créée un café, car l'autre commerce de la ville est
mal entretenu et ses prestations sont jugées insuffisantes.

− que l'intervention présente un intérêt général. Plus précisément, un intérêt public local. Même si celui-ci est
entendu largement, il ne saurait exister si la collectivité publique poursuit un objectif exclusivement financier.
A, en revanche, été reconnue licite la création par une commune d'une piscine municipale qui permettait
« d'améliorer l'équipement en piscine » de la ville.

Dans l'arrêt, CE Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, le Conseil renonce à la
notion de carence et il n'en fait plus une condition distincte de celle de l'intérêt public local.

CE, 23 juin 1933, Lavabre


Le Conseil d'État admet que l'on puisse prolonger temporellement une intervention publique. En l'espèce, la ville,
dans le contexte de crise, avait crée une boucherie municipale. Le Conseil considère alors même que l'initiative privée
avait pris le relai, la commune peut maintenir sa boucherie municipale le temps de permettre l'amortissement des
investissements réalisés (prolongement temporel alors que les conditions avait disparu).

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CE Sect., 18 décembre 1959, M. Delansorme
Le Conseil d'État admet également que l'on puisse prolonger matériellement une intervention publique. En l'espèce,
une commune a crée un parc de stationnement. Le Conseil admet que la commune puisse adjoindre à ce parc une
station-service, considérée comme un prolongement normal, qui favorise la fréquentation du parc et qui permet ainsi
d'amortir les frais de construction du parc.

En résumé, on est passé en 50 ans du principe d'interdiction de l'intervention publique au principe de


liberté, pourvu qu'on trouve un intérêt public local (qui peut donc désormais être lié avec la carence de l'initiative
privée).

b) Le principe de la liberté de l'industrie et du commerce n'est plus opposable

CE Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris


Dans son considérant de principe, le Conseil d'État exprime : « Considérant que les personnes publiques sont chargées
d'assurer les actes nécessaires à la réalisation des missions de service public » … « Si elles entendent en outre,
indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité économique ». Le Conseil d'État distingue ainsi un
nouveau cas de figure (le premier étant donc l'opposabilité relative (relative car pas opposable dans le champ normal
des puissances publiques) de la liberté de l'industrie et du commerce). Celui-ci correspond à deux hypothèses distinctes:
=> La collectivité publique intervient dans le champ de ces missions classiques. Cela correspond aux cas où une
collectivité publique intervient dans le cadre d'une mission de police. Il n'y a pas lieu, ici, de s'interroger sur une
éventuelle atteinte à la liberté d'entreprendre (inopposabilité). Ainsi, la commune a le droit de mettre en place des bains-
douches municipaux pour « améliorer le fonctionnement du service public de l'hygiène », de créer un parc de
stationnement (arrêt Delansorme supra), d'intervenir dans le domaine social (création de logements sociaux), comme
l'État a le droit d'intervenir dans le domaine de l'éducation, ou dans le cas de la création de légifrance (supra).

=> La collectivité publique intervient pour satisfaire ses besoins propres ou ceux d'une autre collectivité
territoriale.
• Satisfait ses besoins propres
CE, 29 avril 1970, Société Unipain
l'État décide de ravitailler par ses propres boulangeries militaires pour ravitailler les établissements pénitencier. La
société Unipain veut s'y opposer. Le Conseil d'État considère que la liberté du commerce et de l'industrie ne saurait s'y
opposer (inopposable).
• Satisfait les besoins d'une autre collectivité publique
Une collectivité publique peut lancer un marché public et une autre peut se porter candidate et répondre à l'appel d'offre.
Conclusion de Bergeal sur CE, 8 novembre 2000, Société J.-L. Bernard Consultants : Aucun texte ni aucun principe
n'interdit une personne publique à se porter candidate et à répondre aux besoins d'une collectivité voisine. La nature
publique d'une collectivité ou d'une personne n'est pas un obstacle à son intervention publique.

Si la liberté du commerce et de l'industrie reste opposable dans certains cas, ce n'est pas un obstacle fort
de telle sorte qu'on est passé d'interdiction à licéité. Aujourd'hui, le débat s'est déplace (Arrêt Ordre des avocats au
Barreau v. supra)

c) Les modalités de l'intervention publique

Le principe essentiel est désormais le principe de libre concurrence : on ne reproche plus aux personnes
publiques d'intervenir mais il est essentiel qu'elles ne faussent pas le jeu de la concurrence. Le Juge administratif va
donc contrôler les modalités de l'intervention publique :
CE Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris
Le Conseil d'État considère qu'il faut que l'intervention publique ne se réalise pas suivant des modalités telles qu'en
raison de leur situation particulière, elles faussent le libre jeu de la concurrence : c'est ce que le juge administratif
contrôle. Le juge administratif est devenu ainsi... un juge de la concurrence ? Non pas réellement car c'est le juge
judiciaire qui est compétent pour connaître des pratiques anti-concurrentielles. Le Conseil de la concurrence est en
charge des pratiques anti-concurrentielles et des concentrations (monopole, positions dominantes abusives etc.).
Toutefois, le juge judiciaire voit sa compétence limitée en application des règles qui s'imposent pour les questions
concernant la légalités des actes administratifs : il n'est en effet incompétent pour connaître leur légalité. Le juge
administratif est compétent pour apprécier la légalité des actes administratifs relatifs à l'organisation des services
publics, à la dévolution des services publics ou encore à l'exécution du service public (en raison des prérogatives de
puissance publique). Le juge administratif doit donc se poser question de savoir si ces actes respectent-ils le droit de la
concurrence ?

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TC, 6 juin 1989, Ville de Pamiers
Il s'agissait d'une affaire de délégation de service public et de changer le délégataire du service public. Celui-ci conteste.
Le Tribunal des conflits dit que la décision choisissant le délégataire relève de la juridiction administrative. Toutefois, le
juge administratif saisi du contentieux ne va pas accepter de contrôler le respect des règles de concurrence dans un
premier temps. En difficulté par rapport aux autorités de Bruxelles, le Conseil d'État s'est finalement décidé à
contrôler le respect de ces actes administratifs, au regard du droit communautaire de la concurrence puis au
regard du droit interne :
CE Sect., 3 novembre 1997, Société Million et Marais (v. GAJA)
La question était de savoir si la société des pompes funèbres pouvant-elle bénéficier d'un droit exclusif pour assurer les
prestations du service « corrélé » des pompes funèbres (genre la vente de fleurs). Le Conseil d'État considère que le
privilège d'exclusivité place la société dans une position dominante sur le marché, mais il n'interdit pas car il ne
considère pas la position comme abusive. En effet, il constate que le privilège d'exclusivité n'est donné à la société
que pour un temps déterminé.
Dans l'arrêt CE, 17 décembre 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris, le Conseil d'État examine si l'institution de
légifrance, en raison de sa position dominante, est abusive au regard du droit de la concurrence. Il considère que non.
Ces règles conduisent donc le juge à regarder si la personne publique ni dispose pas d'avantages, une situation
particulière qui fausserait le libre jeu de la concurrence. Cette situation peut tenir au fait que la personne publique, voir
une personne privée, dispose pour la gestion d'un service public de quelques avantages particuliers, de droits exclusifs,
d'avantages fiscaux, des subventions publiques... Le droit communautaire n'exclue pas ces possibilités, il admet ces
avantages dès lors qu'ils constituent une compensation des charges des services d'intérêt économique général (SIEG). Il
faut que ces avantages soient proportionnés aux nécessités du fonctionnement du service public. Il ne l'a admis que
tardivement avec l'arrêt :
CJCE, 19 mai 1993, Corbeau
En l'espèce, il s'agissait de la poste belge qui disposait de droits exclusifs. Est-ce que cela fausse le jeu de la
concurrence imposé par le droit communautaire ? La CJCE considère que ces droits exclusifs sont pour elle un
moyen nécessaire de compenser ses charges de services publics. Confirmé avec :
CJCE, 27 avril 1994, Commune d'Almelo
L'État hollandais organisé le service public de l'électricité. Ce service public disposait de droits exclusifs. Le Conseil
d'État considère que ces droits ne sont que la compensation nécessaire et proportionnée de ces charges de service
public. Même décision avec CJCE, 23 octobre 1997, Commission c/ EDF-GDF.
La CJCE contrôle mais n'est pas donc pas contre les avantages exclusifs, et cela même pour les avantages fiscaux
(décision concernant la poste française).
La CJCE était toutefois plus sévères concernant les subventions publiques, celles-ci étant assimilées à des
publiques (qui sont soumises à un régime communautaire particulier). Elle a finalement considéré qu'en certains cas des
subventions publiques n'étaient pas nécessairement assimilables à des aides publiques mais comme des compensations
d'un service économique d'intérêt général => (art. 86-2 du traité de Rome) . Concernant ces « compensations » donc, la
CJCE va donner des conditions de … (digression sur l'utilité du droit des affaires publiques et phrase non finie...).
CJCE, 24 juillet 2003, Altmark
Dans le même esprit, les subventions publiques versées à une entreprise, dans le seul but de compenser le coût des
obligations de service public pesant sur elle, ne constitue pas une aide d'État que le droit communautaire interdit, en
principe, dès lors qu'elle fausse la concurrence. Bref, « on reviendra sur tout ça dans les cours de master ».

Section 3 : Les principes communs au service public

Il s'agit d'étudier ici des principes très importants, qui ont trait au fonctionnement du service public,
qui constitue un socle commun, un noyau dur, et qui s'appliquent quel que soit le service public (administratif ou
industriel et commercial), quel que soit le gestionnaire (personne privée ou publique). Trois principes ont été dégagés
par le professeur de Bordeaux durant l'entre-deux-guerres Louis Rolland. Ces principes sont ainsi parfois appelés « Lois
de Rolland ». Leurs valeurs sont variables car ils ont évolué, mais il restent trois principes essentiels :

§1) Le principe d'égalité devant le service public

A) La valeur de ce principe

C'est le principe dans la valeur est la moins contestée. Ce principe est tiré du principe d'égalité inscrit à
l'article 1 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, celle-ci étant rappelée par la Constitution de 1958.
L'art. 6 de la DDHC précise l'égalité devant la loi. Bref, le juge administratif a tiré de ces principes à valeur
constitutionnelle, un principe d'égalité dans l'accès et le fonctionnement du service public. Il en a fait son
premier PGD. Contrairement à ce qu'on dit, ce n'est pas l'arrêt Aramu qui consacre ce PGD d'égalité devant la loi, mais
l'arrêt CE, 9 mai 1913, Roubeau.

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CE Sect., 9 mars 1951, Société des concerts du conservatoire (v. GAJA)
Le Conseil d'État consacre le PGD du droit des usagers à un traitement égal (en l'espèce, pour l'accès au même service).
Conseil Constitutionnel, 8 juillet 1999, Loi d'orientation agricole
Droit des usages à un traitement égal dans sa gestion même (suppose des tarifs a priori identiques).

Conseil Constitutionnel, 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication


Le principe d'égalité devant le service public est un principe constitutionnel : « Les principes fondamentaux du service
public et notamment le principe d'égalité sont de valeur constitutionnelle »

B) Le champ du principe

Il concerne les agents du service, les tiers et les usages. C'est donc un champ très vaste. Le Conseil
d'État, dans son rapport de 1996 sur le principe d'égalité à fait le point sur la question..

1) Les agents (et les futurs agents)

Il y a égalité à l'accès aux emplois publics (art. 6 DDHC), ce qui veut également dire égalité dans l'accès
pour hommes et femmes : Ce type d'égalité n'a pas toujours été connu, le Conseil d'État a ainsi eu à connaître de cette
question à cette époque :
CE Ass., 3 juillet 1936, Dlle Bobard et autres (v. GAJA)
Une secrétaire voulait accéder au poste de secrétaire administratif dans une préfecture. Le CE dit que malgré le principe
d'égalité, il faut tenir compte de la spécificité de l'emploi. Il considère ainsi que taper sur une machine à écrire dans une
préfecture est un emploi réservé aux hommes et qu'elle ne peut donc accéder au concours. Le préambule de 1946 a,
depuis, inscrit l'égalité des hommes et femmes.

Égalité d'accès également, quelles que soit les opinions politiques :


CE Ass., 28 mai 1954, Barel (v. GAJA)
Nous sommes en plein Maccarthysme, et Barel veut se présenter au concours de l'ENA alors qu'il est communiste. On
l'empêche de se présenter pour cette raison. Le Conseil d'État rappelle le principe d'égalité dans l'accès à la fonction
publique. Ses convictions politiques ne font pas obstacle à ce qu'il participe au concours.

Égalité dans le fonctionnement du service public :


Les personnes et agents doivent être traités également.
CE Ass., 30 mai 2001, M. Diop
Il s'agit du problème de la cristallisation des pensions des anciens fonctionnaires des colonies françaises, en particulier
les militaires. Elles ont été bloquées à la date de l'indépendance des pays africains (« cristallisation »). Le Conseil d'État
rappelle l'égalité de fonctionnement du service public et juge cette cristallisation comme illégale.

2) Application aux tiers

CE Sect., 9 mars 1951, Société des concerts du conservatoire (v. GAJA)


La radiodiffusion française décide de suspendre la transmission des concerts d'une société pour la « punir », car celle-ci
a sanctionné certains de ses musiciens qui avaient participé à l'orchestre de la radiodiffusion française. Le Conseil
d'État pose clairement le principe d'égalité dans l'accès au service public qui concerne les tiers de la société.
Précisons que c'est un principe rappelé en matière de commande publique dans le code des marchés publics...

3) Application aux usagers du service public

Question délicate car elle pose de façon concrète le problème de l'égalité des droits consacrés par les
textes et de l'égalité de fait. En principe, le juge administratif exige l'égalité de droit, mais de plus en plus une forme
d'équité conduit à introduire des différences et peut-être à mettre en cause l'égalité de droit.

C) La portée et le sens de ce principe

CE, 10 mai 1974, MM. Denoyez et Chorques


Deux personnes ont des maisons de vacances à l'Ile de Ré. Empruntant le bac pour traverser la mer, ils sont mécontents
du tarif qu'on leur applique car la régie départementale a posé trois tarifs différents (Habitants de l'Ile | Charente-
maritime (le département) | tous les autres utilisateurs). Le Conseil d'État considère qu'il peut y avoir une différence de
tarifs mais il n'est pas possible d'avoir trois tarifs : il accepte qu'il y ait un tarif pour les habitants de l'île et un pour tous
les autres. Pourquoi cela ? Le Conseil d'État pose le problème : la fixation de tarifs différents applicables pour le même

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service rendu à divers usages d'un service public implique (à moins qu'elle soit la conséquence d'une loi) :
− Soit qu'il existe entre les usagers une différence de situation appréciable et légitime et que celle-ci soit en
liaison avec le but poursuivi par le service.
− Soit qu'il existe des raisons impérieuses d'intérêt général, en rapport avec l'objet du service.
Toutefois, on retient la réserve de la loi qui peut parfaitement établir des distinctions (le niveau
constitutionnel laissant une grande marge d'appréciation au législateur). Par exemple, la loi du 29 juillet 1998 relative à
la lutte contre les exclusions permet désormais, pour les services publics administratifs facultatifs, la création de tarifs
fixés en fonction du niveau de revenu des usagers et du nombre de personnes vivant au foyer. Il en va de même pour
certains SPIC.

=> Concernant les différences de situation


Le principe d'égalité n'est pas en cause. On ne peut pas revendiquer l'égalité entre deux personnes qui sont dans une
situation différente. Il est normal d'avoir un traitement différentiel. La différence de situation peut fonder un traitement
différent, mais n'en impose pas un. En cela, la France est désaccord avec le droit communautaire qui impose un
traitement différent.
Qu'est ce qu'une différence de situation ?
• Il faut qu'elle existe objectivement
En l'espèce, il y a bien une différence de situation entre les habitants de l'Île et de la partie continentale. Toutefois, entre
les habitants de la Charente-Maritime et les habitants d'autres départements, il n'y en a pas.
• Il faut qu'elle soit légitime
Il y a des choses qu'on ne peut pas prendre en considération (origine, religion, sexe...).
• Il faut qu'elle soit en relation avec la vocation du service public
La différence doit donc être rationnelle et pertinente pour le service public en question.
Exemple :
CE, 30 juin 1989, Ville de Paris et bureau d'aide sociale de Paris c/ M. Lévy
La prime de congé parental est réservé aux nationaux. Il y a bien une situation de différence légitime et objective. Mais
est-ce que ces différences de situation sont pertinentes au regard de l'objet ? Le Conseil d'État considère que la
différence de situation n'a ici aucune pertinence : cela ne justifie pas qu'on bénéficie du congé d'éducation ou non. Il
peut y avoir dans ces cas-là une différence de traitement qui ne doit pas être manifestement disproportionnée.

Il y a l'idée également de pertinence de la différence de situation : on accepte (cela paraît normal) une
différence situation résultat d'une différence de revenus pour un service social. Mais, pour un SPIC, ce critère ne saurait
être retenu car il n'est pas en adéquation avec sa mission, alors qu'il est, au contraire, possible de favoriser les plus
importants consommateurs. Par exemple :
CE, 17 décembre 1982, Préfet de la Charente-Maritime (arrêt non cité par prof)
Le service de distribution des eaux est à même de fixer des tarifs dégressifs en fonction du volume consommé, mais ne
saurait accorder des exonérations aux personnes âgées : sont objet est de vendre de l'eau et non de faire de l'assistance
sociale.

=> Concernant la nécessité d'intérêt général en rapport avec l'objet du service


• Nécessité d'intérêt général
L'arrêt CE, 10 mai 1974, MM. Denoyez et Chorques, admet que le principe d'égalité puisse être atteint sans que cela
soit constitutif d'une illégalité. Le Conseil d'État admet que des personnes dans la même situation peuvent avoir une
différence de traitement en vertu de l'intérêt général. Le Conseil d'État a fait de cela une dérogation au principe
constitutionnel d'égalité : ainsi, il a pris en compte des critères qu'il a longtemps récusé (comme le critère des revenus).
CE Sect., 26 avril 1985, Ville de Tarbes
Les tarifs d'un conservatoire fondés sur les revenus des parents ont été annulés car « les différences de revenus ne sont
pas constitutives en ce qui concerne l'accès au service public de différences de situation justifiant des exceptions au
principe d'égalité qui régit cet accès ».
Progressivement, la perception de l'intérêt général par le Conseil d'État va s'élargir :
CE Sect., 29 décembre 1997, Commune de Gennevilliers
De telles différences tarifaires sont désormais admises au nom de l'intérêt général « qui s'attache à ce que le
conservatoire (…) puisse être fréquenté par les élèves qui le souhaitent, sans distinction selon leurs possibilités
financières ».
Le Conseil d'État, n'admet toutefois pas que la différence de traitement soit manifestement disproportionnée, notamment
en matière de tarif : le critère des revenus peut être pris en compte mais il ne doit pas être utilisé afin de facturer aux
familles les plus aisées un coût supérieur au cout marginal du service, un cout excédant le cout de la prestation.

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• Nécessité d'un intérêt général en relation avec l'objet du service
CE, 30 juin 1989, Ville de Paris et bureau d'aide sociale de Paris c/ M. Lévy
Le Conseil d'État cherche l'intérêt général pour justifier. Le Conseil d'État observe que l'argument de la ville de Paris
selon lequel en privilégiant les nationaux on assurerait l'équilibre démographique de Paris peut être considéré comme un
argument présentant un intérêt général. Le Conseil d'État ne contestant pas le choix politique, donc s'il veut bien
accepter que c'est une politique d'intérêt général, il censure tout de même car cet intérêt général n'est selon pas en
relation avec l'octroi de prestations.

S'il y a toujours la réserve de la loi, on voit des évolutions en matière de légalité avec la possibilité de
discrimination positive (la prof part sur un débat... en disant qu'il vaudrait mieux mettre des profs de Henri IV en ZEP
plutôt que de vouloir mettre une classe de ZEP à Science po bref... ; très beau discours d'Obama … bref...)

D) Les corollaires

Le principe de neutralité :

Longtemps associé avec le principe d'égalité. Dans l'arrêt Barel (v. supra), il est en fait question de la
neutralité du service public. Le principe de neutralité va se dégager du principe d'égalité pour devenir un principe
autonome, et même un double principe autonome :
=> Principe d'impartialité
Principe que l'on retrouve dans une série de cas (concours, jurys, exercice du pouvoir de sanction etc.)
CE Ass., 3 décembre 1999, M. Didier
Une autorité administrative indépendante dotée d'un pouvoir de sanction doit respecter le droit à un procès équitable et
le principe d'impartialité (en l'espèce, à propos des sanctions du conseil des marchés financiers aujourd'hui disparu).

=> Principe de laïcité


La Constitution dispose que la France est une République laïque, laïcité issue de la loi du 9 décembre 2005.
Contrairement à ce que l'on pense, cette loi dit que la République assure la liberté de conscience et garantit le libre
exercice des cultes sous la seul restriction de l'ordre public. On ne doit donc pas parler de laïcité positive.
La laïcité correspond à une exigence de neutralité qui s'impose au-delà de l'arrêt Abbé Olivier (supra). Cette question a
rejailli avec la question du foulard islamique. Son interdiction trouve à s'appliquer dans tous les services publics, aux
usagers et aux agents. A l'égard des agents, le Conseil d'État est très strict :
CE, 10 mai 1912, Abbé Bouteyre (v. GAJA)
Il estime ici qu'un prêtre catholique ne peut se présenter au concours de l'agrégation de philosophie en raison de ses
convictions religieuses qu'il pourrait transmettre à ses élèves.
CE avis, 3 mai 2000, Mlle Marteaux
Le Conseil d'État estime que le port du foulard islamique est interdit à tout agent public dans l'exercice de ses fonctions
qui a un devoir de stricte neutralité...
Concernant les usagers :
CE Ass. gén. plén. Avis, 27 novembre 1989, Principe de laïcité et port d'insignes religieux (foulard islamique)
Décision très ouverte, il y est dit que le port par des élèves de signes, par lequel ceux-ci manifestent leur appartenance à
une religion, n'est pas incompatible avec le principe fondamental de laïcité. Le port ne doit toutefois pas être
ostentatoire et revendicatif.
CE, 2 novembre 1992, Kherouaa
En l'espèce, exclusion d'élèves d'un collège venues en cours avec un foulard, en application du règlement interne. Le
Conseil d'État va considérer que le règlement du collège est illégal et que l'exclusion également. Le Conseil d'État
estime en effet l'interdiction comme trop générale et absolue. Le commissaire du gouvernement avait noté
« L'enseignement est laïc non parce qu'il interdit l'expression de diverses fois, mais parce qu'il les tolère toutes ».
Toutefois, les enseignants n'ont pas tous été d'accord avec cette décision, et du coup, suite à une nouvelle réflexion à la
question, la loi Bayrou du 15 mars 2004 a été mise en place. On propose un principe d'interdiction des signes
religieux manifestement ostensibles, ce qui rend la question d'autant plus compliquée. Saisi de cette loi, le Conseil
Constitutionnel s'est appuyé sur la jurisprudence de la CEDH relative au port du foulard dans les universités turques

§2) Le principe de continuité du service public

Ce principe a été mis en exergue à propos de la grève, suite à laquelle il a posé le principe de continuité
du service public qu'il rattache à la continuité de l'État.
CE, 7 juillet 1909, Winkell (v. GAJA)
Le Conseil d'État estime qu'il y atteinte à ce principe lors d'une grève dans le service publique. Une grève justifie même
la révocation immédiate du fonctionnaire et son remplacement immédiat.

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L'idée de continuité de l'État, va être poursuivie avec l'arrêt Dehaene, avec une décision toutefois différente (v. infra), et
également dans l'arrêt Heyriès (contexte de guerre où des circonstances exceptionnelles justifient la continuité du
service public). Avec le temps, ce principe, rattaché à la base au principe de continuité de l'État, est désormais conçu
comme un droit des usagers et à la satisfaction d'un besoin collectif.
C'est un principe fondamental pour le Conseil d'État, est un principe constitutionnel pour le Conseil
Constitutionnel (CC, 25 juillet 1979 sur la grève de la SNCF et CC, 14 avril 2005 sur les privatisations des aéroports
de Paris). Il s'applique aux agents du service public.

1) Application aux agents du service public

Le préambule de 1946 dispose que le « droit de grève s'exerce dans le cadre des loi qui le réglementent ».
Depuis longtemps, la grève n'était plus répréhensible dans le domaine privé, mais elle restait toutefois fautive pour les
agents publics. Avec ce préambule, le droit de grève est reconnu de manière générale et vaut pour tous. Toutefois, la loi
''annoncée'' par le préambule n'a pas vu le jour et cela a posé des difficultés, avec notamment un contentieux dans lequel
des agents grévistes faisaient l'objet de sanctions :
CE Ass., 7 juillet 1950, Dehaene
Triple apport :
=> Le droit de grève vaut pour tous les agents publics
=> En l'absence de loi, le droit de grève peut s'exercer, il appartient au gouvernement de le réglementer afin d'en éviter
un usage abusif ou contraire à l'ordre public.
=> Il faut concilier le droit de grève avec la continuité au service public.

Désormais, on a la loi du 31 juillet 1963 qui interdit certaines pratiques comme les grèves tournantes, et
qui impose le principe du préavis de grève. C'est une loi à vocation générale et on a eu des lois spécifiques concernant
des corps de fonctionnaires particuliers. Par exemple la loi du 21 aout 2007 réglemente la grève dans les transports
terrestres. En l'absence de loi, la jurisprudence a évolué par rapport à Dehaene : Ce n'est plus au gouvernement de
réglementer la grève mais au chef de service.
CE, 14 octobre 1977, Syndicat général CGT personnels affaires sociales.
Ainsi, à propos des hôpitaux, le ministre de la Santé avait décidé de réglementer la grève ce qui a été jugée illégale, car
c'est désormais aux directeurs d'hôpitaux de le faire :
CE, 8 mars 2006, M. Onesto
Toutefois, si le chef de service, dans le cadre de son pouvoir réglementaire, peut intervenir, il n'y est pas obligé.

La réglementation peut être plus ou moins poussée : elle peut être d'abord interdite, notamment à certains
agents publics. En effet, depuis 1948, des interdictions légales privent du droit de grève les policiers, les magistrats,
les militaires. La jurisprudence autorise les chefs de service à interdire la grève à ceux qui ont des emplois d'autorité,
ou de souveraineté tels que les fonctionnaires supérieurs des préfectures ou assurant des missions indispensables de
sécurité (hôpitaux, aéroports etc.). Cette réglementation peut être un service minimum ou bien comme loi d'août 2007 le
prévoit, un mécanisme de prévention des conflits. Autre exemple, il y a un pouvoir de réquisition qui concerne les
transports terrestres quand la continuité est durablement et gravement affectée.
Toutefois il sera très difficile d'engager la responsabilité d'une administration ou d'une entreprise
privée qui gère un service public. S'il s'agit d'un SPIC (transport par exemple), le juge judiciaire est compétent mais
considère généralement la grève comme un cas de force majeure. La responsabilité administrative sans faute requiert un
préjudice anormal et spécial, qui n'a été reconnu que dans un nombre très limité de cas. Si la continuité du service
public peut justifier que les agents voient leur droit constitutionnel de grève réglementé voir parfois interdit, mais on
voit le soucis du juge qui doit concilier deux principes qui sont aussi importants l'un que l'autre. D'ailleurs, quand
le juge constitutionnel a fait du droit de grève un principe constitutionnel, une part de la doctrine a considéré que la
continuité du service public ne pouvait pas être rattachée à un principe constitutionnel sauf s'il était rattaché à la
continuité de l'État. Ce rattachement a fait débat car finalement, rehausser le la continuité du service public au niveau
constitutionnel a permis de réglementer le droit de grève. Cet effort d'interprétation de rattachement n'est pas sans enjeu.

2) Application aux autres

Le principe de continuité s'applique :

a) Aux cocontractants de l'administration

Le principe de continuité s'impose à eux : ils ne peuvent pas ne pas exécuter le contrat et ce contrat, de
nature administrative, présente certaines caractéristiques précises (v. Cours Capitant). Ainsi, il est interdit d'opposer
une exception d'inexécution.

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CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux (v. GAJA)
Cependant, pour compenser cela, le Conseil d'État a adopté la théorie de l'imprévision qui permet, quand il y a un
bouleversement de l'économie du contrat (et de fait, difficultés à remplir ses obligations), l'administration doit aider
financièrement le cocontractant. Peu importe que le contrat soit muet à cet égard, cette théorie existant en vertu de
règles générales applicables au contrat administratif.

b) Aux gestionnaires privés sans base contractuelle

C'est le cas où c'est la loi qui le prévoit : ainsi, le Conseil Constitutionnel a rappelé les exigences de
continuité du service public à l'occasion de la loi privatisant les aéroports. En effet, la privatisation peut présenter des
risques, notamment pour la gestion des aéroports :
CC, 14 avril 2005, Loi relative aux aéroports
En vertu du principe de continuité du service public, l'État peut opposer, malgré la privatisation des structures
aéroportuaires, l'aliénation des biens nécessaires au fonctionnement des aéroports.

Les usagers des services publics ont droit au fonctionnement normal du service public même si les
exigences varient...

§3) Le principe de mutabilité (ou d'adaptation)

1) Définition

Pour Rolland, c'est la loi du changement, qui évolue au gré de l'intérêt général. Le service public suit
les progrès techniques. La jurisprudence ne lui a pas reconnu le caractère de PGD, mais on peut le considérer comme tel
par les obligations qu'il fait peser sur l'administration et également au vu des droits et pouvoirs que l'administration peut
en tirer. Le juge administratif peut censurer les pratiques administratives qui ne respectent pas le principe.

2) Valeur et portée

L'exercice du service public prend donc en compte les progrès techniques :


CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-Rouen
Le Conseil d'État admet que la commune puisse imposer une compagnie de gaz son passage à l'électricité pour assurer
l'éclairage public : apparition du principe de mutabilité. On voit ici qu'il se fonde sur l'intérêt général.

Parallèlement, ce principe s'impose à l'égard des usagers : aucun usager n'a de droit acquis au mintien
du service public, sauf si la loi l'a prévu.
Pour les agents de service, ceux-ci peuvent être mutés dans l'intérêt du service public, on peut modifier
le statut du personnel (statut réglementaire car relatif à l'organisation du service public (?)).

A l'inverse, si l'Administration a donc des droits, pouvoirs et prérogatives, ses partenaires peuvent aussi
faire valoir le principe de mutabilité. Ainsi, les cocontractants peuvent faire valoir leur droit à l'équilibre du contrat ;
les usagers ont droit au fonctionnement normal du service public (impossibilité pour l'Administration de supprimer des
services, et si elle modifie, l'usager peut faire contrôler par le juge administratif la présence ou non d'erreur manifeste
d'appréciation) ; enfin, les agents de l'administration, si on peut leur modifier leur statut, ils ont le droit à l'application de
leur statut tant qu'il n'a pas été modifié, et une éventuelle modification, si elle ne résulte pas de la loi, ne peut être
rétroactive (CE Ass., 25 juin 1948, Société Journal l'Aurore).

§4) Autres lois du service public ?

A) Un principe de gratuité ?

Le service public, quand il est gratuit, ne l'est que pour l'usager, mais non pour la collectivité des
contribuables qui, par ses impôts, le finance. Il n'existe en aucun cas un principe de gratuité du service public. Pour
les SPIC, cela va de soi, mais pour les SPA, cela pose davantage de problèmes. En effet, des textes posent la gratuité du
service public. Par exemple, la Constitution, à travers le préambule de la Constitution de 1946, pose le principe de
l'enseignement laïc et gratuit, l'État doit donc l'assurer. Remarquons que cette gratuité de l'enseignement ne vaut pas
pour l'enseignement supérieur (CE Ass. 28 janvier 1972 Conseil transitoire de la faculté des lettres et sciences
humaines de Paris). La loi peut également prévoir la gratuité mais elle peut tout à fait prévoir des paiements (péages,
secours en montagne...).

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En l'absence de texte, la jurisprudence administrative a considéré que si le principe de gratuité ne peut pas
être rejeté, il n'y a pas de principe de gratuité des SPA. La jurisprudence opère en effet une distinction :
=> Les SPA essentiels (police, secours) doivent être gratuits (sanction en cas de paiement exigé). Ex. :
CE, 20 mars 2000, GISTI
Le juge administratif sanctionne l'exigence posée par le gouvernement d'une visite médicale payante pour les étrangers
qui viennent sur le territoire français.

=> En revanche, en présence d'interventions qui consistent en des prestations individualisées, il peut y avoir une
rémunération du service exigée par le gestionnaire. Le Conseil d'État a ainsi considéré que suite aux puces de
Clignancourt, nécessitant un nettoyage particulier de la voie publique, les personnes qui tenaient un stand aux puces
devaient payer le cout du service de nettoiement.

B) Autres règles ? L'influence du droit communautaire

Avec la circulaire Rocard de 1989 et la charge sur les services publics de 1992, de nouvelles règles de
bonne gestion sont apparues : transparence, accessibilité, simplicité, qualité, rapidité, participation des agents,
responsabilité de ceux-ci …

Les lois de Rolland ont été influencées par le droit communautaire, mais elles l'ont également influencé,
en dépit de l'ignorance relativement large du service public en Europe. Le droit communautaire a ainsi repris, à propos
des SIEG certains aspects des principes français.
CJCE, 19 mai 1993, Corbeau et CJCE, 24 avril 1994, Commune d'Almelo
La Cour a estimé qu'il y pouvait y avoir des droits exclusifs pour compenser certaines charges. Ainsi, le maintien de
droits exclusifs au profit des SIEG est admis à condition que les règles de mise en concurrence fassent échec à
l'accomplissement en droit ou en fait de la mission d'intérêt économique général et que cette exception n'affecte pas les
échanges communautaires de façon trop importante.

Ultérieurement, la communauté s'est rassemblée à propos de certains services (en réseau) qui font l'objet
aujourd'hui, en France, d'un démantèlement en raison de leur monopole. La commission et les traités, à propos de ce
démantèlement du service en réseau, ont considéré que ce n'est pas parce que la concurrence devait s'appliquer que l'on
ne doit pas respecter les exigences d'un service que la commission qualifie d'universel. C'est en fait un ensemble
d'obligations. La commission les défend pour la première fois en 1987 à propos des télécommunications, puis en 1992
sur la poste. Dans la définition qu'elle donne, elle explique que c'est service de base offert à tous (égalité) dans
l'ensemble de la communauté (égalité des usagers sur tout le territoire communautaire) à des conditions abordables et
avec un niveau de qualité standard : il s'agit de fournir à tous des prestations essentielles en qualité, en quantité et à prix
accessible. Ainsi, à tous les services universels, les principes des lois de Rolland s'affirment. Dans la loi de 1996 qui
privatise les télécoms, on va dans la loi définir le service universel des télécoms (accès à un téléphone fixe, cabine sur
tout le territoire etc.). Mais au-delà, on a ajouté des services qui ne sont pas dans le service universel (usage des
télécoms pour la défense nationale).

Chapitre II : La diversité du service public : l'éclatement de la notion

Les services publics présentent une diversité d'objet (SPA ou SPIC), une diversité des gestionnaires et
des modes de gestion (personne publique ou personne privée). Cela explique l'hybridité du régime juridique du
service public, et cela constitue la principale caractéristique de la matière (on est loin de la parfaite harmonie de l'arrêt
Blanco !). Avec la conjugaison de ces deux paramètres, on a une gradation du droit public au droit privé : il n'est pas
exclu, dans un SPA géré par une personne publique, une part de droit privé.

Section 1 : La dualité des services publics tenant à l'objet (SPA et SPIC)

§1) L'émergence des SPIC

Les collectivités territoriales ont tenté au début du 20ème siècle, des interventions sous le nom de
« socialisme municipal ». Ces interventions n'étaient pas vu d'un bon œil par le Conseil d'État qui s'y opposait jusqu'en
1930.
Du côté de l'État, il y a une demande sociale insatiable et qui l'a amené à devenir un État providence.
L'État est en perpétuel changement. Aujourd'hui, tout comme les collectivités territoriales, il se fait entrepreneur et tente
d'assouvrir la demande sociale : le nombre d'interventions croissant des personnes publiques vont conduire à
l'intervention de la notion de SPIC. Les personnes publiques interviennent en effet de plus en plus dans la vie
économique dans un but d'intérêt général. Il va alors y avoir la distinction au sein des services publics. Précisons en

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effet qu'il y a eu des ''tentatives'' à un moment de faire reconnaître une troisième catégorie de services publics, à savoir
les services publics sociaux :
TC, 22 janvier 1955, Naliato
Apparition de cette catégorie de service public, celle-ci était considérée être gérée comme des entreprises privée.
Toutefois, cette jurisprudence n'a pas duré, avec son abandon : TC, 4 juillet 1983, Gambini (Le CE a également opéré
son revirement). Toutefois, précisons qu'on retrouve cette notion en droit communautaire.

Revenons à nos moutons, enfin à nos SPIC. L'arrêt de principe est le bien connu :
TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l'Ouest Africain dit « Bac d'Eloka »
Assignation en responsabilité de la colonie française (Côte d'Ivoire) qui gère un bac traversant une lagune. Le bac coule
et les voitures dessus sont perdues. Le TC applique l'arrêt Blanco mais considère toutefois que la colonie de Côte
d'Ivoire exploite un service de transport dans les mêmes conditions qu'un industriel ordinaire. Il écarte ainsi la
compétence du juge administratif sur le contentieux de la responsabilité des dommages causés par ce type de services,
fonctionnant comme chez un industriel ordinaire. Toutefois, à partir de là, rien n'est dit car contrairement à ce qu'on a
pu dire, cet arrêt ne consacre pas la catégorie des SPIC. D'ailleurs, le TC n'évoque même pas la notion de service
public.
CE, 23 décembre 1921, Société générale d'armement
Le Conseil d'État emploie enfin l'expression de SPIC.

§2) L'identification du SPIC

Cette identification est délicate. Elle peut comme toujours être simplifiée par une qualification résultant
d'un texte. Toutefois, si le Conseil d'État est bien tenu par une qualification légale, il ne l'est pas pour une
qualification qui résulterait du fait qu'une commune a, par arrêté, décidé de créer un SPIC. Il s'agit en effet d'un
texte réglementaire et le Conseil d'État est juge du pouvoir réglementaire et il n'est donc pas tenu par ces qualifications.
Ainsi, si on a une qualification faite par un texte réglementaire ou si on a même pas de qualification tout
court sur la nature du service public, que doit faire le juge ?
CE, 26 janvier 1968, Dame Maron
Face à un service public, il présume qu'il est administratif (en l'espèce, un théâtre).
Cette présomption peut être évidemment renversée lorsque plusieurs indices relèvent que le service public
est géré comme un industriel ou une entreprise privée :
CE Ass., 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques (dit arrêt USIA)
Arrêt qui n'est pas dans le GAJA mais qui est extrêmement important.
Cet arrêt intervient tardivement (attendu depuis Eloka !) et énonce les indices. En l'espèce, est en cause une caisse
(Établissement public) de compensation de l'industrie aéronautique. Quelle est sa nature juridique ? Le Conseil d'État
retient trois indices : l'objet ; l'origine de ses ressources ; les modalités d'organisation et de fonctionnement. On
remarquera que le premier indice est un indice objectif tandis que les deux autres sont des indices subjectifs. Ces indices
visent à percevoir une ressemblance avec une entreprise privée.

A) Le critère objectif : l'objet

Si la mission remplie par le service est de nature économique, donnant lieu à une production, achat ou
vente de biens et services, alors elle « ressemble » à une entreprise privée. Il s'agit là d'un élément essentiel : si l'objet
n'est pas un objet économique, le service ne peut pas être un SPIC. Exemples : distribution d'eau, réalisation de
chemins de fer etc. => Objet économique. À l'inverse, la police n'a pas d'objet économique et ne peut donc être un
SPIC. On a eu parfois quelques hésitations, notamment avec l'affaire du bac (Eloka, Denoyez... v. supra). En effet, le
bac est un complément de la voirie : or la voirie est un SPA... La jurisprudence est confuse : par exemple, le TC, estime
que les pompes funèbres a pour but d'assurer le respect et la dignité des morts. Et, en raison de ce but, il va considérer
que c'est un SPA... alors que l'objet du service des pompes funèbres est d'offrir des prestations qui pourraient être
assurées par une personne privée. D'ailleurs une loi en a fait un SPIC. Autre exemple sur la transfusion sanguine : au
nom de la protection de la santé (son but), la jurisprudence a considéré que c'était un SPA... alors que son objet est la
vente de produits dérivés du sang.

Un objet économique ne suffit pas à faire d'un service public un SPIC. Au-delà de son objet, le
service public doit présenter des éléments subjectifs qui le rapprochent de l'entreprise privée (TC, 24 juin 1968, Ursot).

B) Les éléments subjectifs

1) Le financement du service public

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Il faut que le service public soit financé par des rémunérations : l'usager doit payer la prestation qui lui est
offerte. Les SPIC sont pour l'essentiel financés comme une entreprise privée, par un prix facturé à l'usager en
contrepartie de la prestation fournie (CE 21 novembre 1958, SNTA). Cette importance de la notion de contre-partie
a été nuancée : par exemple, à la RATP, le prix du billet de bus dans son ensemble ne couvre pas le prix du service.
Certaines aides viennent abonder les sommes ainsi encaissées, mais seulement à titre accessoire. Ainsi, le budget des
SPIC des collectivités locales doit être en équilibre, des subventions n'étant autorisées que dans des cas très
particuliers. A l'inverse, le SPA est largement financé par le contribuable, par l'impôt : il est gratuit ou bénéficie d'une
taxe, non proportionnelle au coût du service. Mais il ne s'agit toujours que d'un simple indice, qui ne permet pas, à lui
seul, la qualification. Toutefois, c'est un indice important qui neutralise l'autre élément subjectif (TC, 21 mars 2005,
Mme Alberti-Scott).

2) Les modalités d'organisation et de fonctionnement

Le juge administratif recherche là encore le rapprochement avec l'entreprise privée : Prérogatives


de puissance publique, procédures comptable et budgétaire (comptabilité publique ou privée, dépôt des fonds au
Trésor), statut des personnels (fonctionnaires ou agents soumis au Code du travail), méthodes de gestion...

§3) Distinction entre service marchands et service non-marchands

C'est une distinction opérée par le droit communautaire : en effet, les SIEG sont des services
marchands. Le traité de Rome ne s'intéresse pas aux services publics, sans qu'il y soit opposé. Simplement, pour faire de
la zone euro un marché commun, il prône la concurrence libre (interdiction des pratiques anti-concurrentielles : art. 81
et 82 du traité de Rome) Ensuite, vers les années 70, la montée du libéralisme a accentué cette perspective qui prône
cette libre concurrence. Ce marché commun, outre cela, a pour objet de préserver les SIEG : il s'agit en effet de faire
avec ceux-ci exception et limiter la rigidité des règles de concurrences (cf. arrêt Corbeau supra). La jurisprudence de la
CJCE a défini les SIEG : 1. Le droit communautaire ne s'intéresse pas au critère organique ; 2. définition fonctionnelle :
Service qui a une activité économique (activité d'une entreprise) tournée vers l'intérêt général.
Au fil du temps, la CJCE, poussée par les États (notamment français, cocorico !), a fait une distinction entre SIEG et
Services non-marchands : concernant ces derniers, le droit de la concurrence ne s'applique pas. Il s'agit des services
qui exercent des fonctions d'autorités (services régaliens classiques qui usent de prérogatives de puissance publique).
Ainsi, dans l'arrêt CJCE, 19 janvier 1994, Eurocontrol, la Cour considère que le service de contrôle de la navigation
aérienne mis en place entre certains États de la communauté est un service qui exerce une fonction d'autorité. C'est un
service non-marchand. Il en va de même pour les services qui ont une pure action de solidarité, qui échappent ainsi à
toute préoccupation marchande en raison de leur but, de leur mode de fonctionnement et de leur financement (CJCE,
17 février 1993, Poucet et Pistre).

Cela dit, il n'y a pas de regroupement absolu SPA / SPIC en droit interne, et SM / SNM. Les notions
se recoupent toutefois très largement. Chaque juridiction ayant la maitrise de ses qualifications, il n'y a pas de
convergence absolue, mais cette légère divergence ne pose pas de sérieux problèmes, il y a juste à terme des
ajustements qui seront nécessaires et qui justifieront l'abandon des noms français. Il est ensuite apparu la notion de SIG
qui regroupe les services économiques non-marchands. Cette notion a surtout été développée en 2003 et 2004. L'intérêt
général est ainsi promu de plus en plus. D'ailleurs, le traité de Lisbonne compte un protocole additionnel sur les SIG.
Cela résulte surtout donc de l'influence française dans les années 90, même sur des pays très libéraux (la G.-B. De
Thatcher).

Section 2 : La différenciation des modes de gestion

§1) Le choix du mode de gestion

A) Liberté des personnes publiques dans le choix du mode de gestion

Choix à sa discrétion, le juge administratif saisi de l’affaire exerce un contrôle minimum (donc pas de
contrôle d’erreur manifeste d’appréciation). Ce choix libre de la collectivité publique a une limite, il y a une série de
paramètres qui éclairent les collectivités publiques. Il n'y a pas de présupposé politique déterminant, mais on a des
paramètres :
* Financiers : Faire appel au secteur privé pour confier un service public, présente un intérêt financier (allégement de la
dépense publique).
* Économiques : Le droit communautaire ne se préoccupe pas de la nature du gestionnaire, mais que des moyens
qui peuvent être un frein à la libre concurrence. Ainsi, concernant les emprunts d’EDF garantis par l’Etat, la
commission observe qu'il y a là un avantage. Lorsque on a un système établissement public, il n’y a pas en principe de

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capital : or dans un marché qui se mondialise, pour qu'une entreprise se développe hors du pays, elle doit récolter des
participations d'entreprises étrangères (?)
* Juridiques : Le choix de faire appel à un gestionnaire privé ou autonome des collectivités publiques, permet de
donner autonomie au service public en question. Pour les SPIC, l’autonomie est souhaitable : il est en effet
préférable de ne pas avoir de budget et de ne pas être gêné par les règles du droit public financier.

Parfois cependant, cette liberté disparaît en raison de la « nature du service ou de la volonté du


législateur » (Avis CE du 7 octobre 1986, concernant les cantines), voire du constituant. Si le service public de santé
peut être pris en charge tant par des personnes publiques que privées, les missions régaliennes ne sauraient être
confiées à des organismes privés. Il en va ainsi, tant sur le plan local que national, de la fonction de police générale : est
ainsi impossible la délégation des « tâches inhérentes à l'exercice par l'État de ses missions de souveraineté »,
notamment en matière pénitentiaire ou des opérations de surveillance des élèves dans les cantines scolaires (cf. l'avis du
CE). Dans un arrêt, le CE accepte qu'une commune délègue la gestion du stationnement à une personne privée, mais pas
la constatation des infractions au stationnement. La loi peut imposer la gestion du service public par une personne
publique.
Depuis le 2 juillet 2003, le contrat de partenariat public-privé s'est développé. À cette occasion on a vu
revenir en discussion la question de savoir ce que la loi pouvait confier aux personnes privées. C'est autorisé sous
réserve de ne pas confier la gestion de service public mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique. On voit
cela à propos de l'externalisation de services reliés aux prisons. De même, pour les constructions liées aux services de
gendarmeries, aux services hospitaliers, à la construction/amélioration des tribunaux... Par la loi, la gestion peut être
transmise à des personnes privées mais le Conseil Constitutionnel a, à diverses reprises, souligné la nécessité de
maintenir dans le champ de compétence des personnes publiques les activités strictement régaliennes.

B) Les modes juridiques d’habilitation des gestionnaires de service public

− Dans le cas d’une habilitation contractuelle.

C'est la méthode la plus ancienne, elle date de l’époque féodale. Souvent on concède la conception de
travaux publics. On a joint à cette concession, la gestion du service public.
La concession consiste en un contrat passé par une personne publique, appelée le concédant, à une personne
généralement privée appelée le concessionnaire. Ce contrat est passé pour une durée déterminée moyennant
rémunération du service rendu aux usagers du service public. Rémunération du service public par les usagers au
concessionnaire selon le tarif fixé par le contrat de concession. La rémunération du concessionnaire n’est pas le fait
discrétionnaire du concessionnaire mais le fait d'un tarif prévu par le contrat de concession. Le contrat de
concession est un contrat administratif qui comprend des clauses réglementaires, notamment des clauses d’organisation
du service public et des clauses tarifaires. Le contrat de concession se caractérise par le critère qui est la rémunération
du concessionnaire par les usagers en contrepartie du service rendu.
Les concessions ont connu un grand succès au 19ème et au 20ème siècle. Avec la crise économique de 1929,
et la crise due à la première guerre mondiale, le juge a fait des efforts pour prendre en compte la difficulté des
gestionnaires (prise en compte de l’imprévision etc.) mais ces efforts ne seront pas suffisant et se solderont par la
nationalisation des chemins de fers (SNCF) entre autres. La concession va reprendre de l’ampleur après la 2nd guerre.

Les habilitations
par contrats peuvent revêtir d’autres formes que la concession : l’affermage, la régie intéressée, la gérance… Dans les
années 1990, on s’est inquiété de la gestion par des tiers des services publics. Les collectivités publiques pouvaient
préférer tel tiers à un autre et ne pas respecter le droit à la concurrence. Il a donc été décidé que la collectivité publique
doit faire un appel d’offre et à l’issue d’une publicité, elle doit choisir celui qui répond le mieux aux exigences
qu’elle a posé. Ces règles là, le droit français va les prendre en considération notamment à travers la loi SAPIN du 29
janvier 1993 sur la prévention de la corruption. En effet, ce mode de gestion qui consiste à s’adresser à un tiers était
fort utilisé par les collectivités locales pour confier un service public à tel groupe qui en contrepartie versait sous
couvert de fausses factures, des sommes permettant de financer la campagne électorale des élus. Avec la loi Sapin, un
principe de publicité est introduit pour toutes les conventions de délégation de service public. Il y a une véritable
volonté juridique à propos de ces conventions qui se caractérise par une obligation de transparence.

La loi MURCEF du 11 décembre 2001 définit la délégation de service public : « c’est un contrat par
lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un
délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d’exploitation du service ».
C’est un contrat administratif (passé par une personne publique ; pour confier la gestion du service public : critère
matériel et organique).
Il confie la gestion du service public, c'est-à-dire qu’il confie la gestion globale à la personne privée en

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lui laissant une certaine autonomie. A cet égard, il se différencie du contrat qui associerait simplement personne privée
et personne publique. Il s’agit de gérer le service public et non pas d’un marché public. On confie l’exploitation du
service public.

Le dernier critère essentiel est celui de la rémunération substantielle : il faut que le contractant trouve
une rémunération substantielle. La loi MURCEF entérine la jurisprudence antérieure, notamment deux arrêts qui sont
venus préciser ce qu’on entend par rémunération substantiellement liée :
CE, 7 avril 1999, Commune de Guilherand-Granges
Un service public de l’eau a été confié à une personne privée. Il y a un service public de l’eau mais ce n’est pas une
délégation de service public dit le CE. Pourtant la personne privée habilitée à gérer le service tenait 80% de sa
rémunération du prix payé par les usagers (élément quantitatif). Le critère n’est pas quantitatif ; ce qui compte c’est
la prise de risque.
CE, 30 juin 1999, SMITOM (Syndicat mixte de traitement des ordures ménagères)
Alors que le service de traitement des ordures ménagères n’est rémunéré qu’à 30% par le service, le CE considère qu’il
y a délégation de service public parce que ce tiers de rémunération représente un véritable risque pour
l’exploitation. La rémunération substantielle est caractérisée par un élément qualitatif et non pas quantitatif ; on
considérera que la rémunération est substantiellement liée au résultat de l’exploitation du service lorsque le délégataire
est rémunéré non pas sur le plan quantitatif, principalement par les usagers du service mais quand la rémunération
dépend qualitativement du service.
Les usagers de l’eau sont dans une dépendance totale ; la demande est incompressible et celui qui prend
en charge l’eau n’a pas de risques (1er arrêt) ; en revanche la gestion des ordures ménagères présente un risque.

− L’habilitation par exception peut être unilatérale

Cette habilitation a été découverte par le juge dans la jurisprudence de l’entre-deux-guerres :


CE Ass., 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et protection » / CE Ass., 31 juillet 1942, Monpeurt / CE, 2 avril
1943, Bouguen.
Dans ces trois arrêts le CE admet qu’indépendamment de tout contrat, qu’un tiers peut se voir confier la gestion
d’un service public. À chaque fois le CE relève que les organismes étaient chargés d’un organisme public par la loi qui
les instituait.
Ce type d’habilitation s’est diversifié : on a vu en dehors de tout contrat des organismes privés assurer des
missions de service public dans le domaine social, agricole, chasse etc.…
CE, 1995, 2 avis du 9 mars et 29 septembre
Le CE relève que pour qu’il y ait habilitation unilatérale il faut un texte.
CE, 6 avril 2007, Commune d’Aix en Provence
Le CE précise que ce texte doit être une loi.

Le droit communautaire a rappelé que si l’habilitation unilatérale était possible, encore faut-il que par le
jeu de l’habilitation unilatérale, les pouvoirs publics ne cherchent pas à échapper aux règles de la délégation de service
public (concurrence, publicité,…).
CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria
La Cour de justice note que la loi qui habilite unilatéralement à prendre en charge le service public doit être conforme
au droit communautaire et au droit interne : il faut un degré de publicité adéquat et un degré d’impartialité dans les
procédures.

L’habilitation unilatérale peut confier la totalité du service à un organisme donné. Elle peut désigner
l’organisme. Exemple : La loi de 2005 sur les aéroports confie à ADP la charge d’assurer les missions de service public.
L’habilitation unilatérale est plus fréquente pour les SPA que pour les SPIC.

Il y a une autre exception : il peut ne pas y avoir d’habilitation du tout


Dans l’arrêt Commune d’Aix-en-Provence, le CE réserve ce cas d’absence d’habilitation. C’est le cas où la création
d’un service public n’est pas le fait d’une personne publique mais de l’initiative de personnes privées. Au contentieux,
le CE analysant l’initiative privée décèle dans celle-ci une activité d’intérêt générale soumise à un contrôle de la
puissance publique. Le juge administratif opère alors une mission de contrôle. Dans ce cas, le CE dit qu’il y a service
public. Dans un avis du 18 mai 2004, le CE conclut que la cinémathèque française est un service public alors qu'aucune
collectivité publique n’a habilité la cinémathèque.

C) L'identification de la nature publique ou privée du gestionnaire

Dans certains cas, un organisme tiers est crée, on ne sait pas s’il est public ou privé. Dans le silence de la

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loi, le juge administratif utilise la méthode du faisceau d’indices.

CE, 13 novembre 1959, Navizet


Le CE recours à la méthode du faisceau d’indices pour qualifier un institut (l’institut national des appellations d’origine
en l'espèce). Les indices utilisables sont :
1) Qui l’a crée ? A-t-il été institué par une personne privée ou publique ?
Léon Blum disait « on nait établissement public, on ne le devient pas » (*snif*, c'est trop beau)
CE, 27 décembre 1973, De la Bigne de Villeneuve
Le CE a dit qu’indépendamment de sa création (ici par des personnes privées), c’est un organisme public. Le
critère de l’origine de Blum est abandonné. Ce n’est qu’un indice parmi d'autres.
2) La mission d’intérêt général.
3) Le contrôle des collectivités publiques sur l’organisme
4) L’organisme dispose t-il de prérogatives de puissance publique ?

La difficulté est que ces indices ne sont pas différents de ce qui permettent de qualifier le service public.
René Chapus dit que quand le CE qualifie l’organisme, il le fait en recherchant la qualification la plus opportune.
Le CE mettra l’accent sur des éléments plus ou moins favorables.
TC, 20 novembre 1961, Centre régional de lutte contre le cancer "Eugène Marquis" de Rennes
Dans cet arrêt, le TC dit que c’est un organisme privé en se fondant sur le fait que l’exposé des motifs de l’organisme
qui fixe ses statuts, le qualifie de privé ; de plus précédemment il était déjà privé. Pourtant il s’agit bien d’une mission
d’intérêt général et de surcroit, les centres en cause font l’objet d’un contrôle de la puissance publique.

CE, 4 avril 1962, Chevassier


Il s’agissait de qualifier les fédérations gouvernementales de chasseurs. Le CE s’appuie sur les mêmes éléments pour les
qualifier d’organismes privés alors même qu’il y a une mission d’intérêt général, un contrôle financier, des
prérogatives de puissance publique (monopole de délivrance des cartes de chasse). Bref, dans l’identification de la
nature publique ou privée, on a ce système du faisceau.

Dans d’autres cas, il arrive en effet que parfois, une personne publique fasse appel à une association de
1901 et confie la gestion du service public. La Cour des comptes a la première mis l’accent sur cette pratique qu’elle a
appelé des démembrements de l’activité publique. Les collectivités publiques ont tendance à créer des associations de
1901 pour confier des services publics. La création d’association permet en effet de contourner des règles de
finances publiques. Le CE va ainsi observer dans certains cas la même chose :
CE, Commune d’Arcueil, 1954 (???)
Le CE dit que l’association qui gère le patronage est en réalité présidée par le maire, avec subvention de la ville, et ne
mène que des activités décidées par le maire. Le CE dit que l’association est transparente, c’est une personne
publique.
CE, 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt
Le CE observe que la patinoire de Boulogne est gérée par une association qui est en faite contrôlée par la commune.

§2) La gestion d'un service public par une personne publique

A partir de 1982 est apparu dans le cadre de la loi du 15 juillet 1982 sur la recherche une catégorie
nouvelle de personnes publiques : les groupements d’intérêts publics (GIP). Dans un avis de 1985, le CE a considéré
que les GIP constituaient des personnes publiques dotées de la personnalité morale. Leur particularité réside dans le
fait qu’elles ont pour objet de gérer une activité de service public pour un temps déterminé.
Au ministère de la justice, il existe un GIP : le GIP mission « justice et droit ». La mission justice et droit
est une mission qui s’attache à développer la recherche en droit. Il y a une réunion de personnes appartenant à des
personnes publiques différentes pour un temps déterminé.
TC, 14 février 2000, GIP Habitat et intervention sociales (v. GAJA)
Le Tribunal des conflits a eu à s’interroger sur un contentieux qui concernait la nature juridique d’un GIP. Dans cette
affaire, il conclut au caractère public de ce groupement.

Une autre sorte de personne publique est apparue, dotée d'un statut particulier : La banque de France.
CE, 22 mars 200, Syndicat national autonome personnel Banque de France
Le CE reconnaît à la banque de France un statut public.

Les gestionnaires publics ne se limitent plus à la catégorie des Établissements publics (qui sont les
gestionnaires-types du service public sur habilitation).

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A) Notion générale

L'établissement public est une personne morale de droit public chargée de la gestion d’un service
public, le service public lui étant confié normalement par l’Etat ou une collectivité territoriale. L’établissement public
est un mode de gestion du service public : un mode de gestion personnalisé parce qu’il traduit pour la collectivité
publique, le fait d’avoir fait appel à un tiers qui prend en charge de façon autonome le service public. Les
établissement publics locaux sont rattachés à une collectivité territoriale. On parle à propos de l’établissement public
d’un service public personnalisé car il a la personnalité morale. Il y a ici une forme de décentralisation par service.
Ces services publics personnalisés bénéficient d’une autonomie. Ils sont très important en nombre.
Les établissements publics nationaux sont essentiellement des établissements publics administratifs
(EPA). Il y a aussi des EPIC comme EDF-GDF pendant longtemps, mais aussi la SNCF depuis une loi de 1983.

La formule de l'établissement public a connu un très fort développement et est relativement ancienne.
Maurice Hauriou a essayé de distinguer deux types d’établissements publics :
- Les établissements publics corporatifs : Ce sont les EP qui sont dotés d’une autonomie d’intérêt. Les
universités en sont l’exemple-type car elles correspondent à une communauté d’intérêts qui s’exprime autour
de l’idée de liberté et d’indépendance du savoir.
- Les établissements publics fondatifs : Ce sont des EP qui correspondent davantage à un procédé technique
qui vise à constituer un organisme en lui donnant la personnalité morale en raison de divers avantages.
Les EP permettent d’échapper à la règle de non-affectation par exemple.

Une des raisons qui explique la création peut résider dans une volonté d’indépendance. Il peut aussi
s’agir d’une raison symbolique (exemple : changement de l’appellation juridique de la SNCF).
L’EP est une catégorie extrêmement hétérogène. On peut observer une dissociation dans certains EP : à
l'époque, pendant un certain temps il existaient des EP sans service public (TC, 9 décembre 1899, Association
syndicale du canal de Gignac (v. GAJA)). TC, 28 mars 1955, M. Effimieff (v. GAJA) est ensuite revenu sur cette
dissociation :
Il y a des EP sans service public directement dans le domaine économique et qui sont en charge de
défense des intérêts économiques : ils sont constituées sous forme de holding. Il y a au contraire souvent des EP qui
gèrent plusieurs services publics.
Il peut aussi avoir dissociation des EP qui ont un objet administratif ou industriel et commercial. Il y a
aussi des EP qui sont à double visage, qui développent une activité administrative et une activité industrielle et
commerciale. Quand un contentieux survient on examine dans quelle partie le contentieux est né. L’EP peut être
qualifié d’EPA ou d’EPIC dans un texte. Par exemple l’office national des forêts est qualifié d’EPIC. Toutefois, cela
n'empêche pas le Tribunal des conflits (TC 9 juin 1986 Commune de Kintzheim c/ Office national de la forêt
(ONF)) de distinguer selon que l’ONF exerce une activité administrative (surveillance des forêts) ou une activité
commerciale (exploitation des forêts).
TC, 23 novembre 1959, Société de Meunerie
Le TC explique que c'est un est un organisme également chargé d’une activité commerciale parce qu’il mène des
activités commerciales, de vente de stockage, pour assurer l’équilibre des marchés des céréales. Cependant, l’ONIC est
qualifié d’EPA.
L’EP peut aussi avoir une image inversée : Le FORMA par exemple est un fond institué par décret qui
en fait un EPIC. Un contentieux surgit :
TC, 24 juin 1968, Société "Distilleries bretonnes" et société d'approvisionnements alimentaires
Le TC s’autorise à requalifier l’activité en considérant que bien que qualifié d’EPIC par ce décret, le FORMA gère en
réalité uniquement un service administratif car il se borne à organiser un service agricole. Cette possibilité de
requalification n’est possible que lorsqu’il s’agit d’un organisme qualifié par décret, si la qualification est
instituée par la loi, le juge doit s’incliner. De plus, le TC considère qu’il ne peut même plus dire qu’à coté de ce
qu’il résulte de la qualification législative, il y aurait un double visage (TC, 29 décembre 2004, Blanckeman).
Désormais, le TC limite la dissociation en acceptant de déroger à cette compétence judiciaire, non pas pour faire place à
l’existence d’une activité parallèle, mais pour faire place à l’existence de prérogatives de puissances publiques.

B) Le régime juridique de l'établissement publics

1) La création et la suppression

On supprime de plus en plus d’EPIC, ceux-ci étant transformés en société privée (c’est une sociétisation
mais pas une privatisation). Il y a privatisation lorsque le capital est détenu en majorité par des organismes privés.
L’opération de privatisation ne peut se faire que dans le respect de l’article 34 qui prévoit la compétence du

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législateur. Pour transférer du secteur privé au secteur public, il faut une loi.
CE, Ass, 24 novembre 1978, Schwartz
Ce qui fait le critère d’appartenance au secteur public est le critère de la détention de la majorité du capital.

2) Les principes de gestion des EP

− Premier principe : l’autonomie

L'EP étant une personne morale, son autonomie se traduit par le fait qu'il a des organes propres : un
Président, et une Assemblée Délibérante. L’autonomie est aussi financière avec des biens propres mais pas de capital
sauf exception. Ces EP ont un budget si ce sont des EPA ou un état prévisionnel si c’est un EPIC. Les biens des EP
quels qu’ils soient des EPA ou des EPIC sont insaisissables. On ne peut pas utiliser les voies d’exécutions qu’on
emploie à l’égard des personnes privées (TC, 9 décembre 1899, Association syndicale du canal de Gignac).
Cass. Civ. 1ère, 21 décembre 1987, BRGM
La Cour confirme que les voies d’exécutions privées ne peuvent pas être utilisées contre les EPIC. Cela donne un
avantage par rapport aux personnes privées qui peuvent avoir des problèmes de concurrence. Il n’y a biens des voies
d’exécutions mais elles résultent des voies d’exécutions administratives.

− Deuxième principe : la spécialité

L’EP ne peut pas poursuivre un objet autre que celui qui lui est confié. Ce principe est strict pour les EPA. Exemple :
Un hôpital est là pour soigner les malades, il ne peut pas dans sa propre lingerie traiter le linge d’une clinique privée
voisine (CAA Nantes, 1er mars 2000, Centre hospitalier de Morlaix).
Pour les EPIC qui gèrent des services qui ressemblent à des entreprises privées, ils vont avoir intérêt à
développer leur activité au-delà de l’objet qui leur avait été au départ confié. Le principe de spécialité leur est ainsi
appliqué de façon assoupli (CE Sect., avis 7 juillet 1994, La diversification des établissements publics (EDF-GDF)
et le principe de spécialité).
Le CE pose deux conditions (cumulatives) :
1) Il faut que l’activité en cause soit techniquement et commercialement le complément normal de
l’activité statutaire ;
2) Il faut aussi que l’activité ajoutée soit bien d’intérêt général et directement utile à l’EP. Dans l'avis du
CE sur EDG-GDF, celui-ci peut faire du traitement de déchets gazier mais ne peut pas développer des
activités de cartographie.

− Troisième principe : le principe de tutelle

=> La tutelle est exercée par l'État, peu importe que l'EP soit national ou local.
=> Elle ne se présume pas (« pas de tutelle sans texte, pas de tutelle en dehors des textes »). Exemple : Quand le
Premier ministre décide de délocaliser l'ENA à Strasbourg, le CE censure sa décision parce que le texte qui institue la
tutelle de l'État sur l'ENA ne prévoit pas que l'autorité de tutelle puisse contrôler la localisation de l'école.
=> Cette tutelle peut être administrative et financière
• Administrative : Elle peut être organique, c'est-à-dire que l'autorité de tutelle détient, au sein de l'EP, des
personnes qui la représentent. Elle peut également être matérielle par les actes qu'exerce le gouvernement
• Financière : La tutelle financière matérielle consistera en l'approbation des décisions à caractère
financier. Sur le plan organique, elle consiste à contrôler les dépenses et les recettes (Pour les EPA, le
contrôle financier est a priori, important et limite considérablement leur autonomie. À l'inverse, dans les
EPIC, le contrôle est plus souple et est réalisé pour l'essentiel, a posteriori, par un contrôleur d'État.

Au-delà de ces contrôles prévus dans le cadre de la tutelle, il y a deux contrôles qui s’exercent
indépendamment : c’est le contrôle de l’Etat par le biais du déféré préfectoral. Les textes prévoient aussi un contrôle
financier de la Cour des comptes sur les EP.
Cela dit, le contrôle d'un EP à l'autre est fort variable. L'autonomie est variable soit en raison de
l'autonomie financière de l'EP, soit en raison de la taille et de l'histoire de l'EP.

§3) La gestion d'un service public par des personnes privées

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Les personnes privées ne vont ici intervenir qu’à titre de tiers, et il faudra normalement qu’elles soient
habilitées par principe par contrat ou par les voies d’exceptions. Les personnes privées peuvent aussi bien gérer des
SPA que des SPIC. On peut reprendre la distinction d’Hauriou, il y a des personnes privées qui obéissent dans leur
fonctionnement à une logique gestionnaire et d’autres à une logique d’intérêts.

A) Logique gestionnaire

Il peut y avoir des sociétés à capital totalement privé qui prennent en charge un service public. NB :
Les collectivités territoriales ne peuvent participer au capital d’une société privée.
La société d’économie mixte désigne les sociétés dont le capital est à majorité public. Elles sont très
importantes en France, du fait notamment du mouvement de transformation des EPIC en société. Ces SEM peuvent
prendre en charge un service public.
Les 2/3 des SEM sont des sociétés locales, et obéissent à un régime particulier (Article 1521-1 du CGCT)
qui impose une participation majoritaire des collectivités territoriales. Le budget de la commune ne pourra être
engagé pour la gestion du service public que sur la base d’une convention. On peut également créer une société
nationale. Dans ces sociétés, la logique est commerciale.
Dans une logique gestionnaire, on peut aussi avoir des sociétés mutualistes.

B) Logique corporative

Cette logique s'affirme à propos notamment des ordres professionnels (personnes privées). L'essor de
ces ordres s'inscrit dans la logique corporatiste du régime de Vichy et qui perdure à la libération. Ces ordres ont des
responsabilités dans le contrôle des diplômes. Ils sont chargés d'élaborer un code déontologique de la profession et
dispose d'un pouvoir de sanction disciplinaire. Lorsque des ordres professionnels prennent des décisions administratives
relatives à la déontologie, ces décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge administratif. En revanche,
lorsqu'il inflige des sanctions administratives c'est en tant que juridiction : le juge administratif est saisi en tant que
cassation.

Il y a un point de jonction entre les EPIC et les SEM en ce qu'ils constituent des entreprises publiques.
C'est une notion économique qui permet de caractériser le secteur public économique. C’est l’outil qui permet aux
collectivités publiques de garder le contrôle.
L’alinéa 9 du préambule de la Constitution porte sur la privatisation. Il dit que les collectivités publiques ne peuvent pas
perdre la propriété de biens ou d’entreprises ayant le caractère d’un service public national. La limite à la privatisation
tient là.
CC, 23 juillet 1996, Loi relative à l'entreprise nationale France Télécom
Cette limite ne vaut que pour les services publics nationaux.
CE, 27 décembre 2006, M. B et autres
Bayrou conteste la privatisation des autoroutes. Le CE dit que la privatisation n’est possible que si on est dans le cadre
d’un service public qui n’est pas national.

Section 3 : Le régime des actes, personnes et biens

Avec l'arrêt Blanco, le droit administratif s’applique au service public. C’est en effet le fondement du
droit administratif : c'est le critère d'application du droit administratif et de la compétence du juge administratif.
Le service public s'affirme d'abord dans la jurisprudence du début du XXème siècle, avec les arrêts Terrier
(contentieux contractuel des services publics départementaux), Feutry (contentieux extra-contractuel d'un « service à la
charge du département et d'intérêt public ») et Thérond (contentieux contractuel des services publics municipaux).
Avec le développement de l’interventionnisme, il y a l'émergence des SPIC. L'État est en effet conduit à
faire appel de plus en plus à des personnes privées pour prendre en charge le service public : on assiste ainsi à une crise
matérielle (en raison de la diversité de son objet) et une crise organique (de plus en plus assuré par des personnes
privées). Le droit qui s’applique au service public, le régime de droit public, va devenir un régime mixte. Il y a
ainsi une gradation dans le régime juridique des services publics : c'est en effet un régime hétérogène, dont la
détermination va être fonction de ces paramètres (objet et gestionnaire du service public). Il y a toujours dans le service
public une part certaine de droit public, et une part minimale de droit privé.

Le service public n’est donc plus le seul critère d’application du droit public. Plusieurs critères peuvent se
conjuguer pour déterminer la juridiction compétente pour connaitre d’un contentieux.

§1) Le régime des actes

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Ce régime est fonction de trois paramètres : la nature du service, la nature du gestionnaire, et la nature de
l’acte (AAU ou contrat).

A) Le service public administratif

Il est exercé par une personne publique : les actes unilatéraux sont donc des actes administratifs. Les
contrats sont administratifs dans la mesure où la condition organique est remplie, et la condition matérielle également
(clauses exorbitantes du droit commun comme la possibilité de rupture unilatérale).

CE, 31 juillet 1912, Société des granites porphyroïdes des Vosges


Une ville commande des pavés pour le revêtement de la voirie (contrat). Le contrat n'est pas considéré comme
administratif car le Conseil d'État ne relève pas de clauses exorbitantes.

CE Sect., 20 avril 1956, Epoux Bertin


C’est à partir de cet arrêt que le Conseil d'État prend en compte l’objet du service pour en déterminer sa nature.

Les actes unilatéraux d'une personne privée sont administratifs s'ils mettent en œuvre des prérogatives
de puissance publique dans le cadre des missions confiées à ces personnes.
CE, 13 janvier 1961, Magnier
Pour les contrats, le critère organique fait défaut et il sera normalement de droit privé.

B) Le régime des actes des SPIC

Lorsqu'il s'agit d'une personne publique, les actes unilatéraux sont administratifs lorsqu’ils concernent
l’organisation du service public. Les contrats sont administratifs sous réserve que la condition matérielle soit remplie.

Lorsqu'il s'agit d'une personne publique personne privée, les actes peuvent être administratifs s’ils
concernent l’organisation du service public et s’ils mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique.
TC, 15 janvier 1968, Cie Air France c/ Époux Barbier
Mais, le règlement intérieur des entreprises est normalement un acte de droit privé, sauf si l'entreprise est investie d'une
mission de service public. Les règlements pris pour l'organisation du service public sont donc administratifs.

Les contrats sont de droit privé.

§2) Le régime des personnes

A) Les usagers

Les usagers d'un SPA géré par une personne publique sont dans une situation légale et réglementaire
de droit public, sans aucun rapport contractuel. Les contrats sont extrêmement rares. Les usagers des SPA sont donc
entièrement régis par les règles d'organisation du service (lois, décrets, règlements intérieurs), auxquelles ils doivent se
conformer sans que des aménagements soient possibles. Ils n'ont dès lors aucune possibilité d'invoquer les droit acquis
qui seraient nés d'un contrat, tout en ayant droit, tant que le service public fonctionne, à ce que la « loi » du service soit
respectée.
En cas de gestion par une personne privée, l'usager est, aussi, le plus souvent dans une situation légale et
réglementaire de droit public sauf dispositions législatives spéciales.

Les usagers d'un SPIC sont dans une situation contractuelle de droit privé (logique commerciale de
liens avec ces clients) et les litiges qui les opposent à l'autorité gestionnaire relèvent intégralement du droit privé, y
compris en cas de dommages de travaux publics (TC, 24 juin 1954, Dame Galland). Cependant, l'application de cette
règle n'est pas aussi simple qu'il y paraît :
Tout d'abord, les mesures réglementaires de création, d'organisation du service, comme de suppression du service sont
des actes administratifs, solution qui concerne aussi les actes des personnes privées car elles bénéficient parfois d'une
habilitation spéciale sur ce point. Dès lors, l'usager peut les contester à l'occasion de leur application, dans le cadre
d'une action contractuelle, devant le juge judiciaire qui renvoie l'appréciation de la légalité du règlement au juge
administratif. Il a aussi le droit de saisir directement ce juge d'un recours pour excès de pouvoir, y compris contre les
clauses réglementaires du contrat de délégation.
Quant au refus de l'autorité administrative de faire respecter le règlement, même dans l'hypothèse où le service est géré
par une personne privée, il constitue un acte administratif attaquable. Le juge judiciaire n'est compétent que si est mis
en cause le comportement non de l'administration mais du gestionnaire du service.

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B) Les tiers

Ils peuvent être liés au service public par un contrat (un fournisseur par exemple). Ils pourront donc
engager la responsabilité contractuelle en cas de dommage. On peut engager la responsabilité quasi-délictuelle du
gestionnaire du service public selon les règles du droit administratif si le service public est administratif et est géré par
une personne publique, en cas de dommage.

Le droit privé s’applique lorsque le service public est géré par une personne privée. Deux
exceptions principales : lorsque le dommage est lié à l’exercice d’une prérogative de puissance publique ou lorsque le
dommage trouve sa source dans un travail public.
TC, 13 novembre 1978, Bernardi
Compétence judiciaire pour le litige opposant un malade à une association participant au service public hospitalier, sans
disposer de prérogatives de puissance publique. La responsabilité de la personne privée relève exceptionnellement du
droit administratif si le préjudice résultat d'une décision mettant en œuvre la prérogative de puissance publique accordée
à la personne privée.

C) Le personnel

On distingue deux situations : situation de droit public ou de droit privé.

=> En cas de droit public (les agents sont recrutés par des personnes publiques pour la gestion ou l’exécution d’un
service public administratif, par exemple la nomination à la suite d’un concours administratif) :
Ce sont des agents publics dans une situation légale et règlementaire. De plus en plus, les personnes publiques
recrutent par voie contractuelle. Ils étaient considérés comme agent public dans la mesure où leur contrat définissaient
leur charge de participation à l’exécution d’un service public (TC, 26 mars 1996, Berkani)

=> Le personnel du SPIC est toujours soumis au droit du travail (privé), sauf dans les services gérés par une personne
publique, pour le directeur du service et l'agent comptable s'il a par ailleurs la qualité de comptable public (CE, 26
janvier 1923, Robert de Lafrégeyre et CE Sect., 8 mars 1957, Jalenques de Labeau).

En cas de sociétisation, la loi peut permettre de maintenir au personnel, la situation d’agents publics.

Quant aux biens, ils ont le même régime que ceux des SPA : insaisissabilité et appartenance possible
au domaine public s'ils sont affectés au service public et font l'objet d'un aménagement indispensable à
l'exécution des missions de celui-ci, à condition qu'ils appartiennent à la personne publique.
Le régime des biens des personnes privées est plus complexe : certains appartiennent en propre au
gestionnaire du service qui les utilise pour l'exploitation ; ils restent soumis aux règles de la propriété privée. Tout en ne
faisant pas partie du domaine public, ils sont parfois, en raison de leur affectation au service public, grevés de servitudes
spéciales. D'autres, relevant le plus souvent du domaine public, restent propriété de l'autorité publique qui les met à
la disposition pour permettre à la personne privée d'exploiter le service. Ainsi, avant 1983, l'État, propriétaire du réseau
ferroviaire français (voie, gares, installations techniques), le laissait à la disposition de la SNCF, société
concessionnaire.

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Tableau du Frier : Régime juridique des SPA et des SPIC

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Deuxième partie
Le contrôle juridictionnel de l'action administrative
On ne va pas évoquer le contrôle non juridictionnel qui peut être politique ou administratif. Le contrôle
politique est en vérité un contrôle qui s'exerce pour l'action administrative au niveau le plus élevé (niveau
gouvernemental). Il y a en principe un contrôle politique possible. Le contrôle peut être administratif s'il est confié à des
instances spécifiques.
Il y a également un contrôle de l'administration. Il est en effet possible de former des recours
administratifs : ce peut être des recours formés auprès de l'autorité qui a pris la décision (recours gracieux), ou auprès
de l'autorité supérieure (recours hiérarchique). Ce sont des recours facultatifs, mais de plus en plus souvent ils
deviennent des préalables obligatoires (on veut les rendre de plus en plus obligatoire). Un refus de visa doit, s'il fait
l'objet d'une contestation, être d'abord contesté devant une commission particulière avant de passer devant le juge
administratif. Ces recours administratifs préalables obligatoires sont dénommés RAPO (rapport 2008 du CE). Ces
recours qu'ils soient imputatifs ou obligatoires ne sont pas sans incidences sur le recours contentieux.
Le contrôle juridictionnel est un contrôle qui peut s'opérer devant les juridictions administratives ou
judiciaires. Ce contrôle juridictionnel est varié : le juge judiciaire peut avoir à contrôler que le personnel n'a pas été
empêché de faire grève par exemple, mais pour l'essentiel, le contentieux sera porté devant les juridictions
administratives.

Il y a deux recours principaux : le recours pour excès de pouvoir et le recours de pleine juridiction. Il
y a également des recours autres : le juge peut par exemple connaître des contentieux de l'interprétation et de
l'appréciation de lé légalité. Le juge peut aussi avoir à connaître d'un contentieux de la répression et notamment
intervenir comme juge administratif doté de pouvoir répressif. Certaines atteintes au domaine public peuvent relever du
juge administratif.

La doctrine a voulu classer ces recours, et il y a deux classifications. L'une prend en considération les
pouvoirs du juge (classification prédominante dans la procédure actuelle): on observe qu'entre le recours entre excès de
pouvoir et celui de pleine juridiction, ce dernier traduit un contrôle juridictionnel particulièrement poussé puisque le
juge peut non seulement annuler mais aussi réformer voir réparer alors que le recours pour excès de pouvoir ne
permet que l'annulation.
L'autre classification (suite à Duguit) prend en considération la nature des contentieux et se fonde sur la nature des
questions sur lesquelles le juge doit statuer : certaines soulèvent des interrogations de droit objectif et ne font que
sanctionner l'acte au regard de l'ensemble des règles générales et impersonnelles posées par le droit (REP, recours en
appréciation de légalité, recours en interprétation lorsqu'il porte sur des normes objectives, certains recours objectifs de
pleine juridiction comme le contentieux fiscal, ou le contentieux électoral). À l'inverse, dans d'autres hypothèses, le
contentieux porte sur des questions relatives à des situations subjectives mettant en cause des parties (les contentieux
des contrats et de la responsabilité extra-contractuelle, où il s'agit de déterminer si une personne est titulaire, à l'encontre
de l'administration d'un droit patrimonial, d'un droit-créance reposant sur une règle qui aurait été violée de ce point de
vue, s'inscrivent dans ce cadre).

Ces deux classifications sont de plus en plus mises en cause. En effet, il est plus difficile que par le passé
de distinguer les contentieux de l'excès de pouvoir des contentieux de pleine juridiction. Le juge de l'annulation est
investi de pouvoirs de plus en plus diversifiés et il ne se borne plus simplement à annuler la décision quand il est saisi.
De même la distinction mis en exergue par Duguit paraît également de plus en plus affectée par le fait que sous la
montée en puissance des Droits de l'Homme, le contentieux administratif est irrigué par la protection de ces droits :
dès lors, le contentieux objectif prend de plus en plus en compte la protection des ceux-ci.

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Chapitre I : La procédure contentieuse administrative
On va pas s'interroger sur l'édiction d'un acte, mais sur les conditions du déroulement de l'instance
contentieuse. Il s'agit de se placer dans le cadre d'un procès qui oppose l'administration au citoyen ou des
administrations entre elles. Ce caractère particulier de la procédure suivie et propre à celle-ci, résulte de la présence de
l'administration et de la place éminente de celle-ci dans la procédure. Ces dernières années on observe une
évolution des règles de procédures contentieuses. Il y a un meilleur équilibre du fait de la diffusion des règles du
procès équitable. L'évolution des règles de procédure est également marquée par un souci de plus grande efficacité. Il
s'agit, en amont du procès, de permettre au juge de rendre la justice plus rapidement avec les procédures de référés. La
plus grande efficacité est également recherchée en aval à travers un souci d'effectivité par un mécanisme qui tend à
donner une certaine effectivité à la décision du juge administratif.

Section 1 : Le déroulement de l'instance contentieuse

Il y a un droit de la procédure contentieuse administrative formé par diverses sources. Les plus
importantes sont prétoriennes (le juge énonce un certain nombre de règles de procédure). Le juge va énoncer des
règles de preuve. La CEDH souligne quant à elle l'importance de l'impartialité du juge. Il y a également des sources
textuelles : Pendant longtemps, la procédure administrative contentieuse releva, pour l'essentiel, du pouvoir
réglementaire. Mais cela a été critiqué en raison de l'importance de la procédure (une procédure pouvant occasionner
des violation de droits fondamentaux). Ainsi, des lois successives sont entrées en vigueur, notamment celle du 8 février
1995 relative aux pouvoirs d'injonction du juge administratif puis surtout lors de la codification de l'ensemble de la
procédure (Code de justice administrative => CJA), entré en vigueur le 1er janvier 2001.

§1) Les étapes de la procédure

Le requérant qui conteste une décision va former une requête, qui peut être sommaire pour qu'elle soit
formée dans les délais, mais elle peut aussi adresser un mémoire introductif d'instance. Quand il a déposé cela au greffe
de la juridiction, l'affaire est enregistrée, il y a donc lieu à instruction de l'affaire confiée à un rapporteur, qui fixe les
délais de production des mémoires des parties. Le rapporteur est un membre de la juridiction, jeune membre ou
auditeur, maître de requête : il va débroussailler l'affaire. L'administration est toujours défenderesse à l'instance (sauf
s'il y a un contentieux entre deux administrations). Elle adresse donc un mémoire en défense, et dans un jeu d'échange,
mémoire en réplique puis mémoire en duplique.
Le rapporteur peut prendre des mesures d'instruction, par exemple regarder un film interdit par un
maire, ou visite sur les lieux, écoute des témoins etc.. Il établit une note et fait un projet de jugement avec un dispositif.
S'il y a un désaccord sur le projet du rapporteur, l'audience publique se tient. Si les parties ont un avocat aux conseils, il
peut prendre la parole (l'observation orale, si elle a lieu, est particulièrement courte, ce n'est pas de véritable plaidoirie).
Le commissaire du gouvernement, qui va donc s'appeler désormais le rapporteur public, va ainsi proposer une
solution dans ses conclusions. Il est possible depuis le décret du 7 janvier 2009 aux parties de s'exprimer oralement
après le rapporteur public. Ce dernier a en effet vu son rôle petit à petit défini : il appartient à la juridiction et expose
son point de vue. Il va énoncer comment le droit doit s'appliquer en ayant une appréciation impartiale et va proposer
éventuellement des solutions nouvelles.
Après l'audience publique, l'affaire est mise en délibéré. Le jugement est rendu, "lu" c'est-à-dire affichée
et parfois publié au JO s'il s'agit de décret ou arrêté annulé.

§2) Les caractères de cette procédure

On voit s'affirmer une espèce de droit commun processuel avec des exigences communes qui tiennent à
l'exigence de principes directeurs du procès. Parallèlement, on observe une véritable prise de conscience des difficultés
processuelles et il y a un souci de renforcer les pouvoirs du juge. On assiste à une complexité accrue des règles de
procédure contentieuse. Ce qui perdure dans la procédure est qu'elle reste essentiellement écrite avec échange des
mémoires, même s'il y a un développement de l'oral surtout dans le contentieux des étrangers du fait du caractère
suspensif de certains recours. De même le développement des référés favorise l'oralité.

La procédure est inquisitoriale, et se rapproche plus du juge pénal que du juge civil. Le procès civil est
l'affaire des parties. Le juge administratif quant à lui conduit le procès par ses pouvoirs d'instruction. La conduite du
procès par le juge se vérifie à travers la charge de la preuve, en principe elle incombe au demandeur à l'instance, mais
le juge administratif peut reverser la charge de la preuve à l'administration. C'est une règle posée par le juge dans un
premier temps avec :
CE Ass., 28 mai 1954, Barel et autres
écarté du concours de l'ENA, il veut démontrer qu'il a été écarté en raison de ses convictions (cf. supra). Il exprime un

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certain nombre d'allégations, et, le juge administratif, face à ces allégations de fait, va demander à l'administration de lui
procurer les documents susceptibles d'établir sa conviction. L'administration refuse, donc le juge va renverser la charge
de la preuve.
Au delà de cet arrêt, le juge administratif s'est montré plus précis :
CE Sect., 26 janvier 1968, Société "Maison Genestal"
Cette affaire concerne un avantage fiscal consenti à une entreprise par un ministre. La société forme un recours et
allègue une illégalité. Le CE reverse la charge de la preuve et demande au ministre de donner les motifs précis.
Une loi de juillet 1979 (cf. Cours Capitant) est venue imposer à l'administration de motiver certaines de
ses décisions (notamment celles qui sont individuelles).
Cette jurisprudence est tout à fait révélatrice du souci du juge de rétablir un équilibre entre les
parties.
Ce qui a évolué concerne principalement le caractère secret de la procédure : il est désormais possible
aujourd'hui, depuis les critiques adressées par la CEDH à cette procédure, pour les requérants, d'adresser une note en
délibérée à la fin de l'audience.

CEDH 7 juin 2001, Kress :


Sur la non-communication préalable des conclusions du commissaire du Gouvernement et l'impossibilité d'y
répondre à l'audience

La CEDH estime que la procédure suivie devant le Conseil d'État offre suffisamment de garanties au justiciable et
qu'aucun problème ne se pose sous l'angle du droit à un procès équitable pour ce qui est du respect du contradictoire.
Car les parties peuvent demander au commissaire le sens de ses conclusions et ils ont la possibilité de répliquer par une
note en délibéré, aux conclusions du commissaire du gouvernement, ce qui participe au principe du contradictoire. Et
qu'au cas où le commissaire du gouvernement invoquerait oralement lors de l'audience un moyen non soulevé par les
parties, le président de la formation de jugement ajournerait l'affaire pour permettre aux parties d'en débattre.
Sur la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré du Conseil d'État
Pour le gouvernement, le commissaire est un membre de la formation de jugement, donc sa présence est entièrement
justifiée aux délibérés. Sauf que pour la Cour, le commissaire du gouvernement n'a pas le droit de vote, il n'est donc pas
un juge à part entière. De plus, il semble difficile d'admettre qu'une partie des juges sont libres et l'autre assiste aux
délibérés sans donner son opinion. Et quand bien il garderait son opinion lors des délibérés tout justiciable moyen peut
légitimement croire en la partialité du commissaire du gouvernement. Dans la lignée de sa jurisprudence précédente, la
CEDH affirme qu'il y a eu violation de l'article 6§1 de la Convention, "du fait de la participation du commissaire du
Gouvernement au délibéré de la formation de jugement". (théorie des apparences)
Pris en compte de l'arrêt Kress avec le décret du 19 décembre 2005 : officialise la note en délibéré et empêche le CDG
de participer au délibéré (mais il y assiste toujours...)

CEDH, 12 avril 2006, Martinie


La France est à nouveau condamnée pour violation de l'art. 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme, à
cause de la procédure devant la Cour des comptes et de la présence du commissaire du gouvernement au délibéré des
juridictions administratives.

Décret du 1er aout 2006 : le CDG n'assiste plus au délibéré devant TA et CAA. Pour CE, « Sauf demande contraire
d'une partie, le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n'y prend pas part. »

En outre, l'audience publique a été élargie aux juridictions spécialisées.


CE Ass., 14 février 1996, M. Maubleu
Le CE impose l'audience publique à l'ordre des médecins lorsqu'il prend des décisions disciplinaires.

§3) Les voies de recours

Ce qui caractérise les voies de recours c'est qu'elles n'ont pas d'effet suspensif. Face à cette difficulté là,
une procédure existe en recours en sursis à l'exécution du jugement (art. R. 111-17) : un sursis peut être ordonné s'il y a
des moyens sérieux et si l'exécution du jugement entrenerait des conséquences difficilement réparables. Le sursis sera
accordé s'il y a un risque de perte définitive de la somme versée à l'issue de la première instance.

Les principes voies de recours sont l'appel et la cassation :

Appel : Les décisions rendues en premier ressort sont, en principe, susceptibles d'appel, sauf pour celles
du Conseil d'État qui statue souverainement. Le juge d'appel reprend, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, et en

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fonctions des moyens soulevés, l'ensemble du dossier réétudiant les questions de fait comme de droit (art. L. 811-1 et R.
811-1 du CJA). Seules les parties peuvent faire appel du jugement qui les a déboutées, solution qui paraît en
contradiction avec le caractère objectif du recours pour excès de pouvoir, et qui montre qu'il ne s'agit pas totalement,
pour ce recours, du procès fait à un acte.

Cassation : Le pourvoi est formé devant la juridiction de cassation qu'est le CE. Devant lui, la défense ne
peut être assurée que part des avocats aux conseils.
CE Ass., 7 février 1947, D'aillères (v. GAJA)
Ce recours est recevable contre toute décision d'une juridiction administrative, et ceci, même sans texte.
Il s'agissait de statuer sur sa compétence pour connaître des jugements rendus par le jury d'honneur institué à la
libération pour relever de leur déchéance politique les parlementaires qui ont voté les pleins pouvoirs au Maréchal
Pétain. Le CE va considérer que le jury d'honneur a une compétence administrative et que le pourvoi en cassation de
droit.

Le pourvoi en cassation est formé dans un délai de deux mois comme l'appel. Il y a un filtrage
extrêmement sévère et efficace. Sont donc écartés les pourvois irrecevables ou lorsqu'il y a défaut de moyens sérieux.
Les moyens qui peuvent être invoqués sont liés au rôle du Juge de cassation, rôle qui n'est pas un troisième degré de
juridiction mais un juge du droit.
Le juge de cassation examine, la régularité externe du jugement : respect des règles de compétences, de
forme (visas et motivation précise des décisions), de procédure (respect de la procédure contradictoire) etc. Il s'interroge
aussi sur la base légale des décisions juridictionnelles et l'interprétation de celle-ci dans le cadre de l'erreur de droit.
Pour l'erreur de fait, le conseil vérifie l'exactitude matérielle des faits invoqués au regard des pièces du dossier –
contrairement à la Cour de cassation – ainsi que la qualification des faits opérés par le juge du fond (savoir si tel fait
correspond à la condition posée par le texte). Mais il ne saurait remettre en cause, sauf dénaturation, l'appréciation
souveraine du juge du fond car celle-ci se situe, en principe, entre la constatation matérielle des faits et la qualification.
Contrairement à la Cour de cassation, le Conseil d'État, s'il casse la décision, peut soit renvoyer l'affaire à
une autre cour administrative d'appel, soit statuer directement sur le fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la
justice, ce qu'il fait souvent pour clore définitivement le procès, utilisant sa longue expérience passée de juge d'appel.

Au-delà de l'appel et de la cassation, il y existe des voies spécifiques : l'opposition ouverte à la partie
ouverte à l'instance condamnée par défaut, la tierce-opposition qui permet au tiers intéressé par l'affaire qui ont vu leur
droit touché par l'affaire, recours en justification d'erreur matérielle et recours en révision en certains cas (assez rare), et
enfin recours dans l'intérêt de la loi ouvert aux ministres contre des jugements définitifs.

Section 2 : Les procédures de référé

On s'est attaché à rendre la jurisprudence administrative plus efficace par divers moyens, en soulignant, le
droit au recours et l'accès au juge et au droit. Ce droit au recours se voit affirmer dans CE Ass., 17 février 1950, Dame
Lamotte (GAJA) => v. infra. Au-delà, le droit de la CEDH consacre à l'article 13 un droit au recours effectif en cas
de violation d'un droit.
Conseil Constitutionnel, 9 avril 1996, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française
De son côté le Conseil Constitutionnel a donné un fondement plus général en consacrant constitutionnellement le droit
à un recours juridictionnel effectif.

Des efforts sont ainsi déployés pour l'accès au droit (ex : Légifrance), et dans la recherche de
l'intelligibilité du droit. Au-delà, on a voulu favoriser le bon fonctionnement de la justice, notamment au niveau de la
rapidité, le non-respect d'un délai raisonnable pouvant engager la responsabilité de l'Etat. Cette exigence provient
de l'article 6 de la CESDH. Il garde certaines limites mais il est repris dans la charte des droits fondamentaux de la
convention
CEDH, 16 décembre 1992, M. de Geouffre de la Pradelle
C'est une affaire d'expropriation irrégulière. Le contentieux a duré 14 ans pour obtenir une indemnisation...

Sous l'influence de la jurisprudence européenne, la France a dû améliorer ce délai en particulier :


CE Ass., 28 juin 2002, Magiera
Le Conseil d'État lui-même admet que la responsabilité de l'Etat est engagée pour la lenteur de sa justice.

Des moyens divers ont ainsi été mis en place, tels que le juge unique et les référés.

Les référés prennent aujourd'hui deux formes suite à la réforme du 30 juin 2000. Cette réforme va
concerner des référés susceptibles de faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative. Tous les référés ne

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poursuivent pas cet objectif. Il faut distinguer les référés qui visent des procédures conservatoires.

§1) Les référés-conservatoire

Ces référés ont pour objet de permettre au requérant de saisir un juge qui va prendre des mesure visant à
sauvegarder ses droits. Il y a trois types de procédures :

=> La première consiste en des référés-constatations (art. R. 121-1 CJA), qui servent à constater une situation. Par
exemple, ce peut être le constat d'urgence. Le juge va alors nommer quelqu'un (un expert) qui va constater des
dommages. Le juge va pouvoir prendre toute mesure utile d'expertise ou d'instruction, il ne va pas juste demander de
constater mais aussi d'évaluer le préjudice, d'apprécier la cause des faits, et d'estimer montant des travaux; c'est-à-dire
de rassembler des éléments de preuve utile pour le procès. Le requérant peut le demander sans avoir besoin de faire
appel à un avocat.

=> Le référé-provision (art. R121-2 du CJA) existe depuis 1988. Il vise à obtenir du juge l'octroi d'une provision à
valoir sur une créance à l'égard du requérant. Essentiel en pratique, il va être utilisé par tout requérant qui bénéficie
d'une créance à l'égard de l'administration. Pour cela, il faut qu'il existe une obligation de l'administration à l'égard du
demandeur, obligation non sérieusement contestable, par exemple un dommage provenant d'une faute de
l'administration (celle-ci doit donc évidemment réparer le dommage). Lorsqu'on demande une provision, le juge va
décider d'octroyer une provision à hauteur de 50%. Le plus souvent le juge demande une caution au bénéficiaire.

=> Autre forme de référé-conservatoire, il y a le référé mesure-utile (art. R121-3 du CJA). C'est un référé qui
ressemble à celui de droit civil. Il consiste à la personne de saisir le juge administratif afin que celui-ci prenne toute
mesure utile grâce à son pouvoir d'injonction que ce soit contre l'administration ou contre une personne privée (ex. :
virer une personne qui occupe illégalement un domaine public). Il est subordonné à une situation d'urgence qui
implique la prévention d'une situation irréversible et/ou dangereuse. L'urgence peut également consister en un
risque d'altération des droits du demandeur. Il y a une présomption d'urgence lorsque qu'est en cause l'exécution
d'un service public (ou travaux publics). Au-delà de l'urgence il faut une utilité : il s'agit de sauvegarder les droits du
demandeur. De plus, ce référé ne doit pas faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative.

C'est donc une procédure d'urgence, contradictoire et engagée devant le tribunal administratif. Un pourvoi
en cassation est possible devant le Conseil d'État. Dans la pratique administrative ces référés sont très utiles mais ne
figurent pas parmi les plus importants.

§2) Les référés susceptibles de faire obstacle à une décision administrative

Pendant longtemps, les référés du droit administratif se caractérisaient par leur insuffisance, de sorte que
les particuliers n'avaient que pour solution de saisir le juge judiciaire qui était quant à lui un vrai juge des référés. Le
juge administratif ne disposait que d'une compétence très limitée et encadrée qui consistait seulement à donner le
sursis à exécution de la décision administrative contestée. De plus, le sursis à exécution n'était donné que très
difficilement : il ne pouvait être donné sur une décision négative. La jurisprudence s'était assouplie mais pour
l'essentiel, les décisions négatives ne pouvaient donner lieu à un sursis à exécution. De plus, il fallait invoquer un
moyen sérieux d'illégalité et il fallait que la décision administrative emporte des conséquences difficilement
réparables (ex. construction d'un bâtiment).
CE, 13 février 1976, Association de sauvegarde du quartier de Notre-Dame de Versailles
Quand bien même ces conditions étaient remplies, le juge administratif a considéré qu'il disposait d'un pouvoir
discrétionnaire s'il y avait lieu ou pas de donner un sursis.

Les requérants sachant cela saisissaient donc le juge judiciaire en invoquant la voie de fait afin d'avoir
une réponse rapide. Le tribunal des conflits et les pouvoirs publics de manière générale se sont alarmés d'où une
réforme primordiale (30 juin 2000 entré en vigueur le 1er janvier 2001).

Normalement les recours ne sont pas suspensifs, sauf dans certains cas où le législateur a prévu que le
recours serait directement suspensif, notamment pour les mesures d'éloignement d'étrangers (reconduite à la frontière, la
demande du statut de réfugié (suspension de toute mesure d'éloignement)). La CEDH a également imposé un autre
recours suspensif. Ainsi, la loi Hortefeux de 2007 a dû intégrer un recours suspensif pour les demandes d'asiles.

A travers ces deux exemples, on voit que les recours suspensifs existent mais les pouvoirs publics
préfèrent les éviter.

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A) Les procédures de référé de caractère général

CE Sect., 18 janvier 2001, Commune de Venelles (v. GAJA)


Un recours est formé contre un refus du maire de la commune de Venelles de convoquer le conseil municipal pour qu'il
délibère sur le remplacement des délégués de la commune au conseil de la communauté d'agglomération de la
commune d'Aix-en-Provence. Le premier recours est un référé-liberté : le Conseil d'État estime que les conditions
d'octroi de ce référé-liberté ne sont pas remplies et il invite les requérants à former un référé-suspension, ce qui va
donner lieu à l'arrêt Saez : CE Sect., 5 mai 2001, Saez (v. GAJA)

Ces deux arrêts constituent une illustration sur une des premières applications de la loi du 30 juin 2000.

1) Le référé-suspension

Art. L-521-1 du CJA


Il peut-être formé contre une décision administrative sans aucune autre précision : il peut donc être formé
même contre une décision de rejet. Il importe toutefois que la décision n'a pas été intégralement exécutée ou alors
qu'elle soit encore susceptible de produire encore des effets juridiques. Par exemple :
CE, 18 juin 1976, Moussa Konaté
Un étranger est expulsé du territoire français : on considère que ça veut dire que ça continue à produire des effets.

Au-delà de cette condition, il y a deux conditions de fond :


=> Une situation d'urgence (définie à l'article 1321-1) : pour cela il faut qu'il y ait une atteinte suffisamment grave et
immédiate soit à un intérêt public, soit à la situation d'un requérant ou encore à des intérêts que ce requérant doit
défendre. Dans l'appréciation de l'urgence, le juge administratif dresse une sorte de bilan mais apprécie de manière
concrète les différents éléments à prendre en considération. Dans l'arrêt Commune de Venelles (cf. supra), le Conseil
estime qu'il y a bien urgence.
CE, 15 février 2006, Greenpeace France
Le Conseil d'État considère qu'il y a urgence à empêcher le transfert de la coque du bateau Clémenceau en Inde (dans le
sens où l'on doit juger cela rapidement)

Cette condition est difficile à apprécier et dépend également des domaines dans lesquels elle est sollicitée.
Précisions qu'il existe des présomptions d'urgence

=> Un doute sérieux sur la légalité

Ces conditions sont plus souples que le sursis à exécution. Du point de vue de la procédure, le référé-
suspension vise à obtenir du juge qu'il suspende l'exécution de l'acte administratif qui lui a été déféré. Il va donc
suspendre, s'il estime que les conditions sont remplies, la décision jusqu'à la décision au fond ou jusqu'à un délai
qu'il peut fixer. L'évocation d'une décision au fond à venir indique que le référé-suspension ne suffit pas à lui même, et
le requérant doit donc former parallèlement un recours pour excès de pouvoir (on ne peut donc pas former un référé-
suspension seul). Le juge peut également – et il le fait très souvent –, adresser une injonction à l'administration qui peut
être sollicitée par le requérant dans sa demande de référé-suspension ; il peut ainsi présenter des conclusions à fin
d'injonction. Il demande d'enjoindre le prononcé de mesure provisoire. Cela est prévu par l'article L. 911-1. Exemple :
un étranger est en situation irrégulière et se voit refuser un titre de séjour. Par un référé-suspension il peut demander la
suspension de ce refus mais, étant en situation irrégulière, cette suspension ne lui donne pas la possibilité de rester sur le
territoire normalement. L'avocat va donc normalement enjoindre dans ses conclusions à l'administration de donner une
autorisation provisoire. Le référé-suspension ne permet donc de prendre que des mesures provisoires, d'où la
nécessité du REP parallèle. Si on n'obtient pas le référé-suspension au TA, on peut juste se pourvoir en cassation devant
le CE (pas d'appel).

2) Le référé-liberté

Ce référé est parfois (très rarement) appelé référé-injonction. Il est prévu à l'art L. 521-2 du CJA.
Il y a quatre conditions :
=> L'urgence. Cette urgence du référé-liberté est appréciée plus strictement et doit être plus forte.

=> La décision doit porter atteinte à une liberté fondamentale. Celle-ci s'apprécie au sens de l'article L521-2 du CJA
car il n'y a pas une notion unique de liberté fondamentale (et n'est donc pas réellement la même que la CEDH, le
Conseil Constitutionnel etc.). C'est donc une conception large qui vise essentiellement les droits des personnes et à
travers la jurisprudence on peut voir par exemple : la liberté d'aller et venir, le droit constitutionnel de demander l'asile

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(CE Ord. Réf., 12 janvier 2001, Dame Hyacinthe), le droit d'être protégé contre les mauvais traitements, le droit à
une vie familiale normale, le droit pour un malade à avoir un traitement médical etc.
Les libertés fondamentales peuvent aussi être celles de personne morales ou de collectivités publiques.
Arrêt Commune de Venelles (supra) : le Conseil d'État est saisi d'un référé-liberté et il admet qu'on puisse invoquer la
libre administration des collectivités territoriales (liberté fondamentale donc)

=> Une atteinte grave et manifestement illégale.


• Grave : le juge administratif va par exemple considérer dans CE, 30 octobre 2001, Ministre de
l'Intérieur c/ Mme Tliba qu'expulser cette femme étrangère qui vit depuis 30 ans, avec 5 enfants,
constitue une atteinte grave à une liberté fondamentale (à mener une vie familiale normale en l'espèce).
• Manifestement illégale : dans ce même arrêt, le juge recherche également l'illégalité au regard du droit à la
vie familiale normale. Cela implique pour le juge qu'il va vérifier la motivation de la décision (nécessité
d'ordre public) et comparer à la demande de la requérante. En l'espèce, le CE considère que l'atteinte
n'est pas manifestement illégale car l'expulsion dont elle fait l'objet tient d'un recel d'objet volé par deux de
ses fils.

=> Une décision contestée émanant d'une personne morale de droit public ou par extension, par une personne
privée chargée de la gestion d'un service public.

S'agissant de la procédure, le juge doit statuer dans les 48h, d'où l'intérêt de ce référé. Les reproches faites
à un contentieux administratif trop lent et qui ne protège pas les libertés ont dû se plier face à ce progrès indéniable
depuis la réforme de 2000.

Le juge ont des pouvoirs importants : ils doivent prendre toute mesure nécessaire à la sauvegarde de la
liberté (il peut adresser à l'administration des injonctions). La procédure est engagée devant le tribunal administratif, et
un appel est possible devant le Conseil d'État dans les 15 jours, celui-ci devant également statuer sous 48H.

B) Les référés spécifiques

Ce sont les référés qui sont propres à certaines matières.

1) Les référés précontractuels

Introduit dans la loi du 4 janvier 1992, réformée par la loi Sapin de 1993, ce référé (Art. L. 551-1 et L.
551-2 du CJA) a été introduit sous l'influence du droit communautaire et notamment d'une directive. Il a pour objet
d'assurer le respect des règles de publicité et de mise en concurrence qui s'imposent préalablement à la passation de
certains contrats (les marchés publics et les délégations de service public). Le juge intervient à la demande des
cocontractants afin que l'autre se mette en conformité au regard de ces règles. Les personnes qui peuvent saisir le juge
d'un tel référé sont limitées : ce sont ceux qui ont un intérêt car susceptible de contracter (il faut donc un intérêt lésé).
Le préfet peut également former ce référé et également un représentant de l'État lorsqu'il a été informé par la
commission de Bruxelles. Il ne peut être exercé qu'en premier et dernier ressort (pourvoi en cassation).

Quels sont les pouvoirs du juge ? Celui-ci a des pouvoirs importants dans le cadre de l'article L. 551-1 du
CJA. Il peut en effet suspendre la passation du contrat ou l'exécution des obligations du contrat. Il peut également
supprimer les clauses du contrat qui sont contraires aux règles de transparence de mise en concurrence. Il peut
également annuler les décisions se rapportant aux contrats. Ex. : Appel d'offres => Si la commission qui examine les
propositions d'offres a choisi une entreprise, cette décision peut être annulée ! Le juge peut effectuer ces décisions dès
lors qu'il a été saisi, mais à l'origine, le référé suppose que le contrat n'ait pas été passé : les personnes publiques
pouvaient donc accélérer les procédures pour passer vite le contrat et empêcher le juge d'agir... Désormais, ce n'est plus
possible pour ces personnes publiques car le juge peut différer la signature dès lors qu'un requérant le saisi.
L'art. L. 551-2 donne pour certains marchés des pouvoirs moindres au juge administratif à savoir les marchés publics
dans le domaine de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications : concernant ces contrats de marchés
publics, le juge ne peut que simplement enjoindre aux cocontractants de se conformer aux obligations de transparence
qui pèsent sur eux.

2) Les référés en matière fiscale

Ce référé peut permettre de donner un sursis de paiement fiscal, ce qui permet au contribuable qui se
trouve confronté à une imposition trop lourde de demander au juge de différer le paiement de son impôt. N'importe quel
contribuable peut effectuer ce référé.

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Section 3 : L'exécution des décisions juridictionnelles

L'exécution des décisions du juge administratif comporte un certain nombre de difficultés :

§1) Une obligation difficilement assurée

Face à une décision juridictionnelle qui la condamne, l'Administration est parfois lente à l'exécuter.
Pourtant les décisions du juge administratif ont autorité de chose jugée et la décision doit être exécutée.
L'administration doit prendre les mesures qui s'imposent (ex. : réintégration du fonctionnaire illégalement révoqué). Le
juge administratif peut également, dans un contentieux de pleine juridiction, accorder des dommages-intérêts (préjudice
du fait de l'action de l'administration) que l'Administration doit payer. Bref, il y a une obligation d'exécution. Mais
l'administration peine parfois à exécuter pour des raisons diverses : toutes les résistances ne sont pas incompréhensibles.
Il y a des cas d'obstruction, des manœuvres dilatoires (mauvaises raisons) etc. mais il y a aussi parfois de bonnes
raisons, liées en général à la complexité de la situation. Ainsi, par exemple, pour le fonctionnaire révoqué, il y a
surement quelqu'un qui a pris sa place, il peut aussi considérer que s'il n'avait pas été révoqué, il aurait pu être à un
grade plus élevé etc.. Régulièrement, on rappelle à l'Administration ses obligations d'exécuter : il y a des circulaires de
ministre sur cette exigence (La circulaire Rocard de 1988 évoque une offence à l'État de droit). Il y a donc une prise des
conscience, particulièrement dans cette circulaire de 1988.
CEDH, 19 mars 1997, Hornsby c/ Grèce
Au-delà de cette prise de conscience, la CEDH a, par ailleurs exprimé que l'exécution d'une décision de justice est une
composante du procès équitable (art. 6 de la CESDH). Cela implique pour l'Administration condamnée l'obligation de
se plier à la décision prise par une juridiction.

D'un point de vue non contentieux, il est possible pour le requérant de saisir la juridiction administrative à
fin de conseil notamment depuis 1965, grâce à la commission du rapport et des études qui a été ouverte au CE
(commission ensuite devenue une section et qui a pour rôle de se préoccuper de l'exécution des décisions contre
l'administration). Cette section rend des comptes chaque année. Il y également le médiateur de la République depuis
1976 qui peut adresser une injonction à l'administration (dizaine par an). Il peut également produire des rapports au JO
(rare). Bref les remèdes non-contentieux ne sont pas très efficaces.

Concernant les remèdes contentieux, il y en a qui permet à un requérant de saisir le juge avec un recours
de pleine juridiction pour demander des dommages-intérêts pour inexécution de l'administration. Cela peut durer
indéfiniment.

§2) les remèdes curatifs à la non-exécution

Un progrès décisif est fait grâce à la loi du 16 juillet 1980 qui dote le CE de moyens pour assurer
l'exécution des décisions. Ces moyens, en 1995, ont été étendus aux TA et CAA. Ces trois moyens sont codifiés dans
le CJA.
=> La contrainte au paiement (art. L211-9 du CJA) : on peut contraindre une personne publique ou privée
gestionnaire de service public au paiement de dommages-intérêts par une obligation d'ordonnancement qui pèse sur
l'administration dans les 2 mois de la notification du jugement au requérant. S'il s'agit d'une collectivité territoriale ou
d'un EP, le préfet ou l'autorité de tutelle, à l'expiration d'un délai de deux mois, procède au mandatement d'office et si
nécessaire, modifie le budget de la collectivité décentralisée pour que les sommes nécessaires y soient inscrites. Les
comptables sont eux-mêmes concernés car sur présentation de la décision de justice, ils doivent, à défaut de
l'ordonnancement, payer la créance.
=> Le prononcé de l'astreinte (art. L211-5 du CJA). Au bout de 6 mois d'inexécution, le requérant qui a bénéficié
d'une décision de justice, peut saisir le juge administratif pour lui demander de condamner l'administration au paiement
d'une astreinte pour inexécution. L'Administration doit payer ainsi une somme d'argent par jour de retard dans
l'inexécution. Cette astreinte est provisoire et modulable, et le montant ne profite pas totalement au justiciable (partage
entre le justiciable et un fond public qui est le fond de compensation de la TVA). Elle permet de marquer l'exigence de
la légalité. Ce prononcé est assez rare mais on a quelques exemples : CE Sect., 17 mai 1985, Menneret
=> Poursuivre devant la Cour des comptes (Cour de discipline budgétaire et financière) l'agent public dont les
agissements sont à l'origine de la condamnation de la collectivité publique à l'astreinte évoquée (art. L211-10 du CJA).
Il y a quelques exemples...

§3) Prévention de l'inexécution

La loi du 8 février 1995 permet au juge administratif de prononcer des injonctions et astreintes (art.
L911-1 du CJA). Les juridictions à compétence générale peuvent, à la demande du requérant, ordonner dans la décision

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elle-même les mesures d'exécution nécessaires, assorties, le cas échéant, d'une astreinte. Indépendamment des cas où
n'est nécessaire d'ordonner aucune mesure d'exécution quand le jugement se suffit à lui-même, ou parce qu'il est en
cours d'exécution, le juge prescrit, si les circonstances de fait ou de droit à la date de sa décision le justifient, que soit
prise :
=> Une « mesure d'exécution dans un sens déterminé », quand la compétence de l'autorité publique est liée. Imposer
par exemple, la réintégration de l'agent irrégulièrement révoqué, ou l'inscription sur la liste des reçus à un concours
d'une candidate éliminée à tort, voire même l'adoption d'un décret d'application d'une loi (art. L911-1 du CJA).
=> Ou, une « décision après une nouvelle instruction » (art. L911-2 du CJA) quand l'Administration garde le choix,
après réexamen du dossier, entre plusieurs mesures d'exécution, notamment après annulation d'un refus. Elle n'a, par
exemple, que l'obligation de statuer à nouveau après que le refus de renouvellement d'un professeur associé eût été
annulé car celui-ci n'avait aucun droit à être automatiquement renouvelé (CE, 7 avril 1995, Grekkos).

L'exécution est aussi susceptible d'être ordonnée postérieurement à la décision définitive. En cas de
difficultés d'exécution, le justiciable ressaisit la juridiction qui dispose des mêmes pouvoirs que dans l'hypothèse
précédente.
Il existe toutefois des difficultés : en droit administratif prévalait l'adage « l'ouvrage public mal planté ne
se détruit pas ». Cette difficulté demeure car quand bien même l'administration est tenue d'exécuter les décisions, cet
adage prévalait. La Cour de cassation a en premier mis en cause cet adage : Cass. 6 janvier 1994.
CE Sect., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-maritimes
Le CE ouvre une brèche dans la mesure où il accepte de rechercher si l'on peut régulariser la situation d'un ouvrage mal
planté. Si ce n'est vraiment pas possible, il prend en compte les intérêts des deux parties (les intérêts privés de la
personne privée et les intérêts publics à maintenir l'ouvrage public). Il y a un contrôle poussé du bilan des intérêts en
présence en recherchant si la la destruction n'entraine pas des effets excessifs.

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Chapitre II : Le contentieux de la légalité
C'est un contentieux qui concerne les actes administratifs, et qui est objectif. Sa forme principale est le
recours pour excès de pouvoir (= recours en annulation de l'acte administratif).Ce recours a une grande portée car son
objet est d'obtenir la disparition de l'acte administratif, il a un effet erga omnes (à l'égard de tous) et a une autorité
absolue de chose jugée.
CE Ass., 17 février 1950, Dame Lamotte (GAJA)
Le droit au recours pour excès de pouvoir est un PGD : le CE considère que le REP est toujours ouvert, même sans
texte. Dans l'arrêt, le texte de loi avait prévu qu'il n'y avait aucun recours possible contre les décisions de
l'administration. L'arrêt retient que le texte ne précise pas que le REP n'est pas possible ! (c'est donc une interprétation
quasi contra legem ! Mais qui est justifiée car la loi était de Vichy...).
Le REP est assujetti à des conditions qui se sont assouplies : le requérant doit s'être fondé sur des moyens
d'illégalité qu'on appelle cas d'ouverture. Ils ont été progressivement découverts par le juge administratif et renvoient à
l'idée de la violation de la légalité objective.
Le REP est donc la forme principale du contentieux de la légalité mais il y a également le recours en
appréciation de légalité. Ce recours partage avec le REP le fait qu'il est un contentieux de la légalité objective. Mais à
la différence du REP, c'est un recours incident ou encore dérivé (et non principal comme le REP). On ne va pas former
un tel recours directement au juge comme on va former un REP. Mais à la suite d'un REP, il se peut qu'à l'occasion du
procès se pose la question de la légalité d'un acte administratif de manière incidente mais importante pour la solution du
litige. Cela peut être le cas dans une affaire judiciaire ou pénal (ces juges pouvant être amenés à apprécier la légalité
d'un acte administratif). Mais le juge civil n'est pas toujours compétent pour apprécier la légalité et il doit donc renvoyer
la question au juge administratif par la voie d'une question préjudicielle (on verra ça plus tard). Ce recours n'a donc
pas la même portée que le REP. Lorsque le juge administratif apprécie la légalité d'un acte administratif, la décision n'a
pas autorité absolue de la chose jugée. On tire les conséquences de l'illégalité dans le seul litige qui a suscité la
question de légalité mais il n'y a pas d'annulation de l'acte. La décision d'illégalité peut concerner des actes unilatéraux
et des contrats.
Le recours en décision d'inexistence : on demande au juge administratif de considérer qu'un acte est
inexistant (très rare et pas intéressant).

C'est donc le contentieux du recours pour excès de pouvoir qui va nous intéresser ici :

Section 1 : Les conditions de recevabilité du REP

Ces conditions sont celles exigées par le juge pour examiner la légalité de l'acte. Dans un jugement ou un
arrêt, il y a toujours 3 questions à se poser : est-ce que le juge est compétent (et pourquoi) ? Est-ce que le recours est
recevable ? Quels sont les moyens d'illégalité soulevés ? Attention il ne faut pas confondre ces moyens (cas d'ouverture)
avec les cas où le recours est recevable.
Il y a quatre conditions de recevabilité qui sont d'ordre public (très importantes) :

§1) La condition relative à la décision administrative

Le REP doit se former contre les AAU qui font griefs (cf. 1er semestre). Il faut que la décision soit
administrative. Il faut qu'elle soit unilatérale (le REP n'est pas possible contre les contrats ou les stipulations
contractuelles). Pourtant, le juge administratif a le souci d'ouvrir ce REP plus largement que cette affirmation : en effet,
il y a deux évolutions en la matière.

A) Le recours pour excès de pouvoir pour les actes détachables du contrat

Le juge administratif a admis le REP contre ces actes détachables car ce sont des actes unilatéraux. Ce
sont des actes en amont de la signature du contrat, ou qui sont passés en aval de la signature du contrat. Le juge
administratif n'a pas la même notion de la détachabilité selon qu'il s'agit de l'amont ou de l'aval.

En amont, le juge administratif a une conception très souple de la détachabilité.


CE, 4 aout 1905, Martin (v. GAJA)
Un conseiller général forme un REP contre une décision du conseil général. Il conteste une décision qui attribue une
concession de travaux. Il estime que le conseil général n'a pas été en mesure de statuer parce qu'il n'a pas été informé
correctement des informations concernant la concession. Le CE considère qu'il est possible de former un REP contre
l'acte ici passé. L'acte est considéré comme détachable de l'acte de concession en lui-même.
Il y a de très nombreux actes détachables et l'interprétation du CE est très souple (acte d'autorisation
préalable, la décision même de passer le contrat (!) etc.).

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En aval, la notion de détachabilité s'entend plus strictement. Il est question ici des actes d'exécution du
contrat. L'administration peut passer un certain nombre de décisions comme sanctionner un cocontractant qui ne fait
pas son travail (cf. 1er semestre). La détachabilité s'apprécie ici au regard de la qualité du requérant : est-ce un
cocontractant ? Est-ce un tiers ?
Si c'est un cocontractant, inutile de l'autoriser à former un REP, parce qu'il peut saisir le juge des contrats (c'est bien le
juge administratif mais il n'est pas saisi au même titre, il intervient au titre du contentieux de pleine juridiction que nous
verrons plus tard) qui statuera en pleine juridiction. Il n'est donc pas autorisé à former un REP.
Si c'est un tiers au contrat, et là est l'intérêt, il a été admis à former un REP contre les actes d'exécution du contrat
en sa qualité de tiers. Le tiers peut demander l'annulation par la voie du REP de tel acte.

CE Ass., 2 février 1987, Société TV5 et TV6 (2 espèces)


Concerne la résiliation des concessions de service public de la 5ème et 6ème chaine de télévision. Elles demandent
l'annulation de la résiliation. Le Conseil d'État écarte dans l'arrêt le recours de la société TV5 en disant qu'elle est
cocontractante. Mais, elle reçoit le REP de TV6 : Dans son recours, celle-ci n'est pas seule à le former mais avec
d'autres personnes qui sont des tiers. Le CE admet le recours de « TV6 et autres ».

Lorsque le juge administratif statue sur un acte en amont ou en aval, il peut donc annuler l'acte. Mais
quels effets ? Il faut distinguer selon le vice qui entache l'acte :
Si le vice est propre à l'acte, il suffit de reprendre un acte légal (ex. s'il fallait une autorisation pour passer le contrat,
il suffira de la passer pour repasser le contrat).
Si le vice entache l'objet même du contrat (ex. : une décision d'autorisation de passage d'un contrat l'autorisation est
illégale parce qu'elle porte sur un contrat en matière de police) et qu'il est donc irrégularisable, dans ce cas là, l'acte
détachable est annulé mais comment régulariser la situation ? Soit l'administration s'incline et renonce au contrat, soit
l'administration doit saisir le juge administratif en tant que partie au contrat, donc le juge administratif en tant que juge
des contrats, afin de demander l'annulation du contrat. Mais, si l'administration ne tire pas de conséquences, dans ce
cas, il est possible de contester le refus de l'administration de saisir le juge du contrat pour demander la nullité du
contrat par le biais d'un REP dans lequel il est demandé au juge de déclarer illégal et d'annuler le refus de
l'Administration de saisir le juge du contrat. Un tel recours doit comporter des conclusions à fin d'injonction pour qu'au
terme de ce REP formé contre l'Administration, le juge de l'excès de pouvoir doit enjoindre administration de saisir le
juge des contrats (CE Sect. 7 octobre 1994, Epoux Lopez). Ensuite, il y aura une amélioration avec la jurisprudence
Tropic (on verra ça plus tard).

B) Exceptions au principe d'irrecevabilité d'un REP contre un contrat

Tous ces mécanismes qu'on vient de voir sont fort complexes. Ainsi se pose la question selon Frier de
savoir s'il ne serait pas plus simple que le contrat soit directement attaqué en annulation.

=> Pour les contrats locaux, le préfet dispose du déféré préfectoral depuis la loi du 2 mars 1982 (qui est une catégorie
de REP)
CE Sect., 26 juillet 1991, Commune de Sainte-Marie
Quand un préfet défère un contrat local, ce recours n'est qu'un REP.

=> Le REP contre les clauses réglementaires du contrat.


Dans les contrats passés par l'administration, certaines stipulations sont réglementaires (notamment celles relatives à
l'organisation du service public).
CE Ass., 10 juillet 1996, Cayzeele
REP formé par un copropriétaire d'un immeuble contre une clause d'un contrat liant le syndicat intercommunal à
vocation multiples (SIVOM) et une entreprise d'enlèvement des ordures ménagères. Le CE accepte le REP parce ce
qu'il conteste une clause réglementaire.

=> le REP est ouvert contre certains contrats qui placent le cocontractant dans une situation réglementaire, notamment
le contrat de recrutement des agents publics.
CE Sect., 30 octobre 1998, Ville de Lisieux
Le REP est ouvert contre un contrat local de recrutement d'un agent public local. Le CE considère que le contrat place
l'agent dans une situation légale et réglementaire.

Il faut retenir de cette complexité des actes détachables (lire GAJA sur Martin pour mieux comprendre),
qu'il y a une volonté du juge administratif de l'excès de pouvoir de favoriser le REP et de contrôler et défendre de la
légalité.

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§2) Les conditions de recevabilité liée à la requête

A) Les conditions de forme

Il y a une souplesse dans les conditions de forme requises : il faut que la requête soit en français (cela
pose des problèmes avec les étrangers, les traducteurs étant excessivement couteux) ; il faut invoquer des raisons de
fait et des raisons de droit et y ajouter des conclusions aux fins d'annulation. On peut y ajouter des conclusions à fin
d'injonction ; la requête doit être signée ; il faut une copie de la décision attaquée, et autres pièces justificatives. La
décision peut être explicite ou implicite. La loi du 12 avril 2002 prévoit pour les décisions implicites de rejet, que toute
demande adressée à l'administration doit faire l'objet d'un accusé de réception qui indique que la décision peut faire
l'objet d'une décision implicite. À partir de la réception, on a 2 mois : sans réponse expresse, on considère que c'est un
refus implicite. Du point de vue formel il y a le droit de timbre : il fallait en effet un timbre fiscal... Chapus s'est
déchainé contre cela ! Et ce droit a finalement été supprimé en 2003. Devant le TA et le CE, l'avocat n'est pas exigé. Il
est exigé devant les CAA depuis 2003 sauf exceptions. Des irrégularités de forme peuvent donner lieu à régularisation.

B) Les conditions de délai

Le délai est une condition très stricte. Il est opposable s'il est mentionné par l'administration ainsi que les
voies de recours. Comment se décompte le délai ? C'est un délai franc, généralement de deux mois à compter de la
publicité donnée à la décision. Il y a des délais spéciaux prévus par des textes. Il faut ici distinguer les formes de
publicité :
=> C'est une publication pour les actes réglementaires
=> C'est, en principe, une notification pour les actes individuels. Dans certains cas, la notification ne suffit pas et il
faut parfois que ce soit su.

Que veut dire un délai franc ? On décompte les 2 mois sans qu'on prenne en considération les :
=> Dies a quo (le jour à partir duquel on commence)
=> Dies ad quem (le jour d'expiration du délai)

Exemple : Un décret qui paraît au JO le 1er février. Le délai court à compter du 2 février à 0H. Les deux moins sont
achevés le 1er avril à 24H, mais le recours reste recevable jusqu'au 2 avril à 24H, ou, quand ce jour est un dimanche ou
un jour férié, à la fin du premier jour ouvrable suivant.

Le délai peut être prorogé par un recours administratif formé par le requérant. Si on forme un recours
administratif dans le délai de 2 mois, on peut garder le bénéfice du recours contentieux à l'issue de la réponse au recours
administratif. On peut former deux recours mais on ne peut garder le bénéfice du report que pour un recours.
Le délai de recours est prorogé dans son intégralité.

Lorsque le délai du recours contentieux a expiré, on est forclos et la forclusion fait qu'on ne peut plus
former de REP. Mais, on peut, à l'occasion d'une décision d'application de l'acte administratif non contestée en temps
utile, contester la légalité du règlement. L'exception d'illégalité qui peut être ainsi invoquée, peut être invoquée de
manière permanente contre un règlement mais en revanche, elle est enfermée dans un délai de 2 mois pour les
décisions non-réglementaires. Toutefois, il y a une possibilité d'intenter un recours aux fins d'indemnisation :
même si le délai de recours contre l'acte lui-même est expiré, le requérant a, sauf pour les mesures à objet purement
pécuniaire, le droit de former un recours de pleine juridiction afin d'obtenir la condamnation de l'administration en
raison du préjudice causé par la faute de service qui résulte de l'adoption d'une mesure illégale. La décision n'est pas
annulée mais une indemnité est versée, car ce n'est plus l'acte qui est en cause, mais la faute.

L'administration est obligée d'abroger les règlement illégaux ou devenus illégaux (CE Ass., 3
février 1989, Compagnie Alitalia). Elle est aussi obligée d'abroger les décisions non-réglementaires illégales dès
l'origine ou devenues illégales dès lors qu'elles ne sont pas créatrices de droit (cf. 1er semestre). De sorte qu'à partir du
moment où l'administration est soumise à une telle obligation, la règle du délai voit sa portée atténuée, puisque quand
bien même on a juste obtenu un constat d'illégalité du juge, cette illégalité emporte l'obligation d'abrogation.

§3) Les conditions de recevabilité tenant au requérant

A) La capacité d'ester en justice et mandatement à cette fin

1) La capacité d'ester en justice

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Pour les personnes physiques (français ou étranger), rien de particulier (pareil qu'en droit civil). Les
mineurs et majeurs incapables doivent être représentés. Si la décision porte atteinte à la liberté individuelle d'un
majeur incapable, il n'a pas besoin de se faire représenter.
Pour les personnes morales, celles-ci doivent réellement être dotées de cette personnalité morale (d'un
point de vue juridique) pour agir en justice. Toutefois, des groupements sans personnalité morale peuvent agir pour
défendre leurs intérêts (ex. : l'association qui se fait dissoudre peut attaquer le décret de dissolution alors qu'elle n'a plus
de personnalité morale).

2) Le mandatement

Il est nécessaire pour les personnes morales. Le président doit être mandaté par une association pour la
représenter. L'État est représenté en justice par les ministres. Le préfet et les exécutifs locaux (maire par exemple) pour
les collectivités territoriale.

Le requérant peut demander à bénéficier de l'aide juridictionnelle (loi du 10 juillet 1991) ce qui lui permet
de bénéficier du paiement en tout ou en partie de ses frais de procédures et honoraires d'avocat.
Le requérant peut se voir mettre à sa charge les frais irrépétibles s'il perd. Depuis 1988, dans certains cas, la loi permet
de mettre à la charge de l'administration les frais d'avocats alors même que le requérant a perdu le procès afin
de favoriser les recours.

B) L'intérêt à agir

Il nourrit un contentieux abondant qui s'explique par le souci du juge de favoriser le REP car il s'agit
d'un contentieux objectif. Le juge a également le souci de ne pas ouvrir trop largement au point d'en faire une action
populaire (risque d'insécurité juridique + surcharge). La juridiction administrative a posé deux type de condition :

1) Le degré de l'intérêt à agir

La reconnaissance d'un tel intérêt est aisée dans les contentieux de pleine juridiction lorsqu'un droit
subjectif a été mis en cause. La question est plus délicate pour le plein contentieux objectif et surtout dans le REP.
Celui-ci conduit en effet au jugement d'un acte au regard du droit objectif – le procès fait à un acte – pour assurer le
respect du principe de légalité.
La personne doit invoquer un intérêt direct et certain qui serait froissé par l'acte administratif mais « il
n'est pas nécessaire que l'intérêt invoqué soit propre et spécial au requérant, il doit s'inscrire dans un cercle où la
jurisprudence a admis des collectivités toujours plus vastes d'intéressés sans l'agrandir toutefois à la dimension de la
collectivité nationale » (Concl. Chenot sur CE, 10 février 1950, Gicquel). On admet donc pas un intérêt à agir d'un
requérant qui se prévalerait de sa qualité de contribuable de l'État. Toutefois, pourra se prévaloir d'un intérêt
suffisamment direct et certain le père qui conteste le permis de construction d'un enfant scolarisé dans une école située à
côté d'un immeuble de construction : c'est la proximité géographique qui permet de recevoir le recours du père. De
même, les hôteliers peuvent avoir un intérêt à agir suffisamment propre et spécial pour contester la fixation des
vacances scolaires. Au-delà de l'intérêt direct et certain, le juge administratif impose que le requérant invoque un
recours adéquat et approprié.
CE, 13 mars 1987, Société albigeoise de spectacles
REP formé par l'exploitation d'une salle de cinéma qui veut l'annulation d'un permis de construire octroyé à une société
concurrente. Le CE estime que le REP est irrecevable car l'intérêt qu'invoque l'exploitant est un intérêt qui vise à la
préserver de la concurrence. Or on ne peut demander l'annulation d'un permis de construire que si on allègue des
moyens touchant à cette législation (on invoque par exemple que le permis ne respecte pas des normes de construction)

Ces exigences conduisent la jurisprudence administrative l'amène à prendre des décisions particulières.
Concernant les agents publics :
CE, 11 décembre 1903, Lot (v. GAJA)
Le Conseil d'État accepte le REP formé par un fonctionnaire contre une décision de nomination d'une autre personne à
un emploi en violation d'un décret qui préserve l'accès à cet emploi aux titulaires de certains diplômes. Le CE estime
recevable les agents publics à contester toutes les mesures susceptibles de porter atteinte aux droits qu'ils tiennent de
leur statut, aux prérogatives de leurs corps.
En revanche, le CE n'admet pas qu'un agent public forme un REP sur des mesures qui touchent à l'organisation du
service public dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à son statut, sa carrière, ses prérogatives...

En application de cette notion d'intérêt à agir, la jurisprudence administrative a également pris des

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conséquences sur les REP contre les mesures des autorités administratives prises sur une autre autorité administrative.
CE, 18 avril 1902, Commune de Néris-les-bains (v. GAJA)
Le CE admet qu'une commune pouvait intenter un REP contre une décision préfectorale annulant un arrêté
municipal pris en matière de police (cas devenus plus rares depuis la suppression de la tutelle en 1982).

Les organismes spécialisés peuvent également défendre leurs intérêts statutaires, en fonction de leur
spécialité propre par cette voie. Le recours de l'État, lorsqu'il ne dispose pas du pouvoir immédiat d'annulation ou de
réformation, est possible contre les décisions des différentes administrations (collectivités locales, voire AAI par
exemple). Enfin, le REP est recevable lorsque les autorités se situent au même niveau : un ministre peut REP les
décisions d'un autre ministre. On peut s'en étonner dans la mesure où chaque ministre défend les intérêts de l'État. Or il
y a une unité de l'État. Mais la souplesse du CE s'explique par l'objet du REP qui s'attache à la préservation de sa
légalité, ce qui pouvait justifier un tel recours.

Concernant les recours des usagers des services publics :


CE, 21 décembre 1906, Association des usagers du quartier Croix-Seguey-Tivoli (v. GAJA)
Recevabilité du recours d'une fédération d'usagers, dont le doyen Duguit, aux fins d'obliger le concessionnaire à
respecter la charte du service. Les usagers peuvent ainsi attaquer l'ensemble des mesures réglementaires – y compris
certaines clauses du contrat de concession depuis 1996 – ou individuelles relatives à l'organisation ou au
fonctionnement du service.
Mais une fois leurs droits statutaires respectés, les usagers, seuls ou en association, ne doivent pas
s'immiscer dans l'organisation interne du service.

2) La nature de l'intérêt à agir

C'est une question double :


=> L'intérêt invoqué peut être un intérêt matériel, ou un intérêt moral, volonté de défendre certaines libertés...
=> L'intérêt invoquer à agir peut être un intérêt individuel ou collectif. Normalement, le requérant doit se prévaloir
d'un intérêt personnel à agir. Il doit être touché directement et individuellement par l'acte qu'il conteste. Pour les intérêts
collectifs, cela pose donc plus de problème :
CE, 28 décembre 1906 Syndicats des patrons-coiffeurs de Limoges (v. GAJA).
Irrecevabilité du recours formé par une organisation syndicale contre un arrêté préfectoral ayant refusé de déroger aux
règles de repos hebdomadaires pour les salons de coiffures. Au-delà de l'irrecevabilité en l'espèce, la formulation est
intéressante en ce que l'arrêt reconnaît dans un premier temps au syndicat d'agir en justice et de former un REP
afin de former les intérêts dont ils ont la charge. En revanche, il n'est pas possible pour un syndicat de défendre des
intérêts particuliers sans un mandat spécial : pour défendre des intérêts individuels atteints par une mesure individuelle,
on est normalement seul pour agir (mais on peut donc mandater quelqu'un).
Le Conseil d'État admet donc que les groupements peuvent agir pour des intérêts collectifs. Cela est extrêmement
important car au quotidien, des particuliers peuvent avoir ''peur'' de s'engager dans des procédures lourdes : d'où l'intérêt
que des associations peuvent porter des intérêts collectifs devant le juge administratif. Cela s'explique par le
développement du syndicalisme (loi de 1901 sur la liberté syndicale). La mesure doit porter atteinte aux intérêts
collectifs dont le groupement a la charge : le CE va s'assurer qu'il y au n lien entre l'objet social du groupement et
les intérêts mis en causes par l'acte administratif que le groupement conteste. Ces groupements sont ainsi devenus
gardiens essentiels de la légalité. Pour les mesures réglementaires, l'action est recevable si la décision porte atteinte
aux intérêts collectifs de leurs adhérents, ce qui est le cas le plus fréquent. En présence de décision non
réglementaire, a priori ça ne touche pas à des intérêts collectifs, donc c'est jugé généralement irrecevable.
Toutefois, une mesure individuelle positive peut léser des intérêts collectifs s'il a des conséquences défavorables sur
d'autres. Une décisions individuelle négative ne porte normalement pas atteinte à des intérêts collectifs et n'a pas de
conséquences sur d'autres (un syndicat de fonctionnaires ne peut pas agir contre une mutation), mais certaines décisions
négatives peut léser des intérêts collectifs : ex. si on licencie un représentant du personnel, le recours pourra être jugé
recevable.

Au niveau de la compétence spatiale, la solution est le plus souvent simple : une association de défense
du site de Marseille ne saurait se plaindre de la construction de la pyramide du Louvre ! Elle est parfois plus complexe
pour les fédérations d'associations. Le recours contre un acte de portée locale ne relève-t-il que de l'association située
sur place, ou la fédération qui a évidemment plus de moyens et plus de poids est-elle compétente ? Même si la
jurisprudence est nuancée, elle tend à admettre le recours d'une confédération dès lors que la mesure attaquée
pose une question de principe (CE Ass., 12 décembre 2003, USPAC CGT qui admet un recours « eu égard à la
portée » de l'acte).

§4) Les conditions relatives à l'absence de recours parallèle

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Le requérant ne doit pas disposer d'un recours parallèle : s'il a le choix entre un REP et un autre
recours, il doit emprunter l'autre recours. En principe, et traditionnellement, le REP est irrecevable dès lors que le
requérant dispose d'une voie de droit équivalente ou supérieure par son efficacité au REP. Le juge administratif doit
donc apprécier s'il existe un autre recours ayant une efficacité équivalente. Or le REP vise à obtenir l'annulation de
l'acte, et le recours parallèle doit donc permettre l'annulation de l'acte. En matière électoral par exemple, le REP est
irrecevable contre les actes administratifs qui par exemple organisent les élections, en raison qu'on peut saisir le juge de
l'élection en recours de pleine juridiction (sauf si c'est un acte détachable). En matière contractuelle, là encore, c'est un
recours de pleine juridiction qui est ouvert au requérant. Le REP ne sera donc ouvert qu'exceptionnellement sauf acte
détachable). En matière fiscale, il y a aussi un recours de pleine juridiction.
Cette condition est pénalisante dans la mesure où l'un des intérêts du REP est qu'il est dispensé du
recours des avocats et est facile à mettre en œuvre. Ainsi, le juge administratif a posé des exceptions :
CE, 8 mars 1912, Lafage
Le CE écarte cette condition lorsqu'on est en présence de décision à portée pécuniaire. Le CE a voulu permettre un
contrôle facile et peu onéreux pour des litiges qui peuvent porter sur des sommes qui sont parfois minimes. Si on
impose la voie de recours parallèle onéreuse, la procédure contentieuse coutera trop cher par rapport à ce qu'il peut
envisager obtenir.
Le REP est donc recevable à la condition que le requérant demande l'annulation de la décision à portée
pécuniaire, qu'il n'invoque que des moyens de pure légalité et qu'il le forme dans le délai de deux mois. Ses conclusions
doivent juste être à fin d'annulation.

Section 2 : Les cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir

Ils ne doivent pas être confondus avec les conditions de recevabilité. Les cas d'ouverture sont des moyens
invocables pour obtenir l'annulation. En effet, tous les moyens ne sont pas invocables et recevables tels que les moyens
de pur faits. De même, on ne peut pas invoquer à l'appui d'un REP, la violation d'une disposition d'un contrat (attention,
il en va autrement pour les clauses réglementaires d'un contrat). Au-delà de ses moyens irrecevables, car n'étant pas de
légalité, certains moyens sont recevables mais inopérants comme invoquer la violation d'un texte qui n'a rien à voir : les
moyens invoqués doivent donc être pertinents. Il existe aussi des moyens pertinents mais sans incidence en ce que la
décision devait être prise par l'administration, elle avait compétence liée. Quelque soit l'irrégularité qui entache l'acte,
l'acte devait être pris.
Les moyens opérants qui restent sont donc les moyens de légalité. Certains sont d'ordre public en ce
qu'ils peuvent être soulevés d'office par les parties ou par le juge : méconnaissance du champ d'application de la loi, la
violation de l'autorité de la chose jugée, l'application rétroactive d'un règlement... Le juge administratif dispose d'une
certaine compétence pour procéder à diverses substitutions : il peut substituer une base légale correcte à une base légale
incorrecte sur laquelle l'administration s'était fondée. Ainsi, le juge peut sauver la décision. Il peut le faire à condition
que la nouvelle base légale soit de même catégorie que l'ancienne. Le juge administratif peut également procéder à une
substitution de motifs : le motif illégal de l'administration peut être substitué par un motif légal que le juge pose. Là
encore, il peut sauver la décision. On voit ici que l'office du juge s'est considérablement élargi. En effet, dans un
premier temps, le juge n'acceptait la substitution de motifs qu'en cas de compétence liée de l'administration, mais dans
un arrêt (CE, 2004, Hallal), le CE reconnaît la faculté de substituer, aussi bien en première instance qu'en appel, un
motif légal au motif illégal retenu par l'administration alors même que l'administration n'est pas en compétence liée.
Finalement, le juge administratif a fortement élargi son office puisqu'il reconnaît finalement un droit à l'erreur à
l'administration.
Les moyens d'illégalité n'ont cessé de se développer : à l'origine, c'était l'incompétence. Puis, il y a eu
l'apparition du vice de forme et du détournement de pouvoir. Puis, en 1864, il reconnaît le moyen tiré de la violation
de la loi. Ce n'est qu'au début du 20ème siècle qu'il acceptera de contrôler les motifs de la décision. C'est donc un
développement lent et progressif du contrôle du juge. La doctrine a classifié cela : sous la plume du commissaire du
gouvernement Gazier, en 1951, il a été proposé de distinguer le contrôle de la légalité externe (incompétence, vice de
forme et de procédure), et le contrôle de la légalité interne (défaut de base légale, la violation de la loi et le
détournement de pouvoir). Cette classification va être reprise par quasiment toute la doctrine (certains vont mettre des
nuances, genre distinguer le contrôle formel (contrôle plus objectif) du contrôle matériel (contrôle plus subjectif), bref,
osef). Quel est l'intérêt de cette classification ? Juste aider les pauvres élèves de droit administratif ? Non, il y a aussi un
autre intérêt à la distinction externe / interne :
=> Lorsque l'acte est illégal de manière interne, l'administration ne peut pas édicter un même acte.
=> Les moyens relatifs à des irrégularités externes et internes sont considérées par le juge administratif comme deux
fondements juridiques distincts. En effet, pour le juge, les moyens de légalité externe et interne sont deux causes
juridiques. Cela est important en ce que en appel le juge administratif n'accepte de connaître que de moyens d'illégalité
qui s'attachent à une cause juridique déjà évoquée en 1ère instance...
Pour plus de détails sur cette classification de merde, voir p. 456 du Frier.

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§1) Les illégalités externes

Il y a les conditions de compétence et le respect des formes et procédures :

A) L'incompétence

1) Principe

L'incompétence c'est la violation des conditions relatives à l'auteur de l'acte. L'acte doit être édicté par
une autorité qui a compétence pour le faire. La compétence est générale et impersonnelle en ce sens qu'elle est
analogue pour toutes les personnes et autorités investies du même emploi et des mêmes fonctions. La compétence se
distingue de l'attribution qui est un ensemble de tâches techniques qui sont effectuées par les agents de l'administration.
Tous les agents publics accomplissent des tâches techniques, mais certains d'entre eux ont compétence pour émettre
des actes juridiques : ce sont alors des autorités. Ensuite, il faut vérifier si l'autorité est compétente. Parfois, plusieurs
autorités le sont. Ainsi, lorsqu'un acte est pris sur avis conforme des autres autorités, on les considère comme co-auteur
(compétence qui peut également être vérifiée). La compétence est un moyen d'ordre public et peut être soulevé
pendant la procédure car c'est une règle essentielle en ce sens que la possibilité d'édicter des actes juridiques n'est donné
qu'à certain. Cette compétence, parce qu'elle est essentielle, doit donc pouvoir être vérifiée à tout moment de la
procédure. La compétence est :
=> territoriale qui correspond en réalité à la dimension personnelle de la compétence.
=> temporelle : La compétence est à compter de leur investiture, et il y a compétence jusqu'à l'investiture d'un éventuel
successeur, même si elle est démissionnaire. Ainsi, quand un gouvernement doit démissionner (défiance du Parlement
par exemple), il n'a en principe plus de compétence mais jusqu'à la nomination du gouvernement suivant il garde une
certaine compétence pour effectuer les affaires courantes => (CE, 19 octobre 1962, Broca).
=> matérielle : Les autorités doivent exercer les compétences qu'elles ont reçues dans les matières pour lesquelles elles
ont reçu compétence. C'est la compétence la moins respectée. Une autorité hiérarchiquement supérieure ne peut
empiéter sur le subordonné et inversement. Les compétences en droit public doivent être exercées et les autorités ne
peuvent pas refuser de les exercer. Le juge administratif peut estimer qu'il y a une incompétence négative. Il
sanctionnera ce dessaisissement de l'incompétence (ne pas exercer sa compétence) par le moyen de l'erreur de droit (v.
infra)

2) Assouplissement et dérogations au principe

− Assouplissement :

=> La délégation de compétence : elle consiste pour une autorité à déléguer la compétence à une autre. Il y a un
transfert de compétence. Elle se rapproche de la délégation de signature, et est soumises aux mêmes conditions :
* La délégation doit être prévue par un texte
* Elles doivent être partielles et ne pas porter sur toutes les compétences. Elles doivent donc être précises.
* Elles doivent être publiées régulièrement.

Les effets diffèrent toutefois : il y a dessaisissement d'une autorité auprès d'une autre car il y a un transfert, alors que
le délégation de signature laisse au délégué l'exercice de sa compétence. La délégation de compétence se fait in
abstracto : elle vise le titulaire d'un poste in abstracto, peu importe le titulaire, alors que la délégation de signature est
personnelle.

=> La suppléance
Elle doit être prévue par un texte. Elle s'effectue par intérim, mais le texte peut prévoir une substitution d'une autorité à
une autre.

− Dérogations :

=> Théorie des fonctionnaires de fait


Il s'agit d'admettre pour le juge une dérogation aux règles de compétence en considérant comme valides des actes
édictées par une autorité incompétente, personne qui peut apparaître comme un fonctionnaire de fait. Le CE
n'admet cette théorie que dans le cas où on a pas pu raisonnablement ignorer l'irrégularité de l'investiture de l'autorité
qui a pris l'acte. La jurisprudence administrative suit la jurisprudence judiciaire où la Cour de cassation en 1833
considère que des mariages célébrés à Montrouge par un conseiller municipal ayant reçu une délégation irrégulière pour
les célébrés, ne sont pas invalidés (théorie de l'apparence : les mariés croyaient vraiment que la personne était

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compétente). En période de circonstances exceptionnelles, le juge administratif admet cette théorie si elle est nécessaire
lorsque cela est justifié par les nécessités du fonctionnement du service public.

=> L'usurpation de pouvoir


C'est un acte fait par une personne qui s'immisce dans l'administration sans aucun titre ni qualité et qui prétend
représenter l'administration. Dans son cas, l'acte n'est pas illégal mais considéré comme inexistant. L'inexistence peut
être constatée par le juge administratif ou judiciaire sans avoir à recourir au REP.

B) Les vices de formes et de procédure

Ce sont des garanties essentielles contre l'arbitraire. Pourtant le droit administratif n'est pas ultra-
formaliste. Le contentieux ne donne pas toujours lieu à annulation. Les règles se sont développées dans un souci de
développement démocratique de l'administration (Loi du 17 juillet 1978 ; décret du 28 novembre 2003). Depuis
quelques années, il y a des textes qui ont inscrit des règles de forme et de procédure.

1) Les vices de forme

Ils sont rarement retenus par le juge administratif qui manifeste de faibles exigences. Par exemple, il ne
sanctionnera pas la mauvaise numérotation d'un arrêté, ou s'il n'y a pas tous les visas. S'agissant des signatures et
contreseing ou obligation de motivation, le juge administratif est légèrement plus strict. Encore que pour la signature
et le contreseing, ce n'est pas forcément une cause systématique de nullité. Quand ils font défaut, le juge considère
parfois que le contreseing n'est finalement pas exigé. Pour les obligations de motivation les choses sont plus
sérieuses dans la mesure où c'est une exigence textuelle. Pendant longtemps, elle ne s'imposait pas et le juge pouvait
intervenir dans la procédure en demandant les motivations de l'administration (notamment dans l'arrêt Barel v.
supra). Le droit a progressé dans l'exigence de motivation d'une part car avant même avant la loi de 1979, la
jurisprudence exigeait la motivation soit sur la base d'un texte ponctuel, soit en dehors de tout texte lorsqu'il s'agit de
décision d'organismes professionnels collégiaux exerçant des pouvoirs quasi-juridictionnels. De manière prétorienne,
certaines décisions devaient donc être motivées en raison de « la nature des organismes, de leur composition et de
leur attribution » (CE, 27 novembre 1970, Agence Maritime Marseille-Fret). Avec la loi du 11 juillet 1979, le
législateur impose la motivation à certaines décisions, à savoir les décisions individuelles (et donc pas les actes
réglementaires) défavorables à leur destinataire (liste donnée par la loi (il y a 6 catégories : décision restreignant les
libertés publiques (mesures de police), les sanctions, le refus d'un avantage instituant un droit etc.). Une jurisprudence
abondante est venue préciser cela : il y a des décisions individuelles dérogatoires. Exemple : limitations pour certains
secrets (médical, militaire...).

Il faut donc une motivation circonstanciée en référence aux faits propres à l'espèce. Il n'y a pas de
régularisation possible de la motivation après coup.

2) Les vices de procédure

Ils concernent précisément les opérations nécessaires à la production de la décision administrative.


Ces règles ne sont pas codifiées. La jurisprudence donc a posé un certain nombre de règles.

Règles dans une procédure consultative : certains textes imposent une consultation (avis simple, avis
obligatoire, avis conforme, proposition etc.) pour l'édiction d'actes administratifs. Le contentieux administratif révèle
tout un régime de règles en vérifiant les conditions de cette consultation. Il regarde si l'avis est bien pris lorsque avis
obligatoire, regarde si bien conforme si avis conforme etc. Lorsque la procédure n'a pas été correctement respectée, le
juge constate une illégalité pour vice de procédure.
Ensuite, il y a des règles dans une procédure contradictoire : les destinataires des mesures
administratives peuvent se faire entendre à l'occasion d'une mesure qui les concerne et présenter leur position pour
tenter d'influer sur le sens de la décision à prendre. La loi du 22 avril 1905 par exemple, impose à l'administration de
communiquer à tout fonctionnaire son dossier (introduction du principe du contradictoire dans la procédure
disciplinaire).
CE Sect., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier (v. GAJA)
Par la suite, l'obligation de respecter les droits de la défense, qui constitue un aspect essentiel de la contradiction,
s'impose au titre de PGD. En l'espèce, le CE déclare illégale l'abrogation d'une autorisation d'installation d'un kiosque
sur la voie publique, prononcée pour faute, sans que l'intéressé « eût été mis à même de discuter les griefs formulés
contre elle »).Le Conseil Constitutionnel y voit même un principe à valeur constitutionnelle (Décision du 28 décembre
1990).
La procédure contradictoire est désormais organisée soit par la loi du 12 avril 2000 ou des textes

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spécifiques, soit en application de règles jurisprudentielles. La loi exige le respect d'un minimum de procédure
contradictoire pour l'émission des actes individuels soumis à l'obligation de motivation, lorsqu'ils ne sont pas pris sur
demande de l'intéressé. L'obligation cesse toutefois en cas d'abus, d'urgence, de circonstances exceptionnelles, ou
lorsque les nécessités de l'ordre public, notamment, sont en jeu.

La règle de l'examen particulier des circonstances de l'espèce :


C'est une règle en vertue de laquelle lorsque l'Administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire, pour prendre des
décisions individuelles, elle doit procéder à un examen complet des circonstances propres à chaque affaire avant de
décider.
Arrêt Mathis, 1983 (Introuvable..)
Un directeur de collège refuse à un élève appuyé par ses parents d'abandonner le latin en classe de 4ème. C'est un refus
entaché d'illégalité si le principal n'a pas pris en compte les circonstances particulières de l'espèce.
Cette règle est cependant plus souvent considérée par le juge administratif comme une erreur de droit que de
procédure.

Les délais :
Le plus souvent, l'administration reste libre d'agir quand elle le juge souhaitable, et les délais bien que prévus par un
texte sont généralement considérées comme simplement indicatifs, sauf dans quelques hypothèses. Les délais peuvent
être indicatifs. Ils ont pour objet d'inciter à l'autorité à accélérer la procédure sans lui retirer sa compétence, une fois le
délai dépassé. Il n'y a pas de sanction à ce stade (CE ass., 3 octobre 1992, Diemert). Parfois, ils sont impératifs. Les
délais doivent être respectés. Si l'administration agit trop tôt ou trop tard, elle méconnait les règles de procédure et sa
décision est viciée de ce point de vue. Il a des délais minimums (pour pas que l'administration va trop vite), des délais
maximums et aussi des délais raisonnables (par exemple, un gouvernement reste libre, pour l'adoption des décrets ou
arrêtés d'application des lois, de fixer la date de leur intervention, mais leur abstention ne doit pas se prolonger au-delà
« d'un délai raisonnable et être assimilée à un refus définitif d'agir » (CE, 27 novembre 1964, Dame Veuve Renard))

La règle du parallélisme des procédures :


Elle s'impose pour la modification d'un acte réglementaire. En revanche, pour les décisions non réglementaires, par
exemple un acte individuel, la procédure suivie ne s'impose que si la procédure initiale garde son utilité.

§2) L'illégalité interne

Il y a un contrôle des éléments matériels de l'acte. On s'intéresse à son objet, à son contenu et on vérifie
qu'il est n'est pas entaché d'illégalité interne.

A) Les moyens de l'illégalité interne

L'illégalité ici peut porter soit sur le but de l'acte (cas d'ouverture appelé détournement de pouvoir) (1),
soit, dans le cadre de la violation de la loi, sur son contenu (2) ou ses motifs (3)

1) Le détournement de pouvoir

Le détournement de pouvoir constitue, en quelque sorte un vice de but. L'acte est annulé si :

− Poursuite d'un but interdit


Deux hypothèses :
=> L'autorité publique ne saurait agir dans un intérêt privé, avoir pour but de favoriser ou de défavoriser tel ou
tel, pour des raisons personnelles ou d'opposition politique, syndicale ou confessionnelle. Exemples :
CE, 16 novembre 1900, Maugras
Le détournement de pouvoir est caractérisé quand un maire décide de révoquer l'agent de police qui avait eu le tort de
dresser procès-verbal à l'encontre d'une de ses parentes.
CE, 14 mars 1934, Dlle Rault
De même lorsqu'un maire interdit l'ouverture de tous les bals publics de la commune avant 20H, sauf le sien...

=> L'administration ne peut jamais agir en violation de l'autorité de la chose jugée. Volonté du juge d'assurer le
respect absolu de ses décisions (caractérisé dans CE, 13 juillet 1962, Bréart de Boisanger)

− Violation d'un but assigné


C'est une forme de détournement de pouvoir plus subtile en ce que le mobile poursuivi est en lui-même d'intérêt public,
et l'administration a visé le bien commun. Mais ce but ne correspond pas à celui fixé par la législation pour la

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situation en cause. La finalité, d'intérêt public, est impossible à poursuivre au cas d'espèce.
Ainsi, alors qu'en général, la recherche du moindre coût ou de la meilleure rentabilité n'est pas interdite, les autorités de
police ne peuvent, elles, utiliser leurs pouvoirs dans un but financier.

Dans les deux cas, encore faut-il qu'il s'agisse du but déterminant. Lorsqu'un acte présente un intérêt
pour une personne privée, tout dépend de ce qui apparaît comme l'objectif essentiel de l'administration : favoriser celle-
là ou poursuivre la réalisation d'une fin d'intérêt public (CE Sect., 5 mai 1972, Ferdinand). Ainsi, peu importe qu'il ait
eu pour effet secondaire de favoriser une personne privée ou d'améliorer les finances publiques si l'objet de la mesure
est bien d'intérêt général.
On notera également que la reconnaissance du détournement de pouvoir a une portée symbolique : le
juge veut sanctionner un comportement inadmissible (ex. : Dame Rault, où le juge aurait pu simplement utiliser le
principe d'égalité). Hauriou notait sous Maugras qu'il y a une connotation de moralité administrative. D'où une
reconnaissance rare...

Les autres moyens de légalité interne relèvent du cas d'ouverture désigné sous le terme générique de
violation de la loi. Cette présentation est réductrice car elle recouvre en réalité des hypothèses nombreuses et distinctes,
voire ambigües car tout le contrôle de la légalité est fondée sur la violation de la loi. Il faut donc distinguer le contenu
de l'acte ou les conditions de son édiction...

2) Les irrégularités relatives au contenu de l'acte

Se constate en cas de violation directe de la règle de droit. Dans cette hypothèse, le contenu de l'acte
lui-même, presque à sa simple lecture, se révèle être en contradiction avec l'ordonnancement juridique général. C'est
donc essentiellement le non-respect de la hiérarchie des normes qui est sanctionné (ce peut être des normes
extérieures à l'administration : Constitution, lois etc. ou des règlements administratifs eux-mêmes). Dans le cadre du
REP et des contentieux objectifs, l'examen de la légalité de l'acte ne peut être fait au regard d'un contrat et la violation
de celui-ci n'est pas invocable.
Cet examen est plus ou moins poussé. Le plus souvent, il faut un strict rapport de conformité, de non-
contrariété entre l'acte et la norme supérieure. Parfois, en raison de la rédaction même de la base juridique qui
comporte peu de prescriptions précises et fixe surtout des objectifs généraux à atteindre, il ne s'agit que de vérifier la
compatibilité entre les deux normes.

3) Les irrégularités relatives aux motifs de l'acte

L'autorité agit toujours en se fondant sur des considérations de fait ou de droit, selon certains motifs, qui
ne doivent être confondus ni avec la motivation, ni avec le mobile de l'acte, raison pour laquelle on parle souvent de
condition. Or, si les motifs de droit sont toujours susceptibles d'être contrôlés par le juge, il n'en va pas de même pour
ceux de fait.

− Le contrôle des motifs de droit

=> Défaut de base juridique


L'acte administratif est toujours dérivé d'un texte ou d'un principe jurisprudentiel antérieur. Or cette base juridique n'est
pas toujours invocable, qu'elle ne produise pas encore ses effets, qu'elle n'en produise plus du fait de son abrogation ou
de sa caducité (CE Ass., 20 janvier 1950, Commune de Tignes), ou, plus fréquemment, parce que ses effets sont
paralysés par la constatation de son illégalité, notamment par voie d'exception. Dès lors, comme un château de cartes,
quand on retire les cartes du dessous, le reste s'effondre (CE, 28 février 1992, SA Rothamns International France).
Et, sauf dans les quelques rares cas où le juge a le pouvoir de procéder à une substitution de base légale sur laquelle
l'acte pourrait se fonder, ce dernier est annulé.

=> Erreur de droit


Il s'agit ici d'une mauvaise interprétation des conditions d'utilisation d'un pouvoir attribué à l'administration,
d'une compréhension erronée des motifs prévus dans la base légalement applicable. Fausse interprétation à titre général,
abstraite et indépendante du cas d'espèce à l'occasion duquel la question est soulevée. Exemple :
CE, 28 mai 1954, Barel
Si le ministre de la Fonction publique a le droit de refuser, dans l'intérêt du service, l'accès aux concours, il ne saurait,
sans commettre d'erreur de droit, interpréter ce motif d'intérêt du service comme l'autorisant à exclure les candidats
communistes de la fonction publique.

Constituent également des erreurs de droit :

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• L'incompétence négative : c'est-à-dire le fait pour une autorité administration de refuser d'exercer sa
compétence, dont elle a méconnu l'étendue. Le texte qui fonde son intervention a ainsi été mal interprété (CE
Sect., 20 juin 2003, Stilinovic)
• Le détournement de procédure : cas où l'administration a utilisé, à tort, une procédure à la place d'une
autre. Elle commet une erreur de droit en interprétant mal les textes. S'il y a de plus intention coupable, car il
est recouru, en pleine connaissance de cause, à une procédure dans une hypothèse où elle ne peut être utilisée,
la décision est entachée de détournement de pouvoir (v. supra). C'est donc une catégorie qui a peu d'intérêt, et
d'ailleurs, Chapus préfère la rattacher au détournement de pouvoir. Elle reste parfois utilisée par le juge (CE,
26 novembre 1875, Pariset : Le préfet ferme une fabrique d'allumettes pour violation des lois sur les
établissement dangereux, à seule fin de minorer l'indemnisation lors de l'expropriation future de cet immeuble)

− Le contrôle des motifs de fait : l'inexactitude matérielle

Le contrôle des motifs de fait porte sur plusieurs questions distinctes. En premier lieu, les faits sont-ils
avérés ? Si l'administration s'est fondée sur des faits inexacts, sa mesure encoure l'annulation. Exemples :
CE, 14 janvier 1916, Camino (v. GAJA)
En l'espèce, est annulée la mesure de révocation du maire d'Hendaye qui n'aurait pas veillé à ce que fût respectée la
décence d'un convoi funèbre (il aurait fait entrer ce convoi par une brèche dans le mur du cimetière et mettre le cercueil
dans une fosse trop petite !) car elle repose sur des faits et allégations inexacts.
CE, 20 janvier 1922, Trépont
Est aussi fondée sur des faits matériellement inexacts, la mise en congé d'un préfet à sa demande alors qu'il n'a jamais
formulé un tel vœu
!
B) La modulation du contrôle juridictionnel

Les moyens d'annulation étudiés jusqu'ici peuvent toujours être examinés, s'ils sont soulevés par le
requérant ou s'il s'agit de moyens d'ordre public. À partir de maintenant, au contraire, le contrôle est susceptible de
variations, car on est au cœur de l'acte, au point exact de l'équilibre qui doit s'instaure entre contrôle juridictionnel et
action de l'administration.

1) Le fondement de la modulation du contrôle

C'est l'étendue de la compétence donnée à l'administration. En effet, que ce soit une compétence liée
ou discrétionnaire, l'intensité du contrôle varie en fonction de la compétence de l'administration. Il s'agit donc de
savoir si celle-ci a une compétence étendue ou compétence liée ?
Une autorité administrative a un pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle a une certaine liberté d'appréciation
dans l'exercice de sa compétence. En présence de circonstances données, elle n'est pas obligée de prendre une décision
donnée, il lui appartient d'adopter la mesure qui lui semble opportune.
Inversement, la compétence est liée si les textes législatifs ou réglementaires définissent précisément les
conditions de son intervention, ne lui laissant aucune possibilité de choix. La jurisprudence traduit cette situation par le
constat que l'Administration « était tenue ». La compétence liée s'applique au contenu de la décision (L'Administration
ne peut décider que dans un sens déterminé) et surtout aux motifs ou circonstances de fait qui justifient l'acte.

2) La variation de l'intensité du contrôle du juge

Le contrôle du juge varie donc et utilise des expressions différentes (attention pas unanimement
reconnues). D'une décision à une autre, il y a parfois plusieurs sens pour des mêmes expressions (donc prudence !1)

Il y a trois niveaux de contrôle :


=> Contrôle normal dit contrôle de la qualification juridique des faits : La qualification juridique des faits, pleine et
entière, est, en ce cas, vérifiée : le juge sanctionne toute erreur de qualification juridique, dans le cadre de ce
contrôle normal.
CE, 4 avril 1914, Gomel
Ainsi, saisi d'un REP contre un refus d'un permis de construire fondée sur l'atteinte d'une perspective monumentale,
condition fixée par la loi pour le refus, le juge vérifie si la place où doit se réaliser la construction constitue une
perspective monumentale et si l'immeuble, par son gabarit et son aspect, est de nature à y porter atteinte.
1
| NB : Dans le Frier, le contrôle minimum est appelé le contrôle « infra-minimum » tandis que le contrôle restreint est
appelé contrôle minimum. Comme l'a donc dit la prof, tout le monde n'a pas le même point de vue... Attention à ne pas
vous embrouiller !

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CE Ass., 13 mars 1953, Teissier
Un contrôle de même type est ainsi exercé dans de nombreux domaines : les faits reprochés à un agent public
constituent-ils une faute ? En l'espèce, le CE considère qu'il y a une faute du directeur du CNRS qui a refusé de
condamner une lettre ouverte particulièrement injurieuse envers le gouvernement.
Il s'agit donc d'un contrôle d'une très grande fréquence et d'une très grande importance car il porte sur le cœur même de
la décision administrative. Or le contrôle peut s'arrêter là ou, au contraire, concerner de nouveaux points.
=> Le contrôle minimum : Dans ce contrôle, il n'y a pas de contrôle de la qualification juridique des faits.
Longtemps très important car le juge administratif considérait que c'était des matières techniques, de haute police… le
CE ne voulait donc pas contrôler la qualification juridique des faits. Aujourd'hui, ce contrôle n'existe quasiment plus,
il persiste cependant quelques hypothèses : le contrôle de la remise de la décoration telle que la légion d'honneur à une
personne, des décisions telles que par exemple celle du Président Mitterrand de faire fleurir la tombe du Maréchal
Petain. Il s'agit en effet d'un pouvoir discrétionnaire de l'Administration et la qualification ne relève que de lui. S'il a
respecté les autres règles de régularité externe et interne de l'acte, il ne peut être sanctionné sur ce point. Il reste libre de
lier les faits et la condition de son action comme il l'entend, en pure opportunité, ce qui n'est pas susceptible d'être
discuté au contentieux.
=> Le contrôle restreint : Le juge contrôle la qualification juridique des faits en vérifiant seulement que l'acte n'est
entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Le juge s'interroge sur l'opération de rapprochement entre les faits et
la condition légale, mais au lieu de sanctionner toute erreur (contrôle normal, il ne sanctionne que les erreurs
grossières). Il s'est développé à partir des années 60 :
Détermination du caractère équivalent d'un emploi pour le reclassement des personnels (CE Sect., 15 février 1961,
Lagrange) ; Publication d'une revue (CE Ass., 2 novembre 1973 : Librairie Maspero) et sur la police spéciale des
publications étrangères (CE Sect., 9 juillet 1997, Association Ekin) ; En matière de haute police des étrangers (CE, 3
février 1975, Pardov) ; nominations au tour extérieur dans la haute fonction publique (CE Ass., 16 décembre 1988,
Bléton) ; la notation des fonctionnaires (CE, 3 novembre 2003, Hello) ; Mesures de haute police (CE, 25 juillet 1985,
Dagostini) ; Dans les domaines techniques (CE, 19 novembre 1986, Société Smanor : pour la petite histoire, en
l'espèce, c'est la qualification de yaourts / yaourts surgelés qui fait l'objet d'un litige).

Il y a un niveau de contrôle qu'on peut qualifier comme un 4ème type de contrôle, ce n'est pas la vision de toute la
doctrine mais c'est en tout cas celle de Teitgen :

=> Contrôle de l'adéquation de la mesure au fait ou contrôle maximum / de proportionnalité 2

Le juge administratif va regarder la proportion de la mesure (CE, 19 mai 1933, Benjamin). On observe
ce contrôle dans la police générale et parfois dans la police spéciale, notamment en matière d'étrangers, dans un cas
particulier, lorsque les étrangers invoquent un droit de la CEDH (art. 8 droit à la vie familiale normale) pour bloquer
une mesure de reconduite à la frontière. La CEDH admet une limitation des libertés mais pour toute une série de motifs,
plus nombreux qu'en France d'ailleurs (ordre public etc.) elle exige en revanche que l'atteinte soit proportionnée.
CE Ass., 19 avril 1991, Belgacem et Mme Babas
D'un côté c'est un trouble à l'ordre public d'avoir un étranger illégal sur le territoire, mais de l'autre côté, il y a le droit à
la vie familiale normale. Jusqu'à la fin des années 90, le droit à la vie familiale normale passait toujours devant, mais
par contre, aujourd'hui, c'est l'ordre public : la balance penche plus du côté de l'administration. En tout cas, le juge met
en balance les avantages qu'en retirerait l'ordre public et les inconvénients pour sa vie familiale.

Dans d'autres domaines, il y a aussi ce bilan coût-avantage (théorie du bilan) :


CE Ass., 28 mai 1971, Ville Nouvelle-Est
Il s'agissait d'une expropriation très importante pour l'installation d'un campus universitaire pour accueillir 30 000
étudiants. Sont démolis 250 maisons. La condition légale est remplie : il y a bien un intérêt public. Mais ce qui faisait
débat c'est l'implantation de l'opération là où elle était. Est-ce que légal d'installer un campus alors qu'il y avait 250
maisons ? Le CE va faire un bilan en prenant en compte les atteintes à la propriété privée, le coût financier... il ajoute
éventuellement les inconvénients d'ordre social... mais il n'oublie pas l'utilité publique de l'opération. Le CE fait donc le
bilan et en l'espèce, l'utilité publique l'emporte.
Par la suite, le juge administratif a pris en compte l'impact de l'environnement et a donc élargi son
contrôle. De manière générale, le CE conclu à l'utilité publique de l'opération, ce qui pose la question de son utilité..

CE, 23 mars 1992, Martin


Implantation de Disney à Marne-La-Vallée : le CE explique que cela pourrait donner un dynamisme économique, du
2
| NB : Là encore, le Frier et Teitgen divergent. Enfin, plus précisément, on va dire qu'il y a une sorte de différence
d'interprétation. D'ailleurs, sur le dernier paragraphe de ce contrôle, vous constaterez qu'il y a une sorte de fourre-
tout du style « bon y a des trucs un peu spéciaux, mais on s'en fout », alors que le Frier en fait des paragraphes bien
distincts ! Je vous conseille en conséquence d'aller voir les paragraphes 806 à 812.

69 | 97
divertissement mais de l'autre côté il y aurait des pertes d'emploi de l'agriculture... Le CE considère qu'elles ne sont pas
de nature à empêcher cette opération d'intérêt public.
De même pour les dérogations d'urbanisme accordées à une personne pour un permis de conduire (CE Ass. 18 juillet
1973, Ville de Limoges), et les autorisations de licenciement (CE Ass., 6 mai 1976 SAFER d'Auvergne c/ Bernette
(v. GAJA)). En effet lorsque le licenciement est soumis à autorisation (salariés protégés), le CE vérifie la légalité de
l'autorisation de licenciement : pouvait-on licencier en l'espèce ce délégué du personnel (l'inspecteur du travail pouvait-
il donner une telle interdiction ?). Le CE censure le licenciement en cause car si les faits reprochés au délégué sont
suffisamment graves pour justifier le licenciement encore faut-il qu'il n'y ait pas de motifs d'intérêt général justifiant que
administration s'y oppose.

Ce contrôle de l'adéquation ne prévaut toutefois pas dans tous les domaines : toujours en police
générale, parfois en police spéciale (dans les exemples que l'on a donné). On peut imaginer que la liste s'étend et que
l'extension révèlerait un souci du juge de pousser plus en avant son contrôle. C'est donc un contrôle en voie de
développement comme celui de la qualification juridique des faits. Parfois le juge administratif fait un bilan mais ne
censure comme illégale que la disproportion manifeste (non pas toute disproportion, mais juste manifeste). Ainsi, en
matière disciplinaire, les fonctionnaires peuvent faire l'objet de sanction disciplinaire : le juge exerce en principe un
contrôle normal de la qualification juridique des faits, mais le juge va au-delà et passe au contrôle de l'adéquation, mais
il est mesuré et donc laisse une marge de manœuvre à l'administration puisque le juge va censurer la sanction
disciplinaire qui est manifestement disproportionnée (CE Sect., 9 juin 1978, Lebon).
CE Ass. 17 février 1995 Hardouin
Un militaire a trop bu et a fait l'objet d'une sanction disciplinaire. Le juge administratif contrôle la qualification
juridique des faits : la sanction est justifiée. Mais cet état d'ébriété était-il de nature à justifier la sanction ?
Manifestement, cette sanction était disproportionnée selon le CE. Celui-ci sanctionne donc le choix de la sanction pour
erreur manifeste d'appréciation.

Section 3 : La portée du recours pour excès de pouvoir

Cette portée est variable (§1), et aménagée (§2).

§1) Une portée variable

Il faut distinguer selon que la décision prise par le juge soit de rejet ou d'annulation.

=> Lorsque le juge administratif rejette la requête, cette décision n'a qu'autorité relative de chose jugée (c'est-à-dire
pour l'espèce) parce qu'on peut parfaitement imaginer qu'un autre recours ait été fait et qu'il n'a pas été encore jugé,
alors qu'il peut être fondé sur d'autres moyens, plus pertinents amenant ainsi le juge administratif a finalement
considérer la décision comme illégale. Le recours peut donc être plus ou moins bien formulé.
=> Les décisions d'annulation en revanche ont autorité absolue de chose jugée : elle vaut pour tout le monde (erga
omnes). L'acte annulé disparaît de l'ordre juridique et les conséquences de l'annulation peuvent être parfois
compliquées :
CE, 26 décembre 1925, Rodière (v. GAJA)
Pour un fonctionnaire, il va falloir reconstituer sa carrière (droit à retrouver l'emploi qu'il occupait et droit à bénéficier
aux avancements auxquels il aurait pu prétendre => commission qui vérifie tout ça). Cet arrêt indique précisément à
l'administration ce qu'elle doit faire pour reconstituer la carrière du fonctionnaire.

L'annulation d'un acte en général pose la conséquence à tirer des actes pris sur le fondement de l'acte qui a
été annulé. On fait une distinction entre les actes réglementaires et les actes individuels :
=> Actes réglementaires : son annulation n'entraine pas normalement la disparition des actes qui sont pris sur son
fondement mais seulement la disparition des actes non définitifs directement liés à l'acte annulé (qu'ils créent ou
non des droits).
=> Actes individuels : il y a rétablissement de la situation antérieure (hypothèse de la jurisprudence Rodière).
CE Ass., 27 mai 1949, Véron-Réville
Des décisions définitives et créatrices de droits peuvent donc être remises en cause lorsqu'elles sont incompatibles avec
la chose jugée et sont annulées par voie de conséquence. En l'espèce, obligation, dans le cas des fonctionnaires
inamovibles, de retirer la décision de nomination d'un juge pour permettre la réintégration de son prédécesseur,
illégalement évincé.

§2) Une portée aménagée

On évoque les décisions d'annulation. Cet aménagement est récent : en effet, on a essayé depuis

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longtemps d'éviter les conséquences drastiques des annulations rétroactives. On avait donc aménager la portée des
décisions par la pratique des validations législatives.

A) Validation législative

Lorsqu'un acte administratif est annulé il peut y avoir des conséquences catastrophiques. Ex. :
annulation d'un concours de médecine 8 ans après. Le législateur a tendance à dire que l'annulation n'est pas rétroactive,
il suffit de prendre une loi pour valider le concours. On valide exactement les actes similaires à l'acte annulé. La
pratique était fréquente mais le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 22 juillet 1981 déclare l'indépendance
de la justice administrative et la pose en PFRLR. Le Conseil Constitutionnel soumet la juridiction administrative au
même principe d'indépendance que la juridiction judiciaire. L'indépendance pose une limite à la validation : le Conseil
Constitutionnel met un ordre dans les annulations en acceptant le principe de validation mais en l'encadrant :
=> Il est interdit de valider la décision administrative annulée.
=> Peuvent être annulés les actes subséquents à l'acte annulé. On ne peut pas valider le concours mais on peut valider
les actes subséquents c'est-à-dire les conditions de nomination à l'issue du concours. On peut donc valider les décisions
qui n'ont pas été elles-mêmes annulées. Il faut que la validation, toutefois présente un motif d'intérêt général, c'est-à-
dire non-financier.

Ce principe a lui-même était encadré par la CEDH (art. 6.1 de la CESDH : principe du procès équitable)
qui a mis son nez dans les validations législatives :
CEDH, 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal c/ France
La CEDH a considéré qu'une loi française de validation, que le Conseil Constitutionnel avait jugé conforme aux
principes constitutionnels français, n'était pas conforme aux exigences de la CEDH. En effet, le Conseil Constitutionnel
admet les validations pour motif d'intérêt général alors que la CEDH n'admet la validation que pour des motifs
impérieux d'intérêt général. Les conditions ne sont pas identiques pour la CEDH qui est donc plus exigente et encadre
plus fermement.

CE, 5 décembre 1997, Mme Lambert


Le CE en a tiré les conséquences en contrôlant la conventionnalité d'une loi de validation, en prenant donc en compte
ces motifs impérieux (puisqu'il ne peut pas contrôler la constitutionnalité) par rapport aux exigences du procès
équitable3.

B) Pouvoir de modulation des effets d'une décision dans le temps

CE Ass., 11 mai 2004, Association AC ! Et autres


On est au début d'une transformation profonde du contentieux de l'annulation qui se caractérise par la modulation
dans le temps du juge. Le CE met une limite au nom du principe de sécurité juridique (reconnu comme PGD dans
CE Ass., 24 mars 2006, KPMG). Il accepte, à titre exceptionnel, de moduler les conséquences manifestement
excessives pour des intérêts publics et privés en présence des effets d'une décision d'annulation. Il reconnaît que le
juge est à même, conciliant légalité et sécurité juridique, de moduler dans le temps l'effet de ses décisions. Il peut
ainsi estimer que tout ou partie des effets antérieurs de l'acte doivent être considérés comme définitives ou, même, le
cas échéant, n'annuler la décision qu'à compter d'une certaine date. En l'espèce, annulation différée dans le temps de la
convention d'assurance chômage.

Cette possibilité de modulation transforme l'office du juge, car après avoir annulé l'acte, le juge doit
faire le bilan des effets qu'entraine l'annulation. Il doit mettre en parallèle l'intérêt de la disparition rétroactive (intérêt de
la légalité) et de l'autre côté la sécurité juridique. Il s'agit de mettre en balance les deux intérêts.

CE Sect, 25 février 2005, France-Telecom


Un arrêt qui applique la jurisprudence AC ! En l'espèce, le CE diffère dans le temps l'annulation d'une décision de
l'Autorité de régulation des télécommunications.

3
| L'arrêt est antérieur à celui de Zielinksi et Pradal, ce n'est pas une erreur, juste que notre beau CE a interprété lui-
même l'article 6 de la CESDH dans le même sens que va le faire la CEDH deux ans plus tard.

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Chapitre III : Le contentieux de la responsabilité publique
C'est l'un des contentieux de pleine juridiction. Pourquoi étudier ce contentieux plutôt que les autres ?
Car c'est le plus important parmi les contentieux de pleine juridiction. Tous ces pleins contentieux se distinguent du
contentieux de la légalité qui vise à faire un « procès à un acte » (contentieux objectif qui vise à constater l'illégalité
d'un acte). Ce contentieux trouve sa forme la plus drastique dans le REP puisqu'il abouti à l'annulation de l'acte. Les
recours en pleine juridiction sont divers, la plupart sont subjectifs, et sont en fait menés par des parties qui poursuivent
la réparation de dommages qui leurs sont personnellement causés. C'est un procès entre parties : contentieux
contractuels et quasi-délictuels. C'est un contentieux par lequel des parties demandent réparation à l'administration d'un
préjudice subi. Le plein contentieux est un contentieux subjectif qui met en jeu en les prétentions des parties. Certains
présentent toutefois un caractère objectif : c'est le cas du contentieux électoral (des électeurs qui contestent la condition
de la campagne), le contentieux fiscal (avec une part de subjectivité), le contentieux des établissements classés etc.
Le juge administratif y a des pouvoirs particulièrement étendus : il va notamment pouvoir répondre à
une demande d'indemnité, il va aussi pouvoir exercer des pouvoirs d'annulation d'une élection, il va pouvoir substituer
un élu qui aurait dû être etc. Ce plein contentieux n'est pas un contentieux unique mais divers.

Concernant le contentieux contractuel :

=> Revoir le semestre 1.

Un mot tout de même : c'est lorsqu'il y a inexécution ou mauvaise exécution du contrat.


L'administration a le plus souvent des moyens d'agir contre son cocontractant et dispose de pouvoirs de sanctions. En
revanche, le cocontractant ne peut agir contre l'administration. Dans ce cas, le cocontractant dispose d'un recours
contentieux. Dans le cadre de ce contentieux contractuel, il peut engager la responsabilité contractuelle de
l'administration sur la base de ses fautes (abus du pouvoir de modification unilatérale du contrat etc.). Il doit prouver
la faute, le préjudice et le lien de causalité. Dans le cadre de ce contentieux contractuel, la responsabilité de
l'administration peut être écartée soit en cas de force majeure soit en cause de faute du cocontractant ce qui permet
soit d'écarter la responsabilité de l'administration, soit de réduire sa responsabilité. Le fait du tiers n'est pas
exonératoire. Par exemple : l'administration en tant que maitre d'ouvrage est responsable à l'égard de l'entreprise qui l'a
chargée de réaliser tel ou tel chantier. Elle ne pourra évoquer les fautes de l'architecte pour se dédouaner de sa
responsabilité face à l'entreprise qui gère le marché public. Les tiers ne peuvent pas former un recours contractuel de
pleine juridiction : seules les parties y sont habilitées. Le tiers au contrat peut former dans certains cas un REP (il
n'obtiendra alors que l'annulation des actes détachables du contrat. cf. supra). Avant, le tiers ne pouvait intervenir en
pleine juridiction, toutefois :
CE Ass., 16 janvier 2007 Tropic travaux signalisation
Le CE a ouvert au tiers un nouveau recours de pleine juridiction qu'il a réservé à certains tiers et à certains contrats
(contrats à procédure, soumis à une procédure de publicité et de mise en concurrence). Pour ces contrats, et seulement
cela, il est possible pour certains tiers, à savoir les concurrents évincés de la conclusion du contrat, de saisir le juge
administratif pour contester la validité de ce contrat dans les deux mois qui suivent une publication. Cette
jurisprudence a été considérée par certains comme le plus fort séisme depuis un siècle concernant le contentieux
contractuel de l'administration depuis l'arrêt Martin. Teitgen : « Séisme oui, mais séisme mesuré », car la relativité est
atténuée modérément et la procédure n'est ouverte qu'à certains contrats et certains tiers. On pourrait imaginer qu'il
s'étende à d'autres contrats, mais ce n'est pas l'opinion de la doctrine pour le moment. L'avantage de cette jurisprudence
est que les tiers évincés n'ont plus à faire le REP, il saisisse directement le contentieux de pleine juridiction. Dans cet
arrêt, le Conseil module également les effets dans le temps.
La jurisprudence AC ! concernait un agrément ministériel. Ici dans tropic travaux, c'est un contrat qui est
annulé, le juge du contrat annule mais au nom de la sécurité juridique il considère qu'il y a lieu de différer dans
le temps l'annulation du contrat. Il prévoit donc un délai pour ne pas déstabiliser.

Concernant le contentieux quasi-délictuel (responsabilité extra-contractuelle) : il faut toujours


rechercher s'il y a ou pas responsabilité contractuelle car elle prévaut normalement. La responsabilité publique
extracontractuelle ou quasi-délictuelle présente des caractères spécifiques, faits générateurs particuliers et obéit dans sa
mise en œuvre à des règles particuliers.

Section 1 : Les caractères spécifiques de la responsabilité publique

C'est une responsabilité qui se voit engagée pour les dommages causés à des particuliers. Elle est
aménagée par le juge et elle obéit à des règles propres. C'est un droit prétorien, et autonome.

§1) Généralisation prétorienne de la responsabilité publique

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Longtemps a prévalu le principe de l'irresponsabilité de l'État. L'État est irresponsable jusqu'à la fin du
19ème siècle, sauf exceptions légales (loi de pluviôse an VIII : concernant les travaux publics). À côté de ces exceptions
légales, il y en a qui ont été prévues par le juge. Les juges avaient en effet considéré que les tribunaux judiciaires
étaient compétents s'agissant de la responsabilité de l'État pour la gestion de son domaine privé. De même était
retenu une responsabilité des collectivités locales de leurs dommages, devant les tribunaux judiciaires. Bref, principe
d'irresponsabilité de l'État sauf décision jurisprudentielle contraire (principalement dans la gestion du domaine
privé). Pourquoi cette irresponsabilité ? Jusqu'à la fin du 19ème siècle l'État assure des fonctions essentiellement
régaliennes. Or le principe qui prévaut, rappelé par Lafrière dans son fabuleux traité de la juridiction administrative :
« Le propre de la souveraineté est de s'imposer à tous sans compensation ».
Blanco constitue en ce sens une évolution majeure. Le TC pose en effet dans cette affaire le principe de la
responsabilité de l'État et au-delà ce principe, il invite le juge administratif auquel il attribue ce contentieux de la
responsabilité publique, de définir les règles de ce contentieux administratif et la responsabilité n'est ni générale, ni
absolue. Chapus avait observé que ce n'était pas l'arrêt Blanco mais l'arrêt Rottschild de 1855 qui avait posé le principe
de la responsabilité de l'État, « mais bon »... (sous-entendu Chapus, il a un peu rien à faire de sa vie).
Cette responsabilité publique s'est généralisée : malgré Blanco, le juge administratif n'a cessé de
développer cette responsabilité de l'administration et des personnes publiques. Cet élargissement est porté par le CE
puisqu'il va l'admette même dans des matières particulièrement rétives (exemple : la fonction régalienne de la police
avec l'arrêt Tomaso Grecco de 1905, v. infra). Au-delà de cette généralisation se manifeste le développement d'une
responsabilité sans faute puis dans un deuxième temps, une responsabilité en dehors de l'idée de risques. Il y a
donc bien une généralisation de la responsabilité de l'État. Cette généralisation est principalement prétorienne mais
cela n'exclut pas une définition des règles de responsabilité par le législateur. L'art. 34 confie en effet le soin de
fixer les principes fondamentaux des obligations civiles (c'est une responsabilité civile car non pénale, même si la
procédure diffère du droit civil).
Le Conseil Constitutionnel a considéré à partir des années 80, précisément le 7 novembre 1989, qu'il ne
peut y avoir irresponsabilité totale pénale ou civile (et censure la loi en se fondant sur le principe d'égalité). Dans une
autre décision du 9 novembre 1999, le Conseil Constitutionnel rapproche les deux régimes de responsabilité civile
(celle qui relève du Code civil (art. 1382) et celle définie par la jurisprudence administrative) en ce point commun
qu'elles partagent à savoir qu'elles mettent en œuvre l'exigence constitutionnelle de l'article 4 de la DDHC dont il
résulte, dit le Conseil Constitutionnel : tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui
par la faute duquel elle est arrivée, à la réparer (il reprend l'idée de l'article 1382). Ces références favorisent et
soulignent l'exigence de responsabilité de ceux qui causent à autrui un dommage.

§2) Autonomie du droit de la responsabilité publique

A) Principe d'autonomie

TC, 8 février 1873, Blanco : « La responsabilité publique… ne peut être régie par les principes qui sont
établis dans le Code civil pour les rapports de particuliers à particuliers ». « Elle a ses règles spéciales qui varient
suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'État avec les droits privés ».
TC, 29 février 1908, Feutry : Dommage causé par une personne qui s'échappe d'un asile psychiatrique.
Bien que l'établissement relève du département, le règlement de ce dommage doit quand même se faire selon les règles
spéciales du droit public. L'arrêt unifie le droit de la responsabilité publique.

B) Les exceptions

La responsabilité de l'administration peut être gouvernée par le droit privé. Ce sont les juges et la loi qui
ont écarté certains domaines de la responsabilité. La jurisprudence a retenu l'application du code civil et la
compétence du juge judiciaire dans certains cas alors que le dommage était lié à une activité de l'administration :
=> Lorsqu'est en cause la faute personnelle d'un agent public.
=> Lorsqu'est en cause un dommage lié au fonctionnement du service public de la justice judiciaire.
=> Gestion du domaine privé d'une collectivité publique.
=> Dommages causés dans le service public géré par une personne privée.
=> Dommage qui trouve sa source dans une voie de fait, ou constitue une emprise irrégulière sur une propriété
privée (on verra ça plus tard).

Il y a aussi des exceptions légales et des régimes légaux de responsabilité publique :


=> La loi du 5 avril 1937 qui concerne le contentieux des dommages causés par les élèves dans le cadre de
l'enseignement public. La loi prévoit la compétence du juge judiciaire selon les règles du Code civil. Ce bloc de
compétence judiciaire a été entendu très généralement tant par le juge judiciaire qu'administratif. Il y a ainsi une

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extension du champ des dommages causés par les élèves, aux activités liées à l'enseignement, aux écoles privées sous
contrat d'association. Une limite persiste en cas de faute liée à la mauvaise organisation du service (absentéisme du
professeur par exemple), en cas de dommage de travaux publics... Ici, ce sera la compétence du juge administratif.
=> La loi du 31 décembre 1957 : tous les contentieux des accidents causés par des véhicules, c'est la compétence du
juge judiciaire quelque soit le véhicule (qu'il soit à l'administration ou pas).

En outre, de nombreuses lois créent des fonds d'indemnisation et soustrait la compétence de la


juridiction administrative et judiciaire. Ces fonds se sont multipliés : le premier date des années 60 (fonds de garantie
des calamités agricoles), ensuite fonds d'indemnisation des victimes du SIDA (6 juillet 1990) pour les victimes d'acte de
terrorisme (loi du 23 décembre 2000), fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante etc. etc. Ces fonds n'empêchent
pas la mis en jeu la responsabilité.

Section 2 : Le fait générateur de la responsabilité publique

La responsabilité publique est devenue générale. Cette responsabilité était sans faute sous l'empire de la
loi pluviôse an VIII en raison des risques de travaux publics. La responsabilité pour faute est apparue tardivement
mais reste le fait générateur le plus important.

§1) La responsabilité pour faute

Elle suppose que la faute soit qualifiable... de faute et surtout, qu'elle soit prouvée. Toute faute n'engage
pas la responsabilité.

A) La qualification de la faute

C'est le manquement à une obligation préexistante (Planiol). Ces obligations peuvent être de résultat
ou de moyens. Elle peut être le fait d'un agent, ou d'un anonyme (des services de l'administration) : il n'est en effet pas
nécessaire, contrairement au droit privé, de rechercher en premier lieu l'erreur particulière d'un individu pour remonter à
celui qui l'emploie.
=> Elle peut résulter d'un simple fait matériel, d'un mauvais fonctionnement du service dû à des causes fort diverses :
carence, retard inadmissible, renseignements erronés, perte de documents, intervention inappropriée etc. le contenu de
l'obligation est apprécié in abstracto. Le juge se demande quel aurait dû être le comportement d'un « bon » service
public, sans exiger l'impossible (par contre, les difficultés doivent être surmontées et ne constituent pas une excuse).
=> Elle peut aussi résulter d'une illégalité de forme ou de fond. Le CE a mis du temps à l'admettre :
CE Sect., 26 janvier 1973, Ville de Paris c/ Driancourt
Aujourd'hui, toute illégalité, même si elle ne porte que sur des questions de procédure ou découle de simples
erreurs d'appréciations est constitutive d'une faute. Cela ne signifie pas que toute illégalité entraine réparation.

B) La preuve de la faute

Elle doit être prouvée par le demandeur. Mais le juge administratif aide en certains cas le demandeur car
le juge a pris acte de la difficulté de rapporter la preuve. Ainsi, dans le cadre de son office qui fait de lui un juge
inquisitorial à certains moments, le juge administratif peut renverser le charge de la preuve et effectuer des
présomptions de faute. C'est donc à l'administration de rapporter la preuve qu'elle n'a pas commis de faute.
Domaines dans lesquels les juges ont prévu des présomptions de faute :
=> Dommages accidentels subis par les usagers d'un ouvrage public. On présume son mauvais entretien. La victime
n'a pas à invoquer cette présomption, c'est à l'administration de prouver le contraire.
=> Usager du service public hospitalier : Il y a présomption de faute du service public hospitalier dès lors qu'il y a
disproportion dans les soins que le malade escomptait (« s'il a un mal de tête et qu'il ressort amputé d'une jambe... »)
La Loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades a confirmé cette présomption de faute en matière de droits médicaux.

C) Le degré de la gravité de la faute

Il y a deux types de fautes : la faute simple et la faute lourde (avant il y en avait 3). On note une volonté
du juge administratif de faciliter l'engagement de la responsabilité de l'administration et on observe en ce sens une
réduction progressive de l'exigence de faute lourde au profit de l'exigence d'une faute simple. Ce recul ce constate
dans ces services :

Service public hospitalier : Dans les hôpitaux publics, on faisait une différence entre actes médicaux et
soins infirmiers. Les actes médicaux n'était traités qu'en cas de faute grossière (en raison des difficultés admises de

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l'intervention médicale). En revanche, les actes infirmiers engageaient la responsabilité du service public pour faute
simple. Cette distinction a été abandonnée :
CE Ass. 10 avril 1992, Epoux V. (v. GAJA)
Dans cette affaire, une femme demande d'accoucher, et à l'issue de l'accouchement se trouve frappée d'hémiplégie. Le
CE retient que la faute simple suffit pour engager la responsabilité de l'établissement hospitalier (mais s'apprécie
comme une obligation de moyens).
Le CE a considéré que même dans les situations difficiles d'urgence, une faute simple suffit (CE, 14 avril 1999, AGF ;
CE, 20 juin 1997, Theux).

Service public de police : En matière de police, le CE a abandonné sa conception d'irresponsabilité


absolue, en contradiction avec la demande d'une garantie sociale sans cesse accrue :
CE, 10 février 1905, Tomaso Grecco (v. GAJA)
Tomaso Grecco, en Tunisie, est à sa fenêtre. Il est blessé par le tir d'une balle d'un gendarme qui court après un taureau
dans la ville... En l'espèce, il était un tiers (il n'était pas recherché, il ne se confondait pas avec le taureau...). Le CE
admit ainsi le principe de l'engagement de la responsabilité en matière de police. Le CE exige toutefois la faute
lourde (Confirmation avec CE, 13 mars 1925, Clef) et il ne reconnaît pas une faute lourde en l'espèce.

CE Ass., 20 décembre 1972, Ville de Paris c/ Marabout


Une telle exigence se révélait gravement inéquitable. Pourquoi seules pouvaient être sanctionnées les fautes lourdes
commises dans la rédaction d'un arrêté de police, par exemple, alors que de nombreux domaines de l'action
administrative comparables relevaient de la faute simple ? Le CE fit alors, au sein des activités de police, une
distinction fondée sur la difficulté des activités en cause, la faute lourde restant exigée notamment pour les
opérations d'urgence, particulièrement délicates.

Désormais, le juge, abandonnerait cette opposition, et n'exige plus que la faute simple même pour les
interventions des services d'incendie (CE, 29 avril 1998, Commune de Hannapes) ou l'action des secours en mer (CE,
13 mars 1998, Améon) alors qu'il s'agit de toute évidence d'activités difficiles. Toutefois, il est difficile d'affirmer
l'abandon définitif de la faute lourde pour toutes les matières de police. 4

Service pénitentiaire : La faute lourde dans l'organisation ou le fonctionnement du service pénitentiaire


commise tant vis-à-vis des détenus eux mêmes (CE Sect., 5 janvier 1971, Veuve Picard : absence de faute lourde dans
la faute de surveillance des détenus, bien que l'un d'entre eux ait tué un autre) que de personnes extérieures restait
toujours exigée sans que soient faites des discrimination selon le degré de difficultés rencontrées, le service étant
considéré comme un tout de ce point de vue. Désormais, tout au moins pour les dommages subis par les détenus, la
faute simple suffit (CE, 23 mai 2003, Mme Chabba : à propos du suicide d'un détenu).

Récemment, on constate une évolution :


CEDH, 27 juillet 2004, Slimani c/ France
A la suite du décès d'un étranger placé dans un centre de rétention administrative, la France est condamnée pour
violation de la Convention européenne des droits de l'homme.
CE 17 décembre 2008 Garde des sceaux, ministre de la justice c/ M. et Mme Zaouiya
L'arrêt retient qu'en cas de décès accidentel d'un détenu, la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute simple dans
l'organisation et le fonctionnement du service de surveillance des détenus. Cela démontre une volonté d'une plus
grande responsabilité de la puissance publique.

TA Rouen , 27 Mars 2008


Le TA affirme que les conditions actuelles de détention peuvent faire l'objet d'une demande en responsabilité. Le CE
suivra t-il ?

Dans d'autres domaines, l'exigence d'une faute lourde est maintenue :

Service public fiscal : L'idée de souveraineté paralysa longtemps la mise en cause du fisc, qui bénéficiait
ainsi d'un privilège contesté. Désormais, la jurisprudence continue à exiger la faute lourde quand, dans les seules
procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt, le service fiscal rencontre des difficultés particulières de
mise en œuvre (CE, 27 juillet 1990, Bourgeois), lorsque par exemple, l'établissement des rôles de la taxe foncière se
révélait particulièrement complexe. À l'inverse, la faute « simple » a suffi dans une espèce comme celle de l'arrêt
Bourgeois, où une somme dix fois supérieure à celle exigible avait été recouvrée, à la suite d'une banale erreur de saisie
informatique. Et, lorsque le dommage a pour origine d'autres activités du fisc, la responsabilité est engagée en dehors de
4
| En effet, on pourrait considérer qu'en fait le CE n'a pas estimé ces interventions comme étant assez difficiles pour
exiger une faute lourde (et a donc conservé une distinction) ...

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toute faute lourde.

Activités de contrôle : L'insuffisance du contrôle qu'exerce une institution sur l'activité d'une autre entité
peut être à l'origine de différents préjudice. La mission du contrôleur reste spécifique en ce qu'elle doit respecter
l'autonomie du contrôle et n'a pas à se substituer à celui-ci qui reste a priori le seul responsable. L'autorité supérieure
quand elle rencontre des difficultés, notamment pour avoir accès aux informations nécessaires, n'est dès lors
sanctionnée que s'il y a faute lourde.
Dans certains cas, l'activité de contrôle technique ne paraît pas présenter de difficultés particulières ; en
fonction de l'étendue des pouvoirs de l'autorité de contrôle et des intérêts en cause, la faute simple peut suffire. La
responsabilité de l'État a ainsi été engagée, pour défaut de contrôle sur les centres de transfusion sanguine dans l'affaire
du sang contaminé. Aussi, dans les activités de contrôle technique des navires (CE, 9 avril 1993, DBG). Même chose
en matière d'amiante (CE Ass., 3 mars 2004, Ministre de l'emploi et de la solidarité c/ Botella) sur laquelle le CE
retient la responsabilité de l'État pour ne pas avoir contrôler les établissements dans lesquels les salariés ont été exposés
à l'amiante.
Cependant, il n'y a pas abandon général de la faute lourde :
=> Concernant le dommage causé aux tiers, et donc du fait d'une activité de contrôle mal exercé :
CE Ass., 29 mars 1946, Caisse département d'assurances de Meurthe-et-Moselle
Dommage causé à la caisse, dommage financier lié à la souscription d'emprunts émis par un établissement public
municipal (caisse de crédit municipal de Bayonne). Celui-ci émet des emprunts dans des conditions frauduleuses. La
caisse engage alors la responsabilité de l'État et de la ville de Bayonne pour ne pas avoir contrôler correctement la
caisse de crédit (l'État et la ville sont en effet chargé de ce contrôle). L'arrêt va exiger alors une faute lourde (difficulté
de contrôler tous les organismes). Cette jurisprudence n'a pas été remise en cause.

=> On retrouve cette exigence de faute lourde dans le cadre du contrôle de l'État sur les collectivités territoriales.
Dans le cadre du contrôle de légalité du préfet qu'il doit exercer à l'égard de la l'activité de la collectivité, la
responsabilité de l'État pourra être engagée du fait du mauvais exercice par le préfet du contrôle (CE, 6 octobre
2000, Ministre de l'Intérieur c/ Commune de St-Florent). Attention, lorsque l'autorité de contrôle agit dans le cadre
de son pouvoir de subordination (ex. le préfet qui se substitue au maire en cas de carence), la responsabilité des
dommages causés n'est pas celle de l'État mais celle de la collectivité locale (CE Ass., 24 juin 1949, Commune de
Saint-Servan ), sauf :
− Lorsque le préfet s'abstient d'exercer son contrôle : le défaut d'exercice de son contrôle engagera la
responsabilité de l'État sur la base de la faute lourde (CE, 14 décembre 1962, Doublet). Cette jurisprudence
est codifiée à l'art. L2215-1 du CGCT.
− Exercice illégal du contrôle : par exemple, le préfet se substitue au maire au motif que celui-ci ne fout rien,
mais il omet de mettre en demeure le maire d'exercer son pouvoir de police. C'est illégal. Cela est codifié à
l'art. L2216-1 du CGCT.

=> Concernant le défaut de contrôle des autorités dites de régulation (ex : Autorité des Marchés Financiers) :
l'engagement de la responsabilité dépend si celles-ci agissent au nom de l'État, si elles sont dotées d'indépendance ou
pas... Selon ce critère, ce sera soit l'État, soit l'autorité elle-même qui verra sa responsabilité engagée. Pour engager la
responsabilité de l'État :
CE Ass., 30 novembre 2001, Ministre de l'économie c/ Mme Kechichian
Affaire du Crédit Lyonnais. Elle engage la responsabilité de l'État du fait du défaut de contrôle exercé par la
commission bancaire sur les banques et notamment le Crédit Lyonnais. Le CE maintient l'exigence d'une faute lourde
pour engager la responsabilité de l'État.

Service public de la justice : Admettre la responsabilité de la justice est particulièrement délicat, et


oblige le juge à se condamner lui-même. Ainsi, pendant longtemps, les dommages causés par la justice n'engageait pas
la responsabilité de l'État : on considérait que c'était l'expression de la puissance régalienne et qu'il n'avait pas lieu de
retenir une responsabilité. Toutefois, ce service public peut, par ses dysfonctionnements, causés des dommages au
justiciable. Ce n'est que tardivement que le législateur et le Conseil d'État vont admettre une responsabilité du fait des
dommages causés par le service public de la justice. Il faut faire une distinction entre la justice judiciaire et la justice
administrative (pour des raisons qu'on verra dans le dernier chapitre)..

=> Service public de justice judiciaire :


Le principe d'irresponsabilité avait connu quelques exceptions prévues par la loi. Il y avait notamment une possibilité
que des décisions de justice puissent donner lieu à des procédures de révisions, à des responsabilités en cas de faute
grave du magistrat etc. Aussi, le code de procédure pénale a prévu la possibilité pour une personne qui a été condamnée
et finalement reconnue innocente de demander indemnisation. Il y a aussi possibilité, en cas de non-lieu, d'indemniser
les victimes de détention provisoire. La loi du 5 juillet 1972, codifiée au Code d'organisation de la justice, établie la

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responsabilité de l'État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice judiciaire. La
responsabilité peut être engagée qu'en cas de faute lourde ou déni de justice.

− La faute lourde
En 1992, la Cour de cassation explique que la faute lourde c'est une erreur « tellement grossière qu’un magistrat
normalement soucieux de ses devoirs n’y eut pas été entraîné ». La Cour de cassation, applique, malgré cette
formulation relativement stricte, de manière relativement souple.
Ass. Plén, 23 février 2001, Villemin
La faute lourde est « constituée par toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant
l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ». En l'espèce, la Cour retient la
responsabilité de l'État

− Le déni de justice
Il se caractérise lorsque par exemple, un juge refuse de répondre à une requête, ou ne statue pas dans un délai
raisonnable. Plus de 2 ans d'attente dans la CA de Paris est considérée par le juge judiciaire comme un déni de justice.

La Cour de cassation, suivant la jurisprudence administrative qui a adopté un principe de responsabilité


pour risques (sans faute) des collaborateurs occasionnels du service public de la justice administrative (infra), a
également retenu cela aux collaborateurs occasionnels du service public judiciaire :
Civ. 2ème, 23 novembre 1956, Trésor public c/ Docteur Giry
Application d'une responsabilité sans faute à ce médecin qui avait été appelé par la police pour porter secours à des
personnes qui ont été intoxiquées par des émanations de gaz. Requis par la police, il intervient dans le cadre d'une
fonction de police judiciaire et on considère qu'il est un collaborateur occasionnel du service public de la justice
judiciaire. La Cour applique la responsabilité sans faute.

=> Service public de la justice administrative


Il y a à la base un principe d'irresponsabilité. Tardivement, on a admis une responsabilité de l'État du fait de
dysfonctionnements. Le seul fondement retenu est la faute lourde. Tardivement car, en effet, le juge administratif
compétent pour statuer sur les dommages, n'a pas voulu appliquer la loi de 1972 à la justice administrative. Elle a
considéré qu'elle ne concernait que le service public de la justice judiciaire (esprit similaire à Blanco).
CE Ass., 29 décembre 1978, Darmon
Le CE retient la responsabilité de l'État lorsqu'il y a une faute lourde dans l'exercice de la fonction juridictionnelle
par une juridiction administrative. Cependant, cette possibilité est déniée, en raison de l'autorité qui s'attache à la
chose jugée, quand la « faute lourde résulterait du contenu même d'une décision juridictionnelle » devenue
définitive. En ce sens, il y a interdiction de discuter sur le plan de la responsabilité les décisions du juge administratif,
même gravement erronées.
Cette conception n'est pas complétement en adéquation avec le droit communautaire. Et cette solution
devra de toute façon évoluer, au moins lorsqu'est en cause l'application des règles communautaires car la cour de justice
a considéré que la responsabilité d'un État membre pouvait être engagée, lorsqu'une décision d'une juridiction statuant
en dernier ressort violait de façon caractérisée le droit européen et était constitutive d'un préjudice (CJCE, 30
septembre 2003, Köbler c/ Autriche).

CE, 28 juin 2002, Magiera


Deuxièmement, la jurisprudence Darmon est nuancée en ce que la responsabilité pour faute simple est reconnue
lorsque la juridiction administrative a dépassé le délai raisonnable pour juger une affaire. Le CE se fonde pour cela sur
l'art. 6 de la CESDH. En l'espèce, la procédure a duré 7 ans. Précision : le délai raisonnable est apprécié in concreto
(prise en compte de la complexité de l'affaire). On peut invoquer le délai raisonnable même quand l'affaire n'est pas
finie (CE, 25 janvier 2006, Potchou et autres)

S'agissant du service public de la justice judiciaire ou administrative, la seule responsabilité qui peut être
engagée est celle de l'État, seul à détenir le pouvoir de punir :
CE, 27 février 2004, Mme Popin
La responsabilité du seul État peut être engagée du fait de dysfonctionnements dans la justice universitaire (personne
morale). Le CE relève que c'est la responsabilité de l'État, car seul à détenir le pouvoir de punir.

À côté de la responsabilité pour faute, d'autres faits générateurs peuvent être retenus :

§2) La responsabilité sans faute

La loi du 23 pluviôse an VIII instaure une responsabilité pour faute à savoir la responsabilité des

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personnes publiques, qui peut être engagée sans faute sur la base seulement du risque que font courir les personnes
publiques du fait des travaux publics. Cette loi qui introduit la première responsabilité publique, pose donc une
responsabilité sans faute. Cela reste donc extrêmement rare car on considère en effet à cette époque que l'État
souverain ne peut pas faire de faute. La responsabilité pour risque est engagée sur la base de ce risque, et c'est en raison
que le risque pris par elle est à l'origine d'une situation anormale pour la victime. Celle-ci doit être indemnisée dès
lors qu'il y a dommage...

Ensuite, il y a la responsabilité sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques qui
constitue un second fait générateur de la responsabilité sans faute. L'idée est qu'il y a un principe d'égalité devant les
charges publiques (PGD dont la violation est illégale et art. 6 et 13 de la DDHC). On a aussi l'idée qu'une action licite a
causé un dommage particulier et anormal à la victime qui, pour des raisons d'intérêt général, a subi une rupture
caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. L'anormalité se situe, ici, au niveau du dommage.

Enfin, la responsabilité peut se fonder sur la garde (responsabilité du gardien).

On observe aussi que cette responsabilité sans faute est une responsabilité qui reste marginale. Le juge
administratif va d'abord examiner la responsabilité pour faute. S'il ne voit pas de faute à retenir, alors il examine
d'office (moyen d'ordre public) la responsabilité sans faute.
Aussi, on observe que comme pour la responsabilité pour faute, la responsabilité sans faute, même si elle
est marginale, n'a cessé de s'étendre. Cette extension traduit la volonté du juge administratif de favoriser la réparation
du préjudice

A) La responsabilité pour risque

C'est le fait générateur de responsabilité sans faute le plus important. C'est une responsabilité
particulièrement avantageuse pour la victime : il n'y a pas à prouver de faute évidemment et il n'y a pas à prouver
d'anormalité du préjudice, qui tient à la situation même de la victime. Le juge retient cette responsabilité pour risque
plutôt lorsque la victime est un tiers par rapport au service à l'origine du dommage (c'est le plus souvent le cas mais ce
n'est pas absolu).

Quatre domaines principaux5 :

1) Les dommages accidentels de travaux publics causés aux tiers

Ils engagent la responsabilité de l'administration qui fait ces travaux publics (loi du 23 pluviôse an VIII).
Il s'agit de savoir si on est bien en présence d'un tiers et non pas d'un usager. En effet, l'usager ne pourra qu'engager la
responsabilité pour faute (présumée en général). Le tiers bénéficie de la responsabilité sans faute pour risque, il n'a donc
pas a prouver la faute que ce soit celle commise par le maître de l'ouvrage ou de l'entrepreneur. Illustration : CE Sect.,
23 février 1973, Commune de Chamonix.

2) Les dommages causés par des choses et activités dangereuses

Les ouvrages publics dangereux ont été reconnus dans une jurisprudence datant de la WW1 liée à
l'explosion de munitions entreposées dans le fort de la Courneuve :
CE, 28 mars 1919, Regnault-Desroziers (v. GAJA)
Cet arrêt est à l'origine de la jurisprudence. En effet, bien qu'aucune faute propre à l'armée n'ait pu être relevée, sa
responsabilité fut engagée vis-à-vis des tiers, voisins du fort.

a) Les choses dangereuses

=> Les ouvrages publics dangereux, tels que les bâtiments contenant des explosifs (Regnault-Desroziers).
CE Ass., 6 juillet 1973, Dalleau
En l'espèce : Route de l'ile de la Réunion très exposée aux chutes de Pierre : responsabilité sur la base du risque au
danger particulier que représente cette route). De plus, les usagers bénéficie aussi de cette responsabilité pour risque, à
titre exceptionnel.

=> Les armes à feu


CE Ass., 24 juin 1949, Consorts Lecomte et Daramy (v. GAJA)
5
| Apparemment, dans le Frier, y a 2 autres domaines mais que la prof n'évoque pas. Voir pour cela §843-1 et 844
(risque autorité et risque sériel)

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Personnes victimes de balles perdues dans le cadre d'une opération de police judiciaire. Elles sont tiers par rapport à
l'observation. La situation est similaire à Tommaso Grecco. Mais on ne retient plus la responsabilité sur la base de la
faute lourde. On considère que l'utilisation d'armes à feu constitue un risque, un danger et place les victimes dans une
situation anormale. Ils peuvent donc bénéficier d'une responsabilité plus facile à engager, la responsabilité sans faute
(amélioration par rapport à Tommaso Grecco). Attention, le juge ne considère pas comme dangereuses des matraques
ou grenades lacrymogènes : l'appréciation est donc parfois ambiguë (CE, 16 mars, 1956, Epoux Domenech).

CE, 27 juillet 1951, Mme Aubergé


Seuls les tiers à l'opération de police bénéficient de la responsabilité pour risque et non pas la personne visée.

Précisons qu'aujourd'hui, les opérations de police judiciaire ne concernent que de la justice judiciaire (TC,
Baud, supra). La Cour de cassation, si elle se fonde sur une responsabilité sans risque, ne se fonde pas sur le risque mais
sur la rupture de l'égalité devant les charges publiques (Civ. 1ère, 10 Juin 1986, Pourcel).

=> Les produits dangereux.


Dans l'affaire du sang contaminé, les centres publics de transfusion sanguine qui avaient distribué les produits
contaminés ont été reconnus responsables en l'absence de toute faute vis-à-vis des « usagers » (CE Ass., 26 mai 1995,
Consorts N'guyen et autres).

b) Les méthodes dangereuses

Certaines activités mettent en œuvre, pour des raisons légitimités d'intérêt général, des méthodes qui sont à l'origine de
risque spécial pour les tiers. Cela concernant notamment l'usage par les collectivités publiques ou privée chargées de
service public de méthodes libérales de rééducation (méthodes de réinsertion sociale ou de traitement thérapeutique
avec un régime de semi-liberté pour les mineurs délinquants au titre de l'ordonnance du 2 février 1945 par exemple, ou
permissions de sortie accordées aux détenues...) : les personnes peuvent ainsi sortir en milieu dit ouvert.
CE Sect., 3 février 1956, Thouzelier
Ici, il s'agit du placement judiciaire d'un mineur délinquant dans établissements au titre de l'ordonnance du 2 février
1945. Le CE a considéré que les tiers ayant subi le dommage étant en situation dangereuse du fait du danger
présenté par ces méthodes alors il s'agit responsabilité fondée sur le risque. Cela a été étendu aux mineurs non-
délinquants tels que les dommages causés par les pupilles de l'assistance publique. Élargissement également aux
détenus (TC, 3 juillet 2000, Garde des Sceaux) et enfin aux malades mentaux (CE Sect., 13 juillet 1967,
Département de la Moselle). Cette jurisprudence est aujourd'hui abandonnée pour les mineurs et on a substitué un
autre fondement, celui de la garde.

Cette solution a été également appliquée à l'aléa thérapeutique :


CE Ass., 9 avril 1993, Bianchi
En l'espèce, opération, anesthésie, et la personne devient hémiplégique malgré la banalité de l'acte. La réalisation du
risque est exceptionnel, et l'état du patient ne laissait pas penser qu'il était prédisposé. Le CE retient la
responsabilité pour l'aléa thérapeutique fondée sur l'idée de risque, même s'il est faible. La responsabilité est engagée si
le dommage présente « une caractère d'extrême gravité ». Cette jurisprudence a été élargie avec CE, 3 novembre 1997,
Hôpital Joseph Imbert d'Arles :
Concerne là aussi une anesthésie, mais celle-ci intervenait dans le cadre d'un rite religieux (la circoncision). À l'issue de
l'anesthésie, il meurt. Pouvait-on transposer la jurisprudence Bianchi ? Le CE reste indifférent à l'objet de l'anesthésie
(pas de différence que ce soit une finalité curative ou religieuse) et maintient les critères posés par la jurisprudence
Bianchi.

Cette jurisprudence, à la portée en principe limitée, devrait ne plus avoir que des effets réduits en raison
de la mise en place, pour ces cas, d'un fonds spécial d'indemnisation (Loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades :
indemnisation du dommage lié à l'aléa thérapeutique. La loi a modifié le régime de l'indemnisation : ce n'est plus la
mise en jeu classique de la réparation, mais la réparation par un fonds d'indemnisation, l'ONIAM, établissement public
administratif qui redonne au titre de la solidarité nationale les victimes de ce genre de dommages).

c) Les situations dangereuses

CE Ass., 6 novembre 1968, Dame Saulze


L'administration peut avoir exposé, pour des raisons impérieuses d'intérêt général, ses agents à des risques
exceptionnels qu'elle doit donc garantir. Ainsi, « le fait pour une institutrice en état de grossesse d'être exposée en
permanence aux dangers de la contagion (de rubéole) comporte pour l'enfant à naitre un risque anormal et spéciale ».
De même, les accidents causés par des vaccinations obligatoires relèvent de la responsabilité sans faute de l'État (v. art.

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L. 3111-9 du Code de la publique et avis. CE, 30 septembre 1958).

3) Les dommages causés sur les collaborateurs occasionnels du service public

Cela concerne d'abord les personnes qui travaillent pour le compte de personnes publiques et qui sont
victimes de dommages dans le cadre de leur activité professionnelle, par exemple les ouvriers de l'administration
victimes d'accident du travail. Le CE a retenu la responsabilité pour risque :
CE, 21 juin 1895, Cames (v. GAJA)
Le personnel de l'État bénéficiait d'une protection particulière avec cette responsabilité pour risque. Intéressante au
niveau de la protection des ouvriers mais depuis, une législation a été mise en place et prévoit une réparation. Cette
jurisprudence n'a donc qu'un intérêt historique pour les fonctionnaires ou les agents publics et concerne en fait les
collaborateurs occasionnels du service public en raison des risques encourus par eux. Une abondante jurisprudence a
précisé cette catégorie :
CE Ass., 22 novembre 1946, Commune de St-Priest la Plaine (v. GAJA)
L'arrêt constitue déjà une extension à la situation de collaboration occasionnelle. L'arrêt précise aussi qu'il faut que la
personne participe à l'exécution d'un service public (en l'espèce, animation une fête locale avec feux d'artifice). Il
développe alors une responsabilité fondée sur le risque. La collaboration doit être effective, réelle, directe, et ce ne doit
pas être seulement un passant.
La collaboration doit aussi être justifiée. Le lien de collaboration doit résulter d'une initiative de
l'administration telle que la réquisition formelle ou la sollicitation par divers moyens. Le CE admet toutefois une
initiative d'un particulier en l'absence de demandes, si cette intervention est utile, implicitement accepté (voire même en
l'absence d'autorité publique) notamment s'il y a urgente nécessité :
CE Sect., 11 octobre 1957, Commune de Grigny
Un médecin qui intervient spontanément pour porter secours, assistance à personne en danger peut engager la
responsabilité sans faute de l'administration. Attention, ce n'est pas exactement le même cas que Giry (supra) car celui-
ci avait été appelé par la police (on applique donc la jurisprudence St-Priest).En l'espèce, le médecin est intervenu de
son propre chef et a de fait participé au service public de secours. Le CE reconnaît toutefois sa qualité de collaborateur
occasionnel du service public.
Qu'en est-il de l'intervention pour sauver quelqu'un qu'on connait ? Le CE considère que les liens de solidarité ne font
pas disparaître la collaboration occasionnelle au service public (CE Sect., 1er juillet 1977, Commune de Coggia)
Exemple : Un père qui porte secours à l'un de ses enfants en train de se noyer en mer peut invoquer une responsabilité
sans faute pour risque du fait de la collaboration occasionnelle au service public. On constate ainsi une tendance à
concevoir très souvent la collaboration occasionnelle.

4) La responsabilité du fait des attroupements

Les manifestations, occupations de locaux ou toute autre forme de rassemblement sont, souvent, sources
de divers préjudices car elles présentent un certain risque. Pour éviter que chaque fois, la victime soit tenue de prouver
une faute des services de police qui n'ont pu empêcher ces défilés de dégénérer, la loi du 16 avril 1914 avait mis en
place un mécanisme de responsabilité de plein droit de la commune (est en cause l'action de la police municipale),
relevant du juge judiciaire. La charge de la responsabilité, déterminée maintenant par la juridiction administrative (Loi
du 9 janvier 1986), a été transférée à l'État (Loi du 7 janvier 1983) car le préjudice, lourde charge pour les petites
communes, pouvait résulter de décisions ou de carence de l'État et exigeait aussi une prise en charge globale au nom de
la solidarité nationale. Il faut toutefois plusieurs conditions pour que les victimes puissent obtenir une réparation
intégrale :
CE Avis Ass., 6 avril 1990, Cofiroute et SNCF (v. GAJA)
Précision sur les conditions d'application de cette loi. En l'espèce, c'est une manifestation à un poste de péage. Les
voitures passaient alors sans payer. D'abord, il faut un groupe agissant de manière collective et concertée (tous
regroupements concertés peu importe la finalité). Il faut que cela ait donné lieu à des dommages relevant d'une
infraction pénale. On ne prend pas en compte la qualité de la victime (que ce soit un tiers ou un manifestant), ni le
préjudice (il n'a pas besoin d'être anormal et spécial).

CE Sect., 29 décembre 2000, AGF


Réparation de préjudice commercial lié à des violences urbaines.

L'État peut se retourner soit contre les auteurs du dommage, soit contre les communes quand est en cause
l'organisation de la police municipale, pour être garanti des condamnations prononcées à due proportion des
responsabilités respectives.

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B) La responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques

Lorsque l'action de l'Administration, qui n'a pas causé d'accident et n'est pas source de risque particulier,
s'est déroulée régulièrement, pourquoi devrait-elle indemniser celui qui a pu subir un certain préjudice ? L'agrégation
sociale suppose des sacrifices que tous doivent supporter. Si l'action d'intérêt général menée par le service public cause
cependant un dommage à une catégorie détermine de personnes qui subissent un préjudice spéciale et anormal, elles se
trouvent placées dans une situation d'inégalité caractérisée par rapport au reste de la population, ce qu'il faut corriger. Si
le moyen peut être invoqué d'office par le juge, ce type de responsabilité a été appliqué de façon limitée :

1) Responsabilité du fait des dommages permanents de travaux publics

D'abord, on la retient en cas de dommages permanents, d'une certaine durée, de travaux publics ou
liés à un ouvrage public. Ainsi, un équipement public est parfois source de troubles de voisinage (perte de vue,
d'ensoleillement, bruits, odeurs etc. De même, l'exécution de travaux publics provoque des gênes dans l'accès aux
propriétés. Là encore, les exigences de la vie sociale qui repose sur un compromis entre les droits des uns et des autres,
supposent que chacun supporte jusqu'à un certain degré une partie des inconvénients qui résultent d'installations édifiées
dans l'intérêt de tous.
Le champ ici est très large puisque cette responsabilité peut concerner aussi bien des tiers que des
usagers. L'anormalité et la spécialité du préjudice permettent de caractériser la rupture d'égalité devant les charges
publiques et conduit le juge à condamner l'administration de très nombreux cas.

2) Préjudices causés par les mesures administratives régulières

Bien que régulières, certaines actions engagent la responsabilité de l'administration qu'il y ait eu décision
juridique, agissement matériel ou abstention.

=> Décisions individuelles


Cette hypothèse concerne notamment les refus d'exécuter les décisions de justice, comme c'est le cas, pour la première
fois dans :
CE, 30 novembre 1923, Couitéas (v. GAJA)
En l'espèce, les autorités françaises craignant les risques de graves troubles, refusèrent à M. Couitéas, propriétaire dans
le sud de la Tunisie de vastes espaces agricoles que les tribuns nomades occupaient, le concours de la force publique
pour exécuter la décision d'expulsion prise par le juge, pourtant revêtue de la formule exécutoire. Le refus eût pu être
fautif mais, en l'espèce, les impératifs de l'ordre public justifiaient la décision prise. Fallait-il pour autant que M.
Couitéas supportât seul les conséquences d'une décision prise dans l'intérêt de la communauté toute entière ?
Le CE jugea que le « préjudice qui résulte de ce refus ne saurait, s'il excède une certaine durée, être une charge
incombant normalement à l'intéressé et qu'il appartient au juge de déterminer la limite à partir de laquelle il
doit être supporté par la collectivité ». Même en l'absence de faute, le préjudice anormal est donc réparé.
L'obligation d'indemnisation est fondée sur la rupture d'égalité dans les différents cas où la non-exécution
des décisions de justice ordonnant l'expulsion des occupants sans titre (locataires ou grévistes occupation leur usine est
légitime) (CE Ass., 3 juin 1938, Société cartonnerie Saint-Charles).

La responsabilité de la puissance publique pour dommage anormal ou spécial peut aussi concerner
l'abandon – légal – d'un projet d'expropriation, l'incapacité de l'Administration à assurer la continuité du service public
face à un mouvement de grève etc. Cette possibilité de ne pas exécuter contre éventuel paiement, de ne pas respecter
leurs obligations risque d'inciter les autorités à refuser systématiquement d'engager la force publique, sans nécessité
réelle. L'exception (ne pas exécuter son obligation pour des raisons d'ordre public) risque de devenir la règle. Les
évolutions récentes devraient conduire à n'admettre que de façon plus exceptionnelle cette non-intervention. Conseil
Constitutionnel, 29 juillet 1998 : rappelle que toute décision de justice a force exécutoire et que seules des
« circonstances exceptionnelles tenant à la sauvegarde de l'ordre public » peuvent permettre à « l'autorité administrative
de ne pas prêter son concours à l'exécution d'une décision juridictionnelle ». De même avec des décisions de CEDH et
CJCE...

=> Décisions réglementaires


La rupture d'égalité découle aussi de décisions réglementaires qui, non illégales et donc non fautives, causent à une
personne ou à une catégorie particulière de personnes des préjudices anormaux (CE Sect., 22 février 1963, Commune
de Gavarnie). Encore faut-il que la réglementation n'entraine pas une rupture d'égalité « par nature » : quand son objet
est de mettre en place des mécanismes d'autorisations, des discriminations en découlent obligatoirement.

3) Responsabilité du fait des lois, des traités et des actes de gouvernement

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Comment juger fautifs les lois, les conventions internationales, les actes de gouvernement intimement liés
au « politique » ? la loi peut-elle mal faire ?

=> Responsabilité du fait des lois


CE, 14 juin 1938, Société des produits laitiers La Fleurette (v. GAJA)
l'État est déclaré responsable, en l'absence de toute disposition en ce sens dans le texte et indépendamment de toute
faute, des conséquences d'une loi qui interdisant la fabrication de certains produits mêlant lait et autres substances, avait
conduit cette seule société à cesser toute activité. Le préjudice subi était donc spécial et anormal.

Cette responsabilité, avancée de l'État de droit, reste très rarement reconnue. Elle n'est pas admise si le législateur a
entendu explicitement ou implicitement interdire toute indemnisation. De même, en cas de silence de sa part, des
raisons d'intérêt général « absolu et supérieur » (CE, 15 juillet 1949, Ville d'Elbeuf) sont invoquées pour rejeter les
demandes.

Évolutions :
• Limitée par petites touches dans un premier temps, l'idée selon laquelle un but d'intérêt général prééminent
implique une volonté tacite du législateur d'exclure la responsabilité semble aujourd'hui abandonnée (CE, 2
novembre 2005, Société coopérative agricole Ax'ion)
• La loi ne peut plus, sans violer la constitution et notamment l'art. 13 de la DDHC, exclure toute
indemnisation. Lorsque, pour des raisons incontestables d'intérêt général, elle impose des charges
particulières à certaines catégories de personnes, le préjudice qu'elles subissent doit être réparé en cas de
rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, sauf si l'économie générale du texte l'en
empêche. Les lois nouvelles contraires à ce principe de compensation du dommage spécial et anormal
sont censurables par le Conseil Constitutionnel.
• Une éventuelle responsabilité pour faute du législateur pourrait être engagée, en certaines hypothèses. Deux
questions à se poser : 1. Dans quels cas peut-on parler d'une faut du législateur ? Ce pourrait être du fait des
normes internationales : ex. CJCE, 19 novembre 1991, Frankovich : en l'espèce, la CJCE a rappelé qu'un
État membre engage sa responsabilité lorsque le législateur national méconnait une des obligations qui
résultant du droit communautaire. 2. Le juge administratif est-il compétent pour statuer sur la responsabilité de
l'État à raison d'une loi affectée d'une telle invalidité ? Selon Frier, il ne saurait statuer sur la responsabilité
découlant d'une inconstitutionnalité, par contre, il pourrait le faire avec une incompatibilité avec le droit
international (Nicolo)... le CE reste toutefois réticent...

=> Responsabilité du fait des traités

l'État français doit assumer vis-à-vis de ses citoyens la réparation des préjudices anormaux et spéciaux causés par
l'application des traités auxquels il est partie. Cette responsabilité est admise (CE Ass., 30 mars 1966, Compagnie
générale Radioélectrique). Il n'est toutefois plus exigé que le traité ait été régulièrement incorporé dans l'ordre interne :
il suffit qu'il y soit, en fait, entré en vigueur (CE, 29 décembre 2004, M. Almayrac).

=> Responsabilité du fait des actes de gouvernement

Bénéficiant d'une immunité de juridiction, ils ne sont évidemment pas coupables. Il eût été possible d'envisager, comme
pour les traités, que soient indemnisés les dommages causés par eux, en l'absence même de toute faute et de tout
jugement de valeur, ce qui aurait permis de compenser, dans le cadre d'un État de droit, l'immunité juridictionnelle dont
ils bénéficient par ailleurs. Le droit positif est cependant fort clair : aucun contentieux sur le plain indemnitaire
n'est envisageable (CE, 25 mars 1988, Soc. Sapvin)

C) La responsabilité fondée sur la garde

Ici, il n'y a pas d'idée d'anormalité mais une idée empruntée au droit civil à savoir l'idée de garde, qui
rappelle la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde (et aussi, en droit administratif, des personnes).
Cette jurisprudence répond à une volonté de réparation mais aussi à un souci d'unification des deux contentieux, et en
fait au sein même du contentieux administratif en voulant unifier la responsabilité du gardien.
CE Sect., 11 février 2005, GIE Axa Courtage
Dommage causé par un mineur qui a fait l'objet d'un placement judiciaire au titre de l'assistance éducative. Jusqu'à
l'affaire AXA, on considérait que la responsabilité était engagée sur la base d'une faute présumée. Avec la jurisprudence
AXA, la responsabilité du gardien est retenue sur le fondement du fait d'autrui, indépendamment de toute faute.

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Le CE ne reprend pas l'article 1384 en raison de sa volonté d'autonomie. Il admet que cette responsabilité du gardien
peut comme toute responsabilité sans faute être atténuée par la force majeure et par une faute de la victime (mais pas le
fait du tiers). Cette jurisprudence AXA s'est étendue à d'autres mesures judiciaires de placement de mineurs à savoir
ceux placés judiciairement (délinquants) au titre de l'ordonnance de février 1945 :
CE Sect., 1er février 2006, Garde des sceaux c/ Tutelle des instituteurs de France
Application de la théorie de la garde aux mineurs judiciaires en placement.
CE, 26 mai 2008, Département des côtes d'Armor
Extension au placement des mineurs à la demande des parents (et non décidé par le juge). Si l'enfant commet un
dommage, on considère que le mineur est sous la garde de l'établissement dans lequel il a été placé (en l'espèce,
responsabilité du département).

Cette jurisprudence n'a pas été étendu aux mineurs en prison, ni aux majeurs en général.

Pour qu'il y ait garde, il faut une « responsabilité d'organiser, de diriger et de contrôler la vie du
mineur » pendant la durée de la prise en charge. La personne responsable n'est pas nécessairement l'État. Au-delà de
cette responsabilité du gardien du fait des mineurs sous sa garde, cette jurisprudence a également été retenue pour des
objets et ouvrages sous la garde (CE, 3 mai 2007, Ministre de l'écologie et du développement durable : en l'espèce,
garde du ministère public).

Section 3 : La mise en œuvre de la responsabilité de l'administration

§1) La charge de la réparation

Deux questions : quel est le patrimoine qui, a priori, doit supporter la charge de la réparation, ce qui
soulève le problème de la compétence propre de chaque personne juridique... c'est l'obligation à la dette (I). Il faut
ensuite s'interroger sur les conditions de la réparation : c'est la contribution à la dette (II).

I) L’obligation à la dette

Cela pose le problème de l’imputabilité du fait dommageable et la question du cumul.

A) L’imputabilité

Quelle est la personne publique responsable du dommage ? On recherche la collectivité publique dont la
compétence a été mise en œuvre et qui a été source du dommage.
La victime peut avoir subi un dommage qui résulte de l’intervention de plusieurs personnes. On recherche alors la
compétence de la collectivité qui a exercé le rôle principal dans la réalisation du dommage car on veut favoriser
l’action en réparation de la victime. Dans certains cas, si plusieurs personnes interviennent dans la réalisation du
dommage, le CE accepte le principe d’une responsabilité solidaire (CE, 9 avril 1993, M.G sur la transfusion
sanguine).
Il y a aussi le problème de la délégation de service public : on ne recherche pas la responsabilité du
délégant, mais si le délégataire est insolvable, on se tourne alors vers le délégant. La victime peut être appelée à
demander la réparation du dommage devant la juridiction administrative.

B) La question du cumul

La victime peut demander réparation soit à l’agent, soit à l’Administration. La question ici a un aspect
historique : la Constitution de l’an VIII, avait décidé à l’époque, en son art. 75 qu'on peut poursuivre les agents de
l’administration après une autorisation du CE. La prof part dans un récit historique psychédélique incompréhensible : en
gros, la question a été en débat.
TC, 30 juillet 1873, Pelletier (v. GAJA)
Distinction entre faute de service et faute personnelle.

La distinction est importante, on considère que l’agent n'est pas toujours poursuivable pour les décisions
qu’il a prises. L'agent ne voit pas sa responsabilité engagée car il n’a commis qu’une faute de service. Laferrière dans
une note sous TC, 5 mai 1877, Laumonnier-Carriol donne une définition de la faute personnelle et de la faute de
service :

• La faute personnelle : C'est la faute qui révèle « l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences ».
Elle se détache matériellement de l’activité de l’agent, en ce qu'il agit dans sa sphère de vie personnelle.

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Cette faute n'est pas la seule hypothèse de faute personnelle, elle peut aussi être commis dans le service, mais il
faut que l’acte se détache « intellectuellement » du service (le maire qui prend une décision malveillante à
l’égard d’une personne, l’agent public qui a des excès de comportement à l’égard des administrés etc.). Cette
faute engage la responsabilité de l’agent.
• La faute de service : « l'acte dommageable (…) impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet
à erreur ». C'est la faute d’un agent individualisé, mais qui agit dans ses fonctions de service public. Ce peut
être aussi une faute anonyme. Dans certaines hypothèses exceptionnelles, la faute est détachable du service et
engage la responsabilité personnelle de l'agent : tel est le cas « de l'acte (qui) bien qu'accompli dans le service,
lui est étranger à raison des mobiles personnels qui ont animé son auteur, de la portée donnée à l'acte qui situe
celui-ci en dehors du champ normal de l'administration ou des moyens employés pour son exécution qui ne
sont pas au nombre de ceux que peut utiliser un administrateur » (concl. Morisot sur TC, 28 février 1977,
Jouvent)

Il y a ainsi faute personnelle quand l'agent est animé d'une intention malveillante, ce qui montre le
caractère volontaire de sa faute, quand la portée donnée à une information excède ce qui peut être admis et montre, ici
encore, la volonté de nuire. Mais l'intention de l'agent n'étant pas toujours très aisée à détecter, c'est le caractère objectif
de la faute, sa gravité inadmissible qui est prise en compte (CE, 17 décembre 1999, Moine). Il reste que la
jurisprudence tend à interpréter de façon singulièrement restrictive la notion de faute personnelle.

La notion de faute personnelle ne coïncide ni avec celle de voie de fait, ni avec celle d'infraction pénale.
Une voie de fait peut avoir été commise par un agent, non « pour lui-même » mais parce qu'il pensait agir dans l'intérêt
du service. Celui-ci reste donc responsable (TC, 8 avril 1935, Action française (v. GAJA et infra)). Solution
contestable selon Frier : quand l'acte est si manifestement illégal qu'il constitue une voie de fait, on comprend mal
comment, malgré sa gravité, l'agent l'a commis sans engager sa responsabilité personnelle.
De même, une faute pénale n'entraine pas la responsabilité personnelle de l'agent quand il n'avait aucune
intention délictueuse. On voit à quel point le caractère intentionnel de l'acte joue un rôle important (TC, 14 janvier
1935, Thépaz (v. GAJA)).
Enfin, une faute personne n'entraine pas nécessairement une faute disciplinaire

Cette distinction rigide entre les fautes personnelles et de service, si elle répond à une réelle logique,
présente cependant à de nombreux inconvénients (problèmes sur l'insolvabilité et l'indemnisation des victimes). Sans
remettre en cause la distinction et le partage définitif de responsabilité, la jurisprudence a admis que dans certaines
hypothèse, le service devait, au moins provisoirement, payer. La jurisprudence a largement développé cette distinction
à travers la théorie des cumuls. Cette théorie va être mise en œuvre rapidement et conduit à favoriser la victime qui a
désormais le choix de poursuivre l’administration ou son agent.

Trois étapes :

− Dans un premier temps


CE, 3 février 1911, Anguet (v. GAJA)
La victime a le droit de s'adresser pour le tout à l'administration lorsque le préjudice a pour origine un cumul de fautes,
l'une reprochée à l'agent, l'autre à l'administration. Il s'agit d'une conjonction de fautes, accomplies toutes deux au sein
du service. Ce peut être aussi l'addition d'une faute de service préalable et d'une faute personnelle hors service
accomplie par la suite (CE, Sect., 13 décembre 1963, Ministre des Armées c/ Consorts Occelli).
Revenons à l'espèce : ici, l’agent a été violent, mais il y a eu aussi un problème d’horaires de fermeture du bureau de
Poste. Cette dualité conduit le CE à laisser le choix à la victime (à demander réparation totalement à l’Etat ou à l’agent).

− Dans un deuxième temps


CE, 26 juillet 1918, Lemonnier (v. GAJA)
Une commune est responsable car le maire avait laissé, lors d'une fête foraine, se dérouler un tir à proximité d'une
promenade publique. Le dommage avait pour cause un fait unique constitutif à la fois d'une faute de service (mauvais
fonctionnement de la police municipale) et d'une faute personnelle du maire, en raison de son extrême gravité. Est ainsi
admis un cumul de responsabilité, indépendamment du cumul de faute. Lorsqu'une faute est commise dans le service,
la faute personnelle du maire ne se détache pas du service et par conséquent, la victime va pouvoir engager la
responsabilité soit de la commune, soit de son agent. Ainsi, toute faute commise au sein du service, même
« purement » personnelle permet à la victime de demander réparation au service, solution d'une efficace et
redoutable simplicité.

− Enfin, troisième étape :


CE Ass., 18 novembre 1949, Dlle Mimeur

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Consacre la dernière hypothèse possible : celle où la faute personnelle, bien que commise hors service, a cependant un
certain lien avec le service. Cela se constate lorsque d'une façon ou d'une autre, le service a été lié à la faute, l'a permise
indirectement en en fournissant l'instrument. L. Blum préconisait déjà en 1918 que le service supporte au moins
provisoirement les conséquences. En l'espèce, le CE explique que si « l'action n'est pas dépourvue de tout lien (NB :
ici, lien temporaire entre le fait et la fonction) avec le service », la responsabilité de celui-ci est engagée.
CE Ass., 26 octobre 1973, Sadoudi
Ici, le lien est matériel. En l'espèce, un agent, parti en mission avec le véhicule fourni par le service, fait ensuite un
détour, quitte l'itinéraire normal et cause un dommage. Il n'y a aucune faute de surveillance de la part de
l'administration, de faute de service distincte, mais le service n'est pas étranger à l'action.

Lorsque l’on est dans cette situation, et si l’on ne peut pas trouver de faute personnelle de l’agent, la
responsabilité de l’agent ne peut pas être engagée.
Cependant, la jurisprudence n'est pas allée jusqu'à reprendre les solutions extrêmes préconisées par L.
Blum. Il ne suffit pas que le service ait fourni l'instrument du dommage ; il faut, pour constituer ce lien, impossible à
reconnaître si le fait dommageable est d'origine intentionnelle, des circonstances particulières. De plus, le juge se place,
chaque fois que cela est possible, sur le terrain du cumul des fautes.

II) La contribution à la dette (répartition finale de la dette entre l’administration et ses agents)

En cas de condamnation solidaire, l'Administration, après avoir payé pour le tout, peut se retourner contre
les autres coauteurs, soit à l'occasion du procès en cours (appel en garantie), soit dans le cadre d'actions récursoires,
voire subrogatoires postérieures. Dans une hypothèse comme dans l'autre, le juge répartit, sauf règles particulières, la
charge finale, soit sur le fondement des stipulations contractuelles qui lient les coauteurs, soit en fonction de leurs
parts respectives dans la survenance du dommage.

CE Ass., 28 juillet 1951, Delville (v. GAJA)


L'agent ne saurait avoir à payer à la victime plus que ce qui résulte de sa faute personnelle. L'administration est donc
tenue, lorsqu'un agent est poursuivi à tort, soit d'élever le conflit, le juge civil étant radicalement incompétent, soit de
garantir l'agent, à due proportion de la faute de service commise, de la condamnation prononcée contre lui par le juge
judiciaire.

CE, 28 mars 1924, Poursines


Interdit l’administration de se retourner contre ses agents, en raison du souci de protection des agents de
l’administration. En fait, cet arrêt instaure une immunité de fait des fonctionnaires « coupables ».

CE Ass., 28 juillet 1951, Laruelle (v. GAJA)


L'administration peut engager la responsabilité pécuniaire des agents publics, à raison de leurs fautes personnelles (elle
enjoint de payer la somme qu'elle estime à la charge de ceux-ci). Ceci lui permet d'obtenir la réparation des dommages
qui lui sont directement causés et le remboursement des sommes versées à des tiers. En cas de contentieux, le litige est
tranché par le juge administratif selon les règles du droit public (TC, 26 mai 1954, Moritz)

CE Sect., 22 mars 1957, Jeannier et autres


Arrêt qui constitue un bon exemple : Des soldats avaient pris place auprès du conducteur d'un véhicule militaire pour
faire une escapade interdite. Le véhicule renversa un cycliste. L'administration, après avoir indemnisé la victime
demanda à être remboursée intégralement de la somme versée. Elle se retourna non seulement contre le conducteur, seul
causalement responsable de l'accident mais aussi contre les autres passagers du véhicule qui, bien que nullement source
du dommage, avaient violé le règlement du service. Le juge détermine, en conséquence, la part de responsabilité de
chacun en se fondant sur la gravité de leur faute disciplinaire : 25% du préjudice pour le conducteur, 1/12 pour les
autres (le service étant exonéré pour n'avoir commis aucune faute en l'espèce).

Le CE apprécie la faute commise par l’agent indépendamment de ce qui a été dit dans le contentieux
précédent, il appartient à l’administration d’apprécier la faute de son agent et l’appréciation de la faute est indifférente à
l’appréciation de la faute dans la relation administration-agent. Le contentieux a eu une coloration disciplinaire car on
considère qu’il y a autonomie de l’action récursoire sur le plan de la détermination des fautes.
Si la victime choisit quasi systématiquement d'engager la responsabilité de l'administration, il se peut
qu'elle engage la responsabilité de l'agent public et en ce cas, ce dernier peut effectuer une action récursoire envers
l'administration.
Dans l'affaire CE Ass., 12 avril 2002, Papon : après que Papon ait été condamné pénalement, les victimes se sont
portaient partie civile, et il est condamné sur le fondement de la faute personnelle qu’il a commis. Papon se retourne
alors contre l’Etat en considérant que l’Etat est responsable. Affaire délicate : l’Etat de Vichy peut-il représenter l’Etat

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français ? le CE retient la responsabilité de l’Etat. Le commissaire du gouvernement met a la charge de l’Etat une
responsabilité relativement faible (20%), mais le CE a considéré que la responsabilité est de 50%. C'est l'illustration de
la jurisprudence Delville et de la prise en compte d’un ensemble de responsabilité de services.

CE Ass. avis cont., 16 février 2009, Mme H.


L'État est responsable pour les actes du gouvernement de Vichy ayant concouru à la déportation des personnes
considérées comme juives, les diverses mesures prises depuis lors ayant permis, autant que possible, la réparation de
l'ensemble des préjudices. Cet avis est également intéressant car il met en avant que ce dommage donne lieu à une
indemnisation financière et également une indemnisation qui tient à la réparation de ce qui s'est passé sous Vichy (?).

Le juge judiciaire est compétent par la voie de fait, mais il indemnise qu’en recherchant la responsabilité
éventuelle de l’agent au pénal (il faut une faute personnelle de l’agent).

§2) Les conditions de la réparation

Les conditions de la réparation varient en fonction du fait qui est à l'origine du dommage. On va donc
chercher d'abord le fait générateur, et si c'est une faute on doit la prouver à moins qu'elle soit présumée. Il y a aussi une
condition de préjudice et de lien de causalité entre entre le préjudice subi et le fait qui est mis à la charge de la
collectivité publique.

A) Le préjudice

1) Les préjudices non-indemnisables

=> René Chapus a mis en avant le fait que tous les préjudices n'étaient pas indemnisables : il y a des « exceptions
d'illégitimité » c'est-à-dire des cas où la victime ne peut pas faire valoir de droit à la réparation parce qu'elle est elle-
même en partie concernée par le dommage (nemo auditur..). Illustration à la fin des années 70 :
CE Sect., 7 mars 1980, SARL Cinq-Sept
Une boite de nuit avait pris feu ce qui avait causé de nombreux morts. Le gérant a voulu se dégager de sa responsabilité
en invoquant la responsabilité de la commune pour défaut de contrôle des consignes de sécurité. Le CE considère qu'il
n'est pas possible de se dégager totalement de sa responsabilité car lui-même devait d'abord se tenir au courant de la
réglementation.

=> Préjudice d'une victime alors qu'elle a accepté de prendre un risque.


CAA de Paris, 1er février 2005, Société Eiffage
Le juge administratif déboute la société de ses demandes de se faire indemniser au motif qu'elle connaissait les risques
qu'elle avait de ne pas se faire attribuer le Stade de France (la concession ne lui avait pas été attribuée).

CE Sect., 3 juillet 1998, Bitouzet


Sous l'influence de la CEDH (qui rejette tout principe général d'irresponsabilité), si le CE pose le principe de servitude
d'urbanisme non indemnisable, il pose aussi des réserves de charge spéciale et exorbitante qui pèsent sur le propriétaire
du terrain. Une possibilité de servitude d'urbanisme est introduite.

2) Les préjudices indemnisables

Le préjudice est indemnisable s'il est certain et réel. Par exemple, l'illégalité externe n'est pas considérée
comme constitutive d'un préjudice certain. Il y a des préjudices futurs qui sont réels et certains. La perte de chance est
considérée comme un préjudice réel et certain.
Dans certains cas, le juge administratif considère que pour des raisons d'ordre éthique, il n'y a pas un
préjudice réel. Par exemple :

CE, 2 juillet 1982, Mlle R.


Elle demande réparation du préjudice que lui a causé la naissance d'un enfant après l'échec de l'IVG (L'enfant n'était pas
en l'espèce handicapé). Le CE n'admet pas pour des raisons éthiques qu'il y a un préjudice.
Par la suite, le CE a admis que pour l'enfant handicapé, il y a un préjudice réparable.

CE Sect., 14 février 1997, CHR de Nice c/ Epoux Quarez


Ici, on est en présence de parents qui demandent réparation du préjudice tenant à la naissance d'un enfant trisomique. La
mère de l'enfant avait auparavant effectué une amiosynthèse et celle-ci n'avait pas détecté de trisomie : la grossesse
s'était donc poursuivie. Le CE va estimé qu'il y a un préjudice causé aux parents qui tient à la mauvaise information qui

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fait qu'ils n'ont pas effectué d'IVG. Ainsi, le CE estime qu'il y a un préjudice non pas lié à la naissance de l'enfant mais à
la perte de chance à recourir à une IVG. Le CE s'est opposé ainsi à la Cour de cassation qui a réparé les préjudices
causés aux parents (le préjudice moral, le préjudice tenant aux troubles dans des conditions d'existence et a de surcroit
réparer la charge particulière de l'handicap de l'enfant (pension mensuelle)) dans l'affaire Perruche. De plus, ici, le CE
refuse d'indemniser le préjudice subi par l'enfant alors que dans l'affaire Perruche, la Cour, en adoptant une conception
souple du lien de causalité, va indemniser directement l'enfant. L'arrêt Perruche va soulever des oppositions extrêmes,
notamment de la part des assureurs.
À l'issue de ce débat, la loi du 4 mars 2002 a été promulguée. Elle dispose que « Nul n'a le droit de se
prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance » et suit en ce sens le CE. Les parents ont le droit à réparation
seulement s'il y a une faute caractérisée de la part du médecin. Le CE a suivi cette loi dans sa jurisprudence (CE avis
cont., 6 décembre 2002, Draon).

La jurisprudence administrative a longtemps été en retard par rapport à la justice judiciaire, d'où l'intérêt
d'engager cette dernière. La réparation dans le cadre de la responsabilité publique était très réduite. Mais, peu à peu, le
CE a accepté de réparer des préjudices divers matériels ou réels.
Le préjudice patrimonial est un préjudice qui peut résulter de dommages causés aux biens. Le préjudice
peut aussi être extra-patrimonial : le CE a accepté de prendre en considération l'atteinte constituant un préjudice
esthétique, l'atteinte à la réputation, et aussi la souffrance physique (CE Sect., 6 juin 1958, Commune de Grigny). Il a
également décidé de prendre en compte la douleur morale liée à la perte d'un être proche (CE, 24 novembre 1961,
Letisserand).

Dans certains cas, le préjudice doit présenter la double caractéristique d'être anormal et spécial. Dans le
cadre de la responsabilité sans faute, précisément dans le cadre de celle de la rupture de l'égalité, le CE exige chaque
fois que le préjudice soit spécial et anormal. Le préjudice doit être spécial, sinon il n'y aurait pas inégalité puisque tout
le monde l'aurait subi. La spécialité est reconnue lorsqu'une seule personne est concernée voire lorsque une catégorie
suffisamment spécifique de personnes, « détachables » de la communauté nationale est identifiable (CE Sect., 25
janvier 1963, Bovero). Il doit être anormal quand il y a rupture caractérisée d'égalité, qui dépasse les inconvénients
qui doivent être supportés par tous au nom des exigences de la vie en société (idée de gravité).
Il est un cas où le dommage n'a pas besoin d'être spécial et anormal. C'est le cas de la responsabilité du
fait des lois contraires à une convention internationale (CE Ass., 8 février 2007, Gardedieu).

3) Les titulaires du droit à réparation qui peuvent invoquer un tel préjudice

=> La victime
=> Les victimes par ricochet (droit à réparation d'un préjudice matériel, et / ou du préjudice affectif). Ils ont un droit à
réparation en dehors de tout lien juridiquement protégé (frère et sœur par exemple) : CE. Ass., 28 juillet 1951,
Bérenger. Le CE a reconnu aussi au compagnon (en cas de liaison suffisamment stable) d'une personne touchée à la
suite d'un dommage un droit à l'indemnisation et suit ainsi la position de la Cour de cassation (CE Ass., 3 mars 1978,
Veuve Muesser). Plus récemment, le CE a admis dans un arrêt de 1997 que l'époux divorcé puisse demander réparation
comme victime secondaire du préjudice subi par son ex-époux (le divorce n'exclut donc pas le préjudice).
=> Le droit à réparation se transmet de la victime primaire à ses ayants-droits qu'il s'agisse d'un dommage lié aux
biens ou aux personnes (CE Sect., 29 mars 2000, AP-HP c/ Consorts Jacquié : abandon notamment de la
jurisprudence antérieure qui, en matière de dommages causés aux personnes, refusait la transmission)

B) Le lien de causalité

C'est un lien entre le fait à l'origine du dommage et le préjudice causé. Ce lien de causalité doit être un
lien direct mais il ne suffit pas à entrainer réparation puisqu'il existe des causes d'exonération.

1) Un lien de causalité directe

Même conception que dans le champ de la responsabilité civile : le juge administratif exige un lien de
causalité adéquate (elle nous fait le topo sur les deux théories du lien de causalité et nous dit que le juge civil a choisi
la causalité adéquate, ce qui est un peu bizarre mais bon..., l'important est de savoir que le juge administratif a adopté la
théorie de la causalité adéquate).

2) Les causes d'exonération

Causes d'exonérations générales :

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Qu'il y ait faute ou pas, ce sont des causes d'exonération. C'est le cas de la force majeure et du fait de la
victime.

La force majeure exige que le fait de la circonstance soit imprévisible (l'évènement qui s'est produit ne
pouvait être prévu. Le juge administratif recherche à ce titre si l'évènement ne s'était pas déjà produit), irrésistible
(l'Administration ne peut pas y faire face) et extérieur (événement indépendant de l'Administration). Elle reste rarement
reconnue et exonère totalement ou partiellement le service public, selon les rôles respectifs de l'évènement et de l'action
administrative dans la réalisation du dommage, l'administration pouvant avoir aggravé par sa mauvaise intervention le
préjudice (CE, 25 mai 1990, Abadie).

La faute de la victime est recherchée très largement par le juge pour permettre d'exonérer au moins
partiellement l'Administration. Le juge prend en compte la gravité de cette faute pour apprécier son impact sur la
causalité.

Causes d'exonération propre à la responsabilité pour faute :

L'administration pourra s'exonérer plus facilement lorsque la responsabilité est engagée sur le terrain de la
faute.

On retient le cas fortuit : il est irrésistible et imprévisible mais pas extérieur. Ex. : affaire du barrage
de Fréjus : cause inconnue et donc personne ne peut prouver que l'administration a commis une faute 6. C'est l'ouvrage
public (donc pas extérieur) mais c'est irrésistible et imprévisible : le juge administratif ne retient pas la responsabilité de
l'administration.

Le fait du tiers : le juge administratif va imputer à l'Administration que ce dont elle est responsable. De
fait le fait du tiers exonère l'administration de se responsabilité. La victime doit donc former deux actions (contre le tiers
et l'Administration). Cette règle peut être gravement dommageable pour les victimes, que le tiers soit insolvable ou qu'il
soit inconnu. Alors, lorsqu'il y a une collaboration étroite entre le tiers et l'Administration, on fait jouer la
responsabilité solidaire (CE, 9 avril 1993, MM. DBG sur l'affaire du sang contaminé => responsabilité de l'État en
même temps que la responsabilité du centre). Dans une affaire, le CE retient la responsabilité de l'État mais le fait
exonératoire du tiers (les élèves ont mis le feu) l'exonère en partie : 20% pour l'État et 80% pour les élèves.
Le fait du tiers est exonératoire sauf s'il s'agit d'un dommage de travaux publics :
CE Sect., 7 mars 1980, SARL Cinq-Sept
Le juge administratif considère que la responsabilité de la commune engagée par la victime n'a pas lieu d'être engagée.
Exonération car il y un fait de tiers qui tient à la faute grave commise par le gérant de la boite en utilisant pour la
construction des matières inflammables.

§3) Le règlement de la dette

Comment va-t-on réparer ? Il y a des règles de procédure et des règles du fond qui fixent le cadre
juridique de la dette. Elles sont essentiellement prétoriennes.

A) Les règles de procédure

Il faut lier le contentieux : on ne peut pas engager une action en responsabilité devant le juge administratif
sans avoir au préalable lié le contentieux c'est-à-dire demander à l'administration l'indemnisation du préjudice.
L'administration prend la décision et celle-ci va être à la base du contentieux. La victime qui doit solliciter la décision
de l'administration doit chiffrer les dommages-intérêts. Le juge ne va jamais au-delà et la victime ne doit pas se planter
dans l'appréciation de l'indemnisation. Cette règle s'applique dans tous les contentieux administratifs de travaux publics.
A partir de la décision que l'administration va prendre sur la demande de la victime, il doit y avoir une notification de
la décision. Le juge administratif considère que le silence gardé par l'administration pendant 2 mois ne fait pas courir le
délai contentieux. Il court à partir du moment où la victime a reçu une réponse de l'administration.

Le seul délai qui compte c'est celui qui court donc à partir de la réponse de l'administration. La règle de la
prescription impose à la victime de demander réparation dans un délai de 4 ans à compter de la fin de l'année de
commission du dommage. La victime ne pourra pas demander réparation si elle ne fait rien pendant 4 ans. Mais, en cas
d'inertie de l'Administration, le délai peut être suspendu.

6
| On remarquera que Frier considère que cette affaire est un exemple de la force majeure et non pas du cas
fortuit...: voir ses arguments §859 du Frier.

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Normalement le contentieux est lié en 1ère instance : aujourd'hui, depuis un arrêt de 2001, la victime
peut, en appel, majorer sa demande d'indemnité quand l'étendu du préjudice est connue à la suite du jugement en
1ère instance.

B) Les règles de fond

Date d'évaluation du préjudice : Si en droit privé le préjudice est en principe évalué à la date du jugement
définitif, en droit public, les choses sont plus complexes car le contentieux différencie les dommages causés aux
personnes et les dommages causés aux biens :

CE Ass., 21 mars 1947, Veuves Aubry, Pascal, Lefèvre (3 espèces). v. GAJA


Le CE distingue les dommages aux biens et aux personnes.
=> Dans l'arrêt Pascal, il s'agit de dommages aux biens. Le CE estime qu'il faut évaluer les dommages à « la date où
leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il (peut) être procédé aux travaux destinés à les réparer. »
=> Dans les Arrêts Aubry et Lefèvre, les dommages sont évalués à la date où l'autorité compétente (administration ou
juge) prend la décision de fixation de l'indemnité. En cas de contentieux, c'est donc la date du jugement définitif, ce
qui permet de prendre en compte tous les évènements survenus depuis la réalisation du dommage.

Au-delà de cette question de la date, l'indemnité prend la forme d'un capital versé à la victime. Pour les
agents publics, prévaut un système de forfait de pension (pension qui vient de réparer forfaitairement une perte de
revenu un préjudice matériel subi par l'agent).
CE Ass., 4 juillet 2003, Mme Moya-Caville
le CE admet qu'au-delà de ce forfait, il y a la place pour les indemnisations complémentaires. En l'espèce, il admet
l'indemnisation en l'absence de faute de l'administration.

On tient compte enfin de l'enrichissement entrainé par les faits réparés. L'indemnité ne doit pas
procurer une plus ou moins value pour la victime. Toutefois, pour que l'indemnisation soit intégrale, il faut prendre
certaines mesures correctrices de majoration. La victime n'a pas disposé de l'argent qu'elle a perdu du fait du préjudice
subi et n'a pas pu ainsi le placer. La créance porte donc intérêt au taux légal dans les conditions prévues par le Code
civil. Les intérêts courent, lorsqu'ils ont été expressément demandés, à compter de la saisine soit de l'administration, soit
de celle du juge, ou, en l'absence de demande, à compter de la première décision juridictionnelle statuant sur l'indemnité
principale. Ce sont des intérêts moratoires.
Il y a aussi des intérêts compensatoires : ces intérêts s'ajoutent en cas de mauvais vouloir de
l'administration qui se refuse à payer ce à quoi elle a été condamnée ou paye avec un retard excessif (CE, 2 mai 1962,
Caucheteux et Desmonds). Depuis la loi de 1980, les indemnités compensatoires sont moins susceptibles de se
produire car la loi permet de saisir l'ordonnateur ou le comptable public.

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Chapitre IV : La réparation des compétences entre les juridictions
administrative et judiciaire
Lorsqu'une juridiction est saisie, la première chose qu'elle examine est sa compétence. Parfois, c'est un
des objets principaux de l'arrêt, ou à l'inverse, parfois la compétence n'est pas évoquée, mais ce n'est pas pour ça que la
juridiction n'examine pas. C'est d'ailleurs un moyen d'ordre public.

Il faut qu'il y ait une juridiction à même de trancher les conflits de compétence. Avant, c'était le CE, mais
dès lors que la justice lui a été déléguée, à partir de la loi de mai 1872, on a décidé de recourir à un Tribunal des
conflits. C'est une juridiction paritaire de 10 membres (3 membres de la Cour de cassation, 3 membres du CE, les 6
nomment alors un autre CE et un autre Cass.. Il y a en plus le Ministre de la justice et un commissaire du gouvernement
qui est en alternance soit un maitre des requêtes du CE soit un avocat général de la Cass.)
Ce TC a d'abord eu pour raison d'être de défendre les privilèges de la juridiction administrative. La
première compétence du TC est de connaître des conflits dits positifs. Un tel conflit se passe lorsque l'Administration,
poursuivit devant le juge judiciaire sollicite le préfet pour que le juge judiciaire opère un déclinatoire de compétence.
Le juge judiciaire peut soit retenir sa compétence, soit effectivement la décliner. S'il la retient, il ne peut pas statuer
dans un délai de 15 jours afin que le préfet puisse réfléchir et opter pour un arrêté de conflit. S'il l'adopte, il décide par
cet arrêté la saisine du TC. Le TC est donc saisi sur la base d'un conflit positif c'est-à-dire un conflit de la juridiction
judiciaire avec l'administration. D'où le privilège susmentionné.
Cette élévation de conflit peut intervenir de manière générale sauf devant la Cour de cassation, dans les
infractions pénales (procès pénal), ou en cas d'atteinte à la liberté individuelle.

Le TC a vu sa compétence élargie aux conflits négatifs : ici, aucun juge ne se reconnaît compétent et
chaque juge estime que l'autre ordre de juridiction est compétent. Avec un décret du 25 juillet 1960, le justiciable n'a
plus à saisir lui même le TC car c'est à la juridiction elle-même de la saisir. On retient alors deux hypothèses :
hypothèse où le juge est tenu de saisir le TC (cela se passe après une décision d'incompétence devenue définitive de
l'autre juridiction). Deuxièmement, hypothèse où le juge peut saisir le TC : c'est le cas lorsque l'affaire arrive devant
l'une des deux cours suprêmes, et que l'une ou l'autre juridiction ont une hésitation sur leur compétence. Au-delà de ces
hypothèses, il faut noter que le conflit négatif est souvent prévenu par ces dispositifs et le contentieux est relativement
rare.

Le TC a été appelé à aller au-delà de son travail de partage de juridiction, car en 1930, avec l'affaire
Rosay, le législateur est intervenu pour élargir la compétence du TC (c'est la loi de 1932), en lui permettant d'être juge
du fond et de régler des conflits au fond. Dans quels cas ? C'est lorsqu'il a un désaccord entre les deux ordres de
juridictions mais ce désaccord intervient également sur le fond (lorsque deux décisions contradictoires sont rendues).
C'est le cas dans l'affaire Rosay : un particulier prend place dans une voiture qui entre en collision avec un véhicule de
l'Administration. L'affaire est portée par ce particulier devant le juge judiciaire. Il estime qu'il y a une faute
exclusivement imputable à l'Administration, c'est donc au juge administratif seul de voir cela. Ce juge observe alors
qu'il y a bien une faute mais qu'elle relève exclusivement du conducteur privé... contradiction des décisions qui va être
réglée à l'issue de l'adoption de la loi de 1932 dans :
TC, 8 mai 1933, Rosay
Le TC intervient comme juge du fond et en l'espèce, et retient une faute des deux conducteurs. Cela aboutit à un partage
de la responsabilité entre les deux.

Une idée de code de la répartition des compétence n'a pas abouti. La question de la répartition des
compétences reste en tout cas importante en doctrine. Que se passe-t-il lorsque le TC n'est pas saisi ? Et comment les
juridictions savent au premier abord leur compétence ? On sait que la « compétence suit le fond » : en l'absence de
texte, c'est en vertu du droit applicable à l'affaire que l'on détermine l'ordre juridique compétent. Mais, cet adage
n'est pas tout à fait correct : il n'y a pas une coïncidence absolue entre la compétence du juge administratif et
l'application du droit administratif et vice-versa. Le JA peut appliquer des règles de droit privé (notamment en
matière de responsabilité sans faute avec la jurisprudence Giry de la Cour de cassation ou en matière de calcul est
intérêts moratoires ou en matière de responsabilité de personnes et choses que l'on a sous sa garde). Par ailleurs, le juge
judiciaire, lorsqu'il statue sur des questions accessoires préalables qui portent l'interprétation d'un acte administratif ou
sur sa légalité, applique le droit administratif. Lorsqu'un contentieux est attribué par la loi au juge judiciaire, celui-ci,
régulièrement, applique ce droit. Cette formule est un raccourci : en disant la compétence suit le fond on a rien dit du
tout mais on a simplement reporté le problème : la question du droit applicable est le vrai problème !

Section 1 : Le champ de compétence de la juridiction administrative

Ce champ est défini de manière traditionnelle, comme le souligne l'arrêt Blanco, par le juge

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administratif. Historiquement et essentiellement, la réflexion a été effectuée par le JA, même si le législateur y
contribue aussi (comme avec la loi de Pluviôse). Enfin, le Conseil Constitutionnel est la troisième autorité récemment
venue dans la question de répartition des compétences.

§1) La constitutionnalisation d'un champ de compétence de la juridiction administrative

CC, 23 janvier 1987, Conseil de la Concurrence


Le contentieux de la concurrence est un contentieux important et primordial aujourd'hui. Les deux ordres de juridiction,
pour « exister » ont voulu obtenir le contentieux. En 1986, la contentieux a été attribué par une ordonnance au JA. Les
juges judiciaires n'ont pas été content et ont obtenu gain de cause : une loi a été votée et a attribuée le contentieux des
décisions du Conseil de la concurrence au juge judiciaire. Ensuite, cette loi a été déférée au Conseil Constitutionnel.
Celui-ci consacre la compétence de cette juridiction, mais va censurer la loi en raison du fait que la compétence du
juge judiciaire n'assurait pas le respect des droits de la défense en raison de lacunes dans la procédure de sursis à
exécution devant le juge judiciaire. C'est donc pour violation des droits de la défense que la loi a été censurée. Le
Conseil Constitutionnel s'attache ainsi aux procédures suspensives et y voit une condition du respect des droits de la
défense. Bref, ce qui nous intéresse réellement c'est que le Conseil Constitutionnel consacre la compétence du juge
judiciaire : en effet, il constate cette compétence alors même qu'elle est en dérogation avec le principe qu'il va poser. En
effet, le Conseil Constitutionnel consacre l'existence d'un champ de compétence de la juridiction administrative et
pose un principe de compétence de la juridiction administrative en définissant le champ. Cette définition conduit à
donner à cela un caractère constitutionnel.

A) Le principe

Le Conseil Constitutionnel a donc posé le « noyau dur » (Genevois) de la compétence administrative.


Celui-ci ne concerne cependant que certains actes et certaines modalités de leur jugement

=> Il ne porte que sur les décisions, se rattachant à la fonction exécutive (sont exclus les actes pris par le Parlement
ou l'autorité judiciaire notamment) prises par des personnes publiques (sont exclus les actes administratifs édictés par
des personnes de droit privé) dans l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique. Les actes en cause sont
ainsi définis par la combinaison de critères organiques et formels, sans référence au critère finaliste du service public.
=> Il ne concerne ici que le contentieux de l'annulation ou de la réformation (donc REP ou recours « objectifs » de
pleine juridiction). Cette solution repose sur l'idée qu'annuler ou réformer l'acte administratif présente une irréductible
spécificité, à la différence du contentieux des droits subjectifs.
=> Est donc exclu de ce bloc de compétence constitutionnelle, le contentieux de l'interprétation et de l'appréciation de
légalité des actes administratifs.

La champ défini est un champ qui constitue un noyau dur de compétence et de valeur constitutionnelle.
En effet, ce champ de compétence figure, dit le Conseil Constitutionnel, au rang des PFRLR. Le fondement soutenu
par le Conseil Constitutionnel est l'idée que ce principe peut être rattaché à la « conception française de la séparation
des pouvoirs ». Il ne se fonde pas sur le principe de séparation des deux juridictions (qu'il consacrera plus tard). Par là
le Conseil Constitutionnel marque bien qu'il y a plusieurs conceptions de séparation des pouvoirs et que la française
n'est pas l'américaine.

B) Les limites

Le champ lui-même peut être affecté par une exception ou une dérogation.

=> L'exception tient aux matières réservées par nature à l'autorité judiciaire (Formulation du Conseil. Selon la prof,
il aurait été plus judicieux de dire « par tradition »...). Le Conseil Constitutionnel, le législateur, ont contribué à définir
ces matières (infra).
=> La dérogation tient à la bonne administration de la justice : il s'agit de prendre en considération les nécessités,
notamment pour faciliter la tache du justiciable et unifier le contentieux. Il faut que l'aménagement soit précis et
limité. Dans cette décision, c'est ce qui va se passer : si on applique le principe posé par le Conseil Constitutionnel, la
compétence va bien à la juridiction administrative car il s'agit d'annuler ou de réformer des sanctions du Conseil de la
concurrence, autorité administrative, qui dispose de prérogatives de puissance publique etc. Mais, il y a lieu d'unifier le
contentieux du Conseil de la concurrence (le juge judiciaire avait déjà rendu des arrêts auparavant sur la concurrence).

Conseil Constitutionnel, 28 juillet 1989, Loi Joxe


Le contentieux des éloignements des étrangers : la loi attribue le contentieux au juge judiciaire. Si on applique le
principe, c'est bien entendu la compétence du juge administratif. Mais le Conseil Constitutionnel va d'abord voir s'il n'y

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a pas lieu de faire jouer une dérogation ou une exception. Ici, il n'y a pas lieu de déroger à la compétence du JA au nom
de l'unification du contentieux. En effet, le contentieux concerne rarement un étranger retenu dans un centre : par
conséquent, le contentieux judiciaire reste exceptionnel et il n'y a pas lieu de déroger à la compétence du juge
administratif.

§2) La contribution du législateur et des juges à la définition de cette compétence.

A) La contribution du législateur

Quelles sont les autorités susceptibles de répartir les compétences ? Est-ce le législateur ou le
gouvernement ? la Constitution tranche : c'est à la loi seule de définir la réparation des compétences. Si l'exécutif
veut intervenir, il doit le faire par la loi. C'est ce qui résulte de l'art. 34 de la Constitution. Le législateur est intervenu de
manière générale : loi du 16-24 aout 1790 qui interdit au juge judiciaire de troubler les opérations des corps
administratifs. Il a également interdit le juge judiciaire de citer devant lui des administrateurs à raison de leurs
fonctions. Enfin, il les a interdit de connaître des actes de l'administration. La loi a posé un principe de répartition de
compétence mais de manière négative en disant ce que ne devait pas faire le juge judiciaire. Du coup, en ne précisant
pas ce qu'était un acte administratif et tout ça, il a contraint les juges à le faire.
Le législateur est intervenu ponctuellement pour attribuer des contentieux au JA. Ex. : Loi sur les travaux
publics, le contentieux fiscal des impôts directs et de la TVA. Il y a aussi les contrats portant occupation du domaine
public (décret-loi du 17 juin 1938), alors même qu'il n'y a pas d'autorités administratives parties au contrat. La loi du 11
décembre 2001 confère le contentieux des marchés publics à la juridiction administrative. L'ordonnance du 17 juin 2004
confère le contentieux des contrats de partenariat public-privé à la juridiction administrative. Au-delà de cette logique
de gestion publique, d'autres lois ont posé, pour des raisons historiques ou autres, la compétence de la juridiction
administrative par exemple concernant le contentieux des autorités de régulation. Enfin, le contentieux des ventes
d'immeubles d'État (Loi du 28 pluviôse an VIII) a également été confié à la juridiction administrative.

B) La contribution essentielle des juges

Le Conseil Constitutionnel est intervenu que tardivement pour déterminer un champ qu'il protège
désormais. Le législateur est intervenu mais très globalement voire ponctuellement. C'est donc au juge de définir la
répartition des pouvoirs. Il ressort des différentes jurisprudences que toutes les juridictions s'appuient sur le principe
de séparation des juridictions administrative et judiciaire (loi des 16 et 24 août 1790). Les juges vont l'interpréter de
manière très large, mais la jurisprudence reste dans une certaine mesure stable au fil des ans malgré plusieurs temps :
Dans un premier temps, vers le 19ème siècle jusqu'à l'arrêt Blanco, on voit se succéder, voire se
chevaucher plusieurs critères : le critère organique, initial, qui provient du principe de séparation, c'est-à-dire que
lorsque l'administration prend une décision, le JA est normalement compétent. À chaque fois qu'est en cause un
contentieux qui concerne une créance d'une personne sur l'État, c'est le juge administratif qui est compétent (critère de
l'État débiteur). Ensuite, un troisième critère qui est celui des actes d'autorité : lorsqu'est en cause un acte d'autorité
(de police par exemple), le juge administratif est alors compétent. Si l'Administration se borne à effectuer des actes de
gestion, c'est le juge judiciaire. Avec l'arrêt Blanco, il s'agit du contentieux de la responsabilité extracontractuelle de
l'État pour les dommages causés par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public. La jurisprudence Blanco
va s'élargir (Terrier, Thérond, Feutry), et c'est l'ensemble de la responsabilité de l'État et des collectivités locales aussi
bien contractuelle (Terrier, Thérond) que extracontractuelle (Blanco, Feutry pour les collectivités territoriales) qui
appartient au juge administratif (critère organique du service public)
Dans un deuxième temps, la doctrine développe alors le critère de la gestion publique que, dès l'arrêt
Terrier, le CDG Romieu avait évoqué. Dans ses conclusions, il avait, en effet, réservé le cas où l'administration même
un service public, se comporte sans différence avec l'entreprise privée. De fait, le juge administratif va consacrer l'idée
d'une compétence de la juridiction judiciaire et non plus de la juridiction administrative, lorsque apparait une gestion
privée dans le service public (Société des granits porphyroïdes). Cette distinction au sein du service public entre gestion
privée et gestion publique distingue donc la compétence. Puis, il y aura une distinction avec SPA / SPIC (Bac d'Eloka),
avec l'idée que des services publics entiers peuvent dépendre de la juridiction judiciaire. Le critère de la gestion
publique va donc affecter le critère du service public en le faisant céder et en limitant par conséquent la compétence de
la juridiction administrative. Mais au-delà, le critère du service public est également affecté mais d'une autre manière,
d'une manière extensible, par une prise en compte par le juge à partir de 1938 (Caisse Primaire aide et protection) de
service public géré par des personnes privées.
Dans un troisième temps, le critère organique traditionnel se trouve ici en crise. Le critère organique tel
qu'il apparaît dans Caisse Primaire, Monpeurt etc. abouti à prendre en considération les personnes privées, ceux-ci
pouvant prendre en charge un service public. Mais le contentieux du service public va parfois être dispersé et relever de
la juridiction judiciaire puisque dès lors que le service est géré par une personne privée, ce n'est normalement pas la
compétence du juge administratif. Les cas sont ainsi précisément définis. Dans les années 50, le critère du service public

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reprend de l'importance et vient compléter dans un certain nombre de contentieux le critère de la gestion publique : la
définition des travaux publics, du domaine public, des contrats administratifs prend désormais en compte le critère du
service public :
Pour les travaux publics : TC, 28 mars 1955, Effimieff (v. GAJA)
Le TC définit les travaux publics comme des travaux qui peuvent être accomplis sur une propriété privée par
l'Administration dans l'intérêt général (= dans sa mission de service public)

Pour le domaine public : CE Sect., 19 octobre 1956, Société Le Béton (v. GAJA)
Le CE retient comme critère du domaine public l'affectation des propriétés publiques à service public.

Pour les contrats : CE Sect., 20 avril 1956, Epoux Bertin et Consorts Grimouard
Sont reconnus comme administratifs les contrats qui font participer le cocontractant de l'administration à l'exécution
même du service public, alors même qu'il n'y aurait aucune expression de la puissance publique.

Le champ est limité par des critères successifs qui sont ceux à la fois celui du service public et celui de la
gestion publique. Le juge administratif a plutôt recours à une démarche analytique décision par décision, avec un
système de bloc de compétence (notamment pour les usagers voire du personnel des SPIC). La compétence de la
juridiction administrative est retenue par les juges sur une base d'abord organique pour les services publics, puis d'un
critère matériel : service public ou pas, il faut qu'il y ait dans certains cas des prérogatives de puissance publique. Et
enfin le critère du but : l'existence d'un intérêt général.
D'où une juridiction complexe. Malgré tout, un critère paraît déterminant, et plus important que les autres,
c'est le critère de la gestion publique, soutenu par G. Vedel et par R. Chapus. Le critère de la service public est préféré
par certains auteurs, mais ceux-ci se voient dans l'obligation de constater les limites du critère. Ces deux critères
paraissent en tout cas jouer un rôle majeur.

Section 2 : Le champ de compétence de la juridiction judiciaire

On ne revient pas sur ce qu'on vient de dire, notamment sur la répartition des compétences. Il faut
observer que la détermination du champ de compétence du juge administratif par le Conseil Constitutionnel a préservé
un champ de compétence judiciaire, en particulier dans le cadre de l'exception posée à la compétence du juge
administratif, tenant aux matières réservées par nature à l'autorité judiciaire. Le champ est donc préservé
constitutionnellement par cette exception constitutionnelle posée par le Conseil Constitutionnel. Cette compétence de
l'autorité judiciaire est consacrée mais la décision ne fait qu'entériner une histoire.
Quelles sont les matières réservées par nature à l'autorité judiciaire ? D'autre part, des compétences, des
textes ont également prévu la compétence de la juridiction judiciaire. De plus, le juge judiciaire peut être appelé à
connaître des questions de la légalité des actes administratifs.

§1) Les matières réservées par nature à l'autorité judiciaire

A) ????

Il s'agit d'abord de la protection de la liberté individuelle (aujourd'hui en débat, faut-il une protection
judiciaire (loi Hadopi) ?). Le fondement de la compétence judiciaire, c'est un fondement double.
Source traditionnelle dans la loi : en effet, l'article 136 du Code de procédure pénale, au terme d'une
jurisprudence complexe auquel le code a voulu mettre fin, dispose quant à la liberté individuelle, que l'autorité
judiciaire est compétente contrairement à une autorité administrative. Autrement dit, lorsqu'une personne est
atteinte dans sa liberté individuelle, et qu'elle engage à la suite de cela, une demande en réparation devant les
juridictions judiciaires, cette demande doit être accueillie par le juge judiciaire et le préfet ne peut pas élever le conflit.
C'est une réponse à une question antérieure du TC, 27 mars 1952, Dame de la Murette. Elle demande réparation d'un
internement dont elle a été victime. Le préfet a élevé le conflit et le TC avait décidé sur le fondement des anciennes
dispositions qu'il fallait distinguer selon que l'action en réparation était effectuée soit par l'Administration (juge
administratif) soit par l'agent (juge judiciaire). Dans cet arrêt, le TC, profitant d'une faille, avait cherché à attirer ce
contentieux vers le juge administratif en faisant cette distinction. Le disposition du Code de procédure pénale y met
donc fin. De plus, certains arrêts rappellent solennellement que la sauvegarde et la protection, outre de la liberté
individuelle, de la propriété privée, rentrent essentiellement dans les attributions de l'autorité judiciaire. De nombreuses
lois vont en ce sens.
Source dans la Constitution : L'art. 66 de la Constitution dispose que « L'autorité judiciaire est
gardienne de la liberté individuelle ». Il s'agit là de protéger la sureté à savoir la garantie de ne pas être arrêté et
détenu arbitrairement. L'autorité judiciaire intervient et va intervenir chaque fois que des décisions prises peuvent porter
atteinte à la liberté individuelle. Au-delà de cette intervention d'un juge judiciaire qui est requise dans l'action même de

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l'Administration, l'intervention judiciaire est également requise au titre de la garantie judiciaire au contentieux. Il ne
suffit pas de prévoir qu'un magistrat vérifiera les conditions d'une interpellation : il faut que, pour que la garantie
judiciaire soit entendue, si un contentieux apparaît, que le juge judiciaire soit compétent. Mais qu'est ce que cette liberté
individuelle ? Le Conseil Constitutionnel a donné une définition explicite et surtout très large qui évidemment ne
s'accordait pas des exigences particulières prévues par la Constitution en son art. 66. Progressivement, le Conseil
Constitutionnel a ainsi resserré son analyse et a distingué la liberté individuelle à la liberté personnelle. Enfin, il a écarté
de la liberté individuelle, la liberté d'aller-venir, de mariage etc.. (qui sont des libertés autonomes). La liberté
individuelle ne vise que la sureté.
Conseil Constitutionnel, 28 juillet 1989, Loi Joxe
Le Conseil Constitutionnel refuse de retenir la compétence du juge judiciaire au motif que les arrêtés porteraient atteinte
à la liberté individuelle car il a considéré qu'ils n'y portaient pas atteinte.

Le champ de compétence de la juridiction judiciaire se définit donc à partir de ces deux fondements. On
peut faire plusieurs observations :
=> On observe qu'il ne couvre que les atteintes irrégulières (et non régulières) à la liberté individuelle.
=> Ce champ de compétence est limité lorsqu'il s'agit d'apprécier la légalité de la décision administrative qui a
porté atteinte à la liberté individuelle (issue de l'art. 136 procédure pénale). Cela résulte d'une double jurisprudence :
CE Sect., 19 juillet 1965, Voskresensky et TC, 16 novembre 1964, Clément
Alors que l'art. 136 dit que le préfet ne peut élever le conflit, les deux juridictions ont considéré que si le juge judiciaire
a compétence pour connaître du contentieux de la réparation, il doit au préalable sursoir à statuer pour poser au juge
administratif la question (question préjudicielle) de savoir préalablement si l'atteinte à la liberté individuelle est
irrégulière ou pas. Si elle est régulière, le juge judiciaire est incompétent. Le CE et le TC se borne à appliquer la
jurisprudence traditionnelle Septfonds (cf. infra) qui limite la compétence du juge judiciaire en matière d'appréciation de
la légalité des actes administratifs.

=> TC, 12 mai 1997, Préfet de Police de Paris c/ TGI de Paris


Plus radicalement, le TC a précisé que le pouvoir d'adresser des injonctions à l'Administration, qui permet de priver
ses décisions de leur caractère exécutoire, est de même nature que les pouvoirs d'annulation et de réformation des
décisions administrative, et relève ainsi de la compétence constitutionnellement réservée au juge administratif.
En l'espèce, deux étrangers sont montés à bord d'un cargo et ont voyagé dans la soute. Le ministre de
l'Intérieur a refusé leur débarquement. Cette décision de refus va donner lieu à contestation devant le juge judiciaire : les
avocats de ces deux personnes saisissent le juge judiciaire en considérant qu'il y a là une atteinte à la liberté individuelle
(irrégulière). Le préfet élève le conflit, malgré le Code de procédure pénale. Le rapporteur du TC ne veut pas entendre
parler de la compétence de la juridiction administrative, et démissionne ! Grande polémique. La décision va être prise
par le TC après l'arbitrage du Ministre de la Justice. Les choses étaient complexes : on a le principe de séparation des
autorités administrative et judiciaire qui justifie qu'une décision administrative, comme celle en l'espèce, relève
normalement de la juridiction administrative. Ce qui est en jeu ici, c'est le pouvoir d'injonction. Le TC va considérer
que le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire doit l'emporter sur l'autre principe législatif de
compétence de l'autorité judiciaire. Pourquoi ? le pouvoir d'adresser des injonctions (autoriser les immigrés à rester sur
le territoire) à l'Administration qui permet de priver les décisions de celle-ci de leur caractère exécutoire est de même
nature que celui consistant à annuler ou à reformer les décisions prises par l'Administration dans l'exercice de ses
prérogatives de puissance publique. C'est donc la nature de l'action contentieuse qui conduit le TC à faire un parallèle
avec d'autres contentieux (le contentieux de l'annulation et de la réformation). Le TC retient la compétence de la
juridiction administrative. Le champ de compétence de la juridiction administrative est principalement constitutionnel et
est aujourd'hui élargi par le TC au contentieux de l'injonction.

Que reste-t-il de la compétence judiciaire ? Elle va être préservée par le juge et par la loi. Par le juge en ce
que des décisions aussi bien de la cassation que du CE, ou du TC, vont considérer que les décisions de placement des
étrangers en zone d'attente (maintient en rétention, privation de liberté, même de nature administrative) relèvent bien
d'après la loi à la juridiction judiciaire.
Cass., 28 juin 1995, Bechta
Refus de considérer que le juge administratif était compétent pour apprécier la légalité de ce placement.

Deuxième hypothèse de la compétence de la juridiction judiciaire : placement d'office en internement


psychiatrique. C'est le juge judiciaire qui vérifie la nécessité de la mesure d'internement. Le juge administratif apprécie
la régularité du placement (jurisprudence issue de TC, 6 avril 1946, Maschinot). Il y a eu des contentieux ultérieurs
(TC, 17 février 1997, Préfet Région Île-de-France) qui posaient la compétence du juge judiciaire si le placement était
irrégulier. Dans une jurisprudence récente, le CE a voulu marquer la différence entre l'atteinte à la liberté individuelle et
les atteintes aux autres libertés comme celle de correspondance : une personne placée en hôpital psychiatrique qui
conteste la décision de refus de correspondance est une décision qui correspond à cette autre liberté et le CE a considéré

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que ce ne sont pas tous les actes dans le cadre d'une hospitalisation psychiatrique qui relèvent du juge judiciaire mais
uniquement ceux entrainant la privation de liberté.

Enfin, l'art. 62-2 du code de procédure pénale donne le contentieux du contrôle et de la vérification des
identités dans le cadre des opérations de police au seul juge judiciaire. Quand la loi prévoyant cette compétence a été
adoptée, une décision du Conseil Constitutionnel a été rendue :
Conseil Constitutionnel, 5 août 1993
La juridiction judiciaire est en droit de contrôler si une vérification d'identité, y compris dans le cadre d'une opération de
police administrative, a été faite dans des conditions régulières jugeant ainsi de la légalité même de l'intervention
administrative.

B) La voie de fait

C'est une construction prétorienne qui date de la fin du 19ème siècle et qui a eu une grande importance au
lendemain de la deuxième guerre mondiale, notamment à propos des réquisitions du logement et également, dans les
années 90, dans le cadre du contentieux des étrangers en raison des limites et de l'inexistence de procédure de référé
devant la juridiction administrative.

Conditions :
=> Il faut une décision qui va se traduire matériellement (décision d'exhumation par exemple...)
=> Une décision qui porte atteinte au droit de propriété (mobilière ou immobilière) ou a une liberté fondamentale.
Il revient au juge qui a lancé cette théorie de définir ce qu'était une liberté fondamentale. Il y a donc une définition de
celle-ci au sens de la voie de fait :
TC, 8 avril 1935, Action française (v. GAJA)
Il ressort de cette décision du TC que par exemple, la liberté de presse est une liberté fondamentale. La liberté d'aller et
venir, de réunion etc. sont des libertés fondamentales. N'est pas une liberté fondamentale le refus d'entrer aux étrangers
sur le territoire français (sauf le droit d'asile).

=> Il faut que l'atteinte soit grave. La gravité de l'atteinte s'apprécie de deux manières différentes :

• Voie de fait par manque de droit est constituée lorsque l'Administration exécute ou menace d'exécuter
un acte « manifestement insusceptible d'être rattaché à l'exercice d'un pouvoir appartenant à
l'Administration », c'est-à-dire un acte grossièrement illégal (CE, 18 novembre 1969, Carlier).
Hésitations qui se sont manifestées dans :
TC, 9 juin 1986, Eucat
A propos d'un refus de passeport. Le TC va considérer qu'un refus de passeport à un français pour des raisons fiscales
constitue une voie de fait car la confiscation de passeport n'est pas prévue en matière fiscale : conception très extensible
de la voie de fait car il y a des textes qui prévoient la confiscation de passeport pour diverses raisons, donc c'est dur de
dire que ça n'entre pas dans le champ de compétence de l'Administration.

Dans la reconnaissance de la voie de fait par manque de droit, le JA se montre finalement assez rigoureux. Dans l'arrêt
de 1997 (TC, Préfet de Police de Paris c/ TGI de Paris), les deux étrangers ont invoqué la voie de fait : Le JA a refusé
de voie une voie de fait dans le fait de refuser aux étrangers un débarquement sur le territoire. Existe-t-il un texte qui
donne compétence à l'Administration pour cela ? Le refus de la voie de fait n'est pas évident.

• Voie de fait par manque de procédure : il y en a une lorsque nous sommes en présence d'une exécution
forcée irrégulière. L'Administration a abusé de son privilège d'exécution forcée. Quand est-ce qu'elle est
irrégulière ?

TC, 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint-Just


Dans certains cas, l'exécution forcée est régulière lorsqu'il y a urgence. Également, lorsque l'Administration n'a pas les
moyens de faire exécuter sa décision (en absence de sanctions pénales lorsqu'il y a inexécution) ou lorsque la loi l'a
autorisée. Dans ces trois cas, on ne conclura pas à la voie de fait. La voie de fait par manque de procédure s'est trouvée
réduite en raison de nombreuses lois qui sont venues imposer l'exécution forcée (ex. : expulsion forcée pour les
immigrés).

Dans la jurisprudence Action française, il s'agissait de la saisie des journaux de l'Action française le
lendemain du 6 février avec la manifestation des ligues d'extrême droite. Le TC observe une voie de fait pour manque
de droit et une voie de fait pour manque de procédure.

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En cas de voie de fait, c'est la compétence du juge judiciaire. Cette attribution est souvent justifiée par
l'idée de « dénaturation » : la gravité du vice qui entache l'acte en cause le priverait du même coup de sa nature
administrative. Cela paraît bizarre car cette idée de dénaturation ne joue que si l'acte en cause porte atteinte au droit de
propriété ou l'atteinte à une liberté fondamentale. Pourquoi juste dans ce cadre là ? Le fondement n'est pas totalement
évident...
Quoi qu'il en soit, le juge judiciaire peut constater la voie de fait, indemniser la voie de fait, et
enjoindre à l'Administration de mettre un terme à sa décision. La voie de fait a permis à une époque où le juge
administratif ne disposait pas du pouvoir d'injonction, de mettre un terme à des comportements de l'Administration mais
en admettant, paradoxalement, le juge judiciaire à le faire ! Le juge judiciaire peut connaître des fautes de service de
toutes autorités dès lors qu'il y a voie de fait. La compétence du juge judiciaire en matière de voie de fait est d'autant
plus grande que le juge civil a admis qu'il pouvait ordonner la démolition d'ouvrage public mal bâti dans le cadre de la
voie de fait et de son pouvoir d'injonction alors que l'adage (cf. supra) dominait encore en droit administratif.
Cela dit, le monopole apparent de la juridiction judiciaire est tout de même affecté par le fait que le juge
administratif peut aussi constater la voie de fait (TC, 27 juin 1966, Guigon). Par ailleurs, la compétence de la
juridiction judiciaire est affectée d'une deuxième limite : en période de circonstances exceptionnelles, la voie de fait
n'est pas prise en compte et le juge judiciaire n'est pas compétent.

La voie de fait a perdu de son intérêt avec la loi du 30 juin 2000 et l'introduction du référé-liberté qui
permet d'obtenir très rapidement une injonction du juge administratif à l'encontre de l'Administration lorsqu'il y a
atteinte à une liberté fondamentale (atteinte grave et manifestement illégale).

C) Protection de la propriété privée immobilière

Celle-ci relève traditionnellement du juge judiciaire car des textes anciens ont prévu la compétence du
juge judiciaire. En matière d'expropriation, depuis 1810, le législateur prévoit l'indemnisation de l'expropriation et en
cas de contentieux, cela relève du juge judiciaire. De même pour l'indemnisation des réquisitions, des servitudes
indemnisables etc. car on pensait que le juge judiciaire indemniserait mieux que le juge administratif. On lie souvent la
protection de la propriété privée au juge judiciaire. L'emprise existe en cas de prise de possession d'un immeuble par
l'administration, de véritable dépossession d'un droit réel immobilier. Elle n'est donc pas caractérisée s'il y a simple
atteinte à l'immeuble, mais concerne l'ensemble des droits réels immobiliers, y compris par exemple ceux liés à une
concession dans un cimetière.

Le juge judiciaire, avec le juge administratif, a développé une théorie de l'emprise : il a distingué le cas
de l'emprise régulière et irrégulière. Seul le juge administratif vérifie la régularité de l'acte administratif en cause et
déclare l'emprise régulière ou irrégulière (TC, 17 mars 1949, Société Rivoli-Sébastopol).
Si elle est régulière, en dehors des textes spéciaux donnant compétence au juge judiciaire,
l'indemnisation relève du juge administratif puisqu'il s'agit d'actions de l'administration.

TC, 17 mars 1949, Sociétés « Hôtel du vieux-Beffroi » et « Rivoli-Sébastopol » (2 espèces) (v. GAJA)
Si elle est irrégulière, le juge judiciaire est seul compétent pour engager la responsabilité de
l'administration et statuer sur l'ensemble des préjudices résultant de cette occupation, y compris les préjudices annexes
(Société « Hôtel du vieux-Beffroi »). Le juge judiciaire ne peut d'ailleurs adresser des injonctions à l'administration ou
prononce des astreintes à son encontre. En cas d'occupation illicite de locaux, il répare seulement le préjudice subi, sans
ordonner l'expulsion du service public (Société « Rivoli-Sébastopol »), contrairement au juge administratif désormais.
Ces solutions compliquent donc le procès, mais sont consacrées par la jurisprudence constitutionnelle.

§2) La compétence du juge judiciaire en dehors des matières traditionnelles

On retient deux cas :

A) Compétence du juge judiciaire en raison de dommages tenant au fonctionnement du service public de


la justice judiciaire

C'est une jurisprudence moins ancienne, donc moins « traditionnelle » (le Conseil Constitutionnel ne la
vise pas probablement dans sa décision de 1987).

TC, 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane


Le TC a été amené à distinguer les questions touchant à l'organisation de la justice et celles relevant à son
fonctionnement. Cette distinction met en œuvre le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire. Il
considère précisément qu'il y a bien des actes d'administration qui touchent à l'organisation même du service public de

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la justice. Ces actes d'organisation, il n'y a pas de raison de les soustraire à la compétence de la juridiction
administrative et relèvent de fait de leur compétence. Fonctionnement entendu, au fil des décisions, de manière
restrictive.

S'agissant des collaborateur occasionnels du service public de la justice (Giry). La prof n'a pas eu le
temps d'évoquer réellement cela. Voir donc GAJA Civ. 23 novembre 1956, Giry

S'agissant de la Police judiciaire : Arrêt Tourcel (introuvable ?). v. notamment supra (et la compétence du
juge judiciaire en matière de police judiciaire avec la distinction avec la police administrative).

B) Compétence du juge judiciaire tenant aux questions préalables

A l'occasion d'un litige principal il est possible que se pose une question accessoire, mais une vraie
question : une question sérieuse, réelle et dont la solution est nécessaire à la résolution du litige principal. Le
traitement de cette question accessoire peut soit être traitée par le juge compétent au principal (question préalable), soit
elle ne peut être traitée par ce juge et doit être renvoyée à l'autre ordre juridiction (question préjudicielle).
Quand considère t-on qu'elle est préalable ou préjudicielle ? Deux principes :
=> Principe de séparation des autorités administrative et judiciaire : compétence de la juridiction administrative
lorsqu'est en cause la légalité d'un acte administratif.
=> Principe qui veut que le juge de l'action soit le juge de l'exception : principe important en pénal car il s'agit
d'aller vite, et poser des questions préjudicielles, certes essentielles, ferait perdre du temps.

La jurisprudence a ainsi fait une distinction entre le juge civil et le juge administratif : une question de
droit privé qui se pose devant le juge administratif est toujours préjudicielle (dès lors qu'elle est sérieuse, réelle
etc.). Pour les juges judiciaires qui se posent la question de la légalité d'un acte administratif, il faut faire la distinction
entre le juge civil et pénal :

− Pour le juge civil

TC, 16 juin 1923, Septfonds (v. GAJA)


Le TC considère dans cette affaire que le juge civil doit faire une question préjudicielle sauf lorsqu'il s'agit
d'interpréter un acte administratif réglementaire. Il ne doit pas interpréter les actes individuels ni apprécier la
légalité des actes administratifs réglementaires ou individuels.
TC, 30 octobre 1947, Barinstein
Sauf voie de fait qui les dénature.

Seul, dans quelques hypothèses, le juge civil dispose d'une compétence accrue pour trancher l'ensemble
du litige. Quand est mis en cause le bien-fondé d'une imposition indirecte, afin d'éviter toute paralysie, il est en droit
d'interpréter et d'apprécier la légalité des actes administratifs qui servent de base légale à l'imposition. Surtout, lorsqu'il
y a atteinte à la liberté individuelle, il lui est loisible d'apprécier la légalité des décisions administratives préalables en
matière de contrôle d'identité ou de rétention administrative.

− Pour le juge pénal

Les choses sont plus simples. Autrefois, une jurisprudence fort nuancée avant retenu des solutions
opposant en partie le tribunal des conflits et la Cour de cassation (TC, 5 juillet 1951, Avranches et Desmarets).
Désormais, le nouveau Code pénale donne au principe nulla poena sine lege toute sa force. Afin de garantir la rapidité
et l'exemplarité de la sanction pénale, les juridictions répressives, dans la logique de leur mission, sont compétentes
pour « interpréter les actes administratifs réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité, lorsque,
de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis » (art. 111-5 du Code pénal). Elles sont donc
à même de s'interroger sur la régularité de l'action administrative ou l'interpréter qu'il s'agisse de statuer sur l'acte
servant de fondement aux poursuites ou que la personne poursuivie devant elles soulève ce moyen en défense. Le juge
pénal acquitter un rôle considérable de ce point de vue, puisqu'il peut priver de tout effet l'acte administratif.

Dans tous les cas, il n'y a qu'une autorité relative de chose jugée pour la question préjudicielle ou
préalable. Ce n'est que dans l'espèce que l'interprétation ou l'appréciation ne vaut.

§3) Les titres de compétence du juge judiciaire résultant de lois ponctuelles

Pas eu le temps : à voir dans le manuel. Je crois que c'est §687 à 696 du Frier.

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