Vous êtes sur la page 1sur 4

LECTURE LINÉAIRE

Introduction-
• La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, texte juridique rédigé par Olympe
de Gouges, est publié en septembre 1791, en pleine période révolutionnaire. Elle reprend le
modèle de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, du 26 août 1789, qui énonce
un ensemble de droits naturels individuels et communs et pose les conditions de leur mise en
œuvre, mais passe sous silence les questions liées à la condition de la femme. Si quelques
voix s'étaient déjà élevées, comme celle de Condorcet, pour réclamer que les femmes
puissent obtenir un statut, le texte d'Olympe de Gouges revendique la pleine assimilation des
femmes d’un point de vue juridique, politique mais aussi social.
• L’extrait étudié est le postambule de la déclaration, c'est à dire une note qui vient conclure la
déclaration. 
• Lecture : voir le lien du QR code pour un exemple de lecture 
•  Pour analyser ce texte, nous nous demanderons quelle stratégie Olympe de Gouges met en
place pour convaincre les femmes de combattre pour l’égalité entre les sexes. 
• Pour répondre à ce projet de lecture, nous découperons le texte en trois mouvements : 
• 1er mouvement : du début à « envers sa compagne » : vers une prise de conscience

• 2ème mouvement : de « Ô femmes ! » à « auriez-vous à répondre. » : : le constat des


inégalités
• 3ème mouvement : de « S'ils s'obstinaient » à « n'avez qu'à le vouloir » : l'appel à
l'action et à la révolte

Mouvement 1
L'apostrophe qui débute le texte « Femme, réveille-toi » rappelle les premiers mots du texte « Les
Droits de la femme », qui précède la déclaration : « Homme, es-tu capable d’être juste ? » (l. 1). Si
les deux apostrophes s'inscrivent dans un registre polémique, la première interpelle les hommes
quant à leur pratique de domination des femmes alors que la seconde appelle les femmes à ne plus
accepter passivement l’injustice de leur situation : cette apostrophe répond donc à la première et
complète le nécessaire processus de prise de conscience des hommes et des femmes. L'apostrophe
au singulier, « Femme » permet à l’auteure d’interpeller sa destinataire, de la singulariser et ainsi de
renforcer son effet.

L’emploi de l’impératif présent, « réveille-toi », « reconnais-toi » exprime une injonction


qui place d'emblée la lectrice dans une position active : il s'agit d'être moteur du
combat des femmes, d'agir.
La métaphore « le toscin de la raison se fait entendre» continue à exprimer l'urgence d'agir,
comme si le péril était imminent et que les lectrices devaient, mues par leur esprit et la raison, réagir
sans attendre. Olympe de Gouges insiste donc sur le rôle de la raison : il s'agit d'un combat
raisonné, et donc juste, et non d'une révolte incontrôlée ou irréfléchie.
La négation « n’est plus » et l’usage du passé composé « a dissipé », et plus loin « a multiplié »,
« a eu », « est devenu » marquent une rupture temporelle, et insistent sur l’opportunité du moment
(début d'une nouvelle ère : la Révolution). C’est maintenant qu’il faut agir pour mettre fin à
l’injustice dont sont victimes les femmes.

Olympe de Gouges légitime le combat à venir en le plaçant sous l'influence des


Lumières avec les métaphores « toscin de la raison » ou encore « le flambeau de la vérité
» qui s'opposent au champ lexical de l'obscurantisme et de l'ignorance avec les
termes « fanatisme », « superstition », « mensonges », « sottises » ou
« usurpation ». L'antithèse entre la clarté du « flambeau » et l'obscurité
des « nuages » prolonge cette opposition. Le triomphe de la lumière révèle finalement
le droit naturel désigné métaphoriquement par « le puissant empire de la nature » : les
femmes peuvent enfin revendiquer ce qu'elles devraient par essence déjà avoir.
La prise de conscience des lectrices passe également par des images percutantes : ainsi, Olympe de
Gouges mentionne l'esclavage, le servage est aboli en métropole sur les domaines royaux depuis
1779, pour évoquer par analogie la condition passée des hommes et en souligner le caractère
odieux. Le jeu des déterminants et pronoms possessifs marque toutefois la condition singulière
des femmes : les deux premiers temps de la phrase associent dans « multiplié ses forces » et «
recourir aux tiennes » la lutte des hommes et des femmes dans le chemin vers la liberté ; la
conclusion de la phrase souligne avec le déterminant « ses » dans « briser ses fers » que seul
l'homme a bénéficié de cette lutte quand le déterminant « nos » aurait logiquement été attendu. 
La phrase suivante renforce ce paradoxe avec la reprise de la structure « devenir » suivi d'un
attribut: « devenu libre » s'oppose à « devenu injuste » et montre que l'homme a profité seul des
bénéfices de la lutte et les a refusés à son alliée : ils se sont approprié cette liberté, tout en laissant
les femmes dans leur condition injuste. Ils n’ont pas étendu leur émancipation aux femmes qui ont
été les oubliées des principes en théorie égalitaires et progressistes des révolutionnaires.

Mouvement 2

Elle poursuit son travail de prise de conscience par une suite de questions
rhétoriques destinées à mobiliser ses lectrices et à rendre l’appel plus concret. Dans la
première, « quand cesserez-vous d’être aveugles ? », l'emploi de l'adjectif péjoratif «
aveugles » souligne de manière provocatrice la part de responsabilité des femmes
dans leur condition en soulignant leur manque de discernement. L'enchainement de
questions et de réponses qui se poursuit tout au long du mouvement anime le discours
en instaurant un dialogue fictif entre O. de Gouge et les femmes : le propos y gagne
une véritable force oratoire destinée à remporter l'adhésion des lectrices et à les
pousser dans l'action.
Olympe de Gouges souligne dans ce mouvement les injustices dont sont victimes les
femmes : elle rappelle notamment comment elles ont été dépossédées du pouvoir à
travers un jeu d'antithèses où les termes associés au pouvoir des femmes sont
immédiatement contrés et relativisés par des expressions contraires : ainsi, «
avantages » est lié à « mépris » et « dédain » et l'antithèse est renforcée par les adverbes
d'intensité « plus » devant les épithètes « marqué » et « signalé ».  

La question rhétorique « que vous reste-t-il donc ? » appelle d'ailleurs « rien » en réponse :
Olympe de Gouges surprend encore une fois ses lectrices avec la réponse « la
conviction des injustices des hommes ».

Si elle met en relief la déception, la réponse précédente souligne aussi ce que les
femmes ont acquis : la « conviction », qui apporte de la légitimité à leurs
revendications, évoquées par l'expression « réclamation de votre patrimoine ». Le bon
droit des femmes s'exprime ici dans le déterminant possessif « votre » qui réattribue aux
femmes ce dont elles ont été dépossédées et par la convocation des « décrets de la
nature » : le droit naturel est en effet indiscutable, c'est un décret, d'autant que
l'auteur rappelle ici avec l'épithète « sage » son caractère raisonnable.
Enfin, avec « tout, auriez-vous à répondre », Olympe de Gouges envisage la réponse que
les femmes pourraient faire à toutes les questions posées ; le recours au conditionnel «
auriez » marque toutefois une nouvelle fois une distance. Si elle envisage cette
réponse, elle montre également qu'elle n'est qu'une possibilité et que d'autres voies
sont ouvertes.
Mouvement 3

La subordonnée conjonctive circonstancielle d’hypothèse « S’ils s’obstinaient [...] principes


» envisage l’opposition des hommes en la discréditant aussitôt : le recours à
l’imparfait souligne tout d’abord qu’il ne s’agit que d’une éventualité, en aucun cas
d’une certitude. Le vocabulaire péjoratif qui les désigne, « obstinaient », « faiblesse », «
inconséquence » et plus loin « vaines prétentions », « orgueilleux », « adorateurs » exprime
le manque de discernement et de raisonnement des hommes et les place en position
de faiblesse. Ils ne sont donc qu’un obstacle mineur.
Cette lutte se place, par opposition à la posture des hommes, sous le signe de la
raison avec les termes « raison », « philosophie », « caractère » face à leurs « principes »
mais aussi sous celui de la puissance avec le champ lexical « force », « étendard », «
énergie ».
Le rapport de force sera même inversé avec « rampants à vos pieds » : l’homme
devient « servile ». Olympe offre cette vision en cadeau à ses lectrices pour les
impliquer, passant ainsi de « nos adorateurs » à « vos pieds » pour permettre à
chacune de se représenter comme celle qui domine.
Pour conclure, Olympe de Gouges rappelle aux femmes que cette vision n’a rien
d’utopique :la subordonnée conjonctive circonstancielle de concession « Quelles que soient les
barrières que l’on vous oppose » envisage les obstacles à venir tout en montrant qu’il n’y
aura pas d’exception quant au résultat.

Conclusion-
 L’autrice s’adresse ici en tant que cheffe de file du mouvement des femmes à ses lectrices : elle
réveille leur intérêt et leur conscience avant de leur montrer l’étendue de l’injustice qui leur ai faite
et de les mener vers la réaction et le combat. . Elle les présente comme de véritables guerrières,
comme des combattantes des Lumières qui se doivent de lutter sans peur une ressource essentielle à
leur disposition : leur esprit. O. de Gouges reprend la rhétorique de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen,  ce texte fondateur de la République. Véritable pamphlet, ce texte virulent
appelle les femmes à prendre conscience de leur condition servile et à se soulever pour se battre
pour leurs revendications et leurs droits.
 Elargissement possible : C. de Laclos, La Boétie

Vous aimerez peut-être aussi