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Introduction : Le sonnet « Vénus Anadyomène », écrit par Rimbaud en 1870 et publié dans les Cahiers de Douai,
peut être considéré comme un exercice de parodie. La parodie consiste dans l’imitation satirique d’un texte ou d’une
image, qui les détourne de leurs intentions initiales afin de produire un effet comique. Comme l’indique le titre, ce sonnet
prend pour thème le mythe antique de la naissance d’Aphrodite (Vénus Anadyomène signifie « Vénus née des flots »),
thème récurrent dans l'histoire artistique qui dépeint une jeune femme d'une grande beauté, qui sort d'un coquillage.
Mais, en rupture avec ce modèle traditionnel, il se donne pour objectif de produire une image dégradante du corps
féminin: il dresse le portrait d'une vieille prostituée repoussante.
- Problématique : En quoi Rimbaud remet-il en question les canons de la poésie traditionnelle ?
- Mouvements : progression du contre-blason, description du corps de la femme du haut vers le bas, suivant son
mouvement d'émergence des flots
- strophe 1 : émergence de la tête
- strophe 2 : laisse voir le cou, puis le dos, puis les reins
- strophe 3-jusqu'au tiret : interrompt l'ascension du corps, mouvement se prolonge vers l'avant :
lecteur invité à regarder de plus près
- deux derniers vers : chute du poème sur une dégradation totale du corps de la femme
- introduit un lexique peu poétique : "déficits" + "ravaudés" : contre-pied de la langue sublime du blason
traditionnel
- se libérer du carcan lyrique traditionnel
3e mouvement : interrompt l'ascension du corps, mouvement se prolonge vers l'avant : lecteur invité à regarder de
plus près
- laideur domine le 1er tercet
- "échine" v. 9, répétitions de "reins" v. 12 : animalisation
- "échine rouge" : la couleur ne symbolise pas la passion ici, mais est une évocation obscène du
corps nu
- le tatouage v. 12 : signe de prostitution, vient salir le corps blanc et immaculé de la Vénus
- "Clara Venus" : inscription ironique, signifie en latin à la fois célèbre mais aussi claire,
brillante, rappelle le modèle de la Vénus anadyomène défigurée ici par l'inscription même qui
la nomme
- "Horrible étrangement" v. 10 oxymore : fait entendre la dissonance du corps par l'inversion
adverbe/adjectif et par l'utilisation d'un adjectif long (rend le syntagme difficile à prononcer) ; mis en
relief par l'enjambement et la coupure à l'hémistiche ; formule hyperbolique qui magnifie la laideur
- "singularités" v. 11 : suggère une nouvelle sensiblité à la laideur, ou plutôt à l'originalité, à l'étrange, à
ce qui vient rompre avec les codes de la beauté idéale, qui est codifiée, faite de canons et de
conventions
- fait donc aussi référence aux singularités du poème lui-même
- propose une beauté poétique hors du carcan traditionnel qui peut prendre pour objet la
laideur pour la sublimer
- tous les sens sont convoqués pour dire la monstruosité et pour susciter un mouvement de répulsion chez le
lecteur
- "le tout sent un goût" v. 9 : synesthésie grâce au complément du verbe sentir qui allie dans un même
mouvement goût et odorat ; le "tout" peut faire penser au poème lui-même qui aurait le pouvoir
d'activer tous les sens du lecteur
- "on remarque surtout" v. 10 : le "on" vient remplacer le "je" lyrique de la poésie lyrique amoureuse ;
invite le lecteur à voir avec lui ; déf. "avoir le regard attiré par quelque chose" mis en valeur par
l'adverbe intensif "surtout" : la laideur attire le regard, elle fascine
- "voir" v. 11
- le jeu sur les couleurs pendant tout le poème invoque la vue du lecteur qui est appelé à voir
littéralement comme une apparition la femme décrite
Séquence n°1 : Les Cahiers de Douai, Arthur Rimbaud | Parcours : Émancipations créatrices | EL 2
- "à la loupe" v. 11 : attention aux détails et de la précision, qui assimile l'art poétique à la
sculpture (+ "gravés" v. 12)
- l’injonction « il faut » invite le lecteur à scruter cette étrange poésie au delà des
apparences premières du langage, au-delà du prosaïsme. Elle l’invite à dépasser les
modèles connus pour découvrir une poésie affranchie, un lyrisme de la laideur.
- Invite le lecteur à regarder la laideur, l'étrange, en suscitant une contemplation entre terreur et admiration qui
correspond au sublime