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Sujet 

: Pourquoi peut- on dire que Molière conçoit le théâtre comme un art complet dans la comédie Le
malade imaginaire ?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur la comédie Le
Malade imaginaire, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre
culture personnelle.
Plan de la dissertation
I. Le théâtre comme spectacle total : la volonté de plaire et de divertir
A. La comédie- ballet : un spectacle visuel grandiose et pluridisciplinaire
B. Des influences artistiques multiples
C. Des mises en abyme fréquentes pour un spectacle permanent.
II. Le théâtre : un art au service de la satire et d’une réflexion sur l’homme et la société , la
volonté d’instruire.
A. Une critique des mariages d’intérêt au cœur de l’organisation sociale
B. La satire de la médecine et des médecins
C. Une réflexion sur la mort et la maladie
Le Malade imaginaire est la dernière pièce de Molière, créée en 1673 au théâtre du Palais-Royal à
Paris. Molière, qui joue le rôle d'Argan, meurt juste après la quatrième représentation. On retrouve dans
cette pièce testament tout ce qui caractérise son théâtre. C’est en effet une comédie-ballet grandiose par
les fastes qu'elle déploie comme par la synthèse théâtrale qu'elle réalise. Nous nous demanderons quelles
caractéristiques de ce spectacle permettent d’affirmer que Molière envisage le théâtre comme un
spectacle complet. Tout d’abord nous nous intéresserons aux aspects spectaculaires de cette comédie,
propres à divertir le spectateur, puis, nous montrerons que par le théâtre, il s’agit aussi de s’interroger sur
la société tout en la critiquant et donc d’instruire.

Tout d’abord, Le Malade Imaginaire est fondé sur le spectacle et la comédie. La comédie-ballet est le


creuset de trois arts très prisés à la cour de Louis XIV : le théâtre, le chant et la danse. La pièce intercale
donc des intermèdes chantés ou dansés dans l’intrigue. Ces moments chantés et dansés sont liés à cette
intrigue : le prologue évoque la gloire de Louis XIV et annonce le thème de la pièce en chantant
les amours de bergers et bergères. Le premier intermède reprend le motif de l’amour malheureux avec
Polichinelle qui chante son amour pour Toinette. Le deuxième intermède, avec les Égyptiens déguisés en
Mores, place la question du mariage au cœur de l’intrigue. Le troisième intermède revient sur la satire de
la médecine. Argan est intronisé médecin dans une atmosphère de danse et de chant avec des docteurs
qui parlent un latin de cuisine comique. Le Malade imaginaire est de ce point de vue un véritable
spectacle qui stimule les sens auditif et visuel et convoque plusieurs arts.
Les influences de Molière sont par ailleurs multiples et empruntent toutes à des univers connus du
public. Le prologue par exemple, met en scène le monde de la pastorale très en vogue à l’époque. Le
premier intermède s'inscrit dans le sillage de la commedia dell'arte et de la farce. Annoncé par Toinette à la
fin de l’acte I, il met en scène Polichinelle, personnage typique de la commedia dell'arte qui chante en
italien la sérénade à la servante. Il est finalement arrêté et bâtonné en cadence par les archers et les
soldats du guet. Après avoir d’abord refusé de payer les archers, il finit par donner six pistoles aux soldats
qui menacent de le frapper à nouveau et il quitte la scène au milieu du ballet des soldats dans un épisode
burlesque et cocasse. Le deuxième intermède puise dans la mode de l'orientalisme qui s'installe peu à peu
en France et le dernier exploite la tradition du carnaval. Molière use de divers moyens artistiques et
littéraires afin de faire de cette comédie un modèle de divertissement.
Enfin, dans cette pièce, le divertissement est induit par les spectacles qu’organisent les
personnages eux-mêmes. Toinette est d’ailleurs le metteur en scène de nombreuses scènes de théâtre
dans le théâtre. La plus frappante est la mise en scène de la fausse mort d’Argan qui permet de démasquer
la vénalité de Béline et de révéler la loyauté d’Angélique (III, 12 et 13). Béralde joue aussi le rôle
d’organisateur de spectacles. C’est souvent lui qui introduit les intermèdes, comme lorsqu’il annonce les
danseurs mores pour calmer la colère d’Argan (II,9). Le procédé de théâtre dans le théâtre est aussi
présent lorsque Louison fait semblant d’être morte, quand Cléante et Angélique se déclarent leur amour à
travers un opéra improvisé (II,5) , quand Toinette se déguise en médecin(III,10) ou lorsque Molière se met
lui-même en abyme dans l’échange polémique entre Argan et Béralde (III, 3).Ces procédés de mise en
abyme accentuent l’effet comique, donnent une légèreté à la pièce et dédramatisent l’intrigue.

Spectacle et comédie se répondent donc dans le Malade Imaginaire. Toutefois, comme toujours avec
Molière, il s'agit certes d’amuser, mais aussi, par le rire, d'amener les hommes à se corriger de leurs
défauts en les épinglant sur la scène.

En premier lieu, la critique des mariages d'intérêt, sujet central de bien des farces, est une constante
des pièces du dramaturge. Elle redouble ici d'intensité en se dédoublant : deux mariages servent de cible,
celui prévu par Argan pour sa fille Angélique avec Thomas Diafoirus et celui d'Argan lui-même avec la
vénale Béline. Toinette puis Béralde tentent de le convaincre de ne pas marier Angélique dans son intérêt,
mais dans celui de sa fille. La réplique finale de Béralde dans la scène 3 de l'acte III prend même le tour
d'une brève moralité : « je vous dirai que […] pour le choix d'un gendre, il ne faut pas suivre aveuglément la
passion qui vous emporte, et qu'on doit, sur cette matière, s'accommoder un peu à l'inclination d'une fille,
puisque c'est pour toute la vie, et que de là dépend tout le bonheur d'un mariage  ».La critique des
mariages d'intérêt atteint son paroxysme lorsque Argan, contrefaisant le mort, découvre que, loin de le
pleurer, Béline se réjouit de son décès et ne songe qu'à s'emparer de son argent (III, 12).
Ensuite, la principale cible du Malade imaginaire est bien sûr constituée par les excès des médecins. À
cette époque, la médecine reposait sur des théories parfois fausses et se montrait incapable de soulager
les maux dont souffraient les hommes. La méconnaissance de l’anatomie et l’interdiction religieuse des
autopsies ont longtemps ralenti les découvertes scientifiques. Souvent les médecins sont considérés
comme des charlatans. Molière en dénonce tous les défauts, depuis le pédantisme du jeune Thomas
Diafoirus (II, 5) jusqu'à l'ignorance du médecin joué par Toinette (qui, à tout symptôme énoncé répond « le
poumon » et à toute ordonnance prescrite par ses pairs s'exclame « ignorant », III, 10) en passant
par l'autoritarisme despotique de Monsieur Purgon. Celui-ci ne mâche pas ses mots en qualifiant la
désobéissance d'Argan d’«attentat contre la médecine » et passe du ton d'un juge proférant une sentence
à celui d'un sorcier lançant une malédiction (III, 5). La satire des mauvais médecins culmine dans le dernier
intermède, dans lequel des comédiens jouent des médecins et imitent leur langage prétendument savant.
Pour finir, il faut préciser qu’une des thématiques importantes du Malade imaginaire est le rire sur
la mort, qui est très présente dans la pièce. Argan a peur de mourir, Angélique et Cléante songent au
suicide si on les sépare, Louison fait semblant de mourir, pour échapper à la correction dont la menace son
père (II, 8). Par ailleurs, Molière aborde bien sûr le thème de la maladie avec Argan, hypocondriaque
obsessionnel et monomaniaque, angoissé à l’idée de devoir mourir et qui se sent en permanence malade.
Béralde, par opposition, incarne sur scène la voix de la raison et se fait le porte-parole de l’auteur, il prône
une forme de sagesse en affirmant qu’il faut accepter son sort et ne pas chercher à tout prix à échapper à
notre condition mortelle. C’est une des réflexions proposées au spectateur, ce qui montre bien qu’au- delà
du rire et par le rire, la comédie Le Malade imaginaire propose un spectacle total faisant appel à toutes les
ressources de l’art.

Il s’agissait donc de se demander quelles caractéristiques du Malade imaginaire permettent


d’affirmer que Molière envisage le théâtre comme un spectacle complet. Nous avons d’abord montré que
le dramaturge utilise toutes les ressources du spectacle vivant pour produire une comédie- ballet nourrie
de nombreuses influences dans le but de plaire et de divertir. Puis, nous avons compris qu’il ne s’agit pas
uniquement de divertir mais aussi de dénoncer les mariages d’intérêt, critiquer la médecine et les
médecins, réfléchir sur la mort et la maladie. Quand Molière écrit Le Malade imaginaire, il se sait
gravement malade. On ne peut s’empêcher de voir derrière le personnage d’Argan l’auteur mourant, qui
joue avec la souffrance et la mort. Avec cette pièce, Molière donne un bon exemple de cet art capable de
plaire et instruire qu’est la littérature selon les fonctions que lui ont attribué les classiques, depuis
l’antiquité.

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