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Étude linéaire n°6 : les droits de la femme (« Homme es-tu capable d’être juste ?

Le padlet de la séquence 2 est ici : https://padlet.com/Troyes/16s85h9a7aoxhsv9

Introduction
Présentation de l’auteur et de l’œuvre : Le XVIIIe siècle, connu sous le nom du siècle des Lumières, prône la liberté d’expression,
d’opinion, la tolérance, la diffusion des savoirs pour tous et lutte contre l’ignorance, le fanatisme et l’obscurantisme. En 1789, le
peuple se révolte, fait entendre sa volonté de liberté et d’égalité et gagne le combat avec La Déclaration des Droits de l'Homme et
du citoyen. Cependant, ce texte ne convainc pas Olympe de Gouges qui considère que la femme est complètement oubliée et rejetée
de ce texte au profit de l’homme, le sexe masculin et non l’être humain. Ainsi, elle décide de rédiger une nouvelle déclaration, La
Déclaration des Droits de la Femme et de la citoyenne. Elle réécrit, non sans ironie, sarcasme et polémique le texte initial et fait
entendre la voix de toutes ces femmes oubliées et exclues.
Présentation de l’extrait : dans ce texte, appelé « l’exhortation aux hommes » ou « les droits de la femme », Olympe de Gouges
dénonce la tyrannie des hommes, au nom des valeurs de la Nature et des Lumières. Ce discours, sur un ton fortement polémique,
constitue un véritable réquisitoire contre les hommes.

[Lecture expressive du texte le jour de l’oral du baccalauréat]

Problématiques possibles :
Ø Dans quelle mesure ce discours est-il un défi lancé aux hommes ?
Ø Comment Olympe de Gouges dénonce la tyrannie des hommes ?
Annonce des mouvements du texte :
Ø De la ligne 1 à 3 (jusqu’à « tes talents ? ») : la thèse, l’oppression des hommes est injuste
Ø De la ligne 4 à 10 : la nature, un modèle à suivre
Ø De la ligne 11 à 15 : le blâme de l’Homme

Premier mouvement (l. 1 à 3) : Exposé de la thèse : l’oppression des hommes est injuste
- Olympe de Gouges s’adresse à double titre aux hommes : ils sont à le frein à l’émancipation féminine or les seuls à pouvoir
donner aux femmes les droits qu’elle revendique pour ses congénères. Elle les apostrophe donc : « Homme » (l. 1). Elle utilise,
pour ce faire, le nom « homme » au singulier, à valeur générique : il désigne à la fois tous les hommes et le genre masculin qui
s’oppose au féminin. Cette opposition est marquée dans la phrase suivante : « c’est une femme qui t’en fait la question » (l.
1)
- L’autrice adopte une démarche de conviction :
Ø Elle implique le destinataire et instaure donc un dialogue avec le lecteur (à travers l’homme, c’est aussi le lecteur qui est
visé)
Ø Elle s’implique tout au long du texte avec le pronom « je »
- Pour s’adresser aux hommes, l’autrice choisit le tutoiement pour s’inscrire dans le prolongement de la Révolution et illustrer
sa thèse d’une égalité des genres : la femme n’est pas inférieure à l’homme et n’a donc à lui concéder aucune marque de déférence.
- La hardiesse de ce discours est à la hauteur de l’injustice dont les femmes sont victimes pour Olympe de Gouges. Elle
recourt, pour la dénoncer, au champ lexical de l’asservissement, de l’esclavage : « souverain empire » (l. 2), « opprimer » (l. 2),
« empire tyrannique » (l. 5).
- Ainsi, l’autrice met les hommes violemment en cause et exerce sur son destinataire une forte pression discursive. Elle accumule
les questions rhétoriques (« es-tu capable d’être juste ? » l. 1, « Dis-moi ? » l. 2, Qui t’a donné le souverain empire... ? » l. 2, « ta
force ? tes talents ? » l. 3) qui prennent une modalité exclamative exprimant le reproche et l’indignation, mais aussi une modalité
injonctive : il faut que cela change. Ces questions rhétoriques nient par ailleurs implicitement les prétentions de l’homme : l’autrice
met en cause sa capacité à être « juste », tout comme ses « talents ».
- Le registre polémique se ressent également dans le jeu d’opposition des 1ère et 2ème personnes : « tu » vs « moi », « mon » vs
« ta », « tes ». Dès le début, Olympe de Gouges met les hommes au défi de reconnaître leur erreur (ils n’avaient pas à opprimer
les femmes) et à rendre compte auprès d’elle par un impératif : « Dis-moi ». Elle fait aussi preuve d’ironie en s’autorisant au
moins ce droit à poser des questions (l. 1-2). Olympe de Gouges met en avant que ce sont des arguments infondés : refus du droit
du plus fort.

Deuxième mouvement (l. 3 à 10) : La nature, un modèle à suivre


- Olympe de Gouges entend démontrer aux hommes que leur domination exercée sur les femmes est contraire à la nature, donc à
Dieu => c’est un argument d’autorité et un contre-argument. Elle oppose donc l’homme, à la 2ème pers. du singulier « tu », au
« créateur » (l. 3) qui, lui, fait preuve de « sagesse » (l. 3). Elle contraint l’homme à considérer Dieu, véritable souverain de toutes
choses, et la nature, création divine, pour souligner le caractère illégitime de sa prétention à gouverner les femmes, créatures divines.
- Olympe de Gouges énumère les éléments de la création divine (« la nature » l. 3, les « animaux » l. 6, les « éléments » l. 6, les
« végétaux » l. 6, « la matière organisée » l. 7) qui ont ici valeur d’exemples.
- Elle met en évidence grâce au registre épidictique la perfection de la Nature par des hyperboles : « sa grandeur » (l. 4),
« ensemble harmonieux », « chef d’œuvre immortel » (l. 10).
- Ce discours se manifeste aussi dans l’ironie dont Olympe de Gouges fait preuve à l’égard de l’homme. Elle suspecte sa mauvaise
foi : « donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique » (l. 4-5). => L’Homme, en s’entêtant à distinguer l’homme
de la femme, en la considérant inférieure et en exerçant sur elle une domination, fait erreur, ce que Olympe de Gouges veut
lui faire reconnaître.
- Conformément aux principes des Lumières, elle l’enjoint fermement donc à observer rigoureusement le monde qui l’entoure.
Elle utilise le champ lexical de l’étude : « Observe » (l. 3), « parcours » (l. 3), « Remonte » (l. 6), « consulte » (l. 6), « étudie » (l.
6), « cherche, fouille et distingue » (l. 8). Elle enjoint l’homme à considérer de manière rationnelle, scientifique la nature.
- Elle accumule ces verbes d’étude et les emploie à l’impératif pour exercer une forte pression sur son destinataire. Elle met
l’homme au défi de lui prouver le contraire !
- On remarque ensuite qu’Olympe de Gouges, une femme, fait preuve – ironiquement - de bienveillance, pour aider l’homme
à reconnaître son erreur : « rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens » (l. 7-8). Mais, tout aussitôt, elle met en cause
sa capacité à conduire une juste observation du monde : « si tu le peux » (l. 8) => ces provocations n’ont d’autre but que de
piquer au vif le destinataire, de l’obliger à se remettre en cause.
- La perfection de la Nature est due à la complémentarité des genres masculin et féminin : on ne peut distinguer « les sexes dans
l’administration de la nature » (l. 8-9), ce que l’autrice souligne par un parallélisme anaphorique : « Partout tu les trouveras
confondus, partout ils coopèrent » (l. 9-10) => c’est un modèle à suivre car l’égalité y triomphe :
Ø il n’y a pas d’oppression
Ø la nature est fondée sur l’harmonie/équité/de la coopération.
=> Un tel « empire tyrannique » du genre masculin sur le genre féminin n’existe donc pas dans la nature.

Troisième mouvement (l. 11 à 15) : Le blâme de l’Homme


- Le dernier mouvement du texte marque une rupture dans la situation d’énonciation. Olympe de Gouges passe de la 2ème à
la 3ème personne du sg pour désigner les hommes : de « Homme, es-tu » (l. 1) à « L’homme seul » (l. 11), « il » (l. 13). De même,
elle ne désigne plus les femmes à la première personne mais à la 3ème :« sur un sexe » (l. 13), comme si elle prenait de la distance
par rapport aux destinataires. Peut-être parce que les hommes sont si éloignés des principes qui sont les siens, et ceux des Lumières,
qu’elle les trouve étrangers.
- Ce dernier mouvement est l’occasion pour l’autrice de préciser le contexte de sa Déclaration et d’énoncer les principes qui la
fondent. Elle désigne le mouvement auquel elle appartient, « siècle de lumières » l. 14, nomme la « Révolution » (l. 14), en rappelle
les principes fondamentaux : les « sciences » (l. 12), la « sagacité » (l. 12) [vivacité d’esprit], les « droits à l’égalité » (l. 14).
- Or, les hommes, en maintenant l’inégalité entre les sexes, dénaturent les Lumières, en violent les principes : le blâme est à son
paroxysme. L’homme est « seul » à se trouver ainsi contre-nature : c’est une « exception » (l. 11). L’adjectif postposé « seul » (l.
11) met donc en évidence la supériorité de l’homme ne relève que de sa volonté et non d’un état naturel, d’une volonté divine.
Olympe de Gouges souligne une démarche inductive erronée : « un principe de cette exception » (l. 11) (=> loi générale à partir
d’un cas isolé). Le verbe familier « fagoter » suggère que l’homme ne s’est pas même donné la peine d’habiller correctement cette
prétention, de la démontrer, de la fonder.
- L’homme se vante d’être savant et éclairé mais n’en a que l’apparence caricaturale : il est « boursouflé de sciences et dégénéré »
(l. 11-12).=> nous avons ici un blâme de l’homme qui est coupable de démesure et d’orgueil.
- L’accumulation des épithètes détachées et péjoratives (« Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré ») joue à la fois sur
les métaphores et l’hyperbole pour montrer à quel point l’homme se trompe sans en être conscient. => le registre ici est
fortement polémique.
- Le paradoxe se manifeste dans l’antithèse : « boursouflé de sciences » vs « ignorance la plus crasse » (=> idée renforcée par le
superlatif « la plus »). L’homme ne respecte pas les principes et valeurs de la Révolution, ce qui est souligné par une autre
antithèse : « dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse » (l. 12)
- L’homme apparaît comme un profiteur qui veut jouer sur les deux tableaux : celui de l’Ancien régime en continuant à
« commander en despote » (l. 13) sur l’autre sexe et celui du progrès en prétendant « jouir de la « Révolution » (l. 14), en réclamant
« ses droits à l’égalité » (l. 14).
- On perçoit ici un paradoxe : l’homme s’est battu pour obtenir de nouveaux droits mais ne veut pas les étendre à la femme
=> c’est lui qui devient le « despote », qui veut « commander ». Les termes renvoient ici à une forme de monarchie / tyrannie
qui ne serait plus politique mais sociale.
- Olympe de Gouges souligne que la Révolution a été confisquée aux femmes par les hommes, comme le montre l’emploi du
déterminant possessif « ses droits » (l. 14). => ironie. L’emploi du verbe « jouir » est à ce titre intéressant : il y a un glissement
sémantique du lexique du plaisir ici appliqué au domaine politique et social.
- Olympe de Gouges oppose ces hommes, dénaturés en dépit de leur discours libertaire et égalitaire, aux femmes dont elle
souligne qu’elles ont reçu « toutes les facultés intellectuelles » (l. 13-14). => éloge de la femme qui est une femme des Lumières.
- L’autrice clôt ce discours par une formule sibylline, « pour ne rien de plus » (l. 14-15), qui laisse suggérer qu’elle pourrait encore
alourdir la charge contre les hommes.

Conclusion (à rédiger sur votre cours)

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