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SEQUENCE 4 La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

Parcours : Ecrire et combattre pour l’égalité

DISSERTATION

Sujet 1 : En quoi la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne peut-elle être considérée comme un texte
engagé ?
Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur votre connaissance de l’œuvre d'Olympe de Gouges, mais aussi
sur les autres textes du parcours associé « Ecrire et combattre pour l’égalité » ainsi que sur vos lectures et votre culture
personnelle.

Analyse du sujet :
- Mots clés : texte engagé = texte qui prend position dans l’actualité de son temps – texte qui utilise l’art de la
rhétorique pour transmettre ses idées – critiquer, combattre, proposer des solutions
- Verbe : peut : pouvoir > implique une idée de possibilité, de capacité et non d’obligation.
- Mot interrogatif : En quoi… ? = caractéristiques > interrogation partielle = question ouverte > plan thématique
➢ Problématique : En quoi le texte d'Olympes de Gouges prend-il position dans l'actualité de son époque pour
défendre une cause ?

Plan :

I. QUOI ? Ecrire un texte engagé, c'est entrer dans les débats de la société
1) Par sa vie même : problème des femmes veuves, réduites au foyer + enfants illégitimes à reconnaitre
2) Par la réécriture des DDHC : se saisir d'un texte récent (1789)
3) La variété des genres de l’engagement
II. POURQUOI ? Ecrire un texte engagé, c'est dénoncer des cibles très précises
1) Dénoncer la question de l’esclavage en identifiant les responsabilités
2) Dénoncer l’inégalité hommes/femmes
3) Dénoncer la misère sociale
III. COMMENT ? Ecrire un texte engagé, c’est utiliser des moyens littéraires variés
1) Interpeller avec force (arg. 5)
2) La rhétorique du combat (argu 8)
3) Se projeter au-delà du combat.

Autre proposition : ClassicoLycée p. 102 (intro rédigée + plan détaillé + conclusion rédigée)

Introduction :
Le XVIIIème siècle porte le nom de « siècle des Lumières » ; il est le siècle de la prise de conscience de toutes
les inégalités dont souffrent les hommes en Europe et surtout, le désir, chez de nombreux penseurs et philosophes
de changer ce monde. Olympe de Gouges, célèbre autrice de la Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne, est de celles qui se saisissent des bouleversements de la fin de ce siècle pour porter haut ses
revendications. En quoi sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne peut-elle être considérée comme un
texte engagé ? « S’engager » signifie entrer au cœur des débats de son siècle pour à la fois révéler au public les
dysfonctionnements et à la fois tenter de modifier le cours négatif des choses. Ecrire un « texte engagé », c’est
combattre avec les moyens de la rhétorique. Autrement dit, on nous demande en quoi la Déclaration des droits de la
femme et de la citoyenne s’inscrit dans les débats de la société du XVIIIème siècle pour les révéler et dénoncer. Nous
verrons qu’Olympe de Gouges est intimement liée aux débats de son temps, puis qu’elle les dénonce précisément.
Nous verrons enfin dans un dernier temps à quel point ses textes usent de la force de la rhétorique pour être
efficaces dans cet engagement.
I – QUOI ? Ecrire un texte engagé, c’est entrer dans les débats de son temps
1) Par sa vie même : dès sa naissance, en 1748 : fille naturelle. Elle se dit « fille de la nature » par humour –> déjà,
elle brandit l’idée d’un « droit naturel » qui est au cœur de la Révolution de 1789.
- Elle vit les inégalités des femmes : veuvage précoce (mariage de raison), puis refus du remariage.
- Modification de son nom de famille : Gouze en « de Gouges » → désir d’entrer dans un monde d’hommes (la
littérature) à Paris. Elle est donc pleinement juge et partie des inégalités de son siècle mais elle cherche par sa vie
même à les vaincre.
2) La réécriture de la DDHC, c’est se saisir d’un texte brûlant d’actualité, celui qu’attendaient tous les opprimés
depuis des siècles. Oser le biffer, le transformer, le pasticher comme le fait O. de G., c’est s’engager avec une quasi-
insolence dans l’actualité de la Révolution. C’est aussi la question de la démocratie : au cœur de la philosophie des
Lumières. O. de Gouges s’en saisit puisqu’elle va mettre en évidence les failles de cette prétendue démocratie : si le
pouvoir est donné aux citoyens, elle va montrer que les femmes sont absentes de la citoyenneté grâce à sa
réécriture de la DDHC.
3) La variété des genres de l’engagement :
- O. de G. multiplie les genres : théâtre, pamphlets, affiches politiques. Mais même au sein de sa Déclaration : lettre,
articles, contrat, discours : chaque genre de l’argumentation est utilisé dans sa richesse.
- le conte philosophique : Voltaire choisit l’argumentation indirecte → intérêt de l’identification avec Candide : point
de vue interne, larmes qui finissent par être celles du lecteur.
- la lettre : Condorcet choisit l’argumentation directe : empathie, possibilité de rendre visibles les esclaves grâce à
l’emploi du pronom personnel de 2ème personne : « Je sais que vous ne connaîtrez jamais cet ouvrage » → le non
accès des esclaves à lecture est ainsi compensé par l’intérêt que leur porte Condorcet au seuil de son essai sur
l’esclavage.
Transition : Le texte d’O. De Gouges est un texte engagé dans la mesure où il prend en considération toutes les
failles de la société du XVIIIème siècle qui sont source de souffrance pour bien des hommes, mais nous verrons
que ce texte est également engagé parce qu’il dénonce précisément les ceux qui font obstacle au bien-être de
tous.

II – POURQUOI ? Ecrire un texte engagé, c’est dénoncer des cibles très précises.
1) La question de l’esclavage. rappel : commerce triangulaire au XVIIIème siècle. Cette question est examinée de
façon précise : Voltaire dénonce par exemple l’Église, complice de cette atrocité dans son conte philosophique
Candide mais aussi la rapacité des hommes blancs (jeu de mot sur le nom du propriétaire d’esclaves
« Vanderdendur »). De nombreux philosophes des Lumières soulignent les sombres raisons économiques de
l’esclavage : la modicité du prix du sucre est une dénonciation récurrente dans les textes : « C'est à ce prix que vous
mangez du sucre » écrit Voltaire. Condorcet, dans Réflexions sur l’esclavage des nègres pointe « Tous ceux qui se
sont enrichis dans les îles aux dépens de vos travaux et de vos souffrances ». O. de Gouges dénonce quant à elle les
sévices commis par les tortionnaires esclavagistes dans la forme du contrat social : « Les colons prétendent régner
en despotes sur les hommes dont ils sont les pères et les frères ; et méconnaissant les droits de la nature, ils en
poursuivent la source jusque dans la plus petite teinte de leur sang » → On retrouve ici l'idée de droit naturel chère à
Condorcet. Rien n’est caché malgré les risques de censure et de sanction : notons que sa pièce Zamore et Mirza en
1785 sera ainsi refusée à la Comédie-Française après la première de peur des représailles des esclavagistes.
2) L’inégalité homme-femme : question latente au XVIIIème siècle qui est aussi le siècle de la recherche du bonheur
à la fois individuel et collectif. Exemple 1 : Les 17 articles de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
défendent avec précision l’idée d’une égalité hommes/femmes véritables, égalité à la fois politique (article 3,7 et
10 : « la femme a le droit de monter sur l’échafaud : elle doit avoir également celui de monter à la tribune »), égalité
économique (articles 13, 14, 15 : « elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des
charges, des dignité et de l’industrie »). Voltaire, quant à lui, dans un de ses pamphlets fait se révolter la maréchale
de Grancey face à l’abbé de Chateauneuf à propos d’une parole de l’apôtre Paul « Femmes, soyez soumise à vos
maris ». Elle démontre avec force et humour l’absurdité d’une telle domination masculine. Ce combat de l’égalité est
pleinement repris par O. de Gouges qui montre qu’il s’inscrit dans tous les rouages de la société : la justice, le couple,
le vote, la famille
3) La misère sociale : OdG n’hésite pas à exhiber les conséquences des inégalités : prostitution, misère de la femme
et de l'enfant abandonnés > exemples précis à citer de la Forme du contrat social de l’homme et de la femme.
C’est un combat qui sera particulièrement repris au XIXe siècle par V. Hugo qui écrira son roman Les Misérables
(1862) afin de donner une visibilités à tous les déshérités. Il reprendra une telle dénonciation dans nombreux de ses
poèmes : « Ecrit après la visite d’un bagne » (1853) où il rend responsable la société de l’abandon moral et social des
exclus et des délinquants : « Ils sont les malheureux et non les ennemis. /Le premier crime fut sur eux-mêmes
commis ; /On a de la pensée éteint en eux la flamme : /Et la société leur a volé leur âme. »
S’engager, pour notre autrice, c’est donc dénoncer les différents acteurs des inégalités, c’est les exhiber afin de
faire connaître les cibles à attaquer. Mais c’est surtout dénoncer en usant la force des mots.
III – COMMENT ? Ecrire un texte engagé, c’est utiliser des moyens littéraires de combattre variés
1) Interpeller le destinataire. Pour que le combat entraîne une réaction chez les lecteurs, l’interpellation est l’un des
moyens les plus efficaces qui soient. Cela se fait à deux niveaux chez OdG : interpellation polémique de l’homme,
incitatrice à la révolte pour les femmes, dès le texte qui précède le préambule de la DDFC : « Homme, es-tu capable
d’être juste ? » Cette apostrophe est efficace pour différentes raisons ici. D’abord dans l’emploi de la question
rhétorique qui ne peut manquer de saisir le destinataire mais aussi dans le tutoiement qui marque le mépris de
l’autrice et de toutes les femmes. L’interpellation des femmes se fait dès la lettre à la Reine : appel à la solidarité
féminine en tant que mère et épouse. Puis dans le postambule : « Femme, Femme, réveille-toi » : même tutoiement
mais appel au soulèvement, au réveil après des siècles d’oppression.
2) La rhétorique du combat.
La littérature dispose de nombreux moyens pour être efficace et combattre.
- le registre ironique : O. de Gouges se montre particulièrement ironique quand elle leur s’adresse à l’homme : « Qui
t’a donné le souverain empire1 d’opprimer2 mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? » → l’ironie a le don de piquer
le destinataire et ainsi de rendre évidents les dysfonctionnements.
- le registre polémique : OdG attaque sans hésitation la tyrannie masculine « Bizarre, aveugle, boursouflé de
sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il veut
commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles » → OdG. Accuse l’homme
d’attirer à lui seul les bienfaits de la Révolution sans les mériter, attitude indigne des Lumières.
- Les figures de style d'insistance : usage de l'anaphore très fréquent dans le Contrat social.
3) Envisager l’avenir
S’engager, c’est s’inscrire dans les débats de société de son temps pour les dénoncer mais aussi pour envisager un
meilleur avenir. Le lecteur sent dans la variété des textes d’OdG un fort désir de de changer la société : à la fin de la
lettre à la Reine : évoque un avenir radieux sans la « tyrannie ».
- emploi du conditionnel dans le Contrat = souhait + force de l'engagement : « Je voudrais encore » : 4 fois ce « je
voudrais » est répété. Ces anaphores se finissent par le « j'offre un moyen invincible pour élever l'âme des
femmes ». Ce verbe au présent est un véritable cadeau proposé à la Constitution.
- emploi du futur : Dans le contrat, ODG propose une « nouvelle formule pour l'acte conjugal » : « Combien il offrira
aux sages de moyens moraux pour arriver à la perfectibilité d'un gouvernement heureux ! » et proposant une loi
protégeant et encadrant la prostitution : « Cette chaîne d'union fraternelle offrira d'abord le désordre, mais par les
suites, elle produira à la fin un ensemble parfait. » -> l'emploi du futur est toujours associé à un avenir radieux.

Conclusion
Le texte d’Olympe de Gouges est un texte engagé, pleinement inscrit dans la Révolution des idées des
Lumières, les poussant même à leur logique la plus complète afin d’en faire émerger les inégalités qui n’ont pas
encore été mises en évidence. La force de ses textes, étranges par leur hétérogénéité parfois, est celle de tous les
auteurs de ce siècle : une force des mots, un tissage subtil entre polémique et juridique qui rappelle que la
littérature est malgré tout une arme utile comme l’affirmait Sartre : « Longtemps, j'ai pris ma plume pour une épée :
à présent je connais notre impuissance. N'importe : je fais, je ferai des livres ; il en faut ; cela servira tout de même. »

1
Souverain empire : pouvoir absolu et sacré
2
Opprimer : soumettre, persécuter

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