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CAHIERS DU CEDIMES

Enjeux Sociaux et Stratégies Économiques

Dossier spécial :
Brazzaville, capitale de la France libre

19e année – N° 1/2024

Revue trimestrielle

Mondialisation – Territoires – Entreprises


en partenariat avec l’Université Valahia de Târgovişte, Roumanie

ISSN : 2110-6045
LES CAHIERS DU CEDIMES

19è année- Numéro 1/2024 (janvier/février/mars 2024)

Dossier :
Brazzaville capitale de la France libre

« Les Cahiers du CEDIMES » sont publiés par

L’Institut CEDIMES
Campus de la Mondialisation et du Développement Durable
Site du Jardin d’Agronomie Tropicale de Paris
45bis, avenue de la Belle Gabrielle, 94736 Nogent sur Marne, France
www.cedimes.com

en partenariat avec l’Université Valahia de Târgovişte


Bd. Regele Carol I, nr. 2, 130024
Târgovişte, Roumanie,
www.valahia.ro

Directeur de publication : Valentin RADU, Université́ Valahia, Târgoviste, Roumanie

Rédacteur en chef : Marc RICHEVAUX

Rédacteur en chef invité : Brice Arsène MANKOU

Rédacteurs en chef adjoints : Denis DHYVERT, Mihai MIEILA

Comité de Rédaction : Claude ALBAGLI, Djoher ABDERRAHMANE, Iskra BALKANSKA, Hafedth BENABDENNEBI, Amel BERBER, Amel
GUEHAIRIA, Seloua SOUD - JOUBERT, Gulnar MUKHAMETKALIEVA, Éric PAMEN, Francesco SCALERA

Secrétariat de rédaction : Laura MARCU, Assaad GHAZOUANI

Présidence du Conseil Scientifique (cf. liste détaillée page suivante) : Maria DELIVANIS – NEGREPONTI, Hafedh BEN ABDENNEBI

Copyright © janvier 2024 – Les cahiers du CEDIMES, France


Reproduction interdite sans mention de la source

Vol 19 n° 1/2024, ISSN : 2110-6045

ISSN : 2110-6045
Comité́́ ́́ Scientifique de ce numéro

(Les membres permanents du conseil scientifique sont précédés d’une *)

* ALBAGLI Claude, Université Paris Gustave Eiffel, Institut CEDIMES, France

ABESSOLO Yves André, Doyen honoraire, Université de Maroua, Cameroun

* AGBEFLE Koffi Ganyo, Afrique de l’Ouest

* ARIBOU Mohamed-Larbi, Tanger, Maroc

*BAYONGWA Désiré, Université de Développement Durable en Afrique Centrale Bagira/Bukavu


(R.D.C.)

* BEN ABDENNEBI Hafedh, Carthage, Tunisie

* BITYE MENDOMO Mireille, Université de Yaoundé II, Cameroun

BUIRETTE Olivier, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 – France

* CAILLEAU Thierry (Angers) France

* CHETTAB Nadia, Université Badji Mokhtar, Annaba, Algérie

* CHRISOSTOME Elie, Université de Plattsburgh, Etats-Unis

* CIUCA Valérius, Université de Iasi, Roumanie

* DHYVERT Denis, Président du CEDITER, France

FEUBI PAMEN Eric Patrick, Université de Yaoundé II, Cameroun

* FIEVRE Narcisse, Université de Port-au-Prince, Haïti

FOUAD Naoui, Maroc

* GRUMO Rosalina, Université Aldo Moro, Bari, Italie

* GUEHAIRIA Amel, ENSSEA Alger, Algérie

GUEYE Birahim, Université Gaston Berger, Saint-Louis, Sénégal

* GULSOY Tanses, Université d’Istanbul, Turquie

* KANDZIJA Vinko, Opatja, Croatie

KHIAT Assya, Université d’Oran Es Sénia, Algérie

KONE Badini, Université Felix Houphouet Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire

* LAFAY Gérard, Université Paris II, France

3
M’HAMD Mohamed, Université Sidi Mohamed ben Abdellah, Fès, Maroc

MANKOU Brice-Arsène, Université Laval, Québec, Canada

* NASZALYI Philippe, Université d’Evry, France

* OLSZEWSKI Léon, Université Wroclaw, Pologne

ONDOUA BIWOLE Madeleine Viviane, Université de Yaoundé II, Cameroun

* RICHARD Blanche Nirina, Madagascar

* RICHEVAUX Marc, Université du Littoral Côte d’Opale, France

RIGAR Sidi Mohamed, Université de Marrakech, Maroc

ROUSSEL Bruno, Université de Toulouse, France

RYCKELYNCK Philippe, Université du Littoral-Côte d’Opale, France

SOUAK Fatima, Université́ de Bejaia, Algérie

* SU Zhan, Université Laval, Québec, Canada

TCHIKO Faouzi, Mascara, Algérie

TRID Sabah, Maroc

TUGEN Kamil, Université d’Izmir, Turquie

4
SOMMAIRE

Informations de la rédaction p. 8
Présentations de Valentin RADU, nouveau Directeur de publication des cahiers
du CEDIMES, de Hafedh BEN ABDENNEBI (Carthage) Tunisie, nouveau
Président du Conseil scientifique des cahiers du CEDIMES et de Assaad
GHAZOUANI, qui rejoint le secrétariat de rédaction
Marc RICHEVAUX, rédacteur en chef des cahiers du CEDIMES

Présentation du rédacteur en chef invité p. 10


Marc RICHEVAUX, rédacteur en chef des cahiers du CEDIMES

Editorial p. 11
Brice Arsène MANKOU, Professeur associé à l’université de Laval, Canada

Avant-propos p. 14
Thierry TASSEZ, Maire de VERQUIN

Verquin : ville de la mémoire et de l’amitié franco-congolaise p. 16


Brice Arsène MANKOU, Professeur associé à l’Université de Laval, Canada

Brazzaville capitale de la France libre : entre domination et complicité des élites p. 26


Paul Marie BOUKOULOU, Doctorant en Sciences Sociales Institut Catholique
de Paris, France

Regard croisé sur Brazzaville entre la capitale de l’Afrique Équatoriale Française


et la capitale de la France libre de 1940 à 1942 p. 37
Dr Jacques Gervais OULA, Université Marien Ngouabi, Congo, IFMV

Brazzaville, de la résistance sous l’empire colonial 1940 à la résilience


aujourd’hui, c’est-à-dire de nos jours. p. 53
Dr David Amelberge IKITI, Docteur, Faculté des lettres, Arts et Sciences
Humaines Université Marien Ngouabi, Congo, IFMV

Résistance accomplie et résilience inachevée chez le congolais Brazzavillois p. 65


Jocelyn Doumtsop DJOUDA, Psychopathologue clinicien, Université de
Yaoudé1/Université Marien Ngouabi, Congo, Chercheur à l’Institut de Formation
aux Métiers de la Ville (IFMV),

Quels rapports entre les anciens combattants et la France ? p. 74


Joséphine NTOLO BELINGA, Psychosociologue institut universitaire
Catholique de Bertoua / Université MARIEN NGOUABI Brazzaville Congo, IFMV

La conférence de Brazzaville : instigatrice de la nouvelle école africaine de


médecine et de pharmacie de Dakar (1944 – années 1950) p. 85
Mody KANTE, docteur en histoire contemporaine, Université Toulouse 2, France

5
Varia

Déterminants des recettes fiscales au Congo-Brazzaville : une analyse empirique


à partir du modèle ARDL p. 103
Ferdinand MOUSSAVOU, Enseignant- Chercheur, Université Marien Ngouabi,
Faculté des Sciences Economiques, République du Congo

Standardisation versus adaptation sur le marché international des services


bancaires. Le Cas d’Orange Bank Afrique p. 119
Miruna Ioana MANEA, Université Valahia de Târgoviște, Târgoviște, Roumanie

Les grands événements sportifs internationaux dans les pays en développement :


caractéristiques et les impacts
Major sporting events in developing countries: characteristics and impacts. p. 130
Patrick Ulrich KOMBO NDOUMA, Doctorant en Sciences et Techniques des
Activités Physiques et Sportives (STAPS) Chercheur à institut de Formation aux
Métiers de la Ville (IFMV) Université de LILLE, IFMV, Fabien WILLE,
Université de Lille (Membre de Geriico ULR 4073), Sorina CERNAIANU
Université de Craiova, Roumanie et Université de Lille, France

Stratégie d'approvisionnement du matériel didactique de sport, pour une relance


du sport et de l'éducation physique de qualité dans les établissements scolaires au
Congo-Brazzaville p. 141
Renate Livie BONZO GOMA, Doctorante en STAPS Université de Lille et
chercheure à l’Institut de Formation aux Métiers de la Ville (IFMV), France

L’Intelligence artificielle à la croisée des mondes : Une approche philosophique


et éthique p. 152
Bruno ROUSSEL, Université Toulouse III - Paul Sabatier, France, Claudia
SAPTA, Association ROSACE, France, Cédric TEYSSIE, Université Toulouse
III - Paul Sabatier, Laboratoire IRIT - Équipe de recherche : SIERA – UMR5505

Financement public de l'agriculture en recherche développement agricole et


réduction de la pauvreté rurale : Cas des pays de l'UEMOA p. 164
Ollo DAH, Enseignant-Chercheur, Assistant, Sciences Economiques et de Gestion
Université Norbert Zongo, Koudougou, Burkina Faso, Toussaint Boubié
BASSOLET, Enseignant-Chercheur, Maître de Conférences, Sciences
Economiques et de Gestion, Boukary OUEDRAOGO, Enseignant-Chercheur,
Maître de Conférences, Sciences Juridiques et Politiques, Université Thomas
Sankara, Ouagadougou, Burkina Faso

Information des membres p. 177


Publication de 3 ouvrages : « Finances publiques, de l’initiation à la maîtrise »,
« Comptabilité analytique et contrôle de gestion », « Techniques de fiscalité des
firmes, de contrôle et de contentieux »
Mohammed Abdelaziz BENKAMLA, Enseignant – Chercheur à l’Université
d’Oran 2, Algérie

6
Information des partenaires p. 178
Revue des Sciences de gestion n° 320

Règles de présentation des articles des cahiers du CEDIMES p. 179

7
INFORMATIONS DE LA REDACTION

Marc RICHEVAUX
Rédacteur en chef des Cahiers du CEDIMES

marc.richevaux@yahoo.fr

Le décès de notre collègue et ami le Recteur Ion CUCUI, Vice-Président du CEDIMES, qui, après avoir
beaucoup fait pour la création et le développement des cahiers du CEDIMES, en était directeur de
publication depuis l’année 2019 et les travaux du 50ème anniversaire du CEDIMES ont amené quelques
modifications dans les fonctions de l’équipe qui animait les cahiers.

Dans la tâche lourde et ingrate de directeur de publication, qui demande beaucoup d’efforts et offre peu
de visibilité, le Recteur CUCUI est remplacé par notre collègue Valentin RADU de l’université de
Targoviste (Roumanie) qui, de ce fait, en raison des incompatibilités juridiques et pratiques des deux
tâches, quitte le secrétariat de rédaction. Sa présentation a été faite dans le précédent numéro des cahiers.
Elle est toutefois rappelée ci-après.

Par ailleurs, notre collègue Maria DELIVANIS – NEGREPONTI ayant décidé de mettre fin à ses
fonctions de présidente du conseil scientifique, c’est notre collègue Hafedh BENABDENNEBI qui la
remplacera dans cette tâche et Assaad GHAZOUANI rejoint le secrétariat de rédaction.

Certains d’entre eux sont déjà connus de nos lecteurs, d’autres non.

LE NOUVEAU DIRECTEUR DE PUBLICATION :


VALENTIN RADU

Le nouveau directeur de publication des cahiers du CEDIMES est Valentin RADU, Professeur à
l'Université Valahia de Targoviste, Faculté des Sciences Economiques. Directeur de thèse en
comptabilité. Président de l'Association AVES de Targoviste. Membre des réseaux CEDIMES,
EUMMAS et EBEN. Directeur de projets nationaux et internationaux. Reviewer pour dix revues
indexées ISI et revues indexées BDI. Membre du comité de rédaction de plusieurs revues indexées BDI.
Chercheur invité pour des projets de recherche dans des institutions de l'UE et d'Asie des qualités qui
laissent augurer qu’il fera un excellent directeur de publication des cahiers du CEDIMES.

PRESENTATION DE HAFEDH BEN ABDENNEBI (CARTHAGE), TUNISIE,


NOUVEAU PRESIDENT DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DES CAHIERS DU
CEDIMES

Vice-Président du CEDIMES, Hafedh Ben ABDENNEBI est Professeur des Universités en Sciences
Economiques à l’IHEC - Université de Carthage, titulaire d’un Doctorat d’Etat en Economie du
Développement. Il est directeur du laboratoire de recherche en « Economie et Stratégies des Affaires »
(ECSTRA, LR11ES21 – IHEC Carthage). Ses publications et travaux de recherche et d’encadrement
scientifiques portent sur des thématiques sur le développement, les stratégies industrielles, les transitions
industrielles, les politiques industrielles, l’innovation, la maîtrise technologique, le transfert
technologique, le rattrapage technologique, le commerce international et les cycles économiques. Il a

8
été Directeur de l’Ecole Supérieure de Commerce de Tunis (ESCT) de 2005 à 2011. Il a été membre de
plusieurs jurys nationaux de recrutement et de promotion de l’enseignement supérieur. Il est membre de
la Commission Nationale Sectorielle en Sciences Economiques, auprès du Ministère de l’Enseignement
Supérieur et de Recherche Scientifiques, chargée de la réforme LMD et d’habilitation des parcours
pédagogiques. Il a été Consultant National auprès du Centre du Commerce International (CCI –
Genève).

ASSAAD GHAZOUANI, SECRETAIRE DE REDACTION

Assaad GHAZOUANI est Docteur en économie et enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences


Juridiques, économiques et de gestion de Jendouba (FSJEGJ). Il est directeur du département des
sciences économiques à la FSJEGJ et chef d'équipe EDIS au laboratoire de valorisation du patrimoine
Naturel et Culturel (LVPNC) à la FSJEGJ. Ses travaux de recherche portent sur les changements
climatiques, l'environnement, l'énergie, la sécurité alimentaire, l’analyse des données et la modélisation.
M. GHAZOUANI est l'auteur de nombreuses publications dans des revues internationales et dans des
ouvrages scientifiques.

Les nouvelles orientations des cahiers du CEDIMES, qui sont largement la suite logique des précédentes
vont donner une plus forte importance au secrétariat de rédaction.

Ces renforcements dans l’équipe ont pour objet d’améliorer la qualité et le fonctionnement de celle-ci
dans la perspective du classement prochain de la revue.

9
PRESENTATION DU REDACTEUR EN CHEF INVITE
Marc RICHEVAUX
Rédacteur en chef des Cahiers du CEDIMES

marc.richevaux@yahoo.fr

Le Pr Brice Arsène MANKOU, rédacteur en chef invité de ce numéro consacré à Brazzaville capitale
de la France libre, n’est pas un inconnu pour nos lecteurs les plus assidus, qui ont déjà eu l’occasion de
lire certains de ses travaux.

Docteur en sociologie, initialement enseignant à l’ULCO (DUNKERQUE/SAINT-OMER France) et à


l’université de Rouen Normandie, Sciences Po, Campus de Reims, chercheur associé au Laboratoire des
Dynamiques Sociales (DYSOLAB), Université de Rouen Normandie et dans des universités du Congo
Brazzaville, il est aujourd’hui Professeur associé à l’université de Laval, Chercheur invité du Centre de
Recherche et d’Ethique (CRE), Directeur du Centre Canadien de Recherche Interdisciplinaire sur
l’Afrique (CARIA) et Chercheur invité au Centre de Recherche d’Ethique (CRE), Université de
Montréal (Canada).

Ses travaux de recherche l’ont amené dans un premier temps à soutenir une thèse de Doctorat en
Sociologie (Université de Lille 2011) sur la « Cybermigration maritale » des femmes camerounaises.
Puis il s’est penché sur l’histoire de l’Afrique en général et en particulier celle du Congo (Brazzaville),
faisant de lui une personnalité particulièrement qualifiée pour diriger ce numéro des cahiers du
CEDIMES consacré à un événement important tant pour la France que le Congo, celui de Brazzaville
capitale de la France libre.

10
EDITORIAL : UN DEVOIR DE MEMOIRE S’IMPOSE :
BRAZZAVILLE FUT CAPITALE DE LA FRANCE LIBRE.

Pr Brice Arsène MANKOU


Professeur associé à l’université de Laval
Directeur du Centre Canadien de Recherche Interdisciplinaire sur l’Afrique
(CARIA)
Chercheur invité Centre de Recherche et d’Ethique (CRE)
Université de Montréal

Canada

bamankou@yahoo.fr

Un devoir de mémoire s’impose : Brazzaville fut capitale de la France libre, cela s’est concrétisé
notamment par la commémoration du 27 octobre 2023 qui marque cet événement.

Ce numéro consacré à Brazzaville Capitale de la France libre nous renvoie à un impérieux devoir de
mémoire, à savoir : La reconnaissance par la France de cette mémoire partagée entre le Congo et la
France.

En effet, tout commence le 18 juin 1940, lorsque le général de Gaulle lance à partir de Londres son appel
à la résistance. La guerre s’intensifiant, il prit la décision historique d’associer l’empire et les forces de
la France libre, à partir de Brazzaville qui, selon lui, fut le refuge de l’honneur et de la résistance
française à partir d’un texte dénommé : « Le manifeste de Brazzaville »

Que dit ce texte ?

« La France traverse la plus terrible crise de son histoire. Ses frontières, son empire et son indépendance
et jusqu’à son âme, sont menacés de destruction… Or, il n’existe plus de gouvernement proprement
français… »

Dans son ouvrage collectif consacré à l’odyssée des soldats noirs de la guerre 1914-1918 sur la force
noire, un sociologue1 revient sur le rôle joué par les soldats noirs dans la première guerre mondiale de
1914-1918.

Lors de la seconde guerre mondiale Brazzaville, fut « le refuge de notre honneur et de notre
indépendance », cet extrait du discours du général de Gaulle décrit le contexte dans lequel cette ville
compte pour la France. En effet, en France, l’engagement des soldats partis de Brazzaville à l’appel du
général de Gaulle est largement méconnu par les nouvelles générations.

Plusieurs travaux scientifiques reconnaissent le rôle fondamental joué par « la force noire » qui permit
à la France de siéger à la table des vainqueurs. C’est le cas des travaux scientifiques d’Éric JENNINGS,
historien et enseignant à l’Université de Toronto, qui souligne que : « Entre 1940 – 1944, 17 013
africains furent recrutés par la France libre en Afrique Equatoriale Française et au Cameroun… ».
Dans son ouvrage intitulé : La France libre fut africaine 2, l’historien démontre que la place prise entre

1
Brice Arsène MANKOU (dir.), L’odyssée des soldats noirs de 14-18, éd. Edilivres 2019, 124 p.
2 Eric JENNINGS, La France libre fut africaine, Paris, éd. Perrin, 2014, 352 p.

11
1940 et 1943 par l’AEF (Afrique Équatoriale Française) dont la capitale a été Brazzaville fut essentielle.

Lorsqu’on lit le manifeste de Brazzaville, le général de Gaulle le réaffirme à Brazzaville en ces termes :
« La France traverse la plus terrible crise de son histoire. Ses frontières, son empire, son indépendance
et jusqu’à son âme ont menacés de destruction. Cédant à une panique inexcusable, des dirigeants ont
accepté des rencontres et subissent la loi de l’ennemi… Or il n’existe plus de gouvernement français… »

C’est précisément parce qu’il n’existait plus de gouvernement français que le général de Gaulle s’est
rendu à Brazzaville pour bâtir une stratégie qui mena la France à la victoire. Combien de Français en
sont conscients ? Pourquoi l’histoire de Brazzaville, capitale de la France libre, a-t-elle été occultée ?

Après un avant-propos du maire de Verquin, on pourra lire des articles consacrés à Verquin (Verquin :
ville de la mémoire et de l’amitié franco-congolaise, Dr Brice Arsène MANKOU), les articles qui
suivent permettent de revenir sur ces périodes et d’en tirer des conclusions dont certaines sont encore
d’actualité aujourd’hui. On trouvera un texte expliquant que la France doit prendre conscience du fait
que la situation en Afrique a changé (Brazzaville capitale de la France libre : entre domination et
complicité des élites. Paul Marie BOUKOULOU, Doctorant en Sciences Sociales Institut Catholique
de Paris, ICP), un autre propose une réflexion sur le rôle historique majeur que Brazzaville jouait
concomitamment comme capitale de l’Afrique Équatoriale Française (AEF) et capitale de la France
Libre courant la période allant de 1940 à 1942. (Regard croisé sur Brazzaville entre la capitale de
l’Afrique Équatoriale Française et la capitale de la France libre de 1940 à 1942 Jacques Gervais
OULA). Un autre, partant de l’histoire mémorielle de Brazzaville, capitale de la France libre qui eut
pour acteur principal le général de Gaulle, permet d’éclairer et d’élever la pensée face aux réalités et aux
défis du XXIème siècle (Brazzaville, de la résistance sous l’empire colonial 1940 à la résilience
aujourd’hui, c’est-à-dire de nos jours. David Amelberge IKITI, Docteur Faculté des lettres, Arts et
Sciences Humaines, Université Marien Ngouabi, Congo)

La France vaincue n’aurait pas pu subsister sans le coup de main des étrangers en général et des africains
en particulier il est bon de le rappeler (Résistance accomplie et résilience inachevée chez le congolais
brazzavillois, Jocelyn Doumtsop DJOUDA, Psychopathologue clinicien Université de Yaoudé1/
Université Marien Ngouabi, Congo). Suit une investigation sur la situation des Anciens Combattants de
l’Afrique Equatoriale Française, en particulier ceux de Brazzaville Capitale de la France Libre (1940-
1949) (Quels rapports entre les anciens combattants et la France. Joséphine NTOLO BELINGA
Psychosociologue institut universitaire Catholique de Bertoua, Université MARIEN NGOUABI
Brazzaville Congo).

Un autre texte montre que les historiens présentent une France embrigadée économiquement,
politiquement, militairement et sociologiquement pendant cette période qui est aussi celle qui a vu
l’ambition des autorités coloniales d’instruire des praticiens africains acquis à la médecine occidentale
pour appuyer le personnel européen dans la lutte contre les fléaux qui freinent l’accroissement de la
population commencer à se concrétiser (conférence de Brazzaville : ville instigatrice de la nouvelle
école africaine de médecine et de pharmacie de Dakar (1944 – années 1950), Mody KANTÉ,
Docteur en histoire contemporaine Université Toulouse 2).

Ces articles sont complétés par une partie Varia qui évoque des problèmes plus contemporains tels que
la Stratégie d'approvisionnement du matériel didactique de sport, pour une relance du sport et de
l'éducation physique de qualité dans les établissements scolaires au Congo-Brazzaville (Renate
Livie BONZO GOMA, Doctorante en STAPS université de Lille), l’approche des jeux olympiques
amène des auteurs à se pencher sur Les grands évènements sportifs internationaux dans les pays en
développement : caractéristiques et impacts Major sporting events in developing countries :
characteristics and impacts, Patric Ulrich KOMBO NDOUMA Doctorant en Sciences et Techniques
des Activités Physiques et Sportives (STAPS université de Lille France), Fabien WILLE Université de

12
Lille) Sorina Cernaianu Université de Craiova, Roumanie et Université de Lille, France) et les raisons
qui animent les Pays en développement et industrialisés à organiser ces événements.

Ce numéro comprend aussi un article qui se consacre à ce qu’il est convenu d’appeler l’intelligence
artificielle (L’Intelligence artificielle à la croisée des mondes : Une approche philosophique et
éthique, Bruno ROUSSEL Université Toulouse III - Paul Sabatier France, Claudia SAPTA Association
ROSACE France, Cédric TEYSSIE Université Toulouse III - Paul Sabatier France) et présente une
interrogation sur les recettes fiscales au Congo Brazzaville (déterminants des recettes fiscales au
Congo-Brazzaville : une analyse empirique à partir du modèle ARDL Ferdinand MOUSSAVOU
Enseignant- Chercheur, Université Marien Ngouabi, Faculté des Sciences Economiques).

Il se termine par deux articles, l’un qui se penche sur la Standardisation versus adaptation sur le
marché international des services bancaires. Le Cas d’Orange Bank Afrique (Miruna Ioana
MANEA Université Valahia de Târgoviște, Târgoviște, Roumanie), qui ouvre la voie à un prochain
numéro des cahiers du CEDIMES en cours d’élaboration, consacré à l’entreprise et l’autre qui aborde
le thème du Financement public de l'agriculture en recherche développement agricole et réduction
de la pauvreté rurale : Cas des pays de l'UEMOA (Ollo DAH, Enseignant-Chercheur, Assistant,
Sciences Economiques et de Gestion, Université Norbert Zongo, Koudougou, Burkina Faso, Toussaint
Boubié BASSOLET, Enseignant-Chercheur, Maître de Conférences, Sciences Economiques et de
Gestion, Université Thomas Sankara, Ouagadougou, Burkina Faso, Boukary OUEDRAOGO,
Enseignant-Chercheur, Maître de Conférences, Sciences Juridiques et Politiques, Université Thomas
Sankara, Ouagadougou, Burkina Faso)

13
AVANT- PROPOS
Thierry TASSEZ
Maire de VERQUIN

ville-de-verquin@orange.fr

Pourquoi une stèle à Verquin ? C’est la sempiternelle question que me posent souvent à juste titre les
journalistes que je rencontre à chaque commémoration du 27 octobre qui correspond à l’appel de
Brazzaville.

En effet « Brazzaville, comme le souligne le général de Gaulle fut le refuge de notre honneur et de notre
indépendance ».

C’est cette ville qui a permis à la France d’être à la table des vainqueurs. Cette stèle de Verquin
dénommée « Brazzaville Capitale de la France libre » symbolise la reconnaissance de ces soldats morts
pour la France lors de la seconde guerre (1939 – 1945) à l’appel du général de Gaulle depuis Brazzaville.

Les soldats Congolais, Tchadiens, Camerounais, Centrafricains, Gabonais membres de l’Afrique


Equatoriale Française (AEF) ont répondu à l’appel du 27 octobre 1940, à Brazzaville en permettant la
victoire et la libération de la France. Ce n’est que justice qu’à Verquin nous puissions le reconnaître à
travers cette stèle qui est unique au monde. N’ayons ni honte, ni peur de reconnaitre que cette victoire
est aussi et avant tout africaine.

D’ailleurs, à Brazzaville, le général de Gaulle, nous mettait déjà en garde en ces termes : « Pourquoi la
France renierait-elle son œuvre africaine en dépit de certaines démagogies qui ne font que couvrir
divers impérialismes ? »

Il n’y a aucune raison de ne pas le reconnaitre aujourd’hui, avec la montée du racisme en France.

14
Verquin, aujourd’hui avec la stèle, est le témoignage vivant de l’amitié Franco- Congolaise et Franco-
Africaine.

« C'est parce que Brazzaville a été la capitale de la France libre que moi Thierry TASSEZ, je suis, un
homme libre ». Comme je le disais au Président de la République du Congo, son Excellence Denis
SASSOU NGUESSO, lors d’une audience qu’il nous a accordée en juillet 2021 à Brazzaville : « A
Verquin, bat le cœur du Congo et de toute l’Afrique ».

C’est dans ce sens que nous préparons, avec l’aide d’un cinéaste-réalisateur Tchadien, un film qui retrace
l’épopée de cette victoire grâce aux soldats africains qui sont venus nous libérer.

Je suis d’autant plus fier de travailler dans ce projet avec mon ami et frère, le Professeur Brice Arsène
MANKOU, sociologue qui travaille avec moi depuis le début de ce projet. Pour moi, c’est notre « Félix
EBOUE » dans les relations Franco-congolaises. Pour rappel, Verquin est une ville de la région Hauts
de France située près de Béthune au nord de la France. Verquin est située dans le département du Pas-
de-Calais. Venez visiter cette stèle, car le monde regarde Verquin et Verquin s’offre au monde.

15
VERQUIN : Ville de la mémoire et de l’amitié franco-congolaise

Pr Brice Arsène MANKOU


Professeur associé à l’université de Laval
Directeur, Centre Canadien de Recherche Interdisciplinaire sur l’Afrique (CARIA)
Chercheur invité au Centre de Recherche d’Ethique (CRE), Université de Montréal, (Canada)
bamankou@yahoo.fr

Résumé :

Brazzaville - capitale de l'AEF, (L’Afrique Equatoriale Française comptait quatre territoires français en Afrique
centrale : le Moyen-Congo (aujourd'hui Congo-Brazzaville), le Gabon, l’Oubangui-Chari (aujourd'hui
Centrafrique) et le Tchad), Brazzaville a été zone stratégique et la ville d’où sont parties les premières forces
armées de la France Libre. C’est toujours à Brazzaville que le Général de Gaulle lança son manifeste pour
constituer le conseil de défense de l’empire. C’est à Brazzaville que se tint, sous l’égide du Général de Gaulle, la
conférence dite de Brazzaville, qui permit de jeter les bases de l’Union Française.

C’est enfin à Brazzaville que le Général de Gaulle prononça un important discours sur l’autonomie,
l’autodétermination des peuples, discours qui donna la voie à la décolonisation et deux ans après aux
indépendances de la plupart des pays Africains Francophones.

S’il faudrait rappeler quelques dates, retenez simplement que c’est à Brazzaville, pendant l’occupation nazie, que
le Général de Gaulle va organiser la résistance à partir de ce pays qui compte dans l’histoire de la France.

Mots clés : France, Brazzaville, Verquin, de Gaulle, Congo

Abstract

Brazzaville - capital of the AEF, (French Equatorial Africa included four French territories in Central Africa:
Middle Congo (today Congo-Brazzaville), Gabon, Oubangui-Chari (today Central Africa) and Chad), Brazzaville
was a strategic area and the city from which the first armed forces of Free France departed. It was still in Brazzaville
that General de Gaulle launched his manifesto to constitute the defense council of the empire. It was in Brazzaville
that the so-called Brazzaville conference was held, under the aegis of General de Gaulle, which made it possible
to lay the foundations of the French Union.

Finally, it was in Brazzaville that General de Gaulle delivered an important speech on autonomy, the self-
determination of peoples, a speech which paved the way for decolonization and two years later for the
independence of most French-speaking African countries.

If we should recall a few dates, remember, simply that it was in Brazzaville during the Nazi occupation that General
de Gaulle organized the resistance from this country which counts in the history of France.

keywords: France, Brazzaville, Verquin, de Gaulle, Congo

Classification JEL : Z 0

16
1. Brazzaville, un territoire Français à part entière et non entièrement à part.
Brazzaville - capitale de l'AEF, (L’ Afrique Equatoriale Française comptait quatre territoires français
en Afrique centrale: le Moyen-Congo (aujourd'hui Congo-Brazzaville), le Gabon, l'Oubangui-Chari
(aujourd'hui Centrafrique) et le Tchad ), Brazzaville a été zone stratégique et la ville d’où sont parties
les premières forces armées de la France Libre. C’est toujours à Brazzaville, que le Général de Gaulle
lança son manifeste pour constituer le conseil de défense de l’empire. C’est à Brazzaville que se tint,
sous l’égide du Général de Gaulle, la conférence dite de Brazzaville, qui permit de jeter les bases de
l’Union Française.
C’est enfin à Brazzaville que le Général de Gaulle prononça un important discours sur l’autonomie,
l’autodétermination des peuples, discours qui donna la voie à la décolonisation et deux ans après aux
indépendances de la plupart des pays Africains Francophones.
S’il faudrait rappeler, quelques dates, retenez, simplement que c’est à Brazzaville pendant l’occupation
nazie, que le Général de Gaulle va organiser la résistance à partir de ce pays qui compte dans l’histoire
de la France.
Le 27 octobre 1940, le général Charles de Gaulle lance un Manifeste de Brazzaville, capitale de l'Afrique
Équatoriale Française (AEF). Par ce discours vigoureux, il affirme son autorité et annonce la constitution
d’un Conseil de Défense de l'Empire depuis Brazzaville.
30 janvier 1944
Conférence de Brazzaville, prise de conscience des problèmes coloniaux. Le général de Gaulle regroupe
les représentants des territoires français ; premier pas vers l'Union française
24 août 1958
Discours de Brazzaville, de Gaulle présente aux populations locales les principes qui régiront les
nouveaux rapports entre la France et son empire : autonomie interne, libre détermination des territoires,
création d'un vaste ensemble politique, économique et de défense.
Brazzaville a été aussi la « Conférence africaine française » sous l'égide du général de Gaulle.
Regroupant les gouverneurs coloniaux d'Afrique noire, de Madagascar, les représentants des intérêts
économiques, et des membres de l'Assemblée consultative provisoire, la conférence de Brazzaville doit
définir les orientations futures de l'Empire et les rapports qui unissent la France à ses possessions d'outre-
mer. Elle est organisée et présidée par René Pleven, commissaire aux Colonies, qui a rejoint le général
de Gaulle dès juin 1940. Félix Éboué - le gouverneur général de l'AEF qui a rallié le Tchad à la France
Libre à l'été 1940 - et Henri Laurentie - secrétaire général de l'Afrique combattante - sont également à
l'origine de ce sommet.
Le document présente deux courts extraits du discours d'ouverture tenu par le général de Gaulle. S'il
propose l'émancipation des territoires français d'Afrique - que « la guerre présente n'a fait que
précipiter » - il ne conçoit néanmoins pas que celle-ci se fasse à l'extérieur du « bloc français ». Pourtant,
cet appel de Brazzaville - qui recevra un large écho à travers tout le continent - ouvrira la voie à
l'indépendance et lancera le processus de la décolonisation des territoires français d'Afrique.
Apparaît donc le poids de l’Afrique et des Africains dans la construction d’une France libre,
solide, crédible et unie derrière de Gaulle. L’importance de l’Afrique apparaît en filigrane dans le
programme du CNR qui, du fait des décisions prises à Brazzaville en l’absence d’Eboué (alors mourant),
ne pouvait proposer les mesures libérales (fédéralisme et rejet de l’assimilation) qui seront portées par
les 25 élus de l’Afrique noire qui, dès octobre 1945, siègent au Palais Bourbon. Ce sont ces hommes
politiques africains (Félix Houphouët-Boigny, Leopold Sédar Senghor, Sourou Migan Apithy et
d’autres) qui se saisissent alors de la question du contenu des réformes préconisées par le CNR.

17
En France, on a compté environ 5 000 « tirailleurs » africains au sein des Forces Françaises de
l’Intérieur. On en trouvait dans les différents maquis de France (52 dans celui du Vercors). On compte
également quinze africains dans l’ordre de la Libération (1063 membres) : un Algérien, deux Béninois,
un Burkinabé, trois Centrafricains, un Guinéen, un Malien, un Marocain et cinq Tchadiens.

2. Comment et pourquoi, Brazzaville, comme capitale de la France libre ?


La lutte pour la défense de cette France « libre » est née à Brazzaville.
C’est dans cette ville que fut lancée la reconquête des territoires contrôlés par Vichy puis la libération
du sud de la France grâce au débarquement de Provence.
Rappelons ici qu’au moins 17 000 recrues s’engagèrent entre 1940 et 1944 en Afrique-Equatoriale
française, venant s’ajouter aux 16 000 hommes déjà présents ; les Congolais, les Gabonais, les
Tchadiens, les Camerounais et tant d’autres ont ainsi contribué à la renaissance et au renforcement de
l’armée française libre.
Souvenons-nous également que c’est à Brazzaville que fut créé l’ordre de la Libération le 16 novembre
1940, afin d’honorer les forces combattantes et l’idéal de liberté pour lequel elles versèrent leur sang.
Brazzaville devint ainsi la capitale de la France libre et la clé de voûte de la résistance française.
Elle offrit une base arrière au général de Gaulle, qui disposa dès lors d’hommes et de ressources
supplémentaires, ce qui posa les jalons d’une indépendance politique à l’égard de l’allié anglais.
Elle lui offrit une voix ; Radio Brazzaville, une voix diffusée dans le monde entier, et sans censure, ce
qui permit au Général de s’exprimer librement depuis la capitale congolaise et de diffuser son message
de renoncement à la défaite.
Elle lui offrit une stature ; celle de chef d’Etat qui lui manquait pour renforcer sa crédibilité face aux
Anglais.
Elle lui offrit même une case digne d’un patriarche africain, la case de de Gaulle
Brazzaville, fut pour ainsi dire, une terre de la résistance et du gaullisme

3. L’analyse de la figure de Charles de Gaulle, l’homme de Brazzaville


3.1 Résister, c’est bien sûr s’engager pour une cause plus grande que soi
Il y a toujours eu chez le général de Gaulle cette volonté de se mettre au service de la France,
pour en défendre une certaine idée.
Cette volonté était viscéralement attachée à l’idée d’une France libre, indépendante et
souveraine, à ses valeurs humanistes et universalistes, qui imposaient de poursuivre la lutte contre le
nazisme.
C’est la même volonté qui anime Félix Eboué lorsqu’il choisit de répondre favorablement à
l’appel du 18 juin 1940, entraînant le ralliement du Tchad, du Cameroun, du Moyen-Congo et de
l’Oubangui-Chari. On l’oublie souvent, mais ils forment alors les premiers territoires de la résistance
française sur son propre sol, bien avant les maquis de métropole.
3.2 Résister, c’est aussi refuser le rétrécissement
La résistance, c’est le refus de l’effondrement collectif, répété à plusieurs reprises.
Il y a tout d’abord Londres et ce premier appel, un certain 18 juin 1940. Un cri du cœur que
nous connaissons tous, et qui apprend aux Français alors déboussolés que « la France n’est pas seule !
Elle a un vaste un vaste Empire derrière elle ».

18
Mais il y a aussi Brazzaville et ce manifeste du 27 octobre 1940, la voix du Général s’élevant
contre les débuts de la collaboration, initiés par la rencontre entre le maréchal Pétain et Adolphe Hitler
à Montoire. Refusant la compromission, il tire ainsi la sonnette d’alarme : « La France traverse la plus
terrible crise de son Histoire. Ses frontières, son Empire, son indépendance et jusqu’à son âme sont
menacés de destruction. »
Quelle singulière sonorité que cet appel à la France, à son indépendance et à sa grandeur lancée
au monde à partir de ce lieu même, à partir de ce que certains croyaient être les marges de l’Empire, et
qui se révélait être le cœur battant de la France libre.
Il fallait incarner et structurer cette résistance. Ce fut la naissance du Conseil de Défense de
l’Empire, composé des premiers fidèles au Général, futurs Compagnons de la Libération et héros de la
bataille de France : le général Catroux, l’amiral Muselier, le général Larminat, les gouverneurs Eboué
et Sautot, le colonel Leclerc, le médecin-général Sicé, le professeur Cassin et Thierry d’Argenlieu.
Ce message garde aujourd’hui toute son acuité. Prenons garde, encore et toujours, à ne pas céder
aux tentations de l’égoïsme et du rétrécissement :
Il s’agit de ne pas privilégier le repli identitaire sur l’ouverture, par peur de l’autre et par
paralysie de nos systèmes politiques vieillissants, qui ne répondent plus aux aspirations des peuples.
Il s’agit de ne pas se laisser enfermer dans la spirale des revendications nationalistes et
identitaires qui semblent s’étendre à travers le monde. C’est vrai en Catalogne, au Kurdistan, comme au
Cameroun ou en Centrafrique. Les séparatismes y portent les tensions à leur paroxysme et menacent ces
Etats d’implosion.
3.3 « Résister, c’est toujours résister à l’esprit du temps et à ses peurs » disait
Dominique de Villepin à Brazzaville.
Comme le soulignait Dominique de Villepin à Brazzaville, ce qui caractérise le Général de
Gaulle, c’est la résistance. « Résister c’était aussi penser à contre-courant et rassurer la France ».
Il a fallu s’imposer comme seul recours face à l’esprit de défaite qui s’était alors emparé de
l’état-major français résigné, et désireux de permettre à l’armée de sauver son honneur.
Il a fallu défier la puissance allemande, un temps victorieuse, et au même moment, passer outre
les réserves des Anglais pour imposer son autorité.
Il a fallu redonner son souffle à une France en proie à la peur et aux terreurs de l’occupation.
Aujourd’hui dans un contexte de crise sanitaire, nous sommes de nouveau dans un de ces
moments charnières où les dangers du monde se dressent face à nous tous. Un monde dans lequel
l’incertitude semble devenue la seule règle du jeu et où la peur est un horizon quotidien.
L’incertitude est tout d’abord politique.
Nous faisons face à une période d’imprévisibilité extrême sur la scène internationale, incarnée
par les revirements de l’administration Trump aux Etats-Unis, par le risque de conflit avec la Corée du
Nord ou avec l’Iran.
Dans le même temps, nous assistons à la montée des populismes, à l’affaiblissement des
démocraties occidentales et au recul des valeurs d’ouverture, de partage et de bien commun.
L’incertitude est aussi économique, alors que les crises répétées menacent la stabilité de
l’économie mondiale, fauchant des milliers d’emplois et répandant la pauvreté.
L’incertitude est enfin climatique, comme l’ont prouvé s’il en était encore besoin les derniers
épisodes cycloniques et sismiques dévastateurs. Sur ce sujet, la France, appuyée par les Etats d’Afrique,
a pris des engagements forts, notamment au travers de la COP21.

19
Tout comme les premiers combattants de la France libre ont dû apprendre à vivre avec
l’incertitude de voir la France survivre à la guerre, nous devons apprendre à vivre avec les incertitudes
de notre temps et à ne pas céder aux peurs et aux passions collectives.
A Brazzaville, le Général a appris à connaître, à aimer et à respecter le continent.
Après un premier échec essuyé à Dakar, de Gaulle, l’homme des Flandres, a découvert le Congo
et le continent africain en octobre 1940. Lui qui jusqu’ici ignorait presque tout de l’Afrique y trouve un
accueil chaleureux, des rapports francs, directs, et une sincérité qui le séduisent immédiatement.
Le Général a su par la suite reconnaître la valeur de l’engagement africain à ses côtés, revenant
ici à plusieurs reprises pour le célébrer. Son amour et son respect pour l’Afrique se sont pleinement
révélés lors de sa tournée de 1953, alors qu’il s’était mis à l’écart de la vie politique française.
Les notes préparatoires de ce voyage ont révélé à quel point le Général était soucieux de
connaître les territoires dans lesquels il souhaitait se rendre.
Cette année-là, le général de Gaulle s’est rendu deux fois à Brazzaville, ville qu’il affectionnait
particulièrement parce qu’il y avait reçu en 1940 un accueil qui l’avait profondément ému. Cette
affection, Brazzaville le lui a toujours bien rendu, elle qui l’accueillit souvent dans la case de Gaulle
bâtie en son honneur. »

4. Brazzaville, c’est aussi une terre d’histoire et de mémoire douloureuse des rapports
entre l’Europe et l’Afrique
4.1 « Je ne l’oublie pas, nous sommes sur une terre capitale des mémoires de
l’Afrique »
La traite esclavagiste a laissé ici de profondes cicatrices. Loango et la région de Pointe Noire
sont aujourd’hui le cœur de cette mémoire douloureuse.
De ce port au destin tragique, embarquèrent près de deux millions d’esclaves, en provenance de
toute l’Afrique Centrale et à destination des Antilles et des Amériques, dans des conditions totalement
inhumaines.
Loango se dresse donc comme le témoignage direct de cette sombre période et le précieux
réceptacle de cette mémoire, à l’image d’autres grands lieux de mémoire, comme la porte du non-retour
de Ouidah, la maison des esclaves de l’île de Gorée, ou les monuments aux esclaves de Stone Town et
de Cape Town.
Ici s’est également écrit notre histoire commune, qui comprend aussi bien l’épopée de la
résistance française que la colonisation et sa mémoire malade, hantée par les crimes passés, les dénis et
les non-dits. Cette mémoire, il s’agit d’en faire une force de remobilisation et non plus un obstacle au
développement des liens entre nos deux continents.
Aujourd’hui encore, toute politique menée depuis l’Europe vers l’Afrique est lue à travers le
prisme réducteur de l’époque coloniale, les soupçons de néocolonialisme demeurant récurrents. Prenons
garde à ne pas tomber, par sentiment de culpabilité, dans une indifférence contre-productive à l’égard
de l’Afrique.
Il nous faut parvenir à tourner la page de la colonisation et de la décolonisation si nous
souhaitons envisager un futur commun. L’Histoire, le travail de mémoire et les liens vivants entre les
peuples sont là pour nous aider à désensibiliser progressivement cette question et l’aborder avec moins
de passion que de raison.
4.2 Nous sommes sur une terre qui fut le lieu de la rencontre de Charles de Gaulle avec
l’Afrique

20
Preuve ultime de cet attachement, la dernière grande tournée africaine du Général en 1958
débuta par Brazzaville, qu’il choisit pour prononcer son discours, une véritable marque de déférence,
alors qu’il lui avait été suggéré de plutôt préférer Dakar ou Conakry à la capitale congolaise.
C’est pour commémorer ce 80ème anniversaire du Manifeste de Brazzaville que le 27 Octobre
2020, sous l’égide du Président Congolais Denis Sassou Nguesso, un grand colloque en présence de
plusieurs Chefs d’Etat se tiendra à Brazzaville.
Il faut
souligner qu’à
Verquin, le
Maire Thierry
Tassez et son
conseil
municipal en
France, ont,
depuis le 15
Novembre
2019, érigé en
mémoire de
Brazzaville,
capitale de la
France libre,
une stèle qui a
été inaugurée
au nom du
Président
congolais M.
Bienvenu Okiémy, Conseiller diplomatique du Chef de l’Etat congolais.
Ce 80ème anniversaire du manifeste de Brazzaville coïncide avec le 130 ème anniversaire de la
naissance du Général de Gaulle.
Cette stèle, marque l’amitié Franco- congolaise en terre Française.

Dans le Manifeste de Brazzaville, le général de Gaulle, reconnaît qu’il n’y avait plus de
gouvernement proprement Français et que le destin de la France se jouait à Brazzaville.
« La France traverse la plus terrible crise de son Histoire. Ses frontières, son Empire, son
indépendance et jusqu’à son âme sont menacés de destruction.
Cédant à une panique inexcusable, des dirigeants de rencontre ont accepté et subissent la loi de
l’ennemi. Cependant, d’innombrables preuves montrent que le peuple et l’Empire n’acceptent pas
l’horrible servitude. Des milliers de Français ou de sujets français ont décidé de continuer la guerre
jusqu’à la libération. Des millions et des millions d’autres n’attendent, pour le faire, que de trouver des
chefs dignes de ce nom.
Or, il n’existe plus de Gouvernement proprement français. En effet, l’organisme sis à Vichy et
qui prétend porter ce nom est inconstitutionnel et soumis à l’envahisseur. Dans son état de servitude, cet
organisme ne peut être et n’est, en effet, qu’un instrument utilisé par les ennemis de la France contre
l’honneur et l’intérêt du pays.
Il faut donc qu’un pouvoir nouveau assume la charge de diriger l’effort français dans la guerre.
Les événements m’imposent ce devoir sacré, je n’y faillirai pas.

21
J’exercerai mes pouvoirs au nom de la France et uniquement pour la défendre, et je prends l’engagement
solennel de rendre compte de mes actes aux représentants du peuple français dès qu’il lui aura été
possible d’en désigner librement.

Pour m’assister dans ma tâche, je constitue, à la date d’aujourd’hui, un Conseil de Défense de l’Empire.
Ce Conseil, composé d’hommes qui exercent déjà leur autorité sur des terres françaises ou qui
synthétisent les plus hautes valeurs intellectuelles et morales de la Nation, représente auprès de moi le
pays et l’Empire qui se battent pour leur existence.

J’appelle à la guerre, c’est-à-dire au combat ou au sacrifice, tous les hommes et toutes les femmes des
terres françaises qui sont ralliées à moi. En union étroite avec nos Alliés, qui proclament leur volonté de
contribuer à restaurer l’indépendance et la grandeur de la France, il s’agit de défendre contre l’ennemi
ou contre ses auxiliaires la partie du patrimoine national que nous détenons, d’attaquer l’ennemi partout
où cela sera possible, et de mettre en œuvre toutes nos ressources militaires, économiques, morales, de
maintenir l’ordre public et de faire régner la justice.

Cette grande tâche, nous l’accomplirons pour la France, dans la conscience du bien servir et dans la
certitude de vaincre ».

Brazzaville, capitale de la France libre, l’évènement sera célébré en France et à Brazzaville

Thierry Tassez Maire de Verquin et grand ami du Congo a bien compris le message du Chef de l’Etat
Français qui appelait les Maires de France à nommer certaines rues et places en hommage aux soldats
africains qui ont participé à la Libération.

Le Président Emmanuel Macron le rappelait lors du débarquement de la Provence en ces termes :

« Ils étaient des Français


d'Afrique du Nord, pieds
noirs, tirailleurs algériens,
marocains, tunisiens,
zouaves, spahis, goumiers,
tirailleurs que l'on appelait
sénégalais mais qui
venaient en fait de toute
l'Afrique subsaharienne, et
parmi eux des Guinéens,
Congolais, des Gabonais,
des Centrafricains, des
Camerounais, des
Ivoiriens… Je lance
aujourd'hui un appel aux
maires de France pour
qu'ils fassent vivre, par le
nom de nos rues et de nos places, par nos monuments et nos cérémonies, la mémoire de ces hommes qui
rendent fiers toute l'Afrique et disent de la France ce qu'elle est profondément : un engagement, un
attachement à la liberté et à la grandeur, un esprit de résistance qui unit dans le courage »

22
5. A Verquin : la France reconnait Brazzaville, avec une stèle en mémoire des soldats
partis de Brazzaville, à l’appel du général de Gaulle
Le combat de Jérôme Ollandet est un combat que l’on peut qualifier de prophétique et d’historique.
C’est un ouvrage qui paie aujourd’hui, car il sert de référence à la restitution des faits historiques qui
sont sacrés. Car l’histoire de la France est désormais cousue de fils noirs qu’on ne peut plus cacher ni
ignorer.

Ainsi, dans le cadre des relations liant la France et la République du Congo, une stèle, fabriquée à partir
du matériau en fer et découpée au laser par une entreprise béthunoise, se dresse désormais à Verquin,
dans le nord de la France, depuis le 15 novembre 2019, représentant le général de Gaulle passant en
revue les troupes africaines à Brazzaville, en 1940. Le Manifeste de Brazzaville y est installé en bonne
place.

Cette œuvre mémorielle, minutieusement conçue et réalisée grâce à l’excellente relation de coopération
établie entre Rodolphe Adada, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du
Congo en France, Brice Arsène Mankou, facilitateur, Chargé de la promotion de cette stèle et Thierry
Tassez, maire de Verquin, marque un tournant historique dans l’évocation de la place de Brazzaville
dans l’histoire tragique de la France.

Selon le maire de Verquin Thierry Tassez, ce premier monument dédié au sacrifice des soldats africains
« commémore Brazzaville, capitale de la France libre sous de Gaulle, et le sacrifice de tous les peuples
africains qui sont venus pendant la Seconde Guerre mondiale pour lutter contre le nazisme ».

A la faveur de la première visite du Président Emmanuel Macron à Brazzaville, le 3 mars dernier, un


projet similaire verra le jour à Brazzaville qui fut, selon les termes du Président Français, la capitale de
la France Libre, « un mémorial verra le jour pour honorer la mémoire de ces femmes et de ces hommes,
ces héros africains, qui n'avaient jamais foulé le sol de l'Hexagone mais ont donné leurs vies pour le
libérer ».

Il convient de rappeler que les bataillons venus d'Afrique et de l'empire colonial ont joué un rôle crucial
dans la Seconde Guerre mondiale, notamment lors du débarquement en Provence, en août 1944.

C’est le sens du colloque j’ai organisé avec le soutien du Député Carlos Bilongo à l’assemblée nationale
Française à Paris, le 09 décembre 2022. A cet effet, nous préparons avec les parlementaires Français et
congolais, un projet de loi pour reconnaitre cette partie de l’histoire Franco- congolaise.

Conclusion
Depuis la parution de son ouvrage de référence sur Brazzaville, capitale de la France libre, l’historien et
Diplomate Ollandet remettait à plat les relations déséquilibrées en la France et l’Afrique avec une
survivance sempiternelle du pacte colonial. Comme l'explique Yerri Urban, maître de conférences en
droit public à l’université des Antilles et auteur de « L’Indigène dans le droit colonial français 1865-
1955 », les indigènes n’ont pas les mêmes droits que les Français. Dans les faits, ils ont un statut distinct
et inférieur aux Français. Cette infériorité est justifiée par la « mission civilisatrice » de la France : le
colonisateur les considère comme non civilisés. Pourtant, Victor Schœlcher a consacré sa vie à la lutte
contre l'esclavage qui fut aboli par décret le 27 avril 1848.

Il faut rappeler que ce fameux code noir faisait de l'esclave un être « meuble » susceptible d'être acquis
par un maître au même titre qu'un bien.la France doit assumer son passé colonial et c’est dans ce sens

23
que le président Français Emmanuel Macron avait appelé , le 15 Août 2019 à Saint-Raphaël (Var), lors
des célébrations du 75ème anniversaire du débarquement de Provence, les Maires de France à honorer la
mémoire des soldats africains en ces termes : « Je lance aujourd'hui un appel aux maires de France pour
qu'ils fassent vivre, par le nom de nos rues et de nos places, par nos monuments et nos cérémonies, la
mémoire de ces hommes qui rendent fiers toute l'Afrique et disent de la France ce qu'elle est
profondément : un engagement, un attachement à la liberté et à la grandeur, un esprit de résistance qui
unit dans le courage ».

A ce jour, seul le Maire de Verquin, Thierry Tassez a répondu favorablement en cédant un bout de terre
au Congo et en érigeant une stèle en mémoire de ces soldats partis de Brazzaville à l’appel du général
De gaulle et morts pour la France.

Bibliographie
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2. Eric Jennings, La France libre fut africaine, Paris, Perrin, 2014.
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Muracciole (dir.), Dictionnaire de la France libre, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2010,
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5. Vladimir Trouplin, Dictionnaire des Compagnons de la Libération, Paris, Élytis, 2010.
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19 Fanon, Frantz, Peau noire, masques blancs, Seuil, Paris,1952 ; réédition. Seuil, coll. «
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d’analyse à Evry. Mémoire de troisième cycle Master sous la direction d’Alain LE
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10. Edward W. Said, Le monde, le texte et le critique. (Harvard University Press, 1983).
11. Edward W. Said, “ Foucault et l’imaginaire du pouvoir, ” Réflexions sur l’exile. (Cambridge :
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12. Lewis Gordon, Fanon and the Crisis of European Man : An Essay on Philosophy and the Human
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13. Jeanson, Francis, Le Problème moral et la pensée de Sartre, paris, éditions du myrte, 1947.
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15. Maslow, Abraham, L'Accomplissement de soi : de la motivation à la plénitude (Religions,
Values, and Peak Experiences (en)), 1964
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21. Tschumi, Raymond, Théorie de la culture, Lausanne, Editions l’Age d’Homme, Lausanne,
Editions l’Age d’Homme, 1983.
22. Tschumi, Raymond, La crise culturelle, ses cinq siècles d’histoire et son dépassement,
23. Philippe Coulangeon, « Culture », in Paugam Serge (dir.), Les 100 mots de la sociologie, Paris,
Presses universitaires de France, coll. « Que Sais-Je ? » 53

24
24. Alfred ADLER, Connaissance de l'homme, étude de caractérologie individuelle, Petite
Bibliothèque Payot, 1968
25. Devereux, Georges. Essais d’ethnopsychiatrie générale, préface de Roger Bastide, Paris,
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26. Mankou B. A. (2011), Cybermigration maritale des femmes camerounaises de Yaoundé vers le
Nord-Pas-de-Calais : Analyse sociologique, et enjeux sociaux d’une migration nouvelle, Thèse
de doctorat en sociologie, Université de Lille 1.
27. Abdelmalek, S. (1999), La double absence, Ed. Seuil, Paris, 1999.
28. Houis, Maurice. « Langage et culture », dans Encyclopédie de la Pléiade, Ethnologie générale,
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29. Selosse, Jacques. « Réflexions sur les personnalités maghrébines et occidentales », dans les
Jeunes immigrés, cefres de Vaucresson, 1981.
30. Roussillon René Le Moi-peau et la réflexivité, Paris, Le Carnet PSY 2007/5 (n° 118).
31. Joseph Conrad, Au Cœur des ténèbres, Paris, Flammarion, 1989. Traduction et préface de Jean
Jacques Mayoux.
32. A. Césaire, Discours sur le Colonialisme (1950), 2e édition Présence africaine, Paris, 1955.
33. Lévi-Strauss, Claude, Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1955.
34. Terray Emmanuel, « La vision du monde de Claude Lévi-Strauss », L'Homme, 1/2010 (n° 193),
p. 23-44.72, 146 p.,

25
BRAZZAVILLE CAPITALE DE LA FRANCE LIBRE : ENTRE DOMINATION ET
COMPLICITE DES ELITES.
Paul Marie BOUNKOULOU,
Doctorant en Sciences Sociales, Institut Catholique de Paris (ICP)
France

marctondidi04@gmail.com

Résumé

Par l’articulation de la relation du « moi (pour ou contre) toi », la reconnaissance ou non de cet autrui et les
dérives possibles de la relation à l’autre : annulation, déni, humiliation, utilisation, exploitation, méfiance,
défiance… la problématique de l’altérité rythme l’histoire de la relation entre Brazzaville et la France.
Sans l’appel de Brazzaville, la France ne serait certainement pas ce qu’elle est aujourd’hui : fière et forte de sa
place dans le monde. Celui-ci reste la figure du ralliement de ceux dont l’humanité est déniée à la cause de la
sauvegarde du sort de l’humanité.
Par son indéfectible volonté de maintenir « les servitudes du pacte colonial », au moyen de la coopération
militaire, l’aide publique au développement, le franc de la communauté française d’Afrique, les accommodements
entre les logiques d’émancipation des élites politico-économiques du Congo et les intérêts géostratégiques de la
France, celle-ci donne la preuve de l’asymétrie des relations entre Brazzaville et Paris. L’autre est alors un simple
moyen et pas une fin.
Dans le contexte de l’enracinement progressif d’un monde multipolaire, la survie de cette relation historique passe
par une revisitation nécessaire et équilibrée des bases de celle-ci.

Mots-clés : altérité, colonisation, Afrique équatoriale française, appel de Brazzaville, France libre,
indépendances africaines, Françafrique, coopération militaire française en Afrique, aide publique au
développement, franc CFA, monde multipolaire

Abstract

The history of the relationship between Paris and Brazzaville is punctuated by the issue of and the recognition or
otherwise of others, and the possible drifts in the way one relates to other otherness as the notion of "self" is always
construed in terms of "me being for or against you".
Without Brazzaville's call, France would certainly not be what it is today: proud and strong of its place in the
world. This remains the figure of the rallying of those whose humanity is denied to the cause of safeguarding the
fate of humanity.
By its unwavering desire to maintain "the easements of the colonial pact," through military cooperation, official
development assistance, the franc of the French Community of Africa, the accommodations between the
emancipation logic of the political and economic elites of the Congo and the geostrategic interests of France, it
proves the asymmetry of relations between Brazzaville and Paris. The other is then a simple means and not an
end.
In the context of the progressive rooting of a multipolar world, the survival of this historical relationship requires
a necessary and balanced revisitation of its foundations.

Keywords : alterity, colonization, French equatorial Africa, Brazzaville appeal, Free France, African
independence, Françafrique, French military cooperation in Africa, official development assistance, CFA franc,
multipolar world

26
Le concept de l’altérité, bien qu’appartenant au domaine de la philosophie, se trouve au fondement de
toute construction des relations humaines, de toutes relations intercommunautaires. En posant la
question de la place de l’autre dans l’agir de chacun et, par suite, dans la conduite de chaque
communauté, à travers « une intersubjectivité où sont postulées deux subjectivités »1, l’articulation de
la relation du « moi (pour ou contre) toi », la reconnaissance ou non de cet autrui et les dérives possibles
de la relation à l’autre : annulation, déni, humiliation, utilisation, exploitation 2, méfiance, défiance, …
la problématique de l’altérité rythme l’histoire de la relation entre Paris et Brazzaville.

Lorsqu’au XIXème siècle, l’Afrique devient un enjeu central de la rivalité entre puissances coloniales,
la France voit en celle-ci en général et au Congo – Brazzaville en particulier un réservoir de matières
premières et de bras valides pour la construction de la grandeur tant exaltée de la France, au milieu d’une
Europe largement engagée dans une course effrénée à la possession. C’est dans cette logique que, voyant
sa patrie humiliée par l’occupation nazie, de Gaulle pense à l’empire colonial comme un possible recours
pour libérer la France.

Dans la continuité de son appel à toutes les forces patriotiques lancé de Londres le 18 juin 1940, c’est à
Brazzaville que le général de Gaulle crée le conseil de défense de l’empire qui fait de Brazzaville la
capitale de la France libre, alors même que la défaite de la France est consommée et que l’armistice est
demandé.

A partir de cet évènement, nait, entre Brazzaville au bord du majestueux fleuve Congo et Paris au bord
de la Seine, une relation toute particulière de laquelle les parties impliquées sont légitimement fondées
d’attendre des retombées. Cette camaraderie, qui prend naissance alors même que le rapport entre les
deux parties est celui du colonisateur au colonisé, s’inscrit dans le temps long au point de résister au
vent des indépendances pour continuer à produire ses effets jusqu’en ce XXIème siècle dans un monde
multipolaire. Pierre Péan voit trois grandes étapes dans la relation entre la France et ses colonies : la
période des relations incestueuses incarnée par Jacques Foccart, le temps des velléités de rupture au
début des années 80 et enfin le bouleversement impulsé par le sommet de la Baule à travers le
conditionnement de l’aide au développement à l’acceptation de la gouvernance démocratique des
affaires publiques3. Il est à noter que les différents locataires qui se sont succédés au palais de l’Elysée
depuis l’appel de Brazzaville ont chacun incarne une certaine politique française de l’Afrique et partant
une approche spécifique de la relation franco-congolaise. Il convient alors de se pencher sur ce
commerce entre congolais et français en se focalisant sur la question de savoir si la prétendue évolution
de cette relation est induite par un changement paradigmatique de l’altérité entre ces deux acteurs
géopolitiques ou ses fluctuations sont plutôt la résultante des mutations incessantes des intérêts opaques
de la superclasse mondiale contre les peuples 4.

1. L’appel de Brazzaville ou la marque d’une amitié déséquilibrée

Lorsque le 18 juin 1940, le général de Gaulle lance son appel à toutes les forces patriotiques, la défaite
de la France est consommée et l’armistice est demandé. C’est l’expression de sa volonté et de son
engagement à poursuivre le combat contre l’obscurantisme, au péril même de sa vie. Quatre mois plus
tard, le conseil de défense de l’empire fait de Brazzaville la capitale de la France libre avec pour mission
principale de défendre la France et l’empire. Alors que l’appel de Londres reste le cri du cœur d’un
patriote quoique résolu à défendre l’honneur, la dignité et l’intérêt supérieur de sa patrie, l’expression
d’un homme esseulé aux possibilités d’actions limitées, modestes ; celui de Brazzaville est un véritable

1
CIFALI (M), « Altérité », dans : Anne Jorro éd., Dictionnaire des concepts de la professionnalisation. Louvain-
la-Neuve, De Boeck Supérieur, « Hors collection », 2013, p. 25-28.
2
Idem
3
Péan (P), « France-Afrique, Françafrique, France à fric ? », Revue internationale et stratégique, 2012/1 (n° 85),
p. 117-124.
4
GEOFFROY (M), la superclasse mondiale contre les peuples, Versailles, Via Romana, 2018, 475 p.

27
retournement de situation. En effet, il procure au général de Gaulle trois leviers déterminants pour la
poursuite de son combat à travers une restructuration des rapports de force en présence. Il lui fournit une
assise territoriale avec une profondeur stratégique (l’Afrique équatoriale française avec ses 2 500 000
km² dont Brazzaville est la capitale), des matières premières (l’or, le coton, le caoutchouc…) nécessaires
au financement de la guerre, des troupes capables de peser de manière décisive sur la suite de la guerre.
A partir du moment où il dispose d’une base territoriale et des moyens de sa politique, de Gaulle devient
légitimement la figure incontestée de la France libre. Il convient de relever que l’appel de Brazzaville
apparait comme celui de la dernière chance. En effet, certainement pour des raisons de proximité
géographique, de Gaulle a tenté de prendre le contrôle des troupes loyales à Vichy, basées au Sénégal
dans le but d’en faire la base de la mobilisation en faveur de la France libre. C’est donc à la suite de cet
échec qu’il s’oriente vers Brazzaville, le centre de décisions de l’Afrique équatoriale française.

Sur les terres de France, le spectre de la défaite avait plongé non seulement l’armée française, mais aussi
l’ensemble de la population dans une période d’incertitude et de perplexité profondes. Il ne s’agissait
pas simplement de choisir entre collaboration et résistance. En effet, au nom d’un certain réalisme
politique décomplexé, certains français avaient fait le choix de collaborer avec le Reich, sans toutefois
adhérer à l’idéologie nazie. D’autres optèrent pour le collaborationnisme, alors que d’autres encore
apportèrent leur soutien à Vichy en espérant trouver le moment propice pour un retournement de
situation à partir de l’intérieur. Une quatrième frange était composée des partisans de la poursuite du
combat, sans qu’ils ne sachent du sol français ou de l’Angleterre qui devrait abriter la base territoriale
de cette étape de la lutte pour la libération de la France. 1

Il est possible, au regard de ce contexte, d’admettre que sans l’appel de Brazzaville, la France ne serait
certainement pas ce qu’elle est aujourd’hui : fière et forte de sa place dans le monde. L’appel de
Brazzaville est donc le point de départ de la nouvelle histoire de la France. S’il n’avait pas atteint pas
les résultats escomptés, que serait devenu le général de Gaulle ? Que seraient devenues les villes et les
campagnes de la France ? Que serait-il advenu de l’identité culturelle française ?

Dans cette interaction, Brazzaville a rempli sa part ! Comment sera-t-elle remerciée ?

En appelant les africains à se joindre à la France qui est couchée mais refuse de capituler, de Gaulle
estime que ce ralliement est d’une importance capitale car il en va du sort de l’humanité. Sauf que son
argument est porteur d’une contradiction fondamentale. Pour la sauvegarde du sort de l’humanité, il
appelle des hommes auxquels il dénie toute humanité ! Des peuples privés de liberté sont appelés à se
sacrifier pour la reconquête de celle de celui qui confisque la leur ! A travers l’appel de Brazzaville, l’on
s’aperçoit finalement que l’apport du dominé s’avère nécessaire, incontournable pour la survie du
dominant, alors même que son humanité est niée et plus tard sa contribution dans la victoire finale
minorée, ignorée, occultée. En raison du niveau de compréhension des africains de l’époque, les
motivations et conditions de leur enrôlement sont multiples et variées. Certains africains y voient une
opportunité pour jouer des rôles de premier plan une fois que le combat serait terminé, d’autres veulent
échapper aux travaux forcés ou espèrent par ce moyen apprendre un métier mais la grande majorité est
composée de ceux qui sont enrôlés de force par les chefs de canton 2.

La France ne voit dans l’autre incarné, ici, par les conscrits indigènes qu’un moyen utile à la reconquête
de sa souveraineté, de la libération de son territoire occupé, à la réhabilitation de la dignité du peuple
français bafouée par l’occupant allemand. La condition de l’indigène, bien qu’engagé aux côtés du soldat
français, exposé aux mêmes périls que ce dernier, n’a guère évolué. Elle reste celle de l’esclave au
service de la sauvegarde des intérêts de son maître. Le traitement qui va être réservé aux mouvements
de revendications indépendantistes témoigne bien du biaisement de la relation d’altérité entre la France

1
WIEVIORKA (O), « Le schisme 1940-novembre 1942 », dans : Hervé Drévillon éd., Histoire militaire de la
France. II. De 1870 à nos jours. Paris, Perrin, « Hors collection », 2018, p. 387-421.
2
JOURNOUD (P), « De la contribution des colonisés à l’effort de guerre métropolitain à la répression brutale des
insurrections anticoloniales par la métropole 1940-1945 », dans : Hervé Drévillon éd., Histoire militaire de la
France. II. De 1870 à nos jours. Paris, Perrin, « Hors collection », 2018, p. 485-503.

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et les peuples colonisés mobilisés par elle à travers l’appel historique de Brazzaville. D’ailleurs dans
l’introduction à La France à l’envers. La guerre de Vichy (1940-1945), Alya AGLAN ignore royalement
la place de l’appel de Brazzaville dans le parcours de la France libre lorsqu’elle affirme « L’occupation
et le régime de Vichy n’ont pas réussi à entamer l’identification de la nation française à son glorieux
passé national et impérial en dépit de fractures profondément rouvertes en 1940. Pourtant la continuité
inentamée du déroulé historique, qui s’incarne de manière inattendue dans la France libre, rebelle ou
« dissidente », aurait simplement migré, provisoirement, de Paris à Londres en 1940, puis à Alger fin
1942, avant de revenir dans la capitale des Français. »1

Aussi, la Conférence de Brazzaville qui se tient du 30 janvier au 8 février 1944 et qui formule bon
nombre de propositions sociales, économiques et culturelles sur le devenir des africains ne connait la
participation d’aucun d’entre eux. Seuls les gouverneurs coloniaux prennent part à l'événement.

2. Brazzaville et Paris : parcours d’une relation asymétrique.

Même si pour certains acteurs politiques de l’époque des indépendances, notamment africains en général
et congolais en particulier, l’accession à la souveraineté était perçue comme la rupture du cordon
ombilical d’avec l’ancienne puissance colonisatrice, il est rétrospectivement établi aujourd’hui que la
France n’a jamais véritablement quitté le Congo. Elle a réussi à maintenir des liens privilégiés au moyen
de la coopération militaire, l’aide publique au développement, le franc de la communauté française
d’Afrique2.

En effet, pour mieux faire face aux revendications d’indépendance de plus en plus exprimées dans les
anciennes colonies, de Gaulle revenu au pouvoir en 1958, lève l’option de reconnaitre aux anciennes
colonies le droit de disposer d’eux-mêmes tout en justifiant la colonisation : « Il est vrai que pendant
longtemps l’humanité a admis – je crois qu’elle avait parfaitement raison – que pour ouvrir à la
civilisation des populations qui en étaient écartées, par les obstacles de la nature ou par leurs propres
caractères, il était nécessaire qu’il y eut pénétration de la part de l’Europe occidentale, malgré quelques
fâcheuses péripéties ».3 Dans une interview publiée au journal du 5 septembre 1960, il affirme que la
question principale n’était pas celle de l’accession ou non des anciennes colonies à l’indépendance, mais
plutôt celle de savoir si celle-ci se ferait avec ou contre la France4.

D'autres historiens affirment pourtant que la Communauté française ne serait en fait qu'une
ultime tentative de de Gaulle pour conserver, encore quelque temps, l'ascendant sur les colonies.
Les statuts de la Communauté française réaffirment d'ailleurs la primauté de la France dans des
secteurs clés tels que la Défense ou la politique économique.

Aujourd’hui, la situation précaire de l’Afrique francophone en général et du Congo-Brazzaville en


particulier soulève de nombreuses questions. Pourquoi un pays aussi riche en matières premières peine-
il à se développer ? A qui profite l’argent du pétrole, du bois, des minerais ? Ou quels types de rapports
lient les autorités françaises successives aux dirigeants congolais parvenus au pouvoir par des élections

1
AGLAN (A), « Introduction », dans : La France à l'envers. La guerre de Vichy (1940-1945), sous la direction
d’AGLAN Alya. Paris, Gallimard, « Folio Histoire », 2020, p. 9
2
BAT (J-P), « Le rôle de la France après les indépendances. Jacques Foccart et la pax gallica », Afrique
contemporaine, 2010/3 (n°235), p. 43-52.
3
De Gaulle acteur et pédagogue de la décolonisation, Archives INA - De Gaulle sur décolonisation Afrique Noire
(Edition spéciale - 10/11/1959) URL : https://www.reseau-canope.fr/cndpfileadmin/pour-memoire/1960-annee-
de-lafrique/les-heros-de-lindependance/de-gaulle-acteur-et-pedagogue-de-la-decolonisation/, consulté le 2 février
2023.
4
De Gaulle acteur et pédagogue de la décolonisation, Archives INA - De Gaulle sur décolonisation Afrique Noire
(JT 20H - 05/09/1960) URL : https://www.reseau-canope.fr/cndpfileadmin/pour-memoire/1960-annee-de-
lafrique/les-heros-de-lindependance/de-gaulle-acteur-et-pedagogue-de-la-decolonisation/, consulté le 2 février
2023.

29
crédibles, ou par des élections truquées ou encore par des coups d’état ? Pour nombre de chercheurs,
d’acteurs politiques et d’organisations non gouvernementales, la réponse se trouve en partie dans un
système que l’on nomme la Françafrique 1.

Le terme de Françafrique désigne le système politique et institutionnel ainsi que l’ensemble des réseaux
plus ou moins opaques qui permettent à la France de garder la mainmise sur ses anciennes colonies.

L’avantage pour la France est économique et politique. Ce modèle de coopération garantit à la France
son accès aux matières premières stratégiques ainsi qu’aux cultures de rente (coton, café, cacao, culture
agricoles…). Il permet aussi de conserver des débouchés pour les entreprises françaises. Pendant la
guerre froide, ce système a permis de garder l’Afrique (francophone) dans le camp occidental. Elle
permet également à la France de maintenir son rang à l’ONU. Elle a aussi permis de financer le parti
gaulliste et par la suite tous les gouvernements par le détournement des rentes africaines ; ce qu’a révélé
l’affaire Elf2.

Ce système a été mis en place au moment des indépendances africaines, autour des années 1960, par le
général de Gaulle avec son conseiller Jacques Foccart. Ce système a accompagné et accompagne encore
aujourd’hui toute l’histoire de la Vème république ainsi que ses relations avec Brazzaville. Trois piliers
permettent la mise en œuvre de ce système : la coopération militaire, l’aide publique au développement
et le franc de la communauté financière africaine (CFA).

Au plan militaire, l’Afrique équatoriale française est segmentée en trois régions militaires, dotées
chacune d’un état-major : Dakar pour l’Afrique occidentale française, Tananarive pour Madagascar et
Brazzaville pour l’Afrique équatoriale française (jusqu’en 1964, où le dispositif sera transféré à
Libreville)3. Deux accords peuvent être cités : l’accord instituant un système commun de défense avec
la république centrafricaine en date du 15 août 1960 et l’accord de coopération technique en matière de
formation de cadres et d’équipement de l’armée populaire nationale signé le 1 er janvier 1974 à
Brazzaville. Selon Raphaël Granvaud, à partir du moment où la France, tout en accordant
l’indépendance, entendait « continuer à gérer les questions de défense au sein de son « pré carré » après
1960, elle ne forme pas de véritables armées, susceptibles de conduire des opérations militaires de
manière autonome »4. Ainsi, la formation donnée aux soldats africains « s’appuie sur des scénarios
proches, entre autres, de la projection de Forces françaises en Afrique dans le cadre d'accords de
défense » 5 . La présence militaire française a joué des rôles plus ou moins troubles dans la vie
sociopolitique du Congo. En 1963, l’abbé Fulbert Youlou, alors président de la république du Congo,
figure emblématique du dispositif français en Afrique centrale a été renversé au bout de trois jours de
mouvement populaire, alors qu’elle avait pour mission principale de « résoudre toute crise majeure-
même une crise politique si le gouvernement légal semble menacé… Elle devait être le garant de l’ordre
public, d’un ordre qui empêche de réunir les circonstances favorables à une manifestation de masse aux
portes du palais, qui puisse dégénérer en révolution »6. En 1997, la base aérienne gabonaise a constitué
un point d’appui pour le retour au pouvoir de l’actuel président de la République du Congo. Il apparaît
souvent que la présence militaire française en Afrique sert assurer la défense et la protection des pays et
des dirigeants vassaux de la France, la répression symétrique des mouvements ou la déstabilisation des
régimes qui s'opposent aux intérêts de l’ex-métropole7. Il est utile de relever aussi qu’en 1993, le régime
de Pascal Lissouba, nouvellement élu, a signé une convention de quatre-vingt-cinq millions de barils de
pétrole avec la société américaine Occidental Petroleum (Oxy) pour un montant de cent cinquante

1
VERSCHAVE (F-X), « Nappes de pétrole et d'argent sale : trois aspects de la Mafiafrique », Mouvements,
2002/3 (no21-22), p. 41-53.
2
BAT (J.P), Op.cit.
3
Idem
4
Granvaud (R.), « De l’armée coloniale à l’armée néocoloniale 1830-1990 », Que fait l’armée française en Afrique
? collection « Dossiers noirs », n° 23, Paris, Agone, 2009, p. 44.
5
Dumoulin (A.), La France militaire et l’Afrique. Coopération et interventions : un état des lieux, GRIP
Complexe, Bruxelles, 1997, p. 33.
6
BAT (J-P), Op.Cit.
7
Granvaud (R.), Op.Cit., p. 55.

30
millions de dollars américains. Ce contrat a été qualifié de cadeau offert à Oxy, puisque le baril était
vendu à moins de deux dollars alors que le prix du marché oscillait entre quatorze et quinze dollars 1.
Notons également que cet accord faisait suite au refus opposé au pouvoir de Brazzaville par la direction
de la société française Elf devenue Total depuis quelques années, partenaire historique de la République
du Congo. Au lendemain de l’élection présidentielle de 1992 qui porta Pascal Lissouba au pouvoir,
l’économie de la République du Congo est exsangue. Ce qui pousse le nouveau pouvoir à solliciter un
prêt gagé sur la production pétrolière auprès de la société Elf qui n’accède pas à la demande du
gouvernement congolais. En désespoir de cause, ce dernier se tourne vers l’américain Oxy qui profite
du contexte pour augmenter les enchères et ratifier un contrat très avantageux pour lui. Particulièrement
irritée par cette forme d’irrévérence venant d’une ancienne colonie, et profitant de la clause de la parité
fixe entre le franc CFA et le franc français, la direction de la société Elf, par le truchement du
gouvernement français, a réussi à bloquer, pendant quelques jours, les fonds congolais provenant d’Oxy
dans le seul but de discréditer et fragiliser davantage le pouvoir de Brazzaville, déjà très critiqué au sein
de l’opinion publique. L’un des anciens dirigeants d’Elf, en l’occurrence Monsieur Loïc Le Floch
Prigent aurait, par ailleurs, reconnu que la guerre civile qui a déstabilisé la République du Congo en
1997 et dont elle porte encore les stigmates au triple plan politique, socio-économique et culturel était
l’œuvre des réseaux d’Elf, sous la férule des autorités françaises de l’époque qui tenait à la reprise du
navire congolais par un « ami de la France » en l’occurrence l’actuel président, au détriment de Pascal
Lissouba qui, en concluant le contrat de partage de production pétrolière, avait mis à mal les intérêts de
l’ancienne métropole. Après avoir financé les deux hommes politiques, Le Floch a reconnu les avoir
armés2 contribuant ainsi au saccage de tout le pays. Cette affaire est intéressante en ce qu’elle montre
de quelle manière les ingérences de la France ont impacté l’histoire de la République du Congo, mettant
en péril sa sécurité, bafouant ainsi la souveraineté de celle-ci tout décrédibilisant les autorités
démocratiquement élues.

Le deuxième pilier de cette coopération post décolonisation, c’est l’aide publique au développement,
faite d’allégement de dette et de dons. Au Congo, elle est incarnée par l’Agence française de
développement qui, depuis 1960, accompagne le gouvernement dans la mise en œuvre de ces priorités
stratégiques, en intervenant principalement dans les trois secteurs suivants : les infrastructures (eau,
énergie, transport, assainissement), le développement humain (santé, protection sociale, formation
professionnelle et enseignement supérieur) et le développement durable (forêt, environnement,
agriculture). Elle intervient également au profit du secteur privé via des garanties bancaires permettant
d’améliorer l’accès au crédit des toutes petites entreprises et petites et moyennes entreprises (TPE/PME).
Sur ce volet, la clause d’approvisionnement préférentiel peut être retenue comme le symbole de la
mainmise de la France sur ses anciennes colonies en général et la République du Congo en particulier.
Elle stipule que les républiques africaines signataires « informent la République française de la politique
qu’elles sont appelées à suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques » et
qu’elles « réservent par priorité leur vente à la République française après satisfaction des besoins de
leur consommation intérieure, et s’approvisionnent par priorité auprès d’elle »3. Cette clause qui au
départ concernait les matières nécessaires à l’autonomie énergétique de la France a été progressivement
étendue à l'ensemble des domaines où les intérêts français s'efforcent de conserver une situation de
monopole ou de quasi-monopole4.

1
Gaetner (G.), « Quand Lissouba bradait son pétrole », L’Express, 3 août 2001.
URL : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/quand-lissouba-bradait-son-petrole_489633.html,
consulté le 3 février 2023.
2
Décryptage de la stratégie africaine d’Elf : les Etats africains concernés (Congo-Brazzaville) », Radio France
Internationale, 29 janvier 2003.
URL : http://www1.rfi.fr/actufr/articles/037/article_20564.asp, consulté le 28 janvier 2023.
3
Bouamama (S.), « Les Accords de Partenariat Économique (APE) : De la Françafrique à l’Eurafrique », Comité
pour l’abolition des dettes illégitime, 20 août 2018.
URL : https://www.cadtm.org/Les-Accords-de-Partenariat-Economique-APE-De-la-Francafrique-a-l-Eurafrique,
consulté le 25 janvier 2023.
4
Granvaud (R.), Op.Cit., p. 58.

31
Le Franc CFA c’est la monnaie coloniale imposée par la France à ses anciennes colonies dont le Congo
depuis 1960. Elle est fabriquée en France et bloque toute possibilité de souveraineté économiquement,
tout en permettant à la France de contrôler ses politiques et transactions monétaire. Le franc CFA est la
dernière monnaie coloniale encore utilisée dans le monde.

Les clauses de ces accords sont pour l’essentiel encore très peu connues. D’ailleurs à ce propos Pierre
Joxe, pourtant ancien ministre de la Défense, déclarait : « Personnellement, je n’ai jamais réussi à obtenir
la totalité des accords et leurs clauses secrètes, [...] tellement secrètes que je ne sais même pas qui les
connaît1 ».

Profitant de cette opacité, les autorités politiques des anciennes colonies trouvent au nom de la stabilité
sociopolitique des intérêts personnels dans ces accords. Ceux-ci constituent de véritables « assurances
vie »2 pour les régimes en place, maintenant ainsi des dirigeants en totale rupture avec leurs populations.

Les conséquences du système Françafrique pour le Congo sont dramatiques : dictatures, guerres, crimes,
pauvreté, rôle trouble d’intermédiaires, corruption… 3 . Cependant, l’impunité des acteurs politiques,
économiques et militaires français est garantie, mais quand les faits sont établis comme l’implication de
la multinationale Elf dans la guerre civile de 1997.

Derrière cette mainmise, la communication officielle de Paris s’emploie à faire comprendre que le
passage entre le passé instable, sanglant et le présent pacifique et fécond est dû à l’intervention d’une
nation puissante et généreuse. C’est, en effet, un des caractères les plus merveilleux et les plus heureux
de notre histoire que nous puissions présenter nos conquêtes comme des conquêtes de civilisations et
nos guerres comme des bienfaits.

Que, dans cette histoire partagée, la France privilégie ses intérêts au détriment de ceux du Congo, elle
est dans son rôle si l’on suit la logique selon laquelle seuls les intérêts comptent en politique ou dans les
relations internationales. Cependant, une chose reste sidérante, c’est la contribution complice de certains
décideurs congolais qui approuvent, facilitent et travaillent à la pérennisation de la mainmise de la
France dans les affaires congolaises dans le seul but de s’assurer une longévité au pouvoir par la
patrimonialisation de l’État.

3. Une contribution complice à leur propre condition de dominés

Les accommodements entre les logiques d’émancipation des élites politico-militaires du Congo et les
intérêts géostratégiques de la France sont au cœur des relations de l’axe Paris-Brazzaville.

L’insuffisant ancrage de la démocratie au sein de la société congolaise est à l’origine de l’idée que la
longévité des régimes politiques dépend de leur capacité à composer avec les données sociopolitiques
nationales et les différents acteurs de l’échiquier politique. Le clientélisme, en ce qu’il constitue un
moyen d’étendre son influence en accordant des privilèges, est une pratique courante dans la vie
politique congolaise. Dans un article intitulé « clientélisme politique et corruption », Jean-François
Médard propose un éclairage sur la notion de clientélisme en l’associant à celle de corruption. Pour cet
ancien professeur de Science Politique à l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux, sans bien entendu
se confondre, clientélisme et corruption se recoupent sur le plan conceptuel et analytique et surtout au
niveau empirique, les phénomènes auxquels ils renvoient sont très souvent liés 4.
1
Assemblée nationale, Rapport d’information de la mission d’Information de la commission de la Défense
nationale et des forces armées et de la commission des Affaires étrangères sur « Les opérations militaires menées
par la France, d'autres pays et l'ONU au Rwanda entre 1990 et 1994 », 15 décembre 1998, URL :
http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/rwanda/r1271.asp, consulté le1er février 2023.
2
Bertrand (P.), « Révision des accords militaires avec la France », Le Monde, Bilan Géostratégie, 2010, p. 133.
3
BAT (J-P), le syndrome Foccart, la politique française en Afrique, de 1959 à nos jours, Paris, Gallimard, 2012,
835 p.
4
Médard (J.-F.), « Clientélisme politique et corruption », Tiers-Monde, n°161, tome 41, 2000. pp. 75-87.

32
Deux types de corruption peuvent être distingués : la corruption sociale et la corruption marchande. La
corruption marchande est celle qui est caractérisée par une sorte de transaction économique du type d’un
pot de vin entre un agent public et un tiers. La corruption sociale renvoie au troc. Ici, la contrepartie
accordée à l’agent par le bénéficiaire, bien que pouvant être évaluéé en monnaie, est un avantage non
monétaire1. Cette seconde forme de corruption, lorsqu’elle s’infiltre dans les réseaux légaux, favorise le
clientélisme ainsi que les systèmes de faveur (ethnie, village, famille, réseaux), bloque la mise en œuvre
de bonnes pratiques de gouvernance, détourne l’État au profit d’une minorité, provoque la déperdition
des ressources…2. Il s’en suit qu’une relation de clientèle induit une amitié dans laquelle un individu
socialement élevé use de son influence et de ses capacités (financières, matérielles…) pour fournir une
protection et, ou des avantages à une personne de rang social inférieur, laquelle offre en retour un
soutien, de l’assistance, des services personnels 3. Le clientélisme se distingue de ce point de vue du
népotisme en ce que ce dernier repose sur une relation de parenté ou d’amitié. Il s’agit en effet, comme
l’affirme Jean François Médard, « d’un rapport de dépendance personnelle qui repose sur un échange
réciproque de faveurs entre deux personnes, le patron et le client qui contrôlent des ressources
inégales »4. Cependant, lorsque, dans le contexte congolais, le lien de parenté s’étend jusqu’au niveau
de la tribu, des réseaux, la relation de parenté rejoint la relation de clientèle 5 et le clientélisme se résume,
alors, à une « association asymétrique dyadique fondée sur un échange de faveurs »6.

Cet échange de faveurs, qu’il prenne la forme du clientélisme ou de la corruption de manière plus
générale, pose un problème de sécurité nationale en ce sens qu’il constitue une négation des valeurs qui
fondent l’État de droit et la démocratie 7. Dans cette optique il est possible d’emprunter la définition de
Jean-François Médard pour qui « la notion de corruption au sens large renvoie à certaines pratiques de
confusion du public et du privé, mais pour qu'on puisse parler de corruption au sens strict, il faut que
ces pratiques se reflètent dans des représentations et s'objectivent dans des normes »8. Si l’État de droit
repose sur l’égalité de tous devant la loi, la responsabilité, la transparence, les droits de l’homme,
l’universalisme ; le clientélisme et la corruption s’appuient sur le favoritisme, le particularisme,
l’absence de transparence et l’irresponsabilité politique9. Il apparait ainsi qu’il existe un lien de causalité
entre le clientélisme politique et la corruption économique. En constituant un mode de redistribution
particulariste des faveurs en échange des services politiques, le clientélisme politique incite à la
corruption économique car, les faveurs accordées ainsi que les services reçus ont indubitablement un
coût économique ou du moins une dimension économique10.

Si l'on considère le cas de l'État congolais, le clientélisme et la corruption qui le caractérisent ne peuvent
être appréhendés qu’à travers son histoire et la gouvernance des régimes successifs. L’un des premiers
services politiques à connotation clientéliste est rendu à l’abbé Fulbert Youlou en 1956. En cette année
électorale, ce prêtre avait été sanctionné par sa hiérarchie ecclésiastique pour avoir décidé de se porter
candidat aux élections législatives. En réaction à cette sanction et en soutien au prélat devenu homme
politique, tous les offices religieux du dimanche suivant avaient été boycottés par des groupes de jeunes

1
Lafay (J.-D.), « L’économie politique de la corruption, Aperçu analytique », Revue internationale et stratégique,
n° 101, Vol. 1, 2016, pp. 91-99.
2
Cartier-Bresson (J.), « Éléments d'analyse pour une économie de la corruption. Tiers-Monde, tome 33, n°131,
1992. p. 593. URL : https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1992_num_33_131_4710, consulté le 7 juillet
2022.
3
Caciagli (M), Jun' Ichi (K), « Heurs et malheurs du clientélisme. Étude comparée de l'Italie et du Japon », Revue
française de science politique, n°4, 2001. pp. 569-586.
4
Médard (J.-F.), « Le rapport de clientèle : du phénomène social à l'analyse politique », Revue française de science
politique, n° 1, vol. 26, février 1976, p. 103.
5
Médard (J-F), « Clientélisme politique et corruption », Tiers-Monde, n°161, tome 41, 2000. pp. 75-87.
6
186Graziano (L.), « A Conceptual Framework for the Study of Clientelism », European Journal of Political
Research, n° 2, vol. 4, p. 149-174.
7
Médard (J.-F.), Art. Cit., p. 87.
8
Ibid., p. 79.
9
Ibid., p. 83.
10
Ibid., p. 84.

33
originaires de la même région que ce dernier. Devenu président de la République, l’ancien prêtre était
souvent taxé de favoritisme à l’égard des cadres originaires de sa région. La chute de son régime va
constituer un autre germe du clientélisme et de la corruption dans la gouvernance politique du pays. En
effet, trois ans seulement après son élection pour un mandat de cinq années, le premier président fut
renversé à la suite d’un mouvement de grève générale initié par la puissante Confédération Africaine
des Travailleurs Chrétiens (CATC), sous l’influence de l’église catholique 1. Après l’abolition de la
démocratie et l’instauration du parti unique, le deuxième président voulut tout contrôler, au point
d’enfreindre aux libertés de culte, allant jusqu’à l’embastillement des prêtres et syndicalistes chrétiens,
à l’origine de la chute de son prédécesseur 2. C’est dans ce contexte que les forces armées font leur entrée
en politique, initialement pour corriger les manquements relevés au cours des deux premiers exercices
du pouvoir politique par les civils. La gouvernance des militaires, essentiellement marquée par
l’adoption de l’idéologie marxiste-léniniste, s’est déroulée dans un climat de tension politique et surtout
économique du fait de la non-exécution des programmes de production pétrolière 3.

Cette première expérience de l’intervention des militaires dans la politique s’est soldée par l’assassinat
d’un président au cours d’un coup d’état orchestré par des militaires. A partir de la chute de ces trois
régimes a prospéré l’idée que la longévité au pouvoir passait par le contrôle des forces armées, des
syndicats (des travailleurs et des étudiants), de l’église sans oublier le soutien de la parenté au sens large
comme souligné plus haut.

A partir de ce postulat, le mode de gestion politique va reposer sur une construction politique de
distribution des faveurs, c'est-à-dire ici, essentiellement de biens publics divisibles, emplois, permis
divers, protection..., contre des soutiens politiques4. Ces échanges de faveurs contre services politiques
se développent tant en l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire national. Au niveau extérieur, les faveurs
sont accordées aux multinationales, aux lobbies d’influence, aux groupes de communication en échanges
de soutiens politiques. Au plan interne, c’est grâce aux pratiques décriées (corruption, clientélisme,
népotisme, gabegie, détournement des deniers publics, etc.), érigées en mode de gestion de l'État, que
le régime politique congolais survit 5 .Dans ces conditions, clientélisme et corruption d’une part et
maintien au pouvoir d’autre part s’alimentent réciproquement. En effet, les capacités financières
engrangées par le dirigeant politique par le biais des échanges des faveurs contre des services politiques
sont réengagées dans le mécanisme d’entretien de la clientèle et de la parentèle dans un processus de
redistribution légitimatrice6. La redistribution de l’argent afin d’alimenter les différents réseaux est une
nécessité. La suspension de celle-ci est inéluctablement source de fragilité pour le pouvoir. Le recours
au clientélisme et à la corruption se généralise dans la gouvernance politique en se répandant de manière
palière. Le fait est qu’en attribuant par exemple des postes de responsabilité à des cadres choisis suivant
des critères entièrement laissés à la discrétion du décideur, il est entendu qu'il s'agit pour les bénéficiaires
d'une base d'accumulation de richesses personnelles, qui doit servir non seulement à subvenir à leurs
besoins mais aussi à faire face à leurs propres obligations de redistribution 7 et de perpétuation des
pratiques clientélistes qui ont présidé à leur responsabilisation. Il convient de relever que dans la
configuration actuelle de la République du Congo, la stabilité des dirigeants repose essentiellement sur
les appuis extérieurs, qu'ils soient financiers, économiques, politiques ou militaires 8. C’est grâce à ce
clientélisme international que le régime actuel s’est installé au pouvoir à l’issue d’une guerre civile
fratricide, que la République du Congo a été jugée éligible à l’initiative des pays pauvres très endettés
(PPTE)9.

1
Lébi (S.-E.), Géopolitique du Congo-Brazzaville Enjeux de défense et de sécurité nationale, Paris,
L’Harmattan, 2019, p. 124.
2
Ibid., p. 125.
3
Ibid., p. 137.
4
Médard (J.-F.), Art. Cit., p. 85.
5
Verschave (F.-X.), Op. Cit., pp. 13-128.
6
Médard (J.-F.), Art. cit., p. 85.
7
Idem, p. 85.
8
Médard (J.-F.), « Les paradoxes de la corruption institutionnalisée », Revue internationale de politique comparée,
n° 4, vol. 13, 2006, pp. 697-710.
9
« Congo Brazzaville, un appel au retrait de Sassou », Mondafrique, 20 août 2018.

34
Au regard des liens parfois opaques qui lient la France au pays de son pré-carré africain en général et la
République du Congo en particulier, on peut admettre l’existence d’un clientélisme international sur
lequel se greffent des pratiques de corruption à finalité politique, stratégique et économique1. Même si
les États sont des entités impersonnelles, il reste que la nature des relations personnelles développées
entre les dirigeants suffit à prouver l’évidence de ce clientélisme international 2.

4. Une évolution paradigmatique nécessaire

« Il nous faut dépasser mémoires douloureuses pour les uns, clichés et préjugés reproduits à l’infini pour
les autres. Pas facile, mais indispensable pour faire œuvre utile »3.

La pandémie de covid 19, la guerre en Ukraine, les tensions sino-américaines à Taiwan, le dérèglement
climatique, la crise énergétique, les velléités de « dédollarisation » de l’économie mondiale, le
lancement des opérations de la banque de développement fondée par les BRICS, la croissance
démographique de l’Afrique, l’éveil des consciences de la jeunesse africaine, le vieillissement de la
population occidentale, sont autant d’indices qui indiquent que les aspects du chamboulement que nous
observons sur la planète terre sont aussi bien militaires, environnementaux, culturels, économique que
politique et invitent les acteurs géopolitiques à revisiter leurs pratiques sur la scène internationale.

Le destin de l’Afrique a été décidé sans les africains à Berlin. L’épisode géopolitique dans lequel le
monde se trouve aujourd’hui lui offre une lucarne pour mieux négocier sa place sur l’échiquier mondial,
pour qu’enfin elle cesse d’être l’objet des convoitises des autres et devienne un acteur respecté capable
d’engranger des victoires sur le terrain géopolitique.

« La France doit prendre conscience que la situation en Afrique a changé et que l’époque où ses
méthodes et ses projets prévalaient est révolue4 ».

Bibliographie

1) AGLAN (A), « Introduction », dans : La France à l'envers. La guerre de Vichy (1940-1945), sous la
direction d’AGLAN Alya. Paris, Gallimard, « Folio Histoire », 2020, p. 9
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1
Médard (J.-F.), « La corruption internationale et l'Afrique sub-saharienne : un essai d'approche comparative »,
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2
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3
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83), p. 184-195. URL : https://www.cairn.info/revue-africultures-2011-1-page-184.htm
4
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l-afrique-souveraine-et-son-message-l-afrique-aux-africains_6159353_3232.html, consulté le 4 février 2023.

35
8) CACIAGLI (M), Jun' Ichi (K), « Heurs et malheurs du clientélisme. Étude comparée de l'Italie et du
Japon », Revue française de science politique, n°4, 2001. pp. 569-586.
9) CARTIER-BRESSON (J.), « Éléments d'analyse pour une économie de la corruption. Tiers-Monde, tome
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11) CLEMENT-BOLLEE (B), « Fini, l’Afrique dominée, place à l’Afrique souveraine », Journal Le monde,
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Noire (JT 20H - 05/09/1960) URL : https://www.reseau-canope.fr/cndpfileadmin/pour-memoire/1960-
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22) LAFAY (J.-D.), « L’économie politique de la corruption, Aperçu analytique », Revue internationale et
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25) MEDARD (J.-F.), « La corruption internationale et l'Afrique sub-saharienne : un essai d'approche
comparative », Revue internationale de politique comparée, n° 2, vol. 4, 1997, p. 420.
26) MEDARD (J.-F.), « Le rapport de clientèle : du phénomène social à l'analyse politique », Revue française
de science politique, n° 1, vol. 26, février 1976, p. 103.
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36
REGARD CROISE SUR BRAZZAVILLE ENTRE LA CAPITALE DE L’AFRIQUE
ÉQUATORIALE FRANÇAISE ET LA CAPITALE DE LA FRANCE LIBRE
DE 1940 A 1942

Jacques Gervais OULA


Docteur, Chargé de cours Faculté des lettres, Arts et Sciences Humaines, FLASH
École Normale Supérieure, ENS, Université Marien Ngouabi
Brazzaville
République du Congo

jacquesgervaisoula@gmail.com

Résumé
Cet article propose une réflexion sur le rôle historique majeur que Brazzaville jouait concomitamment comme
capitale de l’Afrique Équatoriale Française (AEF) et capitale de la France Libre pendant la période allant de
1940 à 1942. En jouant ce double rôle, Brazzaville était donc au cœur de tout l’enjeu de la résistance et de la
libération à la fois des Français qui vivaient sous l’occupation allemande hitlérienne et des indigènes soumis à
l’indigénisme par des Français. En effet, la libération de la France part de Brazzaville où le général de Gaulle
lançait le manifeste annonçant la création du Conseil de défense de l’Empire, le 27 octobre 1940 ; les indigènes
en s’appropriant la résistance de leur oppresseur construisaient déjà à leur tour leur propre libération qui
aboutira à la célèbre Conférence de Brazzaville de 1944 où était évoquée pour la première fois la question de leur
émancipation.

Mots clés : Afrique Équatoriale Française, Brazzaville, capitale, France libre, résistance

Abstract
This article offers a reflection on the major historical role that Brazzaville played simultaneously as the capital of
French Equatorial Africa (AEF) and the capital of Free France during the period from 1940 to 1942.By playing
this dual role, Brazzaville was therefore at the center of the whole issue of resistance and the liberation both of
the French who lived under Hitler’s German occupation and of the natives subjected to indigenism by the French.
Indeed, the liberation of France starts from Brazzaville where General de Gaulle launched the manifesto
announcing the creation of the Empire Defense Council, on October 27, 1940; the natives, by appropriating the
resistance of their oppressor, were already in turn building their own liberation which would culminate in the
famous Brazzaville Conference of 1944 where the question of their emancipation was raised for the first time.

Keywords: French Equatorial Africa, Brazzaville, capital, Free France, resistance

Classification JEL Z0

Introduction

Les grandes inventions de la fin du Moyen Âge (la boussole, les caravelles, l’imprimerie et les armes à
feu) permettaient de grands progrès. Car ceux-ci favorisaient les voyages de découvertes réalisés par les
Européens, lesquels ne pouvaient rester sans conséquences surtout pour les peuples découverts. En effet,
à partir de 1416, le roi de Portugal Henri le Navigateur envoie sur la côte d’Afrique des navires qui,
chaque fois, iront plus loin. C’est dans cette optique qu’en 1482, le navigateur portugais, Diego Cao
(1450-1486), découvre l’embouchure du Congo ; en 1486, Barthélemy Diaz (1450-1500), navigateur
portugais, arrive au Cap qui termine l’Afrique au sud (Cap de Bonne-Espérance) ; en 1498, un autre
navigateur portugais, Vasco de Gama (1469-1525), dépasse le Cap de Bonne-Espérance et fait escale au
Mozambique d’où il se rend aux Indes ; en 1500, Diégo Diaz (1450-1500) découvre l’île de Madagascar.
Avec ces voyages de découvertes, le contact Europe-Afrique était donc de mise. Aussi Sékéné Mody
Cissoko n’aura-t-il pas tort de dire que « l’Occident européen a eu en effet des contacts anciens avec

37
l’Afrique noire. L’histoire des découvertes des côtes africaines par les navigateurs portugais au XV e
siècle est trop connue pour s’y attarder » 1 . Toutefois, ces voyages de découvertes cédaient
inéluctablement le pas à l’exploration qui précédait la colonisation en tant que telle. C’est dans ce
contexte historique que l’explorateur français d’origine italienne, Pierre Savorgnan de Brazza (1852-
1905), explorait l’Afrique centrale pour le compte de la France aux termes de trois expéditions. Lors de
sa deuxième expédition, Brazza rencontre le roi des Batékés, Makoko, à M’Bé et signe avec lui un
accord qui permet à la France de s’établir sur la rive droite du Congo : Brazza y installe aussitôt le poste
de M’Foa. Ce poste de M’Foa connut une évolution au cours de l’histoire puisqu’il devint en 1880 une
ville dont le nom résulta du nom même de l’explorateur franco-italien : Brazzaville. Cette ville de
Brazzaville, fondée en 1880 par Pierre Savorgnan de Brazza, marquera sans discontinuité l’histoire de
l’humanité. Le premier fait historique majeur par lequel Brazzaville marque l’histoire de l’humanité et
qui fait véritablement d’ailleurs son entrée dans l’histoire est le fait qu’elle était la capitale d’une grande
colonie de l’Empire français : l’Afrique Équatoriale Française (A.E.F.) de 1910 à 1958, résultant elle-
même du Congo-français. L’A.E.F. était l’un des maillons essentiels de la chaîne de l’Empire colonial
français. Cependant, à ce premier fait historique s’ajoute un second fait historique non moins négligeable
qui installe davantage cette ville capitale coloniale dans l’histoire. Il s’agit du fait que Brazzaville jouait
également pendant la ladite période coloniale le rôle de capitale de la France libre, de 1942 à 1944. C’est
un fait historique inédit sinon exceptionnel non seulement dans l’histoire des civilisations, mais aussi
dans l’histoire de la colonisation européenne. Finalement, c’est par ce fait historique inédit que bon
nombre d’historiens s’intéressent à cette ville capitale, à notre tour, ne dérogeons pas à la règle. Et la
question d’emblée que nous pouvons nous poser ici est la suivante : comment et moyennant quoi
Brazzaville, ce petit-village des pêcheurs Tékés communément appelé M’Foa, avant la colonisation
française, est-elle devenue concomitamment la capitale de l’Afrique Équatoriale Française et la capitale
de la France Libre ? Telle est donc la question majeure constituant la toile de fond de notre
problématique.

Les résultats auxquels nous aboutirons dans la présente réflexion consistent à montrer de fond en comble
qu’en jouant concomitamment ce double statut de capitale de l’Afrique Équatoriale Française et de la
France Libre, Brazzaville était donc au cœur de tout l’enjeu de la résistance et de la libération à la fois
des indigènes soumis à l’indigénisme et des citoyens français qui vivaient sous le mode de l’occupation,
c’est-à-dire de l’occupation de la France par l’Allemagne Nazie. En effet, la libération de la France part
de Brazzaville où le général de Gaulle lança le manifeste annonçant la création du Conseil de défense
de l’Empire, le 27 octobre 1940 ; pour les indigènes en revanche, le discours du Gouverneur Général
Félix Éboué du 8 novembre 1941 annonçait déjà à pas feutrés cette libération, laquelle sera confirmée
par la tenue de la célèbre Conférence de Brazzaville de 1944 où était évoquée pour la première fois la
question de leur émancipation, la décolonisation.

Mais pour un travail qui doit obéir à une rigueur scientifique, nous sommes toujours soumis aux
exigences méthodologiques. Ainsi, nous assignons à ce travail la méthode comparative. Celle-ci nous
installe dans la perspective même d’Émile Durkheim (1858-1917), sociologue français et un des
fondateurs de la sociologie moderne, qui affirmait que « l’histoire ne peut être une science que dans la
mesure où elle explique, et l’on ne peut expliquer qu’en comparant »2. Cette méthode nous servira
comme outil essentiel dans cette ascèse relative à l’appréhension du rôle joué par Brazzaville comme
capitale à la fois de l’Afrique Équatoriale Française et de la France Libre.

Ainsi, le plan qui s’offre à nous ici se décline sur quatre axes. Le premier axe porte sur la fondation
historique de la ville de Brazzaville, le second sur Brazzaville comme capitale de l’Afrique Équatoriale
Française, le troisième axe s’articule sur son rôle en tant que capitale de la France Libre tandis que le
quatrième axe quant à lui porte sur Brazzaville entre capitale de l’Afrique Équatoriale Française et

1
Sékéné Mody Cissoko, « L’Afrique Noire à la veille de la Conférence de Berlin », in Centenaire de la Conférence
de Berlin (1884-1885), Paris, Présence Africaine, 1987, p. 83.
2
Émile Durkheim cité par Jean-Marie Hannick, « Simples réflexions sur l’histoire comparée », in
J.-M. HANNICK : Réflexions sur l'histoire – Notes , http://bcs.fltr.ucl.ac.be › Hist_fn

38
capitale de la France Libre de 1940 à 1942 : les enjeux de la résistance et de la libération à la fois des
Français et des indigènes.

I. La fondation historique de Brazzaville

La construction de Brazzaville est l’œuvre d’une figure de proue de la conquête coloniale française en
Afrique, Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905), explorateur français d’origine italienne à qui la ville
doit son nom. En effet, Pierre Savorgnan de Brazza est né à Rome, en Italie, le 25 janvier 1852. Il
commence ses études en France et les continue à Paris où il se prépare à entrer dans la marine française.
C’est ce marin qui reçoit la mission à la fois d’explorer et de mettre sous la suzeraineté de la France le
territoire qui sera dénommé l’Afrique Équatoriale Française (A.E.F.). Pour dire vrai, la fondation de
Brazzaville résulte des deux premières missions d’exploration que Brazza réalise dans ce biotope de
l’Afrique centrale de 1875 à 1882.

Toutes proportions gardées, la première mission que Brazza réalise dans cette partie de l’Afrique
centrale se situe entre 1875 et 1878. En effet, en octobre 1875, accompagné du Dr Noël Ballay, de
Marche et du quartier-maître Hamon, Brazza remonte l’Ogooué, puis son affluent, la Mpassa, traverse
les plateaux Batékés, parvient sur les bords du N’Gambo, tributaire de l’Alima qu’il commence à
descendre en pirogue. Arrêté par les Batekés et précisément par les Bafourous, il se dirige vers le Nord,
mais après avoir atteint la Likona, alors, dépourvu de tout, il fait demi-tour et rentre à Libreville. La
raison majeure qui justifie cette attitude est le fait que la progression s’avère difficile parce que les tribus
sont de moins en moins accueillantes et les pirogues chavirent à tout instant. De plus, les explorateurs
s’aperçoivent alors avec une véritable angoisse que le cours de l’Ogooué au lieu de continuer vers l’Est
s’infléchit vers le Sud. Finalement, ce n’est qu’à son arrivée à Libreville qu’il apprendra s’être arrêté
en un point situé seulement à cinq jours de marche du Congo. Cette première expédition en tant que telle
avait duré presque trois (3) ans. Le colonel Baratier, dans ses « Souvenirs de la Mission Marchand » fait
de Brazza un émouvant portrait :

« Il reste celui dont le nom plane sur toute l’Afrique équatoriale, le héros légendaire du Congo,
le rival de Stanley, celui qui fut vraiment le paladin de l’Afrique. Il fut ce paladin car il n’avait
pas seulement la volonté de conquérir un empire, il accomplissait en même temps une mission
d’humanité. En lui s’incarnait le justicier des légendes toujours prêt à tirer son épée pour
défendre le faible et l’opprimé, et cette terre des noirs, cette terre d’esclavage, où chaque chef
un peu puissant devient un tyran, devait l’attirer. Paladin, de Brazza a erré sous le soleil, sous
les tornades, insensible à la fatigue, inaccessible à la peur et au découragement. Les indigènes,
en le voyant passer, la face émaciée et pâle, éclairée par des yeux noirs profonds, d’une
intelligence et d’une acuité incomparable, s’inclinaient pareil au prophète, la tête haute semblant
voir par l’esprit et par l’âme, paraissait appeler à lui ses rêves du haut des cieux. »1

A son retour, Brazza apprend que Stanley vient d’atteindre l’Atlantique après avoir traversé l’Afrique
en descendant le Congo. Après un séjour en France, il repart pour le Gabon avec comme objectif
principal sinon majeur, celui d’arriver sur la rive droite du Congo avant Stanley, ce qui fait
inéluctablement signe à sa deuxième mission.

La deuxième mission de Brazza se réalise de 1879 à 1882. D’emblée, il faut avant tout préciser que
Brazza revient en France dans un contexte historique bien précis, il s’agit vraisemblablement d’un
moment où une politique européenne se dessine vis-à-vis du bassin du Congo. En effet, Léopold II, roi
des Belges, qui préside l’Association Internationale Africaine, a créé avec Stanley le « Comité d’études
du haut Congo ». D’ores et déjà, on connaît l’étonnante carrière de Stanley, sorte d’élément de choc de
l’exploration africaine. Suivant les Guides bleus sous la direction de Francis Ambrière, ce Galois, à

1
Baratier, « Souvenirs de la mission Marchand », in Les guides bleus sous la direction de Francis Ambrière,
L’Afrique centrale ; Les Républiques d’expression française, Paris, Librairie Hachette, 1962, pp. LXXXI-
LXXXII.

39
trente ans, est parti pour le compte du New York Herald à la recherche de Livingstone. Par la suite, il a
ramené les carnets de notes de cet admirable explorateur et s’est trouvé de ce fait vis-à-vis de l’opinion
mondiale son successeur tout naturellement désigné. De plus, en 1874, Stanley, avec le concours du
New York Herald et du Daly Telegraph effectue sa fameuse expédition de 999 jours de Zanzibar à la
côte Atlantique par le Congo. Finalement, c’est à la suite de cet extraordinaire exploit que Stanley entre
au service du roi des Belges et part, au début de l’année 1879, pour Zanzibar où il engage des auxiliaires.

Étant parfaitement au courant des projets de Stanley, Brazza, soutenu par Jules Ferry, ministre de
l’instruction publique dont il reçoit un crédit de 100.000 francs, aidé par la Société de Géographie de
Paris et le comité français de l’Association Internationale Africaine, obtient du personnel de la marine
et s’embarque le 27 septembre 1879 pour le Gabon. Arrivé au Gabon, Brazza remonte une deuxième
fois l’Ogooué. Au confluent de la Mpassa, il fonde au passage Franceville où il laisse Noguez. Puis avec
une troupe infime, il traverse les plateaux Batékés et atteint la Léfini et le Congo, rencontre Makoko,
chef des Batékés, à M’Bé et signe avec lui le 10 septembre 1880 un traité mettant cette région sous la
protection de la France, lequel sera ratifié par le Parlement français le 21 novembre 1882. Brazza y
installe aussitôt le poste de M’Foa. Brazza laisse ce premier poste du Congo français à la garde du
sergent sénégalais Malamine et revient vers la côte. Chemin faisant, il rencontre son rival, Stanley, qui
avance lentement le long du Congo, attardé par de gigantesques travaux de routes. Stanley essaye en
vain de reprendre à la France les territoires gardés par Malamine. Précisons dans cette perspective que
Malamine faisait partie des laptots recrutés par Brazza à Dakar pour sa deuxième expédition. Nommé
sergent et laissé par Brazza à la garde du nouveau poste français de M’Foa, il y reçut Stanley en 1881 :
devant les manifestations de force de celui-ci, il déclara représenter la France avec qui Makoko avait
traité et il affirma vouloir exécuter sa consigne quoi qu’il arrive. Admirant cette énergie, Stanley
n’insista pas. Et la plus belle évocation de cette réussite de Brazza est faite par le professeur Joseph Ki-
Zerbo :

« En Afrique équatoriale, orientale et centrale, la Grande-Bretagne et le roi Léopold II vont jouer


les premiers rôles. Quand Stanley revint au Congo pour le compte du roi des Belges il trouva le
drapeau français planté par Brazza à l’endroit qui devait devenir Brazzaville. Léopold II, qui
aurait souhaité posséder les deux rives du Congo, était furieux. Brazza avait réussi à signer un
traité avec Makoko (1880). »1

Au demeurant, en 1882, Malamine était rappelé à Franceville. Il demanda et obtint d’être rapatrié au
Sénégal où il mourut en 1886. Par ailleurs, le poste de M’Foa installé par de Brazza en 1879 connut une
évolution certaine. Car non seulement il prit officiellement le nom de Brazzaville le 3 octobre 1880,
mais aussi cette ville tirant son nom du nom de l’explorateur français fut à la fois capitale de l’Afrique
Équatoriale Française (A.E.F.) et la capitale de la France libre. Brazzaville joua ce rôle de double
capitale entre 1940 et 1942. Cela dit, de 1940 à 1942, Brazzaville était concomitamment la capitale de
l’Afrique Équatoriale Française et la capitale de la France Libre, fait historique inédit sinon exceptionnel
non seulement dans l’histoire des civilisations, mais aussi dans l’histoire de la colonisation européenne.
C’est au cours de cette période que se dessinaient tous les enjeux de la résistance et de la libération à la
fois du peuple français soumis à l’occupation allemande et des peuples noirs soumis à l’occupation
française.

2. Brazzaville capitale de l’Afrique Équatoriale Française

Comment l’Afrique Équatoriale Française s’était-elle constituée et comment Brazzaville était-elle


devenue le siège de l’Afrique Équatoriale Française ? Telles sont les deux questions essentielles qui
constituent ici la toile de fond de notre réflexion. Cela dit, notre exposé portera tour à tour sur la
formation de l’Afrique Équatoriale Française et sur Brazzaville comme siège de cette fédération de
colonies françaises de l’Afrique centrale.

1
Joseph Ki-Zerbo, Histoire de l’Afrique noire. D’Hier à Demain, Paris, Hatier, 1978, p. 410.

40
2.1. La formation de l’Afrique Équatoriale Française

La formation de l’Afrique Équatoriale Française se dessine à partir de la troisième mission de Brazza


qui se réalise de 1883 à 1885. En effet, en 1882, le traité de Brazza et Makoko est reconnu officiellement
par le gouvernement français, Brazza repart pour le Congo. Promu lieutenant de vaisseau, Brazza reçoit
le titre de Commissaire de la République Française dans l’Ouest africain et trouve à sa disposition des
moyens jusqu’alors jamais obtenus ; plus de deux millions de francs de crédit, une chaloupe à vapeur,
deux bateaux démontables à fond plat et un état-major étoffé composé d’hommes de très grande classe.
Outre Charles de Chavannes, le géographe Dutreuil de Rhins, l’ingénieur des arts et métiers Michaud,
l’ingénieur des mines Rigail de Lastours, le docteur Schwebich, 25 sous-officiers et matelots, 25
tirailleurs algériens, 139 laptots sénégalais et 100 kroumen de la côte de Guinée. Grâce à l’importance
de ce personnel, il rejoint M’Bé en passant par l’Ogooué, l’Alima et le Congo, apporte à Makoko le
traité approuvé par le gouvernement français et commence à organiser la colonie qui prend le nom du
Congo Français puisqu’en avril 1886 il est nommé Commissaire général du Congo français, tandis que
Noël Ballay est lieutenant-gouverneur du Gabon. De plus, un décret du 11 décembre 1888 réunit
définitivement le Gabon au Congo. Dès lors, les concessions françaises de l’Ouest africain prennent
officiellement le nom de Congo français le 30 avril 1891.

Brazza continue d’administrer le Congo Français jusqu’en 1898. Il peut multiplier les postes le long de
la côte de Loango et vers l’intérieur notamment l’établissement des postes sur l’Alima, l’Ogooué, le
Bas-Oubangui et organisant de nouvelles explorations vers l’Oubangui et le Tchad. Il prend part lui-
même à une nouvelle exploration sur la Sangha. Dans cette perspective, une première exploration sur la
Sangha, dirigée par Fourneau, doit revenir en arrière, arrêtée par l’opposition des tribus locales. Brazza
lui-même remonte jusqu’à Baboua, sur la Mambere et conclut des traités avec les principaux chefs de
l’Adamaoua. Mizon rejoint la Haute-Sangha par le Niger et la Bénoué. Il est bien accueilli par le Sultan
de Ngaoundere. En descendant la Sangha il rencontre Brazza à Nola. Maistre, Clozel et Ponel étendent
l’influence de la France dans les régions situées entre la Sangha, le Nigéria et le Tchad. En 1894, un
accord entre la France et l’Allemagne fixe les limites entre le Cameroun et les possessions françaises de
la Haute-Sangha et du Tchad. Après cette pénétration vers le Nord par la Sangha, le tour revient à la
pénétration vers l’Oubangui.

En 1889, un poste est installé à Bangui. C’est de là que partiront les expéditions vers l’est, dirigées par
Liotard. La France s’oppose à l’État Indépendant du Congo dans le Haut Oubangui : l’Oubangui est
formée par la réunion de deux rivières : l’Ouelle et le Mbomou. Après discussion, la frontière entre
l’Oubangui et l’État indépendant du Congo est fixée sur le Mbomou ; la région située entre les deux
rivières revenait donc à l’État Indépendant du Congo. En 1897, l’expédition de Marchand remonte
l’Oubangui et le Mbomou et parvient à Fachoda, sur le Nil. Mais l’Angleterre qui veut aussi occuper
cette région s’oppose à l’installation des Français à Fachoda. Pour éviter la guerre, le gouvernement
français ordonne à Marchand d’abandonner Fachoda. Cela signifie que vers l’Est les possessions
françaises ne s’étendront pas plus loin que le Haut-Oubangui. Au terme de la conquête de l’Oubangui,
c’est le Tchad qui est visé par la suite.

À partir de la victoire de Kousseri, une bataille où Rabah est vaincu et tué et où également le
commandant Lamy, chef de la mission, est lui-même mortellement atteint, l’Afrique Équatoriale
Française est constituée en fait, sinon dans les actes officiels. En effet, en 1890, Crampel part de Bangui
vers le Nord. Il est tué peu de temps après par Senoussi. L’expédition Maistre traverse le Logone et
s’avance jusqu’à la Bénoué. Maistre signe en traité avec le Sultan de Laï (sur le Logone). Gentil descend
le Gribingui et le Chari sur un petit bateau à vapeur et va jusqu’à Massenya où il est bien reçu par le
sultan ; mais il sent le pays menacé par la puissance grandissante de Rabah. Il faut préciser dans cette
perspective que Rabah, originaire du Nil, après avoir saccagé le Baguirmi et le Bornou, cherche à régner
sur tout le Tchad. Pour vaincre Rabah, on organise trois expéditions militaires : l’une venant d’Afrique
du Nord (Foureau et Lamy), l’autre du Soudan (Joalland et Meynier) et la troisième d’Oubangui (Gentil).
Le 21 avril 1900, les trois expéditions se rejoignent à Kousseri (l’actuel Fort-Lamy) : le commandant
Lamy prend le commandement des troupes et attaque Rabah. Celui-ci est battu et tué au cours du combat,
mais Lamy lui-même est mortellement blessé. Après le massacre de l’expédition commandée par le

41
capitaine Fiegenschuch, après la défaite et la mort du colonel Moll, la pacification du Tchad est l’œuvre
du colonel Largeau. En 1919, les limites entre le Tchad et les possessions anglaises sont fixées par un
accord avec l’Angleterre. En 1910, l’ancien Congo Français prend le nom d’Afrique Équatoriale
Française et comprend : le Gabon, le Moyen-Congo, l’Oubangui-Chari et le Tchad. Finalement, d’un
médiocre comptoir, Brazza et ses compagnons ont fait un territoire immense dont les frontières sont
délimitées par celles des territoires espagnols (27 février 1900) et portugais (25 janvier 1901). Le 15
janvier 1910, le Congo français fait place à l’Afrique Équatoriale Française. Située au centre de
l’Afrique, elle est traversée par l’équateur dans sa partie sud. Elle s’allonge de l’embouchure du Congo
au Tibesti, sur plus de 3000 km. Sa superficie est d’environ 2.500.000 km 2. Avec Brazzaville comme
capitale ou siège, L’Afrique Équatoriale Française (A.E.F.) est limitée par le Cabinda portugais, le
Congo belge, le Soudan, la Lybie, l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.), le Nigeria britannique, le
Cameroun, la Guinée espagnole.

2.2. Brazzaville comme siège l’Afrique Équatoriale Française

Le système colonial français était fondé sur l’administration centralisée directe. Chaque fédération ou
groupe de territoires avait à sa tête un gouverneur général représentant le ministre des Colonies. Suivant
la présentation faite dans le volume VIII de l’Histoire générale de l’Afrique 1 , pendant la période
coloniale, les possessions françaises étaient groupées en deux fédérations de colonies et en territoires
sous mandat. L’Afrique Occidentale Française (A.O.F.) avait pour capitale fédérale Dakar ; elle
comprenait le Sénégal, le Soudan français (actuel Mali), la Guinée française, la Haute-Volta (actuel
Bourkina Faso), la Côte d’Ivoire, le Dahomey (actuel Bénin), le Niger et la Mauritanie. Avec Brazzaville
pour capitale, l’Afrique Équatoriale Française (A.E.F.) regroupait le Moyen-Congo (actuel Congo), le
Tchad, l’Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine) et le Gabon. Anciennes colonies
allemandes, le Cameroun et le Togo étaient divisés entre la Grande-Bretagne et la France et placés sous
mandat de la société des Nations.

Chaque colonie avait à sa tête un Lieutenant-gouverneur dépendant du Gouverneur Général et assisté


d’un conseil d’administration. Les colonies étaient gouvernées par arrêtés émanant des gouverneurs
généraux et des hauts commissaires ou découlant des décrets des autorités gouvernementales françaises.
Formé de hauts fonctionnaires, le Conseil de gouvernement assistait le gouvernement général ou le
Haut-commissaire, mais son rôle était surtout consultatif. Le Conseil de gouvernement qui l’assiste était
formé du secrétaire général de l’administration, du général en chef, du procureur général. Les pouvoirs
du gouverneur étaient de types proconsulaires : il administrait, disposait d’une force armée, nommait à
sa guise. Pour assurer un suivi administratif régulier, le Gouverneur Général et les hauts commissaires
étaient assistés de bureaux dont les plus importants étaient ceux des finances, des travaux publics, de
l’enseignement, des affaires économiques et de la santé. En A.E.F., la faiblesse des moyens de
communication faisait souvent de l’ensemble une colonie unique, entièrement administrée à Brazzaville
par le gouverneur général. C’est assurément pour cette raison que Joseph Ki-Zerbo affirme que « les
territoires de l’A.E.F. constitués plus difficilement (Congo, Gabon, Oubangui-Chari et Tchad) furent
un moment confondus en une seule colonie »2. Ce Gouverneur général était le personnage central de
toute l’administration coloniale en Afrique centrale française :

« Le personnage-clé fut donc naturellement l’homme qui, dans chaque fédération, était à la tête
de l’administration : le Gouverneur général. Représentant et détenteur des pouvoirs du
gouvernement de la République, il est ordonnateur du budget fédéral, maître des forces armées,
et chef des services administratifs centraux de la fédération. Or, aucune loi ni décret venu de
France n’est applicable dans son secteur s’il n’en a pas fait la promulgation. Cette disposition
lui donne pratiquement une sorte de droit de veto suspensif pour les mesures qui lui déplaisent,

1
Histoire générale de l’Afrique, volume VIII. L’Afrique depuis 1935, Paris, Présence Africaine /Edicef/UNESCO,
1989, pp. 65-66.
2
Joseph Ki-Zerbo, op.cit., p. 436.

42
bien qu’il doive compter avec les intérêts économiques puissamment représentés au Parlement
et au Gouvernement. »1

A Brazzaville se trouvait le siège du Gouverneur Général ou Commissaire Général de l’A.E.F. Celui-ci


était le responsable suprême de la colonie et nommé directement par le Ministère des Colonies ou des
territoires d’outre-mer, responsable de l’administration coloniale devant l’Assemblée Nationale, à qui il
dressait des rapports trimestriels, semestriels et annuels. Brazza est le premier Commissaire Général du
gouvernement au Congo Français. Il organise l’administration de la colonie en créant des chefs de
station, des chefs d’exploration et même des agents de culture. Sous son administration, des lignes de
navigation sont créées entre la France et les ports de Libreville et Loango. Dès cette époque, on étudie
des projets de routes et de chemin de fer. Des bateaux sont lancés sur le Congo. Compte tenu de
l’immensité du territoire de la fédération, chaque colonie de la fédération était gouvernée par un
Lieutenant-gouverneur encore appelé Gouverneur :

« L’échelon inférieur suivant est constitué par le Gouverneur, chef de territoire, qui est la
réplique du Gouverneur-général, avec son propre conseil consultatif. Le principe était que le
Gouverneur-général gouverne et le Gouverneur administre. Mais là encore, la distance tempérait
grandement la rigidité du principe. Les services du chef-lieu de territoire recevaient les ordres
de Dakar, puis de Libreville et Brazzaville. »2

Le Gouverneur Général était assisté dans sa lourde tâche par le Secrétaire Général du Gouvernement.
Celui-ci était le responsable administratif de l’A.E.F et avait pour siège Brazzaville. Le Secrétaire
Général du Gouvernement assurait aussi l’intérim du Gouverneur Général en cas d’absence.

Les successeurs de Brazza au Commissariat Général sont : Henri de Lamothe (1898-1901), Albert
Grodet (1901-1904), Émile Gentil (1904-1908), Martial Merlin (1908-1917), Gabriel Angoulvent
(1918-1919), Victor Augagneur (1920-1924), Raphaël Antonetti (1924-1934), Georges Renard (1934-
1935), François-Joseph Reste (1935-1939). Après la guerre de 1939-1945, les Gouverneurs généraux,
qu’on appelle aussi Hauts-Commissaires sont : Pierre François Boisson (1939-1940), Félix Éboué
(1940-1944), André Bayardelle (1944-1947), Charles Luizet (1947), Bernard Cornut-Gentille (1948-
1951), Paul Chauvet (1951-1958), Pierre Messmer (1958), Yvon Bourges (1958-1960).

Cependant, il serait historiquement faux de penser que Brazzaville était uniquement la capitale de
l’Afrique Équatoriale Française puisque pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), la ville
capitale de l’A.E.F. sera également la capitale de la France Libre. Sur ce, bornons-nous à exposer sur
Brazzaville en tant que capitale de la France Libre.

3. Brazzaville capitale de la France Libre

Comment la France Libre s’est-elle construite ? De plus, comment et moyennant quoi Brazzaville est-
elle devenue pendant cette période coloniale la capitale de sa métropole, c’est-à-dire celle de la France
occupée par l’Allemagne hitlérienne ? De même, suivant quelles dispositions protocolaires de Gaulle a-
t-il mis en place le gouvernement de la France Libre et quelle en fut la composition ? Telles sont les
questions essentielles auxquelles nous tenterons de répondre ici sur fond de deux lignes directrices à
savoir : la formation de la France Libre et le gouvernement de la France Libre.

3.1. La formation de la France Libre

En 1939, la Seconde Guerre éclate entre la France et l’Allemagne. Mais dès le 15 mai 1940, l’Allemagne
envahit la France. La dramatique situation impose des décisions qu’elle rend, en même temps,
extrêmement difficiles. Faut-il continuer le combat, poursuivre celui-ci hors de France – en Afrique du

1
Joseph Ki-Zerbo, op.cit., p. 436.
2
Joseph Ki-Zerbo, op.cit., p. 436.

43
Nord et aux côtés des Anglais – ou bien mettre fin à une guerre considérée désormais comme perdue ?
Finalement, l’option en faveur de la cessation de la guerre va prendre corps au sein même du
gouvernement français. Elle y a son chef : le maréchal Pétain. Ce dernier s’est déclaré hostile à la
prolongation des combats et à tout départ hors de France, dès le 13 mai au soir, lors d’un Conseil des
ministres à Cangé, en Touraine. Le 16 mai, à 11 heures du soir, il succède à Paul Reynaud comme
président du Conseil. Il demande aussitôt aux Allemands l’armistice. Le 17 juin, il annonce à la radio
qu’« il faut cesser le combat ». Un armistice est signé entre la France et l’Allemagne, à Rethondes, le
22 juin. Un autre suit entre la France et l’Italie le 24 juin. Ils entrent, l’un et l’autre, en vigueur le 25
juin. Cet armistice du 25 juin 1940 frappe les Français d’A.E.F. de stupeur. Il est accueilli dans la
contestation par toute l’Afrique française. Le 18 juin 1940, un général inconnu réfugié à Londres,
Charles de Gaulle, ancien sous-secrétaire d’État à la guerre, lance un appel par radio et demande aux
Français de continuer à combattre avec lui contre l’Allemagne :

« A tous les Français. La France a perdu une bataille ! Mais la France n’a pas perdu la guerre !
Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l’honneur, livrant
le pays à la servitude. Cependant, rien n’est perdu ! Rien n’est perdu, parce que cette guerre est
une guerre mondiale. Dans l’univers libre, des forces immenses n’ont pas encore donné. Un
jour, ces forces écraseront l’ennemi. Il faut que la France, ce jour-là, soit présente à la victoire.
Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. Tel est mon but, mon seul but ! Voilà pourquoi
je convie tous les Français, où ils se trouvent, à s’unir à moi dans l’action, dans le sacrifice et
dans l’espérance. Notre patrie est en péril de mort. Luttons tous pour la sauver ! Vive la
France ! »1

Ce discours d’une haute portée historique a fait l’objet de plusieurs commentaires. Et dans cette
perspective, le commentaire brillant d’Yves Durand reste sans appel dans la mesure où il nous dévoile
sans ambages toute la quintessence même du discours. Suivant toutes les précisions qu’apporte Durand
sur ce discours :

« De Gaulle a certes été membre du Gouvernement Reynaud (comme sous-secrétaire d’État) et


il est venu à Londres avec l’aval de l’ancien chef du gouvernement, mais sans mandat. A fortiori
n’en n’a-t-il aucun, même tacite, du gouvernement Pétain (contrairement à la légende tenace de
l’épée et du bouclier). De Gaulle arrive seul à Londres, le 17 juin. Il parle, à titre personnel, à la
BBC le 18 juin 1940. Il ne s’adresse d’abord qu’aux militaires ou aux Français susceptibles de
continuer la lutte armée aux côtés des Anglais. Il ne se pose ni en chef d’une résistance
multiforme telle qu’elle va naître aussi d’autres initiatives, multiples et contemporaines, sur le
sol de France, ni en chef politique. En ce dernier domaine, il attend que d’autres, ralliant Londres
à leur tour et plus représentatifs de milieux politiques français dirigeants – ou de grade plus
éclatant dans l’armée – le fassent. Mais ils ne viennent pas. La lutte, cependant, impose la mise
en place d’une direction politique pour les Français fidèles à l’alliance britannique et au combat
mondial contre l’Allemagne hitlérienne. C’est à partir de là que de Gaulle assume lui-même la
reconstitution progressive d’un organe politique, représentant la nation, contre Vichy, et aux
côtés des Alliés. »2

Cet « appel du 18 juin » constitue l’acte de naissance même de la Résistance française. Il aura un écho
dans les colonies françaises d’Afrique. Le Gouverneur Général Pierre François Boisson décide d’abord
de continuer la lutte puis, nommé Haut-commissaire à Dakar, demeure aux ordres du maréchal Pétain.
A Brazzaville le général Husson assure l’intérim. Cependant, les esprits continuent à s’échauffer. Au
demeurant, l’appel du général de Gaulle, le 18 juin, est entendu par un Guyanais noir, Félix Éboué,
gouverneur du Tchad, qui lance le mouvement de la France Libre en Afrique Équatoriale Française. Le
24 août, le commandant d’Ornano arrive de Lagos à Fort-Lamy et, le 26, le colonel Marchand,
commandant militaire du Tchad, fait la déclaration historique qui fait rentrer le Tchad dans la guerre.

1
Discours prononcé par le général de Gaulle, à Londres, au micro de la B.B.C., s’adressant aux Français de France,
le 18 juin 1940.
2
Yves Durand, Histoire générale de la Deuxième Guerre mondiale, Bruxelles, Éditions Complexe, 1997, p. 422.

44
Le 27, Douala s’est rallié au colonel Leclerc, entraînant le Cameroun. Un jour plus tard, le 28 août, c’est
le tour du Moyen-Congo qui se rallie à la France Libre sous l’action conjuguée du colonel de Larminat
et des officiers du bataillon Sara. Le Général Husson gagne le Congo belge. Le 30 août, le gouverneur
de Saint Mart annonce le ralliement de l’Oubangui. Ainsi trois territoires sur quatre de l’A.E.F.
rejoignent la France Libre y compris un territoire sous mandat. Aussi étrange que cela puisse paraître,
le gouverneur Masson refuse malheureusement de rallier le Gabon à la France Libre et c’est, deux mois
durant, une suite de douloureux combats entre Français. Cette campagne conduite par le commandant
Parant se termine le 11 novembre par l’occupation de Port-Gentil et force le ralliement du Gabon. Dès
lors, c’est la totalité de l’Afrique Équatoriale Française, plus le Cameroun français, qui forment donc
l’Afrique Française Libre. Autrement dit, la France Libre a une base territoriale. Brazzaville en devient
la capitale. De Gaulle arrive le 24 octobre à Brazzaville après son échec devant Dakar, y crée le Conseil
de défense de l’Empire et le Haut-Commissariat de l’Afrique française libre. Le Ministère des Colonies
de la France Libre organise alors la participation de l’A.E.F. à l’effort de guerre, évitant d’être une
charge pour les Alliés auxquels il fournit des contingents militaires toujours plus nombreux, et
développe en même temps l’économie du pays. Le 12 novembre 1940, Félix Éboué est nommé
Gouverneur Général de l’A.E.F. Pendant la guerre de 1939-1945, l’Afrique Équatoriale Française, avec
Félix Éboué comme Gouverneur Général fournit un effort économique remarquable. On améliore les
routes, on termine le Port de Pointe-Noire, on augmente les productions pour aider les armées françaises,
américaines et anglaises dans leur effort de guerre. Le commerce intérieur profite de ces nouvelles
activités et le commerce extérieur se développe avec l’étranger.

3.2. Le gouvernement de la France Libre

Le 27 octobre 1940, le général de Gaulle, par le manifeste de Brazzaville, annonce depuis la capitale de
l’Afrique Équatoriale Française la création du Conseil de défense de l’Empire. Cet organe de décision
est l’instance de la France Libre qui tient lieu de gouvernement de 1940 à 1941. De Gaulle définit les
attributions du Conseil de défense de l’Empire dans les ordonnances du 27 octobre 1940. Ces attributions
concernent la sécurité extérieure et intérieure, l’activité économique, la diplomatie notamment les
négociations avec les puissances étrangères. En fondant ce Conseil, de Gaulle « prend l’engagement
solennel de rendre compte de ses actes aux représentants du peuple français, dès qu’il aura été possible
d’en désigner librement »1. Au bout du compte, si la France Libre a un territoire, elle a aussi un embryon
d’institutions. Le gouvernement en tant que tel est composé des personnalités suivantes : le général
Georges Catroux, le vice-amiral Émile Muselier, le général Edgard de Larminat, le gouverneur Félix
Éboué, le gouverneur Henri Sautot, le colonel Philippe Leclerc, le médecin-général Adolphe Sicé, le
secrétaire permanent René Cassin et le capitaine de vaisseau Georges Thierry d’Argenlieu. Suivant le
Manifeste de Brazzaville, les membres du Conseil ont été choisis par Charles de Gaulle parce qu’ils
exercent déjà leur autorité sur les terres françaises ou qu’ils symbolisent les plus hautes valeurs
intellectuelles et morales de la nation. Précisons ici que le Conseil n’exerçait qu’un rôle consultatif. Les
pouvoirs ministériels sont exercés par des directeurs de services nommés par le Chef des Français Libres.
Et la Conférence administrative de la France Libre, créée par décret du 29 janvier 1941, tient lieu de
gouvernement réunissant les directeurs de service et les membres du Conseil de défense de l’Empire.
Ces institutions à l’étape purement embryonnaire à Brazzaville vont se développer ultérieurement en
organisme véritablement politique :

« Revenu à Londres après un bref séjour à Brazzaville, de Gaulle développe celles-ci. Il met sur
pied un noyau de services administratifs pour diriger l’effort à la fois militaire et diplomatique
dont il se sent investi ; y compris un service de renseignements, avec ses propres réseaux, dont
les agents, envoyés ou venus de France, vont permettre les premières liaisons avec la Résistance
intérieure. Au printemps 1941, des accords financiers sont passés avec les Anglais. Les
événements de Syrie placent – après combat contre les troupes de Vichy et non sans difficultés
du côté des Anglais – cet ancien territoire sous mandat sous l’autorité de la France libre,
moyennant promesse de l’indépendance pour le lendemain de la guerre. Le 24 septembre 1941,
la création à Londres d’un Conseil national des Français libres marque une étape décisive dans

1
Yves Durand, op.cit., p. 423.

45
la transformation des services de la France libre en organisme politique ; véritable embryon
d’État avec des secteurs d’activités apparentés à des ministères : économie, finances et colonies,
affaires étrangères, justice et instruction publique, intérieur et information, guerre, air,
marine. »1

De tout ce qui précède, on ne peut donc pas ne pas affirmer que la France Libre dont Brazzaville était la
capitale a constitué le véritable embryon de l’État français post deuxième guerre mondiale. Mais la
concrétisation de ce projet passait coûte que coûte par la résistance, étape décisive pour la libération des
Français et des indigènes. C’est pour cette raison que notre réflexion s’articulera par la suite sur les
enjeux de la résistance et de la libération à la fois des Français et des indigènes dont Brazzaville en tant
que capitale à la fois de l’Afrique Équatoriale Française et de la France Libre en était le tremplin.

4. Brazzaville entre capitale de l’Afrique Équatoriale Française et capitale de la France Libre de


1940 à 1942 : les enjeux de la résistance et de la libération à la fois des Français et des indigènes

Après avoir exposé successivement ou tour à tour sur Brazzaville capitale de l’Afrique Équatoriale
Française et Brazzaville capitale de la France Libre, il ressort en dernière analyse que Brazzaville a joué,
de 1940 à 1942, ce rôle de double capitale. Elle était à la fois ou concomitamment la capitale de l’Afrique
Équatoriale Française et la capitale de la France Libre. C’est en jouant ce rôle de double capitale qu’elle
s’affirmait véritablement dans l’histoire. Car elle était au cœur de tous les enjeux à la fois de la résistance
et de la libération des Français et des indigènes. Mais quel sens faut-il assigner ici à ces concepts de
résistance et de libération tels qu’ils fonctionnent à la fois dans le dispositif historique de l’A.E.F. et de
la France Libre ? En guise de réponse adéquate à ce premier concept, c’est-à-dire celui de résistance,
nous lui assignons ici l’acception que lui confère Yves Durant :

« La définition de la Résistance nécessite la prise en compte de tout le prisme des oppositions


et de toutes les formes du refus de la défaite, de l’occupation, de l’oppression. Mais elle doit, en
même temps, marquer dans cet ensemble d’attitudes, ce qui fait la spécificité d’une opposition
active, volontaire, continue, organisée, qui seule mérite pleinement le nom de Résistance. Une
opposition ne devient résistance que lorsqu’elle s’exprime par des actes, aux effets concrets et
publics (même si l’action elle-même est clandestine), réalisés sciemment, en vue d’un
renversement global de la situation de dépendance et de l’élimination du ou des pouvoirs
provisoirement dominants. »2

En s’arc-boutant sur cette définition, il est donc clair que les Français et les indigènes se sont installés
véritablement dans cette ascèse de résistance. Les Français résistaient contre un régime intérieur soumis
à l’occupant ennemi et contre l’occupant lui-même tandis que les indigènes à leur tour manifestaient
leur résistance contre l’occupant français qui les plongeait dans l’indigénisme mais en s’appropriant la
résistance de leur oppresseur (la France) contre son occupant, c’est-à-dire l’Allemagne hitlérienne.
Finalement tous (Français et indigènes), selon des dispositions protocolaires différentes, accédaient
respectivement sur la voie de la libération de leurs territoires et de leurs peuples, c’est-à-dire la voie de
la souveraineté. C’est pour cette raison que nous étudierons tour à tour ici les enjeux de la résistance et
de la libération des Français et des indigènes.

4.1. Les enjeux de la résistance et de la libération des Français

La libération de la France occupée par l’Allemagne hitlérienne est l’aboutissement d’un long processus
de résistance amorcée par le général Charles de Gaulle à Londres, en Angleterre, le 18 juin 1940 :

« La résistance à laquelle de Gaulle appelle les Français le 18 juin 1940 est essentiellement
militaire ; elle est dans la continuité de la guerre sous la forme classique d’une armée régulière,

1
Yves Durand, op.cit., p. 423.
2
Yves Durand, op.cit., pp. 815-816.

46
constituée, autour de lui, en Angleterre, de soldats invités à ne pas cesser ou à reprendre le
combat aux côtés de l’allié anglais. La lutte ainsi conçue est encore loin de présenter les aspects
multiformes, fort éloignés pour la plupart des actions de guerre classiques et débordant
largement le fait proprement militaire, inclus dans une vision globale (politique) de la
Résistance, telle qu’elle va progressivement s’imposer. »1

Finalement, le point de départ de la résistance de Charles de Gaulle n’est pas la France, mais l’Angleterre
et précisément la ville de Londres qui lui offre toute l’opportunité d’exprimer au mieux de dévoiler au
monde ses ambitions de résistance à la fois contre le gouvernement de Vichy qui a signé l’armistice et
l’occupant allemand lui-même. Toutefois la concrétisation de ce noble projet de résistance a été rendue
possible grâce aux beaux offices de Churchill, chef du gouvernement britannique :

« Certes, de Gaulle se trouve lui-même d’emblée, par son geste de dissidence, sur le terrain
politique. Il est d’ailleurs venu à Londres, secrétaire d’État du gouvernement Paul Reynaud,
prédécesseur du gouvernement Pétain. Il négocie avec le chef du gouvernement britannique
Churchill pour devenir, aux côtés d’autres représentants des pays subjugués par la victorieuse
Wehrmacht, le représentant de la France. Son discours lui-même s’infléchit. Il devient vite le
« chef de tous les Français libres, où qu’ils se trouvent » (« qui se rallient à lui pour la défense
de la cause alliée », précise son accord avec Churchill du 28 juin). »2

Cette résistance purement militaire nécessitait inéluctablement une base territoriale et des troupes. C’est
ce que de Gaulle trouvait coûte que coûte en Afrique Équatoriale Française où il trouve un ensemble de
territoires africains disciplinés et loyaux. Ces territoires sont ceux de l’A.E.F. et ceux de l’A.O.F. par la
suite. Il est dès lors clair que la résistance de la France Libre trouvait ses assises véritables en Afrique.
Et Brazzaville sera la base d’envol de cette résistance militaire de la France Libre. Car par-delà le
territoire, le Ministère des Colonies de la France Libre organise alors la participation de l’A.E.F. à
l’effort de guerre, évitant d’être une charge pour les Alliés auxquels il fournit des contingents militaires
toujours plus nombreux, et développe en même temps l’économie du pays. Sur le plan économique par
exemple, nos enquêtes historiques révèlent que le général de Gaulle recevait de la part de Brazzaville
comme effort de guerre 800 tonnes d’or, moyens financiers colossaux qui lui permettaient de financer
la guerre notamment dans l’acquisition de l’armement auprès de ses alliés tandis que sur le plan
métaphysique, il recevait de Brazzaville et précisément des Batékés un coq, symbole de puissance ou
de domination que la France devait exercer sur les êtres ou les choses, selon l’interprétation des Tékés.
De plus, nous ne perdons pas de vue que lorsque Félix Éboué est nommé le 12 novembre 1940
gouverneur général de l’A.E.F. l’effort militaire se manifeste vite. En effet, le 28 décembre 1940, deux
bataillons formés en Afrique Équatoriale libre se mettent en route pour l’Érythrée. En janvier 1941, le
colonel d’Ornano lance un raid contre Mourzouk, où il trouve la mort, cependant que le colonel Leclerc
engage une opération heureusement conclue le 1er mars par la reddition de Koufra, première victoire
obtenue contre l’Axe par des troupes française parties de territoires français. Par ailleurs, soulignons
dans cette perspective que Koufra avait une grande importance en tant qu’aérodrome. Sur le plan de la
formation militaire, une école d’élèves officiers est inaugurée à Brazzaville en février 1941 en vue de
donner aux troupes en formation un encadrement, voire une formation indispensable. En 1942, un raid
est lancé sur le Fezzan, province du sud-ouest de la Libye située à 600 km au sud des côtes
méditerranéennes et à 1200 km environ au nord du lac Tchad. En juin 1942, les troupes d’A.E.F. se
distinguent à la bataille de Bir-Hakeim, bataille qui, du 27 mai au 11 juin 1942, a opposé dans le désert
de Libye les Forces Françaises libres (FFL) aux troupes germano-italiennes commandées par le colonel-
général Rommel. Enfin le 2 février 1943, la colonne Leclerc fait sa jonction à Tripoli avec la VIII e
armée. Les éléments venus d’A.E.F. continueront à s’illustrer en Italie et durant la campagne de France.

Au bout du compte, il sied de dire que Brazzaville était au cœur de tous les enjeux de la résistance et de
la France Libre et de la libération de la France occupée par l’Allemagne hitlérienne. Brazzaville jouait
ce rôle au même moment où elle était également la capitale de l’A.E.F. Mais alors les indigènes, en

1
Yves Durand, op.cit., p. 821.
2
Yves Durand, op.cit., p. 821-822.

47
participant à la résistance de la France Libre, ne participaient-ils pas eux-mêmes à leur résistance et à
leur libération ? Telle est donc la question qui trouvera sa réponse sur les lignes suivantes ci-dessous.

4.2. Les enjeux de la résistance et de la libération des indigènes

La Seconde Guerre mondiale sur son fond dialectique ruinait tout le prestige de l’homme blanc qui
hantait l’esprit de l’homme noir ayant vécu dans cet espace de l’Empire français sous le mode de
l’indigénisme dont les caractéristiques essentielles étaient rendues manifestes par « le code de
l’indigénat »1, « l’impôt de capitation »2 et le « le travail forcé »3.

En même temps, elle permettait aussi la libération de l’homme noir du joug colonial par une résistance
non violente, donc différente de celle des premiers résistants à la conquête européenne qui avaient tous
subi des échecs cuisants.

Ne fallait-il pas dans ce cas célébrer l’auteur qui avait mis en branle cette grande déflagration ? En tout
cas, suivant le couple Robert et Marianne Cornevin, la réponse par l’affirmative est de mise. Car
souligne-t-il sans ambages que : « certains nationalistes africains ont déclaré vouloir dresser une statue
à Adolf Hitler pour avoir permis par le choc de la deuxième guerre mondiale la mise en place du
processus de décolonisation »4. Toute la question qui se pose donc ici est la suivante : au moment où
Brazzaville jouait concomitamment ce double rôle de capitale de l’A.E.F. et de la France Libre, y’avait-
il réellement résistance du côté des indigènes de l’A.E.F. ? Comment ces indigènes dépourvus d’armées
pouvaient-ils résister à leurs occupants ou oppresseurs, c’est-à-dire aux Français ? D’emblée, il sied de

1
Le code de l’indigénat se donne à lire comme un ensemble de dispositions juridiques qui régissaient la vie des
indigènes dans les colonies françaises d’Afrique noire. Dans son article, « Les peuples de l’AEF face au système
juridictionnel colonial », in Centenaire de la Conférence de Berlin 1884-1885, Paris, Présence Africaine, 1987, p.
372, Marie-Antoine Aïssi définissait le « code de l’indigénat » comme « des pouvoirs disciplinaires, dont
l’ensemble constitue un système de répression à côté de la justice « judiciaire » (…) Les appellations du système
ont varié : – répression administrative des infractions commises par les indigènes(1900) ; – répression par voie
disciplinaire des infractions spéciales à l’indigénat (1908) » ; – sanction de police administrative à partir de 1924
pour revenir à l’appellation de l’indigénat à partir du début de la suppression partielle du système en 1945-1946.
L’administrateur a le droit d’infliger sur le fait, sans délai ni procédure, des peines ni procédure, des peines
« relativement légères » mais immédiatement applicables pour des fautes déterminées : trouble de l’ordre public,
résistance à l’autorité, refus de payer l’impôt, etc. Il y a là, c’est manifeste, un véritable régime d’exception, mis
en place de façon durable pour asseoir l’ordre colonial ». Ainsi, la signification profonde de ce Code de
l’indigénat peut être bien saisie à travers la circulaire du gouverneur général Martial Merlin du 10 juillet 1911 sur
les attributions des administrateurs investis des fonctions de juge de paix de l’Administration de la « justice
indigène » et de l’application des pouvoirs disciplinaires. En effet, dans cette circulaire, Martial Merlin explique :
« Ce que nous appelons pouvoirs disciplinaires est constitué par l’ensemble des mesures concernant des
infractions que, pour le maintien de notre autorité et dans l’intérêt d’une sage politique indigène, nous devons
réprimer dans l’instant même où elles ont été commises. C’est pour l’administration un instrument d’autorité. »,
cf. JO AEF (Journal officiel de l’AEF), 1911, p. 408.
2
L’impôt de capitation est la taxe que tout indigène devait obligatoirement payer à l’administration coloniale. Selon
Jean Suret-Canale dans « La politique coloniale française sous la IIIe République », in Centenaire de la Conférence
de Berlin 1884-1885, Paris, Présence Africaine, 1987, p. 212, « L’impôt joue dans le système colonial un rôle
capital. Il permet d’abord de rejeter sur les populations africaines l’essentiel des charges de la domination
coloniale ». Il se justifie par le fait que « l’usage et la loi (dans les colonies françaises, la loi de finances du 13
avril 1900) veulent que les colonies subviennent à tous leurs besoins sur leurs ressources propres, donc par l’impôt
ou éventuellement par l’emprunt que les budgets locaux devront rembourser – capital et intérêts (…) D’abord en
nature, l’impôt est très rapidement exigé en argent. Son introduction favorisera, voire imposera, le développement
de la collecte ou la production des produits d’exportation ».
3
Le travail forcé est un ensemble de « réquisitions » de main d’œuvre, exigées dans l’« intérêt public » qui se
confond avec celui de l’administration et des colons. « Aussi le travail forcé est-il le seul moyen, universellement
employé, qui puisse assurer à l’administration (travaux publics) et aux colons (dans les zones très limitées où
apparaissent, tardivement, des exploitations agricoles, forestières ou minières) la main-d’œuvre nécessaire. »
souligne Jean Suret-Canale dans l’article précité, p. 213.
4
Robert et Marianne Cornevin, Histoire de l’Afrique des origines à nos jours, Paris, Petite Bibliothèque Payot,
1966, p. 343.

48
relever que cette question pourrait bien diviser les historiens. Les historiens les moins lucides diront tout
simplement qu’il n’y avait pas résistance en tant que telle. Car la constitution de l’A.E.F. en tant que
telle est l’aboutissement d’un long processus de conquête au cours duquel tous les résistants à conquête
française étaient sévèrement tués, ce qui est d’ailleurs une évidence. En conséquence, l’indépendance
de ces anciennes colonies résulte des facteurs externes et internes. S’agissant des facteurs externes, outre
la Seconde Guerre mondiale, c’est la politique des États-Unis et de l’URSS, l’action de l’ONU,
l’exemple de l’Asie et de l’Afrique du Nord ainsi que les contradictions internes du colonialisme qui y
sont indexés tandis que sur les facteurs internes, ce sont les syndicats africains, l’action des intellectuels,
les mouvements des étudiants, les églises et les partis politiques qui en sont considérés ici comme les
groupes moteurs. A l’évidence, tous oublient l’essentiel, c’est-à-dire la véritable résistance opérée par
les indigènes pendant la Seconde Guerre mondiale.

En revanche, les historiens les plus lucides et surtout les philosophes de l’histoire cerneront sans
difficulté aucune la véritable résistance opérée par les indigènes de l’A.E.F. Aussi étrange que cela
puisse paraître, la résistance de la France Libre reste avant tout une résistance des indigènes et non des
Français. Certes le général de Gaulle lance un appel à la résistance depuis Londres le 18 juin 1940, il
n’en demeure pas moins de constater que ce sont des Africains qui vont mettre en musique cette
résistance. Finalement, les indigènes se sont approprié cette résistance pour en faire leur affaire. Il s’est
réalisé donc une sorte de transsubstantiation chez les indigènes qui vont combattre en lieu et place des
Français restés sous l’occupation allemande :

« En fait la déclaration de guerre de 1939 trouve un ensemble de territoires africains disciplinés,


loyaux. Les divisions nord-africaines et le corps d’armée colonial se couvrent de gloire au sein
d’une armée française fléchissante. L’armistice du 25 juin 1940 est accueilli dans la contestation
par toute l’Afrique française. Le prestige de Maréchal Pétain, héros de Verdun et du Maroc,
celui du général Weygand cautionnent, un temps, un armistice qui provoque de multiples
manifestations de loyalisme. »1

Ce loyalisme était matérialisé par le ralliement des indigènes à la France Libre au lendemain même de
l’appel du général de Gaulle :

« L’appel du général de Gaulle, le 18 juin, est entendu par un Guyanais noir, le gouverneur Félix
Eboué qui, le 26 août, rallie le Tchad à la France libre, le 28 c’est le tour du Moyen-Congo et le
30 celui de l’Oubangui-Chari. Le 27, Douala s’est rallié au colonel Leclerc, entraînant le
Cameroun. »2.

De par cette participation à la Seconde Guerre mondiale, les indigènes construisaient une résistance non
seulement envers l’occupant de leur oppresseur, c’est-à-dire l’Allemagne hitlérienne, mais aussi en
direction de leur propre oppresseur lui-même, c’est-à-dire la France ou le Français. Si la résistance
contre l’occupant de leur oppresseur était rendue manifeste par une participation effective à l’effort de
guerre sur le plan militaire et économique, à contrario la résistance envers leur propre oppresseur était
purement morale, donc métaphysique. En effet, en se situant dans la perspective purement hégélienne
de l’histoire, on dirait tout simplement qu’au moment où les indigènes rendaient possible sinon
manifeste cette résistance sous le sceau de la France Libre, il s’est réalisé une sorte de « dialectique du
maître et de l’esclave ». Le maître devenait en quelque sorte l’esclave de l’esclave tandis que l’esclave
devenait à son tour en quelque sorte le maître du maître. L’écho de résonnance de cette reconnaissance
est exprimé par le Gouverneur général Félix Éboué, véritable chef d’orchestre de la France Libre, c’est-
à-dire celui-là qui mettra en musique l’appel du général de Gaulle :

« Nous assurerons l’équilibre de l’indigène, en le traitant à partir de lui-même, c’est-à-dire non


pas comme un individu isolé et interchangeable mais comme personnage humain, chargé de

1
Robert et Marianne Cornevin, Histoire de l’Afrique des origines à nos jours, Paris, Petite Bibliothèque Payot,
1966, p. 343.
2
Robert et Marianne Cornevin, op.cit., p. 343.

49
traditions, membre d’une famille, d’un village et d’une tribu, capable de progrès dans son milieu
et très probablement perdu, s’il en est l’extrait. Nous nous attacherons à développer le sentiment
de sa dignité et de sa responsabilité, progrès moral, et à l’enrichir, progrès matériel ; mais nous
le ferons dans le cadre de ses institutions naturelles. Si ces institutions se sont altérées à notre
contact, nous les réorganiserons sous une forme nécessairement nouvelle et cependant assez
proche de lui pour maintenir, en lui, le goût de son pays et pour le porter à y faire ses preuves,
d’abord, avant toute autre étape. En un mot nous rendrons à l’indigène ce dont nul homme ne
peut se passer sans dommage ; nous ne lui ferons aucun cadeau illusoire, nous lui restituerons
en même temps le sens profond de la vie et le souci de la perpétuer. »1

A partir de ce discours, tout porte à croire que Félix Éboué posait déjà ici les bases de la libération des
peuples noirs d’Afrique soumis à la colonisation française. Pour dire vrai, c’est un Noir du giron ou des
arcanes de la colonisation française qui pensait pour la première fois, de façon pacifique, à la libération
des indigènes de par leur participation effective à l’effort de guerre du côté de la France. Cela signifie
de toute évidence que Félix Éboué, en faisant la lecture du contexte historique de l’époque, avait su tirer
profit de l’audience sinon de la notoriété dont il bénéficiait au sein des milieux coloniaux français pour
se prononcer et s’exprimer sur la libération des indigènes. Ce discours trouvera ultérieurement un écho
favorable. Car du 30 janvier au 8 février 1944 était organisée la Conférence de Brazzaville, au Moyen-
Congo, en Afrique Équatoriale Française. Elle était organisée par le Comité français de la Libération
nationale (CFLN) dirigé par le général de Gaulle. La conférence en tant que telle réunit les représentants
administratifs des territoires français d’Afrique, autour du général de Gaulle et de René Pleven. Comme
participants à la conférence, on note 21 gouverneurs, 9 membres de l’Assemblée consultative, 6
observateurs envoyés par le gouvernement général de l’Algérie et les Résidences générales de Tunisie
et du Maroc. Aucun indigène n’y prend part. Le but essentiel de cette conférence était de déterminer le
rôle et l’avenir de l’empire colonial français. A l’issue de cette conférence, l’abolition du code de
l’indigénat est décidée. De plus, au cours de cette conférence, est notamment retenue la proposition,
faite par Félix Éboué, d’une politique d’assimilation en faveur des colonies. Ce discours de Félix Éboué
a la même sève que celui prononcé par le général de Gaulle à l’ouverture de ladite conférence puisqu’il
affirme la nécessité d’engager les colonies « sur la route des temps nouveaux ». Et pour apporter de
l’eau au moulin, le général de Gaulle dans son discours d’ouverture déclare :

« En Afrique française, comme dans tous les autres territoires où des hommes vivent sous notre
drapeau, il n’y aurait aucun progrès qui soit un progrès, si les hommes, sur leur terre natale, n’en
profitaient pas moralement et matériellement, s’ils ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au
niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires. C’est
le devoir de la France de faire en sorte qu’il en soit ainsi. »2

Les commentaires d’historiens, aussi nombreux soient-ils, divergent tout de même sur leur
appréhension, voire leur approche relative à cette Conférence de Brazzaville. Si les historiens les plus
optimistes voyaient dans cette conférence de Brazzaville comme l’un des signes annonciateurs de la
décolonisation, en revanche pour les plus pessimistes comme Pierre Montagnon, militaire et historien
français, et spécialiste de l’histoire de la France et de l’Empire colonial français, elle constitue un faux
départ de celle-ci. Et dans ce sillage, il faut aussi ajouter l’historien Xavier Yacono (1912-1990),
universitaire et historien français de l’Algérie et titulaire de la chaire d’histoire à l’université de
Toulouse, jusqu’à sa retraite effective en 1977, pour qui, la conférence, tout en préconisant de réelles
réformes, se situe encore dans un contexte où la décolonisation demeure impensable et où l’idéal
demeurait toujours qu’un Africain français devînt un Français africain. Toutefois, on observe qu’au
lendemain de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle matérialisait ce progrès des
indigènes par des dispositions juridiques contenues dans la constitution française de 1946. En effet, dans
son préambule, elle stipule que :

1
Allocution prononcée par Félix Éboué le 8 novembre 1941 devant une commission de cinquante membres
(gouverneurs, administrateurs, missionnaires, commerçants) de l’Afrique Équatoriale Française.
2
Extrait du discours du général de Gaulle à l’ouverture de la Conférence de Brazzaville le 30 janvier 1944.

50
« Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la
charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres
affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal
accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés
proclamés ou confirmés ci-dessus. »1

La disposition constitutionnelle véritable qui établissait cette égalité entre Français et indigènes est
l’article 80 de cette constitution française de 1946 qui stipule que :

« Tous les ressortissants des territoires d’outre-mer ont la qualité de citoyen, au même titre que
les nationaux français de la métropole ou des territoires d’outre-mer. Des lois particulières
établiront les conditions dans lesquelles ils exercent leurs droits de citoyens. »2

D’ores et déjà, ce progrès amorcé au niveau constitutionnel par Charles de Gaulle connaîtra sans
discontinuité une évolution certaine puisque les anciennes colonies françaises de l’A.E.F. tout comme
celles de l’A.O.F. accédaient toutes aux indépendances en 1960 en passant respectivement par deux
étapes majeures à savoir : l’Union Française et la loi cadre de 1956. En outre, la Seconde Guerre
mondiale (1939-1945) reste un fait historique majeur dans le processus de libération des peuples noirs
d’Afrique soumis à l’impérialisme européen. Brazzaville, en jouant à la fois le rôle de capitale de
l’Afrique Équatoriale Française et de la France Libre, avait su tirer son épingle de jeu puisqu’elle était
au cœur de tous les enjeux de résistance et de libération à la fois des Français et des indigènes. Dès lors,
il s’impose aux Français et aux Africains une grande reconnaissance historique à la ville de Brazzaville
qui a été au cœur de tout l’enjeu de résistance et de libération à la fois des Français et des indigènes.

Conclusion

Rien ne pouvait soupçonner que le petit village des pêcheurs tékés, M’Foa, où Pierre Savorgnan de
Brazza installait son premier poste lors de la conquête française, allait devenir une grande ville. Et
pourtant, le 3 octobre 1880, ce poste devenait officiellement Brazzaville. Celle-ci jouait le rôle de
capitale du Congo français avant la conquête de l’Oubangui-Chari et du Tchad. Après la conquête de
ces deux territoires, le 15 janvier 1910, le Congo français fait place à l’Afrique Équatoriale Française et
Brazzaville devenait également sa capitale. Aussi étrange que cela puisse paraître, entre 1940 et 1942,
c’est-à-dire en pleine Seconde Guerre mondiale, cette ville de Brazzaville jouait en dehors de sa fonction
traditionnelle de capitale de l’Afrique Équatoriale Française une autre fonction, celle de la capitale de
la France Libre, à la suite de l’appel du général de Gaulle du 18 juin 1940. Finalement, entre 1940 et
1942, Brazzaville était une capitale double. Car elle était concomitamment la capitale de l’Afrique
Équatoriale Française et la capitale de la France Libre. Ce fait reste inédit dans l’histoire de l’humanité.
Car aucune capitale d’une fédération de colonies n’avait joué une telle fonction. Cette double fonction
avait aussi un double enjeu majeur. Le premier enjeu majeur était celui de la résistance et de la libération
des Français qui étaient sous l’occupation de l’Allemagne hitlérienne depuis l’armistice signé le 25 juin
1940 par le Maréchal Pétain. Le second enjeu majeur est celui de la résistance et de la libération des
indigènes qui vivaient sous le mode de l’indigénisme au sein de l’empire colonial français dont les trois
traits caractéristiques néfastes étaient le code de l’indigénat, l’impôt de capitation et le travail forcé.
Cependant, nous retiendrons en tout état de cause que la Seconde Guerre mondiale a mis les colons
français et les indigènes sur un même pied d’égalité en termes de prestige. Car l’indigène a vu son
oppresseur être dans une situation analogue que la sienne, celle de l’opprimé. Et pour dire vrai, c’étaient
les indigènes qui, par loyalisme, contribuaient de façon importante sinon remarquable à la libération des
Français qui vivaient sous l’emprise de l’Allemagne hitlérienne, période au cours de laquelle l’État
français en tant que tel n’existait plus. Robert Cornevin, dans cette perspective souligne en substance
que « le loyalisme fut remarquable et il faut rappeler que, durant la campagne de 1940, les contingents

1
Préambule de la Constitution française de 1946.
2
Article 80 de la Constitue française de 1946.

51
d’outre-mer représentaient 50% des pertes »1. Le professeur Théophile Obenga à son tour soulignait
que « l’axe franco-africain a fourni à la France des soldats pour la libération de l’Europe et de la
France elle-même au cours des deux guerres mondiales »2 . Malheureusement, il faut l’avouer, une
véritable reconnaissance certaine de la France ou des Français vis-à-vis de l’œuvre accomplie par les
indigènes est loin d’être de mise. Autrement, cette histoire est véritablement méconnue par les Français,
faute de symboles historiques suffisants susceptibles de la matérialiser. D’ailleurs, même les
combattants indigènes des colonies françaises d’Afrique qui libéraient la « France occupée », de par leur
sang, étaient traités par les « Français libérés » de « tirailleurs », un terme ingrat qui va à l’encontre
même de la reconnaissance qu’ils mériteraient de fond en comble pour l’œuvre accomplie. Ainsi, le
retrait de ce terme de « tirailleurs » des Dictionnaires de la langue française (Larousse, Robert,
Hachette, etc.) constituera déjà en soi une marque de reconnaissance et un hommage mérité que le
peuple français actuel aura rendu à ces braves combattants indigènes des forces françaises d’Afrique
noire qui avaient libéré la France de l’occupation allemande hitlérienne.

A la lumière de tout ce qui précède, on ne peut donc pas ne pas reconnaître le rôle moniteur joué par
Brazzaville dans la libération de la France qui était sous l’occupation de l’Allemagne hitlérienne. Ne
pas le reconnaître, c’est véritablement cracher sur la face de l’histoire. Dès lors, Brazzaville ne mérite-
t-elle pas une stèle de grande envergure au sein de la ville de Paris et des autres villes françaises en signe
de reconnaissance du rôle moniteur qu’elle a su jouer en faveur de la libération de la France par le
truchement de la France Libre ? Telle est donc la question soumise à la méditation à la fois aux hommes
politiques et aux historiens français.

Bibliographie

1) Aïssi Antoine-Marie, « Les peuples de l’AEF face au système juridictionnel colonial », in Centenaire de
la Conférence de Berlin (1884-1885), Paris, Présence Africaine, 1987, pp. 363-387.
2) Ambrière Francis (sous dir.), L’Afrique centrale ; Les Républiques d’expression française, Paris,
Librairie Hachette, 1962, 535 pages.
3) Cornevin Robert, « La IIIe République et l’expansion coloniale », in Centenaire de la Conférence de
Berlin (1884-1885), Paris, Présence Africaine, 1987, pp. 219-235.
4) Cornevin Robert et Marianne, Histoire de l’Afrique des origines à nos jours, Paris, Petite Bibliothèque
Payot, 1966, 448 pages.
5) Durand Yves, Histoire générale de la Deuxième Guerre mondiale, Bruxelles, Éditions Complexe, 1997,
989 pages.
6) Durkheim Émile, in J.-M. HANNICK : Réflexions sur l'histoire – Notes , http://bcs.fltr.ucl.ac.be › Hist_fn
7) Ki-Zerbo Joseph, Histoire de l’Afrique Noire. D’Hier à Demain. Paris, Hatier, 1978, 766
pages.
8) Cissoko Sékéné Mody, « L’Afrique Noire à la veille de la Conférence de Berlin », in Centenaire de la
Conférence de Berlin (1884-1885), Paris, Présence Africaine, 1987, pp. 75- 85.
9) Histoire générale de l’Afrique, volume VIII. L’Afrique depuis 1935, Paris, Présence
Africaine /Edicef/UNESCO, 1989, 544 pages.
10) Obenga Théophile, « La reconquête intellectuelle de l’Afrique par les Africains », in Géopolitique
Africaine n°37, juillet-septembre 2010, pp.157-162.
11) Suret-Canale Jean, « La politique coloniale française sous la IIIe République », in Centenaire de la
Conférence de Berlin (1884-1885), Paris, Présence Africaine, 1987, pp. 199-218.

1
Robert Cornevin, « La IIIe République et l’expansion coloniale », in Centenaire de la Conférence de Berlin (1884-
1885), Paris, Présence Africaine, 1987, p. 235.
2
Théophile Obenga, « La reconquête intellectuelle de l’Afrique par les Africains », in Géopolitique Africaine n°37,
juillet-septembre 2010, p.158.

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BRAZZAVILLE, DE LA RESISTANCE SOUS L’EMPIRE COLONIAL 1940 A LA
RESILIENCE AUJOURD’HUI, C’EST-A-DIRE DE NOS JOURS.

David Amelberge IKITI


Docteur
Faculté des lettres, Arts et Sciences Humaines
Université Marien Ngouabi
Brazzaville

Congo

ikitidavid1007@gmail.com

Résumé :

L’histoire mémorielle de Brazzaville, capitale de la France libre, eut pour acteur principal le Général de Gaulle.
Cette histoire partagée est un épisode capital de l’histoire des grands hommes du XXème siècle. Il s’était sacrifié
pour sauver son pays, lui, dont la personnalité fut façonnée et formée dès sa prime enfance aux principes de la
résistance, de la guerre et non de l’amnistie, non de la capitulation et encore moins de l’abdication, devant les
tempêtes que connut la France de 1940.
Il fit de Brazzaville, pendant beaucoup de temps, sa résidence préférée, qui ressembla à un théâtre d’opérations.
En effet, la capitale de la France libre, joua au triple plan, les rôles de ville politique, juridique et sociale, d’une
part, de ville de résistance militaire et enfin, de ville médiatique et instrument de propagande gaulliste, d’autre
part.
Ces pratiques gaullistes n’inspirèrent-elles-pas le Congo-Brazzaville à la résistance, voire même à la résilience
endogène dans le règlement de ses conflits fratricides ? Cette sorte de relais ne fût-il pas pris par les Congolais
dans la construction de l’expérience du « mbongui » (la case à palabres), lieu par excellence où se conclurent les
différents accords de cessation des hostilités, lors de ses différentes guerres fratricides à répétition entre 1994-
1999 ? C’est assurément cette même expérience qui fut exportée dans d’autres pays traversés par les
conflictualités à l’étranger, surtout en Afrique.
A maints égards, « l’homme de Brazzaville », demeure l’exemple à copier par les plus jeunes générations post
deuxième guerre mondiale, y compris les années qui l’ont suivie, de savoir qu’il faut affronter les enjeux et les
contraintes de notre époque, à travers la compréhension de la période importante de l’histoire du XXème siècle,
afin d’éclairer et d’élever leur pensée face aux réalités et aux défis du XXIème siècle.

Mots clés : Brazzaville, amnistie, capitulation, abdication résistance, résilience, hostilités, règlement.

Summary:

The memorial history of Brazzaville, capital of Free France, had as its main actor, General De Gaulle. This shared
history is a capital episode in the history of the great men of the 20th. He had sacrificed himself to save his country,
he whose personality was shaped and formed from his early childhood of the principles of resistance, of war and
not of amnesty, not of capitulation and even less of abdication, in front of the storms that France experienced
in1940.
He mad Brazzaville, for a long time, his favorite residence, which resembled a theater of operations.
In fact, the capital of Free France payed the triple role of political, legal and social city, on the one hand, of
military resistance city and finaly of media city and instrument of Gaullist propaganda on the other hand. Didn’t
these Gaullist practices inspire Congo Brazzaville to resistance, and even to endogenous resilience in the
resolution of its fratricidal conflicts ? Wasn’t this kind of relay taken by the Congolese in the construction of the
experience of the « mbongui » (the palaver hut), the place for excellence where the different agreements of
cessation of hostilities were concluded, during its different fratricidal wars between 1993-1999 ? It is certainly
this same experience that was exported to the other countries affected by conflicts abroad, especially in Africa.
In many respects, « the man from Brazzaville » remains to be copied by the younger generations post world war
II, including the years that followed, to know that it is necessary to face the issue and constraints of our time

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througt the understanding of the important period of the history of the twentieth (20th) century, in order to
enlighten and elevate their thinking in the face of the realities and challenges of the twenty-firt (21st) century.

Key words : Brazzaville, amnesty, surrender, abdication, resistance, resilience, hostilities, settlement

classification JEL Z 0

Introduction

L’histoire entre la France et Brazzaville, capitale de cette France libre, y compris les colonies françaises
rassemblées, semble assez idyllique dans un versant, telle une aventure amoureuse, naïve et tendre, dans
ses débuts. Mais aussi, dans l’autre versant, cette histoire contemporaine semble caractérisée par un
relent d’intérêts, offrant aux yeux du monde, des péripéties tragiques à cause d’un ralliement en vue de
résister à une guerre forcée. La mise en place progressive d’une politique d’assimilation, sous la forme
déguisée de la Communauté, mais non à l’idée immédiate d’indépendance des colonies vis-à-vis de la
patrie française, en fut, in fine, l’aboutissement.

A la vérité, c’est cette ville, Brazzaville, autrement appelée par le Général Mangin « la force noire »,
capitale de l’empire, ville de la résistance, qui fut la ville-refuge par excellence, car elle offrit un cadre
idéal et opportun à la France pour rester à l’affût, afin de saisir l’occasion de résister à l’envahisseur
allemand.

Par ailleurs, n’est-ce-pas à cause de son historicité, que finalement Brazzaville, capitale du Congo,
imprima en soi, et continue d’ailleurs à le faire, l’attribut de ville résiliente, lorsqu’elle fut prise elle-
même dans l’engrenage de ses tourments de guerre fratricide, par la traversée d’une page sombre entre
1993-1999 de son histoire ? La solution, c’est de rechercher préalablement une paix intérieure qui se
voudrait durable, mais aussi ensuite, cette paix orientée vers le don de son expérience dans ses relations
internationales. Oui, c’est à ce niveau que se situe donc la volonté de rechercher des voies et moyens de
la possibilité d’une paix entre les belligérants en République centrafricaine, en République démocratique
du Congo, en Lybie, voire dans d’autres pays de la sous-région d’abord et d’autres régions du monde
ensuite.

L’intérêt de cet article est de montrer d’abord les prédispositions naturelles et intrinsèques du caractère
de la personnalité du Général de Gaulle façonnée déjà par l’éducation parentale dès sa tendre enfance,
et pressentie, non à l’esprit de la défaite, de la capitulation, mais plutôt à l’esprit d’une résistance
farouche et acharnée, contre l’envahisseur allemand. Le Général de Gaulle porta son dévolu, en termes
de choix historique déterminant, sur Brazzaville hier capitale de la France libre, capitale de l’empire,
ville-refuge de l’honneur et de l’indépendance français, qu’il transforma en ses quartiers résidentiels
préférés, comme déjà dit plus haut, afin de réorganiser la France pour rebondir pour reconquérir la
capitale française qui déjà ployait sous une sorte de chape de plomb des attaques de l’Allemagne nazie.

Cette résistance de Brazzaville, hier capitale de la France libre et de la résistance coloniale, appelée à
juste titre par le Général Mangin, « la force noire », aura aussi vraisemblablement inspiré le Congo, dont
Brazzaville est la capitale, à orienter de nos jours enfin la vision de sa politique internationale vers
l’expérience d’acquisition des capacités de résilience dont il aura assurément fait montre face à son
histoire sombre des années 1993 à 1999, vis-à-vis de ses problèmes internes d’une part, mais aussi, la
leçon qu’il en a tirée pour être une force de propositions à d’autres pays ayant traversé des périodes
tumultueuses de leur histoire, telle la République centrafricaine, la RDC et la Lybie, pour ne citer que
ceux-là.

C’est pour cette raison si évidente que nous avons volontairement choisi d’interroger cette histoire
contemporaine, événementielle si émouvante, en scrutant Brazzaville, de la résistance sous l’empire

54
colonial en 1940 à la résilience aujourd’hui, c’est-à-dire de nos jours, en vue du souvenir de cette
mémoire partagée, quoique présentant toujours maints aspects de réminiscence.

Pour y parvenir, nous avons jugé nécessaire d’adopter une approche méthodologique qui se voudrait à
la fois anthropologique et historique, narrative, dans la mesure où nous partons de l’étude des caractères
originels de la personnalité d’un homme : « l’homme de Brazzaville », le Général de Gaulle, l’un des
grands personnages de l’histoire du XXe siècle, s’identifiant toujours à son pays : la France sa patrie,
dans ses manières charismatiques de sentir et de réagir qui le distinguent ; mais aussi, dans son
tempérament et au sein de la société dont il aura marqué une empreinte historique indélébile.

Ainsi donc, la problématique que soulève notre article est tout simplement de démontrer que les
caractères originels et charismatiques de la personnalité d’un homme : « l’homme de Brazzaville » ;
auraient indubitablement fait le lit, ou furent permissifs à Brazzaville comme cadre idéal, pour jouer, au
triple plan, un rôle de ville politique, juridique et sociale, rôle de ville de la résistance militaire, enfin,
rôle de ville médiatique et instrument de propagande, pour qu’elle soit ville capitale de la résistance de
la France libre, ville de refuge, de l’honneur et de l’indépendance française, ainsi que de sa souveraineté.
Cette France qui mit à contribution y compris ses valeurs humanistes et universelles nécessaires dans la
poursuite de la lutte contre peu ou prou l’hégémonie momentanée de l’Allemagne nazie.

A cet effet, les trois grandes parties constituant les lignes de forces de notre travail ci-dessous énumérées,
échafauderont la rédaction de notre article, comme hypothèses capables de répondre à la problématique
posée un peu plus haut, avant d’en arriver à l’épilogue qui n’est autre que notre conclusion.

Ainsi donc, dans la première partie, nous montrerons comment le Général de Gaulle déjà, dès son plus
jeune âge, reçut une éducation qui forgea et moula sa personnalité par des caractères originels et
intrinsèques, aux principes de la résistance, mais pas à la renonciation de la guerre, encore loin à la
capitulation.

Dans notre deuxième coupure, nous nous efforcerons de montrer le triple rôle joué par Brazzaville
capitale de la France libre : rôle de ville politique et juridique, rôle de la résistance militaire, et enfin,
rôle médiatique et de propagande, afin de résister à l’Allemagne nazie.

Enfin, dans la dernière partie de notre écrit, nous nous demanderons si l’historicité de Brazzaville en
tant que capitale de la France libre ne fut pas une sorte de source d’inspiration à cause de ses capacités
de résilience, d’abord endogènes, lui ayant permis d’endiguer ou de transcender ses propres difficultés
sociopolitiques internes de 1993-1999 de la page sombre qu’il a pu courageusement tourner. Ensuite,
exogènes, dans l’expérience de ses relations internationales, en termes de force de propositions dans les
conflits traversés par beaucoup de pays de notre sous-région, voire d’autres sous-régions, toujours tapis
dans des périodes tumultueuses de leur histoire. La démonstration de cette expérience de résilience a
concerné par exemple la République centrafricaine, la RDC et la Lybie, pour ne citer que ceux-là.

1. Le Général de Gaulle, affectueusement appelé « l’homme de Brazzaville », était-il déjà façonné


et formé de par les caractères originels et intrinsèques de sa personnalité, aux principes de la
résistance et non à l’abdication, moins encore à la capitulation devant une situation orageuse
quelconque ?

Les quelques pages comme morceaux choisis du livre écrit par Max Gallo, intitulé De Gaulle 1 l’appel
du destin, que nous avons lues, nous ont peint le façonnement, la préparation, l’éducation du Général de
Gaulle, par ses parents, depuis même sa tendre enfance, par ce qu’il aura retenu d’eux, comme force de
caractère, enclin non à l’abandon lorsque survient une quelconque situation périlleuse, mais plutôt à la
résistance, à l’esprit combatif, l’esprit de guerre et enfin, à la conviction du succès.

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Voici ce qu’il rapporte en substance :

« Le Général de Gaulle sait que depuis le 16 juin 1940, un peu plus de


deux semaines déjà, la mère de Charles de Gaulle, Jeanne Maillot est
morte. Il se souvient de chacun des traits de cette femme ardente et fière.
Il se rappelle les leçons que sa mère, durant toute son enfance lui a
prodiguées. Elle était énergique, elle disait qu’elle avait hérité de la
vertu intransigeante de sa propre mère, Julia Maillot-Delannoy, qui
descendait d’un Irlandais. Ayant pris conscience de l’information de la
mort de sa mère, Charles de Gaulle se raidit. Elle est morte. Il est
persuadé que, depuis le 18 juin, si elle a entendu les Appels à la
résistance, répétés presque chaque jour à la BBC, elle a partagé sa
conviction, sa détermination. Quoi qu’il arrive, la flamme de la
résistance ne s’éteindra pas doit ».1

Dans la même lancée, les parents de Gaulle, avant sa naissance, pensaient déjà à pétrir l’enfant de Gaulle
qui va naître d’une idéologie tournée vers la combativité. Il faut que leurs enfants soient nourris de cette
pensée orientée vers l’amour de la patrie et le courage, la tradition d’éprouver du mépris pour la
capitulation ou l’armistice, forger la mémoire à la résistance, à la bataille, au combat et à la conviction
du succès. Pour corroborer cette éducation à cette morale, l‘auteur précité n'ajoute-il pas ce qui suit :

« Apprendre à souffrir est une des sciences politiques les plus


nécessaires à l’humanité. ». Jeanne se répète cette phrase. Elle est la clé
de voûte de sa morale. Elle sait qu’Henri de Gaulle est aussi pénétré de
cette idée. Il faut que leurs enfants soient nourris de cette pensée. Il faut
lui enseigner l’amour de la patrie et le courage. Lui raconter cette guerre
de 1870 à laquelle Henri de Gaulle a participé dans les gardes mobiles,
lors du siège de Paris par les Prussiens. C’était lors des affrontements
qui se déroulèrent au nord de Saint-Denis. Puis il a combattu à Stains et
au Bourget. Et il n’a éprouvé que du mépris pour ceux qui ont signé la
« capitulation déguisée sous le nom d’armistice ». Et abandonné ainsi
L’Alsace et la Lorraine. « France malheureuse de 1870 ! » Il faudrait
que cette blessure toujours ouverte de la patrie, l’enfant à naître la
connaisse, se souvienne ». Il en sera de même pour ce fils, Charles
André Joseph Marie de Gaulle, qui vient de naître. A lui de tracer sa
route. A lui d’inventer sa vie sous le regard et dans la main de Dieu. A
nous, sa famille de lui transmettre notre seul héritage : notre mémoire,
nos vertus, notre foi enracinées dans l’histoire de notre patrie »2.

Par ailleurs, l’histoire nous rappelle que le rêve caressé par de Gaulle était toujours celui tourné vers la
volonté de résister, de se battre… Il ne pensait qu’à la patrie, voilà pourquoi il pensait que l’armée dans
laquelle il s’était enrôlé, n’oublie pas qu’elle incarne toute la patrie et qu’elle ne doit être qu’au service
de son peuple. Pour lui, il faut donc retrouver la volonté de résister, de se battre.

Cette idée qui lui était inculquée par ses parents, devenait une sorte d’héritage de la tradition, dont vivait
intensément de Gaulle, et qu’il devait incarner, en tant que maillon de cette chaîne, l’héritier de cette
tradition, où prend place la fleur de lys, symbole d’unité nationale, qui n’est que l’image d’un javelot à
trois lances, l’aigle impériale et le drapeau tricolore.

Guerre ou compromis ? Résistance ou capitulation ?

1 Gallo Max, De Gaulle 1 l’appel du destin, Paris, Robert Laffont, 1998, p.p. 13-14
2
Gallo Max, De Gaulle 1 l’appel du destin, op.cit., p.p. 24-28

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Le Général de Gaulle avait sans ambiguïté ou sans ambages, choisi de poursuivre la guerre, mais non
pas le compromis. Il a opté clairement pour la bataille, pour la résistance et non pour la capitulation.
C’est d’ailleurs cette raison d’ores et déjà figée dans sa pensée que ne partagent pas certains de ses
supérieurs hiérarchiques. Pour s’en convaincre, l’histoire, en empruntant les propos de Max Gallot, nous
en fait le rappel en ces termes :

« Le 30 septembre 1938, alors qu’il écoute la radio, il reconnaît la voix


de Daladier, qui se félicite de l’accord signé à Munich avec Hitler. On
vient d’abandonner la Tchécoslovaquie en cédant à Hitler les Sudètes.
De Gaulle a une moue de dégoût. Daladier confie aux journalistes : « Je
crois que nous avons fait est raisonnable. Fallait-il tuer quinze millions
d’Européens pour obliger trois millions de Sudètes qui voulaient être
allemands à rester en Tchécoslovaquie ?... Grâce à la compréhension
des représentants des grandes puissances occidentales, ajoute-t-il, la
guerre a été évitée, et une paix honorable assurée à tous les peuples. »
Et Chamberlain clame : « C’est la paix pour notre temps ! » »1.

Ces propos entraînent du mépris, du dégoût mêlé de colère et presque d’incrédulité, voire de l’amertume,
d’où l’expression de l’indignation de de Gaulle.

Certains chefs hiérarchiques qui étaient enclins au choix du compromis, de l’abandon, de l’abdication,
de la capitulation, étaient suivis par certains journaux de la capitale française. À l’exception de
l’Humanité, communiste, de l’Aube et de Temps présent, des publications catholiques, aucun quotidien
important n’avait pas condamné Munich. Et les grands notables de la politique se félicitèrent de cet
accord. « Etaient-ils à ce point aveugles ou corrompus », se demanda le Général de Gaulle. Il ne transige
pas sur son opinion première, à savoir : la continuation de la bataille, de la guerre, si bien qu’à la question
qui lui est posée par un commandant : Mon colonel, que fallait-il faire ? La réponse du Général fut sans
équivoque et d’une voix rageuse : « la guerre ».

Pour de Gaulle, et selon l’éducation qui lui a été imprimée depuis sa prime enfance, réconfortée par ses
propres convictions, cette guerre dont la France et ses alliés ont subi une défaite totale, éclatante, selon
les propos tenus par l’Anglais Winston Churchill, qui a déclaré le 4 juin 1940 devant la Chambre des
Communes : « Nous avons subi une défaite totale, éclatante… Nous sommes plongés dans un désastre
de première grandeur… Et ne croyez pas que ce soit la fin. C’est seulement le début… « Nous nous
battrons dans les champs et dans les rues, nous nous battrons sur nos plages et nos collines »2.

Cette guerre donc qui plonge la France et son empire colonial dans une situation caractérisée par une
atmosphère de chaos total et de déliquescence du pouvoir assez déprimante, impose un comportement,
une attitude, une réaction résumée dans un seul et maître mot : la résistance.

En clair, cette résistance va d’abord à l’encontre de l’armistice, que veut et défend à cor et à cri le
Maréchal Pétain qui, en remplacement de Paul Reynaud au poste de président du Conseil, avait même
déjà, selon les journaux parus le matin de ces jours-là, composé son gouvernement qui plaçait le général
Weygand à la tête de la Défense nationale. A midi trente le général Pétain s’adressa aux Français à la
radio, en faisant état des pourparlers engagés cette nuit même avec l’adversaire. Il envisageait de mettre
un terme aux hostilités « entre soldats, après la lutte et dans l’honneur », et conclu son bref message
par : « Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur »3.

Les Français n’ont pas tous baissé les bras. Winston Churchill a mis la radio à la disposition de Charles
de Gaulle, en séjour de guerre à Londres, depuis la veille, du 17 juin 1940, afin qu’il puisse s’adresser
aux Français.

1
Max Gallo, op.cit. p.p. 341-342
2
Max Gallo, op.cit. p. 343
3
Franck Ferrand, Les grands personnages de l’histoire, Charles de Gaulle, Chroniques, Paris, 2019, p. 26

57
C’est donc le soir du 18 juin 1940, à 20 heures, sur les ondes de la radio BBC, que se fit entendre une
voix grave et ferme rendue vibrante par l’émotion. C’est le fameux et historique appel du 18 juin 1940,
du Général de Gaulle à la résistance déclarant notamment :

« Croyez-moi, … moi qui vous dit que rien n’est perdu pour la France.
…Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste empire derrière elle. …Elle peut
faire bloc avec l’empire britannique qui continue la lutte… Cette guerre
n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre
mondiale… Moi, général de Gaulle, j’invite tous les officiers et les
soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui
viendraient à s’y trouver, les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des
industries d’armement à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il
arrive, la flamme de la résistance française ne s’éteindra pas »1.

Neuf jours après, c’est-à-dire le 27 octobre 1940, c’est à partir d’un territoire de l’Afrique Equatoriale
française à la radio de Brazzaville qui sera déclarée sous peu capitale de la France libre, donc, que le
Général de Gaulle annonce la riposte, en prenant très violemment à partie les « malheureux ou
misérables qui prétendent à Vichy, constituer le gouvernement français engagés de force avec l’ennemi
dans d’infâmes négociations ».

De Gaulle avait par conséquent affirmé :

« Aujourd’hui Le peuple et l’Empire n’acceptent pas l’horrible


servitude. » Le gouvernement soumis à l’envahisseur, « il faut donc
qu’un pouvoir nouveau assume la charge de diriger l’effort français
dans la guerre ? Les événements m’imposent ce devoir sacré, je n’y
faillirai pas ». C’est donc très solennellement qu’il annonce la
constitution d’un Conseil de défense de l’Empire, composé d’hommes
qui exercent déjà leur autorité sur des terres françaises ou qui
synthétisent les plus hautes valeurs de la nation. Déniant ainsi le
gouvernement de Vichy, de Gaulle appelle à la guerre « en union étroite
avec nos alliés »2.

Répondant à l’appel que le général de Gaulle a lancé sur les ondes de la BBC, des milliers de français
ont observé des actes symboliques de résistance passive, sous forme de protestation muette de la Patrie
écrasée, appelée : « l’heure d’espérance ». Son modus operandi, selon l’instruction du Général, était
qu’aucun français ne devait passer dans les rues de nos villes et de nos villages. « Il ne s’y trouvera que
l’ennemi ! » avait-il décidé. Ainsi, de 14 heures à 15 heures en France non occupée, et de 15 heures à
16 heures en France occupée, les places et les lieux publics se sont vidés dans un grand mouvement de
résistance passive.

Dans le même contexte, il sied aussi de signaler enfin l’acte de résistance perpétré par des officiers
français qui avaient dérobé des armes et du matériel aux commissions d’armistice. En sus de ces actes
précités, un autre un mouvement de résistance civile s’est fait sentir à travers des organisations de
propagande comme Libération, Combat ou Franc-Tireur en zone libre3.

Voilà comment la personnalité de celui qui affectueusement est appelé « l’homme de Brazzaville » était
déjà forgée, façonnée et préparée aux principes de la résistance et non à l’abdication, à la capitulation
de la patrie française. En effet, la reconnaissance de la France libre et le bénéfice d’un soutien
bienveillant des pays alliés ainsi que des territoires de l’empire, l’occasion de la célébration de la fête
nationale du 14 juillet devenait du même coup celle de tous les hommes libres. La France fut désormais

1
Franck Ferrand, op. cit, Chronique, Paris, 2019, p. 27)
2
Franck Ferrand, op.cit., Chronique, Paris, 2019, p. 29
3
Franck Ferrand, op.cit., Chronique, Paris, 2019, p. 29

58
combattante car « Pour les Français, il n’y a pas de devoir plus sacré que l’union contre l’ennemi et
contre les traîtres »1.

2. Le rôle de ville politique, juridique et sociale historiquement joué par « Brazzaville, capitale de
la France libre ».

En convoquant l’histoire, sur cette deuxième coupure de notre travail qui concerne le rôle éminemment
historique joué par Brazzaville, capitale de la France libre, nous pouvons, sans risques de nous tromper,
être certains qu’elle joua fondamentalement quatre grands rôles à savoir : rôle de ville politique,
juridique et sociale, rôle de ville de résistance militaire et rôle de ville médiatique et de propagande. Ces
différents rôles joués par Brazzaville que nous détaillerons dans les lignes qui suivent, sont
essentiellement marqués par un certain nombre de faits historiquement vraisemblables, qui justifient
certains de ses attributs que la ville a portés tel un costume. C’est d’ailleurs par cette ville, que nous
avons voulu à souhait appeler : ville-liaison, de renommée internationale, que s’incruste à jamais, telle
gravée comme sur une pierre, notre histoire commune en termes de mémoire partagée entre la France et
Brazzaville, dont elle fut, nous le répéterons à l’envie: capitale de la France libre.

2.1. Rôle de ville politique, juridique et sociale.

La défaite militaire contre l’Allemagne, à partir de 1940, plongea la France dans une crise majeure aux
répercussions considérables. Ainsi, la politique et les institutions connurent un grand bouleversement
tel qu’un hiatus se produisit dans le cours de son histoire. La destinée de ses colonies en fut, elle aussi,
infléchie.

C’est à Brazzaville que le général de Gaulle proclama le 26 octobre 1940, « Brazzaville capitale de la
France libre ». Pendant plusieurs semaines, ce fut son quartier général. Il y créa un Conseil de défense
de l’Empire, manière de gouverner la France libre. Ce Conseil, disons-le, avait à la fois une connotation
politique et militaire.

Politiquement d’abord, c’est par son biais que de Gaulle publia très solennellement une organisation
composée d’hommes qui exercèrent déjà leur autorité sur des terres françaises ou qui synthétisèrent les
plus hautes valeurs de la nation, déniant ainsi le gouvernement de Vichy.

La création à Brazzaville de ce Conseil de Défense de l’Empire par le général de Gaulle eut pour
conséquence, entre autres, une organisation territoriale impressionnante, notamment les Forces
Françaises Libres (FFL), acte convaincant aux yeux de tous ses alliés, pour justifier sa prétention
d’incarner la nation française. C’est à partir de là que de Gaulle entreprit le contrôle et le ralliement de
ses colonies du Tchad (le 26 août), du Cameroun français (le 27 août), du Moyen-Congo (le 28 août), et
de l’Oubangui-Chari (le 30 août), y compris un peu plus tard, le Gabon, qui tenta vainement de s’en
démarquer et finit par céder au terme d’une confrontation armée, dont les forces françaises libres (FFL)
en prirent le contrôle (du 27 octobre au 12 novembre).

Sur le plan politique, les institutions traditionnelles locales étaient à maintenir. Les efforts de
l’administration devaient tendre vers la constitution d’une élite destinée à participer à la gestion des cités
africaines. La philosophie de la nouvelle politique indigène inspira trois décrets pris par de Gaulle, en
juillet 1942. Le premier créa les communes indigènes. Les commissions municipales, dix membres élus,
avaient la charge de la collecte d’impôts et du maintien de l’ordre public dans les agglomérations
africaines, sous la supervision d’un fonctionnaire. Le deuxième acte éleva les Africains lisant et parlant
couramment le Français et détenteurs d’un certificat d’études primaires ou l’équivalent au statut de
« notable évolué », avec droit de vote et éligibilité aux communes indigènes.
Un peu plus tard, dans la perspective des événements à venir qui corroborent parfaitement ce rôle de
ville politique, il est important de noter par anticipation que c’est également à Brazzaville que le général

1
Franck Ferrand, Chronique, Paris, 2019, p.p. 30-31

59
de Gaulle réunit, du 30 janvier au 8 février 1944, la conférence de Brazzaville, au cours de laquelle il
présenta en filigrane les relations qu’entreprendrait la France et les colonies africaines après la seconde
guerre mondiale, mentionnant pour la première fois la perspective d’une émancipation, prélude à
l’indépendance : c’est encore, Brazzaville : la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Plus tard encore, dans le même contexte que celui précédemment évoqué, c’est-à-dire, par anticipation
par rapport à notre borne temporelle ad quem (1940), par rapport à l’axe que nous avons choisi de
développer, c’est toujours à Brazzaville que l’homme de Brazzaville, le général de Gaulle, prononce, le
24 août 1958, devant une foule venue l’écouter au stade Félix Eboué, un mois avant le referendum
approuvant une nouvelle constitution, un important discours sur l’avenir de la Communauté franco-
africaine dans lequel il pose les bases de l’accession à l’indépendance pour les territoires français
d’Afrique.

Sous l’angle social, parallèlement à l’effort de guerre, les autorités installées par la France libre initièrent
des avancées sociales. En novembre 1941, le gouverneur général réunit une commission consultative,
pour établir les bases qui devaient permettre à la « colonie d’entrer enfin dans la voie de la prospérité »
et de « mieux servir la France ». Félix Eboué consigna les conclusions des travaux dans La nouvelle
politique indigène. Ces autorités relevant de la FFL recommandèrent aussi la mise en œuvre d’une
meilleure assistance médicale et d’un enseignement plus convenable et plus méthodique pour les
autochtones, dans la mesure où la France avait besoin d’une population indigène saine, stable et paisible,
progressant dans l’ordre matériel, intellectuel et moral dans sa colonie.

Brazzaville devient le lieu où la France libre cherche à affirmer sa légitimité, pratiquement en politique,
en droit et socialement. « Brazzaville est la seule capitale légitime, dans un cadre juridique colonial, qui
autorise donc un système peu démocratique ». (Simon Batoumeni Histoire politique du Congo-
Brazzaville, Bublibook, 2020, p. 61.)

2.2. Rôle de ville de la résistance militaire

Pour justifier le rôle que joua Brazzaville en tant que ville de la résistance militaire, nous nous
rappellerons que c’est sous les Forces Françaises Libres, dont la vision créative émanait de Brazzaville,
que le général de Larminat, nommé Haut-commissaire de la France libre en AEF, mit sur pied cinq
bataillons de marche : 17 500 hommes dont 15 000 Africains. Les territoires de l’AEF et du Cameroun,
devenus Afrique française libre, furent l’une des bases opérationnelles des FFL. Les populations durent
contribuer aux besoins de guerre gaulliste, notamment pour la fourniture du caoutchouc et de palmistes
obligatoires, sous peine d’amende, d’emprisonnement ou de bastonnade, y compris pour les travaux
d’intérêt général, comme l’aménagement ou l’entretien des routes.

Par ailleurs, les diverses communications de très bonne facture présentées à Brazzaville, du 27 au 29
octobre 2020 lors du colloque international dénommé : « de Gaulle et Brazzaville, une mémoire
partagée », ont toutes contribué à remémorer cette histoire émouvante. L’exposé fait par M. Jean Marie
Dedeyan, vice-président de la fondation Charles de Gaulle, rappelle et rapporte que c’est à Brazzaville,
devenue capitale de la France libre (jusqu’en juin 1943) que le général de Gaulle rend public le Manifeste
annonçant la création d’un Conseil de Défense de l’Empire, affirmant ainsi la volonté de la France libre
de poursuivre le combat avec l’appui de l’Afrique Equatoriale française. Dans ses « Mémoires de
guerre », le général de Gaulle écrit :

« Participer avec des forces et des terres françaises à la bataille


d’Afrique, c’était faire entrer dans la guerre comme un morceau de
France. C’était défendre directement ses possessions contre l’ennemi.
C’était, autant que possible, détourner l’Angleterre et peut être
l’Amérique, de s’en assurer elles-mêmes pour leur combat et pour leur

60
compte. C’était enfin arracher le France libre à l’exil et l’installer en
toute souveraineté en territoire national »1.

Ainsi donc, au moment du ralliement, Brazzaville s’organise : des usines sont créées où trois mille
Africains et Africaines fabriquent des uniformes et matériels militaires. Le camp Colonna d’Ornano de
Brazzaville est créé pour former les cadres de la France libre, y compris les soldats de l’AEF, dont le
mode d’enrôlement a vraisemblablement été, soit volontaire soit par contrainte. Par conséquent, les
bataillons venus d’Afrique et de l’empire colonial ont joué un rôle crucial dans la seconde guerre
mondiale, notamment lors du débarquement en Provence en août 1944.

2.3. Rôle de ville médiatique et d’instrument de propagande.

Le rôle que joua Brazzaville, en tant que ville médiatique et d’instrument de propagande, se justifie sans
ambages, dans la mesure où c’est à partir d’un territoire de la l’Afrique-Equatoriale française :
Brazzaville donc, que le général de Gaulle annonce le 27 octobre 1940, à la radio de Brazzaville, le
manifeste dit « de Brazzaville » : il a très violemment pris à partie les « malheureux ou misérables qui
prétendent à Vichy, constituer le gouvernement français engagés de force avec l’ennemi dans d’infâmes
négociations ». De Gaulle affirme aujourd’hui : « Le peuple et l’Empire n’acceptent pas l’horrible
servitude. » Le gouvernement soumis à l’envahisseur, « il faut donc qu’un pouvoir nouveau assume la
charge de diriger l’effort français dans la guerre. Les événements m’imposent ce devoir sacré, je n’y
faillirai pas ».

Et dans la foulée, au cours d’une allocution, il proclama Brazzaville « capitale de la France libre ». C’est
là où il installa, pendant plusieurs semaines, son quartier général comme nous l’avons déjà souligné un
peu plus haut, et où s’organisa la résistance ou la riposte de la France libre.

Brazzaville devient alors une ville médiatique, un puissant instrument de propagande, le cœur de la
France libre, avec la création des journaux et de Radio-Brazzaville, qui malgré les difficultés
d’organisation et de matériel, diffuse dans le monde la voix de de Gaulle.

Ces trois attributs caractérisant le rôle joué par Brazzaville en tant que capitale de la France libre
devraient à juste titre, redorer l’image de cette ville, d’une part, ternie historiquement par les pages de
l’histoire sombre qu’elle a vécu (1993-1999) et qui constitue son livre et d’autre part, prouver ses
capacités de résilience à rebondir pour trouver des solutions idoines à ses propres problèmes, mais aussi
être force de propositions vis-à-vis des défis qu’éprouvent d’autres pays à mettre fin aux troubles
sociaux-politiques qu’ils subissent au cours du parcours de leur histoire.

3. Les capacités de résilience à la fois endogène et exogène du Congo Brazzaville dans ses
approches expérimentales à d’autres pays lors des périodes tumultueuses de leur histoire.

Le Congo Brazzaville a toujours pu réussir à endiguer les conflits de guerres civiles à répétition qu’il a
pu traverser en interne, grâce à ses capacités de résilience endogène. Et dans la même approche, il s’est
donné comme exemple à d’autres pays, comme la République Centrafricaine, le République
Démocratique du Congo et même la Lybie, pour ne citer que cela.

Loin de nous dans cette partie de faire l’historique de ces divers conflits que le Congo Brazzaville a
traversés, mais, il nous semble opportun d’en évoquer certains, tout juste en guise de rappel, encore plus
indiquer pour nous d’en dégager dans leur globalité, leurs causes profondes, et de déterminer les
« modus operandi » dont les autorités congolaises usèrent, afin d’en venir à bout : « c’est surtout par la
paix des braves ».

Dans son livre intitulé Introduction à la politique, Maurice Duverger écrit :

1
Colloque international « de Gaulle et Brazzaville, une mémoire partagée », 2020, Brazzaville, 31 octobre

61
« Le combat politique se déroule sur deux plans : d’un côté entre des
hommes, des groupes et des classes, qui luttent pour conquérir, partager
et influencer le pouvoir ; de l’autre, entre le pouvoir qui commande et
les citoyens qui lui résistent »1.

Avant de poursuivre :

« Les hommes et les organisations en conflit emploient diverses


catégories d’armes dans le combat politique… Mais une catégorie
d’armes est exclue, en principe : celle qui comporte l’emploi de la
violence physique »2.

Ces propos de Maurice Duverger s’identifient réellement aux différentes périodes qui ont marqué d’une
manière lugubre, la page sombre de l’histoire du Congo Brazzaville.

Depuis l’année 1993, en passant par 1994, jusqu’à 1999, et sans omettre 2017, dernier conflit jusqu’à
preuve du contraire, dans l’histoire immédiate du Congo-Brazzaville, avec la spécificité conflictuelle
vécue dans le Pool, dont les protagonistes furent le gouvernement congolais et les milices armées de
Monsieur Frédéric Bintsamou, alias Pasteur Ntoumi. La République du Congo, capitale Brazzaville,
ancienne capitale de la France libre, a traversé une page très sombre de son histoire, portant
vraisemblablement des écrits de l’encre rouge, symbolisant le sang, sur nombreux dégâts matériels, des
destructions d’habitations, des barbaries multiformes, une insécurité permanente et plusieurs milliers de
morts inutiles ayant pour origine des règlements de compte entre anciens hommes politiques revenus au
pouvoir.

Pour résumer ou faire simple, les crises politiques, les élections contestées, les relations orageuses avec
Paris, le bras de fer avec le groupe pétrolier français ELF qui exploite les trois quarts de l’or noir du
Congo, l’inflexibilité des positions des uns et des autres, la rupture du dialogue au sein de la classe
politique… font partie de la boîte de Pandore d’où s’échappent chaque jour nombre de maux dont les
Congolais souffrent et auront à souffrir pour très longtemps encore, à cause du manque de sagesse des
hommes politiques congolais qui entraîne, finalement le ternissement de l’image du Congo à l’extérieur.
En définitive, la guerre est l’aboutissement d’une situation née de l’adoption du socialisme (bantou ou
marxisme) au Congo qui, au fil des années, se préparait à une lutte. L’abcès a dû être percé par les
alliances contre nature, les intérêts individuels, la mauvaise gestion du patrimoine national et le poids
trop important des intérêts français au Congo3.

Dans la même pensée, Jean Serge Massamba, Identités ethniques et conflits civils au Congo-Brazzaville,
argumente que :

« Les conflits à consonance communautaire découlent de


l’instrumentalisation de l’appartenance ethnique à des fins politiques,
de la faible institutionnalisation de l’Etat et du défaut d’identité
nationale. Si la colère apparaît comme l’antonyme de la guerre, ces
crises résultent aussi des humiliations, des frustrations produites par les
inégalités sociales et le déficit de citoyenneté. Comme le signale Claude
Ernest Ndalla, homme politique de premier plan, les conflictualités
congolaises trouvent leur genèse dans la « misère et la pauvreté ;
l’insouciance et l’irresponsabilité ; le pillage du patrimoine et des
ressources de l’Etat et la corruption » sans exclure le favoritisme et
l’impunité »4

1
M. Duverger, Introduction à la politique, Coll. Folio essais, Gallimard, 1993, p. 27
2
Op. Cit., p. 188
3
Calixte Baniafouna : Congo Démocratie. Les déboires de l’apprentissage, v. 1, 1995, L’Harmattan, Paris, p. 168
4
Jean Serge Massamba, Identités ethniques et conflits civils au Congo-Brazzaville, L’Harmattan, Paris, 2012

62
Mais, quelle a été l’ingéniosité, la sagesse, la résilience du peuple congolais, et comment a-t-il pu sortir
vainqueur de toutes ces barbaries et ces conflits fratricides ?

Assurément, le peuple congolais, à l’instar de « l’homme de Brazzaville », le général de Gaulle dont la


pensée, son pragmatisme face aux situations les plus difficiles et à des acteurs imprévisibles, constituent
dès lors une source d’inspiration pour tous ceux qui entendent demeurer fiers de leur pays. De même, le
peuple congolais représenté par ses braves femmes et hommes, a aussi usé de sagesse résiliente, de
maturité et de grandeur d’esprit, pour trouver à juste titre, des solutions idoines, correspondant à l’esprit
de la sagesse traditionnelle et aux us et coutumes congolaises. C’est l’esprit du « mbongui » (case à
palabres à la congolaise), où prévaut « la paix des braves », et dont l’approche a été expérimentée par
les différents accords de cessation des hostilités et de cessez-le-feu signés entre les belligérants :
gouvernement, partis politiques, entités luttant en vue de la revendication de leurs droits.

C’est d’ailleurs dans le même contexte que M. Ange Patassé fait l’apologie du Congo-Brazzaville, dans
les approches qu’il utilise toujours dans le règlement de ses conflits aussi bien endogènes qu’exogènes.

Il dit à ce sujet :

« Le Congo a été le pays qui a fait partie de la notion de liberté, et c’est


à partir du Congo qu’il y a eu un ordre politique nouveau. C’est à partir
de Brazzaville que feu Barthelemy Boganda avait dit au général de
Gaulle, et comme l’a su bien rappeler à l’auditoire pendant
l’intervention de M. le Maire, il (Boganda) disait : « Parlez mon général,
parlez sans équivoque ». Et c’est donc à Brazzaville que tout est né.
L’ordre nouveau pour l’indépendance avait effectivement pris
naissance ici. Et le mécanisme de la colonisation a reculé. C’est dire
que le peuple congolais a eu de lourdes responsabilités devant l’AEF,
devant l’Afrique tout court, et pourquoi pas aussi devant l’humanité »1.

Aussi, pouvons-nous, pour les besoins de l’histoire mémorielle, et en référence, citer quelques accords
qui contribuèrent à faire revenir la paix entre différents belligérants, et/ou différentes entités. Par
exemple : les accords de cessation des hostilités en République du Congo de 1994, les accords du 16
novembre 1999 à Pointe-Noire, les accords du 29 décembre 1999 à Brazzaville, la mise en place du
Comité de suivi de l’accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités, les accords de paix de 2017
entre le Gouvernement et l’opposition armée de M. Frédéric Bitsamou, alias Pasteur Ntoumi, sur les
troubles socio-politiques survenus dans le Pool.

Nous pouvons affirmer, sans risques de nous tromper, que la même approche expérimentée par les
Congolais en interne, chez-eux, et pour leurs problèmes conflictuels, sous la forme du « mbongui »,
reste convaincante, à l’étranger, pour plusieurs pays africains surtout, désireux de l’expérimenter et de
la mettre en pratique. C’est cette valeur ajoutée, fonctionnant bien en interne, qui devient attirante en
externe et qui aurait amené les pays de la sous-région, à désigner le Congo-Brazzaville, comme pays
capable de servir de catalyseur, mais aussi susceptible d’apporter ses bons offices, socle de sa politique
internationale, présidant même des comités de hauts niveaux pour la recherche de la paix, dans les
conflits qui par le passé déchirèrent la République Centrafricaine, la République Démocratique du
Congo, y compris la Lybie.

1
Discours de M. Ange Patassé, Président de la République Centrafricaine au forum national sur la culture de paix
: 19/12/94

63
Conclusion

Nous venons de parler de Brazzaville, de la résistance sous l’empire colonial 1940, à la résilience
aujourd’hui, c’est-à-dire, de nos jours. Cet épisode de l’histoire contemporaine mémorielle, partagée
entre la France et Brazzaville, dont l’appel à candidature nous a été lancé, s’insère sous le thème de
« Brazzaville, capitale de la France libre ».

Le général de Gaulle, appelé affectueusement « l’homme de Brazzaville », dont la personnalité était


façonnée et formée depuis sa prime enfance aux principes de la résistance, mais non à l’abdication,
moins encore à la capitulation devant l’orage périlleux de l’occupation de la France par l’Allemagne
nazie, avait représenté à notre entendement, le personnage historique clé de cette histoire.

Cette histoire eut pour assise Brazzaville, capitale de la France libre, une ville qui fut considérée comme
un théâtre d’opérations. C’est dans ce contexte que cette ville joua à la fois, à l’actif de la résistance
française et au triple plan : les rôles de ville politique, juridique et sociale, de rôle de ville de la résistance
militaire et enfin de rôle de ville médiatique et de propagande gaullienne.

N’est-ce pas cet esprit gaullien caractérisé par la bataille pour la résistance et non pour la capitulation
ou l’abdication, qui aurait inspiré le Congo-Brazzaville dans ses approches expérimentales de
résilience ? Oui, résilience face à la résolution des crises guerrières fratricides d’abord endogènes qu’elle
a vécues entre 1993-1999, et ensuite, de manière exogène, l’exportation de cette expérience du
« mbongui », c’est-à-dire (de la case à palabres), lieu par excellence de signature des accords de
cessation des hostilités, vers d’autres pays à l’instar de la République Centrafricaine, la République
Démocratique du Congo et la Lybie, pour ne citer que ceux-là, dans leurs moments les plus sombres, ou
bien, lors des périodes tumultueuses de leur histoire.

Puisse cette expérience bien avérée, et ayant fait ses preuves dans le règlement pacifique des conflits
fratricides, s’approfondir et s’enraciner et être appropriée dans les consciences des peuples africains.

Bibliographie :

1) Calixte Baniafouna, Congo Démocratie, les déboires de l’apprentissage, V.1, 1995, L’Harmattan, Paris,
288 P.
2) Colloque International « De Gaulle et Brazzaville, une mémoire partagée, 2020, (Brazzaville, 31 octobre).
3) Discours de M. Ange Patassé, Président de la République Centrafricaine, au forum national sur la culture
de paix, Brazzaville, 19/12/1994.
4) Franck Ferrand, Les grands personnages de l’histoire, Charles De Gaulle, Chroniques, Paris, 2019, 144P.
5) Jean Serge, Massamba, Identités ethniques et conflits civils au Congo-Brazzaville, L’Harmattan,
Paris,2012, 302 P.
6) Maurice Duverger, Introduction à la politique, Coll. Folio essais, Gallimard, 1993, 288 P.
7) Max Gallo, De Gaulle I, L’appel du destin, Paris, Robert Laffont, 1998, 144P.
8) Simon Batoumeni, Histoire politique du Congo-Brazzaville, Publibook, 2020, 476.P.

64
RESISTANCE ACCOMPLIE ET RESILIENCE INACHEVEE CHEZ LE CONGOLAIS
BRAZZAVILLOIS

Jocelyn DOUMSTOP DJOUDA


Psychopathologue clinicien,
Université de Yaoudé1/ Université Marien Ngouabi.
Chercheur
Institut de Formation aux Métiers de la Ville (IFMV)

Cameroun

ddjocelyn@yahoo.fr

Résumé

L’Afrique, berceau de l’humanité, est une terre d’accueil pour toute la race humaine. Dans un sens socio-politique,
l’africain a, depuis les temps immémoriaux, soutenu les autres continents en péril, sous la menace de la famine,
des guerres et autres. D’où son implication dans les guerres mondiales, qui ne le concernaient au premier chef.
De même que son soutien a permis aux colonisateurs, dont les français, de gagner les deux guerres mondiales.
Avec la nouvelle loi sur l’immigration, il y a de quoi s’inquiéter aujourd’hui. Mais l’africain en général et le
brazzavillois en particulier restent sous sa soif par rapport à ses attentes vis-à-vis de la France. Les services
rendus sous fond de péril cèlent les liens de sang, au-delà de la simple amitié. C’est le cas du mariage intertribal
et inter-royauté (Doumtsop Djouda, 2009). Dans le cas échéant, nous parlons de sacrifice ultime, qui
paradoxalement a rencontré l’ingratitude du pays supposé frère, la France. Être appelés « sans-papiers » à Paris
au XXIème siècle par exemple obstrue d’avantage le processus de résilience mis en place par les africains eux-
mêmes et qui n’attend que la participation active de la France pour parfaire son processus. Étant donné que la
colonisation qui en a suivie, la néo-colonisation, les différents embrigadements idéologiques, religieux,
économiques, politiques et monétaires (CFA), sont des principaux freins à cette résilience.

Mots clés : Résilience, traumas, résistance, africain, reconnaissance, réhabilitation

Abstract

Africa, the cradle of humanity, is a land of welcome for the entire human race. In a socio-political sense, since an
immemorial time, Africans have supported other continents in peril, under the threat of famine, war and so on.
Hence its involvement in world wars, which were not primarily of concern to it. Nor was its support for the
colonizers, including the French. But Africans in general, and Brazzavillians in particular, remain thirsty because
of their expectations of France. Services rendered under the guise of peril reveal blood ties that go beyond simple
friendship. This is the case of inter-tribal and inter-royalty marriages (Doumtsop Djouda, 2009). In this case, we
are talking about the ultimate sacrifice, which paradoxically met with ingratitude from the country that is supposed
to be our brother, France. Being called 'undocumented' in Paris in the 21st century, for example, further obstructs
the process of resilience put in place by the Africans themselves, and which is only waiting for France's active
participation to perfect its process. Given that the colonization that followed, neo-colonization, and the various
ideological, religious, economic, political and monetary (CFA) entrenchments, are the main obstacles to this
resilience.

Keywords : resilience, trauma, resistance, african, recognition, rehabilitation

Classification JEL : Z 0

65
Introduction

L’assertion selon laquelle Brazzaville a été du temps de de Gaule « capitale de la résistance française »
rappelle l’état d’esprit des brazzavillois et leur implication dans la lutte de libération de la France sous
les geôles du nazisme allemand. Les atrocités commises sur les français pendant cette période (1939-
1942) démontrent bien que le système de défense français était fébrile et n’offrait point le contre poids
suffisant pour sa libération. Ainsi les historiens de tout bord présentent une France embrigadée
économiquement, politiquement, militairement et sociologiquement, pendant cette triste période de son
histoire.

Cette France vaincue n’aurait pas pu subsister sans le coup de main des étrangers en général et des
africains en particulier. Ces derniers, disposés à donner leur vie pour sauver leurs frères français étaient
pour ainsi dire des tuteurs de résilience pour ce peuple français. L’empreinte de ces africains est d’autant
plus importante qu’en ayant une armée métissée, la France se galvanisait d’avoir un inconscient aux
soutiens planétaires et/ou mondiaux. Par ailleurs, l’idéologie africaine d’aide et d’entraide prônée depuis
l’Egypte antique par les 42 lois de la maât demeurait un stimulant pour les africains dont l’honneur
aurait été d’avoir rendu service. Dans cette perspective culturelle, l’on peut considérer que les
brazzavillois qui combattaient du côté de la France s’impliquaient à fond dans leur option de délivrance.

Cette lecture psychologique et culturelle est couplée par les faits historiques palpables et les statistiques
qui le prouvent. Ainsi, nous notons que ces derniers ont offert une « résistance accomplie », sans réserve,
en toute âme et conscience. Ils ont été au cœur de la résistance française. Mais force est de constater que
les traumas issus de cette lutte n’ont pas été épurés par une résilience à la hauteur des blessures
engendrée par la lutte.

1. La résilience et ses implications

Du verbe latin resilio, ire, littéralement « sauter en arrière », d'où rebondir, résister (au choc, à la
déformation). La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par
un traumatisme, à prendre acte de l'évènement traumatique pour ne plus vivre dans la dépression. La
résilience serait rendue possible grâce à la structuration précoce de la personnalité, par des expériences
constructives de l'enfance (avant la confrontation avec des faits potentiellement traumatisants) et parfois
par la réflexion, ou la parole, plus rarement par l'encadrement médical d'une thérapie. Par ailleurs, elle
peut être stimulée par des actes extérieurs réparateurs, pouvant assouvir les attentes de l'inconscient
perturbé. C'est le cas du brazzavillois qui attend réparation pour des actions posées à l'égard de la France.
Les traumas transgénérationnels transmis sur le plan génique, psychique et même culturellement,
attendent toujours d’être épurés par un processus de résilience bien accompagné. Les meilleurs tuteurs
de résilience pour le cas d’espèce pouvant être l’apport de la France pour qui les ancêtres congolais
comme bien d’autres africains ont eu à verser leur sang.

1.1. Origines du concept

La résilience est, à l'origine, un terme pour expliquer la résistance des matériaux aux chocs. Les
premières publications dans le domaine de la psychologie datent de 1939-1945. Werner et Smith, deux
psychologues scolaires américaines à Hawaï, travaillaient avec des enfants à risque psychopathologique,
condamnés à présenter des troubles. Elles les ont suivis pendant trente ans et ont noté qu'un certain
nombre d'entre eux « s'en sortaient » grâce à des qualités individuelles ou des opportunités de
l’environnement.

La notion de résilience s'oppose parfois de la notion de « coping » (en anglais to cope = se débrouiller,
s'en sortir). La résilience permet de dépasser son état actuel (un orphelin abandonné qui va trouver un
métier) et de plus être dans une situation précaire (un orphelin qui va faire face en volant ou vendant de
la drogue). Plusieurs pensent que ces stratégies permettent de surmonter différentes difficultés (Parot et

66
Doron, (1991). On peut multiplier des exemples, pour montrer que la résilience complète traduit le faire
de résister aux chocs et aléas de la vie, tel un enfant issu de familles défavorisées qui parvient à se hisser
dans les hautes sphères de la société. Et dans un sens plus large, le brazzavillois victime de trauma
historique est en quête d’un équilibre socio-affectif et même politique.

Après John Bowlby, qui a introduit le terme dans ses écrits sur l'attachement, en France, c'est l'éthologue
Boris Cyrulnik qui développe le concept de résilience en psychologie, à partir de l'observation des
survivants des camps de concentration, puis de divers groupes d'individus, dont les enfants des
orphelinats roumains et des enfants des rues boliviens. Auparavant, on parlait d'« invulnérabilité ».
Actuellement, des groupes de travail étendent le concept à d'autres situations difficiles comme, par
exemple, celles que vivent les aidants des malades d'Alzheimer. Dans la maladie d'Alzheimer, les
applications passent par le paradigme que la communication (théâtralisation par les aidants) est source
de résilience des aidants, et le concept est développé en France depuis le début des années 2000 selon
Polydor.

Dans le domaine de l'assistance aux collectivités en cas de catastrophe (naturelle ou causée par
l'homme), on parle également de communautés résilientes. Les africains, comme communautés ont
connu plusieurs catastrophes et sinistres et ceci depuis près de 2000 ans comme en témoignent la chute
de l’Égypte antique, l’invasion par les religions étrangères, la traite négrière, la colonisation, etc.., de
façon que, pour son bonheur, toute l’Afrique devrait être une grande communauté résiliente. La
démarche d'assistance post-immédiate aux personnes touchées par un évènement critique a
généralement une dimension psychosociale. Et c’est ce qui aurait pu se passer avec les brazzavillois vis-
à-vis de la France devenue libre. La résilience serait donc le résultat de multiples processus qui viennent
interrompre des trajectoires psychiques négatives. Il s’agit de passer de la dépression par exemple à un
état d’équilibre ; de l’instabilité psychique à la stabilité. Pour qu’il en soit ainsi, faudrait suivre tout le
processus normal de résilience.

1.2. Les huit processus de la résilience chez le bazzavillois

La résilience est dynamique et parmi les processus qui contribuent à son établissement, on a pu en
repérer huit :

1) La défense-protection
Dans le cadre des africains, chacun a recherché des ressources pour se maintenir vivant, vu
l’intensité des traumas encaissés pendant la période coloniale, et qui se prolonge par le
néocolonialisme. Les mécanismes psychologiques de refoulement, de l'auto-thérapie sont
nécessaire et sont un grand apport pour son équilibre psychique.
2) l'équilibre face aux tensions :
Des tensions, l'Afrique en a eu, et en a encore. Il s'agit ici spécifiquement des tensions dues aux
attaques venues de l'extérieure, de l'occident en occurrence. Pour éviter l'anéantissement
programmé par l'occident, on remarquerait que les africains ont dû banaliser certaines tensions,
surmonter d'autres et même ignorer certains, autant que possibles.
3) L’engagement-défi :
Par un sursaut d'orgueil, presque tous les africains ont dû défier les traumas de l'esclavage et
même affronter les séquelles qui en ont découlées, sans compter les traumas de la période
coloniale. Dans l'inconscient ethnique de chaque africain portant la mémoire douloureuse de
son continent, il fallait un engagement sans retenue pour défier les obstacles psychiques dus à
l'histoire.
4) La relance :
Résolument, chaque africain est appelé à se relancer, pour surmonter de nombreux obstacles sur
le chemin et qui sont de plus en plus abondants en ces temps difficiles.
5) L'évaluation :
C’est une étape incontournable dans la quête de l’équilibre psychique. Cette évaluation s’impose
à nous si nous ne la confrontons pas, car les traumas n’adoptent jamais une neutralité psychique.

67
6) La signification-évaluation :
Le sens des faits doit être bien défini, bien compris et bien diagnostiqué. Dans le cas d’espèce,
plusieurs auteurs panafricains ont déjà fait le tour de la question de la mémoire d’Afrique.
7) la positivité de soi et la création.
8) L'image de l'africain a été ternie de toutes les manières, et l'appellation « sans papiers » n'est
qu'un des éléments de ce dénigrement.

A propos de la défense-protection, il est pertinent de préciser que l’individu développe les mécanismes
de défense qui peuvent lui épargner certaines souffrances. Mais parfois, pour y parvenir, il faut que
l’équilibre des tensions soit au moins établi sur le plan psychique. Il s’agit pour ce dernier point de
mesure l’intensité de l’adversité et de pouvoir, non pas la banaliser, mais de se mettre à la hauteur de
pouvoir l’annihiler. À partir de ce point précis, l’engagement que l’on prend devient un engagement défi
dans la mesure où le sujet connait désormais la valeur et la hauteur de l’obstacle en face. On peut ainsi
essayer plusieurs fois, avec des relances permettant de s’ajuster au fur et à mesure. Mais pour que les
relances soient parfaitement organisées ou ajustées, il faut s’auto-évaluer à chaque fois. C’est ainsi qu’on
en vient à devenir positif et de pouvoir devenir créatif malgré tous les obstacles. Tout ceci est présent
dans l'imaginaire et en compétition dans l'inconscient du brazzavillois.

2. Des lueurs d'espoir données par le président Macron

Le discours du Président Emmanuel Macron (2019) au sujet de la réhabilitation de cette force noire
périssant pour la France pourrait contribuer à l’élaboration des éléments de cette résilience. La stèle de
Verquin marque certes un tournant de l’histoire des deux peuples. Mais il reste à noter que la partition
ne sera entièrement jouée que lorsqu’à Paris par exemple, l’africain sera appelé « l’homme de Paris »
comme de Gaulle, « l’homme de Brazzaville » ; lorsque justice sera rendue pour le sang africain versé
pour mendier l’amitié auprès des occidentaux et les morts africains apaisés (Mbondji Edjenguelé, 2006).

3. Quelques rappels historiques

Le Congo Français ou moyen Congo à partir de 1903, était une colonie composée de l'actuel Gabon et
de la république du Congo de 1882 à 1906, puis uniquement de l'actuelle république du Congo. La
capitale était Libreville jusqu'en 1904, puis Brazzaville par la suite.

3.1. Création

La loi française du 30 novembre 1882 approuve les traités et actes signés, les 10 septembre et 3 octobre
1880, entre Pierre Savorgnan de Brazza, enseigne de vaisseau, et le Roi IIIoy 1er, Makoko, Suzerain des
Batekès ou Tekès.

En 1883 est créé pour Savorgnan de Brazza un commissaire du groupement dans l'ouest africain. Ce
commissariat est transformé en 1886 en un commissariat général du Congo, dont relève un lieutenant-
gouverneur pour le Gabon.

Le commissariat général est créé par le décret du 11 décembre 1888 qui réunit les établissements du
Gabon aux Territoires du Congo, sous l'autorité du commissaire général du Gouvernement au Congo.
Le décret du Congo, sous l'autorité du commissaire général du gouvernement au Congo. Le décret du
30 Avril 1891 donne le non de Congo Français aux possessions du centre africain.

- Pierre Savorgnan de Brazza est le premier commissaire général au Congo Français, jusqu'en
1897 ;
- Henri Félix de Lamorthe a succédé à Savorgnan de Brazza du 28 septembre 1897 au 28 avril
1900 ;

68
- Louis Albert Grodet, commissaire général du Congo Français de 1900 à 1904 ;
- Emile Gentil, commissaire général du Congo Français du 21 janvier 1904 au 28 juin 1908 ;
- Martial Henri Merlin, commissaire général en 1908, puis gouvernement général jusqu'en 1817.
- Au terme du décret du 29 Décembre 1903, « portant organisation du Congo Français et
dépendances », le commissariat général comprend : la colonie du Gabon, la colonie du Moyen
– Congo, le territoire de l'Oubangui-Chari et le territoire du Tchad.
- En 1906, la France a découpé cette colonie en deux : le Gabon avec comme capitale Libreville
et le Moyen-Congo avec Brazzaville. Le commissariat général du Congo est devenu un
gouvernement général du Congo Français en 1909.
- Le décret du 15 janvier 1910, portant création du gouvernement général de l'Afrique équatoriale
française, substitua celui-ci au gouvernement général du Congo Français.
- En 1911, à la suite de la seconde crise du Maroc, la France cède, après un compromis avec
l'Allemagne signé à Fès, la partie nord du Congo, qui sera rattachée au Cameroun allemand.
Cette bande de territoire est récupérée durant la Première Guerre mondiale en 1914-1915.

Ces quelques traces mémorielles démontrent à suffisance l'implication de la France en Afrique et plus
précisément au Congo Brazzaville, à l'aube des indépendances africaines. L'on noterait avec emphase
l'appel du 18 Juin devenu un credo en France, cet appel qui rappelle la victoire des forces alliées à la
France pour repousser ses envahisseurs dans les années 1940. Du côté de l'armée française, la présence
africaine est remarquable, de même que celle des congolais pour des brazzavillois. Après la victoire
française, la capitale de la France est Brazzaville, lieu où s'est préparée la résistance. Cependant, l'on
observe de tout temps que c'est à Londres que les présidents Français rendent hommage depuis les
indépendances françaises. L'historien canadien Eric Jennings en parle avec clarté dans une de ses
communications. Dans son livre La France Libre Fut Africaine, il essaie de montrer que les africains
ont joué un rôle essentiel dans la constitution de la France Libre des années 1940. Il précise le rôle joué
par le Cameroun et le Congo à partir des 26, 27 et 28 Aout de la même année. Sans ces territoires, de
Gaulle aurait souffert d'un déficit chronique de légitimité sur la scène internationale.

De Gaulle n'était connu en 1940 que par le Royaume - Uni de Winston Churchill. Le général de Gaulle
n'est alors plus qu'un simple « squatteur » (Jean Lacouture). Entre 1940 et 1943, les tirailleurs africains
constituent le 1/3 des militaires de la France, de même que la France se bat sur le sol africain contre
l'Italie et l'Allemagne. Entre temps, le quartier général militaire, le siège officiel et institutionnel, le
journal officiel, même le poste de radio légitimement Français libre (radio Brazzaville), tous étaient en
Afrique centrale. Ce n'est qu'après 1943 que cette capitale française est déplacée pour être logée à Alger.
De même, l'histoire retient que le premier front de la France libre est celui de la frontière tchadienne et
libyenne, pour combattre les troupes de Mussolini. Grâce à l'Afrique, la vraie France continue de se
battre, et affronte même les troupes de Vichy. L'Afrique est en même temps pourvoyeuse de produits
naturels à cette nouvelle France libre.

3.2. Manifeste de Brazzaville du 27 octobre 1940

C'est le 24 Octobre que le Général de Gaule arrive à Brazzaville. Et le 27 Octobre, il annonce depuis la
capitale de l'Afrique Equatoriale française (AEF) la création du conseil de défense de l'Empire, en tant
organe de décision de la France libre. Il affirme son autorité comme fondateur de la France libre dont le
siège est Brazzaville. Georges Katrou, démis de ses fonctions par le Maréchal Pékin, va se joindre à de
Gaulle pour défendre les intérêts de la France libre.

3.3. Le discours du 30 Janvier 1944

Il s'agissait à cette occasion du CFLN ou comité Français de libération nationale. Du 30 Janvier au 8


Février, de Gaulle tente de définir le rôle et l'avenir de l'Empire colonial Français. Il est donc prévu qu'à
l'issue de cette cession l'on devrait abolir le code de l'indigénat. Le général de Gaule parle de la voie de
l’émancipation qui est ouverte par la France pour les pays africains, et note qu'il ne s'agit pas encore
d’indépendance proprement dite. Il parle de travailler avec les pays africains. Et cependant la réunion
se tient à Brazzaville. Selon de Gaulle, ça fait un demi-siècle que la France se bat à pouvoir émanciper

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l'Afrique. Il parle de conduire l'Afrique à se prendre en main, sur le plan moral, social, économique,
politique. La porte est ouverte pour cela, mais c'est à la France de montrer la voie à suivre aux africains.
Ainsi, les africains devraient s'occuper de leurs propres affaires chez eux. Les Français ont pénétré,
pacifié une bonne partie de l'Afrique noire dit-il, et l'on devrait le reconnaitre.

Cependant, il ne faut pas oublier que pendant ce demi-siècle se sont déroulées les deux guerres
mondiales, et que les africains ont toujours été du côté de la France pour la défendre. Ils ont tout donné
pour sauver la France menacée par les attaques extérieures. Selon de Gaule, ces guerres ont même
accéléré le processus de libération des colonies africaines. Il parle de la fidélité des africains derrière la
France comme une marque qui a fait progresser le processus d’émancipation de l'Afrique. Il parle du
continent africain qui doit constituer un tout, cependant, on peut réaliser que presque 80 ans après ce
discours, l'Afrique reste encore très balkanisée.

4. La résilience

Dans une certaine mesure, la résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu
affecté par un traumatisme, à prendre acte de l'évènement traumatique de manière à ne pas, ou plus,
vivre dans le malheur et à se reconstruire d'une façon socialement acceptable. Elle serait rendue possible
par encadrement social, et plus rarement par une prise en charge médicale. Dans le cas d’espèce,
l’encadrement social de la France est convoqué au premier chef. Par l'accompagnement lors d'un deuil
par exemple, l'on peut conduire un individu à se surpasser et à subjuguer ses faiblesses et ses traumas.
C'est ainsi que cette notion va plus loin que celle du coping ou s'en impose dans une certaine mesure.
Les faiblesses issues des traumas des africains ne sont plus à énumérer. Tant il est vrai que l’oppression
des grandes puissances sur cette dernière poursuit son cours, et même dans les stigmatisations du genre,
sans papiers, clandestins, pays pauvres, etc.

La résilience est à l'issue des nombreux processus psychologiques, par des mécanismes de défense. La
défense protection, la relance, la passivité de soi, la création... on parle de résilience assistée lorsque
finalement c'est un tiers qui nous accompagne par amour et par ses astuces de reconstruction. On parle
alors de l'amour qui permet la résilience et la résilience qui fait naitre l'amour. Les schémas initiaux de
la vie par exemple peuvent construire une vie traumatisée ou une vie épanouie. C'est ainsi que
l'entourage constitue en fait, soit des facteurs traumatiques, soit des tuteurs de résilience.

Elle est souvent considérée dans une approche individualiste, mais il arrive que tout un peuple éprouvé
ait besoin de résilience. Dans ce sens, la résilience prend les élans d'une thérapie de groupe. Car son
essence devient identitaire. Et c'est ce qui est arrivé au peuple africain dans ses différents traumas qu'on
peut cibler au niveau de l'envahissement religieux dans l'Egypte antique et qui s'est soldé par la
destruction de la civilisation multimillénaire de l'Egypte, ou bien aussi de la traite qui en a suivi et dont
on en parle peu, la traite musulmane. L'on noterait aussi parmi ces sources de traumas, la traite atlantique
impulsée par les occidentaux. Sans oublier la colonisation couplée à la destruction de la culture africaine
là où elle faisait son bonhomme de chemin.

C'est dans cette mesure que nous évoquons le trauma de ces brazzavillois qui aujourd'hui sont en perte
de repères culturels et cherchent des tuteurs de résilience tant à intérieur qu'à l'extérieur de l'Afrique.
Parlant des tuteurs de résilience à l'extérieur de l'Afrique, le plus évidemment serait logiquement la
France. La mémoire de l'Afrique réclame beaucoup de choses à la France, et la solution ne se trouve ni
dans le pardon ni dans l'oubli, mais dans la correction des dispositions d'accès sur les terres françaises
par exemple. Il s'agit de « 'rebondir », de se « relancer » de se restructurer finalement, mais un
accompagnement adéquat est nécessaire. Pour la situation du brazzavillois, nous sommes dans un cas
de résilience inachevée, et même entravée par l’indifférence de la France. Les africains ont certainement
pris acte de leur mémoire historique. Car de nombreux écrits en témoignent, du moins, présentent
l’œuvre de leurs ancêtres auprès des Français. La culture du don et du contre-don est bien connue en
Afrique. L’Afrique a offert de multiples dons de toutes les natures, et même au-delà du possible.

70
4.1. Résistance accomplie

Dans l’inconscient de l’Africain, il est noté en lettres indélébiles le fait que les ancêtres africains ont
œuvré à offrir une France Libre aux français. Il fallait résister à l’ennemi devenu beaucoup plus coriace
pour la France. Ce n’est donc pas de gaité de cœur que le général de Gaule se retrouve en Afrique
pendant cette période de troubles pour la France. Sa présence en Afrique en ce moment crucial de sa vie
est un cri désespéré pour sa propre survie et celle de la France. Or, la résistance est donc accomplie dans
ce sens où la France put se libérer des forces extérieures pendant ces années 40, avant les indépendances.
Les tirailleurs étaient utilisés comme boucliers humains. Ce qui, dans un sens psychologique, a dû faire
des traumas sur le plan mental. On va sans dire, avec Lolo Berthe (2014), que le noir d’Afrique est le
seul qui parle beaucoup de la présence des démons, et des mauvais esprits dans son entourage. Il s’agit
pour cette auteure des nombreux traumas générationnels, qui se répètent dans la descendance.

4.2. L’idée de l’expression sans papiers

Cette expression est insultante et de tout temps écorche et méprise l’africain. Car il s’agit d’une posture
à deux poids deux mesures. En son temps, les français n’eurent pas besoin de papiers pour se rendre en
Afrique. Le seul indicateur d’accueil pour les africain en général était uniquement l’humanisme. Selon
les principes de la mâat, la seule condition pour accepter un homme est l’amour du prochain. Aucune
condition drastique du genre à qualifier les hommes de sans-papiers.

Au XXIème siècle, la France continue de rédiger des lois contre les « sans-papiers », sans exception
particulière pour ces africains qui ont versé leur sang pour sauver la France. La notion de sans-papiers
est forcément une discrimination. Cependant, le projet de loi du ministère de l’intérieur, Gérald
Darmanin, prévoira, en parallèle d’un durcissement des règles contre l’immigration illégale, la création
d’un titre de séjour sous condition pour les étrangers travaillant dans des « métiers en tension ». C’est
tout aussi vrai pour des conditions de vie qui dénotent de l’« esclavage moderne »1. La reconnaissance
de la France et la statue de Vichy est un élément certes conciliant, mais de peu d'importance aussi
longtemps que le brazzavillois est traité de « sans papiers » sur les terres françaises. La question de
reconnaissance est difficile à cerner, car il revient à la France de reconnaitre le travail des africains qui
ont œuvré à faire de la France ce qu’elle est aujourd’hui.

4.3. Résilience et rupture en Afrique

L'on ne peut rompre avec l'histoire, l'on s'en aligne pour arriver à se relancer. Mais il faut des légitimités
internationales, et c'est la France qui peut nous ouvrir les portes plus simplement ou alors plus aisément.
Il faut inverser le cours de l'histoire du continent, si nous comprenons que dans une certaine mesure le
lien avec la France est au cœur de ces entreprises. Les nouveaux acteurs sur la scène politique française
sont bien évidemment très impotents.

4.4. Être un sans-papiers en France

L'histoire nous fait observer que Brazzaville fut dans les années 1940 la Capitale de la France Libre. De
ce fait, le lien avec la France est incontournable, car le brazzavillois qui maitrise son histoire ou alors
qui n'en a même que des bribes chercherait à réclamer sa posture auprès de ces tuteurs Français. On
sous-entend que ce fait est motivé par les souffrances indescriptibles par lesquelles passent un certain
nombre d'africains. S'il y a une mémoire à partager, il faut alors se diviser les bénéfices actuels d'un
héritage que nos ancêtres africains ont contribué à bâtir.

Il revient encore et dans une large mesure à la France de panser ces blessures de l'histoire. La résistance
africaine s'est faite au four et au moulin des guerres menées aux côtés des Français et pour sauver la
France en particulier. Il va sans dire que, pendant ces combats acharnés contre les ennemis de la France,
nos ancêtres africains ont payé de leur sang, de leurs biens, allant même jusqu'à sacrifier leur

1
Cyril Zannettacc/Vu pour Libération, par Gustave Kristanadjadja, 2 novembre 2022 à 21h29

71
progéniture. Sans parler des génocides culturels qui ont presque annihilés ses religions, sa culture et ses
médecins aussi bien diabolisés qu’humiliés et tués.

4.5. Le marché du travail s'est atrophié en Afrique

Dans l’Afrique précoloniale, il ne se posait pas le problème du chômage devenu récurrent de nos jours.
La question reste toujours de savoir pourquoi les africains se meuvent vers l'Europe. Les raisons sont
multiples, mais il faut noter principalement la déstructuration culturelle de l'Afrique, qui est devenue
une société de consommation au contact avec le colon. Cette déstabilisation de l'Africain augmente la
pression migratoire de ceux qui comptent trouver leurs solutions en particulier hors de l'Afrique. Pays
économiquement marginalisés, le système macroéconomique instauré par le colon est assez lourd et
l'africain peine toujours à décoller dans cette atmosphère qui n'est pas la sienne. Et l’effondrement des
mœurs africains n'est plus un fait à démontrer, et qui accélère les questions migratoires.

4.6. Les impératifs mondiaux et la culture africaine

On se pose bien la question de savoir si les objectifs des organismes internationaux et même les instances
dirigeantes internationales tiennent compte du point de vue des africains ? Les retombées de la guerre
sont-elles partagées ? Pour ne pas parler d'équitablement partagées ? L'on fait de plus en plus remarquer
que les tirailleurs africains ayant sauvé la France dans ces années 1940 n'ont pas eu les mêmes
traitements que leurs homologues français. Ce qui soulève et surcharge les problématiques dans
l'imaginaire africain.

4.7. L'imaginaire collectif africain et congolais revigoré

La théorie lacanienne de l’imaginaire se comprend à partir d’une modalité qui sert à fonder le problème
phallique. L’imaginaire se caractérise ici comme une réalité qui se développe en trois stades définis dans
la théorie du miroir. Il a spécifié que, pour comprendre cette notion, il faut la replacer dans le registre
du réel, du symbolique et de l’imaginaire. Au stade du miroir, le sujet poussé vers l’insuffisance de
l’anticipation, pris au leurre des identifications spatiales, machine des fantasmes qui se succèdent en
passant par une image morcelée du corps à une forme totale.

On assiste au passage de l’imaginaire comme irréalité de l’objet à l’imaginaire comme représentant de


l’incomplétude du sujet. En réalité, Lacan dans sa théorie de l’imaginaire montre que l’absence de
maturité biologique chez l’enfant le pousse à se constituer à partir de l’image de l’autre. On analyse sa
théorie du point de vue intrasubjectif, c'est-à-dire, ce rapport narcissique du sujet à son moi ; du point
de vue inter subjectif, rendant compte de la relation avec l’image d’un ensemble ; à l’environnement qui
rend compte de la relation avec d’autres éléments de la nature.

Conclusion

Les africains en général et les brazzavillois en particulier ont pesé lourd dans la résistance de la France
face à ses envahisseurs. L'on parle ainsi de Brazzaville comme capitale de la France Libre autour des
années 40. Ce support apporté à la France est resté dans la mémoire de la plupart des brazzavillois,
comme une marque indélébile. Le trauma issu de cette période à la fois critique pour la France et pour
les africains a laissé des marques qui restent encore à être effacées. Dans ce processus de résilience, la
France s'avère être le tuteur le plus en vue, du fait de son passé colonial et de sa coopération avec
l'Afrique. Cependant, l'africain se trouve encore exacerbé par la même France, du fait qu'elle le taxe de
sans-papiers en pleine terre française. C'est l'histoire d'une confiance trahie qui rappelle le traitement
négatif fait aux soldats africains taxés de tirailleurs après avoir délivré la France, et qui en même temps
n'avaient pas pu avoir une pension équitable, alors que les Français eux se trouvaient récompensés. C'est
une politique de deux poids deux mesures, qui est une entorse au processus de résilience, qui aurait pu
rendre justice aux africains et leurs accorder une sérénité.

72
Bibliographie

1) Balandier, G., (1962), « problème socio-économiques du Nord-Congo », cahiers de l’Institut de Sciences


Economiques Appliquées, série Humanités, no 131.
2) Bruel., G., (1935), La France Équatoriale Africaine, Paris, Larose.
3) Cyrulnik, B., (1998), Ces enfants qui tiennent le coup. Paris, Homme et Perspective.
4) Cyrulnik, B., (1999), Un merveilleux malheur. Paris, Odile Jacob.
5) Cyrulnik, B., (2006), Psychanalyse et résilience, Paris, Odile Jacob.
6) Doumtsop Djouda, (2009), dettes symboliques dans les tradithérapies africaines, Mémoire de DEA
Université de Yaoundé 1
7) Froment-Guieysse, G., (1945), Brazza, Paris, Musé Victor Hugo.
8) Brice Arsène Mankou (2019), L'odyssée des soldats noirs de 14 -18, Paris éd. Edilivres,124 p.
9) Maran, R., (1951), Savorgnan de Brazza, Paris, DU DAUPHIN
10) Parot et Doron, (1991), Dictionnaire de Psychologie, Paris, Presses Universitaires de France
11) Paugam, S. (2009), La disqualification sociale : essai sur la nouvelle pauvreté, Paris, Presses
Universitaires de France.
12) Payet, J-P, Guiliani, F et Laforgue. (2008), La voix des acteurs faibles : de l’indignité à la reconnaissance,
Rennes, Presses Universitaires de France.
13) Robineau, C., Domination européenne au Congo et l’exemple de Souanké (1900-1960), Cahiers d’Études
africaines, 26, vol 7, 1967, pp. 300-344.
14) Zieglé, H., (1952), Afrique Équatoriale Française, Paris, Berger Levrault.

73
QUELS RAPPORTS ENTRE LES ANCIENS COMBATTANTS ET LA FRANCE ?

Joséphine NTOLO BELINGA


Psychosociologue
Institut universitaire Catholique de Bertoua
Université MARIEN NGOUABI
Brazzaville
Congo
Chercheure à l’IFMV

josephine5belin@yahoo.fr.

Résumé :
Durant la seconde moitié du XIXème siècle, la France s’est emparée d‘un immense empire colonial en Afrique.
Cette France va réagir de la conquête en des rivalités, à l’impérialisme Européen par une vive occupation
Française d’où des graves cas d’abus et de violences entre les populations indigènes et l’administration coloniale.
Dans la présente étude nous allons investiguer sur la situation des Anciens Combattants de l’Afrique Équatoriale
Française en particulier ceux de Brazzaville, Capitale de la France Libre de (1940-1949). L’objectif de cette étude
est de vérifier si les rapports sur les interactions sociales ont une influence significative sur la reconnaissance
plurielle des anciens combattants par la France. Notre méthodologie est basée sur des analyses textuelles.

Mots Clés : Afrique Noire, Ancien Combattants, Interaction, Reconnaissance, socialisation.

Abstract
This study will investigate the situation of Veterans of French Equatorial Africa, particularly those of Brazzaville,
Capital of Free France. The objective is to verify whether reports on social interactions have a significant
influence on the plural recognition of veterans by France. This study will investigate the situation of Veterans of
French Equatorial Africa, particularly those of Brazzaville, Capital of the Free France. The objective is to verify
whether reports on social interactions have a significant influence on the plural recognition of veterans by France.

Keywords : Afrique Noire, Ancien Combattants, Interaction, Reconnaissance, socialisation.

Classification JEL : Z 0

Introduction

Brazzaville Capitale de la France libre (1940-1943) nous amène à analyser la participation des anciens
combattants pendant la deuxième guerre Mondiale (1939-1945) entre une mémoire partagée, à l’histoire
assumée. L’étude nous présente la défense de la nation Française. La question principale de cette étude
d’après-guerre est la suivante : comment la France entretient-elle les rapports avec les anciens
combattants vivant en Afrique centrale en particulier ceux de Brazzaville Capitale de la France Libre ?
L’objectif étant de vérifier si ces rapports ou ces interactions sociales ont une influence significative sur
la reconnaissance plurielle des anciens combattants par la France. Notre méthode est l’analyse textuelle.
L’étude présente deux parties : la première sur la Situation de Défense des Anciens Combattants avec
quatre sections :

1. La situation géopolitique de Brazzaville.


2. Le rendement des Brazzavillois pendant la deuxième guerre mondiale sur le plan militaire et
social.
3. Les victimes de guerre de l’Afrique Équatoriale Française (AEF).

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4. La reconnaissance de la France vis-à-vis des Africains en particulier ceux du Congo Brazzaville
dans le social et politique.

La deuxième partie quant à elle porte sur l’applicabilité des accords de la reconnaissance aux peuples
d’Afrique Équatoriale Française :

5. Les prises en charge françaises qui régissent la situation des anciens combattants Brazzavillois
jusqu’à ce jour comme capitale de la France Libre.
6. Convention (iv) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du
12 aout 1949.
7. Y a-t-il l’applicabilité de ces prises en charge sur les Anciens Combattants de Brazzaville ?
8. Les limites de ces prises en charge.

1. Situation de défense des anciens combattants

1.1. Situation géopolitique de Brazzaville

Le Congo Brazzaville est un pays d’Afrique Centrale. Sa capitale politique est Brazzaville et la Capitale
économique est Pointe Noire.

Il est situé de part et d’autre de l’équateur, d’une longueur de 1500 km du Nord au Sud et de 425 km de
l’Est à l’Ouest. Sa population est de 5.400.000 habitants avec une densité de 16 habitants au kilomètre
carré (km2).

Le Congo Brazzaville a été modelé et construit par des histoires multiséculaires. Il est constitué des
peuples liés par un même territoire et une même histoire. Plus de la moitié de la population se concentre
sur la ville capitale et également à pointe noire. Situation géographique et stratégique qui appelle dans
le contexte international actuel une réorientation.
Formellement, le contexte du projet de constitution congolaise est favorable à un régime présidentiel.
Selon l’art.56 « Le Président de la République est détenteur du pouvoir exécutif. Il détermine et conduit
la politique de la nation. ». Est élu au Suffrage Universel Direct.
Le Premier Ministre est chef du gouvernement son rôle est la coordination de l’action
gouvernementale.

1.2. Définitions de concepts fondamentaux

- Afrique noire
L'Afrique est un continent qui couvre 6 % de la surface de la Terre et 20 % de la surface des terres
émergées. Sa superficie est de 30 415 873 km2 avec les îles, ce qui en fait le troisième mondial si l'on
compte l'Amérique comme un seul continent. Une partie de l'Afrique est habitée par les peuples à la
peau noire, en général la partie de l'Afrique située au sud du Sahara.

- Ancien Combattant
Ancien Combattant : notion qui représente toute personne ayant servi lors d'une guerre, et recevant à ce
titre certains avantages. « Ancien combattant », pour personne cela ne saurait être un titre de gloire ;
c’est seulement une charge, peut-être un titre à la pitié.

- Interaction
Interaction : concept qui est une évolution de notre capacité à transformer notre milieu, l'intensification
des interactions entre personnes, entre entreprises, entre nations, amène nécessairement à toujours « plus
d'État ». En sociologie ou en psychologie, l'interaction sociale est l'influence réciproque de personnes
ou de groupes de personnes entrés en contact au sein d'un système social. Les interactions sont des
relations interhumaines verbales ou non verbales (gestes, regards, attitudes...) qui provoquent une action
en réponse chez l'interlocuteur, qui elle-même a un effet sur l'initiateur de la relation.

75
- Reconnaissance
Reconnaissance : notion qui évoque action de reconnaître quelqu'un, quelque chose.
Autrement dit, une action de poser comme déjà connu. Dans le temps qui s'écoule entre la vue d'un objet
et le souvenir qu'il évoque, ou la reconnaissance de l'objet, la lumière a franchi des milliers de kilomètres.
En psychologie reconnaissance (du souvenir). Forme, fonction de la mémoire par laquelle le sujet
pensant identifie l'objet d'une représentation actuelle à un objet antérieurement perçu.

- Socialisation. :
Socialisation par interaction : dans ce cas, les valeurs ou les normes sont imposées par des individus à
d'autres individus. Les règles de politesse ou d'hygiène sont transmises par l'inculcation. Enfin, la
socialisation peut passer par l'interaction. Les valeurs et les normes sont échangées, adaptées,
transformées entre les individus.

2. Le rendement des Brazzavillois pendant la deuxième guerre mondiale sur le plan militaire

La Seconde Guerre Mondiale est un conflit armé à l’échelle planétaire qui dure du 1 er Septembre 1939
au 2 septembre 1945. Ainsi, les Brazzavillois ont eu un rapport très important auprès de la France durant
cette guerre et ce sur divers plans.

La conférence de Brazzaville organisée du 30 janvier au 8 février 1944 par le Comité Français de la


Libération Nationale (CFLN) l’a été afin de déterminer le rôle et parvenir de l’empire français. A l’issue
de celle-ci, l’abolition du « Code de l’indigénat » est décidée. A cet effet, l’Afrique Française libre fut
sollicitée sur tous les plans.

Au point de vue militaire, elle fournit environ 100.000 hommes pour combattre aux côtés des Alliés
entre 1943 et 1945. Le 30 janvier 1944 s’ouvre à Brazzaville Capitale de L’AEF, zone stratégique d’où
sont parties les premières forces armées de la France Libre, la « Conférence Africaine Française » sous
l’égide du général de Gaulle. Regroupant les gouverneurs coloniaux d’Afrique Noire, de Madagascar,
les représentants des intérêts économiques et des membres de l’Assemblée Consultative provisoire, la
conférence de Brazzaville doit définir les orientations futures de l’empire et les rapports qui unissent la
France à ses possessions d’Outre-Mer. Elle est organisée et présidée par René Pleven, Commissaire aux
colonies, qui a rejoint le général de Gaulle dès 1940.

Félix EBOUE, le Gouverneur Général de l’AEF qui a rallié le Tchad à la France libre à l’été 1940, et
Henri LAURENTEE, Secrétaire Général de l’Afrique Combattante, sont également à l’origine de ce
Sommet. Le document sonore présente deux extraits du discours d’ouverture tenu par le général de
Gaulle. Celui-ci rend hommage aux nombreux jeunes Africains qui se sont engagés pour défendre la
France et l’Empire, et souligne le rôle crucial de l’Afrique depuis le début de la guerre et alors qu’elle
va servir de base de départ pour la prochaine libération de la Métropole.

Après avoir souligné que l’enjeu de la guerre est bel et bien la « condition de l’homme », de Gaulle
évoque les interrogations sur les temps nouveaux que le conflit a fait naître. S’il propose l’émancipation
des territoires Français d’Afrique que la guerre présente n’a fait que précipiter, il ne conçoit néanmoins
pas que celle-ci se fasse à l’extérieur du bloc français. Pourtant, cet appel de Brazzaville qui recevra un
large écho à travers tout le continent ouvrira la voie à l’indépendance et lancera le processus de la
décolonisation des territoires français d’Afrique. (Françoise Berger, 1970).

3. Les victimes de guerre de l’Afrique Équatoriale Française (AEF)

Les Colonies Françaises avaient fourni environ 80.000 hommes pour la campagne en 1939-1940 :
10.500 Malgaches dont 29,6% avaient été tués, 68.500 Soldats d’Afrique noire qui avaient subi 38% de
pertes. Ils ont participé à l’effort de guerre et ont subi de lourdes pertes humaines et matérielles.

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Ils ont été dédommagés à travers la construction de certaines infrastructures à savoir : les écoles, les
hôpitaux, les entreprises, les maisons etc…Il y a eu les traités de Paix.

4. La reconnaissance de la France vis-à-vis des africains, en particulier ceux du Congo Brazzaville

4.1. Sur le plan social

Au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, dans un contexte de reconstruction nationale et de


tensions mondiales, l’empire colonial constitue un terrain propice à l’exaltation de la grandeur de la
France.

Henri Laurentée, qui est alors Directeur Politique du Commissariat aux colonies dirigé par René Pleven,
soumet un programme ambitieux sur le plan économique et social : La création d’un fond
d’investissement doté par le Budget métropolitain et une planification par l’Etat du développement
économique et social des colonies, le développement de l’éducation et de la santé.

4.2. La pensée commémorative

Pour le domaine de la mémoire de ces hommes, actuellement, la France a créé une Direction de la
mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) qui a pour mission de conserver la mémoire des conflits
contemporains : 1914-1918, 1939-1945, guerre d’Indochine, Afrique du Nord. La commémoration des
grandes dates et l’hommage aux morts se font par l’organisation de cérémonies ; par la publication de
documents d’information ou pédagogiques diffusés dans les écoles, dans les administrations, dans les
mairies, par l’entretien de nécropoles et de hauts lieux (mont Valérien, Mémorial de la déportation...).
Elle peut se faire également au travers de l’organisation d’un « tourisme de la mémoire », dont un site
internet a également été créé et recense les lieux de mémoire. Récemment, s’est développé le concept
de « mémoire partagée », dont le but est d’encourager les échanges dans le domaine de la mémoire
combattante avec les pays qui furent nos alliés ou nos adversaires. Sous l’influence des conceptions
anglo-saxonnes, un débat se fait jour sur l’idée de faire davantage porter l’effort sur les combattants dès
la fin des combats (ne faudrait-il pas mettre à l’honneur en France un concept proche de celui de
« vétéran » ?), ainsi que sur les réservistes. Cette tendance pose évidemment une question de fond
puisque l’on reproche parfois au système français de ne prendre en compte véritablement les « anciens »
combattants que lorsqu’ils sont âgés et au travers du paiement des pensions. Il existe un Haut Conseil à
la mémoire combattante présidé par le chef de l’État, composé de ministres, de présidents de certaines
associations et fondations, de personnalités ad hoc, chargé de définir les grandes orientations annuelles.
Par ailleurs, un comité scientifique est constitué pour l’organisation de chaque commémoration. Pour
bien comprendre cet épisode historique, le sociologue Brice Arsène Mankou qui mène les recherches
sur ce sujet a livré les résultats de ses recherches sur l’histoire de la France libre. Optant pour le thème
général "Brazzaville, un territoire Français à part entière et non entièrement à part", il a mis en lumière
le contexte historique ayant conduit le général de Gaulle jusqu’à Brazzaville en 1940. Le chercheur
congolais a expliqué pourquoi le choix s’est porté sur Brazzaville, en démontrant au passage de quelle
manière cette localité au bord de la rive droite du fleuve Congo était devenue la capitale de la France
libre.

En guise de rappel, le conférencier a évoqué le contexte de l’époque. La France est vaincue et envahie
par la force allemande. Le maréchal Pétain, nouveau chef du gouvernement, ordonne l'arrêt des combats
et annonce qu’un armistice sera bientôt signé. De nombreux français, au premier rang desquels se trouve
le général de Gaulle, n’acceptent pas cette décision.

Le 18 juin 1940, depuis Londres, le général de Gaulle lance un appel à la résistance ; en refusant la
capitulation et en appelant à poursuivre le combat, il pose ainsi l'acte fondateur de la France libre.

77
Dix jours plus tard, Winston Churchill, premier ministre britannique, reconnaît de Gaulle comme le chef
des français libres… Des français libres, certes, mais sans territoire. Or, sans base territoriale française,
l’action du général de Gaulle et de ses compagnons n’aura ni poids ni légitimité aux yeux des alliés.

Pour le général de Gaulle, Brazzaville était une zone stratégique, une base arrière qui comptait en tant
que capitale de l’Afrique Équatoriale Française comprenant quatre importants territoires, parmi
lesquels ; le Moyen-Congo (aujourd'hui Congo-Brazzaville), le Gabon, l'Oubangui-Chari (aujourd'hui
Centrafrique) et le Tchad. A ce titre, Brazzaville a fait preuve de sa loyauté à l’égard du général de
Gaulle en se ralliant très tôt à sa cause.

C’est aussi à Brazzaville qu’il va trouver le meilleur accueil, notamment à partir du 8 octobre 1940, date
à laquelle, après l’appel de Londres, il entreprend un voyage en Afrique équatoriale, où il est reçu
triomphalement. Dès son arrivée à Brazzaville, le 24 octobre 1940, avant de déclarer Brazzaville (alors
capitale de l’AEF) capitale de la France libre, il publie une déclaration organique de la France libre ; il
y créera le 16 novembre l’Ordre de la Libération destiné à récompenser « les personnes ou les
collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l’œuvre de la libération de la France et de
son empire ». Son appel sera diffusé sur les ondes de radio Brazzaville le 27 Octobre 1940.

Le Sociologue Brice Arsène Mankou, Les députés Français Carlos Bilongo, du Val d’Oise, Nadège
Abomangoli et le Maire de Verquin, Monsieur Thierry Tassez, lancent le mouvement de reconnaissance
en France de Brazzaville, capitale de la France libre. La diaspora congolaise de France en fusion pour
la Conférence tenue à L’assemblée nationale, le 9 Décembre dernier à Paris 7ème (Assemblée nationale
rue de l'université ; salle Lamartine).

Dans le cadre des relations liant la France et la République du Congo, une stèle, fabriquée à partir du
matériau en fer et découpée au laser par une entreprise béthunoise, se dresse désormais à Verquin, dans
le nord de la France, depuis le 15 novembre, représentant le général de Gaulle passant en revue les
troupes africaines à Brazzaville, en 1940. Le Manifeste de Brazzaville y est installé en bonne place.

Cette œuvre mémorielle, minitieusement conçue et réalisée grâce à l’excellente relation de coopération
établie entre Rodolphe Adada, ambassadeur extraoridinaire et plénipotentiaire de la République du
Congo en France, et Thierry Tassez, maire de Verquin, marque un tournant historique dans l’évocation
de la place de Brazzaville dans l’histoire tragique de la France.

78
4.2. Une action sociale au Congo Brazzaville : des anciens combattants créent leur association pour
faciliter la paix et la réinsertion

Selon Eric Gaba (2013), on édifie sur la « Dynamique pour la paix » qui est le nom de l’Association
créée par quelque 350 ex-combattants qui ont servi l’ancien président congolais déchu, Pascal Lissouba
(1992-1997). A travers ce mouvement, ils vont eux-mêmes devenir des messagers pour la paix et surtout
négocier pacifiquement leur réinsertion qui n’a pas suivi leur démobilisation depuis 12 ans. Pour plus
d’assurance, ils ont même rempli des fiches d’adhésion au parti au pouvoir, le PCT. Le gouvernement
les rassure déjà en ce qui concerne leur réinsertion. Au Congo Brazzaville, nous retrouvons les ex-
combattants, les cocoyes et les mambas de guerre qui ont servi le président congolais déchu, Pascal
Lissouba. Dans ce mouvement, les jeunes sont majoritaires. Ils ont décidé de se constituer en association,
ils se proposent d’être des messagers de la paix et de revendiquer pacifiquement leur réinsertion qui n’a
pas suivi leur démobilisation en 2001. L’auteur nous l’explique que ces jeunes sont au chômage, leurs
âges respectifs sont de 30 à 40 ans et ils demandent au président actuel de s’occuper d’eux. D’ores et
déjà, la Dynamique pour la paix bénéficie de l’appui du gouvernement. En ce qui concerne la réinsertion,
le ministre en charge du Domaine public, Pierre Mabiala, qui a assisté en personne au lancement du
mouvement des ex-combattants, assure qu’ils trouveront une oreille attentive : « Toutes les conditions
pour l’ouverture des emplois sont déjà prises. Ces jeunes gens constituent une garantie pour la main
d’œuvre du pays ». L’âge moyen des 350 membres de la Dynamique pour la paix est de 30 ans.

4.3. Sur le plan politique

Laurentée est partisan de l’association : élection de représentants qui participeraient à l’administration


et au gouvernement des territoires ; octroi de la citoyenneté française aux élites acquises à la cause
française (ce qui reprend le décret de décembre 1943 du CFLN), maintien des institutions traditionnelles
pour initier les Africains à la gestion de leurs propres affaires et transformation de l’empire en une
fédération de peuples associés. On note également, la création des emplois aux indigènes avec une
rémunération égale à compétence égale entre Européens et indigènes, ainsi que la notion de liberté de
mariage pour faire progresser la liberté des femmes. Le développement de l’enseignement, la fin
progressive du travail forcé, la nécessité d’encourager l’industrialisation des territoires coloniaux sont
soulignés. Pour finir, « la Conférence de Brazzaville promet aux habitants de l’empire progrès
économique, social, et politique sans qu’aucune mesure concrète soit décidée ». Dans le Pas-de-Calais,
une stèle en hommage aux soldats africains de la Seconde Guerre mondiale a été dévoilée. Cette stèle
en métal de 3,50 m de hauteur et 25 m², découpée au laser en trois parties, représente le général de

79
Gaulle passant en revue les troupes africaines à Brazzaville, « capitale » de la France libre, en 1940. Elle
« commémore Brazzaville, capitale de la France libre, sous de Gaulle et le sacrifice de tous les peuples
africains qui sont venus pendant la Seconde Guerre mondiale pour lutter contre le nazisme ». Ce projet
a lié la France et la République du Congo « Manifeste de Brazzaville, le 27 Octobre 1940 ». Ceci nous
édifie sur le lancement par le général de Gaulle à Brazzaville un manifeste annonçant la création d’un
conseil de défense de l’empire composé du général Catroux, des Gouverneurs Eboué, Santor, du Colonel
Leclerc, du Médecin général Sicé, du Professeur Cassin et du révérend Père Georges Thierry
d’Argenlieu a expliqué à l'AFP Fabrice Tassez, maire PS de Verquin, commune proche de Béthune.
(Afrique-Monde, 2021).

5. Les prises en charge des français qui régissent la situation des anciens combattants du Congo-
Brazzaville

5.1. Le droit à la reconnaissance

Il se traduit par la délivrance :

– d’une carte du combattant ou de différents titres correspondants à certains statuts (déporté, interné,
prisonnier du Vietminh etc.) : 100 000 cartes et titres sont délivrés annuellement. Lorsque cela concerne
les opérations extérieures (OPEX), il faut avoir accompli quatre-vingt-dix jours en unité combattante
(déterminé à partir de l’analyse des journaux de marche et d’opérations, l’unité combattante faisant
l’objet d’une définition très précise), ou avoir été blessé ou cité ;
– du titre de reconnaissance de la Nation : il peut être délivré après quatre mois de présence en OPEX.

La carte du combattant donne droit, en règle générale à partir de 65 ans, à la retraite du combattant
(allocation annuelle de 425 €).

5.2. L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) est une création
originale fondée sur le paritarisme

L’ONAC, créé au lendemain de la Première Guerre mondiale, est une originalité française. Il est
fondamentalement le lieu où s’exerce la cogestion des questions concernant le monde combattant car il
est géré de façon paritaire entre les associations et l’État. Le principe de base de l’institution est le
paritarisme. L’ONAC s’est adapté ensuite aux conditions nouvelles de la Seconde Guerre Mondiale.
Aujourd’hui, les victimes des actions de terrorisme sont également entrées dans son domaine de
compétence.

Au travers d’institutions comme l’ONAC, la France s’est placée en pointe dans les domaines des droits
des combattants et des victimes en matière de réparation. Alors que l’Allemagne, le Royaume-Uni, les
États-Unis ont beaucoup investi sur les aspects mémoriels, les cimetières, la France a donc choisi de
porter tout autant l’effort sur les droits des combattants.

5.3. L’ONAC développe trois missions

Pour répondre à la demande des combattants et des victimes (les blessés, les veuves, les orphelins), la
reconnaissance, la solidarité, et la mémoire, L’ONAC instruit les demandes et monte les dossiers
d’attribution de cartes et titres, tels que la carte du combattant, le titre de reconnaissance de la Nation
(TRN), la carte AFN.

5.3.1. Les droits des anciens combattants et victimes de guerre


a). La retraite professionnelle
Les périodes d’accomplissement des obligations militaires peuvent être prises en compte pour le calcul
de la pension de retraite professionnelle.
b). La retraite du combattant

80
Il s’agit d’un complément de revenu versé en témoignage de la reconnaissance nationale par le ministère
en charge des anciens combattants, sous conditions. Elle est cumulable avec la retraite professionnelle.
c). La Retraite Mutualiste du Combattant (RMC)
Ce contrat de retraite par capitalisation bénéficie d’avantages exceptionnels accordés par l’Etat au titre
du droit à réparation.
d). Les Pensions Militaires d’Invalidité
Le droit à pensions militaires d’invalidité est ouvert pour des blessures ou maladies contractées du fait
ou à l’occasion du service, dès lors que les infirmités atteignent un taux minimum d’invalidité.
e). Les mesures fiscales
Les Anciens Combattants et Victimes de Guerre ont la possibilité de bénéficier de mesures fiscales
spécifiques.
f). Interventions sociales de l’ONAC
L’Office National des Anciens Combattants peut apporter un soutien financier pour des frais de secours,
des aides ponctuelles, des participations au maintien à domicile, des prêts sociaux.
g). Les emplois réservés
Un projet de loi, adopté en 2008 par l’Assemblée nationale, modernise le dispositif des emplois réservés.
Il en élargit les bénéficiaires, étend le dispositif aux fonctions publiques hospitalière et territoriale,
professionnalise la procédure de sélection des candidats et ouvre davantage le choix d’affectation pour
les fonctions publiques d’Etat et hospitalière.

France Mutualiste vient de publier un petit guide très complet qui fait le tour, en 12 pages, des
informations nécessaires aux anciens combattants pour obtenir les avantages financiers auxquels ils ont
droit : retraite, pension, rente, mesures fiscales, aides, emplois réservés, etc.

Le guide est disponible gratuitement auprès des 63 antennes et délégations de La France Mutualiste.

5.3.2. Le droit à pension : Code des Pensions Militaires d’Invalidité et des Victimes de la Guerre
(CPMIVG).

a). L’application du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre tient
compte des risques environnementaux propres au milieu militaire. Pour transposer le savoir-faire
français à l’étranger et spécifiquement dans les pays « en sortie de crise » qui sont, le plus souvent, des
pays en développement, nous pouvons considérer la réinsertion qui s’articule autour de quatre axes :
• Reconnaître : les titres et décorations.
• Réparer : ce qui implique versement d’une pension, des médecins capables d’apprécier la prise
en compte, des barèmes simples.
• Soigner : la prise en charge des soins (dans des limites à fixer) ; l’appareillage.
• Donner du travail : accès à un emploi réservé ou à une école de réinsertion.
La réponse à la question de la transposition possible du système français se trouvera donc dans
notre capacité à imaginer et proposer différents systèmes inévitablement « modulaires » en fonction des
besoins des pays concernés.
b). Le montant de la retraite des anciens combattants :
Le montant annuel est de 782,60 euros au 1er janvier 2022. Cet avantage est versé semestriellement à
terme échu, en fonction de votre date d'anniversaire, par votre centre de retraites. La retraite du
combattant n'est pas réversible ; elle est cumulable avec toute autre pension.
Pour obtenir la retraite du combattant dès 60 ans, vous devez en faire personnellement la demande dès
que vous avez la carte du combattant. De plus, vous devez : Soit recevoir l'allocation de solidarité aux
personnes âgées (ASPA)
Il doit remplir l'une des conditions suivantes :
- Avoir servi dans une unité de combattante de l'armée française ou d'une armée alliée.
- Avoir passé au moins 3 ans sous contrat avec la Légion étrangère et avoir obtenu le certificat
de bonne conduite.
- Avoir combattu dans les rangs des forces françaises de l'intérieur (FFI)

81
6. Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du
12 août 1949
.
6.1. Les soussignés, plénipotentiaires des gouvernements représentés à la conférence diplomatique

Les conférenciers qui se sont réunis à Genève du 21 avril au 12 août 1949, en vue d'élaborer une
convention pour la protection des personnes civiles en temps de guerre, ont convenus de ce qui suit :

Dans cette convention, plusieurs articles interviennent mais ceux qui intéressent notre recherche sont les
dispositions du Titre II, lesquels ont toutefois un champ d'application plus étendu, défini aux articles :
article 5 : Les personnes protégées par la Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés
et des malades dans les forces armées en campagne du 12 août 1949, ou par celle de Genève pour
l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer du 12 août
1949. Article 8 : Dans chacun de ces cas, les personnes visées par les alinéas précédents seront toutefois
traitées avec humanité et, en cas de poursuites, ne seront pas privées de leur droit à un procès équitable
et régulier, tel qu'il est prévu par la présente Convention. Elles recouvreront également le bénéfice de
tous les droits et privilèges d'une personne protégée, au sens de la présente Convention, à la date la plus
proche possible eu égard à la sécurité de l'État ou de la Puissance occupante, suivant le cas. Article 9 :
La présente Convention sera appliquée avec le concours et sous le contrôle des Puissances protectrices
chargées de sauvegarder les intérêts des Parties au conflit. À cet effet, les Puissances protectrices
pourront, en dehors de leur personnel diplomatique ou consulaire, désigner des délégués parmi leurs
propres ressortissants ou parmi les ressortissants d'autres Puissances neutres. Ces délégués devront être
soumis à l'agrément de la Puissance auprès de laquelle ils exerceront leur mission. Les représentants ou
délégués des Puissances protectrices ne devront en aucun cas dépasser les limites de leur mission, telle
qu'elle ressort de la présente Convention ; ils devront notamment tenir compte des nécessités
impérieuses de sécurité de l'État auprès duquel ils exercent leurs fonctions. Article 10 : Les dispositions
de la présente Convention ne font pas obstacle aux activités humanitaires que le Comité international de
la Croix-Rouge, ainsi que tout autre organisme humanitaire impartial, entreprendra pour la protection
des personnes civiles et pour les secours à leur apporter, moyennant l'agrément des Parties au conflit
intéressées.

7. Y a-t-il l’applicabilité de ces conventions sur les anciens combattants de Brazzaville ?

La mise sur pied de ces conventions en la matière est suffisamment riche et adaptable pour être utile.
Au regard de cette ambition, il identifie les vecteurs possibles de l’action de l’État, parmi lesquels
l’ONAC se distingue à la fois par la profondeur de son enracinement dans le monde combattant et la
souplesse que sa structure juridique offre en termes de capacité d’intervention extérieure. C’est donc
bien à un vigoureux appel à l’action que conclut cet article qui nous incite à regarder sans plus tarder les
modalités pratiques et le calendrier des premières interventions de la France dans un domaine où
l’urgence est le maître mot. Nous pouvons nous poser la question de savoir pourquoi cette
reconnaissance tardive de la stèle ?

8. Les limites

La réinsertion des combattants au lendemain d’un conflit armé constitue l’un des défis majeurs auxquels
se trouvent confrontés les pays en situation de sortie de crise. La France est souvent l’un des principaux
acteurs du retour à la paix par sa contribution aux opérations conduites sous l’égide de l’ONU.

Cependant, pour les anciens Combattants de Brazzaville, jusqu’à présent l’œuvre est peu active en
matière d’accompagnement vers la vie civile. Or, les conflits auxquels le pays a participé au XXème
siècle ont légué une expérience aux Brazzavillois qui n’a guère d’équivalence ailleurs dans le monde
dans le traitement de la situation des anciens combattants, qu’elle soit abordée sous l’angle du droit à
réparer ou sous celui de la réconciliation ou encore du devoir de mémoire. C’est ainsi que le Code des

82
pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, la carte du combattant et les statuts qui en
sont dérivés, les dispositifs de reconnaissance, qu’ils soient généraux ou spécifiques à certains conflits,
la politique de mémoire, sont autant d’instruments qui placent la France parmi les pays les mieux à
même d’intervenir dans ce registre. Cette capacité d’intervention est, de plus, adossée à des moyens de
référence, parmi lesquels deux établissements publics, l’Office national des anciens combattants et
victimes de guerre (ONAC) et l’Institution nationale des Invalides (INI). Ce dispositif est conforté par
un tissu associatif aussi dense que résolument tourné vers la vie internationale.

1) La reconnaissance tardive de la stèle qui a été inaugurée en 2021 à Verquin en France


Cette cérémonie, qui s'est tenue en présence de plusieurs représentants politiques et diplomatiques
africains, est « l'occasion de prononcer un discours de remerciement, de fraternité et d'amitié entre les
peuples », a-t-il souligné, rappelant qu'il « fallait rendre justice au continent africain, dont le rôle a
parfois été occulté ». Le projet né en 2017 a été cofinancé par le Congo (5 000 euros), l'association des
maires du Pas-de-Calais (1 000 euros) et un accord de mécénat. (Ngoma, M.A. 2021).
2) Attribution de la nationalité française aux anciens combattants pour la France (13e législature)
Nombre de ces anciens combattants qui ont choisi de se battre pour la France connaissent
d'insurmontables difficultés lorsqu'ils formulent le souhait d'acquérir la nationalité française. Pour des
milliers de soldats aujourd’hui issus de nos ex-territoires d'outre-mer et devenus des étrangers, la
nationalité française n’est pas accordée sur simple demande. Cette attribution, qui doit être automatique,
n’est pas, pour tous ces hommes à savoir : les anciens combattants, ainsi que les légionnaires, blessés
au combat ou sur un théâtre d'opération qui ont donné leur sang, un légitime geste de reconnaissance de
la part de la France. Une proposition de loi n° 28 (1999-2000) sénatoriale avait été rédigée en ce sens
mais elle est restée sans suite pour les anciens combattants. Elle avait pour objectif second d'instaurer
une procédure dérogatoire au droit commun à l'égard des anciens combattants et légionnaires étrangers
qui n'ont pas été blessés au combat. Ce texte, comme tous les textes de droit français n'ayant pas d'effet
rétroactif, n'est donc pas applicable aux anciens militaires ayant servi sous le drapeau français car
ressortissants d'un État alors placé sous souveraineté française. Ceux du Maghreb sont les anciens
combattants qui ont alors eu la possibilité d'opter pour la nationalité française jusqu'au 21 mars 1967
avec une prorogation jusqu'au 10 janvier 1973 pour les ressortissants algériens qui avaient été retenus
contre leur gré en Algérie. Et ceux de l’Afrique Equatoriale. Pastor, J-M. (2009, p. 469).

Conclusion

Brazzaville Capitale de la France libre (1940-1943) de la mémoire partagée, à l’histoire assumée. Dans
notre article, nous avons investigué sur la défense de la Nation Française pendant la Deuxième Guerre
Mondiale entre la France et Allemagne, qui est intervenue sur plusieurs plans à savoir militaire, social
et politique, notre analyse nous amène sur les rapports entre les anciens combattants et la France, leur
participation, l’arrivée de Sarvognan de Brazza, un homme aimable qui ne fit pas mal aux habitants, leur
parlait doucement et leur demandait d’obéir à la France, s’est installé au Congo très généreux ce dernier
interdisait la déportation des esclaves. Pour lui, il n’était pas question de torturer les esclaves noirs qui
appartenaient à la France et disait « Partout où est le drapeau de la France, il ne doit pas y avoir
d’esclaves. En outre, l’esclavage est une chose abominable, la France ne veut pas qu’il y ait des esclaves
dans les pays qu’elle possède », d’où l’appellation de Brazzaville. Nous avons également évoqué le
refuge du général de Gaulle en Afrique, son installation et le fait qu’il fut appelé l’homme de Brazzaville.
Notre étude évoque la reconnaissance de la France vis à vis des Brazzavillois du Congo, les prises en
charge les conventions françaises et leur applicabilité et les limites de la réflexion.

Cette recherche nous amène à une autre réflexion sur une stèle qui a été mise sur pied en Août 1944 en
France pourquoi est-elle arrivée tardivement à Brazzaville Capitale de la France libre inauguré en 2021
à Verquin en France.

83
Bibliographie

1) Berger, F. (1944), Débarquement de la Provence, Le Midi France. RFI Congo Brazzaville


2) Charlet, D. (2019), ‘libre Afrique’, L’actualité Africaine. Libre et indépendance. AFP.
3) Harvey J. Langholtz M. Cornelis Steenken, Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) : tour
d’horizon pratique, d’ALPC, de RSS et de situations post-conflit. Éditeur de la Série.
4) Ngoma, M.A. (2021), Inauguration de la Stèle. RFI Congo Brazzaville. Pastor, M, J. (Tarn – SOC°), le
JO Sénat du 26/02/2009 - page 469.
5) Convention (iv) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. 12 août 1949.
6) Dictionnaire La TROUPIE
7) Google Recherche : Le Ministre chargé des Anciens Combattants.

Ressources sur internet :

1) https://www.ossomalesmoisrichard-auteur.com/actu-auteur/1124004_brazzaville-capitale-de-la-france-
libre-officiels-et-diaspora-congolaise-de-france-en-fusion-pour-le-mouvement-de-reconnaissance-lance-
par-docteur-sociologue-brice-arsene-mankou-conference-a-paris-assemblee-nationale
2) https://www.adiac-congo.com/content/brice-arsene-mankou-anime-une-conference-debat-brazzaville-
3) https://www.lavoixdunord.fr/609996/article/2019-07-07/verquin-le-projet-de-stele-en-hommage-aux-
combattants-africains-se-concretisecapitale-de-la-france-libre
4) https://ambacongofr.org/index.php/l-ambassade/actualites/920-une-conference-publique-sur-le-theme-
brazzaville-capitale-de-la-france-libre-pour-faire-connaitre-cette-page-de-l-histoire-aux-jeunes-
generations
5) https://ambacongofr.org/index.php/l-ambassade/actualites/920-une-conference-publique-sur-le-theme-
brazzaville-capitale-de-la-france-libre-pour-faire-connaitre-cette-page-de-l-histoire-aux-jeunes-
generations

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CONFERENCE BRAZZAVILLE : INSTIGATRICE DE LA NOUVELLE ÉCOLE
AFRICAINE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE DAKAR
(1944 – ANNÉES 1950)

Mody KANTÉ
Docteur en histoire contemporaine
Université Toulouse 2
France

dadasoma@hotmail.com

Résumé
Initialement limité à l’Afrique occidentale française et au Togo1, le statut de l’École de médecine de Dakar est
modifié par le décret du 14 août 1944, qui suit la Conférence de Brazzaville, pour en faire l’établissement
d’enseignement médical interfédéral. La nouvelle institution voit désormais sa base de recrutement élargie. En
plus des élèves régulièrement entrés dans l’établissement, viennent s’ajouter les étudiants et étudiantes du Centre
d’instruction d’Ayos du Cameroun et de l’École normale Édouard Renard de Brazzaville du Congo français.
L’ambition des autorités coloniales est d’instruire des praticiens africains acquis à la médecine occidentale pour
appuyer le personnel européen dans la lutte contre les fléaux qui freinent l’accroissement de la population. À
partir de 1948, l’enseignement supérieur colonial commence à être assuré avec l’institution, en 1950, de l’Institut
des hautes études sous la tutelle bienveillante des universités de Bordeaux et de Paris et la disparition de la section
d’élèves médecins de l’École interfédérale de Dakar.

Mots-clés : Histoire coloniale, École de médecine, Afrique, Sénégal, Dakar, vingtième siècle

Abstract
Initially limited to French West Africa and Togo, the status of the Dakar School of Medicine was modified by the
decree of 14 August 1944, which followed the Brazzaville Conference, to make it the interfederal medical
educational institution. The new institution now sees its recruitment base expanded. In addition to the students
who regularly entered the school, there are also students from the Ayos Instruction Center in Cameroon and the
Edouard Renard Normal School in Brazzaville in the French Congo. The ambition of the colonial authorities was
to instruct African practitioners acquired in Western medicine to support European personnel in the fight against
the scourges that slowed population growth. From 1948, colonial higher education began to be ensured with the
institution, in 1950, of the Institute of Advanced Studies under the benevolent supervision of the universities of
Bordeaux and Paris and the disappearance of the medical student section of the Interfederal School of Dakar.

Keywords: Colonial History, School of Medicine, Africa, Senegal, Dakar, Twentieth Century

Classification JEL : Z0

Le Comité français de la Libération nationale a organisé au cours de la Seconde Guerre mondiale, du 30


janvier au 8 février 1944, une conférence à Brazzaville, au Congo français. Convoquée par le général
Charles de Gaulle et Félix Éboué (1884-1944)2, gouverneur général de l’Afrique équatoriale française

1
L’École de médecine de l’AOF à Dakar est créée par le décret du 9 juin 1918. Pour plus d’informations, nous
renvoyons les lecteurs à notre thèse de doctorat : Mody KANTE, Former une élite médicale africaine à l’époque
coloniale. L’École de médecine de Dakar (1918 – années 1950), Thèse de doctorat unique d’Histoire, Toulouse,
Université Toulouse 2-Jean Jaurès, 2021, 770 p.
2
Félix ÉBOUÉ, né le 26 décembre 1884 à Cayenne (Guyane) et mort le 17 mai 1944 au Caire, est un administrateur
colonial, résistant de la première heure durant la Seconde Guerre mondiale. Gouverneur du Tchad, de 1938 à 1940,
il a fait basculer le territoire vers le général Charles de Gaulle et la « France libre ». Homme politique français, il
fut gouverneur général de l’AEF, du 11 août 1941 au 15 février 1944. Pur produit de la politique d’assimilation, il
était pour l’égalité des droits entre Noirs et Blancs. Voir Marc MICHEL, « Médecins et pharmaciens », dans Jean-
Pierre RIOUX (dir.), Dictionnaire de la France coloniale, Paris, Flammarion, 2007, p. 145-148.

85
(AEF), cette conférence a pour but de définir une nouvelle doctrine coloniale française en Afrique
subsaharienne. Au cours de cette rencontre, le secteur de la santé fait l’objet d’un inventaire d’où il
ressort que le domaine de la prophylaxie demeure faible et il apparaît nécessaire d’accroître les
politiques d’hygiène, facteur devant favoriser la démographie africaine. Un effort est annoncé pour la
formation médicale qui doit atteindre les masses, en leur apprenant à vivre et aboutir à une sélection
d’élites médicales1.

Brazzaville semble donc marquer le coup d’envoi de nouvelles politiques sanitaires dans les colonies
françaises d’Afrique. C’est dans ce contexte que le statut de l’École de médecine de Dakar, initialement
limité à l’Afrique occidentale française (AOF) et au Togo, est modifié par le décret du 14 août 1944,
pour en faire l’établissement d’enseignement médical commun à l’Afrique occidentale et équatoriale
française, au Cameroun et au Togo. L’École africaine de médecine et de pharmacie de Dakar est
habilitée à recevoir et à former en internat les élèves médecins, pharmaciens et sage-femmes qui
concourent au Service de l’Assistance médicale africaine (AMA), qui fait suite à l’Assistance médicale
indigène (AMI)2, en Afrique subsaharienne. Cette nouvelle institution remplace l’École de médecine de
l’AOF et le Centre d’instruction d’Ayos du Cameroun, supprimés le 1 er novembre 1944. La Conférence
de Brazzaville pousse vers une adaptation inéluctable au nouveau contexte qui doit résulter de la guerre.
Cette préparation des peuples colonisés à l’autonomie au sein de la « Grande France » se matérialise par
l’institution, en 1946, de l’Union française3.

Au lendemain de la Conférence, l’ambition des autorités coloniales françaises est de former vite une
élite de praticiens indigènes acquis à la médecine occidentale, praticiens qui appuieraient les médecins
européens dans leur mission de médicalisation. L’immensité de la tâche à accomplir, la pénurie des
ressources et l’indigence des moyens rendent inévitable l’orientation professionnelle dirigée, instruction
générale écourtée et professionnelle accélérée. Pour ce faire, la formation médicale est répartie sur une
durée minimale de quatre ans pour les élèves, le niveau de base étant celui des études primaires
supérieures, complétées par une préparation spéciale à l’hôpital central africain d’instruction, à la
polyclinique de l’Institut d’hygiène social, à l’Institut Pasteur, à la maternité africaine de Dakar, qui
élève le niveau des connaissances générales 4. C’est au cours de cette période que les paradoxes du
système colonial deviennent flagrants.

Le cadre enseignant à l’École de Dakar est fourni en quasi-totalité par les médecins et pharmaciens titrés
des troupes coloniales, et par l’arrivée de quelques professeurs appartenant à l’université française. La
formation d’un cadre de docteurs en médecine aurait nécessité des études plus longues avec un niveau
élevé de connaissances en sciences fondamentales, ce qui n’était pas encore possible dans l’immédiat,
compte tenu du degré de culture de la jeunesse africaine, de la charge budgétaire annuelle et de la
nécessité d’une action rapide5.

Cet article, extrait de ma thèse de doctorat6, se consacre à la Conférence de Brazzaville comme un


tournant dans la politique sanitaire française en Afrique subsaharienne, le recrutement et la formation
des élèves médecins africains et l’ouverture de l’École de Dakar aux élèves de l’Afrique centrale.

1. La Conférence de Brazzaville, un tournant dans la politique sanitaire de la France en Afrique


subsaharienne

1
Robert BOURGI, Le général de Gaulle et l’Afrique noire 1940-1969, Paris, Dakar & Abidjan, Librairie générale
de droit et de jurisprudence & Nouvelles Éditions africaines, 1980, p. 119-120.
2
L’AMI est mis en place le 8 février 1905 par l’arrêté du gouverneur général Ernest Roume.
3
Avec l’institution de l’Union française, l’Empire français disparaît.
4
Claude CHIPPAUX, « Le service de santé des troupes de marine », Médecine tropicale. Revue française de
pathologie et de santé publique tropicales, Le Pharo – Marseille, novembre-décembre 1980, vol. 40, n° 6, p. 623-
624.
5
Ibid.
6
Mody KANTÉ, op. cit., 770 p.

86
La « France libre », avec le général Charles de Gaulle, a fait entrer une partie de l’Empire colonial
français dans la Seconde Guerre mondiale. De ce fait, le Comité français de Libération nationale a été
amené à se préoccuper des problèmes des colonies. En juillet 1943, de Gaulle décide de réunir une
conférence impériale où tous les gouverneurs seraient convoqués afin de « confronter les idées et les
expériences 1 » et de déterminer les bases sur lesquelles serait fondée une Communauté française
englobant les territoires d’Afrique subsaharienne en remplacement du système d’administration directe 2.
C’est la célèbre Conférence de Brazzaville, tenue au Congo français, du 30 janvier au 8 février 1944,
qui constitue un tournant dans l’histoire de la politique sanitaire de la France en Afrique subsaharienne.
C’est la première fois, sur le sol même d’un territoire colonial, que se trouvent rassemblés, sous la
présidence d’un commissaire, les chefs de toutes les colonies françaises d’Afrique, en présence d’une
importante délégation de l’Assemblée consultative provisoire et de représentants du gouverneur général
de l’Algérie et des résidents du Maroc et de Tunisie3. Cette conférence au Congo français a pour but la
définition de la doctrine coloniale française vis-à-vis de ses colonies.

Dans son discours d’ouverture, de Gaulle déclare qu’« En Afrique française, comme dans tous les autres
territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il n’y aura aucun progrès qui soit un progrès, si
les hommes sur leur terre natale, n’en profitent pas moralement et matériellement […] c’est le devoir
de la France de faire qu’il soit ainsi4. » Ce propos se réfère, d’après l’historien Hines Mabika Ognandzi,
à la nécessité de consulter les troupes et les hauts fonctionnaires en charge des colonies, sur le sort à
réserver à l’Afrique subsaharienne après cette nouvelle contribution de ses fils à la libération de la
France5. En dehors du gouverneur Félix Eboué, il n’y a que des Européens et pas d’Africains.

En envisageant dans le détail les problèmes d’assistance médicale et d’hygiène, la Conférence de


Brazzaville milite en faveur des initiatives visant à apporter aux populations africaines une meilleure
condition sanitaire. Néanmoins, on retrouve dans le préambule et dans le rapport du médecin général
inspecteur Marcel Augustin Vaucel (1894-1969), directeur du Service de santé au ministère des
Colonies, des idées déjà connues : « [l]e développement de la race étant le point de départ de la
discussion… le problème de l’assistance aux colonies n’est pas seulement d’ordre technique. C’est aussi
et peut-être avant tout un problème social et d’évolution politique et économique 6 . » Force est de
reconnaître que Vaucel ne fait que reprendre des idées vieilles de plus de vingt ans sur le développement
des « races » que le ministre des Colonies, Albert Sarraut, avait déjà énoncées dans son livre La mise en
valeur des colonies françaises, publié en 1923. Cet ouvrage avait pour objectif de cerner la politique
sanitaire de la France, au sortir de la Grande Guerre, en insistant sur « la nécessité en un mot de
conserver et d’augmenter le capital humain pour pouvoir faire travailler et fructifier le capital
argent7 » ; et jusqu’en 1958, la plupart des discours coloniaux y font référence 8.

À Brazzaville, plusieurs mesures sont discutées. La Commission d’hygiène et de santé publique rappelle
le principe concernant l’hygiène et la santé publique. Elle reconnaît que l’amélioration des conditions
sanitaires et la solution des problèmes démographiques ne sont pas seulement d’ordre technique, mais
sont fonction du progrès économique, social et politique du continent. Elle dresse ainsi le tableau de la
situation sanitaire des populations africaines, diverses endémo-épidémies qui les menacent, constituant

1
Joseph-Robert de BENOIST, L'Afrique occidentale française de la Conférence de Brazzaville (1944) à
l'indépendance (1960), Dakar, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1982, p. 25.
2
Danielle DOMERGUE-CLOAREC, Politique coloniale française et réalités coloniales : la santé en Côte
d’Ivoire, 1905-1958, Paris, Académie des sciences d’outre-mer et Toulouse, Université de Toulouse, 1986, p. 494.
3
ANONYME, « Recommandations adoptées par la Conférence », La Conférence africaine française : Brazzaville
30 janvier-8 février 1944, Paris, Ministère des Colonies, 1945, p. 7.
4
Joseph-Robert de BENOIST, op. cit., 25.
5
Hines Mabika OGNANDZI, Médicaliser l’Afrique. Enjeux, processus et stratégies d’introduction de la médecine
occidentale au Gabon (XIXe-XXe siècle), Paris, L’Harmattan, 2017, p. 180-181.
6
Extrait du programme général de la Conférence de Brazzaville, Janvier 1944, ANSOM cart. 101, Conférence de
Brazzaville, cité par Danielle DOMERGUE-CLOAREC, op. cit., 1986, p. 494.
7
Albert SARRAUT, La mise en valeur des colonies françaises, Paris, Payot, 1923, p. 94-95.
8
Jean MARTIN, Lexique de la colonisation française, Paris, Dalloz, 1988, p. 296.

87
autant de fléaux qu’il faut combattre de la manière la plus énergique1. Parmi les différentes causes du
faible accroissement de la population, on y note comme avant le paludisme, la syphilis, la
trypanosomiase… Ce qui appelle un effort en matière de prophylaxie. Pour les services spécialisés, il
est recommandé de transformer le service de la maladie du sommeil et de visiter fréquemment la
population dans les lieux les plus éloignés des cercles administratifs et médicaux, et d’établir le
diagnostic des autres endémies sévissant en Afrique subsaharienne. Toutefois, l’idée de créer un
personnel médical impérial ne paraît pas urgente2. Or avec le début de la guerre d’indépendance de
l’Indochine (1946-1954), une partie de ces personnels médicaux appartenant au Service de santé des
troupes coloniales combattantes se trouvera mobilisée.

L’action médicale, exercée jusqu’en 1944, doit cependant être renforcée par des méthodes nouvelles et
des efforts concentrés. Un certain nombre de recommandations prises à Brazzaville donnent un nouveau
départ à la politique sanitaire de l’Afrique subsaharienne. Les Africains, leurs aspirations, leurs
faiblesses et leurs besoins sont au centre des débats3. La conférence souhaite la mise en place d’un
système efficace de lutte contre les maladies tropicales et l’amélioration générale et effective des
conditions sanitaires, sans oublier l’amélioration du statut administratif des médecins africains. Elle
recommande dans ce but la création d’un Service autonome d’hygiène mobile et de prophylaxie
composé du plus grand nombre possible de groupes mobiles polyvalents, divisés eux-mêmes en sections
d’importance et de composition variables adaptées à la « dominante pathologique de la région
prospectée ». C’est la transformation du Service général autonome de la maladie du sommeil (SGAMS),
créé par l’arrêté du 30 janvier 1939 4 , qui va devenir polyvalente. Il s’agit de s’appuyer sur cette
expérience de la trypanosomiase humaine, qui ne sera pas la seule priorité, pour développer une
compétence plus large. La conférence, en classant les fléaux par ordre décroissant de gravité, s’est
prononcée pour la création en Afrique d’un Institut d’hygiène sociale et de recherches, commun à toutes
les colonies, d’une fédération ou encore d’un gouvernement général, divisé en sections par affection
sociale et doté de laboratoires auxquels sera affecté un personnel suffisant et spécialisé
d’entomologistes5, de botanistes, d’ingénieurs sanitaires et comprenant différentes sections (paludisme,
tuberculose, lèpre, syphilis, trypanosomiase, etc.).

L’année 1944 a vu se mettre en place d’importantes réformes et des innovations dans le domaine de la
santé publique. En application des recommandations de la Conférence de Brazzaville, le décret du 15
juin 19446, promulgué en AOF par arrêté du 31 décembre de la même année, institue pour l’AOF un
Service général autonome d’hygiène mobile et de prophylaxie (SGHMP) 7, qui remplace le SGAMS,
couvrant l’Afrique occidentale et équatoriale française, le Cameroun et le Togo, disposant chacun d’un
service d’hygiène et de prophylaxie ayant la même finalité. Son siège se trouve à Bobo-Dioulasso en
Haute Côte-d’Ivoire (alias Haute-Volta puis Burkina Faso). La trypanosomiase n’est plus le seul but
exclusif de la prospection et du traitement, les grandes endémies ou endémo-épidémies et les maladies
sociales comme la lèpre, le paludisme, la syphilis, la méningite cérébrospinale, la peste, la variole, les
tréponématoses (le pian est une tréponématose comme la syphilis) sont aussi concernées, sans oublier
les vaccinations, en général mixtes antivarioliques et antiamariles dont bénéficie l’ensemble de la

1
Dr. SASPORTAS, « L’organisation du Service de santé en Afrique noire française d’après les recommandations
de la Conférence de Brazzaville (Janvier 1944) », La Presse médicale. Articles originaux, Masson et Cie, n° 5,
février 1945, p. 66.
2
Raymond-Marin LEMESLE, La Conférence de Brazzaville de 1944 : contexte et repères. Cinquantenaire des
prémices de la décolonisation, Paris, CEAM, 1994, p. 69-71.
3
Dreid Miché KODIA-MANCKESSI, La politique sanitaire à Brazzaville de 1906 à 1960, Mémoire de
maîtrise d’Histoire, Brazzaville, Université Marien Ngouabi, 2011, p. 58.
4
Cf. JOS, 1939, Arrêté n° 342 S.S.M. portant création d’un service autonome de la maladie du sommeil, p. 162-
164.
5
Spécialiste d’entomologie, qui est une partie de la zoologie s’intéressant aux insectes (moustiques et autres
vecteurs de maladies).
6
ANS, 2H47 (26), Santé publique en AOF : budget de grands travaux, 1944-1946.
7
Mody KANTÉ, Politiques sanitaires dans la mise en valeur de la colonie du Sénégal (1939-1960), Mémoire de
maîtrise d’Histoire, Dakar, UCAD, 2011, p. 53-54.

88
population de l’Afrique subsaharienne1 (deux vaccins : un vaccin français dit de Dakar créé par le D r
Jean Laigret et le vaccin américain, 17 D, dit Rockefeller 2).

Toutefois, un tel plan suppose d’adjoindre aux effectifs de l’époque du Corps de santé colonial, plusieurs
centaines de médecins à recruter dans la métropole ainsi que l’accroissement de l’effectif des médecins
indigènes3. Le problème est toujours le même : les moyens ne sont pas en adéquation avec les ambitions
et les médecins civils en France ne sont pas volontaires pour venir faire carrière en Afrique
subsaharienne. Mais en 1945, après la Libération, quelques médecins et étudiants en médecine civils
français qui avaient eu des sympathies pour le maréchal Philippe Pétain et le régime de Vichy vont partir
vers l’outre-mer pour se faire oublier4.

C’est dans un tel contexte qu’est instituée une grande École médicale interfédérale africaine dont le
siège est fixé à Dakar, pour recevoir et former, à l’exclusion de tout autre établissement, des élèves des
médecins et des pharmaciens ainsi que des sage-femmes qui concourent au Service de l’assistance
médicale dans les territoires de l’AOF, de l’AEF, du Cameroun et du Togo. Le nouvel établissement
s’appuie sur la fondation de l’ancienne École de médecine de l’AOF à Dakar.

Soulignons que la Conférence de Brazzaville s’est prononcée sur le fonctionnement d’un service de
santé nécessitant la présence constante en Afrique subsaharienne française d’environ 600 médecins. En
tenant compte des obligations militaires en métropole et aux colonies, l’effectif total des médecins du
corps de santé colonial devra être porté à 1 500 unités. Si l’on devait renoncer à l’utilisation des médecins
militaires, il y aurait lieu d’envisager la création d’une École de santé coloniale, conçue sur le modèle
de l’École de Bordeaux, fonctionnant au sein d’une université coloniale, attirant les jeunes gens dès le
début de leurs études médicales et génératrice, avec la foi et l’enthousiasme, de la discipline et du
désintéressement absolument nécessaires à la pratique de la médecine coloniale 5. Il était aussi question
à Brazzaville de porter de 700 à 2 500 le nombre de jeunes médecins africains 6. Selon l’historienne
Danielle Domergue-Cloarec, dans sa « Santé en Côte d’Ivoire », soutient qu’« [a]ucun des
gouvernements successifs ne propose donc une politique sanitaire originale. De Sarraut à de Gaulle, la
continuité fut assurée et de façon remarquable d’autant plus facilement que le personnel en place était
le même7. »

Compte tenu de ce qui précède, la Conférence de Brazzaville recommande la création d’une grande
École de médecine de plein exercice, réplique en Afrique de l’École de Hanoï pour l’Extrême-Orient, et
destinée à alimenter un cadre commun de médecins pour servir en n’importe quel point des possessions
africaines de la France. Et les candidats médecins d’AEF et du Cameroun seront instruits avec leurs
camarades d’AOF à l’École de Dakar dont le prestige et l’efficacité ne sont pas contestés 8.

2. Le recrutement interfédéral des élèves médecins africains

Au lendemain de la Conférence de Brazzaville, l’École de médecine de Dakar s’est forgée d’une


excellente réputation dans toute l’Afrique subsaharienne et attire de plus en plus de candidats. En plus
des élèves régulièrement entrés dans l’institution viennent s’ajouter les étudiants et étudiantes du Centre
d’Instruction d’Ayos du Cameroun, supprimé le 1 er novembre 1944 et de l’École normale Édouard

1
Claude CHIPPAUX, op. cit., p. 618.
2
Entretien avec Louis-Armand HÉRAUT, (83 ans), rencontré à Versailles (France), médecin en chef honoraire
des troupes de marine à la retraite, le 4 décembre 2019.
3
Raymond-Marin LEMESLE, op. cit., p. 69-71.
4
Entretien avec Louis-Armand HÉRAUT, (83 ans), rencontré à Versailles (France), médecin en chef honoraire
des troupes de marine à la retraite, le 4 décembre 2019.
5
ANONYME, op. cit., 1945, p. 48-49.
6
Dr SASPORTAS, op. cit., 1945, p. 66.
7
Id., p. 495.
8
ANONYME, op. cit., 1945, p. 48-49.

89
Renard de Brazzaville (Moyen-Congo), seul établissement d’enseignement supérieur en AEF 1 , qui
organise en 1945 une section préparatoire aux études médicales à l’École de Dakar 2, comparable à celle
existant déjà à la célèbre École normale William-Ponty3 au Sénégal. Autour des élèves, c’est donc un
monde nouveau qui se constitue au Sénégal, nécessaire pour répondre aux exigences de l’enseignement
(théorique mais aussi clinique), et de l’encadrement dans des internats. Au regard du nombre de
candidatures présentées aux épreuves, la sélection à l’entrée est de plus en plus rigoureuse.

Jusqu’en 1945, l’enseignement comporte essentiellement un enseignement primaire et des écoles


professionnelles. L’enseignement primaire dure six ans. Seules les écoles régionales délivrent le
Certificat d’études primaires et élémentaires (CEPE). Au chef-lieu de chaque colonie, une école primaire
supérieure conduit en trois ans au diplôme d’études primaires supérieures, permettant d’accéder aux
emplois administratifs et aux écoles professionnelles : Écoles normales, dont la plus célèbre William-
Ponty, École de médecine de Dakar, École vétérinaire et École technique supérieure de Bamako.
L’enseignement secondaire proprement dit se réduit aux deux lycées de Dakar et de Saint-Louis que
fréquentent surtout les enfants de la population européenne. Ce système est considéré, avec raison, par
les Africains comme un « enseignement au rabais » et l’institution d’un système identique à celui de la
métropole constitue l’une des revendications majeures du mouvement nationaliste 4.

Après la Conférence de Brazzaville, les autorités coloniales se préoccupent de développer


l’enseignement en Afrique au sud du Sahara. Selon le programme retenu après la conférence, les besoins
sont de 55 élèves médecins par an, jusqu’en 19625. L’estimation semble très faible compte tenu des réels
besoins du moment, mais encore faut-il trouver des candidats de bon niveau et aussi fournir un nombre
suffisant des cadres enseignants de qualité. Le nombre d’élèves à admettre chaque année est fixé par
colonie ou par groupe de colonies, par arrêté du commissaire aux colonies. Précisons qu’il s’agit toujours
d’un concours et non d’un examen. Le texte de l’arrêté ministériel du 14 août 1944 stipule que les
candidats admis à l’École de médecine de Dakar doivent être citoyens ou sujets français, âgés de dix-
huit au moins et de 25 ans6 au plus au 1er janvier qui suit la date d’entrée à l’établissement 7. Ils doivent
avoir déjà suivi les cours préparatoires de l’École normale William-Ponty et de l’École des cadres
supérieurs de Brazzaville8. Ce qui donne à penser que l’on essaie de mettre véritablement en œuvre pour
une élite le volet pratique de la formation qu’on ne parvient pas à dispenser à l’ensemble des étudiants,
trop nombreux. Les candidats doivent, à défaut, être titulaires du brevet élémentaire ou brevet du 1 er
cycle ou du 2e degré. Une troisième voie est offerte par le biais de l’organisation d’un examen spécial
d’admission à l’établissement instauré dans les lycées, collèges et cours normaux 9. Le dispositif de
recrutement reste cependant inchangé10, à deux modifications près : le CEPE est désormais obligatoire
et la visite médicale doit être effectuée par un médecin européen 11. Rappelons que les médecins et les
sage-femmes diplômés de l’École de Dakar ne sont habilités à prodiguer leurs soins médicaux ou
obstétricaux qu’aux populations africaines. Mais ces enfants, « nés Africains », candidats à l’École de

1
Marcel PERLSTEIN, « L’enseignement en Afrique équatoriale française », Africa: Journal of the International
African Institute, vol. 14, n° 3, (Jul., 1943), p. 131.
2
ANS, 1H98 (163), Arrêté du 14 août 1944 portant organisation et réglant le fonctionnement l’EAMP de Dakar,
p. 17.
3
En 1937, l’École normale de garçons est transférée de Gorée à Sébikotane en pleine campagne, à quelques
kilomètres de Rufisque. Cf. Pascale BARTHÉLÉMY, Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957),
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 155-171.
4
Lê THANH KHÔI (dir.), L’enseignement en Afrique tropicale, Paris, Presses universitaires de France, 1971, p.
16-17.
5
ANS, 1H98 (163), École africaine de médecine et pharmacie, de sa fondation en 1918 à l’année 1947, p. 51-52.
6
Les années de service militaire viendront réduire cet âge limite.
7
ANS, 1H98 (163), Arrêté du 14 août 1944 portant organisation et réglant le fonctionnement l’École africaine de
médecine et de pharmacie de Dakar, p. 11-12.
8
Id., p. 11-12.
9
Assani ADJAGBÉ, La lutte contre le paludisme en Côte d’Ivoire : directives internationales et pratiques
médicales (1948-1996), Thèse de doctorat d’Histoire, Paris, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2017, p. 181.
10
Nous renvoyons les lecteurs à notre thèse de doctorat : Mody KANTE, op. cit., 770 p.
11
Pascale BARTHÉLÉMY, op. cit., 2010, p. 76.

90
médecine, sont appelés à vivre en internat désormais avec des Européens. Cela explique cette exigence
des autorités coloniales, une manière, comme l’avait souhaité M me Nogue, directrice de l’internat, en
1923, « [p]our contribuer à cette transformation profonde, […] à réaliser toutes les mesures propres à
faire marcher de front vers l’évolution de nos étudiants vers notre culture, notre civilisation et nos
mœurs1. »

En 1945, sur les 38 candidats ayant concouru en AOF, les 34 premiers sont admis à entrer à l’école ayant
chacun une note supérieure à la moyenne qui est de 190 points. Parmi eux, quatre se portent volontaires
à l’École vétérinaire de Bamako. Il s’agit d’Issaka Koki (8e), d’Abdourahmane Sow (25e), de Soumano
Gouro (29e) et de Gouro Sidibé (32e)2. En revanche, l’École vétérinaire de Bamako n’a pas le prestige
de l’École de médecine de Dakar, son recrutement est difficile et les promotions sont souvent maigres,
souligne Paul Désalmand. Les élèves de l’École normale William-Ponty n’y vont qu’avec réticences et
l’on est amené à recruter directement à la sortie des EPS. L’enseignement est, comme dans les autres
écoles, à dominante pratique ; il comporte en particulier des tournées de vaccinations et un stage d’un
mois dans un établissement d’élevage 3.

La première étape d’admissibilité à l’École médicale de Dakar est composée des épreuves écrites
comprenant les mathématiques (résolution de deux problèmes en arithmétique, en système métrique ou
en géométrie), la composition française (dictée et questionnaire portant sur la connaissance de la langue,
l’intelligence du texte et les racines grecques et latines), les sciences physiques et chimiques, l’histoire
naturelle (botanique, zoologie, physiologie) et l’orthographe, composée d’une dictée et d’un
questionnaire subdivisé en cinq questions, c’est-à-dire trois sur la connaissance de la langue et
l’intelligence du texte et deux sur les racines grecques et latines. La note attribuée à la dictée, de 0 à 10,
est celle attribuée aux questionnaires. La note cotée de 0 à 10 est additionnée pour former la note
d’orthographe. Une note de mérite, de 0 à 20, est attribuée par le conseil des professeurs 4. Comment
peut-on donner une note au mérite quand on ne connaît pas le candidat ? Ces épreuves écrites ne servent
cependant pas à sélectionner les meilleurs candidats destinés à poursuivre une carrière médicale à Dakar
(rien ne change à ce niveau).

C’est la seconde étape du concours qui est indispensable à la sélection, avec les épreuves orales qui
permettent de mieux apprécier non seulement l’intelligence, mais aussi le raisonnement des futurs
médecins africains destinés à rester des auxiliaires des médecins coloniaux européens. Elle est
sanctionnée par une nouvelle note sur vingt, comprenant l’explication d’un texte de français et les
interrogations en mathématiques, en physique et en chimie. La moyenne définitive est de 10. À l’issue
du concours, une liste supplémentaire peut être prévue 5. Les élèves composent durant une journée par
exemple à Conakry, Ouagadougou, Bingerville 6, Niamey7, Porto-Novo, Bamako, Dakar, Saint-Louis,

1
Madame NOGUE (directrice de l’internat de sage-femmes), « Les sage-femmes auxiliaires de l’Afrique
occidentale française », Extrait du Bulletin du Comité d’études historiques et scientifiques de l’Afrique occidentale
française, 1923, Gorée, Imprimerie du gouvernement général, n° 2 avril-juin et n° 3 juillet-septembre, p. 23-35.
2
Ce dernier candidat est toutefois admis avec 183,25 points sans atteindre la barre de la moyenne qui est de 190
points. Rappelons que la profession vétérinaire ne plait pas aux candidats. La preuve, le gouverneur général de
l’AOF a, plusieurs fois, lancé des appels aux lieutenant-gouverneurs sur l’intérêt pour les colonies qui ont besoin
de médecin vétérinaires auxiliaires, d’envoyer à l’École normale William-Ponty des jeunes désireux de suivre cette
carrière. ANS, O163 (31), Liste de tous les élèves par ordre de mérite & les notes correspondantes & ANS, O 163
(31), Circulaire du gouverneur général de l’AOF, Jules Carde, en date du 20 avril 1925, adressé aux lieutenant-
gouverneurs.
3
Paul DÉSALMAND, Histoire de l’éducation en Côte d’Ivoire. Des origines à la Conférence de Brazzaville,
Abidjan, CEDA, 1983, p. 204.
4
ANS, 1H98 (163), Arrêté du 14 août 1944 portant organisation et réglant le fonctionnement l’EAMP de Dakar,
p. 25-26.
5
ANS, 1H98 (163), Arrêté du 14 août 1944 portant organisation et réglant le fonctionnement l’EAMP de Dakar,
p. 25-26.
6
Bingerville, détrônée par Abidjan, reste cependant le centre intellectuel.
7
Pascale BARTHÉLÉMY, op. cit., 2010, p. 53.

91
Libreville, Port-Gentil, Brazzaville, Douala, Yaoundé, Bangui, Fort-Lamy1 , etc. Les candidats sont
répartis dans les sections médecine, pharmacie et vétérinaire par le conseil des professeurs qui tient
compte de l’ordre de mérite établi par la liste d’admission et des besoins prévus par les colonies 2.

Le jury du concours comprend l’inspecteur général civil de l’enseignement, un médecin ou un


pharmacien professeur à l’École de médecine et des professeurs de la section préparatoire de l’École
normale William-Ponty pour corriger les épreuves. Le nombre d’élèves à admettre par année est fixé
par le ministre de la FOM sur proposition du gouverneur général de l’AOF qui tient compte des besoins
exprimés par les colonies 3 . Les candidats admis exercent leur droit d’option pour les sections de
médecine ou de pharmacie de Dakar ou vétérinaire transféré, en 1925, à Bamako. Ce transfert s’explique
par le fait qu’il n’existe pas de troupeau à Dakar pour les exercices pratiques. C’est un centre d’élevage
important où le laboratoire de recherches constitue un excellent établissement d’instruction pratique.
Rappelons que l’importance des promotions d’élèves médecins est fonction du nombre d’élèves recrutés
par l’École normale William-Ponty de Sébikotane où les futurs auxiliaires médicaux font deux années
d’études. Le nombre d’élèves recrutés par cet établissement est à son tour fonction du nombre d’élèves
des écoles primaires supérieures de chaque colonie et évidemment de la valeur de ces écoliers puisque
l’accès à l’École de Sébikotane se fait par voie de concours. Et jusqu’à la veille de la Conférence de
Brazzaville, le Service de l’enseignement n’a pu fournir que des promotions médicales de 20-25
personnes – sur lesquelles il a fallu prélever des élèves destinés à devenir des vétérinaires auxiliaires 4.

La Conférence de Brazzaville approuve les propositions de la commission présidée par le directeur du


Service de santé au commissariat aux colonies demandant un accroissement massif du nombre des
médecins auxiliaires5. Ainsi, pour la première fois, depuis la fondation de l’École de Dakar, ils sont au
nombre de 36 élèves médecins, la promotion la plus étoffée, à faire leur entrée à l’institution en 1945 6.
Mais la période suivante est marquée par une réduction sensible du nombre d’admis, et ce jusqu’à la
disparition de la section d’élèves médecins, en 1950, avec l’ouverture de l’École préparatoire de
médecine et pharmacie au sein de l’Institut des hautes études de Dakar (IHED). En effet, ils ne sont que
24 admis en 1946 et 13 en 19497. Il est important de souligner que les archives restent muettes sur les
promotions entrantes.

Il faut noter que le dépouillement des différents répertoires des Archives nationales du Sénégal, sur
lesquels figurent, pour quelques élèves, le lieu de naissance, permet de souligner que les trois quarts des
élèves sont originaires des capitales, des villes côtières ou des agglomérations situées le long des voies
ferrées. Il s’agit entre autres de Dakar, de Gorée, de Rufisque, de Saint-Louis, de Thiès, de Kaolack, de
Koungheul, de Gossas, de Ziguinchor… (Sénégal), de Porto-Novo, de Cotonou, d’Abomey, de Grand-
Popo, de Ouidah, de Savalou, de Savé… (Dahomey8), de Bamako, de Kayes, de Koulikoro, de Toukoto,
de Nioro, de Mopti, de Tombouctou, de Djenné, de Gao, de Katibougou, de Ségou, de Sikasso, de
Mahina, de Koutiala… (Soudan français 9), de Conakry, de Fouta Djallon, de Mamou, de Dabola, de
Kouroussa, de Kankan, de Macenta… (Guinée), de Niamey… (Niger), de Lomé… (Togo), de Grand-
Bassam, de Bingerville, d’Abidjan, d’Agboville, de Dimbokro, d’Abengourou… (Côte d’Ivoire), de
Ouagadougou, de Bobo-Dioulasso, de Dédougou, de Fada N’Gourma… (Haute-Volta10), de Yaoundé,

1
Actuel N’Djaména ; voir Alain VIVIEN, N’Djamena naguère Fort-Lamy. Histoire d’une capitale africaine,
matrice de la République du Tchad, Paris, Éditions Sépia, 2020, p. 30-48.
2
ANS, 1H98 (163), Organisation générale de l’école, p. 6.
3
Id., p. 6.
4
Pour tout renseignement sur l'École vétérinaire de Bamako, nous renvoyons le lecteur à notre thèse de doctorat :
Mody KANTE, op. cit., 770 p.
5
ANS, O15 (31), Note n° 735/C., en date du 21 avril 1944, du médecin général inspecteur Ricou, directeur de la
santé publique de l’AOF pour le directeur général des services économiques (inspection générale de l’élevage).
6
ANS, O14 (31), O15 (31), O16 (31), O17 (31), O18 (31) et O56 (31), École de médecine de Dakar.
7
ANS, O15 (31), Note n° 735/C., en date du 21 avril 1944, du médecin général inspecteur Ricou, directeur de la
santé publique de l’AOF pour le directeur général des services économiques (inspection générale de l’élevage).
8
Actuel Bénin.
9
Actuel Mali.
10
Actuel Burkina Faso.

92
de Douala, d’Abong-Mbang, Garoua, Ngaoundéré… (Cameroun), Brazzaville, Pointe-Noire… (Congo
français), Libreville, Franceville, Port-Gentil… (Gabon), etc. Ce qui fait dire à Denise Bouche que « les
écoles se trouvaient surtout dans les villes et les chefs-lieux de cercle 1 . » Et l’ouvrage de Pascale
Barthélémy – Africaines et diplômées à l’époque coloniale – montre aussi que rares sont les élèves qui
viennent de petits villages et les futures élites médicales font partie des privilégiés de la ville coloniale
où se concentrent le pouvoir et l’activité économique, lieu de vie de la majorité des Européens 2. Cette
situation est concomitante en Afrique de l’Est britannique où les étudiants en médecine de Makerere
College venaient souvent de couches privilégiées de la société coloniale. À la fin des années 1940, ils
étaient le principal élément de l’élite éduquée de l’Afrique orientale. Peu d’étudiants en médecine
venaient de familles ayant des traditions médicales autochtones3, souligne l’historien britannique John
Iliffe.

Au Sénégal, la formation des élèves médecins est répartie sur une durée minimale de quatre ans, le
niveau de base étant celui des études primaires supérieures, complétées par une préparation spéciale à
l’hôpital d’instruction et ses annexes.

3. La formation des élèves médecins africains

À l’École de Dakar, les élèves médecins parcourent en une scolarité de quatre années un programme
théorique et pratique. La matinée est consacrée au stage hospitalier dans les divers services de l’hôpital
central africain d’instruction et ses annexes : la maternité et la polyclinique de l’Institut d’hygiène social.
L’après-midi est dédié aux cours et aux travaux pratiques dans les amphithéâtres de l’école, tous les
jours sauf le dimanche4. La rigueur de la discipline passe d’ailleurs largement par ce travail intense.
Dans tous les cas, aucune notion nouvelle n’est donnée sans que le professeur ne se soit assuré par une
interrogation que l’élève possède à fond par compréhension et non par mémoire les notions acquises5.

Au cours de leur stage hospitalier, les élèves notent des observations médicales, assurent les soins, aident
aux anesthésies chirurgicales, etc. Ils reçoivent un enseignement clinique simple. Les professeurs
s’attachent, en présence de chaque cas, à mettre en évidence les symptômes primordiaux, ceux qui
permettent de parvenir d’une façon précise au diagnostic d’où découle le traitement. Tous les symptômes
sans intérêt, toutes les recherches biologiques qui n’ont pas fait la preuve de leur utilité clinique et toutes
les pathogénies sans assises solides sont volontairement omis6. Cet enseignement médical est assuré par
les professeurs auxquels il est recommandé de ne pas faire de longs discours sur un sujet, mais plutôt
des « causeries » sur plusieurs malades au cours de la visite hospitalière ou la consultation de la
polyclinique de l’Institut d’hygiène social, d’exposer d’une façon simple, claire, la nature de l’affection,
son évolution probable, son pronostic, son traitement, tout en rappelant toujours les traits caractéristiques
de la maladie, d’éliminer, dans la discussion du diagnostic, toute citation de maladie exceptionnelle en
Afrique subsaharienne, enfin d’entrecouper le tout d’examens directs de malades par les élèves, et de
poser à ces derniers les nombreuses interrogations pour s’assurer toujours qu’ils ont compris 7 la leçon.

1
Denise BOUCHE, « Quatorze millions de Français dans la fédération de l’Afrique occidentale française ? »,
RFHOM, 69, 1982, p. 100.
2
Pascale BARTHÉLÉMY, op. cit., 2010, p. 107.
3
John ILIFFE, East African Doctors: A History of the Modern Profession, Cambridge, Cambridge University
Press, 1998, p. 67.
4
Le dimanche, tous les élèves, sauf ceux du service de garde, sont autorisés à sortir en ville, de 8 heures à 17
heures sauf s’ils sont punis.
5
ANONYME, « L’École de médecine de Dakar », Presses médicales, n° 33, vol. d’annexes, Masson & Cie, 1921,
p. 587.
6
Pasteur VALLERY-RADOT Pasteur, « L’École de médecine de Dakar », Revue des Deux-mondes, « Le
splendide effort de l’Afrique occidentale française », publié dans Le progrès médical, n° 7, Paris, 15 février 1936,
p. 291-292.
7
ANS, 1H98 (163), École africaine de médecine et pharmacie, de sa fondation en 1918 à l’année 1947, p. 43.

93
Les premiers au classement deviennent « externes de l’hôpital » puis « internes de l’hôpital » et touchent
une solde supérieure aux autres élèves. Comparativement au règlement antérieur, il n’y a pas de
changements. Ces enseignements sont similaires à l’École de médecine de Makerere en Ouganda. Dans
son East African Doctors, John Iliffe mentionne que « les élèves effectuent de nombreuses opérations
telles que les circoncisions, le curetage de passage de bougies et de cathéters et donnent de nombreuses
anesthésies. Ils assistent également aux opérations majeures et en effectuent même quelques-unes sous
surveillance. En cas d’urgence et lorsqu’un médecin n’est pas disponible, ils doivent être en mesure
d’entreprendre des travaux chirurgicaux tels que l’amputation des membres, les opérations de
soulagement de la sténose infranchissable et de l’extravasation d’urine, l’application de forceps
obstétriques et doivent faire un bon effort pour traiter des cas de hernie étranglée, cela peut réduire le
traumatisme entourant la dissection et l’autopsie 1. »

À Dakar, le nombre de consultations quotidiennes oscille entre 80 et 100 à la polyclinique de l’Institut


d’hygiène social, qui dessert une immense clientèle africaine du quartier de Médina. En effet, ces
consultations ont pour objectif l’éducation des mères et la protection des enfants en bas âge, l’élément
le plus précieux de la population2.

Ainsi, il a été donné 359 985 consultations pour 85 349 consultants en 1948 et 391 525 consultations
pour 92 257 consultants en 1949. Pour les dix premiers mois de l’année 1950, ont été enregistrées
369 146 consultations pour 91 312 consultants. Les consultations prénatales sont suivies par 1 981
femmes enceintes avec 29 411 consultations en 1948 et 35 806 consultations sont données à 2 711
femmes enceintes en 1949. Quant aux consultations gynécologiques, elles groupent, en 1948, 3 070
consultantes ayant donné lieu à 21 484 consultations. En 1949, 5 992 consultantes ont enregistré 35 821
consultations. Les consultations des nourrissons, de leur côté, se chiffrent par les résultats suivants : en
1948, 20 615 consultants et 77 773 consultations ; en 1949, 31 329 consultants et 87 804 consultations 3.
À côté de ce bilan, force est de souligner la répugnance des femmes africaines à se soumettre à des
examens spéciaux dans les centres de santé 4.

Toutefois, le succès de la polyclinique de l’Institut d’hygiène social est en grande partie dû au fait que
les consultations sont des lieux de distribution de layettes et autres dons (riz, sucres, savons, boubous),
grâce à la contribution de l’Association des Dames françaises de la Croix-Rouge de Dakar. Rappelons
que ladite association assure, tous les jeudis, de 09 heures à 11 heures, la distribution de lait, de sucre,
de farine, de savon et de vêtements pour les enfants indigènes. Ajoutons à cela la place réservée à la
Goutte de lait, œuvre privée de la Croix-Rouge, destinée à donner aux mères incapables d’allaiter leurs
enfants au-delà de trois mois une portion de lait journalière pour assurer leur survie. La Goutte de lait
trouve l’occasion d’exercer son activité à la polyclinique de l’Institut d’hygiène social, sous forme de
visites de nourrissons, de distribution de nourritures (lait, sucre, farine de mil), de savons et de vêtements
pour les enfants5, les indigents, les aveugles, les familles nombreuses 6.

Rappelons que, quelques années auparavant, le 9 octobre 1926, André Hesse, ministre des Colonies,
justement inquiet des ravages causés en AOF par la mortalité infantile, convoque à son cabinet les
principaux représentants du commerce africain et leur demande de créer une œuvre qui aurait pour tâche
de sauver de la mort la petite enfance noire : ce fut l’origine du « Berceau africain ». Œuvre privée, son
but est d’assurer dans les colonies la protection matérielle et morale des mères africaines et de leurs
nourrissons et de contribuer à leur donner les secours de toute nature dont ils peuvent avoir besoin.
Grâce à l’ampleur des dons qu’il reçoit, le « Berceau africain » approvisionne les consultations de

1
John ILIFFE, op. cit., p. 75.
2
ANS, 1H57 (163), La polyclinique Roume, novembre 1950, p. 3.
3
Ibid.
4
Ibid.
5
ANS, 1H57 (163), La polyclinique Roume, novembre 1950, p. 1.
6
M. RINKENBACH, « L’œuvre de l’Association des dames françaises de la Croix-Rouge en Afrique occidentale
française à Dakar », Bulletin de l’Association de dames françaises, 45e année, n° 5, septembre 1935, Paris, p. 145.

94
nourrissons en lait, en petits vêtements, en couvertures et autres objets de première nécessité 1 . De
nombreux travaux montrent que des processus similaires se rencontrent dans d’autres lieux.

Dans son article « Encadrer la naissance dans l’Algérie coloniale », l’historienne Claire Fredj parle de
plusieurs œuvres de bienfaisances se consacrant aux soins aux mères et aux enfants indigènes d’Algérie,
colonie de peuplement. D’après l’auteure : « certaines sont laïques comme la Tasse de lait, créée à Alger
en 1934 et qui a pour but de distribuer un aliment d’appoint aux enfants pauvres de la population
musulmane de Belcourt » (actuel Belouizdad). De même, le Berceau indigène distribue des secours en
nature et propose également une fois par semaine des cours de puériculture élémentaires aux femmes
afin de les initier aux premières notions de l’hygiène2.

Au Sénégal, pour adapter l’enseignement à la durée des études médicales et au but poursuivi qui est de
doter le cadre de l’assistance de praticiens le plus rapidement opérationnels, les enseignants de l’École
de Dakar se sont efforcés, d’année en année, de rendre l’enseignement concret, orienté le plus possible
vers la pratique courante, et adapté aux affections sévissant en Afrique de l’Ouest. Ainsi, il est
recommandé aux professeurs de multiplier des démonstrations et de rendre les leçons aussi actives que
possibles, c’est-à-dire « de faire des classes vivantes plutôt que des cours magistraux » pour obliger « les
élèves à la réflexion et non de faire de leur cerveau un simple appareil enregistreur » selon notre
interlocuteur Louis-Armand Héraut. C’est le cas de l’enseignement de l’anatomie par la dissection des
cadavres et les travaux pratiques de médecine opératoire. Le programme des études prévoit, par semaine,
une séance de travaux pratiques de bactériologie ou de parasitologie, comportant la technique des
prélèvements à faire pour les envois au laboratoire (sang, crachats, matières fécales, etc.).

Rappelons qu’un certain nombre de cours dans le programme des élèves de troisième année (hygiène,
médecine préventive, épidémiologie) ont spécialement pour but de préparer les futurs médecins à l’un
de leurs rôles les plus essentiels, celui de faire, ainsi qu’on le leur rappelle le plus souvent, de l’hygiène
et de la médecine sociale, capables d’étendre leur action à la collectivité entière 3.

En France, l’enseignement à l’École d’application des troupes coloniales de Marseille au Pharo se veut
polyvalent avec un programme précis, calqué sur une médecine de « brousse » en situation d’isolement
et de précarité, lors d’une première affectation. Il privilégie l’apprentissage de gestes techniques
élémentaires (chirurgie d’urgence, obstétrique, laboratoire voire mécanique et équitation), tout en
renseignant sur le contexte historique, ethnologique voire socioéconomique des postes 4.

À l’École médicale de Dakar, le service de garde et de réception des malades de l’hôpital d’instruction
est assuré par les deux élèves médecins classés premier et deuxième à la fin de la troisième année
d’études, qui, au cours de l’année scolaire, remplissent les fonctions d’interne. Les trois premiers de la
deuxième année sont nommés externes 5 et assurent, à tour de rôle, le service de garde de l’hôpital
d’instruction sous le contrôle du médecin résident6.

Au lendemain de la Conférence de Brazzaville, en plus des élèves d’AOF, régulièrement entrés à l’École
de médecine, viennent s’ajouter les étudiants et étudiantes d’Afrique centrale.

4 – L’ouverture de l’École de médecine aux élèves de l’Afrique équatoriale française

1
ANS, 1H102 (163), Protection de l’enfance en Afrique occidentale française, 1932, p. 2-3.
2
Claire FREDJ, « Encadrer la naissance dans l’Algérie coloniale. Personnels de santé et assistance à la mère et à
l’enfant indigènes (XIXe-début du XXe siècle) », Annales de démographie historique, n° 2, 2011, p. 181.
3
ANS, 1H98 (163), École africaine de médecine et pharmacie, de sa fondation en 1918 à l’année 1947, p. 51-52.
4
R. LAROCHE (médecin général des armées), « Centenaire du Pharo. École du Pharo 1905-2005 : Formation en
médecine tropicale », Med Trop, 2005, n° 65, p. 222.
5
ANS, 1H98 (163), Organisation générale de l’école, p. 6.
6
Ibid.

95
Les possessions françaises d’Afrique équatoriale ne comprennent, au début, que le Gabon et l’Oubangui,
administrés par un commissaire général. En 1908, quatre territoires sont créés : il s’agit du Gabon, du
Congo français, de l’Oubangui-Chari1 et du Tchad. Ce dernier est placé sous administration militaire.
Et en 1910, un décret organise le gouvernement général de la fédération. Les territoires sont divisés en
régions, elles-mêmes subdivisées en districts, avec comme chefs-lieux successifs Libreville au Gabon
puis Brazzaville au Congo français2. Le Cameroun a été rattaché dans les mêmes conditions que le Togo
à l’AEF après la Première Guerre mondiale 3. Quatre fois plus vaste que la France, ce territoire s’étire du
désert tchadien au Nord à la forêt tropicale gabonaise et congolaise au Sud 4.

La Conférence de Brazzaville définit pour but d’arriver au recrutement global de 2 500 médecins, pour
assurer le bon fonctionnement de l’assistance médicale sur l’ensemble des territoires de l’Afrique
française, lequel objectif ne sera jamais atteint. En effet, à sa fermeture en 1953, en 31 promotions,
l’École de médecine n’a formé que 581 médecins. En théorie, l’École de Dakar recrute dans les huit
territoires de l’AOF ainsi qu’au Togo, sous mandat de la Société des Nations (SDN). Le projet de l’École
médicale interfédérale de l’Ouest-africain français à Dakar est déjà prêt dès le mois de juin 1944. Ainsi,
à la rentrée de novembre, en dehors des élèves de l’AOF et du Togo, viennent s’ajouter ceux du Centre
d’aide de santé d’Ayos du Cameroun, établissement d’instruction médicale pour la formation des
générations d’infirmiers camerounais et africains venus des autres colonies françaises d’Afrique 5, qui
ferme ses portes le 1er novembre 1944. Liés par un même destin, les élèves en cours de formation sont
transférés à Dakar, siège du chef-lieu de l’AOF, direction de la santé publique, lieu d’application des
décisions sanitaires, situé à plus de 4 500 kilomètres d’Ayos. L’Afrique moderne se construit à Dakar !

Figure : Les colonies françaises d’Afrique subsaharienne

Avant son admission à Dakar, chaque élève doit être muni d’un certificat d’aptitude physique établi par
deux médecins, de l’acte de naissance ou du jugement supplétif en tenant lieu, d’une déclaration
d’engagement à servir pendant dix ans dans le cadre des médecins signée par lui et par son père ou
tuteur, d’un extrait du casier judiciaire et d’un certificat de bonne vie et mœurs6. La cohorte d’élèves, au
nombre de 21, dont un décédé au Cameroun quelques jours avant le départ au Sénégal, est arrivée à
l’École de médecine en trois groupes échelonnés du 7 au 31 décembre 1944. Mais aucun renseignement
sur les années d’études accomplies n’est alors parvenu. En attendant, ils sont répartis provisoirement

1
Actuelle Centrafrique.
2
Sophie DULUCQ, Jean-François KLEIN & Benjamin STORA (dir.), Les mots de la Colonisation, Toulouse,
Presses universitaires du Mirail, 2008, p. 14.
3
Marcel PERLSTEIN, op. cit., p. 130-131.
4
Bernard PHAN, Colonisations et décolonisations françaises depuis 1850, Paris, Armand Colin, 1999, p. 40.
5
Guillaume LACHENAL, Le médecin qui voulut être roi. Sur les traces d’une utopie coloniale, Paris, Éditions du
Seuil, 2017, p. 36.
6
ANS, O16 (31), Lettre n° 697, du 1er octobre 1946, du directeur de l’École de médecine adressée au gouverneur
général de l’AE, S/C du médecin général inspecteur, directeur général de la santé publique en AOF.

96
dans les différents niveaux d’études, tout en tenant compte uniquement de leurs déclarations. C’est plus
tard que certains renseignements sont fournis par le Cameroun. Dans la foulée, ces étudiants passent, du
26 au 27 janvier 1945, les examens d’entrée à l’École de Dakar prévus à l’article 13 de l’arrêté du 14
août 1944, devant les responsables de direction de l’institution afin de s’assurer qu’ils possèdent une
pratique suffisante de la langue du colonisateur et les connaissances scientifiques médicales
indispensables pour suivre les cours avec profit. À la suite de ces évaluations, onze élèves de première
année sont admis en deuxième année et un seul est autorisé à redoubler sa première année. Trois élèves
de deuxième année sont admis en troisième année et cinq étudiants de troisième année sont admis en
quatrième1. Il est intéressant de souligner que ces résultats aux examens, dont les épreuves figurent au
programme de leur établissement d’origine, montrent qu’ils ont bien été entraînés à la clinique, mais
que leurs connaissances théoriques sont superficielles, le cycle des études étant de seulement trois ans.
D’ailleurs, la direction de l’École de Dakar n’a pas manqué de leur tresser des lauriers : « Ces élèves qui
se montrent appliqués pourraient suivre d’une façon générale les études de l’École africaine de
médecine2. »

À la suite de l’incorporation, deux d’entre eux sont toutefois reconnus physiquement inaptes à entrer à
l’École de Dakar, les conditions d’aptitude étant celles exigées par le service militaire. Il s’agit d’André
Gaston Issola, élève de la première année, et Joseph Bonny, élève de la troisième année. Ce dernier,
tuberculeux pulmonaire, a été l’objet au Cameroun d’un pneumothorax thérapeutique. Même s’il
présente un bon état général de santé général, il ne répond évidemment pas aux conditions d’aptitude
militaire exigées. Major de sa promotion et particulièrement brillant à l’examen d’entrée à l’École de
Dakar, il serait dommage qu’il interrompe ses études. Quant à André Gaston Issola, il est atteint de
néphrite chronique albuminurique et il ne peut être, lui non plus, admis dans l’institution. En
conséquence, ces deux écoliers devraient théoriquement être renvoyés dans leur pays d’origine en
application des règlements de l’établissement de Dakar, formels sur la nécessité d’une excellente
aptitude physique3.

Saisi d’une demande émanant de ces deux élèves, le gouverneur du Cameroun décide aussitôt de leur
accorder une bourse d’études au titre d’élèves libres externes et de les employer plus tard en qualité de
médecins contractuels4. Finalement, même s’ils ne figurent pas sur la décision n° 436 du gouverneur
général de l’AOF en date du 8 février 1945 nommant les élèves originaires du Cameroun à l’École de
médecine de Dakar, ils sont admis dans l’établissement comme élèves internes. Un an après, le conseil
de perfectionnement de l’école, chargé de l’élaboration des programmes d’études et de la distribution
de l’enseignement, dans sa séance du 17 mai 1946, souligne qu’« [I]ls ont accompli une année scolaire
1945 satisfaisante au point de vue des résultats intellectuels. Leur état de santé est en voie d’amélioration
sans qu’il permette cependant de les considérer actuellement comme physiquement aptes à entrer dans
le cadre des médecins africains 5 . » En 1947, André Gaston Issola figure sur la liste des médecins
diplômés du Sénégal, mais inapte. Et on perd la trace de Joseph Bonny.

Simultanément, l’École normale William-Ponty reçoit dans sa section préparatoire à l’École de


médecine des élèves provenant des Écoles primaires supérieures du Cameroun et de l’AEF6. Rappelons
que les conditions d’admission à l’École de Dakar sont définies par l’article 13 de l’arrêté ministériel du
14 août 1944, qui précise que les élèves à admettre, chaque année, doivent avoir satisfait à l’examen de
sortie des sections préparatoires de l’établissement. Parmi ces sections préparatoires aux études
médicales, figure l’École des cadres supérieurs de Brazzaville, d’où sortent les élèves de l’École normale

1
ANS, 1H98 (163), Lettre n° 1827 Colalg/SS, du 2 août 1944, du médecin général inspecteur Vaucel directeur du
Service de santé colonial à MM. les gouverneurs généraux de l’AOF et de l’AEF, du Cameroun et du Togo, p. 1.
2
ANS, O16 (31), Rapport du 2 février 1945 sur les élèves médecins provenant de l’École d’aide de santé d’Ayos.
3
Ibid.
4
ANS, O17 (31), Extrait du procès-verbal. Séance du 17 mai 1946 du conseil du perfectionnement de l’École
africaine de médecine et de pharmacie.
5
ANS, O17 (31), Extrait du procès-verbal. Séance du 17 mai 1946 du conseil du perfectionnement de l’École
africaine de médecine et de pharmacie.
6
ANS, 1H98 (163), Arrêté du 14 août 1944 portant organisation et réglant le fonctionnement l’EAMP de Dakar,
p. 14.

97
Édouard Renard. En effet, cet établissement forme des moniteurs d’enseignement, des expéditionnaires-
comptables, des aides de santé, des moniteurs d’agriculture, etc. Il comporte également des sections
professionnelles, ateliers du fer et du bois, ateliers de reliure1.

Lors du concours d’entrée de la session de 1945 à l’École de Dakar, la commission constate


l’insuffisance des notes obtenues par les élèves originaires d’AEF et du Cameroun. D’après l’arrêté
organisant le concours d’entrée à l’institution, aucune liste supplémentaire n’a pu être établie, étant
donné que le nombre des places mises au concours est supérieur au nombre des élèves remplissant les
conditions d’admission. Le président de la commission fait remarquer que parmi ces élèves, deux ont
des notes inférieures à 05 en mathématiques, physique, chimie et histoire naturelle ; deux autres ont des
notes inférieures à 05 en mathématiques et physique et deux autres en mathématiques seulement2. Sur
les quatorze candidats qui ont concouru, quatre sont admis à l’entrée à l’École de Dakar avec des notes
supérieures à la moyenne (190 points)3. Il s’agit de Joseph Bowen (209 points), de Simon Pierre Abolo
(208,5), de Barla Moukoko (197,25 points) et d’Ekoué Dayas (194,5 points), tous originaires du
Cameroun4, ancienne colonie allemande prospère qui avait gardé sous l’administration française un
système éducatif de qualité. Fait étonnant, tous les élèves originaires des quatre territoires de l’AEF
(Gabon, Moyen-Congo, Oubangui-Chari et Tchad) ont échoué à l’examen d’entrée à l’École de Dakar.
Ce qui fait dire à Hines Mabika Ognandzi qu’« ils n’eurent que rarement accès à l’École de médecine
de Dakar pour devenir médecins africains5. » L’AEF a longtemps été la parente pauvre de l’Empire
colonial. « L’autorité française n’était pas encline de former les populations locales, surtout pas
médecine et santé »6 . Un exemple parmi d’autres, en 1936, lorsque l’organisation d’une section de
médecine à l’École Édouard Renard destinée à former des médecins auxiliaires, des infirmiers,
infirmières et sage-femmes a lieu à Brazzaville, la formation fait long feu, notamment, concurrencée par
le Centre d’aide de santé d’Ayos du Cameroun, où l’on forme des infirmiers spécialistes de la lutte
contre la maladie du sommeil et les grandes endémies. Ognandzi prolonge cette interprétation en
résumant ainsi le retard de l’AEF par rapport à l’AOF : « Si, comme nombre de leurs confrères d’ailleurs
en Afrique noire sous domination française, les premières générations de médecins [aefiens] étaient des
infirmiers formés sur le tas par les médecins des troupes coloniales, puis par ceux des troupes d’outre-
mer, ils n’eurent que rarement accès à l’École de médecine de Dakar pour devenir médecins africains
[et] les ressortissants du Sénégal et ceux de l’AOF avaient des meilleures chances de formation 7. »

En 1946, la commission se désole de l’insuffisance des notes obtenues par les élèves originaires d’AEF.
Ces derniers sont placés, selon les instructions du département, directement en troisième année de la
section préparatoire aux études médicales de l’École de Sébikotane sans avoir suivi les programmes de
première et de deuxième année. Selon les membres de la commission, « [l]es lacunes considérables
qu’ils présentent sont imputables de toute évidence au fait que leur scolarité a été incomplète au
Congo8. » En 1947, il n’y a qu’un seul admis (Emmanuel Asset) ; l’année suivante, en 1948, ils sont
quatre à faire leur entrée à l’École 9. Cela pousse la direction de l’établissement à soutenir que « ces
colonies sont incapables de fournir à l’École de médecine un nombre important d’élèves candidats 10. »
En 1948, un centre d’examen est ouvert à l’École des cadres supérieurs de Brazzaville pour le concours
d’entrée à l’École médicale de Dakar. Les épreuves écrites de ce concours sont composées de

1
Marcel PERLSTEIN, op. cit., 131-132.
2
ANS, O163 (31), Concours d’entrée à l’École de médecine de Dakar et à l’École vétérinaire de Bamako, p. 1.
3
Les élèves suivants : Issaka Koné (8e), Abdourahmane Sow (25e), Soumano Gouro (29e), Gourot Sidibé (32e)
sont candidats volontaires à l’École vétérinaire de Bamako. Cf. ANS, O163 (31), Liste de tous les élèves par ordre
de mérite & les notes correspondantes.
4
ANS, O163 (31), Liste de tous les élèves par ordre de mérite & les notes correspondantes.
5
Hines Mabika OGNANDZI, op. cit., p. 248.
6
Id.., p. 249.
7
Hines Mabika OGNANDZI, op. cit., p. 249.
8
ANS, O16 (31), Concours d’entrée à l’École africaine de médecine et de pharmacie et à l’École vétérinaire,
session du 24 juin 1946, procès-verbal de l’examen.
9
Les archives restent muettes concernant les noms de ces élèves. ANS, O18 (31), Procès-verbal sur le concours
d’admission à l’École de médecine de Dakar, session 1948.
10
ANS, 1H98 (163), Organisation générale de l’école, p. 6.

98
composition française, d’études de texte, d’orthographe (dictée et questions), de mathématiques, de
sciences (physique, chimie et histoire naturelle) et les épreuves orales comprennent l’explication d’un
texte en français, des interrogations de mathématiques, de physique, de chimie et d’histoire naturelle.
Sur les douze candidats qui ont concouru à l’examen de sortie, seuls quatre (Bernard Galiba, Gaston
Moussa, Sylvestre Pita et Benoît Loembé) sont déclarés admissibles et ayant obtenu une moyenne égale
ou supérieure à 10 pour l’ensemble des épreuves1. Force est de souligner que la présence des élèves de
l’Afrique centrale renforce le caractère composite des promotions 2 , malgré leur petit nombre, qui
connaîtra une hausse au cours de l’année scolaire 1944-1945. Cette année-là, ils sont 15 à faire leur
entrée en troisième année de la section préparatoire aux études médicales de l’École normale William-
Ponty3.

Conclusion

En définitive, la Conférence de Brazzaville a été marquée par l’affirmation de grands principes et a


introduit des changements dans la politique coloniale française et dans les domaines de l’éducation et
de la santé en particulier. Elle aboutit à la mise sur pied à Dakar d’une École interfédérale africaine de
médecine et de pharmacie, qui remplace de fait l’École de médecine de l’AOF, créée en 1918. Les
années d’après-guerre apparaissent comme des années décisives, de brassage et de refonte partielle des
enseignements.

Le concours de sélection vise à recruter une élite médicale disposant de compétences « rares » à
l’époque. Les conditions requises pour l’admission deviennent plus rigoureuses et les caractéristiques
des élèves se diversifient (origines géographiques : AOF, AEF, Cameroun et Togo). Ce mode de
sélection est lié au fait que la formation médicale vise à produire des auxiliaires médicaux africains qui
pourront exercer dans les dispensaires ruraux, dans les formations hospitalières, dans les services
médicaux spécialisés (services d’hygiène ou de trypanosomiase). Les listes de promotions, qui précisent
le territoire dans lequel a été passé le concours, ne livrent que des données partielles et l’accès à
l’établissement demeure le droit d’une minorité de colonisés suffisamment instruits.

L’enseignement médical est basé sur l’admission d’un nombre limité d’élèves et sur un encadrement
d’un corps professoral, permettant d’éviter les échecs qui sont des pertes pour les autorités coloniales
pour ne pas augmenter le nombre de médecins européens et étrangers qui leur coûtent cher et dont le
recrutement est lui aussi limité. C’est aussi une façon de gérer au mieux la pénurie des moyens
budgétaires de la France qui sort du deuxième conflit mondial complétement épuisée par l’occupation
allemande à la suite de la défaite militaire de 1940. L’enseignement de base est celui des études primaires
et celui du brevet élémentaire avec un complément de connaissances générales. Il prépare les élèves à
la pratique de la pathologie médicale, c’est-à-dire celle qui concerne les maladies intéressant les
colonies, qu’on appelle sociales et particulièrement des régions tropicales. On reprend les programmes
antérieurs à la guerre mais pour les Africains cela ne correspond plus du tout à leurs nouvelles aspirations
médicales et politiques.

Les espérances des autorités sanitaires ne peuvent entièrement se réaliser. Les conditions nécessaires
pour assurer la solidité d’un enseignement médical ne sont pas réunies. Il manque surtout la scolarisation
de base suffisante des filles. C’est une formation hétéroclite. Si grande qu’ait été l’élasticité des
programmes, c’était une gageure de vouloir articuler la formation de personnel médical de ce niveau,
sur la base d’un enseignement primaire. On constate la généralisation précipitée du modèle métropolitain
et pour certains, l’erreur a été, à ce moment-là, de vouloir aller trop vite.

1
ANS, O18 (31), Procès-verbal du concours d’admission à l’École de médecine de Dakar, session 1948.
2
Pascale BARTHÉLÉMY, op. cit., 2010, p. 101.
3
ANS, O16 (31), Concours d’entrée à l’École africaine de médecine et de pharmacie et à l’École vétérinaire,
session du 24 juin 1946, procès-verbal de l’examen.

99
Sources et Bibliographie

I. Sources

1. Archives

Sous-série 1H : Affaires médicales

1) 1H57 (163), Nomenclature médicale (carte des établissements hospitaliers des territoires de l’AOF, 1944-
1950).
2) 1H98 (163), École africaine de médecine et de pharmacie : fonctionnement, professeurs, conseils de
perfectionnement et d’administration, (1944-1953) ; textes de base ; liquidation de l’école, concours
d’entrée, Bulletin médical de l’AOF (création et buts) ; remboursement des frais d’études ; programme
des cours ; prix scolaires ; fermeture de l’école ; archives. 1918-1953.
3) 1H102 (163), Protection maternelle et infantile, 1932-1954.

Sous-série 2H : Affaires sociales

4) ANS, 2H47 (26), Santé publique en AOF : budget de grands travaux, 1944-1946.

Série O : Enseignement de l’AOF 1895-1958

5) O14 (31), École de médecine de l’AOF dite Jules Carde (à partir de 1936) :
– Promotion des années scolaires 1933-1939
– Principes 1918-1934
– Statistiques et rapports d’années scolaires 1918-1939.

6) O15 (31), École de médecine Jules Carde : promotions entrantes et sortantes affectations : nominations,
affaires diverses 1939-1944.
7) O16 (31), École de médecine Jules Carde : promotions entrantes et sortantes affectations : nominations,
affaires diverses1945-1946.
8) O17 (31), École de médecine Jules Carde : promotions entrantes et sortantes affectations : nominations,
affaires diverses1947.
9) O18 (31), École de médecine Jules Carde : promotions entrantes et sortantes affectations : nominations,
affaires diverses1948-1949.
10) O163 (31), École africaine de médecine et de pharmacie :
– Principes (1918-1934) ;
– Concours d’entrée (1927-1947) ;
– Examen de sortie (1922-1944) ;
– Discipline (1922-1944) – (1918-1947).

2. Sources imprimées
a. Publications officielles

11) ANONYME, « L’École de médecine de Dakar », Presses médicales, n° 33, vol. d’annexes, Masson &
Cie, 1921, p. 587-588.
12) ANONYME, « Recommandations adoptées par la Conférence », La Conférence africaine française :
Brazzaville 30 janvier-8 février 1944, Paris, Ministère des Colonies, 1945, 133 pages.
13) CHIPPAUX Claude, « Le service de santé des troupes de marine », Médecine tropicale. Revue française
de pathologie et de santé publique tropicales, Le Pharo – Marseille, novembre-décembre 1980, vol. 40,
n° 6, p. 605-630.
14) NOGUE Madame (directrice de l’internat de sage-femmes), « Les sage-femmes auxiliaires de l’Afrique
occidentale française », Extrait du Bulletin du Comité d’études historiques et scientifiques de l’Afrique
occidentale française, 1923, Gorée, Imprimerie du gouvernement général, n° 2 avril-juin et n° 3 juillet-
septembre, 80 pages.
15) PERLSTEIN Marcel, « L’enseignement en Afrique équatoriale française », Africa: Journal of the
International African Institute, vol. 14, n° 3, (Jul., 1943), p. 130-135.
16) RINKENBACH M., « L’œuvre de l’Association des dames françaises de la Croix-Rouge en Afrique
occidentale française à Dakar », Bulletin de l’Association de dames françaises, 45e année, n° 5, septembre
1935, Paris, p. 143-151.

100
17) SASPORTAS Dr, « L’organisation du Service de santé en Afrique noire française d’après les
recommandations de la Conférence de Brazzaville (Janvier 1944) », La Presse médicale. Articles
originaux, Masson et Cie, n° 5, février 1945, p. 66.
18) VALLERY-RADOT Pasteur, « L’École de médecine de Dakar », Revue des Deux-mondes, « Le
splendide effort de l’Afrique occidentale française », publié dans Le progrès médical, n° 7, Paris, 15
février 1936, p. 291-292.

b. Textes législatifs et réglementaires relatifs à l’histoire de l’éducation et de la santé

19) Journal officiel du Sénégal (JOS) : JOS, 1939, Arrete n° 342 S.S.M. portant creation d’un service
autonome de la maladie du sommeil, p. 162-164.

II. Bibliographie

20) BARTHÉLÉMY Pascale, Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957), Rennes, Presses
Universitaires de Rennes, 2010, 344 pages.
21) BENOIST Joseph-Robert de, L'Afrique occidentale française de la Conférence de Brazzaville (1944) à
l'indépendance (1960), Dakar, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1982, 617 pages.
22) BOUCHE Denise, « Quatorze millions de Français dans la fédération de l’Afrique occidentale
française ? », RFHOM, 69, 1982, p. 97-113.
23) BOURGI Robert, Le général de Gaulle et l’Afrique noire 1940-1969, Paris, Dakar & Abidjan, Librairie
générale de droit et de jurisprudence & Nouvelles Éditions africaines, 1980, 515 pages.
24) DÉSALMAND Paul, Histoire de l’éducation en Côte d’Ivoire. Des origines à la Conférence de
Brazzaville, Abidjan, CEDA, 1983, 456 pages.
25) DOMERGUE-CLOAREC Danielle, Politique coloniale française et réalités coloniales : la santé en Côte
d’Ivoire, 1905-1958, Paris, Académie des sciences d’outre-mer et Toulouse, Université de Toulouse,
1986, 1319 pages.
26) FREDJ Claire, « Encadrer la naissance dans l’Algérie coloniale. Personnels de santé et assistance à la
mère et à l’enfant indigènes (XIXe-début du XXe siècle) », Annales de démographie historique, n° 2,
2011, p. 169-203.
27) ILIFFE John, East African Doctors: A History of the Modern Profession, Cambridge, Cambridge
University Press, 1998, 336 pages.
28) KANTÉ Mody, Politiques sanitaires dans la mise en valeur de la colonie du Sénégal (1939-1960),
Mémoire de maîtrise d’Histoire, Dakar, UCAD, 2011, 169 pages.
29) KANTÉ Mody, Former une élite médicale africaine à l’époque coloniale. L’École de médecine de Dakar
(1918 – années 1950), Thèse de doctorat unique d’Histoire, Toulouse, Université Toulouse 2-Jean Jaurès,
2021, 770 pages.
30) KODIA-MANCKESSI Dreid Miché, La politique sanitaire à Brazzaville de 1906 à 1960, Mémoire de
maîtrise d’Histoire, Brazzaville, Université Marien Ngouabi, 2011, 97 pages.
31) LACHENAL Guillaume, Le médecin qui voulut être roi. Sur les traces d’une utopie coloniale, Paris,
Éditions du Seuil, 2017, 353 pages.
32) LAROCHE R. (médecin général des armées), « Centenaire du Pharo. École du Pharo 1905-2005 :
Formation en médecine tropicale », Med Trop, 2005, n° 65, p. 219-224.
33) LEMESLE Raymond-Marin, La Conférence de Brazzaville de 1944 : contexte et repères. Cinquantenaire
des prémices de la décolonisation, Paris, CEAM, 1994, 132 pages.
34) MARTIN Jean, Lexique de la colonisation française, Paris, Dalloz, 1988, 395 pages.
35) MICHEL Marc, « Médecins et pharmaciens », dans Jean-Pierre RIOUX (dir.), Dictionnaire de la France
coloniale, Paris, Flammarion, 2007, p. 145-148.
36) PHAN Bernard, Colonisations et décolonisations françaises depuis 1850, Paris, Armand Colin, 1999, 196
pages.
37) SARRAUT Albert, La mise en valeur des colonies françaises, Paris, Payot, 1923, 675 pages.
38) THANH KHÔI Lê (dir.), L’enseignement en Afrique tropicale, Paris, Presses universitaires de France,
1971, 463 pages.
39) VIVIEN Alain, N’Djamena naguère Fort-Lamy. Histoire d’une capitale africaine, matrice de la
République du Tchad, Paris, Éditions Sépia, 2020, 219 pages.

Sources orales

40) Interlocuteur : Héraut Louis-Armand, (83 ans), rencontré à Versailles (France), médecin en chef

101
honoraire des troupes de marine à la retraite, le 4 décembre 2019.

102
VARIA

DETERMINANTS DES RECETTES FISCALES AU CONGO-BRAZZAVILLE :


UNE ANALYSE EMPIRIQUE A PARTIR DU MODELE ARDL

Ferdinand MOUSSAVOU

Enseignant- Chercheur
Université Marien Ngouabi, Faculté des Sciences Economiques
Brazzaville

République du Congo

fajmoussavou@gmail.com

Résumé

Cet article analyse les déterminants des recettes fiscales au Congo-Brazzaville à partir d’un modèle autorégressif
à retard échelonné (ARDL) et des données de la période 1990-2020. Les résultats de l’étude montrent qu’à court
terme, la corruption, l’éducation, l’industrie, le produit intérieur brut par habitant, la masse monétaire et
l’investissement direct étranger influencent les recettes fiscales. Par contre, l’agriculture, le chômage et l’inflation
apparaissent neutres. De tous ces facteurs, la corruption et l’inflation ne produisent aucun effet sur le long terme.
L’étude recommande la mise en œuvre des mécanismes de persuasion vis-à-vis des contribuables et
l’encouragement aux comportements responsables des agents de l’administration fiscale, qui limiteront la fraude
fiscale et la corruption. En plus de ces mesures, les pouvoirs publics doivent entreprendre le développement des
secteur industriel et agricole.

Mots-clés : recettes fiscales, corruption, Congo-Brazzaville.

Abstract

This article analyzes the determinants of tax revenues in Congo-Brazzaville based on an autoregressive scaled lag
(ARDL) model and data from the period 1990-2020. The results of the study show that in the short term, corruption,
education, industry, gross domestic product per capita, money supply and foreign direct investment influence tax
revenues. On the other hand, agriculture, unemployment and inflation appear neutral. Of all these factors,
corruption and inflation produce no long-term effect.
The study recommends the implementation of persuasion mechanisms towards taxpayers and the encouragement
of responsible behavior by tax administration agents, which will limit tax fraud and corruption. In addition to
these measures, public authorities must undertake the development of the industrial and agricultural sectors.

Key- words: tax revenues, corruption, Congo-Brazzaville.

Classification JEL : E51, H63, O55.

Introduction

Depuis les années 60, la problématique des déterminants des recettes fiscales est devenue une
préoccupation pour les pouvoirs publics (Caldeira et al. 2019), à cause de pouvoir interventionniste et
régulateur de plus en plus croissant qui lui incombe et qui constitue la base des politiques publiques.
Cette préoccupation nécessite un financement public dont les principales ressources proviennent des
recettes fiscales. C’est de cette manière que les Etats peuvent, par exemple, financer les Objectifs de
Développement Durable (ODD), notamment les programmes de réduction de la pauvreté et des

103
inégalités de revenu, la production des services publics de qualité dans l’éducation, la santé ainsi que les
infrastructures (FMI, 2018 ; Doghmi, 2020 ; Trinnou, 2021).

Sur cette thématique, de nombreux travaux se sont préoccupés de l’analyse des déterminants des recettes
fiscales (Gupta, 2007 ; Caldeira et al. 2019 ; Doghmi, 2020 ; Radouane Jaoui et Said Youssef, 2020 ;
Trinnou, 2021). Dans ce cadre, Gupta (2007) a mené des recherches sur 105 pays en développement sur
les données de la période 1980-2004. En utilisant les méthodes d’estimation (effets fixes, effets
aléatoires, coefficient de corrélation, corrélation spécifique au panel) et la spécification dynamique du
panel, il montre que le produit intérieur brut par habitant (PIB/h), l’ouverture commerciale et
l’agriculture y sont des principaux déterminants des recettes fiscales. Ces résultats révèlent aussi que
l’aide étrangère et la stabilité politique et économique accroissent les recettes fiscales. En revanche, la
dette extérieure et la corruption les réduisent. Les travaux du Fonds Monétaire International (FMI, 2018)
qui s’inscrivent dans le cadre de cette orientation de recherche ont exploré les déterminants du potentiel
fiscal. En se servant du modèle de frontière stochastique de Battese et Coelli (1992), ils confirment que
le produit intérieur brut réel par habitant, l’ouverture commerciale, la part de l’agriculture dans le produit
intérieur brut, les dépenses publiques d’éducation, la corruption et l’efficacité de l’Etat sont des
déterminants significatifs des recettes fiscales.

Dans la même dynamique, Caldeira et al. (2019) examinent les déterminants de l’effort fiscal dans 42
pays d’Afrique subsaharienne, sur la période 1980-2015. Les auteurs distinguent deux types de recettes
fiscales : les recettes provenant des ressources naturelles et celles qui proviennent des autres activités
économiques. L’analyse de cette question a nécessité l’emploi de l’approche des frontières
stochastiques. Les résultats obtenus aboutissent à la conclusion selon laquelle le développement
financier ainsi que l’ouverture aux échanges exercent un impact positif significatif sur les recettes
fiscales locales. Par contre, la rente des ressources naturelles et la taille du secteur agricole les impactent
négativement.

Pour sa part, Doghmi (2020) traite des déterminants de l’effort fiscal en implémentant un modèle de
frontière stochastique à partir de la spécification de Kumbhakar et al. (2014), sur un échantillon de 76
pays en développement sur la période 1980-2017. Ces résultats précisent que le produit intérieur brut
par habitant, les trois principaux secteurs (agriculture, industrie, services) et l’ouverture commerciale
sont des déterminants du potentiel fiscal.

Dans une étude publiée en 2020, Radouane Jaoui et Said Youssef s’interrogent sur cette problématique
au Maroc. Les résultats obtenus montrent qu’à court et long terme, le poids du secteur des services dans
l’ensemble de l’activité économique exerce un impact négatif sur le ratio des recettes fiscales, tandis
que le produit intérieur brut par habitant, le taux de la population urbaine et la masse monétaire influent
positivement sur les recettes fiscales. D’après ces auteurs, l’impact positif de la masse monétaire
s’expliquerait par la dématérialisation des transactions économiques qui améliore l’assiette fiscale.

S’appuyant sur le contexte des pays de l’UEMOA, Trinnou (2021) mène une étude sur les facteurs
explicatifs du potentiel fiscal et de l’effort fiscal. Pour ce faire, il utilise la méthode de frontière
stochastique et la procédure d’estimation en trois phases : l’identification des facteurs explicatifs du
potentiel fiscal, l’estimation de l’effort fiscal par rapport au degré de performance de l’administration
fiscale et l'estimation de l'effort fiscal par rapport à la contribution des décisions de politiques fiscales.
Les résultats de cette étude révèlent que le produit intérieur brut réel par tête, les parts des secteurs
secondaire et tertiaire, l’ouverture commerciale, l’indice du développement financier et l’inflation
influencent positivement les recettes fiscales. En revanche, le secteur primaire n’y a aucun effet.
S’agissant des variables liées à la qualité institutionnelle, la corruption a une influence négative sur
l'accroissement des recettes fiscales.

Au Congo-Brazzaville, les travaux du Programme National de Développement (PND) élaborés pour la


période 2022-2026, sur les déterminants des recettes fiscales, ont apporté des enseignements
significatifs. Par exemple, entre 2014 et 2020, les recettes fiscales, basées sur les recettes pétrolières,
ont été affectées par l’effondrement des cours du baril de pétrole survenu à la mi-2014. Elles sont passées

104
de 37,5% du PIB en 2014 à 12,3% du PIB en 2020. En revanche, les recettes non pétrolières ont
représenté 9,7% du PIB en 2014 et 9,4% en 2020. Ces agrégats macroéconomiques qui sont des
indicateurs financiers essentiels de la santé économique des Etats paraissent défavorables.

En République du Congo, les analyses empiriques portant sur cette problématique restent encore
limitées, alors qu’il est primordial de connaître les facteurs explicatifs des recettes fiscales afin d’orienter
de manière efficace les pouvoirs publics dans leur prise de décision. Dans cette perspective, cet article
cherche à répondre à la question suivante : quels sont les facteurs qui expliquent les recettes fiscales au
Congo-Brazzaville ?

L’objectif de cet article est d’étudier empiriquement les déterminants des recettes fiscales au Congo-
Brazzaville. Plus spécifiquement, il vise à identifier les facteurs qui les expliquent. Ainsi, nous nous
proposons, à partir d’un modèle autorégressif à retard échelonné (ARDL) sur la période 1990-2020,
d’analyser l’impact des facteurs institutionnels, démographiques, macroéconomiques et financiers sur
les recettes fiscales.

La suite de l’article est structurée de la manière suivante. La première partie est consacrée à la revue de
la littérature relative à l’analyse des déterminants des recettes fiscales. La deuxième partie présente les
données et la méthodologie. Enfin, la dernière partie présente les résultats obtenus ainsi que leurs
implications en matière de politique publique.

1. Revue de la littérature

Cet article analyse les déterminants des recettes fiscales au Congo-Brazzaville. En nous appuyant sur
les travaux de Chaudhry et al. (2010), nous avons utilisé le « ratio des recettes fiscales par rapport au
PIB » comme variable dépendante. Cette variable est regardée comme prioritaire dans la littérature
relative à cette thématique et dans les modèles des cycles budgétaires (Vergne, 2009 ; Drazen et Eslava,
2010). Cependant, les variables explicatives utilisées dans le cadre de cette étude sont issues des
principaux résultats de la littérature (Burgess et Stern, 1993 ; Zee ,1996 ; Milesi-Feretti et Roubini,
1998 ; Widmalm, 2001 ; Padovano et Galli, 2001 ; Keller, 2004 ; Griffith et al. 2004 ; Lee et Gordo,
2005 ; Bloom et al. 2007 ; Arulampalan et al. 2009 ; Yaya Keho, 2010 ; Moussavou, 2017). Ces
variables peuvent être regroupées en deux grandes catégories : les facteurs relatifs à la qualité des
institutions et démographiques et les facteurs macroéconomiques et financiers.

1.1. Facteurs relatifs à la qualité des institutions et à la démographie

Les facteurs des recettes fiscales relatifs à la qualité des institutions et à la démographie incluent les
variables telles que la corruption, le niveau d’éducation, l’industrie et l’agriculture.

1.1.1. Corruption

La corruption est l’utilisation abusive de la propriété de l’État par un fonctionnaire pour en tirer un gain
personnel (Alesina et Weder, 2002). Elle peut être initiée par un usager de service public ou par un
agent de l’Etat. En d’autres termes, la corruption est considérée comme l’abus d’un pouvoir public à
des fins personnelles. Dans ce contexte, elle freine le niveau d’investissement et les incitations à
l’investissement en jouant sur l’impôt. Dans les pays en développement, elle réduit les recettes de l'État,
comme l’illustrent les travaux de Richupan (1984), Alm et al. (1991), Bird (1992) et Krugman et al.
(1992), qui montrent que plus de 50% des recettes fiscales ne sont pas recouvrées à cause de la
corruption fiscale.

Dans ce cadre, la relation entre les recettes fiscales et la corruption a largement été étudiée dans la
littérature (Tanzi et Davoodi, 1997, 2000 ; Abed et Gupta, 2002 ; Teera, 2002 ; Fjeldstad et Tungodden,
2003 ; Thornton, 2008 ; Mahdavi, 2008 ; Nawaz, 2010 ; Salah et Abdellah, 2020). Ainsi, Tanzi et
Davoodi (1997), en traitant les effets de la corruption sur les recettes fiscales, attestent que les pays

105
caractérisés par un niveau élevé de corruption tendent à percevoir moins de recettes par rapport au PIB.
Dans leurs récents travaux sur l’impact de la corruption sur la structure des recettes fiscales, Tanzi et
Davoodi (2000) découvrent qu'une augmentation d’un point de la corruption réduit le ratio impôts
directs/PIB de plus que le ratio impôts indirects/PIB. Pour Abed et Gupta (2002), la corruption exerce
un impact négatif sur les recettes fiscales directes et indirectes.

En étudiant le cas de l’Ouganda, à l'aide de l’économétrie des séries chronologiques pour la période
1970-2000, Teera (2002) montre, qu’à court terme, la corruption entraine une augmentation du taux de
prélèvement fiscal, par le biais des pots-de-vin perçus par l’administrateur. En revanche, à long terme,
la corruption et l’évasion fiscale impactent négativement et significativement le niveau de la taxation.

L’analyse des effets de la corruption sur les recettes fiscales conduite par Fjeldstad et Tungodden (2003)
dans les pays en développement montre que dans le court terme, la politique d’incitation basée sur la
négociation des pots-de-vin a permis d’accroitre les recettes fiscales. Alors qu’à long terme, elle a abouti
à des résultats contraires.

Le prolongement de la recherche engagé sur le cas des 53 pays du Moyen-Orient et d'Afrique par
Thornton (2008) est soumis avec les informations supplémentaires sur les biens et services ainsi que sur
les transactions commerciales internationales. Les résultats de cette recherche indiquent que l'impact de
la corruption sur la perception des impôts est plus important dans le cas des taxes sur les biens et services
que dans les transactions commerciales internationales.

Sur la base de l'hypothèse selon laquelle la réduction de la corruption conjuguée à d'autres facteurs tel
que le renforcement de la légitimité du gouvernement en promouvant les libertés politiques, Mahdavi
(2008) explore la relation entre la corruption et la perception des impôts. Il trouve un effet positif de la
réduction du niveau de la corruption sur le commerce international et les recettes fiscales.

La problématique de la corruption et des recettes fiscales est également traitée par Nawaz (2010) et
Salah et Abdellah (2020). Ainsi, en examinant la relation entre les recettes fiscales, la corruption, la
taille de l’économie informelle et la croissance économique, Nawaz (2010) apporte des résultats très
instructifs, à savoir que la corruption réduit le ratio impôts/PIB, l'économie, les investissements et la
croissance économique. En revanche, elle accroit la taille de l'économie informelle.

Pour leur part, Salah et Abdellah (2020) s’intéressent au cas du Maroc pour étudier les effets de la
corruption et de la composition sectorielle sur la structure des recettes fiscales. La méthode des doubles
moindres carrés (DMC) utilisée sur les données de la période 1990-2019 montrent que la corruption
impacte négativement l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée. Mais
aussi, les recettes provenant du commerce extérieur, du secteur agricole et des services. Ces résultats
s’expliquent par les exonérations, les dérogations fiscales et le poids de l’économie souterraine.

1.1.2. Education

Pour la théorie économique, une société qui dispose d’un niveau d'éducation élevé connaît l'importance
du paiement des impôts pour la fourniture des biens publics. Dans la même dynamique, Mudiyanselage
et al. (2020), en évaluant l’effort fiscal dans le contexte du Sri Lanka, sont parvenus aux mêmes
conclusions sur l’importance du rôle de l’éducation dans l’explication des facteurs déterminants des
recettes fiscales. Pour ces auteurs, le niveau d’éducation influe positivement et significativement sur les
recettes fiscales.

1.1.3. Industrie

Les activités industrielles consistent à concevoir les produits, transférer la production tout en conservant
la propriété intellectuelle et à organiser la chaîne de valeur. Mieux encore, elles consistent à contrôler
les marques ainsi que l’accès aux consommateurs et à s’approprier les retours sur investissement

106
(Fontagné et al. 2014). D’après la théorie économique, une augmentation de la croissance du secteur
industriel entraine celle des recettes fiscales grâce aux impôts sur la consommation et les sociétés.

1.1.4. Agriculture

Dans les pays peu développés, l’agriculture contribue à la croissance économique. Ainsi, les travaux
empiriques traitant de la relation entre les recettes fiscales et l’agriculture restent classés en deux
catégories. Pour les tenants de la première, notamment Shin (1969), Leuthold (1991), Tanzi (1992),
Stotsky et Wolde Mariam (1997), Piancastelli (2001) et Caldeira et al. (2019), l’agriculture,
l’exploitation minière ainsi que la dette extérieure sont des déterminants de la performance fiscale d’un
pays, puisque la part de l’agriculture réduit les recettes fiscales. En revanche, pour la deuxième,
l’agriculture, l’exploitation minière et la dette extérieure améliorent le niveau des recettes fiscales
(Chelliah et al. 1975 ; Tait et al. 1979 ; Tanzi, 1992).

1.2. Facteurs macroéconomiques et financiers

Les facteurs macroéconomiques et financiers introduisent les variables relatives aux politiques
économiques telles que le produit intérieur brut par habitant, la masse monétaire, le chômage, l’inflation
et les investissements directs étrangers.

1.2.1. PIB par habitant

La richesse d’un pays dépend de son niveau de développement économique évalué à partir de son PIB
réel par habitant. A ce titre, le PIB est considéré comme un indicateur de base de la performance
économique (Caldeira et al. 2019). Selon Pessino et Fenochietto (2010) et Crivelli et Gupta (2014), les
pays à revenus élevés collectent plus de taxes que les pays en développement, car ils bénéficient d’une
meilleure organisation de l’administration fiscale et des institutions efficaces.

Dans cette optique, Padovano et Galli (2001), par exemple, ont étudié l’incidence des recettes fiscales
totales sur le PIB sur un échantillon de 23 pays de l’OCDE sur la période 1951-1990. Leurs résultats
ont révélé une relation négative et significative entre les recettes fiscales et le taux de croissance du PIB,
avec un niveau donné de la croissance démographique, du capital physique et du capital humain. Les
travaux de Alm et Martinez-Vazquez (2003) s’intéressent aux effets du revenu par tête d’habitant sur
les recettes fiscales. Les résultats obtenus par ces travaux indiquent que le revenu par tête d’habitant
impacte négativement les recettes fiscales. Ha Dao et Godbout (2014), en traitant les effets des recettes
fiscales, de l’imposition du revenu personnel, du revenu corporatif, de la masse salariale et de la
consommation sur la croissance du PIB par habitant dans les pays de l’OCDE, aboutissent aux résultats
selon lesquels la croissance économique impacte négativement et significativement le ratio des recettes
fiscales, de l’impôt sur le revenu et des recettes de la taxe à la consommation. Sur la base des données
du Maroc recueillies sur la période 1985-2016, Salah et Abdellah (2020) ont traité les incidences des
prélèvements fiscaux sur les variables macroéconomiques. Les auteurs ont fait recours au modèle de
cointégration d’Engle Granger. Ils ont observé, à long terme, l’existence d’une relation d’équilibre entre
la structure fiscale et la croissance économique.

1.2.2. Masse monétaire

Pour une nation, la masse monétaire représente la quantité de monnaie en circulation à un moment
donné. Elle inclut l’ensemble des moyens de paiement susceptibles d’être convertis à courte échéance
en liquidités au niveau d’un pays ou d’un groupe de pays partageant une monnaie. Du côté de la
littérature, Bahl (2003) et Ahsan et Wu (2005) étudient la relation entre les recettes fiscales et la masse
monétaire. Ils affirment que le ratio M2/PIB exerce une influence positive et significative sur la part
totale des impôts dans le PIB. Ainsi, une augmentation du degré de monétisation d’une économie
augmente les recettes fiscales parce qu’il devient plus facile de collecter les recettes fiscales. Par
conséquent, le ratio M2/PIB est censé avoir un effet positif sur les recettes fiscales.

107
1.2.3. Chômage

Le chômage est un problème majeur pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté. Son
évolution est fonction de celle de la demande agrégée à court terme, tandis qu’à long terme, le taux de
chômage converge vers un niveau d’équilibre qui s’établit en l’absence de chocs macroéconomiques
(Ayira Korem, 2019). Sur le marché du travail, un relèvement des taux d’imposition du travail ne fait
qu’aggraver les distorsions du marché, provoquant ainsi une hausse du niveau de chômage suivie d’une
diminution des recettes fiscales. Si l’aggravation des coins fiscaux alourdit le chômage, la base
d’imposition s’érodera davantage et les dépenses au titre de l’indemnisation du chômage et des autres
programmes sociaux pourraient s’accroître. Une relation négative est prévue entre le chômage et les
recettes fiscales.

1.2.4. Inflation

L’inflation correspond à la hausse généralisée des prix des biens et services au cours d’une période
donnée. Autrement dit, à la hausse du coût de la vie et, donc, à la baisse du pouvoir d’achat. Sur le plan
empirique, les résultats restent controversés. Certains montrent que l’inflation baisse les rendements
fiscaux (Olivera,1967 ; Tanzi, 1977). Dans cette lignée, les travaux de Nyongolo Luwawa (2015), par
exemple, sur les effets de l’inflation sur les recettes fiscales en République Démocratique du Congo
(RDC) sur la période 2005-2014 confirment que l’inflation influe négativement et significativement les
recettes fiscales de 23%. D’autres résultats attestent également que l’inflation fait augmenter en même
temps les recettes fiscales, les dépenses et le PIB. Ce qui se traduit par une augmentation des prix, des
recettes fiscales et des dépenses publiques. Aussi, l’augmentation des salaires implique celle des
cotisations sociales perçues, tandis que la hausse des profits des entreprises conduit à des recettes
supplémentaires d’impôt sur le bénéfice des sociétés. Pour Trinnou (2021), un niveau bas d’inflation
traduit un environnement macroéconomique sain et attractif qui stimule les investissements. Dans ce
sens, l’augmentation des investissements implique celle des recettes fiscales.

1.2.5. Investissements directs étrangers

Selon Esso (2005), l’investissement direct étranger est l'opération effectuée par un investisseur non-
résident afin d’acquérir ou d’accroître un intérêt durable dans une entité résidente et de détenir une
influence dans sa gestion. L’investissement direct étranger précède l’investissement de portefeuille et
accélère le développement des marchés financiers locaux. Il met en relation une entreprise « investisseur
direct » et une entreprise investie, qu’il s'agisse d’une filiale ou d’une succursale. En d’autres termes, il
est considéré comme le capital investi par des entreprises étrangères dans des installations de production
ou autres biens corporels. Dans les pays en développement, les IDE représentent une source de
financement importante et constituent plus ou moins une alternative face à l’accumulation des déficits
budgétaires et aux faibles recettes fiscales générées par leurs économies.

Du point de vue de la littérature, de nombreux travaux analysent l’impact des IDE sur les recettes
fiscales (Bahl, 2003 ; Mainguy, 2004 ; Ahsan et Wu, 2005 ; Crespo et Fontoura, 2007). Ainsi, en
analysant cette problématique, ces auteurs ont abouti à des effets positifs entre les investissements
directs étrangers, les transferts de technologies, la création d’emplois, la productivité des entreprises
locales et les recettes fiscales. Les travaux de Bornhorst et al. (2009), Crivelli et Gupta (2014), Belinga
et al. (2017) et Caldeira et al. (2019) qui s’intéressent à la relation entre les recettes fiscales et les IDE
ont indiqué que les IDE exercent une faible influence sur les recettes fiscales, du fait que les revenus
liés à la rente perçue sur ces ressources évinceraient les recettes fiscales.

2. Données et méthodologie

Cette partie porte sur deux moments. Elle présente dans un premier temps, les données de l’étude et
dans un deuxième, le modèle empirique et la procédure d'estimation.

108
2.1. Données

Les variables utilisées dans cette étude sont sélectionnées en fonction de la disponibilité des données et
de la théorie économique. Pour cela, nous utilisons les données annuelles pour le Congo- Brazzaville.

La part des recettes fiscales dans le produit intérieur brut par habitant est utilisée comme indicateur de
la variable dépendante (REF). Les variables explicatives correspondent aux principaux déterminants
des recettes fiscales. Parmi ces variables, nous retrouvons la corruption (COR) qui correspond au
contrôle de la corruption. Elle prend les valeurs de 1 à 9. Les variables, l’éducation (EDU), l’industrie
(IND), l’agriculture (AGR), la masse monétaire (MAM) et l’investissement direct étranger (IDE) sont
exprimées en % du PIB. Quant au produit intérieur brut (PIB/H), il est exprimé en devise locale
constante. Les variables, notamment le chômage (TCH) et l’inflation (TIF), sont exprimées
respectivement en % de la population et en % annuel.

À l’exception des recettes fiscales qui sont issues de la base des données de l’OCDE et de la corruption
qui est tirée de l’indice de Transparency International (IPC), toutes les autres variables ont été extraites
de la base de données sur les indicateurs de développement de la Banque mondiale1. Le tableau n°1
décline les statistiques descriptives et le tableau n°2, la matrice de corrélation des variables.

Tableau n° 1: statistiques descriptives


RCF COR EDU IND AGR PIB_H MAM TCH TIF IDE

Mean 22.7917 2.5404 47.0522 53.2233 7.3023 949410.8 19.3462 20.1811 6.6226 8.2173

Median 8.2238 2.0000 47.5290 56.8636 6.2752 933464.9 18.5040 20.0310 4.1426 6.5945

Maximum 257.7000 4.0000 52.5930 72.1526 12.8608 1110755. 31.7075 22.8430 42.4396 22.5170

Minimum 5.2950 1.6700 38.3150 22.0578 3.7987 706758.6 11.5470 19.5900 -18.9177 -8.703070

Std. Dev. 54.5618 0.7354 4.1637 12.2057 2.7468 92983.93 5.7443 0.5549 13.4559 9.2703

Skewness 3.6829 0.8543 -0.2706 -0.6326 0.4865 -0.4897 1.3528 0.0481 1.3528 0.0481

Kurtosis 14.9657 2.4274 2.1094 2.5834 1.8872 3.2411 4.7781 1.6873 4.7781 1.6873

Jarque-Bera 255.0208 4.1948 1.4027 2.2919 2.8227 1.3141 13.5394 2.2377 13.5394 2.2377

Probability 0.0000 0.1227 0.4959 0.3179 0.2438 0.5183 0.0011 0.3266 0.0011 0.3266

Sum 706.5446 78.7530 1458.619 1649.924 226.3717 2943173 205.3022 254.7370 205.3022 254.7370

Sum Sq. Dev. 89309.72 16.2281 520.1037 4469.393 226.3609 2.59E+11 5431.848 2578.162 5431.848 2578.162

Observations 31 31 31 31 31 31 31 31 31 31

Source : auteur

Il ressort des résultats portés dans le tableau n°1 qu’au Congo les recettes fiscales les plus élevées, sur
la période étudiée, ont été de 257.700.000.000 milliards de FCFA, alors que les plus basses ont été
évaluées à 5.295.000.000 milliards de FCFA.

La corruption (0.7354) et le chômage (0.5549) présentent les écart-types (Std. Dev.) les plus faibles,
comparativement à ceux des autres variables. Toutefois, en dehors de la corruption et du chômage, les

1
https://data.worldbank.org/indicator.

109
autres variables présentent des écarts à la moyenne raisonnable. Cela signifie que la plupart des séries
retenues dans cette recherche sont étroitement distribuées autour de leur moyenne centrale, les recettes
fiscales étant la série la plus dispersée.

De plus, la probabilité associée à la valeur de Jarque-Bera est supérieure au seuil de 5%, pour toutes les
séries, sauf pour les recettes fiscales, la masse monétaire et l’inflation dont les valeurs semblent plus
volatiles par rapport à celles des autres variables.

L’ensemble de ces résultats plaide en faveur de la loi normale à laquelle seraient soumises les différentes
séries.
Tableau n° 2 : résultats de la matrice de corrélation
RCF COR EDU IND AGR PIB_H MAM TCH TIF IDE

0.0122 -0.3378 0.4964 0.2739 0.0883 -0.1815 -0.1031 -0.2080


RCF 1 0.1737 7

-0.1301 -0.0322 0.3361 -0.0547 -0.3133 -0.0243 -0.7406


COR 0.1737 1 -0.5221

EDU 0.0122 -0.1301 1 -0.4606 0.3662 -0.1419 0.6705 0.5387 0.2613 0.2387

-0.4606 1 -0.7736 0.2458 -0.5367 -0.0200 -0.2439


IND -0.3378 -0.0322 -0.3534

AGR 0.4964 0.3361 0.3662 -0.7736 1 -0.2345 0.0246 0.2422 -0.0164 -0.1214

PIB_H 0.2739 -0.0547 -0.1419 0.2458 -0.2345 1 0.2150 -0.5277 0.0149 -0.2888

MAM 0.0883 -0.5221 0.6705 -0.3534 0.0246 0.2150 1 0.4548 0.1157 0.5308

TCH -0.1815 -0.3133 0.5387 -0.5367 0.2422 -0.5277 0.4548 1 -0.1655 0.5182

TIF -0.1031 -0.0243 0.2613 -0.0200 -0.0164 0.0149 0.1157 -0.1655 1 0.0881

IDE -0.2080 -0.7406 0.2387 -0.2439 -0.1214 -0.2888 0.5308 0.51821 0.0881 1

Source : auteur, à partir de Eviews 9.

La matrice de corrélation ci-dessus indique huit (08) liens de corrélation entre les variables du
modèle, à savoir : cinq (05) liens de corrélation négative (corruption et masse monétaire, corruption
et investissement direct étranger, produit intérieur brut par habitant et chômage, industrie et
agriculture, industrie et chômage) et trois (03) liens de causalité positifs (éducation et masse
monétaire, éducation et chômage, chômage et investissement direct étranger). Leur degré
d’association dépasse 50%. Ce résultat nous permet alors de confirmer l’existence d’une probable
multi-corrélation entre certaines variables étudiées.

2.2. Modèle empirique et procédure d'estimation

2.2.1. Modèle empirique

Conformément à la littérature récente (Radouane Jaoui et Said Youssef, 2020) sur les déterminants des
recettes fiscales au Maroc, nous développons dans cette étude un modèle empirique. Ce modèle prend
la forme suivante :

𝑅𝐶𝐹 = 𝑓 (𝐶𝑂𝑅, 𝐸𝐷𝑈, 𝐼𝑁𝐷, 𝐴𝐺𝑅, 𝑃𝐼𝐵/𝐻, 𝑀𝐴𝑀, 𝑇𝐶𝐻, 𝑇𝐼𝐹, 𝐼𝐷𝐸) (1)

110
Où RCF représente les recettes fiscales et est fonction de neuf variables, dont la corruption (COR),
l’éducation (EDU), l’industrie (IND), l’agriculture (AGR), le produit intérieur brut par habitant
(PIB/H), la masse monétaire (MAM), le taux de chômage (TCH), le taux d’inflation (TIF) et
l’investissement direct étranger (IDE).

L’équation (1) peut être réécrite sous la forme logarithmique avec une spécification en série temporelle
telle que :
LogRCFit = α0 + α1 LogCOR it + α2 LogEDUit + α3 LogINDit + α4 LogAGR it +
α5 LogPIB/Hit + α6 LogMAMit + α7 LogTCHit + α8 LogTIFit + α9 LogIDEit + εit (2)

Où l'indice i (i = 1, N) indique le pays i de notre échantillon ; N, représente le nombre de variables


explicatives (N= 9) ; T (t = 1, T) indique la période. Notre étude compte un seul pays, le Congo-
Brazzaville et 31 années. Nous pouvons ainsi constater qu’il y a plus d'années (T) que de pays (N).

2.2.2. Procédure d'estimation

Les données utilisées dans le modèle ont fait l’objet de deux tests de conformité [test de stationnarité de
Dickey-Fuller augmenté (ADF) - Phillips-Perron (PP) ; test de cointégration de Pesaran et Shin, 2001]
et d’un test de causalité (test de Toda et Yamamoto). Le choix de ces tests tient à la nature des données.
Les résultats sont présentés dans les tableaux n°3, 4 et 5 qui suivent.

Tableau n° 3 : résultats du test de stationnarité ADF-PP


Variables Hypothèse du Degré de Probabilité Statistique Valeur Stationnarité Ordre
test test calculée critique à 5% d’intégration
Oui/non
RCF ADF Niveau 0.0000 -8.077348 -1.952473 Oui I(0)
ADF Diff. 1ere 0.0003 -3.991472 -1.952910 Oui
PP Niveau 0.0000 -12.27842 -1.952473 Oui
PP Diff. 1ere 0.0002 -4.042630 -1.952910 Oui
COR ADF Niveau 0.3342 -0.862135 -1.952473 Non I(1)
ADF Diff. 1ere 0.0004 -3.816955 -1.952910 Oui
PP Niveau 0.3431 -0.841252 -1.952473 Non
PP Diff. 1ere 0.0004 -3.839684 -1.952910 Oui
EDU I(1)
ADF Niveau 0.7634 0.290509 -1.952473 Non
ADF Diff. 0.0000 -4.990116 -1.952910 Oui
1ere
PP Niveau 0.7828 0.361707 -1.952473 Non
PP Diff. 1ere 0.0000 -4.986106 -1.952910 Oui I(1)
IND ADF Niveau 0.4325 -0.637795 -1.952473 Non
ADF Diff. 1ere 0.0000 -4.624985 -1.952910 Oui
PP Niveau 0.4387 -0.623726 -1.952473 Non
PP Diff. 1ere 0.0001 -4.498693 -1.952910 Oui I(1)
AGR ADF Niveau 0.3536 -0.816921 -1.952473 Non
ADF Diff. 1ere 0.0000 -5.029592 -1.952910 Oui
PP Niveau 0.3521 -0.820459 -1.952473 Non
PIB/H ADF Niveau 0.1822 -1.273788 -1.952473 Non I1)
ADF Diff. 1ere 0.0001 -4.2057 -1.952910
PP Niveau 0.2207 -1.154336 -1.952473 Non

111
PP Diff. 1ere 0.0001 -4.232089 -1.952910 Oui
MAM ADF Niveau 0.6277 -0.138335 -1.952473 Non I(1)
ADF Diff. 1ere 0.0000 -4.974204 -1.952910 Oui
PP Niveau 0.6277 -0.138335 -1.952473 Non
PP Diff. 1ere 0.0000 -4.975531 -1.952910 Oui
TCH ADF Niveau 0.9611 1.461668 -1.952473 Non I(1)
ADF Diff. 1ere 0.0161 -1.965442 -1.952910 Oui
PP Niveau 0.9611 1.461668 -1.952473 Non
PP Diff. 1ere 0.0042 -1.965442 -1.952910 Oui
TIF ADF Niveau 0.0007 -3.649230 -1.952473 Oui I(0)
ADF Diff. 1ere 0.0000 -7.939965 -1.952910 Oui
PP Niveau 0.0007 -3.646691 -1.952473 Oui
PP Diff. 1ere 0.0000 -8.434318 -1.952910 Oui
IDE ADF Niveau 0.4470 -0.604669 -1.952473 Non I(1)
ADF Diff. 1ere 0.0000 -5.960864 -1.952910 Oui
PP Niveau 0.4997 -0.478984 -1.952473 Non
PP Diff. 1ere 0.0000 -5.960864 -1.952910 Oui
Source : auteur, à partir de Eviews 9.

Il ressort des résultats portés dans le tableau n°3 que les recettes fiscales (RCF) et l’inflation (TIF) sont
stationnaires en niveau I (0), au seuil statistique de 5%. Les autres séries sont stationnaires en différence
première I(1). Ces résultats permettent de conclure que toutes les séries retenues ne sont pas intégrées
de même ordre, confirmant ainsi l’existence d’une relation de long terme et donc l’utilisation d’un
modèle ARDL.

Tableau n° 4 : résultats du test de cointégration aux bornes ou test de cointégration de Pesaran et


Shin (2001)
Test Statistic Value k
F-statistic 15.96464 9
Critical Value Bounds
Significance I0 Bound I1 Bound
10% 1.8 2.8
5% 2.04 2.08
2.5% 2.24 3.35
1% 2.5 3.68
Source : auteur, à partir de Eviews 9.

Les résultats de test de cointégration de Pesaran et Shin (2001) qui apparaissent dans le tableau n° 4
valident l’existence d’une relation de cointégration entre les variables du modèle. En effet, la valeur de
la statistique de Fisher (F-Stat = 15.96464) est supérieure à celle de la borne supérieure et inférieure aux
seuils de 1% ; 2,5% ; 5% et 10%.

Tableau n° 5 : résultats du test de causalité de Toda-Yamamoto


Variables RCF COR EDU IND AGR PIB/H MAM TCH TIF IDE
causales
RCF 6,20** 4,57 4,46 1,44 1,65 1,04 1.69 5.14* 12.15***

COR 6,86** 2,84 0,88 4,09 8,81** 2,41 0.04 0.56 1.93
EDU 3,59 8,93** 2,42 3,27 8,34** 2,08 0.53 0.62 0.64

112
IND 5,80* 11,32** 15,26** 0,68 6,53** 3,05 0.47 0.20 10.67***
* *
AGR 18,59** 12,28** 14,23** 55,96** 0,91 0,47 0.99 0.77 5.63*
* * * *
PIB/H 11,80** 2,77 7,26** 0,130 4,223 7,97** 4.11 5.61** 0.36
*
MAM 9,76** 9,74*** 0,27 1,90 5,62* 2,09 1.96 1.98 4.13
TCH 13,64** 13,69** 6,02* 0,08 1,77 1,27 4,14 7.24** 2.04
* *
TIF 12,63** 3,45 7,70** 1,31 1,83 0,81 0,84 2.92 4.04
*
IDE 1,57 3,09 3,40 11,60** 2,763 8,59** 0,87 0.47 1.89
*
Note : * : significatif au seuil de 10% (peu significatif) ; ** : significatif au seuil de 5% (moyennement
significatif) ; *** significatif au seuil de 1% (très significatif).
Source : auteur, à partir de Eviews 9.

Comme nous le constatons, les résultats du test de causalité de Toda-Yamamoto (tableau 5) montrent
l’existence de plusieurs relations de causalité (unidirectionnelle et bidirectionnelle) entre les recettes
fiscales et ses déterminants.

3. Résultats du modèle et interprétation

Cette recherche présente d’abord les résultats du modèle et ensuite leurs interprétations.

3.1. Résultats du modèle

Les résultats obtenus sont présentés en distinguant les effets de court terme (tableau n°6) et les effets de
long terme (tableau n°7), suivis des résultats du test diagnostic du modèle (tableau n°8).

Tableau n° 6 : résultats de court terme


Cointegrating Form
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
D(COR) -19.159092 6.315863 -3.033488*** 0.0096
D(EDU) 2.767900 1.054125 2.625779** 0.0210
D(IND) 2.717696 0.364449 7.456993*** 0.0000
D(AGR) 2.704596 1.562339 1.731120 0.1071
D(PIB_H) -0.000100 0.000041 -2.426869** 0.0305
D(MAM) 2.461122 0.946807 2.599391** 0.0220
D(TCH) -0.664789 5.978167 -0.111203 0.9132
D(TIF) 0.009273 0.114673 0.080867 0.9368
D(IDE) 1.232866 0.413249 2.983350** 0.0106
CointEq (-1) -0.834354 0.047216 -17.670858*** 0.0000
Note : * : significatif au seuil de 10% (peu significatif) ; ** : significatif au seuil de 5% (moyennement
significatif) ; *** significatif au seuil de 1% (très significatif).
Source : auteur, à partir de Eviews 9.

113
Tableau n° 7 : résultats de long terme
Long Run Coefficients
Variable Coefficient Std. Error T-Statistic Prob.
COR -5.839368 7.693472 -0.759003 0.4614
EDU 3.729331 1.981088 1.882466* 0.0823
IND 4.866520 1.644429 2.959398** 0.0111
AGR 22.558739 6.466212 3.488710*** 0.0040
PIB_H -0.000314 0.000078 -4.004173*** 0.0015
MAM 10.870559 1.714019 6.342146*** 0.0000
TCH -264.440702 38.366547 -6.892481*** 0.0000
TIF 0.053305 0.294978 0.180707 0.8594
IDE 1.719696 0.782967 2.196385** 0.0468
C 4817.375299 813.089320 5.924780*** 0.0001
Note : * coefficients significatifs au seuil de 10% ; ** coefficients significatifs au seuil de 5% ; *** coefficients
significatifs au seuil de 1%
Source : auteur, à partir de Eviews 9.

Tableau n° 8 : résultats des tests diagnostics


Hypothèse du test Test Statistiques Probabilités

Autocorrélation Breush-Godfrey 2.034195


0.1771 > 5%
Héterocédasticité Breusch-Pagan Godfrey 2.013270 0.1044 > 5%

Normalité Jarque-Bera 1,599396 0,449465 > 5%


Source : auteur, à partir de Eviews 9.

3.2. Interprétation des résultats

Les résultats présentés dans le tableau n°6 montrent qu’à court terme, la corruption, l’éducation,
l’industrie, le produit intérieur par habitant, la masse monétaire et l’investissement direct étranger
affectent significativement les recettes fiscales. Le risque d’erreur maximum de 5% de non nullité de
l’effet marginal est associé aux variables : éducation, produit intérieur par habitant, masse monétaire et
investissement direct étranger. Pour toutes les autres variables, le risque d’erreur n’est que de 1%.

La traduction économique montre qu’une augmentation de 1% de l’indice de corruption, toutes choses


égales par ailleurs, réduit les recettes fiscales de 19,15%. De ce fait, ce résultat va dans le sens des
auteurs tels que Tanzi et Davoodi (2000), Abed et Gupta (2002), Teera (2002), Nawaz (2010) et Salah
et Abdellah (2020). Toutefois, il s’oppose à ceux des autres auteurs tels que Fjeldstad et Tungodden
(2003) et Mahdavi (2008). En conséquence, les pouvoirs publics congolais doivent renforcer les
politiques de lutte contre la corruption.

Pour ce qui est de l’éducation, les résultats montrent que, sa hausse de 1% fait augmenter les recettes
fiscales de 2,76%. Ce résultat rejoint ceux de Mudiyanselage et al. (2020). Dans le contexte du Congo,
il suggère la mise en place des politiques éducatives actives qualitativement et quantitativement de
manière à développer le civisme fiscal.

L’impact positif de l’industrie sur les recettes fiscales laisse entrevoir que cette dernière ferait augmenter
de 2,71% les recettes fiscales si son indicateur s’accroissait de 1%. Ce résultat est en phase avec la
théorie économique qui énonce une relation positive entre le développement industriel et les recettes

114
fiscales. Il serait nécessaire que les pouvoirs publics mettent en place des politiques industrielles
efficaces.

La signification économique du résultat associé au produit intérieur brut par habitant a un impact négatif
sur les recettes fiscales. Ce constat est conforme aux travaux de Padovano et Galli (2001), Alm et
Martinez-Vazquez (2003) et Ha Dao et Godbout (2011). Mais, il est paradoxal au vu de la théorie
économique qui souligne que les recettes fiscales progressent avec la croissance.

En ce qui concerne la masse monétaire, son effet est positif et significatif sur les recettes fiscales. Une
augmentation de 1% de la masse monétaire se traduit par une hausse des recettes fiscales de 2,46%. Ce
résultat a été aussi mis en évidence par Bahl (2003) et Ahsan et Wu (2005).

Enfin, l’investissement direct étranger exerce une influence positive et significative sur les recettes
fiscales. Une hausse de 1% des IDE entraîne une hausse des recettes fiscales de 1,23%. Ce résultat
concorde à ceux de Bahl (2003), Mainguy (2004), Ahsan et Wu (2005) et Crespo et Fontoura (2007).
Au sujet du Congo, il s’explique par l’amélioration du climat des affaires qui s’est traduite par une
augmentation de l’attractivité des IDE.

A court terme, l’analyse des résultats indique que l’agriculture, le chômage et l’inflation sont neutres à
l’égard des recettes fiscales.

Au terme de cette présentation des résultats de court terme, nous observons que la statistique
d’ajustement (-17,670858) indiquée dans le tableau n°6 est très significativement négative (1%
seulement de marge d’erreur). En conséquence, la stabilité des effets retardés des différentes variables
significatives, déjà validées préalablement par les tests de stationnarité ADF et PP, est confirmée.

S’agissant des effets de long terme (tableau n°7), l’éducation, l’industrie, l’agriculture, le produit
intérieur brut par habitant, la masse monétaire, le taux de chômage et l’investissement direct étranger
impactent les recettes fiscales. En effet, le produit intérieur brut par habitant et le chômage affectent
négativement les recettes fiscales. Une hausse de 1% de ces variables impliquent respectivement une
baisse des recettes fiscales de l’ordre de 0% et 264,44%. Les variables, notamment l’éducation,
l’industrie, la masse monétaire et l’investissement direct étranger impactent positivement les recettes
fiscales de 3.72%, 4.86%, 10.87% et 1.71%, respectivement.

Pour l’agriculture, cette variable affecte positivement les recettes fiscales. Une augmentation de 1% de
cette variable, toutes choses égales par ailleurs, implique une hausse des recettes fiscales de 22,55%. Ce
constat a été également obtenu par Chelliah et al. (1975), Tait et al. (1979) ainsi que Tanzi (1992). Mais,
il contredit les travaux de Shin (1969), Leuthold (1991), Tanzi (1992), Stotsky et WoldeMariam (1997),
Piancastelli (2001) et Caldeira et al. (2019). Dans le cadre du Congo-Brazzaville, ce résultat se justifie
par le fait que le secteur agricole est exonéré d’impôts.

A long terme, les résultats montrent que la corruption et l’inflation n’affectent pas les recettes fiscales.
L’insensibilité, à court et long terme, des recettes fiscales au choc de l’inflation peut s’expliquer par la
maîtrise de l’inflation, observée au sein de la zone franc.

Pour ce qui est des tests diagnostics (tableau n°8), les résultats indiquent que les tests d’autocorrélation
et d’hétéroscédasticité valident respectivement l’absence d’autocorrélation des erreurs et la constance
de leur variance. De même, le test de Jarque-Bera permet de valider la normalité des erreurs, puisque la
probabilité que la statistique associée ne soit pas nulle est supérieure à 5%. Les résultats de ces différents
tests conduisent à la validation globale du modèle.

115
Conclusion et implication en matière de politique publique

En somme, cette étude s’est proposée d’analyser les déterminants des recettes fiscales au Congo-
Brazzaville, en recourant au modèle ARDL appliqué aux données de la période 1990-2020, pour tester
les effets d’un certain nombre de variables supposer agir sur le montant des recettes fiscales.

Les principaux résultats obtenus indiquent, qu’à court terme, la corruption, l’éducation, l’industrie, le
produit intérieur brut par habitant, la masse monétaire et l’investissement direct étranger exercent un
effet sur les recettes fiscales. Par contre, l’agriculture, le chômage et l’inflation n’ont aucun impact. De
tous ces facteurs, la corruption et l’inflation n’ont pas d’effet sur le long terme.

En revanche, à court et long terme, l’éducation, l’industrie, le produit intérieur brut par habitant, la masse
monétaire et l’investissement direct étranger affectent les recettes fiscales. Le produit intérieur brut les
impacte négativement, alors que les variables « éducation, industrie, masse monétaire, investissement
direct étranger » les influencent positivement. Cela nous amène à proposer quelques implications en
matière de politique publique.

D’abord, la première mesure se rapporte à l’impact négatif de la corruption sur les recettes fiscales.
Nous savons que la corruption affecte les ménages pauvres, les recettes fiscales et sape la confiance
dans les institutions. Dans le cas du Congo, les pouvoirs publics doivent renforcer le système de collecte
des recettes fiscales.

Ensuite, la deuxième implication porte sur l’incidence positive de l’éducation sur les recettes fiscales.
Ce résultat sous-tend que les pouvoirs publics doivent renforcer la culture du civisme fiscal, notamment
en sensibilisant les contribuables sur les différents aspects de la fiscalité.

Toutefois, un résultat paraît incongru et nécessite des investigations supplémentaires et approfondies


dans les travaux futurs. Il s’agit de l’effet négatif du produit intérieur brut par habitant.

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118
STANDARDISATION VERSUS ADAPTATION
SUR LE MARCHE INTERNATIONAL DES SERVICES BANCAIRES :
LE CAS D’ORANGE BANK AFRIQUE

Miruna Ioana MANEA


Université Valahia de Târgoviște, Târgoviște

Roumanie

lauram_0200@yahoo.fr

Résumé :

L’article présente, d’une manière comparative, la stratégie de la compagnie Orange sur le marché des
services bancaires en Afrique et Europe. Dans ce but, nous avons mis en évidence certaines différences
en ce qui concerne les segments cible, la typologie des services offerts et la modalité de communication
avec les cibles, afin de déceler les facteurs qui expliquent la stratégie que la compagnie a choisie pour
s’adapter au marché.

Mots clés : Afrique, internationalisation, services bancaires, stratégie d’adaptation.

Abstract:

The paper presents a comparative analysis of how Orange has chosen to operate in the African and
European banking sectors. It highlights a number of differences in terms of target audience, services
offered, as well as communication strategy used in reaching its audience, in an attempt to identify the
factors that explain the market adaptation strategy chosen by the company.

Keywords: Africa, internationalization, banking services, adaptation strategy.

Classification JEL : G40, M16, M31.

1. Introduction

Dans le cadre du marketing international, la standardisation implique la proposition du même produit


dans le pays d’origine ainsi que dans d’autres pays, de même qu’une convergence des moyens de
communication. Les principaux avantages sont liés à la diminution des coûts et de la complexité des
processus et des activités. Toutefois, l’environnement de marketing est différent d’un pays à l’autre, et
le besoin de prendre en compte le consommateur pousse les compagnies à considérer également une
adaptation de leur stratégie.

L’adaptation est une stratégie qui se base sur la modification des produits afin de satisfaire des demandes
spécifiques, pourvu que ce changement puisse assurer des revenus qui dépassent le coût de mise en
place. Parmi les raisons qui favorisent l’adaptation, il y a les conditions d’utilisation du produit, le niveau
de qualification des clients, la culture locale, le revenu moyen, ainsi que des facteurs liés à
l’environnement législatif1.

1
Sasu C., „Marketing Internațional”, 2015, pp. 94-96,
https://www.academia.edu/19675521/curs_marketing_international, consulté le 26.11.2022.

119
2. La méthodologie de l’étude

Nous nous sommes proposé d’analyser la stratégie choisie par la compagnie Orange pour agir sur le
marché des services bancaires d’Afrique et notamment en Côte d`Ivoire, par rapport à l’Europe, en
adoptant une stratégie d’adaptation conformément aux différences entre les deux marchés.

Nous avons réalisé tout d’abord une brève analyse de l’environnement marketing du pays africain où la
compagnie Orange a initié ses services financiers. Nous avons souligné les particularités
démographiques, culturelles, économiques qui permettent la compréhension du contexte dans le cadre
duquel Orange a lancé son offre.

Ensuite, nous avons retenu les étapes clés de l’entrée de la compagnie Orange sur le marché des services
bancaires de l’Afrique et les facteurs qui ont favorisé le succès des services offerts. A présent, la
compagnie a un nombre considérable de clients en Côte d`Ivoire et des plans d’implantation dans
d’autres pays africains. Dans ce contexte, nous avons souligné comparativement les directions de
développement que la compagnie a choisi de suivre sur un autre continent, celui européen.

Dans la dernière partie de notre présentation, nous avons détaillé quelques différences évidentes entre
les services fournis sur le marché africain par rapport au marché européen, ainsi que dans la manière de
communication avec les clients et les cibles, en général.

La recherche est construite autour d’une étude de cas pour laquelle l’utilisation des informations
provenant des sources secondaires (articles de profil, rapports) a été combinée avec l’analyse de contenu
des matériaux informatifs utilisés par la compagnie dans sa relation avec les clients (page web de
présentation de la compagnie, pages de présentation des services, articles et publireportages en français,
espagnol et anglais).

3. Particularités du macro-environnement de marketing en Côte d’Ivoire qui influencent la


consommation des services bancaires

La Côte d’Ivoire est un pays de l’ouest de l’Afrique, dans la zone du Golfe de Guinée, avec un climat
tropical (au sud) et semi-désertique (au nord), et une surface totale de 322.463 km2. Le pays a comme
voisins le Libéria et la Guinée (à l’ouest), le Mali et le Burkina Faso (au nord), le Ghana (à l’est) et il a
deux capitales : Yamoussoukro (capitale officielle depuis 1983) et Abidjan (la capitale de facto).

En corroborant les informations obtenues concernant le facteur démographique, nous avons retenu les
caractéristiques suivantes1 2 3: la population de la Côte d’Ivoire était estimée, en 2022, à 27,832 millions
habitants, avec une densité de 86,3 habitants/km 2, dont 50,8% en milieu urbain et 49,2% en milieu rural
(en 2019). Parmi les principales villes du pays nous retenons, à part les capitales, les villes de Bouaké,
San Pedro, Gagnoa, Korhogo et Daloa.

Dans la deuxième partie du XXème siècle, la Côte d'Ivoire a eu une des plus grandes croissances
démographiques tant par rapport à l’Afrique subsaharienne, qu’au niveau mondial. Une augmentation
naturelle, ainsi qu’une vague significative d’immigrants, venus des pays du nord, sont les principaux
facteurs de cette croissance rapide. La natalité et la mortalité sont plus élevées en Côte d'Ivoire qu’au
niveau mondial. L’espoir de vie est moyen dans ce pays mais plus réduite que dans d’autres régions du

1
Lawler N. E., Mundt R. J. et al., „Côte d’Ivoire”, Britannica, https://www.britannica.com/place/Cote-dIvoire,
consulté le 5.11.2022.
2
Ministère des Affaires Etrangères de la Roumanie, „Republica CÔTE D'IVOIRE”,
http://www.mae.ro/node/1918#null, consulté le 5.11.2022.
3
France Diplomatie, „Présentation de la Côte d’Ivoire”, Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères,
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/cote-d-ivoire/presentation-de-la-cote-d-ivoire/#sommaire_2,
consulté le 28.06.2021.

120
monde. La population est relativement jeune, presque deux cinquièmes ayant moins de 15 ans.

Les immigrés représentent environ 10% de la population totale. Suite à la guerre civile de 2002 et au
conflit postélectoral de 2010, des milliers de personnes ont quitté le pays et d’autres centaines de milliers
ont migrés dans l’intérieur du pays.

Figure 1. Structure de la population par âge en Côte d'Ivoire (2020)1

Du point de vue culturel, en Côte d'Ivoire il y a plus de 60 groupes ethniques, chacun étant affilié à
d’autres groupes ethniques plus larges qui s’étendent au-delà des frontières du pays. Ces groupes étaient
autrefois indépendants les uns des autres, mais la migration interne et la prévalence des mariages mixtes
ont conduit à une réduction de cette hétérogénéité au fil du temps.

Le français est la langue officielle, tandis que Dioula est une langue considérée « commerciale ». La
République de Côte d'Ivoire n’a pas une religion officielle.

Figure 2. La structure ethnolinguistique de la Côte d'Ivoire (2014) 2

Selon l’Institut National de Statistique de Côte d'Ivoire, en 2014, 43% de la population était musulmane
(surtout au nord-ouest du pays et à Abidjan), 34% appartenaient à une religion chrétienne (les plus
nombreux étant les catholiques et les évangéliques), 4% de la population était animiste, alors que 19%
est athée.

1
Encyclopædia Britannica Inc., „Côte d'Ivoire: Age breakdown”, Britannica,
https://www.britannica.com/place/Cote-dIvoire/images-videos, consulté le 28.06.2023.
2
Idem.

121
Figure 3. Appartenance religieuse en Côte d'Ivoire (2014)1

La Côte d'Ivoire est une république présidentielle. Le pouvoir législatif est bicaméral (le Senat et
l’Assemblée Nationale). La création du Senat a été décidée par la Constitution adoptée en 2016, mais il
n’a pas été inauguré avant 2018.

La presse compte de nombreuses publications quotidiennes, hebdomadaires ou périodiques et la plupart


des publications d’Abidjan sont, par exemple, rédigées en français. Pour la radio, il y a plusieurs chaînes
qui ont des émissions en français ainsi que dans les langues locales. Il y a une télévision d’État et les
programmes TV internationaux sont disponibles par satellite.

Sur le plan économique, la Côte d'Ivoire est une puissance régionale qui détient des éléments importants
d’infrastructure : le deuxième port de l’Afrique sub-saharienne, un important réseau routier, mais aussi
plusieurs aéroports internationaux (à Abidjan, Yamoussoukro et Bouaké). Les aéroports régionaux
desservent des zones plus petites. La compagnie aérienne nationale, Air Côte d'Ivoire, dessert les
aéroports régionaux ainsi que certaines destinations internationales.

Dans le secteur agricole, la Côte d'Ivoire est le principal producteur mondial de cacao, représentant plus
de 40% du marché. De plus, c’est l’un des plus importants producteurs africains de caoutchouc, de noix
de cajou, de coton, de café, d’huile de palme, de bananes, d’ananas et de cola. Le secteur secondaire est
dominé par le raffinage du pétrole brut, la construction et la transformation alimentaire. Le secteur
tertiaire (représentant 47% du PIB) est fortement dominé par les services bancaires, les transports, la
distribution et les technologies de l’information et de la communication – dont le secteur de la téléphonie
mobile (qui compte cinq opérateurs).

Selon les normes régionales, le secteur des télécommunications de la Côte d'Ivoire est bien développé.
En plus des services fixes, plusieurs compagnies proposent des services mobiles, qui sont très
populaires. Des services Internet sont disponibles, mais l’accès est quelque peu limité en dehors des
zones urbaines.

La monnaie de la Côte d'Ivoire est le franc ouest-africain (Franc CFA - Communauté Financière
Africaine). Après l’indépendance, il a été rattaché au franc français. Depuis 2002, il est lié à l’euro. La
Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest est la banque émettrice de ses États membres, qui
comprennent le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo ainsi que la Côte d'Ivoire.

La politique financière ivoirienne est fondamentalement libérale, les investissements étant encouragés
par des exonérations fiscales et une protection juridique contre la nationalisation. Le gouvernement
ivoirien a satisfait les conditions imposées par les créanciers internationaux, mais reste confrontée à de

1
Encyclopædia Britannica Inc., „Côte d'Ivoire: Religious affiliation”, Britannica,
https://www.britannica.com/place/Cote-dIvoire/images-videos, consulté le 28.06.2023.

122
nombreux défis, notamment dans la gestion de ses finances publiques et la réduction de la répartition
inéquitable des revenus.

Il existe en Côte d'Ivoire de nombreuses banques, établissements de crédit, compagnies d’assurances et


agences immobilières, tant nationales qu’internationales. La plupart sont basés à Abidjan. En outre, la
ville abrite une Bourse Régionale des Valeurs Mobilières desservant les pays francophones d’Afrique
de l’Ouest.

4. Brève présentation d’Orange Bank Afrique

Le groupe Orange a décidé de se développer en Afrique et au Moyen-Orient il y a plus de 20 ans. Dès


2008, il décide d’élargir sa gamme de services en lançant Orange Money 1, un service de transfert et de
paiement qui permet des transactions financières immédiates et sécurisées. L’initiative est partie du
constat que la plupart des Africains n’ont pas accès aux contrats de travail et parfois même pas aux
pièces d’identité, ce qui les empêche d’utiliser les outils financiers-bancaires.2

Concrètement, Orange Money a permis à plus de 50 millions de personnes d’envoyer de l’argent à leur
famille, d’effectuer des versements quotidiens et de percevoir leur salaire en toute sécurité,
instantanément, directement sur leur téléphone mobile. Entre-temps, le groupe a élargi son offre de
services financiers en introduisant des prêts et des assurances accessibles via sa propre banque,
disponible en Côte d’Ivoire depuis juillet 2019.3

Figure 4. Un kiosque Orange Money à Abidjan (Côte d'Ivoire) 4

Orange Bank Afrique est une banque 100% digitale qui se veut disponible 24h/24, même dans les zones
reculées. A l’ouverture, Orange Bank Afrique était détenue à 75% par le groupe Orange, les 25% restant
étant détenus par la banque ivoirienne NSIA5, leader du marché en Afrique de l’Ouest. NSIA est une
banque traditionnelle, s’adressant principalement au secteur des entreprises, qui souhaitait profiter de la

1
Orange Bank, Notre présence sur le continent”, https://orangebank.ci/nous-connaitre, consulté le 28.11.2022.
2
Orange, „Financial inclusion: a step forward with Orange Bank Africa”, https://www.orange.com/en/group/our-
activities/mobile-financial-services/financial-inclusion-step-forward-orange-bank-africa#, consulté le
22.07.2020.
3
Orange, „Orange, a multi-service operator in Africa and the Middle East”, https://www.orange.com/en/africa-
and-middle-east#, consulté le 28.11.2022.
4
Bembaron E., „L'Afrique, terre de croissance et laboratoire grandeur nature pour Orange”, Le Figaro, 14.11.2018,
https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/11/14/32001-20181114ARTFIG00277-l-afrique-terre-de-
croissance-et-laboratoire-grandeur-nature-pour-orange.php, consulté le 28.11.2022.
5
Le Figaro et AFP, „Lancement de la banque mobile Orange Bank Africa en Côte d'Ivoire”, Le Figaro, 23.07.2020,
https://www.lefigaro.fr/flash-eco/lancement-de-la-banque-mobile-orange-bank-africa-en-cote-d-ivoire-
20200723, consulté le 28.11.2022.

123
digitalisation des services financiers pour mieux servir ses clients personnes physiques. 1 Pour le
moment, Orange Bank Afrique n’est disponible qu’en Côte d’Ivoire, mais prévoit de s’étendre à trois
autres pays d’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mali et Burkina Faso) d’ici 2025, en espérant atteindre 10
millions de clients. 2

Après deux ans sur le marché ivoirien, Orange Bank Afrique avait attiré prés de 800.000 clients et
facilité l’accès à plus de 80 milliards de francs CFA (128,3 millions de dollars) grâce aux pico-crédits
(c'est-à-dire des prêts de moins de 100 euros). Orange Bank Afrique s’appuie sur le succès des transferts
et des paiements mobiles, offrant des prêts et des outils d’épargne notamment a ceux qui ont déjà un
historique d’activité dans le portefeuille Orange Money, un service qui compte déjà 4 millions de clients
actifs en Côte d’Ivoire, 3 millions au Sénégal, 3 millions au Mali et encore 3 millions au Burkina Faso.
Autrement dit, Orange Bank Afrique a 13 millions de clients potentiels éligibles à ses produits. Dans
ses supports promotionnels, Orange Bank Afrique indique que tous les clients sont les bienvenus, qu’ils
aient déjà un historique bancaire ou non.3

Figure 5. Orange Bank Afrique, photo prise à Abidjan, Côte d’Ivoire, 18.09.2020 4

Le groupe Orange a également lancé une banque en Europe, déjà présente dans deux pays : la France
(depuis décembre 2017) et l’Espagne (depuis mars 2019). Elle opère sous une marque distincte de la
marque africaine, appelée simplement „Orange Bank”.5 En 2017, Orange s’est associé avec Groupama,
mais une vision stratégique différente les a conduits à se séparer à partir de 2021 6. Cependant, Groupama
restera un partenaire commercial important pour Orange Bank jusqu’en 2028. 7 Aussi, il est important
de noter qu’il n’y a pas de liaison financière entre Orange Bank et Orange Bank Afrique, bien que Paul

1
Orange, „Financial inclusion: a step forward with Orange Bank Africa”, 22.07.2020,
https://www.orange.com/en/group/our-activities/mobile-financial-services/financial-inclusion-step-forward-
orange-bank-africa#, consulté le 28.11.2022.
2
Mieu B., „Orange reaffirms its ambitions for Africa”, The Africa Report, 26.11.2022,
https://www.theafricareport.com/244055/orange-reaffirms-its-ambitions-for-africa/, consulté le 26.06.2023.
3
Orange Bank, „Notre présence sur le continent”, https://orangebank.ci/nous-connaitre, consulté le 28.11.2022.
4
Hien Macline (REUTERS), in Velluet Q., „Jean-Louis Menann-Kouamé: ‘Our success is based on that of Orange
Money’”, The Africa Report, 12.05.2022, https://www.theafricareport.com/202736/jean-louis-menann-kouame-
our-success-is-based-on-that-of-orange-money/, consulté le 28.11.2022.
5
Orange Bank, „C’est notre histoire”, https://www.orangebank.fr/histoire, consulté le 28.11.2022.
6
Chocron V., „Groupama sort de l’aventure Orange Bank”, Le Monde, 1.10.2021,
https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/01/groupama-sort-de-l-aventure-orange-
bank_6096769_3234.html, consulté le 28.11.2022.
7
AOF, „Orange rachète les parts de Groupama dans Orange Bank”, Le Figaro, 1.10.2021,
https://bourse.lefigaro.fr/actu-conseils/orange-rachete-les-parts-de-groupama-dans-orange-bank-20211001,
consulté le 28.11.2022.

124
de Leusse, PDG d’Orange Bank, soit également administrateur du conseil d’administration d’Orange
Bank Afrique.1

En avril 2022, Orange Bank avait lancé un projet confidentiel, connu du personnel sous le nom de code
« One Bank ». Outre la fusion des filiales française et espagnole d’Orange Bank, la simplification du
système informatique et la réduction des pertes, le projet vise une pénétration plus large des marchés
européens. Il a été rapporté que les pays les plus susceptibles d’être pris en considération sont la
Pologne, la Belgique et la Roumanie.2

5. Adapter la stratégie marketing de la banque au marché africain : le cas de la Côte d’Ivoire

Bien qu’elles soient des entités distinctes, Orange Bank et Orange Bank Afrique sont clairement liées
par l’image de marque : les logos installés dans les unités physiques, tant en Europe qu’en Afrique,
semblent identiques : un carré orange, superposé à un blanc, généralement sur fond noir, sur lequel on
peut lire "orange bank" (figure 6).

Figure 6. Comparaison entre les marques Orange Bank & Orange Bank Afrique

Logo Orange Bank sur une façade à


Agence Orange Bank Afrique à Abidjan
Montreuil (France)
(Côte d’Ivoire), 24.07.2020
Source: Platiau Charles (REUTERS), in
Source: Sanogo Issouf (AFP), in Pinaud O.,
Bembaron E., „Jour J pour le lancement
„Orange vise l’Europe pour rentabiliser sa
d'Orange bank”, Le Figaro, 2.11. 2017,
banque”, Le Monde, 21.04.2022,
https://www.lefigaro.fr/secteur/high-
https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/0
tech/2017/10/03/32001-
4/21/orange-vise-l-europe-pour-rentabiliser-sa-
20171003ARTFIG00167-orange-lance-sa-
banque_6123070_3234.html
banque-le-2-novembre.php

En général, la palette de couleurs utilisée est composée de l’orange, du blanc et du noir auxquels Orange
est habitué. Cependant, les différences commencent à apparaître à partir des slogans adoptés sur chacun
des deux continents :
• En Europe, l’accent est mis sur la commodité et la mobilité :

1
Velluet Q., „Jean-Louis Menann-Kouame: ‚Our success in based onthat of Orage money’”, 12.05.2022,
https://www.theafricareport.com/202736/jean-louis-menann-kouame-our-success-is-based-on-that-of-orange-
money/, consulté le 28.11.2022.
2
Pinaud O., „Orange vise l’Europe pour rentabiliser sa banque”, Le Monde, 21.04.2022,
https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/04/21/orange-vise-l-europe-pour-rentabiliser-sa-
banque_6123070_3234.html, consulté le 26.06.2023.

125
o France : « Tellement simple, tellement mobile » ; 1
o Espagne : « Orange Bank, el banco móvil que piensa móvil » (en français : « Orange
Bank, la banque mobile qui pense mobile ») / « Tan simple, tan móvil, tan Orange. »
(en français : « Si simple, si moble, si Orange »)2
• En Côte d’Ivoire, l’accent est mis avant tout sur l’accessibilité : « Orange Bank, la banque
ouverte à tous ». 3

Orange Bank et Orange Bank Afrique utilisent non seulement des applications mobiles distinctes, mais
également des logos légèrement différents : l’application pour le marché africain comporte un texte sous
l’illustration du logo qui indique simplement « Africa » (figure 7). Les images promotionnelles trouvées
sur la page de téléchargement sont aussi légèrement différentes.

Figure 7. Comparaison entre les logos des applications mobiles

Logo de l’application mobile Orange Logo de l’application mobile Orange Bank


Bank Afrique

Source: Orange Bank, Google Play, 29.11. Source: Orange Bank Africa, Google Play,
2022, 29.11.2022
https://play.google.com/store/apps/details?id=c https://play.google.com/store/apps/details?id=c
om.orangebank.android&hl=ro&gl=US om.orange.orangebank.africa&hl=ro&gl=US

Concernant les produits et les services proposés par chacune des deux banques, on note que l’offre
Orange Bank Afrique est non seulement plus restreinte, mais aussi que les noms des instruments
financiers proposés sont plus explicites quant à la finalité qu’ils servent : 4 5
• En France, on retrouve le menu Crédit détaillant de nombreux prêts spécifiques (pour des projets
personnels, pour l’achat de véhicules divers, pour la réalisation de rénovations, etc.). En Côte
d’Ivoire, il n’y a que deux offres de prêt, Tik Tak et Tik Tak+, accessibles selon l’éligibilité du
client et utilisables à des fins diverses, n’étant pas dédiées de la même manière que les offres
européennes.
• Les produits sont présentés sur le site Internet de la compagnie dans un ordre différent en France
et en Côte d’Ivoire. En France, sont indiqués d’abord les comptes bancaires et les offres de
cartes associées, ensuite les crédits, puis le compte d’épargne. En Côte d’Ivoire, ce sont d’abord
les prêts, ensuite le compte d’épargne, la carte prépayée (un instrument qui n’existe pas sur le
marché européen) et, enfin, le service MoneyBank.

1
Orange Bank France, „Tellement simple”, https://www.orangebank.fr/, consulté le 28.11.2022.
2
Orange Bank España, „Orange Bank, el banco móvil que piensa móvil”, https://orangebank.es/, consulté le
28.11.2022.
3
Orange Bank Côte d’Ivoire, „Orange Bank, la banque ouverte à tous”, https://orangebank.ci/, consulté le
28.11.2022.
4
Orange Bank France, „Tellement simple”, https://www.orangebank.fr/, consulté le 28.11.2022.
5
Orange Bank Côte d’Ivoire, „Orange Bank, la banque ouverte à tous”, https://orangebank.ci/, consulté le
28.11.2022.

126
• Le compte courant n’apparaît pas dans la liste des produits proposés par Orange Bank Afrique,
ce produit étant plutôt un instrument qui peut être associé à d’autres (mais sa possession n’est
pas obligatoire pour bénéficier des services de la banque ivoirienne ; par exemple, la carte Visa
Orange Bank prépayée, ci-dessus évoquée, n’est pas conditionnée à la possession d’un compte
bancaire).
• Orange Bank Afrique ne propose pas d’outils dédiés au secteur des affaires (contrairement à
Orange Bank qui vient avec une proposition adaptée aux compagnies, respectivement le
« paquet complet Anytime »). Toutefois, les prêts sont annoncés comme étant destinés à la fois
aux particuliers et aux petites entreprises.

Figure 8. Cartes bancaires proposées par Orange

Les trois types de cartes proposées par Orange Carte Visa prépayée proposée par Orange Bank
Bank en Europa: Standard (blanche), Premium Afrique
(noir) et Plus, celle dédiée aux adolescents
(bleu) Source: Orange Bank Côte d’Ivoire, „On aime
quand c’est simple. Carte prépayée Visa Orange
Source: Orange Bank, „C’est notre histoire”, Bank”, https://orangebank.ci/carte-prepayee,
https://www.orangebank.fr/histoire, 28.11.2022 28.11.2022.

Conclusion

A travers la communication de marque, Orange vise une forte synergie entre les marchés
africains et européens. Toutefois, les contraintes exercées par les caractéristiques différentes des
environnements de marketing des deux pays (sur le plan démographique, culturel et économique)
nécessitent des adaptations au niveau de l’offre effective de services.

Les agences suivent le même langage stylistique, mais le mode de promotion est légèrement
différent selon le public cible (européen, respectivement africain). Nous remarquons qu’en Europe la
communication est centrée sur la commodité et l’adaptabilité, tandis qu’en Afrique l’accessibilité et
l’inclusion sont davantage mises en avant. De plus, certains éléments de conception sont adaptés en
fonction des caractéristiques culturelles locales (par exemple, les éléments d’esthétique des cartes
bancaires).

127
L’offre de produits diffère entre les deux continents, le principal facteur d’influence, dans ce
cas, étant la maturité du marché. En Europe, nous remarquons que les produits sont beaucoup plus
diversifiés, alors qu’en Afrique, ils ont tendance à se concentrer sur les fonctions de base des produits
financiers, fait repris ensuite dans leur promotion sur le marché.

Bibliographie

1) AOF, "Orange rachète les parts de Groupama dans Orange Bank”, Le Figaro, 1.10.2021,
https://bourse.lefigaro.fr/actu-conseils/orange-rachete-les-parts-de-groupama-dans-orange-bank-
20211001, consulté le 28.11.2022.
2) Bembaron E., "L'Afrique, terre de croissance et laboratoire grandeur nature pour Orange”, Le Figaro,
14.11.2018, https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/11/14/32001-20181114ARTFIG00277-l-
afrique-terre-de-croissance-et-laboratoire-grandeur-nature-pour-orange.php, consulté le 28.11.2022.
3) Chocron V., "Groupama sort de l’aventure Orange Bank”, Le Monde, 1.10.2021,
https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/01/groupama-sort-de-l-aventure-orange-
bank_6096769_3234.html, consulté le 28.11.2022.
4) Encyclopædia Britannica Inc., "Côte d'Ivoire: Age breakdown”, Britannica,
https://www.britannica.com/place/Cote-dIvoire/images-videos, consulté le 28.06.2023.
5) Encyclopædia Britannica Inc., "Côte d'Ivoire: Religious affiliation”, Britannica,
https://www.britannica.com/place/Cote-dIvoire/images-videos, consulté le 28.06.2023.
6) France Diplomatie, "Présentation de la Côte d’Ivoire”, Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères,
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/cote-d-ivoire/presentation-de-la-cote-d-
ivoire/#sommaire_2, consulté le 28.06.2021.
7) Hien Macline (REUTERS), in Velluet Q., „Jean-Louis Menann-Kouamé: ‘Our success is based on that
of Orange Money’”, The Africa Report, 12.05.2022, https://www.theafricareport.com/202736/jean-louis-
menann-kouame-our-success-is-based-on-that-of-orange-money/, consulté le 28.11.2022.
8) Lawler N. E., Mundt R. J. et al., "Côte d’Ivoire”, Britannica, https://www.britannica.com/place/Cote-
dIvoire, consulté le 5.11.2022.
9) Le Figaro et AFP, "Lancement de la banque mobile Orange Bank Africa en Côte d'Ivoire”, Le Figaro,
23.07.2020, https://www.lefigaro.fr/flash-eco/lancement-de-la-banque-mobile-orange-bank-africa-en-
cote-d-ivoire-20200723, consulté le 28.11.2022.
10) Mieu B., "Orange reaffirms its ambitions for Africa”, The Africa Report, 26.11.2022,
https://www.theafricareport.com/244055/orange-reaffirms-its-ambitions-for-africa/, consulté le
26.06.2023.
11) Ministère des Affaires Etrangères de la Roumanie, "Republica CÔTE D'IVOIRE”,
http://www.mae.ro/node/1918#null, consulté le 5.11.2022.
12) Orange Bank, „Notre présence sur le continent”, https://orangebank.ci/nous-connaitre, consulté le
28.11.2022.
13) Orange, „Financial inclusion: a step forward with Orange Bank Africa”,
https://www.orange.com/en/group/our-activities/mobile-financial-services/financial-inclusion-step-
forward-orange-bank-africa#, consulté le 22.07.2020.
14) Orange, „Orange, a multi-service operator in Africa and the Middle East”,
https://www.orange.com/en/africa-and-middle-east#, consulté le 28.11.2022.
15) Orange, „Financial inclusion: a step forward with Orange Bank Africa”, 22.07.2020,
https://www.orange.com/en/group/our-activities/mobile-financial-services/financial-inclusion-step-
forward-orange-bank-africa#, consulté le 28.11.2022.
16) Orange Bank, „C’est notre histoire”, https://www.orangebank.fr/histoire, consulté le 28.11.2022.
17) Orange Bank France, „Tellement simple”, https://www.orangebank.fr/, consulté le 28.11.2022.
18) Orange Bank España, „Orange Bank, el banco móvil que piensa móvil”, https://orangebank.es/, consulté
le 28.11.2022.
19) Orange Bank Côte d’Ivoire, „Orange Bank, la banque ouverte à tous”, https://orangebank.ci/, consulté le
28.11.2022.
20) Orange Bank, Google Play, 29.11. 2022,
https://play.google.com/store/apps/details?id=com.orangebank.android&hl=ro&gl=US
21) Orange Bank Africa, Google Play, 29.11.2022
https://play.google.com/store/apps/details?id=com.orange.orangebank.africa&hl=ro&gl=US
22) Orange Bank Côte d’Ivoire, „On aime quand c’est simple. Carte prépayée Visa Orange Bank”,
https://orangebank.ci/carte-prepayee, 28.11.2022.

128
23) Pinaud O., „Orange vise l’Europe pour rentabiliser sa banque”, Le Monde, 21.04.2022,
https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/04/21/orange-vise-l-europe-pour-rentabiliser-sa-
banque_6123070_3234.html, consulté le 26.06.2023.
24) Platiau Charles (REUTERS), in Bembaron E., „Jour J pour le lancement d'Orange bank”, Le Figaro,
2.11. 2017, https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/10/03/32001-20171003ARTFIG00167-
orange-lance-sa-banque-le-2-novembre.php
25) Sanogo Issouf (AFP), in Pinaud O., „Orange vise l’Europe pour rentabiliser sa banque”, Le Monde,
21.04.2022, https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/04/21/orange-vise-l-europe-pour-
rentabiliser-sa-banque_6123070_3234.html
26) Sasu C., „Marketing Internațional”, 2015, pp. 94-96,
https://www.academia.edu/19675521/curs_marketing_international, consulté le 26.11.2022.
27) Velluet Q., „Jean-Louis Menann-Kouame: ‚Our success in based onthat of Orage money’”, 12.05.2022,
https://www.theafricareport.com/202736/jean-louis-menann-kouame-our-success-is-based-on-that-of-
orange-money/, consulté le 28.11.2022.

129
LES GRANDS EVENEMENTS SPORTIFS INTERNATIONAUX DANS LES PAYS
EN DEVELOPPEMENT : CARACTERISTIQUES ET LES IMPACTS

MAJOR SPORTING EVENTS IN DEVELOPING COUNTRIES :


CHARACTERISTICS AND IMPACTS.

Patric Ulrich KOMBO NDOUMA


Doctorant en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS)
Chercheur à l’institut de Formation aux Métiers de la Ville (IFMV), Filière Management du Sport,
Université de LILLE
Ecole doctorale Sciences Economiques, Sociales, de l'Aménagement et du Management (EDSESAM)
L'Unité de Recherche Pluridisciplinaire Sport, Santé, Société (URePSSS - ULR 7369)
Groupe Stratégie et Développement des Organisations Sportives (STRADEOS).

France

Fabien WILLE
Université de Lille (Membre de Geriico ULR 4073)

fabien.wille@univ-lille.fr

Sorina CERNAIANU
Université de Craiova, Roumanie et Université de Lille
France

Email : s_cernaianu@yahoo.com.

Résumé :

Depuis les Jeux olympiques de Pékin en 2008, plusieurs compétitions sportives de grandes envergures à l’exemple
des Jeux olympiques et de la Coupe du monde sont organisées dans les pays en développement ou du Tiers monde.
Les raisons qui animent ces Pays en développement et industrialisés à organiser ces événements demeurent le
développement économique, social et environnemental. Cependant, Mrani (2021) révèle que la raison principale
de l’organisation de ces événements demeure la raison politique et non le développement que prônent les grands
décideurs de ces derniers. Ces événements créent des changements de toutes catégories et natures dans cette classe
des pays remplis d’énormes inégalités sociales.
A cet effet, notre étude a pour objectif de développer une littérature théorique traitant le lien qui existe entre la
conception des méga-événements sportifs dans les pays développés et leurs impacts. En effet, cet article se
développera sur deux conceptions distinctes en tant que réels domaines de recherche et sources de nombreux
débats vue la taille de ces événements sportifs et leurs apports sur la localité hôte et ses résidents. C’est ainsi que
dans cet article, nous parlerons tout d’abord des caractéristiques des pays en développement et enfin aborderons
l’émergence la conception de ce champ d’étude relative aux grands événements sportifs internationaux et à leurs
impacts dans cette catégorie des pays.

Mots-clés : Méga-événements sportifs, impact social, pays en développement et réduction.

Abstract

Since the Beijing Olympic Games in 2008, several large-scale sports competitions such as the Olympic Games
and the World Cup are organized in developing or Third World countries. The reasons that motivate these
developing and industrialized countries to organize these events remain economic, social and environmental
development. However, Mrani (2021) reveals that the main reason for organizing these events remains the political
reason and not the development that the great decision makers of these countries advocate. These events create
changes of all categories and natures in this class of countries filled with huge social inequalities.

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To this end, our study aims to develop a theoretical literature dealing with the link that exists between the design
of mega sport events in developed countries and their impacts. Indeed, this article will develop on two distinct
conceptions as real areas of research and sources of numerous debates given the size of these sports events and
their contributions on the host locality and its residents. Thus, in this article, we will first talk about the
characteristics of developing countries and finally address the emergence of the conception of this field of study
relating to major international sporting events and their impacts in this category of countries.

Keywords: Mega sport events, social impact, developing countries and reduction.

1. Introduction

De nos jours, l’accueil des événements sportifs internationaux se résume au développement durable. En
effet, ces événements sportifs sont considérés comme un moyen de changer l’image du territoire hôte
sur le triple plan humain, territorial et urbain. En effet, les divers changements générés par ces derniers
sont de plusieurs catégories (environnementaux, sociaux et économiques, politique…) et natures
(positifs et négatifs). Ces événements étant considérés comme des catalyseurs, des projets demandent
une bonne planification d’impact ou d’héritage.

Par ailleurs, la perception des impacts de ces événements varie selon les réalités sociales et économiques
de la localité. Ce qui revient à dire que, dans un pays développé, la perception ne sera la même que dans
un pays en voie de développement ou en développement. De même, dans les pays en développement, il
existe des pays industrialisés et non-industrialisés. A cet effet, les pays en développement industrialisés
n’auront pas la même perception que ceux des pays en développement non-industrialisés. C’est ainsi
que le territoire hôte planifie ses impacts ou son héritage en se focalisant sur ses caractéristiques sociales
et économiques. Les pays développés, les inégalités sociales étant moindres, mettront plus l’action sur
l’intégration sociale accrue des défavorisés, la croissance des licenciés, la portée médiatique, l’attraction
touristique, la création d’emploi, l’amélioration des conditions du travail et des valeurs psychologiques.
Par contre, dans les pays en développement, l’action sera basée sur une forte réduction des inégalités
sociales (revenu, santé, éducation, problème de genre). A cela, s’ajoute le changement des mentalités de
résidents, la croissance de la connaissance et la capacité managériale pour ce type d’événement sportif
et même dans la gestion et l’organisation du sport.

Toutefois, plusieurs études ont été menées dans les pays développés (Andranovich, Burbank and
Heying, 2001 ; Balduck, Maes and Buelens, 2011 ; Andreff Wladimir, 2012 ; Bourbillères, 2017;
Charrier, Jourdan, Bourbillères, Djaballah et Parmantier, 2019 ; Kim, Mun Jun, Walker and Drane,
2014, et Karen Maguire, 2021), un peu dans les pays en développement industrialisés (Mrani, Barget,
Chavinier-Rela et Ibenrissoul, 2020 ; Ishac, Sobry, Bouchet and Cernaianu, 2018; El Akari, 2020; Ishac
and Swart, 2022 et Castilho César, 2016) et rares dans les pays en développement non-industrialisés.
Cependant, la plus grande partie des études menées sur ce domaine porte sur les impacts économiques
engendrant des modèles évaluatifs propre à cette catégorie d’impact (Ritchie, 1984 ; Ritchie and Smith,
1991 ; Bull, et Lovell, 2007 ; Chalip, 2006 ; Barget et Gouguet, 2010 ; Balduck et col, 2011 ; Celle,
2018 et Charrier et Jourdan, 2019). Les deux dernières décennies, une croissance d’études portant sur le
volet social en milieu académique est constatée (Charrier et col, 2019 ; Ishac et al., 2018, Bourbillères,
2017 et Castilho César, 2016).

En somme, nous allons nous focaliser sur la rareté des études dans les pays en développement
particulièrement africains, afin de faire un petit briefing sur la spécificité des impacts dans ces pays en
développements tant industrialisés que non-industrialisés en se basant sur les quelques études existantes
dont nous avons sélectionné dans la littérature. C’est ainsi que dans cet article, nous présenterons en
premier la problématique de cette étude qui sera suivie des caractéristiques des pays en développement
et pour enfin aborder l’émergence la conception de ce champ d’étude relative aux grands événements
sportifs internationaux et leurs impacts dans cette catégorie des pays.

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2. Problématique

Les grands événements sportifs internationaux sont des catalyseurs des projets d’urbanisation, de
développement économique et environnemental. Ce qui fait que beaucoup des villes et pays puissent se
lancer dans la course aux candidatures. Cette course aux candidatures se fait sentir dans tous les pays
tan développés qu’en développement sans tenir compte des réalités économiques et sociales de ces pays,
parce que le coût de ces événements paraît toujours élevé avec des budgets souvent en dépassement.
Cependant, dans les pays en développement, les réalités économiques et sociales sont précaires. A cet
effet, les organisateurs se focalisent sur la transformation des inégalités sociales à des projets prospères
pour ce territoire hôte et ses résidents, ce qui montre et démontre la particularité des impacts dans cette
catégorie de pays. En effet, ces pays ont un produit intérieur brut (PIB) inférieur à celui des pays
développés, ainsi qu’une économie moins mature et moins complexe. C’est-à-dire que ces pays ont un
revenu moyen par habitant plus faible et les résidents ont tendance à avoir un accès limité de soins de
santé de qualité et à l’éducation. Ceci nous conduit à s’interroger sur la nature et la qualité des impacts
sociaux générés par les grands événements sportifs internationaux dans ces pays en développement.
Ainsi, nous résumons tout ce que nous venons d’élucider précédemment par cette phrase ci-après :
« Quels seraient les impacts sociaux qu’engendrent les grands événements sportifs dans un pays en
développement » ?

3. Revue de la littérature

Les Jeux olympiques de Pékin 2008 constituent le tremplin de la croissance du nombre des compétitions
internationales organisées (Coupe du Monde de 2010 en Afrique du Sud, les JOP de la Jeunesse de 2026
au Sénégal, la Coupe du monde 2016 et les JOP de 2014 au Brésil) dans les pays Africains et de
l’Amérique du Sud. Or, ces compétitions fragilisent les économies des pays organisateurs, tel est le cas
du Congo-Brazzaville et de bien d’autres pays. En effet, le Congo avait été plongé dans une crise
économique avérée après l’organisation des Onzièmes Jeux africains de 2015. En se basant sur les effets
de ces grands événements sportifs internationaux, nous allons tout d’abord commencer des
caractéristiques de ces pays en développement.

3.1. Caractéristiques des Pays en développement

La littérature révèle une difficulté de définir la notion de pays en développement (PED). A cet effet,
Duboz et Houser (2013) déclarent qu’est pays en développement qui le déclare. Mais plusieurs pays
n’acceptent pas d’en faire partie. En effet, certaines organisations internationales tentent de classer les
pays du monde des plus développés aux moins développés. C’est ainsi que Duboz et Houser (2013)
fixent les trois différents critères de reconnaissances des « pays les moins avancés » (PMA) déterminés
par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) : Revenu, niveau de développement du capital humain
et vulnérabilité économique (CNUCED, 2010). Ce qui parait insuffisant pour faire la différence entre
« en développement » et « développé ».

Les pays en voie de développement, souvent appelés « Tiers Monde », sont les pays dont le niveau de
vie, les revenus, le développement économique et industriel sont plus ou moins inférieurs à la moyenne
(donneesmondiales.com). Ils sont au nombre de 105 pays et regroupés en six sphères en développement,
à savoir l'Afrique subsaharienne, l'Amérique latine et les Caraïbes, l'Asie de l'Est et le Pacifique, l'Asie
du Sud, les États arabes et enfin l'Europe et l'Asie centrale (PNUD, 2018). De plus, ils contiennent la
plus grande partie de la population mondiale avec environ 6,74 milliards de personnes (84,43 % de la
population mondiale) et constituent toute l'Amérique centrale et du Sud, toute l'Afrique, la plupart de
l'Asie et de nombreuses autres nations insulaires.

Pour Dichter (2003), les évolutions dans ces pays varient copieusement de la même manière en se
focalisant sur les deux classes de facteurs de leurs caractéristiques qu’il fixe. Premièrement, les facteurs
« durs », avec la géographie, la topographie, la taille, le climat, le territoire, les ressources naturelles, la

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densité et l'évolution démographique du pays, puis les facteurs « mous », qui concernent l'histoire, le
commerce, la mobilité interne, les facteurs humains, la santé, et les institutions étatiques (Dichter, 2003
et Zimri, 2011). Cependant, Muriithi et Crawford (2003) caractérisent les pays africains comme des
exemples des PED qui constituent un groupe varié, particulièrement sur le point de vue religieux. De
même, ces pays ont des systèmes politiques, économiques et sociaux spécifiques à eux (Muriithi et
Crawford, 2003). Ce qui nous permet de comprendre des intérêts particuliers de ces pays en se basant
sur leurs caractéristiques concernant l'organisation des grands événements sportifs. Cela nous permettra
par exemple de montrer, voire démontrer, la spécificité des impacts des gaz à effet de serre produits par
les grands événements sportifs dans ces pays, voire bien d’autres impacts.

Ces PED ont des économies basées sur l’importation de produits manufacturés et l’exportation des
produits de base. Cela favorise davantage l’appauvrissement de ces pays entrainant la baisse de leurs
termes d’échanges relatifs sur les marchés internationaux (Muriithi & Crawford, 2003). Ces mêmes
auteurs soulignent la présence d’un record permanent des personnes en situation de chômage, les salariés
du privé et les fonctionnaires de l’Etat dans le secteur de l’informel afin de compléter leurs revenus
formels, ce qui affaiblit le fonctionnement des organisations dans ces PED. De plus, la Banque Mondiale
(2020) souligne que ces PED sont caractérisés par une hausse rapide de l’endettement. Cela peut se
justifier par l’exemple du Congo-Brazzaville, qui, en 2009, s’est vu annuler sa dette et aujourd’hui figure
parmi les pays le plus endettés.

Socialement, la population de ces PED est jeune avec plus de 60% des habitants de moins de 30 ans
d’âge. Ils sont une société moraliste avec des relations familiales resserrées (Muriithi et Crawford,
2003). Selon Mazrui (1980) et Muriithi et Crawford (2003), dans ces PED, la réussite se résume sur la
manière de satisfaire pleinement les obligations morales de la famille, le clan ou le groupe ethnique. De
même, une autre caractéristique constitue la prédominance concernant la surface des zones rurales avec
des faibles densités de populations. Ce qui provoque le surpeuplement des centres urbains (Zimri, 2011)
avec, comme conséquence primordiale, le manque de logement et de l’emploi dans les centres urbains
(Bodson et Roy, 2003). Selon la Banque Mondiale (2020), ces PED ont une croissance démographique
très remarquable et plus rapide au niveau mondial par année (Afrique Subsaharienne : 23,7%, Moyen-
Orient et Afrique du Nord : 1,7%, Asie de Sud : 1,2%, Asie de l’Est et Pacifique : 0,6% et Europe et
Asie centrale : 0,5%). Dans ces pays, le rapport de la Banque Mondiale (2020) révèle une faible
espérance de vie à la naissance (en Afrique, 63 ans chez les femmes et 60 ans chez les hommes, contre,
en Europe et en Asie Centrale, 78 ans chez les femmes et 70 ans chez les hommes), le taux de mortalité
des enfants de moins de cinq (5) ans pour 1000 naissances vivantes est de même élevé et atteint 78
contre 13 en Europe et Asie Centrale. En ce qui concerne le taux d’alphabétisation, nous notons des
faibles taux en les comparant à ceux des pays industrialisés (Zimri, 2011), avec 75, 3% des filles et
81 ,5% des garçons scolarisés (Nations Unies, 2019). A cela s’ajoute le problème d’eau potable,
d’électrification, de la qualité d’air, de manque de centre de santé de qualité et de l’urbanisation
(UNEAC, 2018). Ces problèmes engendrent des répercutions sur la politique de ces pays issus de leurs
histoires. De ce fait, nous allons parler de l’histoire de ces pays.

En effet, ces PED sont en majorité des pays ayant subi la colonisation, en particulier l’Afrique. Or la
colonisation a laissé un déséquilibre politique engendrant la faiblesse et l’instabilité des institutions
politiques de ces PED (Bognár, 1967 ; Muriithi & Crawford, 2003). Dans ces pays, les systèmes
politiques ne sont pas totalement des systèmes démocratiques. Ce qui fait que les lois soient fabriquées
par l’Etat et ne sont pas respectées (Bodson et Roy, 2003). Ceci explique le manque d’une conciliation
entre le droit coutumier des ces PED avec les règles juridiques modernes à cause de l’incohérence de
leurs politiques (Zimri, 2011). Ces pays ont une situation peu reluisante, plus précisément en Afrique
avec l’existence de la faiblesse de la qualité institutionnelles des institutions, impuissantes voire même
détériorées. Car dans ces pays, les indices de gouvernance sont faibles et contrastés comme le note Nkoa
et Song en 2017. Après avoir caractérisé ces PED, nous sommes donc amenés à parler des impacts des
grands événements sportifs dans ces pays. Ici, nous parlerons donc des grands événements sportifs
(Coupe du monde, Jeux Africains et Jeux Africains de la Jeunesse) déjà organisés dans quelques PED.

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3.2. Les impacts des grands événements sportifs dans les PED

Selon Müller (2015), un méga-événement est un événement mobile de durée fixe qui attire un grand
nombre de visiteurs, ayant une forte influence médiatique, coûte cher et a un impact important sur
l'environnement bâti et la population. Cette définition s’articule autour de quatre dimensions clés
distinctes, dont l’attraction touristique (Ritchie 1984 ; Hall 1989 ; Ritchie et Smith 1991 ; Burgan et
Mules 1992 ; Mihalik et Simonetta 1999 ; Teigland 1999 ; Chappelet, 2014 ; Müller 2015 et Charrier et
al., 2019) ; la portée médiatique ou la couverture médiatique (Grix, 2012; MacAloon 1984; Rojek 2014;
Tomlinson 1996; Zhang et Zhao 2009; Müller 2015) ; les coûts (Müller 2015) et la transformation
urbaine (Chappelet, 2014, Müller 2015 ; Charrier et al., 2019 et Mrani, 2021).

Concrètement, les études menées dans les pays en développement utilisent les modèles évaluatifs des
pays développés et révèlent des impacts variés. C’est le cas de l’étude menée par Ishac et ses
collaborateurs (2018) auprès des jeunes résidant au Qatar. Cette étude révèle des impacts positifs sur
cette jeune génération, l’acquisition des nouvelles compétences et expériences organisationnelles pour
les événements futurs. A cette étude, s’ajoute celle menée au Maroc pour les Seizième Jeux Africains
de 2019 (El Akari, 2020) et celle des jeux Méditerranéens de Mersin en 2013 (Atci, Unur et Gursoy,
2013), qui avaient respectivement utilisés le périmètre de l’impact social conçu par Charrier et al., (2019)
et les modèles de Prayag et al., (2013), Gursoy and Kendall (2006) et Kim et al. (2006).

Ishac et Swart (2022) ont évalué le revenu psychique des jeunes résidant au Qatar. Cette étude montre
la modification des stratégies dans le but de faciliter l’atteinte de leurs objectifs pour l’impact cumulatif
de l’organisation de grands événements internationaux. La même étude révèle l’intéressement des jeunes
à assister physiquement au Football bien qu’il y est les limites imposées par l’achat de billet. Ce qui
engendre un impact très positif dans le revenu psychique, la prise en compte de la culture locale, la fierté
accrue de la localité hôte pour les qataris et les jeunes étrangers, et la croissance de la collaboration entre
les entreprises locales.

Toutefois, Camacho, Dos Santos et Bastías (2018) révèlent des impacts plus négatifs après l’événement
qu’avant. De plus, les impacts économiques, sociaux et socioculturels et environnementaux sont plus
remarquables que les impacts politiques et administratifs. Cette même étude révèle l’impact du moment
de la consultation des résidents sur la perception et l’évolution des impacts sociaux et environnementaux
de la COPA d’Amérique. Les résultats de cette étude sur les informations sociodémographiques
correspondent à ceux de Atci et ses collaborateurs (2016). Ces auteurs suggèrent l’avantage de mener
des études futures afin d’évaluer les impacts économiques liés aux coûts cachés de certains indicateurs
tels les coûts de sécurité, de nettoyage et d’entretien des installations et des infrastructures générés par
cet événement.

Par ailleurs, l’étude menée par Cottle pour la coupe du monde de 2010 avait révélé que le succès
commercial de la FIFA et de ses partenaires, et non des Sud-Africains, entraînait des surcoûts supérieurs
de 1709 % au coût initial, avec une augmentation des impôts de 50 % pour la FIFA et ses partenaires.
En 2006, un mois avant le tournoi, l'emploi a chuté de 4,7 %, les bénéfices et les salaires ont augmenté
de 1 300 % pour 200 % des directeurs des cinq plus grandes entreprises de construction actives, et 20 000
personnes ont été expulsées de leurs maisons pour construire des jeux de grand stade improductifs. Au
plan social, cela s'est traduit par la construction de logements sociaux pour 2,4 millions de personnes,
une augmentation de la mortalité infantile de 60 à 69 décès pour 1 000 naissances, une baisse du vécu
de 61 à 51 ans et, in fine, une augmentation du nombre de naissances. Les habitants des bidonvilles sont
passés de 8,2 millions à 8,4 millions. En fait, le jeu profitera davantage à la FIFA et à ses partenaires
qu'à l'Afrique du Sud et à son peuple.

Pour Castillo (2020, p : 466-467), la coupe du monde de 2014 constitue un catalyseur des projets
longtemps retardé selon les responsables politiques tout en tenant compte de la croissance
démographique. Cet auteur révèle la mise en place d’une politique préventive de lutte contre le tourisme
sexuel infantile qui, engendre une source des retombées économiques ; de plus, la pacification de favelas

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dans la ville dans le but de lutter contre la croissance du trafic de drogues et de la violence dans les
quartiers défavorisés et l’augmentation du taux de criminalité sur les plages touristiques de la zone Sud
depuis le début de l’année 2016. Aussi, la portée médiatique avait permis aux prostituées de revendiquer
l’amélioration des conditions sanitaires, des mesures de prévention de maladies, et l’approbation de la
loi de règlementation de leur profession bloquée au congrès brésilien. A cela, s’ajoute le manque d’une
évaluation pointilleuse des impacts de ces GES pour justifier les coûts plus élevés que dans les pays
développés et la transformation des inégalités sociales à des réels projets de production économique
utile. Cette étude révèle une imposition du cahier de charge ne répondant pas aux réalités socio-
économiques du pays hôte par la FIFA les plongeant dans les crises économiques multiformes. Aussi,
la croissance des valeurs humaines (les expériences managériales ou organisationnelles, la santé,
l’éducation et capacitation, le bien-être, les valeurs de la personnalité et psychologiques, etc.) est révélée.

Par conséquent, l’étude menée en Botswana auprès des gestionnaires des différentes fédérations
nationales avait révélé le renforcement des capacités organisationnelles de ces derniers pour
l’événementiel sportif (Moustakas, 2016). En effet, le renforcement des capacités concerne directement
le développement des compétences et des connaissances, aux relations et réseaux internationaux et aux
ressources matérielles des enquêtés sans oublier le manque d’application ou la continuation du
développement des nouvelles compétences acquises. Il s’ajoute la croissance des relations tendues en
milieu sportif, le non-respect des obligations financières, l’interaction mutuelle entre toutes parties
prenantes engendrant directement la fortification des relations entre les fédérations nationales et les
fédérations internationales sur les capacités financières et les ressources humaines. La détérioration des
relations au sein du système sportif aboutissant à l’annulation des fonds de formations de cette FNS par
le Comité d'organisation des Jeux Africains de la Jeunesse et entrainant la perte d’un partenariat avec le
prestataire de formation.

De plus, l’organisation de ces jeux avait permis à certaines FSN de mener des opérations régulières dans
leur structure grâce au soutien reçu à travers ces Jeux. Cette compétition révèle un manque de
consultation préalable ou de planification des activités, qui peut entraîner des résultats purement et
simplement négatifs. Ceci engendre cette citation de Moustakas (2016) :

« Bien que les impacts perçus des Jeux Africains de la Jeunesse aient été mitigés, bon nombre des
avantages accumulés par les fédérations sportives nationales et les autres participants n'auraient jamais
eu lieu sans les Jeux. Le développement des compétences perçues, l'expansion des réseaux
internationaux et l'acquisition de ressources matérielles sont autant de résultats positifs. Il est également
clair que la tendance des économies en développement ou en transition à accueillir des GES ne montre
aucun signe de dissipation. Ainsi, l'impératif est maintenant de construire l'ensemble des connaissances
nécessaires pour aider les organisations sportives dans ces lieux à obtenir des résultats toujours plus
positifs et bénéfiques lorsque leurs pays décident d'accueillir un GES ».

A cet effet, l’événementiel sportif devient un simple argument de vente (Bouchet P. et Bouhaouala M.,
2009). Car lors de l’organisation des GES, toutes les parties prenantes exposent leurs savoir-être et
savoir-faire afin de prouver leur présence dans cette mission d’organisation. Ainsi, ceci se résume sur
une augmentation de l’expérience et la connaissance humaine.

De plus, il s’ajoute la fortification des relations nationales et internationales, l’identité nationale et la


fierté d’appartenance à une localité. Ces différentes variables engendrent le rayonnement national et
diplomatique. C‘est-à-dire l’organisation des GES rend plus fort les relations existantes entre les
résidents des différents États qui y prendront part. Cela est aussi constaté dans les groupes des
organisateurs où il y a des experts internationaux qui viennent participer à l’organisation de cette
compétition. Car l’État organisateur doit réserver un accueil chaleureux à ses invités. Raison pour
laquelle nous remarquons, lors de la phase de préparation du GES, que la localité hôte crée des
opportunités d’aller dans les autres États afin de bien visualiser son projet ou inviter les autorités des
pays qui participeront pour permettre sa meilleure visibilité sur l’échiquier national et international.
C’est dans ce sens que Ganga J.C. (2015) déclare :

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« Après avoir obtenu le quitus d’organiser les premiers Jeux Africains de 1965 à Brazzaville, il fallait
multiplier les voyages dans la majorité des pays africains indépendants afin de les convaincre à venir
prendre part à ces Jeux ».

Cette citation nous parle de la multiplication des voyages du comité d’organisation des premiers Jeux
Africains dans les autres États, qui avait accentué la médiatisation des voyages des organisateurs de
cette compétition. Cela peut être utilisé comme un moyen de montrer l’image de la localité hôte et des
relations existantes entre ses États.

Dans les PED, ces événements favorisent la reconnaissance de leurs athlètes qui pourront être des cibles
des grands clubs occidentaux et des partenariats inter-États. De plus, ces GES dans les PED, sont
considérés comme des grands moments de diffusion des projets de société des gouvernements en place
afin de justifier leur efficacité et puissance. A cet effet, ils deviennent des catalyseurs politiques. Ce qui
pousse Dowse et ses collaborateurs (2015) à les définir comme : « Des occasions sociales importantes
qui offrent des opportunités politiquement importantes d'investir dans des domaines de besoins ciblés,
d'améliorer les politiques et les pratiques, de communiquer avec des publics nationaux et internationaux
et de fournir de précieux moments de célébration collective » (Dowse, Powell and Weed, 2015).

Nous comprenons que ces GES constituent un moyen de communication très efficace pour les politiques
des PED particulièrement en Afrique. C’est-à-dire un moyen de diffusion de leurs idéologies politiques.
Lors de ces GES en Afrique, les politiques regroupent les foules pour faire la promotion de leurs partis
politiques ou du politique lui-même. Ce qui fait que plusieurs compétitions sportives soient organisées
par les politiques pendant les périodes électorales. Cette période est donc caractérisée par une
multiplication des compétitions sportives et pousse les grands décideurs à candidater pour les
compétitions internationales. Ainsi, nous comprenons que ces GES sont organisés dans le cadre de
préparation des grandes activités politiques pour masque et embrouiller les résidents des grands rendez-
vous politiques futurs. Ceci s’explique par la déclaration du chef de l’État congolais auprès du ministre
des Sports et de l’Éducation physique et du président de la fédération congolaise du football qui
stipulait :

« Vous devez savoir que les crises politiques peuvent être éteintes grâces aux victoires sportives. En
exemple, rappelez-vous qu’en 1972, c’est la victoire des Diables Rouges à la CAN à Yaoundé qui a
permis la relance de la vie nationale, après les événements de février 1972. Quand un pays se porte bien
sur le plan politique, cela doit se ressentir dans tous les secteurs de la vie nationale. Je sais que, sur le
plan international, on préconise l’indépendance des fédérations sportives nationales. Mais dans chaque
pays africain, les fédérations ne peuvent pas exister sans les Etats » (Opimbat, 2018 p, 30-31).

Cette déclaration pousse à se questionner sur l’annonce du referendum constitutionnel de 2015 annoncé
quelques jours après les Onzièmes Jeux Africains de 2015. Ce référendum aboutit à une élection
présidentielle anticipée. Pensons-nous que cela constitue-elle une coïncidence ou bien a été bel et bien
planifié ?

Pour les GES du Brésil, Singer (2018) déclare :

« L’accueil de grands événements sportifs a été pensé pour consacrer définitivement le projet conçu par
le président Lula. Toutefois, le rêve de consécration s'est transformé en un grand cauchemar. Des
événements associés à de nombreuses questions politiques et économiques ont même conduit à la
destitution de Dilma Rousseff en 2016, entrainant ainsi la mise en prison de l'ancien président Lula en
2018 pour motif de corruption. Ces situations s’étaient aggravées lors de la défaite en 2018, par l'ancien
Ministre de l'Éducation et ancien maire de Sao Paulo, Fernando Haddad, candidat à la présidentielle de
l’extrême droite Jair Bolsonaro ».

L’organisation de ces GES dans les PED se fait sans consentement des résidents ou populations. Cette
organisation est une affaire politique et non un moyen de rendre heureux les populations ou résidents

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des localités hôtes. Nous pensons que la raison d’organisation de ces GES dans les PED est plus politique
que d’ordre social. Ce qui nous conduit donc à la fixation de notre modèle d’évaluation utilisé.

Au Congo, la double organisation des Jeux Africains (1965 et 2015) a permis la catalysation de projet
d’urbanisation, social, économique, sportif, politique, touristique, organisationnel etc. Ceci s’élucide par
la déclaration de Ganga Jean, Conseiller des sports et de l’Education physique du ministre de la Jeunesse
et des sports, de l’Education civique, de la Formation qualifiante et de l’Emploi qui stipulait :

« Le Congo, étant un haut lieu de mémoire du Sport Panafricain, avait décidé organiser cette compétition
dans le but de consolider son attractivité touristique, ses capacités et compétences d’organisation et
d’accueil des grands événements sportifs internationaux et la transmission de son hospitalité
légendaire ».

Nous comprenons que ces événements engendrent dans les PED les impacts plus centrés sur les humains.

La thèse menée par Mrani auprès des grands décideurs d’organisation des méga-événements sportifs sur
le thème : « Critères d'évaluation des héritages attendus des méga-événements Sportifs dans les pays en
développement : Le cas du Maroc et des candidatures à la Coupe du Monde de la FIFA » révèle diverses
spécificités propres aux PED pour ce genre d’événement sur le contexte décisionnel ou dans toutes les
différentes dimensions des impacts ou héritages qu’ils génèrent. Mrani déclare ce qui suit : « Plusieurs
raisons sont souvent avancées pour justifier ou argumenter la volonté d’accueil de ce type d’événement,
nommément la croissance économique, urbaine et sociale. Mais, les critères politiques demeurent la
principale raison qui motive la décision de leur organisation dans ces PED. Particulièrement, l’aspect
humain est le plus impacté de ces événements sportifs dans les pays PED, remplis d’énormes inégalités
sociales. En effet, pour ces GES, les héritages attendus suite à leur organisation ont majoritairement un
caractère plus humain qu’autre chose. Ces différents héritages générés dans les PED sont donc de deux
types : les héritages matériels (les héritages infrastructurels, des héritages touristiques et des héritages
économiques) et les héritages immatériels (une partie concerne l’espace et la majeure partie concerne
les personnes). Pour les enquêtés, l’organisation d’un MES tel que la Coupe du Monde de football de la
FIFA dans un PED pourrait énormément améliorer toutes les dimensions du bien-être dans ces PED. De
plus, ces différentes améliorations concerneront la qualité de vie et favoriseront la réduction de certaines
inégalités sociales ou du bien-être. Cela nécessite une bonne planification de l’héritage attendu pour
optimiser les effets positifs afin d’en tirer profit, sans oublier les manières à éviter ou diminuer les
impacts négatifs comme le rappellent assidument certains auteurs, à l’exemple de Mrani et
collaborateurs en 2020. Cette étude montre que le volet humain est la spécificité majeure de ces GES
dans les pays en développement.

Toutefois, Mrani (2020) pense que la particularité la plus éminente constitue la prise de décision et met
le volet politique en tête des raisons d’organisation de ces événements dans cette catégorie des pays et
non le développement économique, urbain et social que ces grands décideurs avancent comme
argument. Cependant, dans ces pays, le facteur humain constitue la base des changements générés par
ces événements sportifs internationaux.

Le même auteur révèle deux types d’héritages dont l’héritage matériel constitué de l’héritage
infrastructurel, touristique et économique, et l’héritage immatériel constitué de l’espace, et la majeure
partie porte sur les personnes. Car ces événements favorisent l’amélioration des facteurs du bien-être du
pays, pas seulement la qualité de vie, ce qui conduit quelque peu à la réduction des inégalités en matière
de bien-être. Il s’ajoute le manque de planification des impacts qui pourra atténuer le risque d’impacts
négatifs.

137
Conclusion

En somme, toutes les études que nous venons de mentionner ci-dessus ne concernent que les pays en
développement mais industrialisés. De même, la perception de ces impacts se fait en utilisant des
modèles générés pour les pays développés. Dans ces études, le volet humain demeure le socle des
changements engendrés par ce type d’événement. En effet, ces effets ont pour but d’améliorer les
conditions psychologiques, sanitaires, éducatives, managériales et entrepreneuriales qui contribueront à
l’amélioration de la vie des résidents dans ces pays. Toutefois, dans les pays en développement non-
industrialisés, nous avons des études portant sur l’évaluation de la satisfaction des athlètes étrangers aux
jeux africains de 2015 (Africa Metrics, 2015), l’impact diplomatique des Premiers Jeux Africains de
1965 (Tsoumou, 2002) et les impacts des Onzièmes Jeux africains sur l’organisation du sport congolais
(Kimbassa, 2022). Ces études se basent toujours sur les valeurs humaines. A cet effet, nous pensons que
le besoin de mener des études approfondies sur les valeurs humaines lors de l’organisation de ces
événements parait très utile afin de bien structurer un modèle d’évaluation propre à cette catégorie de
pays.

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140
STRATEGIE D'APPROVISIONNEMENT DU MATERIEL DIDACTIQUE DE SPORT,
POUR UNE RELANCE DU SPORT ET DE L'EDUCATION PHYSIQUE
DE QUALITE DANS LES ETABLISSEMENTS SCOLAIRES
AU CONGO-BRAZZAVILLE

Renate Livie BONZO GOMA


Doctorante en STAPS
Université de Lille et chercheure à l’Institut de Formation aux Métiers de la Ville (IFMV)

dircoopsportcongo@gmail.com

Résumé :

Cette étude, à partir d’un terrain situé au Congo Brazzaville, analyse les enjeux d’une relance du sport scolaire
et de l’EPS de qualité dans ce pays d’Afrique centrale, dans l’optique de proposer des stratégies de résolution de
la situation. C’est donc une recherche empirique qui décrit un manque criard de stratégies dans les processus
d’acquisition et de gestion de matériel didactique destiné au sport et à l’éducation physique et sportive au Congo.
En plus de l’approche holistique liée au manque de matériel didactique, cette étude se veut pragmatique et proche
du terrain en proposant des pistes de solution pour la relance du sport congolais.

Mots-clés : stratégie, approvisionnement, matériel didactique, sport, EPS, analyse des enjeux, relance

Abstract:

This study, based on a field located in Congo Brazzaville, analyses the challenges of relaunching school sport and
quality EPS in this Central African country, with a view to proposing strategies to resolve the situation. It is
therefore empirical research that describes a glaring lack of strategies in the processes of acquiring and managing
teaching materials for sport and physical and sports education in the Congo. In addition to the holistic approach
linked to the lack of teaching materials, this study aims to be pragmatic and close to the ground by proposing
solutions for the relaunch of Congolese sport.

Keywords: strategy, procurement, teaching materials, sport, PSE, issue analysis, recovery

Introduction

La République du Congo, pays d’Afrique centrale qui s’étend sur 342.000 Km 2 avec une population
jeune, environ 80% d’individus sont âgés de moins de 30 ans (RGPH 2007), soit 4.492.689 d’habitants
et 61 ethnies (Statistiques mondiales Afrique population, 2013). Au lendemain de son indépendance
nationale en 1960, le Congo intègre les organismes sportifs internationaux pour montrer sa souveraineté.
Le pays a bénéficié de la construction ou de la mise en place des infrastructures sportives modestes,
d’une administration des affaires sportives, d’établissements scolaires, d’écoles de formation et des
associations sportives laissées par les colonisateurs. L’école, l’armée, l’église, les associations des
jeunes ont laissé un moule qui peut être utilisé.

C’est au travers de cet avantage du régime colonial que la République du Congo peut participer dès son
indépendance, aux activités sportives africaines.

Le Congo est muni d’un cartel de textes afin de mieux structurer son administration sportive (sport et
éducation physique).

141
Les textes suivants trouvent leur existence :

• une (01) loi portant organisation et développement des activités physiques et sportives
• seize (16) lois de finances de 2000 à 2015 ;
• quinze (15) décrets dont :
• Décret n° 84-/581 du 26/6/84/ MEN.CAB rendant obligatoire l’organisation et la pratique de
l'Éducation Physique et des Sports dans tous les cycles d’enseignement en République Populaire
du Congo ;
• Décret n° 92-787 du 29 Août 1992 portant création de l’Institut National de la Jeunesse et des
Sports ;
• Décret n° 2001-460 du 5 septembre 2001 portant organisation et fonctionnement de l’Institut
National de la Jeunesse et des Sports ;
• Décret n° 2001-461 du 5 septembre 2001 fixant le régime des études à l’Institut National de
la Jeunesse et des Sports ;
• Décret n° 2003-195 du 11 Août 2003 portant organisation du ministère des sports et du
redéploiement de la Jeunesse ;
• Décret n° 2005-654 du 09 Décembre 2005 portant institution d’une coupe des départements ;
• Décret n° 2009-399 du 13 Octobre 2009 relatif aux attributions du ministère des sports et de
l’éducation physique ;
• Décret n° 2009-472 du 24 Décembre 2009 portant organisation du ministère des sports et de
l’éducation physique ;
• Décret n° 2010-67 du 29 Janvier 2010 portant attributions et organisation de l’inspection
générale des sports et de l’éducation physique ;
• Décret n° 2010-68 du 29 Janvier 2010 portant attributions et organisation de la direction
générale des sports ;
• Décret n° 2010-69 du 29 Janvier 2010 portant attributions et organisation de la direction
générale de l’éducation physique et des sports scolaires et universitaires ;
• Décret n° 2012-740 du 16 juillet 2010 fixant la catégorisation des équipements sportifs ;
• Décret n° 2013-455 du 23 Août 2013 portant création des équipements sportifs de catégories
A et B ;
• Décret n° 2017-164 du 24 Mai 2017 portant création, attributions et composition du comité de
supervision des jeux nationaux de l’office national des sports scolaires et universitaires, édition
2017.

• cinq (5) arrêtés, notamment :


• Arrêté n° 6547/ MSRJ-CAB-INJS fixant les modalités de l’organisation des concours, des
examens de sortie, des stages de perfectionnement et de recyclage à l’Instituts National de la
Jeunesse et des Sports ;
• Arrêté n° 917/ MSEP-CAB fixant les attributions et organisation des services et des bureaux
de la direction générale des sports ;
• Arrêté n° 11 328/ MSEP-CAB fixant les attributions et l’organisation des équipements sportifs
de la catégorie A ;
• Arrêté no 11 329/ MSEP-CAB fixant les attributions et l’organisation des équipements sportifs
de la catégorie B ;
• Arrêté no 3894/MSEP-CAB fixant l’organisation et le fonctionnement du centre national de
formation de football de Brazzaville ;

• Deux (02) notes de services.


• Note de service no 048/MSEP-CAB fixant la tarification des équipements sportifs du ministère
des sports et de l’éducation physique ;
• Note de service n°1582/MSEP-CAB-DGS-DAS fixant les recettes provenant des différentes
compétitions nationales et internationales.

142
Le plan national de développement (PND) 2012-2016, dans le but de faire du Congo un pays émergent
à l’horizon 2025, préconisait, dans le domaine du sport, la mise en place ou la réhabilitation des
installations sportives dans les communes, chefs-lieux de département, de districts et dans les communes
urbaines, ainsi que la création des écoles spécialisées devant contribuer à la structuration et au
développement de l’élitisme sportif.

Le Ministère des Sports et de l’éducation physique (aujourd’hui appelé Ministère de la Jeunesse, de


l’Education Civique, de la Formation Qualifiante et de l’Emploi en sigle MJECFQE) avait organisé une
table ronde, à la cité de la Concorde à Kintélé, pour l’élaboration du projet de politique nationale de
développement du sport en République du Congo (PNDS). Ce projet avait comme prélude la
clarification conceptuelle de l’éducation physique et sportive (EPS), de sport pour tous et de sport de
haut niveau.

L’on a noté que l’EPS est une discipline d’enseignement. C’est autant dire qu’en rendant obligatoire
l’organisation et la pratique de l’EPS dans tous les cycles de l’enseignement, l’État congolais vise le
sport de haut niveau dont les rudiments s’acquièrent par la jeunesse à partir de la formation scolaire.
Mais quelle est l’histoire de l’organisation juridique du sport et de l’éducation physique et sportive au
Congo Brazzaville ?

1. Les difficultés rencontrées dans le développement du sport et de l’éducation physique au Congo.

Dans un contexte de mutation mondiale du sport vers des secteurs très porteurs en termes économique
(devises et investissements) et social (emplois et démocratisation), comme le spectacle, les loisirs et le
tourisme, il apparaît que les pays d'Afriques francophones (PAF) possèdent des marchés sportifs peu
diversifiés, distinctifs et souvent sans lien avec la logique économique. La faiblesse des revenus des
Africains francophones, qui ne leur suffisent même pas à couvrir leurs besoins essentiels, contribue
également à expliquer la faible consommation de pratiques sportives. Malgré l’obtention de résultats
internationaux probants (athlétisme, football, sports de combat...) et la possession de quelques
équipements de prestige (golf, stade...), la réalité constitutive du sport dans les PAF débouche sur un
« mythe » de développement de ce secteur qui est renforcé par un manque de stratégie managériale dans
les organisations sportives associatives, publiques, voire privées.

1.1. Le manque de stratégie et de gestion managériale dans les organisations

En Afrique francophone, une des conditions nécessaires, mais non suffisantes, au développement du
sport est liée à une meilleure rationalisation des organisations chargées de leur gestion. Mais cette
rationalisation ne semble possible que si les organisations sont dirigées par des responsables qui ont reçu
une formation intégrant les notions de rentabilité, de rendement et de profit, et qui possèdent une culture
sportive, d’entreprise et de relation publique. Rares sont les organisations sportives dans les PAF qui
disposent de ce type de « dirigeant-entrepreneur ».

L’absence de culture, de formation et de stratégie managériale des dirigeants en place, incapables de


communiquer avec le secteur commercial, se répercute à plusieurs niveaux.

1.2. Des Ministères de tutelle sans moyens ni logique managériale

Les Ministères de tutelle chargés du sport dans les PAF apparaissent comme des structures vides de
moyens qui ne permettent pas le développement du sport dans son ensemble. Le budget des Ministères
reflète, en partie, l’importance accordée par les pouvoirs politiques et le « poids » des institutions
sportives dans ces pays. La totalité des fonds destinés au financement du sport (construction
d’infrastructures, subventions aux fédérations, formation des cadres, préparation de l’élite) est d’origine
étatique, la participation des autres agents publics (les collectivités) et privés demeurant peu
significatives dans le sport, sauf dans les activités qualifiées de « riches ». Il apparaît qu’un
développement via le seul sport de performance débouche sur des objectifs culturels erronés et une

143
impasse sportive, économique et sociale. Les enjeux de prestige et l’absence d’environnement
économique suffisant favorisent le maintien de systèmes sportifs nationaux non compétitifs à l’échelon
international et un sous-développement de nombreux secteurs du marché sportif.

1.3. Une pratique sportive à l’école limitée

Le sport scolaire et universitaire est souvent considéré dans les pays dits développés comme le vivier ou
le réservoir du sport civil permettant aux différentes fédérations sportives de recruter leurs athlètes, en
revanche, ce secteur connaît beaucoup de difficultés dans les Pays en Voie de Développement (PVD)
en général et dans les PAF en particulier. En effet, le faible taux de scolarisation dans ces pays ne dépasse
pas 60 % des enfants en âge d’être scolarisés. Il est encore plus faible dans les pays subsahariens avec
seulement 30 à 40 %. Et moins les enfants sont scolarisés, moins ils ont de chance de pratiquer
régulièrement un sport. Et même ceux qui sont scolarisés actuellement n’ont pas tous la possibilité ou
les moyens de faire du sport.

Il est à constater que dans beaucoup de pays africains, l’E.P. S est inexistante à l’école primaire, et même
très peu pratiquée dans le secondaire et à l’université pour des raisons matérielles (manque
d’infrastructure) et humains (faible nombre d’enseignants formés). Ce sous-développement de la
pratique d’E.P.S. dans le secteur scolaire et universitaire se répercute, d’une manière négative, sur le
nombre de licenciés dans le sport fédéral.

1.4. Un parc d’équipements sportifs plus qu’insuffisant

Sur le plan des infrastructures sportives, il y a un sous-équipement général dans les PAF. Un indicateur
provient de l’étude faite par l’UNESCO (Andreff, 2001) qui fait ressortir un sous-équipement des 16
pays les moins avancés, dont le Sénégal, le Bénin et le Congo.

Malgré ce déficit patent en dotation d’infrastructures, pour des raisons politiques et de prestige, tous les
PAF ont au moins un complexe sportif dans la capitale pour accueillir les grandes compétitions
(éliminatoires de la Coupe du Monde et de la Coupe d’Afrique) et permettre à l’élite nationale (du
football et/ou d’athlétisme) de s’entraîner convenablement.

Au Congo de nos jours, après les jeux africains, ce pays s’est doté d’un parc d’équipements sportifs de
haut standing dans tous les douze (12) départements, surtout avec le célèbre complexe sportif de
KINTELE regroupant le stade de foot, les pistes d’athlétismes, les piscines, les gymnases omnisports et
les terrains extérieur de Beach volleyball et autres sports outsider mis sous la responsabilité du
MJECFQE.

En France par contre, le Président de la République a dessiné une cible de trois millions de pratiquants
supplémentaires via le développement de la pratique d’une activité physique et sportive (APS) pour
toutes et tous, et partout, d’ici la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. En effet,
le sport représente un enjeu sociétal qui touche à l’éducation, la santé, la cohésion sociale et l’intégration
ou encore l’aménagement du territoire. Alors que les grands chantiers lancés depuis 2017, avec un
engagement fort à la tête de l’État, ont fixé le cadre d’une politique publique sportive ambitieuse, le
contexte actuel d’une grave crise sanitaire nécessite de réaffirmer les objectifs afin d’éviter un
éloignement durable des Français de l’APS

Aux côtés de l’État, les collectivités territoriales sont un acteur majeur de la politique publique en faveur
du développement sportif et la décentralisation a permis de densifier le maillage territorial des
équipements sportifs. Ainsi, le bloc communal est le premier financeur public du sport et assume 90 à
95 % des dépenses sportives des collectivités territoriales. En 2018, les communes et leurs EPCI sont
propriétaires de 78 % des équipements sportifs bâtis sur le territoire national (soit 272 000 équipements
sportifs).

144
Alors que les équipements sont essentiels pour le développement du sport et ont une incidence directe
sur la qualité des pratiques et leur gestion, le constat actuel est celui d’un investissement insuffisant dans
la rénovation d’un parc vieillissant et la construction de nouveaux équipements sportifs, de fortes
inégalités (sociales et territoriales) dans l’accessibilité à des équipements adaptés alors que les besoins
et attentes des publics se diversifient entre pratique autonome, encadrée ou nouveaux usages.

Enfin, la mise en place d’une nouvelle gouvernance du sport à l’échelle territoriale se structure
progressivement, avec une première expérimentation de son efficacité autour de la réalisation du projet
sportif territorial.

Aussi, M. le Premier ministre Jean CASTEX a confié à M. Belkhir BELHADDAD, député de la


Moselle, une mission visant à accompagner la mise en œuvre du plan d’investissement à hauteur de 200
millions d’euros sur trois ans pour la création ou la requalification de 5 000 équipements sportifs de
proximité, ainsi que l’acquisition d’équipements mobiles, et à entamer plus largement une réflexion sur
l’adéquation de l’offre d’équipements sportifs à l’ambition de devenir une « nation sportive » à l’horizon
des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Dans cette perspective, M. Belkhir BELHADDAD a identifié les objets prioritaires à investir dans le
cadre de sa mission parlementaire, compte tenu des délais contraints impartis, en concentrant son
attention sur les équipements et leur financement par les collectivités territoriales, volet peu étudié dans
le cadre de précédentes missions parlementaires. La mission aborde les équipements structurants et les
petits équipements de proximité en lien avec le plan des 5 000 équipements autour de quatre
problématiques principales. En premier lieu, la question de la mise à disposition et de l’accessibilité des
données est interrogée car centrale comme outil d’aide à la prise de décision, alors que le développement
de la pratique nécessite un changement de paradigme en matière d’équipements sportifs encore mal
répartis, insuffisamment adaptés aux besoins et paradoxalement parfois sous utilisés.

Dans un deuxième temps, la mission s’intéresse au récent lancement du programme « 5 000 équipements
sportifs de proximité » afin de mettre en regard les objectifs ambitieux et novateurs qui lui sont assignés,
les leviers et critères mis en œuvre pour son déploiement et les attentes des acteurs. La communication
et la méthode d’évaluation du projet sont envisagées comme leviers déterminants. À travers un focus
sur les enjeux spécifiques d’accessibilité aux équipements sportifs des maisons sport-santé, la mission
aborde leurs besoins d’équipements sportifs, largement non couverts, ce qui lui permet en troisième lieu
d’identifier des bonnes pratiques sur les territoires pour développer des partenariats innovants entre
collectivités, État, mouvement sportif et acteurs économiques autour des équipements sportifs, en
particulier sur la conception participative des projets, leur portage et le financement partagé.

Dans un quatrième et dernier temps, la mission aborde la nouvelle gouvernance du sport déclinée au
niveau territorial qui sera expérimentée à l’occasion du programme 5000 équipements. A l’issue de son
déploiement, le levier d’une loi de programmation volontariste permettra de nourrir une stratégie adaptée
des équipements sportifs.

1.5. Un marché du sport sous-développé

Force est de constater que le développement du sport dans les PAF s’est souvent réduit à la recherche
de la haute performance aux détriments des pratiques physiques traditionnelles. Mais loin de suivre les
évolutions du modèle français après leur indépendance, ces pays n’ont pas instauré les conditions de
l’essor de ce secteur en direction des équipements sportifs, du sport scolaire et universitaire, du sport
fédéral, du tourisme et des loisirs sportifs, de la formation des cadres.

1.6. Une formation des cadres insuffisante et trop spécialisée

Il faut souligner, avec insistance, que le sous-développement de la pratique sportive est encore pénalisé
par la faiblesse de l’encadrement qui demeure, avec la rareté des équipements sportifs, le point noir du
sport africain francophone. Les cadres, très peu nombreux et ayant reçu pour la plupart une formation

145
technique de base, souffrent souvent d’un manque de recyclage et de perfectionnement, surtout que les
sciences et techniques des activités physiques et sportives évoluent très rapidement. C’est pourquoi
beaucoup de pays africains font appel aux entraîneurs et techniciens étrangers pour s'occuper des
meilleurs clubs du pays et/ou des équipes nationales. Ce manque de qualification provient en fait d’une
absence d’instituts universitaires ou du très faible nombre de centres de formation de cadres de haut
niveau.

Seul, l’Institut Royal marocain, considéré comme l’un des premiers établissements de formation en
Afrique, a formé de 1975 à nos jours plus de 120 cadres étrangers (Mauritanie, Mali, Sénégal, Burkina
Faso, Bénin, Tunisie, Gabon, Côte d’Ivoire, Guinée, Ghana…). Ceci explique également l’envoi de
techniciens à l’étranger pour se former en Europe ou dans d’autres pays en espérant que ces cadres
reviennent plus qualifiés.

Mais c’est encore le mythe du transfert de compétences qui ressurgit car ces techniciens sont confrontés
à des difficultés logistiques et humaines pour adapter les conditions de travail de leurs homologues
étrangers.

Suite à toutes les difficultés précitées, notre recherche va se baser que sur la question du manque de
matériel didactique du sport.

Selon le PND 2018-2022, le développement du sport et de l'éducation physique est considéré comme
point d’ancrage de l’enseignement moral et civique. Mais la somme des difficultés rencontrées ne
favorise pas son développement.

2. Cadre Théorique de notre étude

Au cours de notre recherche, nous adoptons le Management stratégique comme cadre d'analyse du
comportement des acteurs institutionnels, qui ont en charge l’éducation physique et sportive en
République du Congo. Elle s'appuie sur le modèle de Michel CROZIER, 1977 de son ouvrage d’acteur
et le système : l’analyse stratégique du système des organisations.

Crozier et Friedberg, 1977 dans son analyse à travers son livre de l’acteur et le système, fait constater :
« L'Acteur et le système, fondé sur l'analyse stratégique, il se place sur le plan des relations de pouvoir
entre acteurs et des règles implicites qui gouvernent leurs interactions. Les contraintes liées au pouvoir
cohabitent avec une part de liberté qu'il s'agit d'obtenir, de défendre et d'élargir en recourant à la
négociation. Les actions individuelles engendrent une capacité collective propre, irréductible à celle de
chacun des acteurs, de maîtriser les conflits et de se rapporter à un système d'action concret. Il s'agit de
comprendre au sein de ce système le rapport existant entre la rationalité de celui-ci et celle du décideur,
pour passer à la rationalité de l'acteur, dans la perspective d'un changement qui repose plus sur la
définition du problème que sur une intervention concernant les coûts et les avantages, et sur la pertinence
de l'information sous-tendant les choix.

La substance même du changement doit être abordée avec prudence, la fin visée étant de mettre en
œuvre une capacité à tolérer une diversité et une ouverture accrues et à gérer les tensions inévitables, ce
qui doit permettre aux hommes de conquérir des capacités plus étendues. Bien qu'on ait rattaché les
positions théoriques de Crozier au paradigme de l'acteur, sa sociologie reste pour l'essentiel d'inspiration
holiste ».

Grâce à l’analyse stratégique de Crozier et de Friedberg nous essayerons de comprendre le


comportement des décideurs congolais et leur stratégie de gestion managériale dans l’acquisition du
matériel didactique de sport pour les établissements scolaires.

146
3. Problématique

Dans notre étude, nous partons d’un constat simple. En République du Congo, nous constatons qu'il y a
disparition de certaines activités physiques sportives (APS) au sein des établissements scolaires lors des
cours d'éducation physique et sportives (EPS), comme les sports collectifs (football, handball,
volleyball, basketball.) ; lors des examens d'État comme le Brevet d'Étude Premier Cycle (BEPC),
Baccalauréat, et bien d’autres. Dans la programmation des épreuves sportives, nous constatons une
monotonie depuis plus de 10 ans dans le choix de ces épreuves pratiques. Ils sont concentrés autour de
l'athlétisme (course de vitesse, saut en longueur et lancer de poids) et de la gymnastique au sol.

Non seulement il y a inexistence de matériel didactique sportif dans les établissements scolaires, mais
aussi une inexistence d’une politique sportive scolaire d’acquisition du matériel de sport en dépit des
textes existants. Ce qui pose la question de la légitimité d’une discipline comme l’éducation physique
et sportive dans les programmes scolaires dans ce pays d’Afrique centrale.

Apres un inventaire réalisé par la DGEPSSU traduit dans le rapport 2019/2020, il est bel et bien montré
que l’EPS connaît les difficultés qui l’empêchent de jouer pleinement son rôle de matière fondamentale
dans le système éducatif congolais comme nous le précise la loi scolaire. D’où notre question de départ,
dans l'objectif d’une relance de l'éducation physique de qualité en République du Congo.

C'est fort de cet intérêt que nous avons pensé identifier les raisons de ce déficit en matériel didactique,
tenter de remédier à la question et proposer les différentes pistes de solutions.

Notre problématique s’articule autour de la question du manque de stratégie d’acquisition du matériel


didactique de sport adéquate pour la relance d’une EPS de qualité au Congo.

4.1. Définition de certains concepts de base

4.1.1. Stratégie :

La stratégie marketing est un plan d’actions coordonnées mis en œuvre sur le moyen ou long terme par
une entreprise pour atteindre ses objectifs commerciaux et marketing. La stratégie d'acteur dans un
système déterminé est l'ensemble des comportements adoptés par cet acteur afin de préserver ses intérêts
(Crozier et Friedberg, 1977).

Michel Certeau, dans l’invention du Quotidien, définit la stratégie en ces termes : « J’appelle stratégie
le calcul (ou la manipulation) des rapports de forces qui devient possible à partir du moment ou un sujet
de vouloir et de pouvoir (une entreprise, une armée, une cité, une institution scientifique) est isolable. »

4.1.2. Management :

« Le management se définit comme l'ensemble des techniques d'organisation et de gestion pour


conduire, piloter l'action des individus. Selon Maurice Thévenet (2014) : « Le management consiste à
faire en sorte qu'une action collective soit efficace ».
Selon Henry Mintzberg (1989) : « Les processus par lesquels ceux qui ont la responsabilité formelle de
tout ou partie de l'organisation essayent de la diriger ou, du moins, de la guider dans ses activités ».

Selon Fayol, manager renvoie à cinq compétences à savoir


1. Prévoir
2. Organiser
3. Commander
4. Coordonner
5. Contrôler

147
4.1.3. Stratégie managériale :

Desreumaux (1993) définit « La stratégie est l'ensemble des actions spécifiques devant permettre
d'atteindre les buts et objectifs en s'inscrivant dans le cadre de missions et de la politique générale de
l’entreprise »

Selon Alfred Chandler (1962) : « une stratégie consiste à déterminer les objectifs et les buts
fondamentaux à long terme d'une organisation, puis à choisir les modes d'action et d'allocation de
ressources qui lui permettront d'atteindre ces buts, ces objectifs »

Stratégor (6ième édition 2013) : « Elaborer une stratégie c’est choisir les domaines d’activité dans
lesquels l’entreprise entend être présente et allouer les ressources de façon à ce qu’elle s’y maintienne
et s’y développe. » permet d’identifier deux niveaux de stratégie :

• La stratégie de groupe (corporate strategy) : choix du ou des domaines d’activité de l’entreprise,


s’engager dans un secteur plutôt qu’un autre,
• La stratégie concurrentielle (business strategy) : choix des actions et des manœuvres pour avoir un
positionnement permettant de faire face aux concurrents du secteur.

Porter (1982) : « La stratégie de l’entreprise est l’art de construire des avantages concurrentiels
durablement défendables »

4.1.4. De la stratégie B2B : stratégie menée entre entreprises

L'abréviation B to B désigne l'ensemble des activités commerciales nouées entre deux entreprises. Le
terme anglais complet est business to business. Il peut aussi s'écrire également B2B ou B to B. De
manière générale, le B to B concerne tous les moyens utilisés pour mettre en relation ces sociétés et
faciliter les échanges de produits, de services et d'informations entre elles.

4.1.5. De la stratégie B2C : stratégie mener entre entreprise vers des particuliers

4.1.6. Matériel didactique de sport :

Par matériel didactique on entend tout outil réunissant les moyens et les ressources qui facilitent
l’enseignement et l’apprentissage du sport. Ce genre de matériel est très utilisé dans le cadre éducatif
afin de faciliter l’acquisition de concepts, c’est le cas des plots numérotés, balles sportives, kit initiation
au football, au basketball etc.

4.1.7. Éducation physique et sportive :

Elle constitue un ensemble d’exercices physiques, sports propres à favoriser le développement


harmonieux du corps. Elle vise le développement des capacités motrices et la pratique d’activités
physiques, sportives et artistiques (APSA).

Conclusion

Il n’est pas aisé de conclure cette étude sans relever que les principaux enjeux de notre recherche
soulèvent plusieurs défis celui de relancer une pratique sportive au sein d’un écosystème complexe
qu’est celui de l’éducation nationale.

Quelle éducation scolaire au Congo, pour quelle performance demain ?

Cette question principale appelle de nous les observations suivantes :

148
Le Congo n’inscrit pas l’EPS, ni le sport scolaire dans ses priorités éducatives. Nous en voulons pour
preuve l’épineuse question de l’acquisition du matériel didactique destiné à l’enseignement de
l’éducation physique et sportive. L’absence ou je dirais l’insuffisance de crédits alloués dans ce domaine
et les questions de gouvernance éloignent les décideurs congolais de cette politique qui est une politique
publique à part entière. Cette politique se veut être managériale et innovante afin de s’arrimer des
nouvelles tendances.

En France avec les lois sur la Décentralisation depuis Gaston Deferre et Pierre Mauroy, il existe des
CREPS dans la quasi- totalité des 15 régions (Centre de Ressources, d'Expertise et de Performance
Sportive) qui, à l’origine, étaient des instituts de formation d’enseignants en éducation physique et
sportive jusqu’en 1985, et qui sont devenus de nos jours des centres les plus importants pour la
préparation des sportifs de haut niveau et des apprenants en formation professionnelle.

Les CREPS développent en leur sein la Performance sportive par l’optimisation de la performance,
l’accompagnement paralympique, la formation continue des entraîneurs, l’accompagnement socio-
professionnel, l'accompagnement des polistes et structures d'entraînement. Ce qui permet de hisser la
France à un niveau exceptionnel lors des jeux et autres grandes manifestations sportives mondiales.

A côté des CREPS dans les régions, l’Etat français a créé, l’INSEP (L'Institut national du sport, de
l'expertise et de la performance), dont les missions consistent à :

• accompagner et soutenir toutes les fédérations olympiques et paralympiques ;


• construire le réseau « Grand INSEP » avec ses partenaires ;
• poursuivre l’amélioration des conditions de préparation des sportifs sur les fondements du
double projet ;
• renforcer la formation des cadres français du sport de haut niveau.

Au Congo, par contre, le rôle de l’institut national de la jeunesse et des sports doit être revu. Depuis
2016, le chef de l’Etat, dans sa lettre de mission adressé au ministère des sports et de l’éducation
physique, avait instruit cette étude de réforme, en vue d'arrimer cet institut à de nouvelles réformes, à
l’instar de celui du Cameroun, dans l’espace de la Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports
de la francophonie (Confejes), qui a des formations du personnel capable de rénover la politique du sport
scolaire au Congo.

Aussi, dans ses projets que le ministère des sports réfléchit avec d’autres partenaires des enseignements,
de redorer l’image de l’INRAP dans ses missions régaliennes afin de lui donner de la notoriété attendue
par tous.

Toutes nos hypothèses seront certainement vérifiables dans la suite de notre étude stratégique. Mais le
fait que certains de nos interviewés ont adhéré à nos propositions, nous allons approfondir notre enquête
avec les entreprises pour la mise en œuvre de la question de stratégie et gestion d’acquisition du matériel
didactique du sport dans les établissements scolaires, pour une relance de l’EPS et du Sport Scolaire.

Nous pouvons aussi dire que le bras économique, en ne s’impliquant pas dans le financement des projets
scolaires, handicape aussi ce secteur, alors qu’à travers la RSE, les accords de coopérations, les accords
de partenariats publics privés cette lourde charge se verra être allégée.

Nous souhaitons, avec cette recherche, contribuer à la relance du sport scolaire et à l’enseignement de
l’EPS au Congo. Comme nous pouvons le conclure, l’avenir du sport scolaire au Congo est à la croisée
des chemins, soit les autorités politico- administratives prennent les bonnes décisions, soit cette
discipline d’enseignement disparaitra.

149
Bibliographie

1) Rapport de la Direction Générale de l’Education Physique du Sport Scolaire et Universitaire (DGEPSSU),


année scolaire 2019-2020 ;
2) Politique Nationale de Développement et du Sport, éd. 2020, p.12-14 ;
3) Unesco (2005) : Rapport de l’état des lieux des structures de formation des enseignants d’EPS d’Afrique
Subsaharienne ;
4) Rapport du Ministère des sports et de l’éducation physique EPS), 2010 : symposium sur la relance et la
dynamisation de l’enseignement de l’EPS et le Sport Scolaire au Congo Brazzaville ;
5) RGPD, 2007

Textes administratifs

1) la loi scolaire n°25-95 du 17 novembre 1995, modifiant la loi scolaire n°008/90 du 06 septembre 1990 et
portant réorganisation du système éducatif en République du Congo ;
2) loi 12-2000 du 31 juillet 2000, portant création d’un fonds national pour la promotion et le développement
des Activités Physiques et Sportives ;
3) La circulaire n°00069/HCJS-DS-4 du 13 janvier 1970 (instructions officielles à l’usage des personnels
enseignants de l’EPS) ;
4) Circulaire n°3310/MJS-DJS- du 03 décembre 1968, portant organisation de l’enseignement de l’EPS au
sein des établissements scolaires ;
5) Décret n° 84-/581 du 26/6/84/ MEN.CAB rendant obligatoire l’organisation et la pratique de l'Éducation
Physique et des Sports dans tous les cycles d’enseignement en République Populaire du Congo ;
6) Décret 2018-400 du 16 octobre 2018, fixant l’organisation et le fonctionnement du comité de gestion du
Fonds National pour la Promotion et le Développement des Activités Physique et Sportive ;
7) Arrêté n°3904/MSEP-CAB du 04 Mars 2019 fixant les attributions et l’organisation des services et des
bureaux de la Direction du Fonds National pour la Promotion et le Développement des Activités Physique
et Sportive ;
8) Arrêté n°15 989/MSEP-CAB du 10 Septembre 2019, portant nomination des membres du comité de gestion
du Fonds National pour la promotion et le développement des Activités Physique et Sportive ;
9) Note de service n°1009/MEN-CAB-DGAS-DPAA-SAA du 16 septembre 1981, portant règlement intérieur
des établissements scolaires
10) Décret n°92-787 du 29 aout 1992 portant création de l’INJS ;
11) Décret n°2001-460 du 05 septembre 2001, portant organisation et fonctionnement de l’INJS ;
12) Décret n°2001-461 du 05 septembre 2001 fixant le régime des études à l’INJS ;
13) Décret n° 2013-455 du 23 Août 2013 portant création des équipements sportifs de catégories A et B
14) · La circulaire n°3310 MJS-DJS/5 du 03 décembre 1968 portant organisation de l’enseignement de l’EPS
au sein des établissements scolaires
15) Arrêté n°11 328/MSEP-CAB. - du 21 juillet 2014 fixant les attributions et l’organisation des équipements
sportifs de la catégorie A
16) Arrêté n°11 329 /MSEP-CAB. - 21 Juillet 2014 fixant les attributions et l’organisation des équipements
sportifs de la catégorie B
17) Décret n°2013-455 du 23 Aout 2013 portant création des équipements sportifs de catégorie A et B
18) Arrêté n°1244/MJS-CBA du 30 décembre 1982, modifiant les dispositions de l’arrêté n°4408/PR-DJ.2
du 29 Novembre 1968 précisant l’articulation entre le Ministère de la Jeunesse et des sports et le Ministère
de l’éducation Nationale ;
19) Décret n°2003-195 du 11 Aout 2003, portant organisation du Ministère des Sports et de l’Education
Physique ;
20) Décret N°2009-472 du 24 décembre 2009, portant réorganisation du Ministère des Sports et de
l’Education Physique ;
21) Décret n° 2009-399 du 13 octobre 2009, relatif aux attributions du Ministère des Sports et de l’Education
Physique ;
22) Décret n°2010-67 du 29 janvier 2010 portant organisation de l’Inspection Général des Sports et de
l’Education Physique ;
23) Décret n°2010-68 du 29 janvier 2010, portant attributions et organisations de la Direction Générale Sports
;
24) Décret n°2010-69 du 29 janvier 2010, portant attributions et organisations de la Direction Générale de
l’Education Physique des Sports scolaire et universitaire ;
25) Décret 2012-740 du 16 juillet 2010, fixant la catégorisation des équipements sportifs ;

150
26) Décret n°2017-164 du 24 mai 2017, portant création, attribution et composition du comité de supervision
des jeux Nationaux de l’ONSSU, ed. 2017 ;
27) Arrêté n°6547/MSRJ-CBA-INJS fixant les modalités de l’organisation des concours, des examens de
sortie, de stage de perfectionnements et de recyclage à l’INJS ;
28) Arrêté n°917/MSEP-CAB fixant les attributions et organisations des services et des bureaux de la
Direction Générale des Sports ;
29) Note de service n°1582/MSEP-CAB-DGS fixant les recettes provenant des compétitions sportives
nationales et internationales.
NB : tous les textes sont publiés au journal officiel de la République du Congo, vérifiable sur le site :
https://www.sgg.cg/fr/journal-officiel/le-journal-officiel.html

Articles

1) Patrick Bouchet et Mohammed Kaach: 2004/3 no 65 | pages 7 à 26 ISSN 0247-106X: existe-t-il un


« modèle sportif » dans les pays africains francophones?
2) Crozier et Friedberg, 1977 : acteur et le système ; analyse stratégique dans la sociologie des organisations
3) Crozier et Friedberg, 2009 : acteur et le système ; analyse stratégique dans la sociologie des organisations ;
4) Andreff, 2001 :

Thèse et mémoire
1) Sarr, 1987 : Etude de l’influence des infrastructures et matériel sportif sur la performance

Sites

1) Mays et Pope, 1995, p. 43) : Étude qualitative : définition, techniques, étapes et analyse,
https://www.scribbr.fr/methodologie/etude-qualitative/
2) https://www.adiac-congo.com/content/sportissimo-la-politique-nationale-de-developpement-du-sport-a u-
Congo-toujours-en-attente
3) https://www.sgg.cg/fr/journal-officiel/le-journal-officiel.html
4) .http://www.education.gouv.fr/cid95812/au-bo-special-du-26-novembre-2015-programmes-d-
enseignement-de-l-ecole-elementaire-et-du-college.html
5) https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/284251.pdf
6) Cf. ANDES, avis au projet de loi de finances pour 2019, 2018 (précité)
7) http://www.sietmanagement.fr/analyse-strategique-desjeusd’acteurs-zone d’incertitudes-et-systeme-
concret-m-crozier/
8) https://www.scribbr.fr/methodologie/entretien-recherche/
9) https://www.journaldunet.fr/business/dictionnaire-economique-et-financier, Culturel et naturel.

151
L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE A LA CROISEE DES MONDES
UNE APPROCHE PHILOSOPHIQUE ET ETHIQUE

Bruno ROUSSEL
Université Toulouse III - Paul Sabatier
France

bruno.roussel@univ-tlse3.fr

Claudia SAPTA
Association ROSACE
France

claudia.sapta@gmail.com

Cédric TEYSSIE
Université Toulouse III - Paul Sabatier
France

cedric.teyssie@irit.fr

Laboratoire IRIT - Équipe de recherche : SIERA – UMR5505

Résumé

Dans cet article à croisée pluridisciplinaire, nous nous proposons d’analyser comment l’intelligence artificielle
(IA) influence notre rapport au monde et plus particulièrement nos façons d’apprendre.
Nos expériences conjointes dans l’enseignement supérieur nous amènent à souligner les conséquences et les
limites de l’IA qui, insidieusement prend de plus en plus place dans nos vies et pratiques professionnelles.
Quel est le but de l’éducation et pourquoi cet engouement pour l’IA au point qu’elle soit réellement devenue un
acteur de l’éducation ?
Pour aller plus loin, nous questionnerons en quoi l’IA diffère-t-elle de l’intelligence globale ?
Quelle sera la place de l’intelligence, telle que nous l’avions définie pendant plus d’un siècle ? Comment pouvons-
nous envisager le renversement de paradigme « homme augmenté » versus « être humain » sans risquer une
rupture totale avec notre histoire millénaire ?
Partant du fait que l’une de caractéristiques essentielles de l’IA est sa capacité à « raisonner » et à prendre des
décisions sur la base des données qu’elle a intégrées, nous nous interrogeons sur les dérives potentielles de cette
technologie qui nous est d’ores et déjà imposée et cela, en soulignant les différentes typologies de risques quant à
la protection de la vie privée, de la sécurité et de l’éthique.

Mots clés : intelligence, philosophie de l’éducation, intelligence artificielle (IA), risques, éthique

Abstract

In this interdisciplinary article, we propose to analyze how artificial intelligence (AI) influences our relationship
with the world and more specifically our ways of learning. Our combined experiences in higher education lead us
to emphasize the consequences and limitations of AI, which insidiously takes up more and more space in our lives
and professional practices.

What is the purpose of education and why this enthusiasm for AI to the point where it has truly become an actor
in education? To go further, we will question how AI differs from overall intelligence. What will be the role of

152
intelligence, as we have defined it for more than a century? How can we envision the paradigm shift from
"enhanced human" versus "human being" without risking a total rupture with our millennial history?

Considering that one of the essential characteristics of AI is its ability to "reason" and make decisions based on
the data it has integrated, we question the potential pitfalls of this technology that is already being imposed on us,
highlighting the different types of risks regarding privacy protection, security, and ethics.

Keywords : intelligence, philosophy of education, artificial intelligence (AI), risks, ethics

Préambule : Cette étude n’a pas été produite à l’aide d’une intelligence artificielle. Merci pour votre
compréhension !

Introduction

Il y aurait donc peut-être un nouvel impératif catégorique qui s’imposerait à tout citoyen : celui de
comprendre les enjeux de cette société numérique, au prix d’une autopsie minutieuse, technique et
politique, de ce que l’on appelle « l’IA ».
Yannick Meneceur, 2020

A l’heure actuelle, les études montrant les applications et l’intérêt de l’IA sont plus nombreuses que les
études à vocation critique et éthique de ladite technologie (O. Zawacki-Richter et al., 2019). D’où la
nécessite d’entamer une réflexion cohérente sur le cadre applicatif, les enjeux et l’avenir des systèmes
d’intelligence artificielle (SIA).

Pour notre part, cette réflexion prendra en compte :

• La croisée disciplinaire (philosophie des sciences, sciences de la communication et de


l’information)
• L’articulation des usages d’un point de vue sémantique et éthique.
• Le cas particulier de l’enseignement supérieur

Cette réflexion nous amènera au questionnement suivant : quelle est la nature de l’IA et selon quels
mécanismes opère-t-elle ? Peut-on parler d’éthique lorsque nous faisons référence à l’IA et plus
largement aux systèmes d’intelligence artificielle (SIA) ?

Si l’éthique est exclue du champ des possibilités d’action de l’IA, quels risques courons-nous ?

1. Définition de l’IA

Un premier élément nous permettant de cerner le concept d’intelligence artificielle vise le


développement progressif des ordinateurs et des machines capables de raisonner à l’instar des humains.

L’adjectif « artificielle » suffit pour attirer notre attention comme étant quelque chose relevant de
l’artéfact, de la création, bref, de quelque chose qui est rajouté dans un but précis par des moyens
techniques permettant la réalisation effective.

Le dictionnaire « Le Robert » définit l’IA comme étant un ensemble des théories et des techniques
développant des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de
l'intelligence humaine (raisonnement, apprentissage…).

153
Cette première définition est suivie d’un complément explicatif : « Intelligence artificielle
générative », capable, à partir de grands volumes de données (textes, sons, images…), de dégager des
modèles et d'en générer de nouveaux, ou d'améliorer les modèles existants.

Ces définitions nous renseignent sur plusieurs aspects. Ainsi nous retenons les notions de
« programmation », « simulation », « traitement », « données », « modèles », « complexité »,
« apprentissage ».

La nature même de ces concepts touche aux domaines croisés de la philosophie, de la science et des
techno-sciences et renvoie à un questionnement fondamental du paradigme de l’apprentissage :
Comment apprenons-nous ? Comment se construit le savoir ? Comment l’intelligence ou les
intelligences opèrent dans ce processus ? En quoi la technique change notre perception du monde ? et
enfin, quelle est la place de l’humain dans le monde des ordinateurs ?

A titre général, nous pouvons appréhender le processus d’apprentissage selon plusieurs critères :

• Biologiques
• Socio-économiques
• Culturels

Ces facteurs se révèlent indispensables dans la construction et l’évolution d’un savoir.

Par conséquent, lorsque nous parlons de processus d’apprentissage, nous faisons référence à des
mécanismes et des processus de raisonnement. Opérations intellectuelles, acquis, automatismes
structurant ce que nous appelons communément « intelligence » viennent compléter ce tableau.

Nous retrouvons ces mêmes critères dans la programmation de la machine à utiliser des données
complexes, à l’entraînement de certaines capacités, respectivement à la simulation jusqu’à
l’identification avec l’intelligence humaine, à une différence toutefois : la machine n’est pas libre
d’apprendre. On lui apprend ce qu’elle doit apprendre.

Ainsi, si nous résumons l’intelligence humaine comme étant sensibilité et raison, le terme d’intelligence
pour une machine (robot) perd progressivement de son envergure jusqu’à devenir complètement
inadapté voire, malencontreusement employé.

Nous voilà face à deux types d’intelligence dont un relevant du simulacre, non seulement opposés mais
difficilement comparables, de surcroît en confrontation belligérante.

L. Alexandre attirait notre attention que « dans cette guerre, c’est la bêtise crasse de l’IA et non pas sa
subtilité qui constitue paradoxalement le meilleur allié des géants du numérique ». (L. Alexandre, 2019)

L’humain restera-t-il en capacité à affronter ce terrible défi ou succombera-t-il à l’intelligence


dominatrice et restrictive d’un petit nombre d’humains aux ambitions transhumanistes, pour lesquels
« la loi de Moore1 est l’échelle de Jacob qui nous permettra non pas de nous rapprocher de Dieu, mais
de prendre sa place » ? (L. Alexandre, 2019)

1
Les lois de Moore sont des lois empiriques qui ont trait à l'évolution de la puissance de calcul des ordinateurs et
de la complexité du matériel informatique.

154
2. Interférences conceptuelles

Avec l’IA nous avons la parfaite illustration de ce qui peut signifier un certain cheminement, dont le
début pourrait constituer en l’approche1 très en vogue à partir des années 70 et cela jusqu’au début du
3ème millénaire. Il s’agit bien évidemment du « village planétaire » ou « village global ». (M. McLuhan,
1967).

Pour notre part, la prolongation du questionnement du village planétaire intègre trois dimensions, à
savoir, le temps, l’espace et le savoir. L’analyse de ces éléments renvoie à l’acte d’apprendre en tenant
compte de la nouvelle donne planétaire, l’IA. Dans ces conditions, l’IA évolue à la manière d’un acteur
sur la scène du cyberespace qui n’est autre que le « premier territoire privatisé qui appartient aux géants
du numérique ». (L. Alexandre, 2019)

2.1. L’espace

L’espace se rétrécit à l’instar de l’intelligence. Des études2 montrent qu’en ce 3ème millénaire le niveau
intellectuel des humains est en régression (B. Bratsberg et O. Rogeberg, 2018). Les limites et
ramifications de celui-ci (de celle-ci ?) se voient réduites, simplifiées, uniformisées jusqu’à courir un
périmètre donné, avec une représentation donnée, des règles et des normes d’indifférenciation. Ces
normes peuvent constituer les nouvelles « valeurs » (des non-valeurs, des contre-valeurs), les besoins
clairement identifiés et développés dans une aspiration programmée vers « le meilleur des mondes »,
sans pouvoir y échapper et encore moins riposter.

2.2. Le temps

Nous pouvons constater que le temps perd peu à peu sa représentativité, car des besoins prédéfinis, des
motivations hic et nunc gouverneront comme allant de soi, gommant toute tentative d’intelligence
projective qu’elle soit tournée vers le passé ou l’avenir. Ce temps sera-t-il le temps de la représentation
visible et non plus imaginée, du vécu basique sans ancrage ni envergure consciente destinée à parer les
faiblesses de l’humain ?

2.3. Le savoir

La principale caractéristique du savoir réside dans l’attitude manifeste de la personne humaine de


connaître, réfléchir, sentir, s’émerveiller, découvrir, se laisser surprendre ou manifester un intérêt pour
un sujet.

« La connaissance correspond à une imbrication complexe faite d'états, de dispositions et de


perceptions qui peuvent être amplifiées et soutenues par des éléments comme l'attention, la
connaissance préalable de certains faits ayant trait au sujet, la capacité d'interrogation, de la
perspective de pensée de l'émetteur et la réception du message ». (C. Sapta, 2016)

L’être humain apprend ou devrait apprendre à connaître et à sentir avec son cerveau et son corps entier.
Dans l’acte d’apprendre et de transformation de la connaissance, l’intelligence de l’être humain ne peut
tout simplement pas être remplacée. Cognition, intelligence sensible et affective, limite et portée des
émotions constituent le soubassement propre à tout acte de transformation de la connaissance et de son
intégration dans la perspective plus globale de l’être. Or, de nos jours une nouvelle structuration-

1
Cette approche marquait un revirement inédit dans la conception systémique de notre environnement proche et
cela en faisant référence à des technologies et techniques de communication de masse. Marchant dans la
philosophie d’un Jacques Ellul, Marshall McLuhan qui était philosophe et sociologue, avait senti que la
technologie allait prendre le pas sur nos vies.
2
Parmi ces études menées par les chercheurs norvégiens Bernt Bratsberg et Ole Rogeberg, nous mentionnons celle
portant le nom « Effet Flynn ».

155
délimitation du corps, corps apprenant est en train s’opérer, « Nos corps se voient numérisés, risquent
d’être réduits à l’état de signal ». (P.-A. Chardel, 2023)

C’est pourquoi nous insistons sur la profondeur de l’acte de connaître amplifiée par celle du savoir. La
machine ne sait pas, il lui est impossible de savoir. Elle ne fait que reproduire ce qu’elle a emmagasiné,
ce dont on l’a nourri en quantité (données brutes, textes, images …). Elle ne peut pas interroger la
perspective de la pensée.

Ce qui en découle de cet état de fait renvoie au besoin urgent d’apprendre : apprendre à comprendre les
enjeux de cette nouvelle culture en contreculture et non seulement se contenter de cet émerveillement
béat devant la prouesse de l’IA.

Ce nouvel apprentissage ouvre le questionnement de l’éthique du numérique, ce à quoi nous essayons


de répondre en y regardant de plus près ce qu’est réellement l’IA.

2. Approche critique de l’IA

2.1. Exemples d’IA

Les quelques exemples d’IA que nous allons citer font référence à l’accroissement des performances de
la machine dans un grand nombre d’applications ayant trait au traitement du langage, à la reconnaissance
d’images et à la robotique.

Depuis peu, les termes à l’allure d’acronymes (Métaverse, Chatbot ou agent conversationnel, Chat GPT,
Dall-e, Open AI, Dreambooth) s’imposent en nous entraînant, par omission voire par action, dans la
turbulence du meilleur des mondes. Un grand nombre se sent dépassé par ce nouveau langage dont nous
ne maîtrisons pas les grandes routes et encore moins les sentiers. Frustrés presque honteux, nous
essayons de glaner des informations afin de parfaire notre culture numérique. Malheureusement, celles-
ci s’avèrent le plus clair du temps erronées ou donnent une vision édulcorée de l’intérêt des techno-
sciences dans notre vie courante et nos apprentissages : « l’IA est le plus souvent vue comme un ensemble
de technologies pouvant produire de nombreux bénéfices, notamment en termes de performance,
optimisation de processus internes, rapidité d’exécution de tâches, accroissement de la productivité, et
parfois en termes de facilitation du travail voire de réduction de la pénibilité en permettant
l’automatisation des tâches fastidieuses ou répétitives». (M. Zouinar, 2020)

Complètement submergés par les diverses applications dont les robots intelligents placés ici et là sur le
net et dans nos vies, nous ne risquons plus ni la défiance, ni la connaissance mais bien la
méconnaissance.

2.2. Chat GPT

Le terme GPT (General Purpose Technologies) définit une rupture technologique majeure qui a de larges
conséquences sur la société.

Chat GPT a été créé par la société Open IA 1. Plus qu’un chatbot, sa naissance marque le début d’une
nouvelle ère, car son ambition est démesurée. Il peut être téléchargé sur Google Play store et finalement
utilisé par tout le monde pour écrire un article, un livre, corriger l’orthographe, opérer une traduction ou
une aide conseil d’embauche, par exemple bref, manipuler à loisir du contenu texte-image.

1
Organisation non gouvernementale fondée en 2015 par Elon Musk (Tesla, SpaceX) et Sam Altman (Y
Combinator), qui y ont investi 1 milliard de dollars et dont le principal but est la recherche dans le domaine de
l’IA.

156
Nous rappelons que ce type d’IA traduit d’une manière totalement révolutionnaire la logique à laquelle
on était déjà habitué : besoin impliquant des solutions vers des solutions tout faites induisant des besoins.
La véritable nouveauté traduit la rupture technologique du type paradigme d’apprentissage. Dès le
moment où le numérique est partout, nos habitudes changent, celles d’apprendre également. En misant
sur la facilité, sur les solutions toute faites, nous sommes dispensés de fatiguer notre cerveau.

Toute la problématique consiste à identifier nos véritables besoins mais, pour cela, il nous faut utiliser
notre cerveau, or l’IA s’emploie justement à détruire ce bastion en nous tenant par la main et en nous
obligeant d’avancer les yeux fermés. Vivre en état de rêve quasi permanent peut sembler étrange et
cependant constitue le Rêve de beaucoup.

2.3. Dreambooth

Dreambooth est un modèle de type open source qui a été développé par Google en collaboration avec
des chercheurs de l’Université de Boston en 2022. La particularité de ce modèle réside dans la capacité
de créer et d’affiner des images déjà diffusées. Son utilisation la plus fréquente conforte la possibilité
de générer de nouvelles images de personnes humaines à partir de photos existantes. Les risques
encourus avec ce modèle sont bien réels : la dépossession du corps humain, entendons par cela sa
réduction à l’état de signal, l’identification par la reconnaissance visuelle et textuelle, voire la
manipulation à souhait de l’être humain devenu une image, donc du matériel technologique, donc de
l’IA.

Le glissement sémantique est discret, nous passons de l’être humain avec son intelligence, ses
particularités et sa profonde unicité au modèle qui peut être démultiplié à l’infini grâce aux algorithmes
d’IA. Nous finissons par évoquer probablement ce qui n’est pas le moindre risque, à savoir la disparition
à terme du métier de photographe.

2.4. IAG, une intelligence artificielle forte

Les ambitions de Sam Altman, PDG de l’organisation Open IA font que cette technologie est envisagée
afin de pallier l’intelligence dite « moyenne » de l’être humain. Selon lui, l’IAG fait référence à une
forme d’intelligence qui serait presque impossible à distinguer de celle de l’humain. Le fonctionnement
même de cette structure dit long sur l’éthique de la recherche et la marchandisation de l’humain. Bien
évidemment, à terme, le risque majeur coïncidera avec la disparition d’un bon nombre d’emplois tout
en œuvrant activement et fébrilement à l’effritement de notre morale et à l’accroissement des inégalités
sociales et culturelles.

Selon Geoffrey Hinton1, considéré comme l’un des pères fondateurs de l’IA, celle-ci a la capacité de
créer de fausses images et de faux textes convaincants, créant ainsi un monde où les gens « ne seront
plus en mesure de savoir ce qui est vrai ». (G. Hinton, 2023)

3. Que risquons-nous avec l’IA ?

L’impact de l’IA est incroyablement difficile à modéliser.


L. Alexandre, 2019

Nous avons compris que l’IA est une technologie. Soulignons le fait que lorsque nous parlons d’une
technologie, nous devons comprendre qu’il faut impérativement dissocier logique de conception (avec
ses représentations, ses normes et ses valeurs) et logique d’usages (utilisation imposée, au libre choix,
nécessaire, etc…).

1
https://www.lefigaro.fr/conjoncture/intelligence-artificielle-l-un-des-peres-fondateurs-alerte-sur-les-dangers-de-
cette-technologie-20230502

157
Plusieurs chercheurs soulignent la confiance parfois aveugle que l’usager fait à l’IA. (P-A. Chardel,
2023, J. Domenicucci, 2018). Aujourd’hui, il est plus que nécessaire de dépasser cette phase de la
confiance dépourvue de connaissance afin de pouvoir situer les limites de nos actions ayant trait au
numérique. Il est évident qu’un risque subsiste dans la mesure où les enseignants et les étudiants ne
cernent pas toujours ce territoire à l’intérieur duquel ils naviguent à vue et cela en fonction de leurs
intérêts et compétences réelles : « En réponse aux prescriptions des technologies, les individus réels y
souscrivent à des degrés divers dans la limite des contraintes techniques imposées et de leur compétence
à les adapter en fonction de leurs besoins et aspirations » (S. Collin et E. Marceau, 2023).

3.1. Premier risque

Cette technologie est conçue dans un but éminemment économique ; soyons plus précis, dans un but de
domination économique. La seule logique qui prévaut est donc celle économique. Faire rentrer l’IA dans
nos vies coûte que coûte.

3.2. Second risque

L’IA renforce la fragilisation psychologique, la solitude et la fuite vers une réalité virtuelle moins
décevante. L’une des conséquences de la crise sanitaire de 2020-2022 a été le fort développement du
sentiment de solitude doublé de la perte du sentiment d’appartenance. Les chiffres de l’anxiété traduite
par le manque réel des contacts humains, enregistrée lors des confinements de 2020, sont en ce sens fort
inquiétants. Une enquête menée en 2022 auprès de nos étudiants de L3 et Master a montré que 70 %
d’entre eux ont été obligés de revoir leur manière de travailler, d’étudier et de socialiser en favorisant le
numérique (cours en ligne, télétravail, réseaux sociaux, ….) sans réelle possibilité d’un retour en arrière 1.
Dans la mesure où la société entière renvoie l’image de la performance grâce à une super-technologie,
il est évident que la nature humaine, par définition fragile et en besoin constant d’accomplissement, se
voit de plus en plus menacée. Les jeunes risquent de payer le prix fort.

3.3. Troisième risque

Avec la généralisation de l’IA, nous risquons le conditionnement. L’IA nous conditionne, nous agence
(du verbe agencer 2 ), nous contrôle, nous limite, nous rétrécit, nous programme. En acceptant sans
conditions l’IA, nous risquons fort. Ces risques vont d’un contrôle de notre vie privée, jusqu’à nos lieux
de travail et d’apprentissage. Agissant pour notre compte, par l’action de « bien » d’une poignée de
géants, l’IA nous dépossède du savoir, savoir écrire, entamer une conversation logique, saisir les aléas
d’un raisonnement. A terme, elle peut nous priver de la parole, cette parole qui est véritablement le
propre de l’être humain et reflet de son intelligence. Un être humain privé de la parole qui nourrit et fait
grandir, se retrouve transformé techniquement et scientifiquement dans un espace qui ne lui appartient
plus, aux confins d’un temps qui s’accélère jusqu’u vertige. Sa transformation va de pair avec son
recyclage au même titre que les matériaux obsolètes. L’humain sera reconditionné au point de devenir
augmenté. Cela nous pose un problème ?

3.4. Quatrième risque

La logique de l’IA induit forcément l’hybridation de la vie. Il n’y a presque plus de frontières entre le
réel et le virtuel. Ces deux territoires qui, jusqu’à il y a encore une dizaine d’années, pouvaient être
distingués, se retrouvent dans un rapport glissant, impossible à cerner et encore moins à étudier ; les
voilà prêts à se faire engloutir si ce n’est pas déjà le cas, submergés par les eaux troubles d’une
conscience en état quasi permanent de non-conscience.

1
Les causes de ce non-revirement feront l’objet d’une prochaine étude et publication.
2
N’oublions pas qu’en langue française la philosophie du management a pour habitude d’employer le terme agent
pour désigner l’employé, le collaborateur, le fonctionnaire public. Agent, mot dérivé du verbe agencer qui veut
dire structurer, organiser, territorialiser, hiérarchiser, limiter, conditionner. Un agent, on s’en doute bien, a peu de
marge de manœuvre. Il est cantonné à un territoire.

158
4. L’IA et l’enseignement supérieur

La vocation de l’Université réside dans la poursuite de l’idéal scientifique en faisant preuve d’originalité,
d’authenticité et surtout de l’indispensable faire référence. Cette référence aux sources de la
connaissance est indispensable, que ce soit dans le déroulé d’un cours, d’un travail de recherche
collaboratif ou l’expression d’une idée originale à travers l’écriture d’une thèse de doctorat ou d’un livre.
Elle balise le cadre de la recherche, structure l’action, identifie moyens et projets, bref, donne cette
envergure éthique, garante à la fois d’une qualité et d’une probité sans lesquelles l’université
disparaîtrait tout simplement.

Pour Humbold, la vocation de l’Université est bien celle de la formation d’une attitude de recherche.
(A. Von Humbold, 1810). E. Morin évoque « la double fonction paradoxale de l’Université : s’adapter
à la modernité scientifique et l’intégrer, répondre aux besoins fondamentaux de la formation, fournir
des enseignants pour les nouvelles professions, mais aussi et surtout fournir un enseignement méta-
professionnel, méta-technique c’est-à-dire une culture ». (E. Morin, 1999)

En tout et pour tout, l’Université ne peut pas fonctionner sans l’esprit d’une conscience garante des
orientations que la science prend ou risque de perdre à tout instant ; l’impératif « science sans conscience
n’est que ruine de l’âme » sonne toujours aussi juste que du temps de notre vieux Montaigne.

Déjà la numérisation d’un bon nombre de textes et articles faisait polémique quant à la facilité d’éluder
les sources et les véritables auteurs, les étudiants se cantonnant le plus souvent à une reprise grossière
de contenus par le biais de copier-coller.

L’arrivée du « chat GPT » soulève des nouveaux questionnements quant à la production de contenu. Ce
contenu généré par une intelligence artificielle pourra, peut déjà, très bien se passer de l’intelligence de
l’humain.

La question qui se pose sera donc : dans ces conditions, que deviendront l’intelligence humaine et la
culture millénaire, en passant par les milliards de pages écrites, voire l’ensemble de moyens d’expression
de notre identité ? L’homme augmenté aura-t-il besoin de ce savoir ou se contentera-t-il d’un nouvel
agencement d’où la réflexion agissante sera de trop ?

5. Le cadre de nos actions

How with this rage shall beauty hold a plea,


Whose action is no stronger than a flower ?1
Shakespeare

Au-delà de la diversité de nos approches, le principal but de nos enseignements est de relier le processus
et les acteurs grâce à l’éthique.

Dans la mesure où la conception pédagogique renvoie à la didactique (didactique professionnelle


inclus), la partie d’ingénierie de la formation, voire de réingénierie est extrêmement importante. C’est
ainsi que nous avons réinterprété notre méthodologie PAE2 en partant du postulat suivant : les étudiants
vivent avec le numérique, la société entière vit avec le numérique sans forcément connaître les principes
de base. Les nouvelles générations sont confrontées dès le berceau à l’écran. On se sert de l’outil sans

1
« Comment contre cette rage la beauté pourra-t-elle plaider,
Elle qui n’a pas plus de pouvoir qu’une fleur ? » (traduction de Daria Olivier)
2
PAE : acronyme de Processus, Acteurs, Ethique constituant le propre d’une démarche de réingénierie de
formation.

159
prise de conscience parce que l’on vit dans l’air du temps et le temps actuel c’est tout cela, en un mot,
des clics, de la vitesse (connexion, 4G, 5G), de l’insatisfaction, des milliards de données stockées
quelque part, de l’IA alimentée par chacun d’entre nous. En résumé, nous sommes confrontés pour la
première fois depuis l’histoire de l’humanité à une culture « généralisée en cours de route » dont les
bases n’ont pas été « posées, pesées, enseignées » au titre d’enseignements fondamentaux1.

Il ne s’agit pas seulement d’une discipline, mais d’une approche transversale de type culture numérique.
A l’intérieur de celle-ci le tissage comporte les fils travaillés, imbriqués et visibles :

• Logique du processus de management et création de valeur : conception, données, usages et


usagers
• Pratique d’une approche de qualité et de l’audit des différents processus (recherche, recherche
appliquée, management des organisations, développement de produits)
• Éthique appréhendée sous l’angle des enjeux éthiques et de l’acquisition de compétences
éthiques

Le développement des SIA entraîne des réflexions sur la nature de l’intelligence humaine. Mieux que
cela, si nous devions paraphraser Y. Meneceur, nous nous retrouvons devant un nouvel impératif
catégorique.

Au moment même où le rapport publié par BCG2 montre que :

• Les gains de performance dus à l’utilisation de l’IA générative sont significatifs dans le domaine
de la création,
• Le recours à la technologie pour des tâches de résolution de problèmes business plus complexes
n’améliore pas la performance professionnelle, au contraire
• L’utilisation de l’IA générative tend à homogénéiser les idées développées par les salariés
• Le recours à la technologie réduit considérablement la variance des performances

Il est aisé de comprendre que nous nous devons nous interroger sur la double nature, scientifique et
éthique de l’IA. Il en est de notre survie, de notre parole, de notre identité.

6. L’IA et les nouvelles compétences

Dans le champ de la science, nous assistons aujourd’hui à un déplacement sémantique de taille. Le


concept de science s’est vu progressivement remplacé par celui de technologie pour finir à une
hybridation du type technosciences regroupant les nanotechnologies, les biotechnologies, l’informatique
et les sciences cognitives, autrement appelée NBIC.

Il est donc fondamental de pouvoir saisir les enjeux et les limites de ces technosciences, tout comme les
aspirations prométhéennes de certains dirigeants de grands groupes faisant l’apologie et la promotion
du « meilleur des mondes » dont la technique sera là pour nous apporter la solution. L’étudiant comme
le jeune chercheur ne peut plus se contenter d’une bonne maîtrise des concepts et pratiques scientifiques.
Il doit posséder des compétences nouvelles comme : être en mesure de définir son e-réputation,
construire son identité numérique, pratiquer l’éthique scientifique, plonger dans le droit numérique en
étant capable de s’interroger à tout instant sur les conséquences bioéthiques de la conscience de soi, du

1
Par ex. apprendre une langue étrangère, maîtriser les codes de bonnes manières de la cyber-société, intégrer le
retour sur les conséquences des interactions sociales sur le net (les réseaux sociaux, notamment).
2 BCG, Boston Consulting Group a été créé en 1963. A l’heure actuelle cette société accompagne des dirigeants
du monde entier. Le rapport auquel nous faisons référence a été publié cette année.
Lien : https://www.bcg.com/press/21september2023-ia-generative-quel-impact-sur-la-productivite-au-travail

160
transhumanisme et de la gestation de la vie assistée… en somme autant de questionnements
transdisciplinaires.

Or ces compétences ne peuvent pas s’acquérir en absence d’une culture numérique dont les piliers
pluridisciplinaires renvoient à une compréhension d’ensemble, plus globale et plus nuancée. Ainsi la
philosophie se doit de côtoyer la biologie, l’éthique la littérature et le management la réalité virtuelle. µ

Il est donc urgent que les étudiants soient sensibilisés dès la première année d’études au droit
numérique comme pilier fondamental de la culture numérique.

L’éthique du numérique viendra compléter ce propos. Parmi les multiples définitions de l’éthique, nous
choisissons pour l’heure celle-ci : « L’éthique s’entend d’abord comme une herméneutique, soit
une illumination réciproque de notre médiation sur l’excellence en humanité et des décisions singulières
que nous prenons » (J-F. Malherbe, 2001).

Pour J-F. Malherbe et S. Collin et E. Marceau « le développement des SIA entraîne des réflexions sur la
nature même de l’intelligence humaine (puisqu’il s’agit de la reproduire) et a des risques de dérives
importants ».

L’acquisition d’une compétence éthique devient un impératif dans la construction d’une personnalité
professionnelle. Pour l’étudiant et le futur professionnel, il ne s’agit pas de s’adapter d’une manière
superficielle à l’environnement dans lequel l’IA interfère au même titre que n’importe quel autre
collaborateur, mais de conscientiser les limites de ses actions. Bien évidemment l’engagement éthique
a ses propres limites car « l’action à engager sur le plan éthique n’est pas totalement automne des
structures de pouvoirs préexistantes et sous-jacentes à l’action » (S. Collin et E. Marceau, 2023).

Toutefois, cela ne devrait pas empêcher la construction de la compétence éthique au même titre que la
compétence scientifique d’autant plus que la place que l’outil prend dans nos vies et la confiance
accordée (même lorsque celui-ci commet des erreurs) devient plus importante de jour en jour.

Le nombre de comités de travail et publications ayant pour sujet l’IA témoignent de cette prise et emprise
de l’outil technoscientifique sur nos vies privées et professionnelles débouchant sur une légitimation de
la philosophie de l’augmentation1 comme nouvel impératif catégorique.

Conclusion

Nous détruisons chaque jour des mots, des vingtaines de mots, des centaines de mots. Nous taillons le
langage jusqu’à l’os. (…) Ne voyez-vous pas que le véritable but de la novlangue est de restreindre les
limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée, car il n’y
aura plus de mots pour l’exprimer. (…) La révolution sera complète quand le langage sera parfait.

George Orwell, 1984

Nous avons compris que l’IA gagne de plus en plus de place au point où on oublie que ce n’est qu’une
technologie. Le nombre d’applications augmente exponentiellement. Le tourbillon technologique dans
lequel nous nous laissons entraîner est constitué des mots usés jusqu’à perdre leur sens.

1
Le terme « augmentation » désigne, lorsqu’il se réfère à l’homme ou à l’humain, un ensemble de procédures,
méthodes ou moyens, chimiques ou technologiques, dont le but est de dépasser les capacités naturelles ou
habituelles d’un sujet. (B. Claverie et B. Le Blanc, 2013)

161
« Facilité », « Performance », « Créativité », nous donnent l’illusion d’un progrès qui arrive pour nous
rendre service. Or, le développement des robots humanoïdes prouve la volonté de créer une identité qui
ira de pair avec la vision de l’humain dans le meilleur des mondes, c’est-à-dire l’homme augmenté, revu
et corrigé technologiquement.

A travers cette étude nous avons tenté de donner des pistes de réflexion quant à l’IA et aux enjeux
mondiaux liés au développement croissant de cette technologie.

Nous avons décrit nos activités d’enseignement liées à la maîtrise du numérique tout en faisant part de
certaines inquiétudes.

La pratique constante d’une action de compréhension nous éclaire quant aux risques que nous encourons
et qui ne sont pas de moindres. Ils peuvent aller d’un remplacement progressif de nos capacités (parole,
intelligence, actes) jusqu’à l’hybridation de la vie avec l’élimination des plus faibles, donc de moins
performants. L’homme augmenté n’est pas étranger de l’IA et l’objectif premier d’une IA alimentée et
développée est de participer visiblement à la prise de décisions dans l’agora du politiquement correct.

Nous avons choisi d’évoquer ces risques en les transgressant. Nous avons pointé des nouvelles
compétences à acquérir impérativement car destinées à pallier l’insuffisance d’information et de culture
numérique un peu à la manière dont L. Alexandre l’a fait dans le chapitre Le périlleux rodage d’Domo
Deus de son livre, en insistant sur l’impératif de comprendre que « l’IA est la première création humaine
que l’Humanité ne comprend pas ».

Il est donc de notre responsabilité à tous de bien cerner les limites et les enjeux de l’IA et cela pour
plusieurs raisons :

• Tout d’abord pour interroger les différentes sciences et disciplines académiques quant à leur
responsabilité vis-à-vis des générations futures à former. « Dans l’équation du savoir
(perception – interaction – transformation) chacun d’entre nous (entre)tient un rôle actif
pouvant changer le monde ». (C. Sapta, 2016) ;

• Ensuite nous nous devons de poursuivre ce questionnement philosophique comme perspective


plus vaste, capable d’entraîner toute notre intelligence humaine. Que ferons-nous de cette
intelligence tissée d’ombres solitaires harcelant nos peurs sans répit ? Que ferons-nous de ce
qui nous cerne de tout part, vers quel mythe allons-nous nous diriger ?

Y a-t-il une porte de secours ? Nos âmes réapprendront-elles à aimer la vie, l’autrui dans sa faiblesse et
ses imperfections ? Ou, pétris d’un narcissisme démesuré, allons-nous d’ores et déjà ouvrir largement
les bras à ce qui a l’air d’une formidable et terrible « servitude volontaire » ?

Bibliographie

1) Alexander Von Humboldt, « Sur l’organisation interne et externe des établissements scientifiques
supérieurs à Berlin », in AA.VV., Philosophies de l’université. L’idéalisme allemand et la question de
l’université, Paris, Payot, 1979.
2) Bernard Claverie et Benoît Le Blanc, « Homme augmenté et augmentation de l’humain », Les essentiels
d’Hermès, CNRS Editions, 2013, pages 61-78.
3) Bernt Bratsberg et Ole Rogeberg, « Flynn effect and its reversal are both environmentally caused »
(« L'effet Flynn et son inversion sont tous deux d'origine environnementale ») dans Actes de l'Académie
nationale des sciences des États-Unis d'Amérique, Volume 115, 2018,
4) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6042097/pdf/pnas.201718793.pdf
5) Claudia SAPTA, « L’enseignement de la communication interpersonnelle. Approches possibles », dans
Les Cahiers du CEDIMES, Vol. 10 – No 1 – 2016
6) http://cedimes.com/attachments/article/108/Cahiers%202016-1.pdf

162
7) Edgar Morin, « La tête bien faite » Repenser la réforme, réformer la pensée, ed. du Seuil, 1999, page 94.
8) Jean-François Malherbe, « L’éthique comme pratique critique », dans J.-F. Malherbe (dir.), Déjouer
l’interdit de penser. Essais d’éthique critique, Montréal, Liber, 2001.
9) Laurent Alexandre, Jean-François Copé, « L’IA va-t-elle aussi tuer la démocratie ? », J C Lattès, 2019.
10) Marie-Jo. Thiel, « L’homme augmenté aux limites de la condition humaine », Revue d’éthique et de
théologie morale, vol. 4, 2015, n° 286, p. 142 ; pour une proposition de définition juridique
11) Milad Doueihi et Jacopo Domenicucci (dirs), « La Confiance à l’ère du numérique »,
12) Paris, Éd. Rue d’Ulm/Berger-Levrault, coll. Au fil du débat, 2018.
13) Moustafa Zouinar, « Évolutions de l’Intelligence Artificielle : quels enjeux pour l’activité humaine et la
relation Humain-Machine au travail ? » dans Activités, 17-1 | 2020, mis en ligne le 15 avril 2020
https://journals.openedition.org/activites/4941
14) Olaf Zawacki – Richter et al., « Systematic review of research on artificial intelligence applications in
higher education – where are the educators? », International Journal of Educational Technology in
Higher Education, 2019, vol. 16, no 39,
15) https://doi.org/10.1186/s41239-019-0171-0
16) Pierre-Antoine Chardel, « Comment la philosophie questionne l'éthique du numérique », émission sur
France Culture, 29 sept. 2023 disponible en replay
17) https://www.youtube.com/watch?v=TRnYG17ZzvQ&t=3124s
18) Simon Collin et Emmanuelle Marceau, « Enjeux éthiques et critiques de l’intelligence artificielle en
enseignement supérieur », dans Open Edition Journals, Revue Internationale d’éthique sociétale et
gouvernementale, VOL. 24, N° 2 | 2023
19) https://doi.org/10.4000/ethiquepublique.7619
20) Yannick Meneceur, « L’intelligence artificielle en procès : plaidoyer pour une réglementation
internationale et européenne », Bruxelles, Bruylant, 2020

163
Financement public de l'agriculture en recherche développement agricole et
réduction de la pauvreté rurale : Cas des pays de l'UEMOA

Ollo DAH
Enseignant-Chercheur, Assistant, Sciences Economiques et de Gestion
Université Norbert Zongo
Koudougou, Burkina Faso

ollodah41@yahoo.fr

Toussaint Boubié BASSOLET


Enseignant-Chercheur, Maître de Conférences, Sciences Economiques et de Gestion
Université Thomas Sankar
Ouagadougou, Burkina Faso

t.bassole@yahoo.fr

Boukary OUEDRAOGO
Enseignant-Chercheur, Maître de Conférences, Sciences Juridiques et Politiques
Université Thomas Sankara, Ouagadougou, Burkina Faso

boukary_ouedraogo2003@yahoo.fr

Résumé

Ce papier examine les effets du financement public de l’agriculture en recherche-développement sur la pauvreté
rurale dans les Etats de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Pour mener cette analyse,
un panel dynamique comprenant sept (07) États de l'UEMOA a été construit à partir de données secondaires
issues des bases de données de la Banque Mondiale et de l’IFPRI sur la période 2000 à 2020. Pour corriger
l'endogénéité générée par le panel dynamique, l'estimation est faite par la Méthode des Moments Généralisés
(GMM) en système. Les résultats montrent que les dépenses publiques en recherche-développement agricole
contribuent à réduire la pauvreté rurale à travers l'augmentation du revenu agricole. Ainsi, il est recommandé
aux États de l'UEMOA de faire des efforts dans l'allocation des ressources publiques dans le domaine de la
recherche développement agricole pour booster le développement du secteur agricole et réduire significativement
la pauvreté rurale.

Mots-clés : financement de l’agriculture, recherche –développement, pauvreté rurale, méthode des moments
Généralisés

Abstract

This paper examines the effects of public funding of agricultural research and development on rural poverty in the
States of the West African Economic and Monetary Union (WAEMU). To conduct this analysis, a dynamic panel
comprising seven (07) WAEMU states was constructed using secondary data from the World Bank and IFPRI
databases over the period 2000 to 2020. To correct for the endogeneity generated by the dynamic panel, the
estimation is done using the Generalized Moment Method (GMM) in system. The results show that public spending
on agricultural research and development contributes to reducing rural poverty by increasing agricultural income.
Thus, it is recommended that WAEMU States make efforts in the allocation of public resources in the area of
agricultural research and development to boost the development of the agricultural sector and significantly reduce
rural poverty.

Key-words: financing of agriculture, research and development, rural poverty, generalized Moment method

Classification JEL: C10, O39, R51

164
Introduction

Dans les États de l'Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), la pauvreté est
prédominante en milieu rural où la principale activité génératrice de revenu pour la majorité de cette
partie de la population se situe dans le secteur agricole (Banque Mondiale, 2018). Ainsi, les efforts de
réduction de la pauvreté doivent être concentrés dans ce milieu. Le rôle crucial de l'agriculture dans la
réduction de la pauvreté est reconnu (Johnston &Mellor, 1961 ; Timmer, 2014 ; Eberhardt & Vollrat,
2018). La croissance de la productivité agricole a un impact sur la réduction de la pauvreté car les
ménages ruraux, majoritairement composés de la main-d'œuvre non qualifiée sont plus susceptibles de
tirer leurs revenus des activités de production agricole (Collier & Dercon, 2014). Par conséquent,
l'augmentation de la productivité agricole permet de réduire la pauvreté par les effets d'équilibres
généraux directs et indirects qu'elle induit sur l'économie. Cependant, les politiques de financement sont
encore loin d'être à la hauteur du poids que représente l'agriculture et ses enjeux (Bikienga, 2011).

Pour relever ce défi, les chefs d'État se sont engagés dans la Déclaration de Maputo en 2003 à allouer
au minimum de 10% du budget national à l'agriculture afin d'atteindre une croissance agricole de 6%.
En 2014, l'évaluation de cette déclaration montre que les résultats sont en deçà des attentes. L'Afrique
de l'Ouest a alloué en moyenne 7% des dépenses publiques à l'agriculture. En ce qui concerne la
croissance agricole, elle est restée faible, comme en témoigne le niveau élevé d'insécurité alimentaire et
de pauvreté rurale (Wade et Niang, 2014).

Compte tenu du caractère stratégique de l'agriculture, les décideurs publics ont un rôle important à jouer
dans son financement. L'intervention publique apparaît comme une nécessité afin de transformer
l'agriculture traditionnelle en une agriculture moderne, qui augmentera la productivité agricole pour
réduire la pauvreté rurale. La formation des agriculteurs et la recherche développement (R&D) en
agriculture présentent les caractéristiques de biens publics ou collectifs et ne peuvent donc pas être
assurés par les agriculteurs eux-mêmes (Samuelson, 1954 ; Musgrave, 1959 ; Olson 1971). Les autorités
publiques ont la responsabilité de fournir des biens publics qui sont insuffisamment fournis par le secteur
privé en raison de l'absence de marchés ou d'imperfections du marché afin qu’ils servent de levier
d’investissement au secteur privé. Pour cette raison, on peut raisonnablement s'attendre à ce que les
investissements publics comblent un vide laissé par le secteur privé. Fan et al (2008) affirment que les
dépenses en biens publics dans les zones rurales sont rentables. Ils montrent que la recherche agricole
et l'éducation sont les formes les plus efficaces de dépenses publiques pour réduire la pauvreté rurale.

La réduction de la pauvreté reste l'un des défis majeurs de politique économique de ces dernières années
dans les pays de l'UEMOA. Par conséquent, des politiques axées sur le financement de l'agriculture
pourraient améliorer le revenu agricole et donc réduire la pauvreté. Plusieurs études ont été menées pour
examiner la relation entre le financement public de la recherche développement et le développement du
secteur agricole (Allen & Ulimwengu, 2015 ; Anríquez et al, 2016 ; Brookes & Barfoot, 2017). Les
résultats de ces études tendent à mettre en évidence les effets positifs des dépenses publiques en
recherche développement sur la performance du secteur agricole. Cependant, très peu de recherches à
notre connaissance ont établi un lien entre le financement public en recherche-développement agricole
et la pauvreté rurale, notamment dans le contexte de l'UEMOA, où ces pays sont pointés du doigt pour
leur sous-investissement dans le secteur agricole pourtant essentiel au développement et à la réduction
de la pauvreté. En outre, très peu de recherches ont porté sur une analyse affinée en s’intéressant
particulièrement aux effets des dépenses publiques en recherche développement agricole sur la pauvreté
rurale en intégrant des aspects de la formation agricole. Par conséquent, cette étude cherche à répondre
à la question de recherche fondamentale : quels sont les effets des investissements publics en recherche
développement agricole sur la pauvreté rurale ? Ainsi, l'objectif général de cette recherche est d'étudier
les effets du financement public de la recherche développement agricole sur la pauvreté rurale dans les
Etats de l'UEMOA. Plus précisément, ce document analyse les effets des dépenses publiques en
recherche développement agricole, la formation et le nombre de chercheurs agricoles sur le revenu
agricole dans les États de l'UEMOA.

165
Pour mener cette analyse, un panel dynamique comprenant sept (07) États de l'UEMOA a été construit
à partir de données secondaires issues des bases de données de la Banque Mondiale et de l’IFPRI sur la
période 2000 à 2020. Pour corriger l'endogénéité générée par le panel dynamique, l'estimation est faite
par la Méthode des Moments Généralisés (GMM) en système. Les résultats montrent que les dépenses
publiques en recherche-développement agricole contribuent à réduire la pauvreté rurale à travers
l'augmentation du revenu agricole. Le reste de l’article est structuré comme suit. La deuxième section
est consacrée à la présentation des liens théorique et empirique entre le financement public de
l’agriculture et la lutte contre la pauvreté. La troisième section présente la méthodologie et les données
utilisées dans le cadre de cette recherche. La quatrième section présente les résultats suivis de discussion.
La dernière section présente la conclusion assortie des implications de politiques économiques.

1. Liens entre le financement public de l’agriculture et la pauvreté

Hazell et Haddad (2001) ont identifié sept mécanismes par lesquels la recherche développement agricole
peut affecter la pauvreté. Pour eux, la recherche agricole conduit à l'amélioration des technologies et
peut bénéficier aux pauvres à travers plusieurs mécanismes :

i) la recherche affecte directement les agriculteurs pauvres à travers l'augmentation de la


production ; ce qui leur permet d’améliorer leur régime alimentaire et d’augmenter l’offre des
produits commercialisés ce qui va entrainer un revenu agricole plus important
ii) les petits agriculteurs et les paysans sans terre peuvent obtenir de plus grandes opportunités
d'emplois agricoles et des salaires plus élevés dans les régions d'adoption
iii) les pauvres peuvent avoir la possibilité de migrer vers d'autres régions agricoles
iv) la croissance agricole plus rapide peut bénéficier à un large éventail de pauvres des zones
rurales et urbaines
v) la recherche peut entraîner une baisse des prix des denrées alimentaires pour tous les
consommateurs, qu'ils proviennent des zones rurales ou urbaines
vi) la recherche peut aboutir à un meilleur accès physique et économique à des cultures riches
en nutriments et essentielles au bien-être des pauvres, en particulier les femmes pauvres
vii) la recherche peut autonomiser les pauvres en améliorant leur accès aux processus
décisionnels, en renforçant leur capacité d'action collective et en réduisant leur vulnérabilité aux
chocs économiques via l'accumulation d'actifs.

Fan et al. (2004) montrent que, même avec les réformes économiques qui ont commencées en Chine en
1978, il ne serait pas possible pour ce pays de réaliser une réduction substantielle de la pauvreté en
l'absence des investissements publics importants réalisés au cours des décennies avant et après réformes.
Ils font référence à de vastes investissements publics dans l'éducation rurale, l'irrigation, la R&D et les
infrastructures rurales. Ils ont estimé qu’entre 1978 et 1984, l'investissement public représentait 12% de
la croissance agricole qui a permis de réduire la pauvreté de 45%. Ils ont constaté que l'investissement
public dans l'éducation a eu le plus grand impact sur la réduction de la pauvreté. L'investissement dans
la R&D agricole a eu le deuxième impact le plus important sur la réduction de la pauvreté et sur la
croissance du PIB agricole. Ravallion (2008) soutient largement les résultats de Fan et al. (2004). En
particulier, il réaffirme le rôle de l’investissement public dans le succès des réformes rurales. La
recherche a joué un rôle important. En 1980, il a été institué le premier organisme de recherche agricole
financé par l'État appelé Groupe de Recherche sur le Développement Rural de la Chine.

Alene et al. (2009) dans le cadre d’une étude portant sur l’Afrique Occidentale et Centrale ont confirmé
l’impact de l'investissement en R&D sur la croissance agricole et la réduction de la pauvreté. En se
focalisant sur le cas du maïs, ils ont constaté que les investissements consentis sur ce dernier avaient un
ratio avantages-coûts de 21$US entre la période 1971 à 2005 ; ce qui indique que chaque dollar investi
dans la recherche sur l'amélioration du maïs génère 21 dollars supplémentaires de nourriture. Les ratios
avantages-coûts au niveau des pays vont de 10 $US au Togo à 84$ US au Nigeria et les taux de
rendement au niveau des pays vont de 28% au Sénégal à 74% Nigéria. En outre, l'étude a révélé qu'en

166
moyenne, chaque million de dollars américains investi dans la recherche du maïs engendre une réduction
du nombre de pauvres de 35 000 à 50 000 personnes entre la période 1981 à 2004.

Suphannachart et Warr (2011) ont analysé les effets des dépenses publiques allouées à la recherche
agricole en Thaïlande. Les résultats montrent que les dépenses en recherche développement ont un
impact significatif sur la croissance agricole. A court terme, une augmentation des dépenses publiques
en recherche-développement de 1% se traduit par une augmentation de la croissance agricole de 0,16%.
A long terme, les effets sont faibles et se situent à 0,07%. On note également des effets positifs et
significatifs pour les autres variables explicatives.

La Banque Mondiale (2007) a montré que les investissements dans la science, le capital humain à partir
des années 1960, ainsi que de meilleures politiques et institutions, ont généré des gains dans la
productivité agricole. La productivité totale des facteurs (PTF) de l'agriculture a augmenté de 1 à 2%
par an en Asie en raison de percées technologiques. Cette croissance de la PTF de l'agriculture a été
responsable de la moitié de la croissance de la production en Chine et en Inde et de 30 à 40% en
Indonésie, ce qui a réduit la pression sur l’exploitation des terres. Les investissements dans la R&D ont
transformé une grande partie de l'agriculture dans le monde en développement en un secteur dynamique,
l'innovation technologique rapide accélérant la croissance et la réduction de la pauvreté.

L'optimisme de la Banque Mondiale (2007) sur la science et l'innovation est partagé par Borlaug(2013)
qui montre que le développement de nouvelles variétés à haut rendement de blé et de riz par des équipes
de chercheurs dans les années 1960 a entraîné une augmentation importante de la production végétale
en Inde et au Pakistan. La production de blé et de riz a continué à augmenter depuis lors et les prédictions
malthusiennes selon lesquelles l'Inde ne pouvait pas nourrir sa population en 1980 ne se sont pas
révélées. Les rendements croissants sur les terres arables contribuent également à améliorer
l'environnement en empêchant davantage de dégager les forêts naturelles pour la culture.

Dans cette même logique, Bikienga (2011) soutient que l’augmentation des dépenses pour la recherche
et la vulgarisation agricoles peut stimuler de manière décisive la réduction de la pauvreté. Les
investissements dans ces domaines sont cruciaux si l’on veut une productivité agricole accrue et partant
une création de revenus et une réduction de la pauvreté. Les dépenses consacrées à la recherche agricole
entraînent d’importants bénéfices pour la région. Selon Smith (1999) cité par Bikienga (2011), chaque
dollar investi se traduit en moyenne par un rendement de 37%. La recherche sur le mil, le maïs, le sorgho,
les pommes de terre, les haricots, le blé et le niébé a donné lieu à des rendements accrus de 16 à 135%.

Ndhleve et al (2017) ont exploré les liens entre les dépenses publiques dans l'agriculture, la croissance
agricole et la pauvreté en Afrique du Sud. L'étude simule l'investissement agricole requis et le taux de
croissance agricole nécessaire pour atteindre l'Objectif du Millénaire pour le Développement 1 d'ici
2025 en utilisant un modèle d'équilibre partiel basé sur l'approche des analyses dynamiques du système.
Cela implique l'application de la technique de décomposition de la croissance et des concepts d'élasticité
de la croissance par rapport à la pauvreté, avec un accent particulier sur les interventions politiques
visant à promouvoir la croissance agricole. Les moteurs et les relations de cause à effet entre l'agriculture
et la réduction de la pauvreté ont été étudiés. Les résultats ont montré que les investissements dans la
recherche et la vulgarisation agricoles, les infrastructures rurales et l'éducation rurale ont le plus grand
impact sur la croissance agricole et la réduction de la pauvreté.

Pray et al (2017) ont montré que les investissements dans la recherche sont à l'origine de la quasi-totalité
de la croissance de la PTF en Afrique Subsaharienne. Les institutions de recherche agricole existantes
ont, en moyenne, fourni des taux de retour sur investissement public supérieurs à 30-40%, ce qui est
bien plus élevé que les 5-10% disponibles pour d'autres investissements publics ou que les 2-5% de coût
d'emprunt des fonds publics.

Benfica et al (2018) ont analysé le lien entre les investissements agricoles avec la croissance économique
et la pauvreté au Mozambique à l’aide d’une approche systémique à l'échelle de l'économie qui combine
une analyse économétrique ex post des ménages à travers l'appariement par des scores de propension,

167
et une modélisation ex ante des liens entre croissance économique et pauvreté à l'aide d'un modèle
dynamique d'équilibre général calculable désagrégé dans l'espace. Les résultats de la simulation
indiquent que le plan d'investissement du pays de 2012 à 2017 ne permettrait pas d'atteindre les objectifs
de croissance du pays, malgré le doublement des dépenses publiques dans l'agriculture. Plutôt que
d'augmenter les dépenses de subventions des intrants, le gouvernement aurait dû réaffecter les ressources
à la recherche et à la vulgarisation agricoles, au lieu de subventionner l'irrigation et les engrais. La
fourniture de services de vulgarisation aux petits exploitants est la plus efficace pour augmenter la
croissance économique et réduire la pauvreté dans toutes les régions du pays.

La modélisation de la relation théorique et empirique entre le financement public en recherche


développement agricole et la réduction de la pauvreté rurale est présenté dans la section suivante. Cette
section présente également les données ayant servi aux estimations empiriques.

2. Description des données et de la méthode d’analyse

Cette section présente les données et la méthode d'analyse. A ce titre, elle passe en revue la description
des données utilisées, la présentation du modèle théorique et les variables de l'étude. Le modèle
empirique et la stratégie d'estimation sont également présentés.

2.1. Description des données

L'analyse est basée sur des données de panel couvrant la période 2000-2020. L'étude couvre sept (07)
pays sur les huit (08) pays de l'UEMOA. La Guinée Bissau a été exclue de l'analyse en raison de
l'indisponibilité des données. Le choix de la période d'étude est lié à la disponibilité des données sur les
variables. Les données proviennent principalement de la base de données des Indicateurs de
Développement Mondial (WDI,2022) de la Banque Mondiale et de la base de données de l'IFPRI
(Agricultural Science and Technology Indicators,2022). Le tableau 1 présente les statistiques
descriptives.

Tableau 1: statistiques descriptives


Variable Observations Moyenne Ecart type Minimum Maximum
Variable dépendante
Valeur ajoutée agricole par
actif agricole 139 1333.117 641.4314 391.8506 2906.019
Variables explicatives
Investissement en
recherche- développement 147 35.96549 22.42936 5.498965 91.56725
Taux d’ouverture
commerciale 147 29.86415 11.34434 13.84821 63.79567
Nombre de chercheurs
agricoles pour100 000
producteurs 147 6.231686 2.647961 2.305695 11.15108
Taux d’achèvement au
primaire 124 54.95558 16.975 18.37959 92.71515

Consommation en intrants 147 13.01252 12.21642 0 55.46367


Valeur ajoutée non
agricole 142 1.53e+09 1.41e+09 1.11e+08 6.94e+09
Intégrité du gouvernement 132 26.82424 8.276215 10 43
Source: Calcul des auteurs à partir de données de la base considérée

168
2.2. Modèle théorique d’analyse

Le modèle théorique utilisé dans cette recherche est basé sur celui de López (2004). L'auteur a utilisé ce
modèle pour analyser les effets des dépenses publiques rurales sur la croissance agricole et la pauvreté
rurale en Amérique latine. Le modèle explique la valeur ajoutée agricole par habitant à travers des
variables exogènes. Il considère la fonction de production suivante :
Q = F ( L, K , X, A) (1)
Où Q est la production agricole, K est un vecteur d'intrants appartenant aux agriculteurs, L est la main-
d'œuvre utilisée dans le secteur, X est un vecteur d'intrants achetés et A est un indice de productivité. La
valeur ajoutée agricole est définie comme la production des facteurs primaires, K, L. Ainsi,
G ( p, v, L, K , A)  max  pF (L, K ,X, A)− vX ( 2)
où G( ) est le PIB agricole, p est le prix de la production et v est un vecteur des prix des intrants achetés.
La fonction G( ) est une fonction de revenu et doit satisfaire certaines conditions. La plus importante de
notre point de vue est que, en plus d'être croissante et concave en L et K, est également homogène de
degré un en K et L. Cela implique que nous pouvons exprimer le PIB agricole par habitant comme :
G ( p, v; K ; L, A )
g ( p , v, k , A )  ( 3)
L

Ainsi, le PIB agricole par habitant est une fonction des prix de la production et des intrants achetés, et
des valeurs par habitant des actifs appartenant aux agriculteurs, k, ainsi que du facteur de productivité,
A. Il est croissant en p, k et A, et décroissant en v. Le reste de cette section est consacré à la stratégie
d'estimation de la fonction du PIB agricole par habitant ; par conséquent, on suppose que les prix de la
production et des intrants achetés sont déterminés par les prix mondiaux, les politiques nationales, y
compris la politique commerciale, ainsi que la performance du secteur non agricole qui peut affecter les
produits commercialisés. Ainsi,
p =  ( p*, H , Y ) ; v= ( v*, H , Y ) ( 4)
où 𝐏 ∗ indique les prix mondiaux, H représente un vecteur de politiques gouvernementales affectant les
prix intérieurs et Y reflète les conditions dans des secteurs autres que l'agriculture, mais qui pourraient
affecter les prix pertinents pour l'agriculture. Les variables P*, H et Y sont toutes susceptibles de changer
au fil du temps en fonction des conditions du marché mondial, des politiques et des conditions de
croissance non agricole.

Les variables k et A sont également endogènes et affectées par la variable exogène, les conditions du
marché mondial, les politiques gouvernementales et les performances de l'économie non agricole.
k = k ( p, v, A, H , Y ); A=A ( H ) ( 5)
On suppose que le niveau des actifs agricoles par habitant k augmente avec la hausse des prix agricoles,
la baisse des prix des intrants et la hausse des niveaux de productivité agricole. De même, on suppose
que A augmente avec le niveau des dépenses publiques, en particulier pour les biens publics tels que la
recherche et le développement et l'éducation. Les politiques publiques affectent également
l'accumulation d'actifs agricoles par habitant par le biais des prix des produits de base et des intrants, de
l'assistance technique, etc. et du niveau de la productivité agricole. De même, les conditions du secteur
non agricole affectent la valeur ajoutée agricole par le biais des effets du marché associé aux conditions
de la demande de produits agricoles, ainsi que par des mécanismes non commerciaux. En combinant (4)
et (5), nous obtenons une fonction de forme réduite de k,
k =  ( p*, v*, H , Y ) (6)
Le vecteur H peut être décomposé en plusieurs dimensions de politiques gouvernementales telles que
les politiques commerciales et les dépenses publiques. Dans ce travail, l'accent sera mis sur les dépenses

169
publiques en matière de recherche et développement agricole. Ainsi, nous pouvons décomposer le
vecteur H en R (dépenses publiques en recherche et développement agricole) et E (politique de
formation) et T (politique commerciale).

Ainsi, k peut être écrit comme suit :


k =  ( p*, v*, T, R, E, Y ) (7)
On s'attend à ce que k ne diminue pas dans p*, Y, R, E, T et n'augmente pas dans v*. En substituant (4),
(5) et (7) dans (3), on obtient une spécification de la forme réduite de la fonction de valeur ajoutée
agricole par habitant.
g = g ( p *, v *, T , R, E , Y ) (8)
+ − + + + +

Les signes sous les variables indiquent les effets attendus de ces différentes variables exogènes sur la
valeur ajoutée agricole par tête. L'équation (8) constitue la base de la spécification du modèle
d'estimation.

2.3- Spécification du modèle empirique

Dans ce papier, la pauvreté est analysée sur la base du revenu. Deux raisons majeures expliquent ce
choix. Il y a premièrement la disponibilité des données et, en second lieu, le fait que la pauvreté est avant
tout un problème de pouvoir d'achat, d'accès économique et donc de revenu. Plusieurs auteurs ont utilisé
le revenu pour analyser la pauvreté (Boussard et al, 2006 ; Sanfo, 2010 ; Savadogo et al, 2012). Dans
cette étude, la pauvreté rurale est analysée à travers le revenu agricole.

La spécification économétrique est basée sur l'hypothèse que la pauvreté persiste d'année en année c'est-
à-dire que son niveau actuel dépend de son niveau précédent. Ceux qui sont pauvres cette année sont
susceptibles de l'être à nouveau l'année suivante. Par conséquent, la pauvreté est analysée selon une
approche dynamique. Si l'on prend en considération cette évidence ainsi que d'autres déterminants de la
pauvreté, le modèle économétrique adéquat pour analyser ces interactions doit être un modèle de panel
dynamique. L'inclusion de la dynamique du revenu dans le modèle conduit à la spécification suivante :
lragrii ,t =  lragrii ,t −1 + 1edupri ,t +  2lrdinvesti ,t + 3 nbcherchi ,t +  4 ouvci ,t + 5 lvanai ,t +
 6intrant i ,t +  7intgouvi ,t + i +  i ,t ( 9)
Où :
✓  , 1 ,... 7 sont les paramètres à estimer. Les indices i et t désignent respectivement les
individus (pays) et le temps (2000-2020).  et  représentent respectivement les effets
individuels et le terme d'erreur.
✓ lragri représente le logarithme du revenu agricole mesuré ici par la valeur ajoutée agricole par
actif agricole
✓ edupri représente l’éducation qui mesurée par le taux d'achèvement au primaire
✓ lrdinvest représente le logarithme des dépenses publiques consacrées à la recherche-
développement agricole
✓ Nbcherch représente le nombre de chercheurs agricoles pour 100 000 producteurs
✓ Ouvc est le taux d'ouverture commerciale
✓ lvana représente le logarithme de la valeur ajoutée non agricole par habitant
✓ intrant correspond à la consommation des intrants
✓ intgouv représente l’intégrité du gouvernement qui permet de capter la qualité des institutions

170
Le tableau 2 présente un résumé des variables utilisées et de leurs sources. Les signes attendus sont
également présentés.

Tableau2. Présentation synthétique des variables


Variables du Définition des variables Source Signes attendus
modèle
Revenu Valeur ajoutée agricole par actif WDI Variable
agricole agricole rapporté au seuil de pauvreté dépendante
Investissement Dépenses publiques en recherche- IFPRI +
en recherche- développement
développement
Chercheurs Nombre de chercheurs agricoles pour IFPRI +
agricoles cent mille producteurs
Education Taux d'achèvement du primaire WDI +
Ouverture Taux d’ouverture commerciale Calcul des auteurs à +
commerciale partir des données WDI
Secteur non- Valeur ajoutée du secteur non- WDI +
agricole agricole
Consommation Consommation d'engrais mesurée par WDI +
des intrants la quantité de nutriments végétaux
utilisés par unité de terre arable.
Qualité des Intégrité du gouvernement Fondation Heritage +
institutions (2018)
Source: Auteurs

2.4. Stratégie d'estimation

La variable endogène retardée apparaît comme une variable explicative dans l'équation (9). Il y a alors
une présence d'endogénéité dans le modèle rendant ainsi inefficaces les techniques de régression
standard telles que les moindres carrés ordinaires (MCO). En effet, des estimations biaisées résultent de
l'utilisation de ces outils d'estimation (Sevestre, 2002 ; Araujo et al., 2004). Pour corriger ces biais, les
techniques GMM sont de plus en plus indiquées (Inekwe, 2015 ; Atems & Hotaling, 2018 ; Zmami,
2017). Cette méthode est adéquate pour traiter le problème d'endogénéité d'une ou plusieurs variables
explicatives, en particulier la présence de la variable dépendante retardée qui donne un caractère
dynamique à la spécification du panel. L'estimation GMM apporte également des solutions aux
problèmes de biais de simultanéité, de causalité inverse entre différentes variables économiques et de
variables omises. En effet, ne pas prendre en compte le problème de l'endogénéité des relations
économiques revient à faire l'hypothèse forte que, par exemple, les variables explicatives du modèle
sont indépendantes des caractéristiques inobservées qui distinguent les différents pays.

Il existe cependant deux estimateurs associés au GMM. L'estimateur en différence première (Arellano
et Bond, 1991) et l'estimateur en système (Blundell et Bond, 1998), qui est une version améliorée du
premier. L'une des faiblesses de l'estimateur en différence première est qu'il est mieux adapté aux
échantillons ayant un N (dimension individuelle) suffisamment grand et un T (dimension temporelle)
relativement petit. Il présente donc des faiblesses de précision asymptotique et des faiblesses
d'instrumentation qui conduisent à des biais dans les échantillons finis. Le GMM en système de Blundell
& Bond (1998) utilise simultanément les équations en différence première et en niveau pour générer des
estimateurs cohérents, même pour les échantillons finis, afin de surmonter ce problème. La
différenciation élimine l'effet spécifique au pays et donc l'effet des variables omises qui sont invariantes
dans le temps. Les premières différences des variables explicatives potentiellement endogènes sont
instrumentées par leur valeur décalée en niveau, afin de réduire le biais de simultanéité ainsi que le biais
de causalité inverse, et sous l'hypothèse d'absence d'autocorrélation des erreurs dans l'équation en
niveau. Les variables explicatives endogènes du modèle en niveau sont instrumentées par leur différence
première la plus récente, sous l'hypothèse supplémentaire de quasi-stationnarité de ces variables. Un

171
autre avantage du GMM système est qu'il est recommandé pour les panels avec une dimension
temporelle courte (Roodman, 2009). Compte tenu des avantages associés au GMM en système
développé par Blundell & Bond (1998) et conformément à nos données, cette méthode est utilisée pour
estimer le modèle empirique à l'instar d'autres auteurs (Jeanneney & Kpodar, 2011 ; Amat, 2019 ;
Nassem & Ji, 2020) qui l'ont utilisé pour estimer des panels dynamiques.

Le test de suridentification de Sargan/Hansen de Blundell et Bond (1998) permet de vérifier la validité


des variables retardées utilisées comme instruments. En outre, le test d'autocorrélation de second ordre
d'Arellano-Bond (1991) peut être utilisé pour déterminer si le terme d'erreur de second ordre est corrélé
ou non, puisque le terme d'erreur de première différence est supposé être corrélé au premier ordre. Les
tests de Wald standard basés sur des estimateurs efficaces en deux étapes de la méthode des moments
généralisés (GMM) sont connus pour avoir de mauvaises propriétés en échantillon fini dans plusieurs
contextes (Blundell & Bond, 1998). Dans ces contextes, le problème s'aggrave en présence d'instruments
faibles. Ce papier améliore l'inférence dans le GMM à deux étapes en implémentant la correction de
Windmeijer (2005) en utilisant xtabond2 pour éviter que les estimateurs de variance respectifs sous-
estiment les variances réelles dans un échantillon fini. La section suivante présente et discute les résultats
obtenus.

3. Résultats et discussion

Le tableau 3 présente les résultats de l'estimation de l'équation (9) à l'aide du GMM en système.

Tableau 3. Résultats de l'estimation


Variable endogène = revenu agricole
L1. Revenu agricole 0.326***
(4.73)
Nombre de chercheurs agricoles pour 100,000 0.035**
producteurs (2.72)
Dépenses publiques en recherche-développement 0.116***
agricole (3.67)
Taux d’ouverture commerciale 0.000805
(0.28)
Valeur du PIB non agricole par habitant 0.173***
(8.35)
Education primaire 0.009***
(3.89)
Consommation en intrants 0.001
(0.05)
Intégrité du gouvernement -0.002
(-0.83)
_Constante 0.275
(0.68)
Arellano-Bond test for AR(1) in first differences: z =-1.86 Pr > z= 0.063
Arellano-Bond test for AR(2) in first differences: z =1.61 Pr > z=0.11
Sargan test of overid. restrictions: chi2(59) =43.3 Prob > chi2=0.973
Hansen test of overid. restrictions: chi2(59) =0.00 Prob > chi2=1.000
Source: Calcul des auteurs
*** Significatif à 1%, ** Significatif à 5%. Les valeurs entre parenthèses sont les statistiques z
de la distribution normale.

172
Pour déterminer la significativité globale du modèle dans le cadre d'une estimation utilisant le GMM en
système, les tests les plus importants sont le test de validité des instruments de Sargan et le test
d'autocorrélation des résidus de second ordre d'Arellano et Bond. Les résultats montrent que la
probabilité associée à la statistique de Sargan (0,97) est supérieure à 10%. Ceci permet de confirmer la
validité des instruments. De plus, les résultats du test d'autocorrélation d'Arellano et Bond ne permettent
pas d'accepter la présence d'une autocorrélation de second ordre des résidus (AR (2)) validant
l'utilisation de variables endogènes adéquatement retardées comme instruments. De plus, la nature
dynamique du modèle ne peut pas être rejetée car le coefficient associé à la variable endogène retardée
est positif et significatif à 1%. En effet, une augmentation du revenu agricole de 1% à une date donnée
entraîne une augmentation du revenu de l'année suivante de 0,32%. Ceci confirme la nature dynamique
du revenu agricole et donc de l'endogénéité dans le cadre de la modélisation car la réactivité du revenu
de la période actuelle par rapport à sa valeur de l'année précédente.

Dans le cadre de cette modélisation, les dépenses publiques en recherche développement ont été
principalement captées par deux (02) proxys. Il s'agit des dépenses publiques allouées à l'administration
des chercheurs agricoles et du nombre de chercheurs agricoles pour 100 000 producteurs agricoles. Les
coefficients associés à ces deux (02) variables sont tous positifs et significatifs au seuil de 1% et 5%
respectivement pour les dépenses publiques allouées à l'administration des chercheurs agricoles et du
nombre de chercheurs agricoles pour 100 000 producteurs agricoles. Ce résultat traduit l'influence
positive du financement public en recherche développement agricole sur le revenu agricole. Ainsi, les
résultats montrent qu'une augmentation du financement public de la recherche développement agricole
est favorable à la réduction de la pauvreté rurale par l'augmentation du revenu agricole. En effet, une
augmentation de 1% (respectivement une unité) des dépenses publiques pour la recherche
développement agricole (respectivement nombre de chercheurs agricoles pour cent mille producteurs)
entraîne une augmentation du revenu agricole de 0,11% (respectivement 0,03%). Ces résultats sont
conformes à nos attentes et corroborent ceux trouvés par plusieurs auteurs (Alene et al. 2009 ;
Suphannachart et Warr, 2011 ; Anríquez et al, 2016 ; Brookes & Barfoot, 2017). Leurs résultats montrent
que les dépenses publiques en recherche développement sont favorables à la performance du secteur
agricole et au développement rural.

En plus de ces deux variables d’intérêt, l'effet de l'éducation sur le revenu agricole a également été
considéré. Le coefficient lié à cette variable est positif et significatif au seuil de 1%, traduisant une
relation positive entre l'éducation et le revenu agricole. L'augmentation d'une unité du taux d'achèvement
au primaire se traduit par une augmentation du revenu agricole de 0,01 unité. Ce résultat est conforme
aux attentes et s'explique par le fait que l'éducation permet aux agriculteurs d'adopter des techniques
plus productives. Il corrobore ceux de plusieurs auteurs (Niazi & Khan, 2012 ; Chandra, 2019 ; Khalili
et al, 2020) qui ont montré les effets positifs de l'éducation sur la réduction de la pauvreté rurale.

En outre, des variables de contrôle ont été intégrées dans l’analyse. Au titre de ces variables, il y a la
valeur ajoutée non agricole qui présente un coefficient positif et significatif au seuil de 1%, traduisant
une relation positive entre le secteur non agricole et le revenu agricole. L'augmentation de valeur ajoutée
non agricole de 1% se traduit par une augmentation du revenu agricole de 0,17%. Ce résultat est
conforme aux attentes et s'explique par le fait le secteur non agricole affecte la valeur ajoutée agricole
par le biais des effets du marché associé aux conditions de la demande de produits agricoles, ainsi que
par des mécanismes non commerciaux.

Les autres variables de contrôles ne présentent pas des effets significatifs sur le revenu agricole donc
pas d’influence significative sur le revenu rural.

Malgré les résultats intéressants de cette recherche, certaines lacunes doivent être relevées pour les
travaux futurs. En effet, la période d'analyse, qui est 2000-2020, semble courte. Une série de données
plus longue pourrait permettre de mieux appréhender la dynamique de la pauvreté rurale. Par ailleurs, il
n'existe pas de définition consensuelle de la pauvreté. La prise en compte de la nature
multidimensionnelle de la pauvreté pourrait conduire à des résultats plus intéressants.

173
Conclusion et implications politiques.

Ce papier s'est focalisé sur les politiques visant à réduire la pauvreté rurale par le biais du financement
public de l'agriculture. Dans ces pays, la majorité des pauvres vit en milieu rural et opère principalement
dans le secteur agricole. Ceci a orienté l'objectif de cette recherche à analyser les effets du financement
public de la recherche développement agricole sur la pauvreté rurale dans les pays de l'UEMOA. Plus
précisément, le papier s'est focalisé sur les effets des dépenses publiques allouées à l'administration de
la recherche agricole, le nombre de chercheurs agricoles sur la pauvreté rurale dans les pays de
l'UEMOA.

Pour l'analyse empirique, un panel dynamique regroupant les pays de l'UEMOA a été construit à partir
de données couvrant la période 2000-2020. Sur la base du modèle théorique de López (2004), qui mesure
les effets des dépenses publiques sur la pauvreté, un modèle empirique a été dérivé pour mener l'analyse.
Comme le panel est dynamique, le modèle a été estimé en utilisant le GMM en système développé par
Blundel et Bond (1998) qui semble plus approprié.

Les résultats obtenus sont conformes aux attentes. En effet, les dépenses publiques allouées à
l'administration des chercheurs agricoles, le nombre de chercheurs agricoles pour cent mille producteurs
agricoles, le taux d'achèvement au primaire des élèves ont des effets positifs et significatifs sur le revenu
agricole ; ce qui contribue à réduire la pauvreté rurale. De plus, le secteur non agricole a un effet positif
sur le revenu agricole. Ces résultats ont des conséquences sur la politique économique des pays de
l’UEMOA.

Ces Etats doivent mettre en place une politique de formation des chercheurs agricoles pour assurer la
pérennité du personnel de recherche dans le secteur agricole. La Banque mondiale (2008) a montré que
les systèmes de recherche agricole en Afrique Subsaharienne sont fragmentés en près de 400 organismes
de recherche différents, soit quatre fois le nombre d'organismes de recherche agricole en Inde et huit
fois celui des États-Unis. Cette dispersion des chercheurs ne permet pas de bénéficier d'une bonne
synergie avec les services de conseil agricole afin de réaliser des économies d'échelle dans la recherche
et est très coûteuse pour ces pays. Il est donc important pour l'UEMOA de créer des organismes de
recherche régionaux de grande envergure dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique agricole
commune. Pour que ces centres fonctionnent, les Etats doivent en supporter le financement. Ainsi, la
mise en commun des investissements de chaque pays dans la recherche développement, par exemple,
permettrait la création de centres d'excellence et la diffusion de technologies agricoles appropriées à
chaque type d'agroécologie. Les pays de l'Union étant similaires en termes de contraintes liées au
développement agricole, un centre régional de recherche et développement pourrait développer des
technologies appropriées pour l'ensemble de la région.

Par ailleurs, les États de l'UEMOA doivent accroître les investissements dans le secteur de l'éducation
par la construction d'infrastructures scolaires et le recrutement de personnel compétent pour faire de
l'éducation pour tous une réalité et maintenir les élèves jusqu'à la fin du cycle primaire. Ceci permettrait
à ceux qui souhaitent opérer dans l'agriculture d'avoir un minimum de compétences pour appliquer les
différentes techniques agricoles afin d'améliorer leur productivité.

En outre, les États de l'UEMOA doivent accorder une importance les investissements dans le secteur
non agricole qui présente des effets d’entrainement dans le secteur agricole par le biais des effets du
marché.

Toutes ces recommandations interpellent les Etats de l'UEMOA, tous les acteurs du développement à
mutualiser les efforts pour réaliser des investissements structurants en milieu rural. C'est dans ces
milieux que vivent la plupart des pauvres et doivent attirer l'attention des bailleurs de fonds qui veulent
réduire la pauvreté. L'investissement dans le secteur agricole permettrait d'améliorer la productivité
agricole, le revenu agricole et donc le développement économique.

174
Bibliographie

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47) Zmani M. (2017). Libéralisation commerciale et investissement privé : une analyse en données de
panel pour les entreprises manufacturières en Tunisie. Région et Développement (45)

176
Informations des membres

Mohammed Abdelaziz BENKAMLA, Enseignant – Chercheur à l’Université d’Oran 2,


Algérie, est spécialiste en comptabilité, fiscalité et finance des entreprises. a publié 3 ouvrages :

- « Finances publiques, de l’initiation à la maîtrise », qui présente une étude des


finances publiques, basée essentiellement sur des textes juridiques, des cas réels et
des éléments techniques. Dans ce cadre, l’auteur a mis les aspects théoriques et
techniques en conformité avec les dispositions prévues par la constitution et les
différentes lois. Il a aussi mis à jour ces aspects techniques au regard des dispositions
des lois de finances en vigueur ;
- « Comptabilité analytique et contrôle de gestion », qui regroupe des cours et des
exercices pour les étudiants et les praticiens ;
- « Techniques de fiscalité des firmes, de contrôle et de contentieux », présenté à partir
des fondements théoriques et des aspects techniques. Comme le précédent, cet
ouvrage regroupe des cours et des exercices, qui pourront servir aux étudiants pour
la maîtrise de la fiscalité, et aux praticiens comme instrument de référence.

177
Informations des partenaires

La Revue des Sciences de Gestion vient de publier son n° 320. Le sommaire en est le suivant :

Mundus universus exercet histrioniam par Philippe Naszalyi [accès gratuit]

DOSSIER I - INFORMATION ET FINANCE


La guerre en Ukraine : quelle contagion sur les marchés financiers des PECO ? par
Sandrine Boulerne et Sophie Nivoix

Le rôle des capitaux propres dans la stratégie financière des banques. Cas des banques
européennes et nord-américaines par Ali Harmatallah et Dominique Jacquet

Pratiques d’intelligence économique et crise de la Covid19 par Loic Harriet et Bertrand


Auge

Digitalisation des services bancaires et risque de changement du rôle du conseiller


bancaire en agence par Dimitri Laroutis, Philippe Boistel et Amira Berriche

L’actualité de la gestion

DOSSIER II - COMPTABILITÉ
Vie et mort de la comptabilité matricielle. Une revue de littérature structurée par Kada
Meghraoui

À quoi s’est intéressée la recherche comptable dans les Journées d’Étude Africaine en
Comptabilité et Contrôle (JEACC) ? Analyse des tendances et pistes d’impulsion par
Ousmane Tanor Dieng

178
Règles de présentation des articles

Résumé́
L’auteur propose un résumé́ en français et en anglais qui n’excède pas 250 mots. Il limite son propos à
une brève description du problème étudié́ et des principaux objectifs à atteindre. Il présente à grands
traits sa méthodologie. Il fait un sommaire des résultats et énonce ses conclusions principales.

Mots-clés
Ils accompagnent le résumé́ . Ne dépassent pas 5-6 mots et sont indiqués en français et en anglais.

Classification JEL
Elle est disponible à l'adresse : http://www.aeaweb.org/jel/guide/jel.php

Introduction
• La problématique : l’auteur expose clairement la question abordée tout au long de l’article et justifie
son intérêt. Il formule des hypothèses qui sont des réponses provisoires à la question.
• La méthodologie et les principaux résultats : l’auteur précise la raison du choix d'une méthode
particulière et les outils utilisés de collecte de l’information, si nécessaire. Il cite ses principaux résultats.
Il annonce son plan.

Développements
• Le contexte : l’auteur situe la question posée dans son environnement théorique en donnant des
références bibliographiques et en évoquant les apports d’autres chercheurs.
• La méthode : l’auteur explique en détails comment il a mené́ son étude et quel est l'intérêt d'utiliser ses
outils de collecte de données par rapport aux hypothèses formulées.
• Les résultats (si le papier n’est pas uniquement conceptuel) : l’auteur présente un résumé́ ́́ des données
collectées et les résultats statistiques qu’elles ont permis d’obtenir.
• La discussion : l’auteur évalue les résultats qu’il obtient. Il montre en quoi ses résultats répondent à la
question initiale et sont en accord avec les hypothèses initiales. Il compare ses résultats avec les données
obtenues par d’autres chercheurs. Il mentionne certaines des faiblesses de l'étude et ce qu'il faudrait
améliorer en vue d'études futures.

Conclusion
L’auteur résume en quelques paragraphes l'ensemble de son travail. Il souligne les résultats qui donnent
lieu à de nouvelles interrogations et tente de suggérer des pistes de recherche susceptibles d'y apporter
réponse.

Bibliographie
Elle reprend tous les livres et articles qui ont été́ ́́ cités dans le corps de son texte.

CONSEILS TECHNIQUES

Mise en page et volume


• Document Word, Format B5 (18,2 x 25,7 cm); • Marges : haut 2,22 cm, bas 1,90 cm, gauche 1,75
cm, droite 1,75 cm, reliure 0 cm, en tête 1,25 cm, bas de page 1,25 cm ; • Volume : Le texte ne doit
pas dépasser 20 pages au maximum en format B5 du papier. • la numérotation des notes de bas de
pages, si elles existent, recommence à un à chaque nouvelle page, elles sont en caractère Times new
roman 10 • Les tableaux doivent être conçus pour ne pas déborder des marges

Style et Polices
Arial, taille 12 pour le titre de l’article et, pour le reste du texte, Times New Roman, taille 11 (sauf pour
le résume,́́ les mots-clés, en italique, et la bibliographie qui ont la taille 10) et les notes de bas de page,

179
simple interligne, sans espace avant ou après, alignement gauche et droite. Le titre de l'article,
l'introduction, les sous-titres principaux, la conclusion et la bibliographie sont précédés par deux
interlignes et les autres titres/paragraphes par une seule interligne.

Titres
Le titre de l'article est en gras, en majuscules caractères Arial 12, aligné au centre. Les autres titres sont
alignés gauche et droite ; leur numérotation doit être claire et ne pas dépasser 3 niveaux (exemple : 1. –
1.1. – 1.1.1.). Il ne faut pas utiliser des majuscules pour les titres, sous-titres, introduction,

Auteur, résumé, mots-clés, citations et tableaux


Mention de l’auteur : sera faite après le titre de l'article et 2 interlignes, alignée à droite. Elle comporte
: Prénoms, NOM (en gras, sur la première ligne),
Titres universitaires, Rang universitaire, fonctions, Nom de l’institution (en italique, sur la deuxième
ligne),
Nom de l’université de rattachement et ville et pays, courriel (sur la troisième ligne).
Leur titre est écrit en gras, italique, taille 10 (Résumé́ , Mots-clés, Abstract, Key words).

Résumé et mots-clés : rédigé́ś en italique, taille 10. Les mots-clés sont écrits en minuscules et séparés
par une virgule. L’ensemble est présenté en français et en anglais.

Notes et citations : Les citations sont reprises entre guillemets, en caractère normal. Les mots étrangers
sont mis en italique. Les pages de l’ouvrage d’où cette citation a été́ ́́ extraite, doivent être précisées dans
les notes.

Tableaux, schémas, figures : Ceux-ci doivent entrer dans le format de la revue (B 5), sans dépasser sur
les marges à gauche, 1,75, à droite 1,75. Ils sont numérotés et comportent un titre en italique, au-dessus
du tableau/schéma. Ils sont alignés au centre. La source (si c’est le cas) est placée en dessous du
tableau/schéma/figure, alignée au centre, taille 10.

PRESENTATION DES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Le format de présentation des références bibliographiques s’appuie sur la norme définie par le
« style Harvard » et se décline comme suit

• Dans le texte : les citations de références apparaissent entre parenthèses avec le nom de l’auteur et la
date de parution. Dans le cas d’un nombre d’auteurs supérieur à 3, la mention et al. en italique est notée
après le nom du premier auteur. En cas de deux références avec le même auteur et la même année de
parution, leur différenciation se fera par une lettre qui figure aussi dans la bibliographie (a, b, c, ...).

• A la fin du texte :
Pour les périodiques, le nom de l’auteur et le prénom sont suivis de l’année de la publication entre
parenthèses, du titre de l’article entre guillemets, du nom du périodique (sans abréviation) en italique,
du numéro du volume, du numéro du périodique dans le volume et numéro des pages. Lorsque le
périodique est en anglais, les mêmes normes sont à utiliser avec toutefois les mots qui commencent par
une majuscule.

Pour les ouvrages, on note le nom et le prénom de l’auteur suivis de l’année de publication entre
parenthèses, du titre de l’ouvrage en italique, du lieu de publication et du nom de la société́ ́́ d’édition.

Pour les extraits d’ouvrages, le nom de l’auteur et le prénom sont à indiquer avant l’année de publication
entre parenthèses, le titre du chapitre entre guillemets, le titre du livre en italique, le lieu de publication,
le numéro du volume, le prénom et le nom des responsables de l’édition, le nom de la société́ ́́ d’édition,
et les numéros des pages concernées.

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Pour les papiers non publiés, les thèses etc., on retrouve le nom de l’auteur et le prénom, suivis de
l’année de soutenance ou de présentation, le titre et les mots « rapport », « thèse » ou « papier de
recherche », qui ne doivent pas être mis en italique. On ajoute le nom de l’Université́ ́́ ou de l’École, et
le lieu de soutenance ou de présentation.

Pour les actes de colloques, les citations sont traitées comme les extraits d’ouvrages avec notamment
l’intitulé du colloque mis en italique. Si les actes de colloques sont sur CD ROM, indiquer : les actes sur
CD ROM à la place du numéro des pages.

Pour les papiers disponibles sur l'Internet, le nom de l’auteur, le prénom, l'année de la publication entre
parenthèses, le titre du papier entre guillemets, l'adresse Internet à laquelle il est disponible et la date du
dernier accès.

ENVOI de l’ARTICLE

Adresse Internet de la revue : www.cedimes.com/index.php/publi/cahiers-du-cedimes/repertoire-des-


ouvrages

Envoi du document en français ou en anglais par courriel à M. Marc RICHEVAUX (Rédacteur en


Chef) : marc.richevaux@yahoo.fr

Toute proposition d’article doit mentionner le N° de carte d’adhèrent du CEDIMES avec sa cotisation
à jour. Pour les auteurs non encore membres, l’article doit être accompagné du formulaire d’adhésion
rempli et la cotisation à l’ordre du CEDIMES.

Les documents envoyés doivent respecter les conseils de rédaction indiqués ci-dessus, à défaut, ils sont
renvoyés à l’intéressé́ pour mise aux normes et les schémas et tableaux conçu pour ne pas déborder les
marges ce qui en retarde la procédure et donc la publication.

Le rédacteur en Chef retourne un avis de réception de l’article. L’auteur recevra ultérieurement une
notification sur les résultats de l’évaluation avec trois possibilités :
1) L’article n’est pas publiable en l’état avec les raisons ;
2) L’article est publiable sous réserve de certaines modifications énoncées ;
3) L’article est publiable en l’état ou avec quelques corrections mineures.

La parution du nouveau numéro est annoncée sur le site internet du CEDIMES. www.cedimes.com.
Dans les correspondances avec le rédacteur en chef, les mails doivent préciser le titre de l’article dont il
est question.

NB Toutes les correspondances avec le rédacteur en chef doivent préciser le titre de l’article
auquel elles se rapportent.

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