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Pascale Steichen
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TERRES, SOLS
ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
Pascale STEICHEN
Professeur UNS
(GREDEG) UMR 7321 du CNRS et de l’Université de Nice - Sophia Antipolis
« Nous ne devons pas oublier que la science n’est pas la sagesse. La science
est la connaissance. La sagesse exige la connaissance et l’évaluation des
valeurs. »
A.M. Castro 1
1. A.M. Castro cité par A. Bue, M. Zanoni, « L’œuvre de Josué de Castro, une pensée globale et géo-
politique de la faim et de l’écologie politique », in Alimentation, environnement et santé, Pour un droit à
l’alimentation, Ellipses, 2010, p. 19, note 2.
2. Depuis le début des années 1970, la FAO comptabilise annuellement le nombre de personnes en
état de sous-alimentation. Pour ce faire, elle recense les disponibilités alimentaires au niveau des Etats
(productions et importations pour l’alimentation humaine moins les pertes et les exportations) et les
rapporte aux besoins en énergie alimentaire calculés selon les normes physiologiques en vigueur pour
l’ensemble de la population correspondante. Bien que la fiabilité des chiffres dépende de la qualité des
données, cela permet d’avoir une vision en continue de l’insécurité alimentaire. B. Maire et F. Delpeuch,
« Faims et malnutritions dans le monde contemporain », in Alimentation, environnement et santé, Pour
un droit à l’alimentation, Ellipses, 2010, p. 48.
3. Sommet mondial de l’alimentation, FAO, Rome, 1996.
4. Idem, http://www.fao.org/docrep/003/w3613f/w3613f00.htm
5. Article 25 :
« 1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de
sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour
les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité,
de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de
circonstances indépendantes de sa volonté.
2. La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu’ils
soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale. »
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6. Article 11 :
« 1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie
suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants,
ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les Etats parties prendront des
mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l’importance
essentielle d’une coopération internationale librement consentie.
2. Les Etats parties au présent Pacte, reconnaissant le droit fondamental qu’a toute personne d’être à
l’abri de la faim, adopteront, individuellement et au moyen de la coopération internationale, les mesures
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I. – SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
ET DISPONIBILITÉ DES TERRES AGRICOLES
A) LE PHÉNOMÈNE DE LA DÉGRADATION
ET DE L’IMPERMÉABILISATION DES SOLS AGRICOLES
La dégradation des sols est un problème qui touche environ un tiers des terres dans
le monde 15. Dans les pays de l’Union européenne, on estime même que c’est près
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de la moitié du territoire qui est touché 16. Le phénomène est alarmant lorsque l’on
sait que la phase finale du processus de dégradation est la désertification des terres.
Sensibilisée par la question, l’Union européenne a lancé récemment une étude des-
tinée à évaluer les coûts de la dégradation des sols dans le monde 17. A cette occa-
sion, le Commissaire chargé de l’environnement, M. Janek Potocnik, a déclaré :
« On n’accorde généralement pas beaucoup d’importance aux sols, alors qu’il s’agit
d’une ressource non renouvelable, qui pourrait donc s’épuiser ou s’appauvrir si l’on
n’en prend pas soin. La dégradation des sols nous concerne tous (…) ».
La dégradation des sols s’explique par divers facteurs, notamment l’utilisation non
durable des terres qui résulte des changements démographiques, des habitudes
de consommation et de production non durables et des pressions croissantes sur
les ressources en eau, exacerbées par le changement climatique et la sècheresse.
Sur le plan socio-économique, la désertification a des conséquences extrêmement
graves, notamment pour les populations rurales 18. Alors qu’un milliard de personnes
souffre de la faim aujourd’hui, l’accès à la terre est une condition indispensable pour
atteindre un niveau de vie satisfaisant pour la plupart des petits exploitants, tra-
vailleurs agricoles, éleveurs, pêcheurs artisanaux et communautés indigènes 19. On
constate ainsi que la plupart des personnes sous-alimentées et les ruraux les plus
pauvres vivent dans les zones gravement touchées par la baisse de la productivité
des sols, la dégradation des ressources en eau et la perte des services écosysté-
miques vitaux dont dépend leur existence 20.
La gravité de la situation est exacerbée par le fait que la dégradation des sols se
conjugue avec une diminution constante de la taille des exploitations agricoles qui
devient rapidement non viable. Le phénomène de la diminution des surfaces agri-
coles est observé dans de nombreuses régions du monde, depuis la région asia-
tique 21 jusqu’en Afrique 22, où la superficie des terres cultivées a été diminuée de
moitié au cours de la dernière génération 23. Dans un certain nombre de pays, la
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16. Commission européenne, L’action de l’UE pour lutter contre la dégradation des sols et la déserti-
fication, 2009.
Les zones soumises à un risque de désertification incluent l’Espagne centrale et du sud-est, l’Italie
centrale et méridionale, la France méridionale et le Portugal ainsi que des zones étendues de la Grèce
(Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social
et au Comité des régions - Vers une stratégie thématique pour la protection des sols (COM/2002/0179)).
17. Réf. IP/11/1058 du 21 septembre 2011.
18. Cela représente 60 % des personnes dans le monde. Jean Ziegler, « Le droit à l’alimentation et le
massacre quotidien de la faim », in Alimentation, environnement et santé, Pour un droit à l’alimentation,
Ellipses, 2010, p. 74.
19. Rapport O. de Schutter, Le droit à l’alimentation, Assemblée générale des Nations Unies, 11 août
2010 (A/65/281).
20. Sachant également que, dans le monde, un actif sur deux est un paysan (1,3 milliard) et que les
deux tiers des personnes qui ne mangent pas à leur faim sont des paysans : S. Perez-Vitoria, « Acti-
visme paysans et réinventions des fonctions de l’agriculture », in Alimentation, environnement et santé,
Pour un droit à l’alimentation, Ellipses, 2010, p. 191.
21. Bangladesh, Philippines, Thaïlande.
22. Il s’agit surtout de l’Afrique australe et orientale.
23. Selon la FAO, les deux tiers environ des trois milliards de ruraux vivent des revenus tirés de quelques
cinq cents millions de petites exploitations de moins de deux hectares (L’état de l’insécurité alimentaire
dans le monde).
24. Rapport O. de Schutter, Le droit à l’alimentation, Assemblée générale des Nations Unies, 11 août
2010.
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En outre, les pays les plus pauvres n’ont aucun moyen d’investir dans la production
agricole en raison du poids de la dette extérieure 25. Ainsi, par exemple, on estime
que seulement 4 % des terres africaines sont irriguées, l’agriculture pluviale conti-
nuant à régner majoritairement en Afrique. La situation d’insécurité est encore ag-
gravée par les risques d’expulsion qui guettent les agriculteurs, au profit des grandes
exploitations. L’agriculture n’est pas seule en cause. Des expropriations peuvent
avoir lieu au profit de projets d’exploitation minière ou pour la construction d’instal-
lations industrielles, sans compensation ou avec des contreparties insuffisantes 26.
Les grands projets d’infrastructures comme les barrages peuvent aussi générer des
expulsions d’agriculteurs.
Parallèlement au phénomène de la dégradation des sols, la pratique de l’imper-
méabilisation des terres réduit encore les surfaces agricoles disponibles. Le nombre
de citadins ne cesse d’augmenter et accroît la pression sur les sols au profit des
zones urbaines. Cette pression ne devrait pas diminuer lorsque l’on sait que 60 %
de la population mondiale vivra en ville d’ici 2030, contre 50 % aujourd’hui. L’imper-
méabilisation des sols, c’est-à-dire la couverture permanente avec une matière telle
que l’asphalte ou le béton, est à l’origine d’une réduction importante des terres
agricoles, ce qui est particulièrement dommageable pour les sols à grande valeur
agronomique. Le phénomène étant irréversible, le potentiel de production alimen-
taire est perdu à jamais. Au plan mondial, ce sont ainsi chaque année 19,5 millions
d’hectares de terres agricoles qui sont converties pour le développement industriel
et immobilier 27.
Ce n’est donc pas un hasard si, dans les récents rapports de l’Union européenne,
l’accent a été mis sur la lutte contre l’imperméabilisation du sol 28. En Europe, on
estime qu’entre 1990 et 2000, ce sont près de 1000 km² par an qui ont été ar-
tificialisés, ce qui a entraîné la disparition d’un potentiel productif considérable 29.
La perte est d’autant plus importante que certains experts considèrent que, pour
compenser la perte d’un hectare de terre fertile en Europe, il faudrait exploiter une
superficie jusqu’à dix fois plus grande dans une autre partie du monde 30. Le même
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25. Celle-ci était, en 2008, de 2 100 milliards de dollars pour les Etats de l’hémisphère sud. (J. Ziegler,
« Le droit à l’alimentation et le massacre quotidien de la faim », in Alimentation, environnement et santé,
Pour un droit à l’alimentation, Ellipses, 2010, p. 73).
26. Rapport O. de Schutter, Le droit à l’alimentation, Assemblée générale des Nations Unies, 11 août
2010, p. 8 (A/65/281).
27. FAO, Politiques foncières et planification, http://www.fao.org/nr/land/land-policy-and-planning/en/
28. Gundula Prokop, Heide Jobstmann and Arnulf Schönbauer, Report on best practices for limiting soil
sealing and mitigating its effects, European Commission, avril 2011.
29. Au cours de la période 1990-2006, 19 Etats membres ont perdu un potentiel de production agricole
équivalant à un total de 6,1 millions de tonnes de blé (Rapport de la Commission européenne : Mise
en œuvre de la stratégie thématique en faveur de la protection des sols et activités en cours, Bruxelles,
13 février 2012, COM(2012)).
30. La productivité qui est de 10 tonnes à l’hectare de céréales en France est de 5 à 600 kg par hectare
au Burkina par exemple (J. Ziegler, « Le droit à l’alimentation et le massacre quotidien de la faim », in
Alimentation, environnement et santé, Pour un droit à l’alimentation, Ellipses, 2010, p. 75).
31. Commissariat général au plan, n° 10, avril 2009. Voir aussi L’état des sols en France 2011, Groupe-
ment d’intérêt scientifique sur les sols, 188 pages.
32. En France métropolitaine, si la proportion des sols agricoles représente 60 % du territoire pour 34 %
de forêts ou d’espaces semi naturels (voir l’inventaire biophysique Corine – coordination de l’information
sur l’environnement –, Land cover 2006), les sols artificialisés – habitat, activités industrielles, infrastruc-
tures de loisirs et de transport – occupent un peu plus de 5 % du territoire.
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Il faut ajouter à cela le phénomène de la contamination des sols qui, lui aussi, peut
entraîner la détérioration ou la disparition de certaines fonctions du sol et notam-
ment la production vivrière. Dans l’Union européenne, il existe près de trois millions
et demi de sites contaminés, ce qui pose la question du devenir de ces sites en fin
d’activité mais également celui de la qualité de la production agricole autour des
sites en exploitation 33. D’autres activités peuvent encore être à l’origine de risques
pour la production alimentaire, via la contamination des sols, telles que notamment
les épandages de boues de stations d’épuration ou de lisiers ou encore l’utilisation
excessive de produits phytosanitaires.
Dans un contexte mondial de dégradation des sols, des pratiques nouvelles sont
venues jeter le trouble sur la capacité de certains Etats à faire face à leur déficit
vivrier endémique 34. De nombreuses régions ont été le théâtre de l’accaparement
des terres agricoles dans un contexte de compétition avec d’autres usages tels que
les biocarburants.
Le phénomène de l’achat à grande échelle de terres agricoles est l’objet d’études
depuis la fin des années 2000 35. L’on estime en effet à 20 millions d’hectares la
superficie des terres acquises ces dernières années avec des capitaux étrangers 36,
la plupart des terres se situant en Afrique, en Amérique latine et dans certaines
régions d’Asie 37. Les raisons de ces achats sont variables. Certains pays, comme la
Chine, opèrent une gestion stratégique de prudence sur le long terme en raison de la
pression que fait peser la population sur ses propres ressources naturelles. D’autres
Etats, comme les Etats du Golf, ont peu de terres disponibles tandis que les revenus
pétroliers leurs assurent une large disponibilité financière. Toutefois, l’externalisation
de leur propre production agricole à l’étranger leur assure une stabilité des coûts de
production. En revanche, les objectifs des investisseurs privés, qu’il s’agisse des
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33. M. Mench, D. Baize, « Contamination des sols et de nos aliments d’origine végétale par des élé-
ments trace », Courrier de l’environnement de l’INRA, n° 52, septembre 2004.
34. B. Maire et F. Delpeuch, « Faims et malnutritions dans le monde contemporain », in Alimentation,
environnement et santé, Pour un droit à l’alimentation, Ellipses, 2010, p. 50.
35. Voy. notamment le numéro d’Afrique contemporaine consacré aux investissements agricoles en
Afrique, n° 237, Agence Française de développement et De Boeck, 176 pages et les nombreuses réfé-
rences bibliographiques qu’il comporte.
Voir également l’ouverture récente du portail internet Land Matrix (www.landportal.info/landmatrix).
36. Le rapport Grain fournit une liste impressionnante d’« accapareurs » de terre : Chine, Inde, Japon,
Malaisie, Corée du Sud, Egypte, Lybie, Bahreïn, Jordanie, Koweit, Quatar, Arabie Saoudite, Emirats
arabes unis (Rapport Grain : Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financière,
http://www.grain.org.go/mainbase).
37. Rapport Grain, précité, p. 3.
38. Par exemple, un groupe d’investissement britannique s’est récemment porté acquéreur de
100 000 hectares de terres agricoles en Ukraine et espère porter ce chiffre à 350 000 hectares (Rapport
Grain : Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financière, p. 10).
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tié ayant signé, en juillet 2006, le traité de fondation de l’association panafricaine des
non-producteurs de pétrole (PANPP) 39.
Les motivations des pays pour accueillir ce type d’investissement sont liées aux
retombées financières directes des acquisitions ou locations de terres, mais éga-
lement aux effets structurels qui leur sont liés (perspectives d’emploi, nouvelles
infrastructures). Pour les agrocarburants, la réduction de la dépendance envers les
énergies fossiles est patente 40.
L’un des arguments avancés pour promouvoir les grandes exploitations en Afrique
serait la disponibilité des terres. Or, beaucoup de terres prétendument disponibles
sont en réalité utilisées par les populations locales pour leur survie. Les usages pas-
toraux sont ignorés alors même qu’ils sont au cœur des économies familiales.
Certains observateurs 41 ont fait valoir que les opérations foncières réalisées par
des investisseurs étrangers ne représentaient qu’une petite partie des phénomènes
d’accaparements fonciers, certaines spoliations, moins spectaculaires, mais tout
aussi graves étant le fait d’élites nationales ou locales, sans compter aussi les spolia-
tions qui peuvent se produire entre agriculteurs et éleveurs, ou même au sein des fa-
milles (au détriment des femmes ou des orphelins dans les régions où l’incidence du
sida est élevée). Il convient en outre de resituer ces expropriations dans un contexte
historique, l’expropriation des petits agriculteurs, des éleveurs, des peuples autoch-
tones et des autres communautés rurales s’étant poursuivie à travers des siècles de
colonisation étrangère et interne 42.
Dans ce contexte, les sols seront-ils aptes à satisfaire les besoins écologiques et
humains du XXIe siècle ? Lors de la Conférence de Rio de 1992 43, le chapitre 38 de
l’Agenda 21 a identifié le droit de l’environnement comme l’un des domaines priori-
taires sur lequel le PNUE devrait porter son attention. L’on sait que, depuis 1982, les
activités du PNUE dans le domaine du droit de l’environnement sont organisées et
coordonnées par le biais d’une série de programmes décennaux, les Programmes
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39. M.H. Dabat, « Les nouveaux investissements dans les agrocarburants », in Afrique contemporaine
préc., note 13.
40. Les pays africains importateurs de pétrole sont vulnérables à la volatilité des prix des hydrocarbures
et dépendants de leurs ressources en devises pour satisfaire leurs besoins énergétiques.
41. Voy. H. Liversage, « Réagir à l’accaparement des terres et favoriser les investissements agricoles
responsables », Fida, décembre 2010.
42. On se réfèrera par exemple à l’œuvre de Josué de Castro, Géographie de la faim, Paris, Editions
ouvrières, 1re édition, 1949. L’auteur démontre que la sous-nutrition et la faim qui frappent les popula-
tions humaines du Nordeste du Brésil sont le fait d’une structure foncière, le Latifundio.
43. Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Rio de
Janeiro, 3-14 juin 1992 (Publication des Nations Unies).
44. Le premier programme (Programme de Montevideo I) et le programme pour les années 90 (Pro-
gramme de Montevideo II), adoptés par le Conseil d’administration à sa dixième session en 1982 et à
sa dix-septième session en 1993, respectivement, ont contribué de façon déterminante au cadre straté-
gique du PNUE dans ce domaine. A partir de 2001, le troisième programme (Programme de Montevideo
III) a fourni au PNUE le cadre stratégique pour le développement progressif du droit de l’environnement
et le soutien à la mise en œuvre du droit de l’environnement dans les Etats membres. Le rapport sur la
mise en œuvre du Programme de Montevideo III figure dans le document UNEP/GC.25/INF.15/Add.1.
45. Au cours des dernières décennies, ces programmes successifs ont orienté efficacement les acti-
vités du PNUE dans le domaine du droit de l’environnement pour favoriser une action internationale en
vue d’élaborer un certain nombre d’accords multilatéraux sur l’environnement aux niveaux mondial et
régional ainsi que des instruments internationaux juridiquement non contraignants.
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Les sols 46 comptent parmi les ressources naturelles les plus précieuses car la for-
mation des sols est un processus extrêmement lent qui fait de cette ressource une
ressource non renouvelable. D’où la nécessité d’organiser sa préservation sur le
long terme, soit de manière directe, soit de manière indirecte.
C’est en 1972 que le Conseil de l’Europe a ouvert la marche de la protection des sols
avec la Charte européenne des sols 47. Constatant que la société industrielle utilise
les sols aussi bien à des fins agricoles qu’à des fins économiques, la Charte énonce
que les politiques d’aménagement du territoire doivent être conçues en fonction
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des propriétés, c’est-à-dire des caractéristiques du sol 48. La destruction des sols,
46. Le sol est constitué de particules minérales, de matières organiques, d’eau, d’air et d’organismes
vivants.
47. Résolution (72) 19 adoptée le 30 mai 1972.
48. Paragraphe 3 de la Charte européenne des sols.
49. Idem.
50. Paragraphe 4 de la Charte européenne des sols.
51. Cela inclut également l’air, l’eau, la flore et la faune. En particulier les échantillons représentatifs des
écosystèmes naturels doivent être préservés dans l’intérêt des générations présentes et à venir par une
planification ou une gestion attentive selon que de besoin (Principe 2).
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52. Recognizing the paramount importance of land resources for the survival and welfare of people and © Lavoisier | Téléchargé le 17/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.28.249.175)
economic independence of countries, and also the rapidly increasing need for more food production,
it is imperative to give high priority to promoting optimum land use, to maintaining and improving soil
productivity and to conserving soil resources (http://www.fao.org/docrep/T0389E/T0389E0b.htm).
53. The World Commission on Environment and Development, 1987, Our Common Future, Oxford
Universty press (http://www.un-documents.net/wced-ocf.htm).
54. Chapitre 5, Food Security: Sustaining The Potential.
55. Il s’agit du plan d’action adopté pour le XXIe siècle.
56. Chapitre 10.
57. Ainsi qu’il a été souligné, « le sol n’est pas suffisamment protégé par les lois dans la mesure où il
n’est pas, culturellement parlant, comme une ressource commune au même titre que les fleuves, les
lacs, les mers ou l’atmosphère » : Avis du Comité des régions du 3 mars 2003 sur la Communication
de la Commission « Vers une stratégie thématique pour la protection des sols », COM(2002) 179 final.
58. Communication de la Commission du 24 janvier 2001 sur le sixième programme communautaire
d’action pour l’environnement, Environnement 2010 : notre avenir, notre choix, COM(2001) 31 final.
59. Communication de la Commission, du 16 avril 2002, au Conseil, au Parlement européen, au Comité
économique et social et au Comité des régions, Vers une stratégie thématique pour la protection des
sols, COM(2002) 179 final.
60. Stratégie thématique en faveur de la protection des sols du 22 septembre 2006, COM(2006)231
final.
61. Rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la stratégie en faveur de la protection des sols,
13 février 2012, COM(2012)46 final.
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Il est consternant de constater que, en dehors du Protocole sur les sols annexé à la
Convention alpine, il n’existe pas – pour l’instant – de textes juridiquement contrai-
gnants portant spécifiquement sur la protection des sols.
Ceux-ci existent pourtant à l’état de projet. Tel est le cas du Protocole de 2009
rédigé par un groupe d’experts 66 sous l’égide de l’IUCN, sur « La sécurité et l’utilisa-
tion durable des sols ». Il s’agit d’un projet qui serait annexé à la Convention relative
à la lutte contre la désertification. L’utilisation durable des sols y est définie comme
« l’utilisation du sol d’une manière qui préserve l’équilibre entre les processus de for-
mation du sol et sa dégradation, tout en maintenant ses fonctions écologiques et en
préservant sa capacité à répondre aux besoins et aux aspirations des générations
présentes et futures » 67.
Le projet de Protocole, qui comprend près d’une cinquantaine d’articles, est très
abouti. L’objet du Protocole est de parvenir à une sécurité et une utilisation durable
des sols en luttant contre les causes et les effets de la désertification, de la dégrada-
tion des sols et de la sécheresse 68.
Le projet identifie, sans les détailler, quatre fonctionnalités du sol : la fonction d’habi-
tat, la fonction de régulation, la fonction utilisatrice et la fonction culturelle 69.
Il prévoit que les Etats ont le droit d’exploiter leurs propres ressources conformément
à leurs politiques environnementales, et le devoir de s’assurer que les activités exer-
cées sous leur contrôle ne causent pas de dommages à leurs propres sols et à ceux
des Etats voisins. De même, les parties ont le devoir de préserver les ressources
du sol pour les générations présentes et futures et de prendre les mesures pour y
parvenir. Des droits sont reconnus concernant la sécurité et l’utilisation durable des
sols, en particulier le droit à un sol sain 70.
Enfin, le concept de « sécurité des sols » vient enrichir la notion d’utilisation durable
des sols 71. Celui-ci vise « la conservation de la fertilité du sol, l’endiguement de la
dégradation des sols et des terres (incluant la désertification) et la réduction des
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66. IUCN-Commission on Environmental Law, Specialist Group on Sustainable Use of Soils and
Desertification.
67. I. Hannam with B. Boer, Legal and institutional frameworks for sustainable soils, IUCN, 2002, Envi-
ronmental Policy Law Paper, n° 45, p. XIII (traduction libre) et, plus récemment, Protocol and Commen-
tary Security and sustainable use of soil, Draft, version : 28th september 2009, IUCN, Commission on
Environment Law, Specialist Group on Sustainable Use of Soil and Desertification.
68. Article 1er du projet de Protocole.
69. Article 4 du projet de Protocole.
70. Article 6 du Protocole.
71. Voir « Securitizing the Ground, grounding security », Secretariat of the United nations Convention to
Combat desertification, Bonn Germany, 2009.
72. Article 4 du projet de Protocole (traduction libre).
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B) LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT,
VECTEUR INDIRECT DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
73. Sommet mondial de l’alimentation, 1996, cité par S. Perez-Vitoria, « Activisme paysans et réinven-
tions des fonctions de l’agriculture », in Alimentation, environnement et santé, Pour un droit à l’alimen-
tation, Ellipses, 2010, p. 192.
74. COM(2006)232 final.
75. Article 1er de la proposition de directive.
76. Article 4 de la proposition de directive.
77. Article 8 de la proposition de directive.
78. Proposition de directive définissant un cadre pour la protection des sols et modifiant la directive
2004/35/CE du 22 septembre 2006, COM (2006) 232 final.
79. Les autres fonctions du sol sont les suivantes :
– « Stockage, filtrage et transformation d’éléments nutritifs, de substances et d’eau » ;
– « Vivier de la biodiversité, notamment habitats, espèces et gènes » ;
– « Environnement physique et culturel de l’homme et des activités humaines » ;
– « Source de matières premières » ;
– « Réservoir de carbone » ;
– « Conservation du patrimoine géologique et architectural ».
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ceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une
évaluation environnementale.
Cela a permis en France que certains plans locaux d’urbanisme soient soumis à une
évaluation des incidences environnementales, notamment les PLU dans les zones
sensibles 94.
D’autres mécanismes ont été mis en place depuis peu pour préserver les terres
agricoles 95. Tel est le cas, depuis la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de
l’agriculture et de la pêche 96, du Plan régional de l’agriculture durable. Ce « Plan
régional de l’agriculture durable fixe les grandes orientations de la politique agricole,
agroalimentaire et agro-industrielle de l’Etat dans la région en tenant compte des
spécificités des territoires ainsi que de l’ensemble des enjeux économiques, sociaux
et environnementaux » 97. Ces orientations stratégiques tiennent compte notamment
des modalités de protection et de mise en valeur des terres agricoles 98.
Il faut ajouter à cela, au plan départemental, la création, par la même loi, de la Com-
mission de la consommation des espaces agricoles 99 qui se fixe pour objectif de
réduire le rythme de consommation des espaces agricoles de 50 % durant la pro-
chaine décennie 100. Cette Commission peut être consultée sur toute question rela-
tive à la régression des surfaces agricoles et sur les moyens de contribuer à la limita-
tion de la consommation de l’espace agricole 101. Elle est obligatoirement consultée
lors de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale 102 et des plans locaux
d’urbanisme 103 ayant pour conséquence une réduction des surfaces agricoles.
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94. Article R. 121-14 du Code de l’urbanisme issu du décret n° 2012-995 du 23 août 2012 relatif à
l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme.
95. Voir également F.C. Collart Dutilleul, « L’agriculture et les exigences du développement durable en
droit français », Droit rural, n° 402, avril 2012, Etude 5.
96. Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, A. Langlais,
« Le droit de l’environnement et la nouvelle loi d’orientation agricole, la fin d’une relation passionnelle ? »,
Dr. Env., n° 186, janvier 2011, p. 28-31.
97. Article L. 111-2-1 du Code rural
98. Article D. 111-1 du Code rural.
99. Elle est présidée par le préfet, associe des représentants des collectivités territoriales, de l’Etat, de
la profession agricole, des propriétaires fonciers, des notaires et des associations agréées de protection
de l’environnement (voir le décret n° 2011-189 du 16 février 2011 relatif à la commission départementale
de la consommation des espaces agricoles, codifié à l’art. D. 112-1-11 du Code rural).
100. Circulaire du 9 février 2012 relative à la commission départementale de consommation des
espaces agricoles.
101. Article L. 112-1-1 du Code rural. C. Herman, I. Daissan, Production agricole et droit de l’environ-
nement, LexisNexis, 2012, nos 15 et s.
102. Article L. 122-13 du Code de l’urbanisme.
103. A la condition que le PLU soit situé en dehors du périmètre d’un SCoT approuvé (art. L. 123-6,
C. urb.).
104. Articles L. 112-2 et R. 112-1-4 à 10 du Code rural.
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représentent 41 % des milieux concernés en France, juste avant les forêts 113. A la
différence des études d’impact dites de droit commun, le résultat négatif de l’évalua-
tion environnementale d’un plan ou d’un projet sur les objectifs de conservation du
site doit amener les pouvoirs publics à refuser ledit plan ou projet 114.
S’agissant des mesures de conservation de sites, c’est par le biais d’un document
d’objectifs (DOCOB), élaboré de manière consensuelle 115, que sont énoncés les
objectifs de développement durable du site permettant d’assurer la conservation
et, s’il y a lieu, la restauration des habitats naturels et des espèces qui justifient la
désignation du site 116.
Les objectifs de conservation sont mis en œuvre de manière plus spécifique, pour
les exploitants agricoles, par le biais de contrats agro-environnementaux 117, dits
contrats d’agriculture durable 118, qui ne relèvent pas à proprement parler des dis-
positions du Code de l’environnement, mais qui doivent néanmoins comporter des
engagements propres à atteindre les objectifs de conservation du site et respecter
les cahiers des charges du document d’objectifs 119. C’est donc en amont, dans
le DOCOB ou dans d’autres outils, tel que le programme de développement rural
hexagonal (PDRH) 120 que devraient figurer les objectifs de la conservation durable
des sols.
Pour terminer, et dans un autre ordre d’idées, on peut examiner la question des
zonages de protection autour des établissements à risque. La directive Seveso 96/82
du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs
impliquant des substances dangereuses, avait demandé aux Etats membres de veil-
ler à ce que les objectifs de prévention d’accidents majeurs soient pris en compte
dans leurs politiques d’affectation ou d’utilisation des sols 121.
En France, la servitude d’éloignement au profit des installations dangereuses, issue
de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à la prévention des risques majeurs,
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113. Les forêts représentent 39 %. Viennent ensuite les landes et milieux ouverts (13 %), les zones
humides (6 %) et les territoires artificialisés (1 %) (Source : ministère de l’Ecologie, 2011).
114. Article L. 414-4 du Code de l’environnement.
115. Le comité comprend les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements concernés ainsi
que, notamment, des représentants de propriétaires, exploitants et utilisateurs des terrains et espaces
inclus dans le site Natura 2000. Les représentants de l’Etat y siègent à titre consultatif (art. L. 414-2-III,
C. env.). Outre les membres mentionnés à l’article L. 414-2, le comité de pilotage Natura 2000 com-
prend d’autres personnes en fonction des particularités locales (art. R. 414-8, C. env.).
116. Article R. 414-11, 2°, du Code de l’environnement.
117. Voir L. Boy, « Contrat agri-environnemental : aide ou rémunération », Economie rurale, n° 260,
2000, p. 52-65.
118. En 2011, on dénombrait 12 000 contrats agricoles (MAET) Natura 2000 couvrant près de
200 000 ha et 1 090 contrats non agricoles, dont 187 contrats forestiers (Sources : ministère de l’Eco-
logie, novembre 2011).
119. Article R. 414-17 du Code de l’environnement.
120. Programme de développement rural hexagonal 2007-2013 (version 7 validée par la Commis-
sion, Décision C 2011/3622 du 24 mai 2011) (http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/PDRH_V7_tome1_
cle814b54.pdf). Celui-ci aborde d’ailleurs la problématique de la qualité des sols (p. 22).
121. Article 12 de la directive, relatif à la maîtrise de l’urbanisation.
122. Ces servitudes ne peuvent concerner que les installations classées susceptibles de créer, « par
danger d’explosion ou d’émanation de produits nocifs, des risques très importants pour la santé ou la
sécurité des populations voisines et pour l’environnement » (art. L. 515-8, C. env.).
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123. Cass. civ. 3e, 15 décembre 2010, Société Tinanobel c/ X, Pourvoi n° 09-15171, Droit de l’environ-
nement, n° 187, février 2011, p. 50-53.
124. CE, 26 novembre 2010, n° 323534, mentionné dans les tables du Recueil Lebon.
125. Article R. 512-39-1 du Code de l’environnement pour la cessation d’activité des installations
classées soumises à autorisation.
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