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PLACE DES RISQUES CÔTIERS DANS LES REPRÉSENTATIONS

SOCIALES DU CADRE DE VIE D'HABITANTS DE COMMUNES

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LITTORALES
Nathalie Krien et Élisabeth Michel-Guillou

Presses universitaires de Liège | « Les Cahiers Internationaux de Psychologie


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Sociale »

2014/1 Numéro 101 | pages 101 à 122


ISSN 0777-0707
ISBN 9782875620453
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologie-
sociale-2014-1-page-101.htm
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“ Place des risques côtiers dans les


représentations sociales du cadre de
vie d’habitants de communes littorales

Nathalie KRIEN et Élisabeth MICHEL-GUILLOU


Centre de Recherches en Psychologie, Cognition et
Communication, Université de Brest, France
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Place des risques côtiers dans les représentations sociales du cadre de vie d’habitants de
communes littorales

Place of coastal risks in social representations of area from inhabitants of littoral towns

Die soziale Vorstellung bei Bewohnern von Küstenstädten zu Risiken in Küstenorten

Lugar de los riesgos costeros en la representación social del marco de vida de habitantes
de municipios litorales
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Lugar dos riscos da costa nas representações sociais do quadro de vida dos moradores de
cidades do litoral

Lo spazio dei rischi costieri nelle rappresentazioni sociali della situazione di vita degli
abitanti dei comuni litoranei

risultati mostrano l’influenza dei media sulla costruzione delle RS e il ruolo essenziale
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La correspondance pour cet article doit être adressée à Nathalie Krien, Université de Brest,
Institut des Sciences de l’Homme et de la Société (ISHS), 20 rue Duquesne, CS 93837, 29238
Brest CEDEX 3, France ou par courriel <krien@univ-brest.fr>.
Ce travail a bénéficié d’une aide de l’Agence Nationale de la Recherche portant la référence
2010-CEPL-001-05 ainsi que d’une Allocation de Recherche Doctorale versée par la Région
Bretagne.
Nous tenons à remercier la région Bretagne pour le financement de la thèse qui a permis cette
étude. Nous remercions également toute l’équipe du programme de recherche Cocorisco
(Connaissance, Compréhension et gestion des Risques Côtiers) au sein duquel ce travail
s’intègre, ainsi que toutes les personnes ayant bien voulu nous recevoir en entretien. Ce sont
toutes ces personnes qui ont rendu cette étude possible.
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Risques et représentations sociales

A
Au 18ème siècle, alors que l’attrait du bord de mer allait croissant, les discours
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le développement du tourisme balnéaire (Marcadon, Chaussade, Desse et Peron,

que l’activité des communes. Les hôtels, les campings et les résidences secondaires
se sont multipliés. L’agriculture et la pêche se sont vues concurrencées dans leur
occupation et leur utilisation de l’espace par les activités du tertiaire. Les indivi-
dus ont alors tenté de gagner du terrain là où ils pouvaient. Les rivages autrefois
-

littoraux. les enjeux humains et économiques s’y sont largement développés tandis
que les aléas côtiers se sont accrus, en partie dus à des facteurs climatiques (mon-
tée du niveau marin, évolution naturelle des dunes, ) et en partie dus à des
facteurs humains (développement des habitations sur la côte, poldérisation, usure
des ouvrages de protection
et a été placée au centre des préoccupations (Bodiguel, 1997). Les responsables
se doivent, aujourd’hui, de préserver l’activité économique et l’attractivité touris-
tique de leur commune tout en la protégeant de l’éventuelle menace des risques
naturels. Cette démarche implique de connaître les pratiques et les usages du lit-
toral développés par les individus sur la commune. Si ces pratiques ne sont pas
toujours aisément observables, elles sont, en revanche, à mettre en lien avec les
représentations sociales que ces mêmes individus se font de leur environnement

Comprendre ces représentations permettrait donc d’envisager les comportements


qui vont en découler et, ainsi, d’adapter la politique locale aux populations aux-
quelles elle s’adresse.

1. L’étude des risques

(naturelle ou produite par l’homme) susceptible de nuire aux hommes ou à leur en-
(Fleury-Bahi, 2010, page 60). Les espaces littoraux sont particulière-
ment soumis à de nombreux dangers notamment liés à la mobilité du trait de côte
(évolution des plages et des dunes et recul des falaises) et à la montée croissante du
niveau marin. La forte exposition de ces espaces aux dangers de la mer implique la
mise en œuvre de certaines règles de sécurité au nom du principe de précaution :
-
-
ment, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et
dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation

Avec l’attrait du littoral, les communes en bord de mer se retrouvent surchargées


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de monde. Dans cet espace physiquement limité, les individus tentent de s’installer
là où ils peuvent. (Bourgou et Miossec, 2010). Les gestionnaires vont, dans un pre-
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-
-
nager. Se sont dès lors multipliés les enrochements, les constructions de digues, les
poldérisations, etc
bien lors de leur construction que pour leur entretien. Aujourd’hui, leur maintien
-
caces face à la force des phénomènes littoraux. Fin février 2010, lors de la tempête
Xynthia, la submersion marine à la Faute-sur-Mer a remis de façon dramatique la
question de gestion des risques sur le devant de la scène. Les mesures de préven-
-
mune entre prospérité et sécurité, les gestionnaires locaux, notamment les maires

les comprendre et ainsi adapter leurs actions en conséquence. Mais il ne s’agit pas
simplement pour eux de s’intéresser aux aléas littoraux. Ces derniers ne sont que la
source des risques. C’est leur possibilité d’impact sur la société qui crée du risque
(Rodriguez, Quarantelli et Dynes, 2007). Ainsi, comme l’expliquent Kouabenan, et
al. (2006), les risques côtiers sont issus de la confrontation de deux facteurs : les
aléas littoraux et les enjeux humains et économiques desquels dépend la valeur
des éléments exposés ces aléas. Pour notre étude, nous nous sommes concen-
trées exclusivement sur les risques d’érosion et de submersion marine. Par érosion,
nous entendons un recul du trait de côte lié à la fragilisation et à l’effritement des
falaises et des dunes. Par submersion marine, nous entendons une inondation des
terres liée à une montée (soudaine ou continue) du niveau de la mer. Cependant,
comme le déclare Meur-Ferec et al. (2003, 2004), force est de constater qu’il existe
deux autres facteurs à prendre en considération : les perceptions des risques et leur
gestion. Les perceptions ne sont pas à comprendre dans le sens sensoriel du terme.

pas seulement d’une construction individuelle mais également d’une construction


-

côtiers n’étant pas, en eux même, un objet du sens commun, nous partons donc
du postulat qu’il n’existe pas de représentations sociales des risques côtiers. En
conséquence notre étude potera sur les représentations sociales liées aux risques
côtiers. Ce troisième facteur est à prendre en considération dans l’étude des risques
car ces représentations sociales, tout comme la capacité d’adaptation et la capacité
de résilience des individus, sont susceptibles d’impacter aussi bien le degré d’aléas
que la valeur des enjeux. Il est donc essentiel pour les gestionnaires de comprendre
comment les populations concernées se positionnent face à ces risques côtiers

et d’augmenter ainsi la pertinence des actions de prévention qui relèvent, quant-à


elles du dernier facteur. Comme l’expliquent Castrechini et Pol (2006) à propos
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indicateurs (…) leur manifestation directe échappe à nos sens. En lieu et place de
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leur parvient principalement par le biais de moyens de communication sociale.


Le comportement individuel et social dépend de cette information, des valeurs
partagées et des symboles construits ou attribués à la conceptualisation de l’envi-
ronnement. Les représentations sociales de l’environnement deviennent donc très
importantes, et les médias jouent un rôle déterminant dans la mise en œuvre de

côtiers dans les représentations sociales du cadre de vie d’individus résidents sur

2. Représentations sociales et risques


-
tation régissant notre rapport au monde et aux autres, [qui] orientent et organisent

sociales se construisent à travers le jeu des relations intergroupes. Il s’agit là d’un

(Moscovici, 2003, page 254). L’individu va donc interpréter son environnement


à partir des valeurs et des normes qui sont les siennes ainsi que des informations

prendre position vis-à-vis de ce qui l’entoure.


La construction des représentations sociales s’articule autour de deux processus :

dans le sens commun (Jodelet, 2009 ; Moscovici, 1976). L’objectivation, consiste


en la construction d’un objet nouveau à partir des éléments et outils que l’individu
a à sa portée. Tout d’abord, l’individu va sélectionner, parmi les informations qui lui
sont accessibles, celles qui vont lui sembler les plus pertinentes, les plus saillantes
et les plus en adéquation avec ses normes et ses valeurs. Il va ensuite agencer ces
éléments de façon à former un ensemble cohérent. L’ancrage, quant à lui, consiste
-

(Jodelet, 2009, page 240). Ce processus implique donc l’intégration de la nouvelle

(2006), dans la lignée de Moscovici (1976), les médias ont un rôle capital dans
l’élaboration de ces deux processus. En effet, de par leur statut d’informateurs pri-

ils ont un rôle de leader d’opinion : c’est à travers ce qu’ils nous transmettent que
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font pas seulement parti de notre monde ; par leurs images et leurs commentaires
ils nous livrent le monde même, au point parfois de l’absorber, voire de s’y subs-
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événements producteurs de risque et facilitent leur assimilation en les ancrant dans


des faits antérieurs perçus comme identiques (Joffe, 2005). Les informations trans-
mises par les médias jouent, ainsi, un rôle dans la construction des représentations
sociales et seront donc l’un de nos objets d’étude.

3. Objectif de l’étude
De nouveaux usages du littoral ont donc fait leur apparition au cours du 20ème
siècle. La gestion des espaces littoraux a évolué en conséquence. Outre l’arbi-

impliquent aujourd’hui de prendre en considération un autre aspect : la gestion des


risques côtiers (érosion et submersion marine). L’intérêt accru pour ce problème
fait notamment suite aux conséquences de la tempête Xynthia à la Faute-sur-Mer

catastrophes naturelles mais également en raison des responsabilités communales.


Cette gestion nécessite donc la compréhension de ces risques tant du point de
vue des aléas et des enjeux que du point de vue des représentations sociales des
populations ou groupes concernés. Ces risques ne peuvent être étudiés en tant que
tels. Pour être appréhendés, ils nécessitent d’être contextualisés dans leur environ-
nement, à la fois physique et social, et dans un espace-temps.
En tant que psychologues environnementales, nous cherchons, ici, à appréhender
la manière dont les individus – usagers du littoral et gestionnaires locaux – se repré-
sentent leur cadre de vie. Ce travail a été réalisé au sein de communes considérées
comme à risque d’érosion et/ou de submersion marine par des experts des aléas
naturels. L’intérêt réside dans le fait que les personnes interrogées pouvaient se
sentir concernées par ces risques. Autrement dit, le risque côtier n’est pas dépourvu
de sens sur ces communes, indépendamment du fait que les enquêtés considèrent
ou non l’existence son existence. Comme nous l’avons précédemment souligné,
la prise en compte de ces risques nécessite une vision plus large conduisant à
s’interroger sur la manière dont les individus se représentent plus généralement
leur environnement (spatial, social, temporel). De plus, une représentation sociale
étant propre à chaque groupe, nous évoquerons les éventuelles différences pouvant
apparaître entre les usagers et les gestionnaires, dont les pratiques, en lien avec le
littoral, peuvent a priori être considérées comme différentes. Nous traiterons éga-

médias étant important dans la mise en œuvre de ces représentations sociales,


nous établirons une comparaison entre le contenu d’articles de presse publiés sur
la thématique des risques côtiers et le contenu des discours des personnes enquê-
tées. Les résultats de cette recherche sont présentés ci-dessous.
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4. La méthode
Pour cette étude, nous avons répertorié des articles de presse en lien avec la thé-
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matique des risques et mené des entretiens semi-directifs auprès d’usagers et de


gestionnaires locaux du littoral.

L’enquête s’est déroulée en Bretagne sur deux communes littorales, Pénestin et

leurs différences géomorphologiques et sociologiques. La commune de Pénestin


(Morbihan) s’étend à l’embouchure de la Vilaine sur 21,7 km² et possède 25 km de
-

sa côte ouest, ce n’est cependant pas la préoccupation première sur cette commune

années (Miossec et al., 1985). La mytiliculture et l’agriculture y étaient, autrefois,


les deux activités principales mais elles ont périclité au cours de la seconde moitié
du 20e siècle. La construction du barrage d’Arzal, à quelques kilomètres en amont

de sédiments. Les moules risquant de ne pas survivre à pareil changement de leur


environnement, les mytiliculteurs ont cherché à s’adapter en déplaçant leurs bou-
chots sur la côte mais leur activité a malgré tout perdu de son ampleur. D’un autre

conjugué à l’engouement croissant des populations pour le littoral ont favorisé les
ventes de terrains agricoles à des estivants désireux d’acquérir une parcelle en bord
de mer. Parmi ces nouveaux propriétaires, souvent issus de milieux modestes, nom-
breux sont ceux qui ont installé une caravane ou un mobile-home sur leur terrain.

haies, caravanes installées à l’année, etc. Ces pratiques, au départ tolérées, se sont

la qualité des sols et des eaux (gestion disparate des eaux usées). Bon nombre de
riverains et d’associations environnementales ont alors manifesté leur mécontente-
ment vis-à-vis de ces pratiques. La commune a donc décidé de délimiter des zones
pour le camping-caravaning, restriction contre laquelle les estivants se sont, à leur

demeure un sujet sensible et une source de tensions sur la commune.


La commune de l’Île-Tudy (Finistère), quant à elle, se situe à l’embouchure de la
rivière de Pont-l’Abbé. La densité de population y est très importante : 563,5 habi-
-
-

une véritable île périodiquement rattachée au continent par un cordon dunaire


e siècle la construction de la digue
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de Kermor et le renforcement de la dune ont permis de poldériser les espaces qui


constituent aujourd’hui l’essentiel de son territoire et qui font d’elle une presqu’île.
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Bande de terre très étroite, elle possède 5 km de plage côté mer pour une surface
totale de seulement 1,3 km². Cette situation fait que l’actuelle Île-Tudy se voit expo-
sée aux risques d’érosion de la dune et de submersion de son polder. Les actions
d’information et de prévention y sont très développées : renforcement de la digue
en partenariat avec la commune voisine de Combrit, mise en place d’un Plan Com-
munal de Sauvegarde (PCS), publication régulière d’un Document d’Information
Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM) dans le bulletin municipal, accueil

etc.

Au total 22 entretiens semi-directifs ont été menés auprès des habitants et ges-
tionnaires de la commune, 18 en entretien individuels (dix-sept hommes et une
femme) et 4 en collectif (mixtes). Les personnes rencontrées ont entre 30 et 73
ans et possèdent une propriété sur les communes en question. Ces habitations se

échantillon est constitué de 16 personnes : six propriétaires d’une résidence princi-


pale, cinq propriétaires d’un terrain à usage professionnel en bord de mer (quatre
mytiliculteurs, un ostréiculteur et un propriétaire de camping), deux propriétaires
d’une résidence secondaire, deux propriétaires d’un terrain non bâti. Concernant

représentants d’organismes en charge de la gestion des risques et un représentant


d’une association intéressée par cette problématique.
Relativement à l’enquête, deux guides ont été conçus à partir d’entretiens explo-
-
nistère). Outre la thématique de l’habitat qui n’apparaissait que dans le guide à
destination des usagers, les thèmes étaient les suivants : la commune (description,
usages du littoral...), la notion de risque (au sens large et sur la commune), l’expé-
rience des tempêtes sur la commune (connaissances, vécu, dégâts) et les risques
côtiers (description, connaissances, sensibilité...). Les personnes interrogées ont
été rencontrées en face à face, principalement à leur domicile ou ailleurs sur la
commune selon leur convenance. Chaque entretien était enregistré et ensuite inté-
gralement retranscrit.

C’est le quotidien Ouest France qui a été retenu. Outre le fait qu’il s’agit du quoti-
dien régional le plus lu en Bretagne, ce journal a l’avantage de posséder un contenu
consensuel. De plus, ces articles sont répertoriés dans la base de données Factiva
ce qui en facilite la complète récupération. Nous avons ainsi pu sélectionner les
-

et la redondance de leur apparition dans les discours sur les risques recueillis lors
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Risques et représentations sociales 111

de la phase exploratoire. Ils sont employés seuls dans le moteur de recherche ou


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Xynthia, en fonction de leur année et du semestre de parution, ainsi que du mot


inducteur auquel ils étaient liés. Lorsqu’un article était recensé d’après plusieurs
mots inducteurs, nous avons décidé de mettre en avant le plus particulier (précis)

L’événement clé autour duquel se base notre étude étant la tempête Xynthia (Fé-
vrier 2010), l’analyse de presse s’est étendue sur tous les articles sortis depuis le 1er
janvier 2008 jusqu’au 30 avril 2012. Le corpus ainsi constitué regroupe 17 articles
parus durant les 26 mois précédents la tempête (soit moins d’un article par mois)
et 376 articles parus au cours des 24 mois qui ont suivi (soit une moyenne de prêt
de 16 articles par mois).

Les deux corpus ainsi constitués (entretiens et articles) ont été soumis à une analyse
des données textuelles assistée par ordinateur à l’aide du logiciel Alceste (Reinert,
1990). Le logiciel procède par fractionnements successifs du texte – ici par double
-
ger des grandes thématiques d’après les liens de coocurence. Pour chacune de

(CDH) des UCE et des formes réduites (mots ou racines de mots) selon la force de
lien avec la classe – évaluée statistiquement d’après un Chi deux. A partir des résul-
tats obtenus, le travail du chercheur consiste en l’interprétation des thématiques qui
se dégagent de ces regroupements. Alceste est donc une méthode exploratoire du
-
tiens ont également été soumis à une analyse thématique manuelle. L’ensemble des
discours a ainsi été classé dans une grille d’analyse conçue à cet effet et reprenant
chacun des thèmes abordés par les personnes interrogées. Les principaux thèmes
de cette grille sont les suivants : les informations personnelles (le parcours de vie,
les activités pratiquées, la propriété/le lieu d’habitation), la description de la com-
mune (les aspects géographiques, humains, économiques, ), les risques sur la
commune hors érosion /submersion (quels sont-ils), la description des tempêtes sur
-
mersion en évocation spontanée /non spontanée (les facteurs explicatifs, les actions
de prévention, les sources d’information, le ressenti, ).

5. Résultats

former huit classes.


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Figure 1 :
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Les classes 1, 2 et 6 recensent l’essentiel des UCE présentes dans les articles
parus avant la tempête Xynthia, ce mot inducteur en étant absent de manière
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1
. Dans la classe 1, nous retrouvons les passages abordant l’histoire

Les UCE qui en sont caractéristiques

beaucoup de choses sur le temps d’il y a 70 ans. Pour faire mieux connaître
aux gens le passé de cette période tristement importante un élan artistique doit
arracher le monde gris des ruines des blockhaus de leur état habituel et doit les
2
, ou

Le temps parait long à [X], le temps que les gens sur la plage alertent les secours

Ap.X ; 2011, Pénestin, Chi deux=45). Ce thème a essentiellement été abordé en


2008 et concerne davantage la commune de l’Île-Tudy (Chi deux=25) même si
Pénestin n’en est pas complètement exclue. La classe 2, en revanche concerne
davantage la commune de Pénestin (Chi deux=37) et regroupe les termes liés à la

granulats pour engraisser le site. Même principe ensuite pour le Goerem. Au total
215 000 m3 de sable, provenant du dragage de la passe ouest de Lorient serviront

pointe de Sorloc et de gagner la pointe de Merquel pour contempler le Traict de

tendance de cette classe à reprendre des propos publiés avant la tempête Xynthia.
La classe 6, quant à elle, regroupe le vocabulaire de l’art et du spectacle. On y

deux=22). Les deux communes sont mentionnées dans ces passages : l’Île-Tudy
avec un Chi deux=51 et Pénestin un Chi deux=27. Y sont répertoriés des termes

(Chi deux=158), , termes essentiellement présents dans des unités de contexte

Pendant le festival de Cornouaille, du 8 au 28 Juillet, les arrêts Place de la

musique fanfare et chansons dans les rues de 14h à 18h. Dédicace d’auteurs dont
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Av.X, 2009, Île-Tudy, Chi deux=77).


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Dans les classes 4, 7, 5 et 8, en revanche, nous retrouvons des thèmes abordés


après la tempête Xynthia. La classe 8, essentiellement parue en 2010 (Chi
deux=144) et encore présente en 2011 (Chi deux=26), reprend la description de la

etc. On

et [Monsieur Y], PS [Parti Socialiste], ont déposé une proposition de loi destinée
à assurer une gestion effective du risque de submersion marine. En février, la
tempête Xynthia avait révélé des failles. Pour les deux sénateurs la France est

submersion marine. Une nouveauté, conséquence de la tempête vendéenne. La


tempête Xynthia avait provoqué la mort de 53 personnes sur les côtes du 27 au

classe 5, apparue en 2010 mais développée en 2011, nous retrouvons, de manière


plus large, les discours expliquant le phénomène de submersion. Y sont présents

cas d’extension. Les cartes diffusées sont encore imprécises : je me suis rendu
compte que certains points topographiques sont répertoriés comme situés sous
le niveau de la mer alors que nos propres relevés indiquent qu’ils se trouvent

hauteur des mers, du fait du changement des conditions climatiques. Le chiffre


retenu est une augmentation du niveau de la mer de 0.60m à l’horizon 2100.

(N°184, Ap.X, 2011, Submersion, Chi deux=70). Les classes 7 et 4, quant à elles,
recensent les unités de contexte traitant des conséquences de cet événement
sur les communes. La première (classe 7) regroupe les passages abordant les

sur la commune de Pénestin (Chi deux=77). On y retrouve également la présence

deux=85),
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Risques et représentations sociales

et hébergements pourront être autorisés en respectant de nouvelles normes. Il


est désormais impossible d’implanter de nouveaux établissements sensibles,
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tribunal administratif de Rennes vient d’annuler le permis de construire délivré

Ap.X, 2011, Pénestin, Chi deux=80). En revanche, en sont absents de manière

3
etc. Ce vocabulaire

un cabinet pour l’élaboration du plan local d’urbanisme (PLU) et avec Challans


et 29 communes pour le schéma de cohérence du territoire (SCOT), ce qui ne

le maire désigne rapidement un élu de référence dans ce dossier et qu’une


commission municipale soit immédiatement mise en place pour se mettre au

(Chi deux=285), sur la gestion des espaces naturels dans lequel s’intègre la pro-

etc
programme destiné à tous, collectivités, agriculteurs et particuliers. De son côté,

sur l’ensemble de son territoire. L’objectif de ce programme régional est d’amélio-


rer la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, protéger les cultures, préserver
la biodiversité, la production de bois, prévenir l’érosion des sols, restaurer le pay-

un programme de reconstitution du bocage, à l’échelle de la Bretagne, et destiné à


tous (collectivités, agriculteurs et particuliers). Il vise principalement à améliorer la
qualité des eaux, des milieux aquatiques, et présente également un intérêt pour la
protection des cultures, la préservation de la biodiversité, la production de bois et
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En résumé, la majorité des articles parus avant Xynthia et présentant un ou plu-


sieurs des mots inducteurs aborde soit un fait divers contemporain ou passé, soit
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une description du littoral, ou encore, occasionnellement, un événement culturel.


La description des faits divers apparaît plus liée à la commune de l’Île-Tudy et
celle du littoral à la commune de Pénestin. Parmi les articles parus après Xynthia,
le contenu change, de nouveaux thèmes font leur apparition. Ils sont répertoriés
en cinq classes. Deux traitent directement de la catastrophe, l’une avec un versant
descriptif, l’autre un versant explicatif. Deux autres classes sont davantage axées
sur la thématique des communes. L’une aborde leur gestion et les conséquences

d’urbanisation souvent liés à ces nouvelles mesures et davantage en rapport avec

récente, aborde la gestion des espaces naturels et la problématique de l’érosion.

5.2. Analyse des entretiens

La classe 1, opposée aux autres classes, reprend de manière générale les facteurs
(aggravants et atténuants) du risque. Ce thème est essentiellement abordé par les

etc. Ce vocabulaire est notam-

Figure 2 :
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facteurs là, oui, on sait à peu prêt comment ça va se passer la nuit. Parce que c’est
toujours la nuit que ça se passe, entre deux, trois heures du matin. C’est la que ça
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4
, ou encore :

devant les chantiers. Et donc là la tempête, ben le niveau de la mer est monté bien

Dans les trois autres classes nous retrouvons moins la problématique du risque et
davantage de références aux communes. La classe 2 regroupe des termes décrivant
les communes du point de vue de leur population et de leur activité avec la présence

deux=62), etc

personnes interrogées sur l’Île-Tudy (Chi deux=32). En sont caractéristiques des dis-

grand-chose. Oui, oui, au fur et à mesure que c’est, c’est… l’habitat ancien s’est

-
dy c’était une population de pêcheurs. La pêche ayant disparu il y a moins de gens

retrouvons essentiellement dans les discours des usagers du littoral (Chi deux=28)
et notamment parmi ceux interrogés sur Pénestin (Chi deux=9). Y sont présents
-

En revanche, comme pour la classe précédente, en

deux=-14). Ce vocabulaire est essentiellement présent dans des discours tels que :

ses mobile homes en vue de la vente, c’était le groupe [X] qui achetait ce terrain

c’est un, un oncle, puis un, un cousin qui ont eu la maison familiale. Et puis ma

risque (Chi deux=100). Elle aborde la gestion de la commune (risque compris).

6
En sont caractéristiques des dis-

plan de prévention, de consolidation du littoral donc, qui avance très vite. Si on


se base sur les informations transmises via le bulletin municipal ou les échos de la

l’avez appris ? / Je l’ai appris quand même parce que j’étais à la mairie et donc, ben
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oui, j’ai appris. / Et qu’est-ce que ça vous a fait ? / Pour moi personnellement ça ne
m’inquiète pas du tout. Par contre pour les responsabilités que j’ai à ce sujet là je
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Le logiciel Alceste a ainsi divisé les discours en quatre classes que nous avons
interprétées comme suit. La classe 1 aborde très clairement le risque de submer-

essentiellement été recueillis auprès d’usagers du littoral. Les trois autres classes
sont plus axées sur la commune, soit pour la décrire de manière générale, essen-

notamment sur Pénestin, soit pour expliquer, du point de vue des gestionnaires,
comment tout cela s’organise administrativement. Par conséquent, nous avons bien
deux rapports différents aux risques côtiers qui apparaissent en référence à des
pratiques distinctes. Du côté des usagers, le risque est décrit d’après des éléments
qui le constituent (la mer, le vent, la marée, etc.), alors que du point de vue des
gestionnaires, les discours portent davantage sur la manière dont le risque est géré
(plans de prévention, etc.), indépendamment des circonstances.
Ces différences de discours se retrouvent dans l’analyse manuelle. En référence
aux risques en général, la submersion et l’érosion ne sont pas les premiers éléments
qui viennent spontanément à l’esprit des personnes. Près d’un tiers d’entre elles
évoquent avant tout les risques d’accident, de pollution et/ou de mauvaise gestion
de l’urbanisation. En ce qui concerne les risques côtiers, comme l’analyse Alceste
le laisse entrevoir, des distinctions entre les communes apparaissent. Le risque de
submersion est mentionné de manière plus spontanée sur la commune de l’Île-
Tudy (par sept personnes), contrairement à Pénestin (une seule personne). C’est, en
revanche, le risque d’érosion qui y est plutôt mentionné (par trois personnes contre
une seule à l’Île-Tudy). En générale, les individus déclarent ne pas être inquiétés

par cinq personnes de Pénestin), soit parce qu’il existe des ouvrages de protec-
tion (mentionné par huit personnes dont six de l’Île-Tudy). Ainsi, selon la com-
mune, la gestion du risque est envisagée de manière différente. Sur Pénestin, où les
gestionnaires sont essentiellement perçus aux travers des actions qui concernent
l’urbanisation, la prévention des risques côtiers est plutôt envisagée de manière
individuelle, comme dépendante des connaissances et de la prudence de chacun.
Sur l’Île-Tudy, en revanche, où les gestionnaires mettent en avant leurs actions de
prévention des risques côtiers, la gestion de ces derniers est davantage considé-
rée comme relevant de la responsabilité des gestionnaires, notamment à travers

pas un sentiment absent des discours. En effet, nombreux sont ceux qui expriment
une inquiétude vis à vis de certaines mesures préventives, considérées comme
excessives et nuisibles. Dans ce cas, les propos recueillis lorsqu’il est question de
risque portent essentiellement sur la question des restrictions induites par le Plan
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6. Discussion
-
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mène parfois lent, conséquence de la montée du niveau marin, et parfois brutal,


survenant lors des tempêtes lorsque les facteurs aggravants se cumulent : grande
marée, ampleur et orientation des vents, forte pression atmosphérique, L’éro-

friabilité ainsi qu’au travail d’éléments extérieurs : attaques répétées des vagues,

humaine, etc. (Leone, Meschinet de Richemond et Vinet, 2010). En 2010, la tem-


pête Xynthia a apporté à la question des risques côtiers un caractère d’urgence.
Ainsi, une fois le phénomène expliqué, les regards, comme les discours, se sont
davantage tournés vers la mise en œuvre d’actions de préventions.
Cet article avait pour objectif d’appréhender les représentations sociales liées aux
risques d’érosion et de submersion auprès de différents groupes: usagers et ges-

-
ciales, qui stipule que celles-ci sont dépendantes des communications sociales et
notamment des médias, il s’agissait également de faire le parallèle entre le conte-
nu d’articles de presse et le contenu des discours. D’une manière générale nous
avons constaté une évolution dans les articles de presse. En effet, les thèmes traités
avant et après Xynthia ne sont pas les mêmes. Depuis la catastrophe, les deux ten-
dances majeures ont été d’aborder les risques de submersion et d’érosion, d’abord
en les expliquant, puis en évoquant les actions de préventions qu’ils impliquent et
leurs conséquences sur les communes. Cette analyse démontre un tournant dans
les écrits à propos des risques côtiers davantage axés aujourd’hui sur les mesures
de protection et de prévention que sur la description d’un phénomène. Le même
constat peut être fait à l’égard des discours recueillis auprès des personnes interro-
gées. Outre l’expérience personnelle que ces individus peuvent avoir connue, les
informations relayées par les médias sont les plus aisément accessibles. Ces élé-
ments vont servir de base au processus d’objectivation participant à la formation
des représentations sociales. Les usagers les reprennent donc pour décrire l’éro-
sion et la submersion mais en les ancrant dans leur propre environnement : au sein
des communes. Les risques de submersion et d’érosion sont développés à travers
des actions de prévention et de ce qu’elles impliquent pour les usagers comme
pour les gestionnaires. Ce sont là des sources d’inquiétude plus importantes pour
les personnes interrogées que la submersion et l’érosion en elles-mêmes. Les ges-

qui leur incombe. Les usagers, quant à eux, se préoccupent des conséquences de
ces actions sur leurs modes de vie et notamment des restrictions sur les construc-
tions. Ainsi, même si les phénomènes d’érosion et de submersion sont décrits (mer,
etc.), ce ne sont pas eux, en tant que tels, qui inquiètent
les usagers, mais davantage la manière dont les actions communales de protection
et de prévention peuvent impacter sur leur environnement et leur quotidien. De ce
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fait, comme nous le retrouvons au sein des articles de presse, les risques d’érosion
et de submersion renvoient davantage à l’évocation des actions de prévention,
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qu’à une description du phénomène en lui-même.


Dans notre étude, nous avons cependant pu constater une différence entre les
communes dans la manière d’envisager les risques. Sur l’Île-Tudy, il s’agit moins
de savoir si il existe un risque ou non que de trouver la meilleure façon de le gérer.
Sur Pénestin, en revanche, la gestion de l’urbanisme prend le devant de la scène et
les risques d’érosion et de submersion sont essentiellement abordés par ce biais. Il
existe également des différences de discours intra-communales. Sur la commune
de Pénestin les avis exprimés à propos de la gestion des risques coïncident avec
ceux concernant les projets d’urbanisation qui tendent à favoriser le développe-
ment du tourisme. Ainsi, les individus qui s’opposent à cette politique d’urbanisa-
tion, que se soit pour des raisons de paysage dénaturé ou de surpopulation estivale,
sont les mêmes qui critiquent la manière dont les risques sont gérés. À l’inverse, les
personnes qui adhèrent à la politique d’urbanisation, considérant qu’elle dynamise
la commune, adhèrent de la même façon à la gestion qui est faite des risques. Sur

littoraux urbanisés, l’évolution naturelle et l’occupation humaine du rivage abou-

concentration des installations humaines vers la mer d’autre part, ces dynamiques
convergentes sont à l’origine de l’émergence, puis de la multiplication des risques
liés à la mobilité du trait de côte (Meur-Férec et Morel, 2004). Il n’est donc pas
étonnant de constater que la manière dont les individus occupent et souhaitent voir

la commune d’appartenance, nous constatons également des différences dans les


discours entre les individus qui pratiquent des activités en lien avec la mer et ceux
qui n’en ont pas du tout. Par exemple, les personnes qui sont amenées à venir sur
le bord de côte, pour des motifs professionnels ou de loisirs, ont plus tendance que
les autres à considérer qu’il existe des ouvrages de protection susceptibles de limi-
ter les risques de submersion et/ou d’érosion. Ainsi, selon la manière dont les usa-
gers du littoral appréhendent et utilisent leur environnement, autrement dit selon
leurs projets personnels sur la commune et les activités qu’ils pratiquent, selon leur
rapport à la mer mais également selon l’image qu’ils ont de leur commune et de ses
gestionnaires, leur rapport aux risques, et par là même, aux actions de prévention,
sera différent. En conclusion, le risque ne peut être explicité indépendamment du
construite par le sujet évalua-
teur en utilisant des informations qui sont moins d’ordre purement technique que

de l’individu aux risques côtiers va dépendre aussi bien de lui même (ses normes,
ses valeurs, ses aspirations, ) que de la façon dont il comprend et se représente
l’environnement dans lequel il évolue (environnement social mais également spa-
tial et temporel). De ce fait, pour appréhender ce rapport aux risques côtiers, la
prise en considération des représentations sociales du cadre de vie est essentielle.
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Risques et représentations sociales 121

Notes
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1. Classe 1: Chi deux=-17; Classe 2 : Chi deux=-20 ; Classe 6 : Chi deux=-15.


2. Chaque article a été codé selon sa place dans le corpus, sa parution avant (Av.X) ou après
(Ap.X) Xynthia, son année de parution et le mot inducteur qui l’a fait paraître dans le corpus.
3. Plan Local d’Urbanisme.
4. Chaque entretien a été codé selon la commune d’appartenance, le numéro d’entretien
dans l’échantillon et l’appartenance de la personne au groupe des usagers du littoral ou des
gestionnaires du risque.

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