Vous êtes sur la page 1sur 19

8.

DÉVELOPPEMENT DES STRUCTURES CÉRÉBRALES DU FŒTUS ET DE


L'ENFANT

Cyrille Koupernik, André Bourguignon


in Serge Lebovici et al., Nouveau traité de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

Presses Universitaires de France | « Quadrige »

2004 | pages 97 à 114


ISBN 9782130545576
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
DOI 10.3917/puf.diatk.2004.01.0095
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/nouveau-traite-de-psychiatrie-de-l-enfant-et-de-l---page-97.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France.


© Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


8
Developpement
des structures cerebrales
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
du fretus et de 1' enfant1
. CYRILLE KOUPERNIK
ANDRE BOURGUIGNON

La dimension propre a !'enfant est celle du developpemeni. Dans la sphere psychiatri-


que, cette notion s'appllque speclfiquement au cerveau. Nous le verrons se constituer, s'orga-
niser largement avant la n~ssance proprement dite, sans cependant que celle-ci marque un
terme a la multiplication et au perfectionnement des structures et de leurs fonctions.
L'essentiel de ce chapitre a trait a !'enfant normal, ce qui suppose cinq grandes subdi-
visions:
- le developpement des structures histologiques ou neuro-anatomie du developpement :
- la prehistoire biochimique;
- le devenir neurophysiologique ;
- les organisateurs ;
- les periodes critiques.
Une deuxieme partie, ayant trait a Ia pathologic induite par l'environnement, aura sur-
tout vpleur de rappel et d'illustration de certains ·themes abordes dans la premiere partie.

DEVELOPPEMENT NORMAL

La neuro-anatomle du developpement

Elle obeit de fa~n indiscutable a une programmation. ll y a une centaine d'annees on


aurait parte de lois [Scherrer J., 1980]. La sequence de programmation est la meme pour
tous les individus d'une espece, avec toutefois des variations intraspeclfiques (qui portent

1. Les auteurs, qui ne sont nl neuro-anatomistes, nl blochlmlstes, nl neurophyslologlsies, ont r6dlg6 ce chapltre
en psychlatres cJinlcleni. lis se veulent m6dlateurs d'un savolr qu'on ne sauralt aujourd'hui r6alser au nom d'un
esprit partisan. lis dennent aremercler le professeur P. Mendel (Strasbourg) et Mme le Docteur E. Farkas qui ont
bien vouiu les aider dans Ia concepdon et Ia r6allsadon de ce chapltre.
98 Cyrille Koupemik, Andre Bourguignon

notamment sur le tempo du developpement). Cette s6quence est comparabl~ d'une espece
4e mammiferes, voire de vertebres, a l'autre, ce qui permet d'utiliser les donbees observee8
chez le chat, I' opossum, le rat, voire certains oiseaux, sans que toutefois od puisse facile-
ment extrapoler a l'espece humaine.
ce
Nous indiquerons, chemin faisant, que deroulement du programme dans le temps et
dans l'espace est inscrit dans les genes. Mais il est, des le debut, tributaire de l'environne-
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
ment et de ses apports : il est aussi vulnerable a ses carences et a ses agressions. ll ne s'agit
done pas d'introduire un cheval de Troie mecaruque dans un traite impr6gne de .,8rchllnalyse,
mais de rappeler comment se forme ce qui est donne, comment ce donne se prepare a rece-
voir l'acquis, a l'integrer, ;\composer avec lui, en un mot a contribuer a Ia formation d'un
etre inedit et imprevisible. .

Mise en place des elements structUres


. '
C'est le neurone qui est le temoin le plus fidele de l'originalite du cerveauf Les neurones
sont au nombre de 1010 (avec une variation de puissance 1, soit un chiffrel compris entre
109 ou un milliard et 1011 ou 100 milliards). Ce chiffre est acquis des Ia rm ~e Ia prolifera-
tion neuronale~
Contrairement aux autres cellules du corps, les neurones perdent Ia propri6te de se repro-
duire des qu'ils ont entrepris leur migration (cf. plus loin).
lls proviennent des neuroblastes contenus dans Ia crete neurale. de l'embryon et, plus pr6-
cis6ment, du feuillet neural de l'ectoderme. Quand Ia gouttiere neurale (ouverte) se trans-
forme en tube (ferme), elle contient dans sa paroi une population de neuroblastes de l'ordre
de 125 000 (chiffre calcule chez les amphibiens). Ces neuroblastes vont se multiplier a une
vitesse de 250 000 par minute. Dans cette couche, en apparence stratifiee [Co~ M., 1979]~
· les noyaux s'eloignent vers Ia p6riph6rie, synthetisent l'acide desoxyribonucleique (ADN) et
reviennent vers Ia cavite centrale. Puis les cellules rilles reforment des prolo~gements p6ri-
ph6riques et leurs noyaux retournent dans les coucheS profondes arm d'accoinplir une nou-
velle mitose. Le cycle se repete un certaiD. nombre de fois·, puis les cellules perdent leur
pouvoir de synthetiser l'ADN, done de se reproduire.
La destinee topographique de ces cellules parait etre determinee par Ie m~oderme, situe
au-dessous du neuro-ectoderme original, et qui « colle » au neurone eii p~ce pour Ia
niigration une « etiquette )) dermitive (teleencephale, rhombencephale, mesenc6phale) vrai-
semblablement par le biais d'un message chimique.
ll se forme ainsi, Pat: reference a Ia premiere couche pseudo-stratifiee [Cowan M., 1979],
une deuxieme couche dite intermediaire. Celle-ci est composee de neurones qui ne se divi-
seront plus jamais et de precurseurs des cellules gliales dont nons aurons I'occasion de parler
plus loin et qui, elles, gardent intacte cette capacite. En ce qui concerne les neurones, Ia perte
de Ia capacite mitotique correspond a !'assignation dermitive a une regiolJi du cerveau.
Ce passage d'une activite (proliferatrice) a une autre (specifique) varie seton lei! types de
neurones : les grands neurones sont acheves plus t8t que le8 petits ; en outr , les neurones
qui occuperont les couches corticales profondes se retirent les premiers du cle de Ia pro-
liferation et migrent les premiers.
Developpement des structures cerebrales du foetus et de /'enfant 99

La migration des neurones est de type amiboide. La cellule envoie un prolongement qui
se fixe a un substrat (comme le piolet de l'alpiniste), le noyau suit. Quant au cytoplasme,
tant6t il migre au8si, tant6t il reste partiellement en place. La vitesse de migration est de
l'ordre d'un dixieme de millimetre par jour.
C'est la qu'interviennent les cellules gliales: elles constitu,eraient [Cowan M., 1979] une
sorte d'echafaudage le long duquelles neurones porteurs d'un ordre de mission effectue-
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
raient leur lent periple. Ils retrouvent au bout du voyage leurs semblables, ceux avec qui
ils formeront un agregat pour la vie. Cette adherence selective serait due a la presence a la
surface des neurones de grosses molecules qui rendent possible la reconnaissance et favori-
sent le groupement.

Les-modes de contact

Chaque neurone va fonctionner selon un cert$1 mode. La transmission peut se faire soit
par contiguite (mode electrique), soit par secretion d'un neuromediateur au niveau d'une
gynapse (voir plus loin). Les neurones vont aussi former des prolongements. Ceux-ci sont
de deux types: les dendrites, qui servent surtout de recepteurs, et les axones centrifuges,
qui permettent au neurone de porter au-dela de ses propres limites !'information cellulaire.
Quelques chiffres sont susceptibles de donner une idee de la complexite de l'ensembie neu-
ronal. Les 1010 neurones ont 1014 contacts « majeurs », c'est-a-dire synaptiques. En fait,
le cortex represente 70 OJo de la masse totale du cerveau. Les. voie8 d'entree (net:ll'ones sen-
soriels) et de sortie (neurones moteurs) ne representent que 0,02 % dans le total [Nauta W.
et Feirtag M., 1979] ..
Comme le cerveau du nouveau-ne- contient deja Ia totalite de son stock de neurones, cela
a partir de Ia fm du 5.• mois d'ige fc:etal, et que ce cerveau ne represente a la naissance que
25 % du poids du cerveau adulte, c'est que les 75 % a ·venir sont a mettre au compte de
l'accroissen!ent de tail).e, du developpement de leurs prolongements et de leurs synapses ainsi
qu'au compte du developpement de la glie, de la myeline et des vaisseaux.

La glie

On a· certainement mesestime le r6le de la glie. Elle se differencie en oligodendrocytes et


en astrocytes, et joue, comme nous .l'avons vu, un r6le de soutenement. Dans la mCSlll'e ou
l'espace extracellulaire est pius reduit dans le cerveau que dans les visceres, il est plus vrai-.
semblable que c'est ala glie qu'incombe ce r6le, notamment en ce qui concerne les ecbanges
· ioniques et, plus precisement, la pompe a sodium. Dans la macroglie, Ies oligodendrocytes
qui entourent les axones de certains neurones prodriisent la myeline, alors que les astrocytes
synthetisent des molecules qui engendrent des processus plastiques : divisions cellulaires,
migration cellulaire, croissance des axones et des dendrites,· formation des Synapses_, etc.

Pour clore ce chapitre, il convient de dire qu'un certain nombre de faits ne sont pas encore
elucides. Notamment, on ne connait pas encore avec exactitude les mecanismes de Ia diffe-
100 Cyri//e Koupemik, Aiuire BourgUignon

renciation des cellules du systeme nerveux central. On c;onstate que cette construction du
systeme nerveux central va de pair avec une mort cellulaire qui, est un des phmomenes
majeurs de cette periode. Selon les regions, 10 a 80% meurent au coQI:s de l'embryogenese.
On ne peut pour le moment repondre aux deux questions qui s'imposent: comment et pour-
quoi? (en tenant compte du fait que la deuxieme.question a un parfum teleologique indis- ·
cutable).
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
Enfin le mecanisme de la migration des cellules c6rebrales que nous avons brievement
expose est l'objet d'etudes intenses. On consultera avec interet ace sujet l'ouvrage recent
de A. Prochiantz [1989]. '

Les vaisseaux. La barriere Mmato-encephalique

Les vaisseaux apportent aux neurones le combustible necessaire a leur prodigieuse depense
d'energie. D convient de rappeler que, .alors que le cerveau ne represente que 2 OJo du poids
du corps, il consomme 20 OJo de toute l'mergie. Et ilia consomme jour et nuit; le reve n'est
en rien un repos.
n convient de souligner le fait que la circulati~n c6rebrale bmeficie d'un regime particu-
lier. n existe une barri6re hemato-encephalique caracterisee par une permeabilite selective
vis-a-vis de certaines substances avec des possibilites de transport actif, egalement par la
presence d'une gaine de cellules gliales [Iversen L., 1979].
Le cerveau est protege contre l'irruption de substances presentes dans la circulation gm6-
rale. Dans l'ictere nucleaire lie a une incompatibilite des sangs mateniel et fmtal,la biliru-
bine franchit cette barriere, probablement parce qu'il y a un etat de souffrance et que le
dispositif de protection n'est plus efticace; le resultat de cette effraction est une atteinte eten-
due et defmitive des noyaux gris centraux. Autre exemple : des neuromediateurs c6rebraux
tels que 1a serotonine ou la dopamine ne penetrent pas dans le cerveau si ce J;l'est a l'etat
de precurseur, S hydroxy-tryptophane et L. dopa.

LA BIOCHIMm DU DBVELOPPBMBNT

Suivant J.A Benjamins et G:M. Me Khann [1977], nous prendrons en consid6ration suc-
cessivement :
- les acides nucleiques, veritables marqueurs de la destinee neuronale;
- les proteines, y compris les enzymes ;
- les lipides ; ·
- dans une perspective differente, les neuromediateurs et, de fa~n gmerale, les mes-
sagers chimiques.

Les acldes nUclelques

Les premiers pies d'ADN constituent le reflet tidete de la prolif6ration des pr6curseurs neu-
ronaux. Ulterieurement, i:'est-a-dire apres que le nombre definitif de neurones a ete atteint,
Developpement des structUres cerebrales du f~tus e't de /'enfant 101

les accroissements en ADN traduisent Ia prolif~ation des cellules gliales. Dans le cerveau
footar humain, on a pu mettre en evidence deux periodes de proliferation cellulaire intense.
L'une se situe a 15-20 semaines de gestation et correspond aIa prolif~ation des neuroblastes.
La seconde commence a25 semaines (de Ia vie intra-uterine) et se poursuit jusqu'au milieu
de Ia deuxieme annee de Ia vie postnatale. Bile ne se refere que pariiellement a une deuxieme
vague de neuronogenese, concernant les microneurones. En fait elle illustre !'intense mul-
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
tiplication des cellules gliales.
Les mesures d'ADN (qui ont Ia valeur de mesures de Ia masse nucleaire) nous renseignent
sur un autre aspect du developpement du systeme nerveux central : celui-ci prend place
d'abord dans Ia moelle, puis dans le cerveau et enf'm dans le cervelet (derniere structure a
etre achevee, du moins dans l'espece humaine). Toutes ces mesures se font grice a !'injec-
0
tion de thymidine radioactive. .
Avec Ia fm de !'accumulation d'ADN prend fm l'epopee des neuroblastes et de leur pro-
lif~ation. Le rapport ADN/ARN chute radicalement, l'ARN etantl'acide ribonucleique, le
second messager, qui portera !'information du noyau dans Ie cytoplasme.
La diff~encilition commence. Bile va donner a chaque neurone les moyens de sa desti-
nee metabolique et fonctionnelle. Le nucleole, organelle intracellulaire, va arriver a matu-
ration, d'ou une synth~e accrue d'ARN et un transfert de celui-ci dans le cytoplasme.

Les proteines

Le taux de proteines ~ebrales s'eleve tres vite dans Ie cerveau en voie de developpement.
un
Dans toutes les especes il existe pic. Celui-ci survient dans Ies deux ou trois semaines apres
Ia naissance chez le rat. En meme temps il se produit une modification de l'etat des protei-
nes: d'hydrosolubles elles deviennentliees aux membranes.
Certaines proteines sont specifiques du cerveau. Trois d'entre elles font leur apparition
au moment ou commence Ia myelinisation (voir plils loin), a savoir la proteine S 100 (a des-
tinee essentiellement gliale), Ia proteine basale et Ies proteines proteolipidiques.
.Les enzymes et leurs fluctuations ont fait I' objet d'etude histochimiques et biochimiques.
Biles conferent aux cellules des proprietes metaboliques specifiques. Parmi ces enzymes, Ia
dehydrogenase et les enzymes du cycle de Krebs, temoins de l'activite oxydative, ·voient leur
taux se modifier en fonction des modalites de respiration du cerveau. Mais aussi toutes les
enzymes qui jalonnent le periple des neuromediateurs : hydroxylase, decarboxylase,
monoamine-oxydases, methyl-transferase, pour ne citer que quelques-unes.

Les acides aminis

Les acides amines ont leur devenir propre. Chez Ie rat, !'incorporation d'acides amines
dans les proteines ~ebrales est tres intense durant Ies periodes footale et neonatale. Nous
aurons !'occasion d'en parler en traitant des neuromediateurs.
102 Cyrille Koupernik, Andre Bourguignon

Les lipides

Le pic d'accroissement en lipides se situe apres les pies d'ADN et de proteines. 11 y a un


rapport etroit entre ce gain rapide en lipides et Ia myelinisation.
Pour donner une idee de l'importance ponderale de Ia myeline, 50 OJo des lipides conte-
nus dans Ia substance blanche et 30 OJo des lipides du cerveau entier se trouverit dans Ia gaine
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
de 'myeline. Ainsi, succedant a une premiere· phase essentielle de l'histoire du developpement
cerebral et qui est neuronale (proliferation-migration), voyons-nous se dessiner une deuxieme
phase, chimique et neurophysiologique - celle de Ia myelinisation (dans Ia mesure ou celle-ci
accelere le transpOrt du message).
On peut (Benjamins J.A. et Me Khann G.M., 1977] distinguer quatre groupes de lipi-
des, classes de f~on chr.onologique par rapport aq phenomene primordial de Ia myelini-
sation.

Gangliosides

Les uns subissent un accroissement rapide avant Ia myelinisation: ce sont notamment les
gangliosides. Leur taux chez le rat nouveau-ne est de 27 Ofo a J32, par rapport au taux de
l'animal adulte. A JlO le maximum est atteint. Ds jouent vraisemblablement un r6le dans
Ia formation des prolongements neuronaux, axones et dendrites.

Cerebrosides

Un deuxieme groupe est represente par les galactocerebrosides, les sulfates de cerebrosi-
des et Ia sphingomyeline. Chez le rat, les lipides de ce groupe atteignent au troisieme jour
10 OJo du taux de l'adulte, puis entre 12 et 18 jours il y a une elevation brusque. Cette ele-
vation va de pair avec le debut de Ia myelinisation. ·

Cholesterol

Les lipides du troisieme groupe, dont le cholesterol, contribuent a fomier a Ia fois les
membranes non myeliniques et myeliniques, mais dans une proportion moindre que celles
du groupe 2. ·

Phospholipides

Enfm, le ·quatrieme ·groupe est compose de phospholipides dont le iaux, chez le rat
nouveau-ne, est de 40 a 50 % de celui de l'adulte.
En conclusion, chez le rat, le pic des gangliosides survient au 1()e jour et celui des cere-

·2. J3 : 3• jour aprim Ia naissance.


Developpement des ~es clribrales du /a!tus et de /'enfant 103

brosides au 20", le premier correspond au milieu de la periode de Ia formation des prolon-


gell).ents, axones et dendrites, et le deuxieme a Ia periode de la formation de Ia myeline.

La myelinisation
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
Que represente Ia myelinisation? Nous nous referons essentiellement a un article de
P. Morell et W. Norton [1980]. La myeline est une substance blanchlltre, essentiellement
composee de lipides et dont le r6le primordial semble etre de servir d'isolant et de permet-
tre un transport plus rapide de !'influx nerveux. Dans une fibre non recouverte de myeline,
Ia. vitesse de conduction est proportionnelle a Ia racine carree du diametre de Ia fibre. Si
Ia fibre est myelinisee, Ia vitesse de conduction est a peu pres proportio'nnelle a ce diame-
tre. La consommation d'energie est aussi nettement moindre dans Ies fibres recouvertes de
myeline.
La plyeline est composee a.70 o/o de lipides, cholesterol, phospholipides, glycolipides (cere..
brosides). ll y a moins de proteines que dans les autres membranes cellulaires; d'ou l'imper-
meabilite de Ia myeline aux ions. Deux proteines predomin1;11t, Ia proteme basique et Ia
proteine proteolipidique de Folch-Pi et Lees~ n faut aussi mentionner une glycoproteine.
En ce qui concerne le developpement,la myelinisation du cerveau n'est pas achevee a Ia ·
naissance chez I' enfant humain et se poursuit jusqu'a l'ige d'environ 3 ans. Le processus
de myelinisation implique !'intervention d'une cellule"gliale- !'oligodendrocyte- et de
Ia glycoproteine myelinique. La myelinisation represente un travail long (plusieurs mois) et
intense : durant ces qu~lques mois Ia cellule oligodendrogliale entreprend de synthetiser plu-
sieurs fois son propre poids de myeline. ll lui faut, pour mener sa tache a bien, recevoir
des aliments specifiques et, notamment, des acides amines (d'ou Ia possibilite d'une patho-
logie par vice enzymatique ou pai carence).

Les neuromediateurs

Les neurones ne se contentent pas d'emettre ou de transmettre !'influx li.erveux. On sait


qu'ils liberent des messages chimiques.' C'est Loewy qui en 1921 a etabli !'existence d'un
premier neuromediateur -l'acetylcholine, voir notamment L. Iversen [1979]. Uncertain
nombre de points doivent etre rappeles afin que cet aspect, relativement moderne, de Ia bio-
chimie cerebrate, qui est en conjonction avec les decouvertes de Ia psychopharmacologie,
r~oive toute }'attention qu'il merite. .

L 'evenement a l'echelle synaptique

" En am~>nt de Ia synapse, dans le bouton tefminal du neurone secreteur (NS) ou synapto-
some, il y a des granules remplis de neuromediateurs (NM). Cette forme stockee est inactive.
Sous une influence variable, notamment celle de !'influx nerveux, Ia secretion commence.
Le neuromediateur est libere et s'ecoule vers Ia fente synaptique. Une partie de ce neuro-
mediateur libre est detruite dans le cas des monoamines par des enzymes fabriquees par les
104 Cyrille Koupemik, Andre Bourguigno'!

mitochondries du NS - les monoamines-oxydases3• Le reste penetre dans Ia fente synapti-


que et va chem.iner vers le neurone contigu, dit neurone recepteui (NR)4, lequel dispose de
recepteurs au niveau de la face synaptique de sa membrane, c'est-a-dire [Iversen L., 1979]
de grosses molecules proteiques incluses dans la matrice semi-Quide de la membrane cellu-
laire postsynaptique.
Mais une partie seulement du NM arrive au NR. Le reste est detroit dans l'espace synap-
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
tique par d'autres enzymes ou encore recapte par le NS qui recupere une partie de sa secre-
tion (re-uptake)'.

D'ou vierment les monoamines?

11 y a une certaine homogeneite en ee qui conceme les monoamines. Les mieux connues
d~entre elles du fait des etudes dont elles ont fait !'objet en psycwa:trie sont, d'une part,
une indolamine - la serotonine (5HT) -, d'autre part deux catecholamines - Ia dopamine
(DA) et Ia noradrenaline (NA), toutes trois des monoamines, c'est-a-dire des molecules pos-
sedant un seul groupement amine. La genese metab61ique est comparable. Elle est aussi eclai-
rante. A partir d'un acide amine (tryptophane, ou tyrosine) apporte par !'alimentation et
au prix d'une intervention enzymatique~ se forme un precurseur (5 hydro-tryptophane ou
L.-dopa), qui peut franchir la barriere hemato-encephalique (fermee, nous l'avons vu, aux
mediateurs). Celle-ci franchie, le precurseur se transforme en NM et gagne son granule.

Les reseaux

L'etude des NM monoaminergiques a permis d'objectiver !'existence de reseaux ailatomi-


ques. Aussi, entre autres fonctions, Ia 5HT et Ia NA ont-elles un r6le important dans l'agen-
cement des stades successifs du sommeil grice a !'implantation mesencephalique de leurs
neurones. La DA, a partir du mesencep}lale, envoie des projections nigrostriees, limbiques
et corticales.
Aux proprietes pharmacodynam.iques de tel NM s'ajoute une deuxieme dimension, de
nature topographique: la fonction des neurones linibiques n'est pas celle des neurones stries
ou corticaux. Il ne convient pas de voir Ia un retour sournoi~ de la doctrine localisation-
·niste: !'ensemble intini des reseaux neurochim.iques que constitue l'encephale est un systeme
ouvert, aussi bien sur le passe (traces mnesiques) que sur l'environnemenf.
On ne saurait limiter la notion de neuromediateur et; de fa~on plus generale, le modele
biochimique de l'activite neuronale aux monoamines. De nombreuses autres substances agis-

3. C'est Ace niveau qu'egissent les inhlbiteurs des monoamlnes-oxydases, essentiellement en ce qui concerne Ia
serotonine (5HT) et Ia noradrc!naline (NA) qui paraissent impllqnl!es dans !'aspect blochimlque de Ia m61ancolle:
4. On admet que dans Ia scblzophren!e U y a exces de captation de Ia dopamine (DA) par le NR. Les neuro!epti-
ques lnbibent cette captation.
5. Les antidepresseurs tricycUques inhlbent cette recapture, .notamment en ce qui concerne Ia SHT et/ou Ia NA
et aboutissent, par un mecanisme blologlque different, au meme r~tat que les IMAO - une augmeiltation de Ia
teneur de Ia 5HT et/ou de Ia NA au niveau de Ia fente synaptlque. Une classe nouvelle d'antid6presseurs fmdalplne,
fluvoxamlne, fluoxetine) possede cette pr_o~ethans appartenlr AIa famille des tricycllques.
Developpement des structures cerebra/es du ftztus et de /'enfant lOS

sant aussi bien au sein du syst~me nerveux central que dans le systeme nerveux peripheri-
que, substances telles que !'acetylcholine qui est, comme !'adrenaline, l'un des ileurome-
diateurs peripheriques, !'histamine, l'acide Gamma amino-butyrique (Gaba), le glutamate
jouent un r8le de neuromediateurs c6rebraux.
Selon des travaux recents, il se coniume que le neuromediateur n'est que le «premier
messager » (du moins en ce qui conceme Ia D"" et Ia NA). Sa penetration dans le site r6cep-
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
teur augmente ou diminue Ia concentration d'un « deuxieme messager » appartenant au
systeme energetique cellulaire adenylcyclase-AMP c (adenosine monophosphate cyclique). Ce
deuxieme mode de neuromediatioJi est a I:origine d'une information durable. •
Mais il y a plus: on a mis en evidence, dans le systeme nerveux central, des chaines d'aci-
des amines qui fonctionnent sur le mode des NM. Les uns ont une affmite pour les recep-
teurs a~ opiac6s : ce sont les endorphines. Les autres, ne\lropeptides, jouent le r8le de .
messagers, mais dans le cadre d'un veritable codage chimique; ils semblent tenir sous leur
d6pendanee des ensembles coherents tels que le comportement se:xUel, ou Ia regulation des
fluides. On trouve ces memes substances dans le tube digestif. Enim, dernieres venues, les
prostagJandiJies, presentes dans Ie SNC, produisent sur les neurones des effets dmables; il
s'agirait de modulateurs, p!ut8t que de mediateurs.
Nous en avons fmi avec cet expose, succinct en soi, mais sans doute encore trop long pour
le lecteur impatient, de. ce qu'on peut appeler Ia revolution biochimique c6rebrale. ll ne nous
reste plus qu'a indiquer comment les systemes de neuromediateurs apparaissent dans le cer-
veau en voie de developpement. ·

Ontogenese des neuromediateurs

J.D. Coyle'[l977] formule a cet egard deux questions:


1 I Quand se forment les reseaux sp6cifiques?
2 I A que! moment Ia transmission chimique commence-t-elle a s'effectuer le long de tels
reseaux?
On a utilis6 pour repondre a ces questions des moyens tres sophistiques, tels que Ia micro-
scopie en fluorescence, l'autoradiographie de mol6cules de thymidine marquee, sans compter
les dosages chimiques. A titre d'exemple, chez le rat, animal dont le cerveau est encore imma-
ture a Ia naissance, on met en evidence, bien avant Ia naissance, Ia presence d'enzymes cor-
respondant aui systemes neuromediateurs ca,techolaminergiques (tyrosine-hydroxylase,
dopa-decarboxylase et dopamine B-hydroxylase) et des NM eux-memes, DA et NA.
Les etudes en histofluorescence coniument que le neocortex du fa:tus de rat est atteint
des une semaine avant Ia naissance par les premiers axones catecholaminergiques, mais il
y a un d6calage net entre l'arrivee de ces axones et Ia synaptogenese.
Le systeme cholinergique se met en place plus tard (1 a 2 semaines apres Ia naissance).
~m. en ce qui conceme le systenie GABAergique, il y a une disparit6 notable entre le taux
(au niveau du striatum) de !'enzyme qui m6tabolise son pr6curseur,la glutamic acide decar-
boxylase OU GAD (7 0Jo du taux adulte a Ia naissance) et le taux du GABA lui-mente, soit 40 !Vo
du taux de l'adulte.
ll est possible que le caractere precoce de !'implantation de certains NM (catecho!aminer-
106 Cyrille Koupernik, Andrl Bourguignon

giques) signifie qu'ils jouent un rOle important dans Ia modulation de Ia differenciation cere-
brale [Coyle J.D., 1977].

LFS ASPECTS NEUROPHYSIOLOOIQUES


© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
Fonction selon /e degr4 de maturation

Quatre proprietes fondamentales [Scherrer J.', 1980] caractmsent le fonctionnement du


systeme nerveux immature :
1 I un noinbre de neurones actives (et activables) relativement filible (rappelons que tout
le capital neuronal est cependant present a Ia naissance) ;
2 I une conduction lente des signaux (ce qui correspond au faible degre d'avancement de
Ia myetinisation) ;
3 I une transmission synaptique m.alaisee (nous en avons parle apropos du caractere tardif
de Ia synaptogenese) avec un faible debit d'impulsion ;
4 I une plasticite « elective ».
Nous allons developper quelque peu les points 2 et 4.
n se peut, d'apres J. Scherrer [1980], que les ressources energetiques soient en priorite
consacrees aux besoiils plastiques, considerables, de ce systeme nerveux (qui, chez le lapin,
double de poids durant les 24 prelnieres heures de vie postnatale). Mais ce systeme fonc-
tionne neanmoins et possede des activites periodiques du type des horloges biologiques.
L'autre est le probieme crucial de Ia plasticite elective. Bien que les structures se deve-
loppent selon un programme, elles peuvent, a un moment donne de leur histoire, !tre sen-
sibles a une influence exterieure. Nous y reviendrons plus loin. On obserye enf'm, dans
l'optique globale (par opposition au caractere localise de l'histologie et analytique de Ia chi-
mie) et cinetique de Ia neurophysiologie du developpement, un phenomene instructif, qui
est celui de Ia discontinuite. A titre d'exemple, I' enfant humain nouveau-ne possede une mar-
che automatique [Koupernik C., Dailly R., 1980]; cette marche, au demeurant denuee d'inte-
ret pratique, disparait vers 2 mois et Ia marche dermitive ne s'installe qu'autour d'un an.
Sans doute faut-ll, dans l'optique de Ia specialite et dans le cadre de ce traite, mediter
Ia conclusion que donne J. Scherrer [1980] a son essai. Rappelant qu(;)le systeme nerveux
central est immature, en gros taut que Ia myelinisation n'est pas achevee, et que !'intro-
spection mnesique de l'adulte ne remonte guere avant Ia quatrieme, au mieuX. Ia troisieme
annee apres Ia naissance, ll for;nule une hypothese: « Le champ de conscience de l'adulte
interesse uniquement Ia periode durant J.aquelle les proprietes fondamentales des centres ner-
veux sont identiques. La petite enfance jusque vers 3 ans echappe au monde conscient de
l'adulte parce que, durant cette periode, les caracteristiques fonctionnelles deli centres ner-
veux sont differentes de ce qu'elles seront chez l'adulte. Comme elles varient rapidement,
on pourrait imaginer, lors de Ia petite enfance, Ia survenue de champs de conscience suc-
cessifs qui permettent cependant un comportement adapte vis-a-vis du monde exterieur et
des apprentissages et experiences varies. Ceux-ci servent de base fondamentale au compor-
tement de l'adUite sans emerger pour autant dans le champ de conscience. C'est ainsi que
Ia periode de developpement precoce du fonctionnement nerveux couvre peut-etre ce qui
Developpement des structures cerebrate$ du fretus et de /'enfant 107

a 6te denomme selon les epoques et les tendances inconscient ou subconscient. » Une telle
conce~tion n'est pas tenement el~ignee del'hYix>these freudienne:

Veille, sommei/ et phose paradoxa/e


© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
Les &des auxquelles nous nous referons sont celles de H.P. Roff'warg et a/. [1966] et
de 0. Petre-Quadens [1967].
·chez Ie premature de .6,5 mois, Ia phase paradoxale est deja bien organisee. Elle est en
fait Ia premiere a etre achevee. Bile va augmenter en quantite jusqu'a l'ige du terme.
Chez le nouveau-ne a terme, il n'y a pas encore d'abolition du tonus musculaire qui carac-
terise Ia phase paradoxale chez le sujet plus mature. Cette abolition ne survient qu'a 7 mois.
Le sourire peut etre observe au cours de Ia phase paradoxitle avant qu'il n'apparaisse pen-
dant les periodes de veille.
Dans Ia mesure ou cette phase paradoxale s'accompagne d'une persistance de I'activite
motrice (toujours par opposition ace que I'on voit chez I'enfant plus grand et chez l'adulte),
elle serait difficile a identifier sails l'apport de l'electroencephalogramme. Bile se distingue
parfaitement du sommeil calme. Elle occupe au moins 40 OJo d'un cycle de sommeil complet.
Ce n'est que vers l'ige d'un an que la duree dli sommeil paradoxa! est comparable a celle
.qu'on trouve chez l'adulte (20 a 25 OJo de Ia dur~ totale du sommeil). De Ia naissance a
Ia seconde enfance, Ia duree quotidienne de Ia veille passe grosso modo de 4 a 14 heures
et celle de la phase paradoxale de 10 heures a 2 heures. En d'autres termes, une partie de
Ia veille a ete conquise sur la phase paradoxale. Ce fait laisse a penser qu'au cours du deve-
loppement, le systeme nerveux central est d'abord stimule par l'activite neuronale de Ia phasl:
paradoxale qui prend naissance dans le tronc cerebral et .qu'apres Ia naissance, son r6le de
stimulation indispensable a Ia maturation du systeme nerveux central (SNC) est relaye par
Ia stimulation provenant du monde exterieur. M. Jouvet a formule !'hypothese elegante selon
laquelle c'est durant ce sommeil paradoxa! .que l'activite onirique transmettrait en quel.que
sorte a l'individu }'experience de l'espece.
En resume, du point de vue du developpement et de Ia maturation du systeme nerveux
central, seuls Roffwarg eta/. [1966] attribuent un r6le a Ia phase paradoxale. Selon ces
auteurs, elle autait une fonction de maturation durant Ia periode oil le SNC ne r~oit que
peu, voire pas, de stimulations externes. Les stimulations d'origine ponti.que in utero joue-
raient un r6le indispensable au processus de maturation, toUt comme celles du monde exte-
rieur seraient indispensables apres la nai.ssaltce a la maturation du · systeme visuel en
partimiller. ·
In' utero comme Ia voie visuelle est la seule qui ne soit pas susceptible d'exteroception,
c'est sans doute elle qui tire le plus grand benefice des stimulations pontiques. De toute
facon, .quel que soit le systeme sensoriel considere, les premiers influx afferents venus de
Ia peripherie sont Ients et faibles ; les stimulations ponti.ques joueraient un r6le de renfor-
cement.
Comme l'ont suggere divers auteurs, par cette autostimulation provenant du tJ:onc cere-
bral, le SNC se preplu-erait a ses fonctions futures bien avant qu'elles ne soient effectives.
Un des arguments sur lequel s'appuie Roffwarg [1966] est que pendant Ia phase paradoxale
tout le cerveau est stimule de facon diffuse.
108 Cyrille Koupemik, Andre Bourguignon

Avant d'illustrer par quelques exemples les deductions pathologiques qu'on J)eut tirer de
I'etude de l'ontogenese, il nous parait indisPensable de donner un 6clairage particulier a cer-
tains aspects structuraux ou structuro-fonctionnels ou sequentiels de ce developpeinent.
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
LBS ORGANISATEURS

N. Herschkowitz et N. Rossi [1972] dt\crivent quatre classes de genes programmateurs:


1 I structuraux, qui codent les sequences d'acides amines et d'enzymes de structure pro-
teiques; ·
2 I regulateurs, qui contrOlent l'activite enzymatique et le renouvellement metabolique
des enzymes (leur existence chez les mammiferes n'a toutefois pas encore ete etablie);
3 I architecturaux, qui ont sous leur contrOle les sites. intracellulaires des enzymes ;
4 I temporels, qui ont 'sous leur dependalice le calendrier de !'activation et de Ia desacti-
vation des trois preCedentes categories.
C'est vraisemblablement une prt\programmation gt\netique qui explique Ia progression dite
«rostrate » ou caudo-crbiale (d'arriere en avant ou de Ia moelle vers le teleencephale) que
suit l'ontogenese [Dobbing J., 1968].

Les genes de developpement

De nouveaux travaux orientent Ia comprehension du phenomene du developpement dans


le sens de Ia morphogenese. Pour mieux faire comprendre ce phenomene nous citons [Pro-
~,:hiantz A., 1989]: « Le processus de Ia differenciation cellu/aire n'est pourtant pas seu/ en
jeu dans Ia construction de l'organisme, ce qui est evident si l'on considere qu'avec /es mimes
, ce/lules, on fait une main et un pied et ce qui, on me /'accordera, ne revient pas au mime
pour l'individu considere I II y a done un second processus qui vient se superposer au pre- ..
mier.. Ce processus est ce/ui de Ia morphogenese organique: il est constitue d'evenements
de nature differente qui decident de Ia forme et de Ia position des organes. » Ces faits a'vaient
deja ete constates chez Ia drosophile par Morgan et de Beer dans Ia premiere moitie du
XX• siecle (idem). De m@me: « L 'observation dupMnomene homeotique, c'est-U-dire de Ia
transformation d'un organe en un autre, homologue cependant, avait etefaite des 1913 par
uncertain Edwin Goodrich chez le requin » [Prochiantz A., p. 42]. Certes, dit Prochiantz:
« n n )' a, ace jour, aucuflf preuve que des genes homeotiques jouent un r6/e primaire dans
cette segmentation. A vrai dire, on n'a mime pas Ia preuve que le cerveau soit reellement
un organe segmente... Neanmoins, il faut reconnaftre que certaines donnees laissent sup-
poser que les genes homeotiques jouent un r6/e, aujourd'hui encore mal de/irii dans /e deve-
loppement du cerveau... En effet, on a constate qu'une sequence·de nucliotides, c'est-U-dire
de constituants de l'ADN, etait tres souvent presente dans /es genes homeotiques de Ia dro-
sophile, atel point qu'on a pu penser que cette sequence, appelee homeobofte ou homeo-
Developpement des structures .cerebrates du jmtu$ et de /'enfant 109

.box, signe le caractere homeotique d'un gene. » Cette sequence homeobox presidant a Ia
morphogenese de l'organisme est representee par « un court segment d'ADN compose de
180 paires de base intervenant pour Ia sequence d'acides amines qui se lieraient a Ia dou-
ble he/ice pour regu/er !'action de certains genes» [Bourguignon A., 1989]. Ce fait essen-
tiel s'inscrit done dans Ia comprehension du mecanisme d'evolution des especes. L'Stre
htnnain -serait ainsi susceptible d'une mutation brusque. Pour le meilleur ou pour le pire?
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
L'action des corticosteroides et de Ia thyroxine est certaine, mais difficile a cerner.
L'administration d'hormone exogene (a un rat nouveau-ne) a des effets (perte de poids .
et proliferation gliale), mais renseigne-t-elle pour autant sur l'action normale des hormO-
nes matemelles, placentaires et fretales?
Les experiences de carence (notamment en ce qui conceme Ia thyroide) sont difficiles a
differencier des effets de Ia malnutrition [Benjamins J.A. et Me Khann G.M., 1977].
Enim nous avons, en parlant des neuromediateurs, signale que les catecholamines jouaient
un r6le organisateur dans Ie domaine du developpement. P.D. Lewis [1978] apporte des preu-.
ves en faveur d~ cette these qui a des implications neuropharmacologiques (voir plus loin),
0. Robain eta/. [1985] l'ont demontre pour Ia noradrenaline.
II y a lieu de signaler deux phenomenes essentiels qui vont determiner Ia differenciation
sexuelle de l'individu et qui sont induits par des secretions hormonales. On sait depuis les
travaux de Jost datant de 1947 [cite par A. BoUrguignon, 1989] qu'un frefus de mammi-.
fere prive de ses gonades se developpe spontanement en femelle. Le gene regulateur de Ia
differenciation sexuelle est localise sur le chromost>me X. En d'autres termes, le fait d'appar-
tenir au sexe masculin vient d'une part d'une perte des caracteres feminins de base et d'autre
part d'une masculiuisation du fretus. ·
· La differenciation sexuelle joue aussi sur Ia structuration du cerveau; elle serait d'apres
Bourguignon« organisatrice ». C'est ainsi que l'asymetrie hemispherique est ntoins pronon-
cee et le corps calleux plus developpe chez Ia femme que chez l'homme, d'ou peut-etre une
meilleure verbalisation et au contraire une moins bonne orientation dans l'espace. II en serait
de mSme de Ia moindre exposition de Ia ·fllle a l'autisme infantile.
Le deuxieme moment impoJ;iant est celui de 1a naissance qui s'accompagne chez Ie gar-
~n d'une brusque decharge de testosterone dottt le taux atteint Ia moitie de celui de l'adulte
des Ia deuxieme heure et reste eleve jusque vers Ie deuxieme ou sixieme mois. II est possi-
ble que cette inondation par Ia testosterone soit a l'origine des comportements copulatoi-
res ulterieurs (c'est-a-dire du comportement de monte chez Ie sujet de sexe masculin). II y
a en effet des comportements typiques des deux sexes et qui se constitueraient tres t6t sous
l'influeiJ.ce de l'une ou l'autre. hormone (testosterone ou restrogenes).

LES PERIODES CRITIQUES, VUL~RABLES, SENSIBLES

Le developpement n'est pas lineaire. Faut-il admettre que Ies periodes les plus actives
representent des crises? Cette notion de<< crise » date en fait de l'epoque d'Hippocrate et
il n'est pas certain qu'elle echappe a Ia critique. En revanche, Ie concept de periodes vul-
nerables develop¢ notamment par J. Dobbing [1968] mente d'Stre expose. Dobbing exa-
mine notamment deux periodes. La premiere correspond au deuxieme trimestre de Ia vie
intra-uterine, durant lequel se produit et prend rm Ia proliferation des neuroblastes.
110 Cyrllle Koupemik, Andre Bourguignon

11 se demande si cette periode n'est pas a l'origine de certaines atteintes pathologiques


jusque-Ia cryptogenetiques (telles .Ies arrierations mentales de caus~ non identifiable).
En revanche, la periode qui va du d~but du septieme mois intra-ut~rin a l'ige de 18 mois
apres Ia naissance (et qui correspond dans les domaines. de Ia clinique neuropsychologique
et de l'~lectroen~halogramme a un bond prodigieux) serait, d'apres J. Dobbing [1968],
vulnerable.
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
Vuln~rable ou sensible? En fait ces periodes ahaut potentiel m~bolique, ces « sprints
· structuraux » sont influen~bles par l'extmeur. En bien ou en mal. 11 ne saurait etre ques-
tion de reprendre l'imprudente m~phore du Whavioriste ammcain J.B. Watson disant que ·
!'enfant nouveau-n~ ~t un cheque en blanc, une eire vierge. Mais il convient de m~diter
et de faire sienne Ia formulation de J.-P. Changeux, A. Danchin [1974], celle de Ia sss (sta-
bilisation ~lective des synapses) li~ aun contr6le ~pigenetique. En d'autres term~, il se
produit, a Ia fm de Ia mise en place de !'immense appareil neuronal (1010 pour m~oire)
et.synaptique (1014), une suppression (en deux temps) d'un certain nombre de neurones puis,
plus tard, de synapses. Pour ce qui· est de .ces dernieres, seules les plus adapt~ (a l'envi-
ronnement) survivent. Selon Ia formule de Changeux, l'environnement d~upe pour le
mieux l'enveloppe g~n~tique qui lui est impo~. 11 peut aussi faillir a son devoir, ne pas
apporter les matmaux, etre nocif 'et c'est le drame de Ia pathologie rer~brale.
L'un de nous, A. Bourguignon [1981], a propos~ un modele neurobiologique int~grant
toutes ces donn~ et applicable en psyclaiatrie.

LES ACCIDENTS DE PARCOURS

11 n'entre pas dans nos intentions d'~e un chapitre de psychopathologie cer~brale qui
deviendrait rapidement lui-marne un trai~. Mais plut6t de donner a ces catastropheS un oclai-
rage chronologique et ~uentiel, en citant Gruneberg [in Cowie V., 1980] selon lequel cha-
que maillon rompu donne lieu a une «cascade d'effets ». ·
Nous ne ferons que rappeler les limites chronologiques (les trois premiers mois de Ia vie
intra-ut~rine) de Ia. phase embryopathique t~ratog~nique.
Durant le deuxieme trimestre intra-uterin, d'autres atteintes se produisent peut-etre qui
. menent a une oligophr~e.
Pendant Ia periode qui va du septieme mois intra-u~rin au milieu de Ia deuxieme ann~.
un simple retard du rythme de d~veloppement pourrait brouiller le programme. Enfm, de
f~n plus giobale pendant les premieres ann~. il existe un risque concernant les arbori-
sations dendritiques, les connexions synaptiques, Ia my~linisation.

RISQUE DB NUISANCE DES MEDICAMENTS PSYCHOTROPBS

Le drame de Ia thalidomide a eu au moins pour co~uence favorable de frapper les


esprits et de mettre en lumiere les dangers pour le fretus des ni~dicaments et des drogues
Developpement des structures cerebrales du !cetus et de /'enfant 111

pris pendant la grossesse; des auteurs [Breese G.R. eta!., 1978], dans le cadre d'une revue
g~n~rale, s'interrogent sur !'action possible de neuroleptiques administr~ a une femme
enceinte. L'exp&imentation animale semble montrer qu'il y a chez les nouveau-n~ un d~ficit
des r~ponst:s d'evitement. Ce que nous savons de !'action des neuroleptiques et des antide-
a
presseurs sur les neuromediateurs monoaininiques devrait inciter une etude systematique
chez les psychotiques enceintes et traitees.
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
On ne peut ni st~riliser les psychotiques, ni leur interdire Ia grossesse, ni <mettre im de
fa~on autoritaire a celle-ci, niles laisser sans traitement. n semblerait que l'electrochoc soit
une tMrapeutlque plus « propre » que les antid~presseurs, mais que penser de l'affrrma-
tion des ~pileptologues selon lesquels les crises d'epilepsie de Ia mere endommageraient Ie
cerveau du fretUs ? Le coma insulinique est, lui, passe de mode, et il repr~entait en tout
cas, du fait de l'hypoglyc~mie, un danger indeniable pour le cerveau du fretus.

LE SYNDROME D'ALGOOLISMB F<ETAL

En fait, nous voulons donner un certain developpement a une modalite de risque dont
Ia gravite et Ia fr~uence s'affmnent de jour en jour, le syndrome d'alcoolisme freta! (SAF).
Ce probleme a ete occulte par des prises de position dogmatiques, qu'il. se soit. agi de
l'affrrmation d'un caractere Mreditaire de Ia transmission, affmnation s'inspirant de Ia doc-
trine de l'h~MOd~genirescence ou, au contraire, de priSes de position exclusivement psycho-
sociogen~tiques expliquant tout par continuum infernal de conflits, de toxicomanie
alcoolique et de carence parentale.
C'est a c;\es Fran~s [Lemoine P., eta/., 1969] que revient le mmte d'avoir decriJ. un
ensemble d'anomalies morphologiques et de d~ficiences neuropsychiques chez les enfants
de meres consommatrices d'alcool pendant leur grossesse. Ces travaux ont ete entierement
confirm~ depuis par les auteurs anglo-saxons [Hinckers H.J., 1978; Erb L., Andresen B.D.,
1978; Hanson J.W. et al., 1978; Streissguth et al., 1978]. Selon les estimations les moins
pessimistes, le syndrome d'alcoolisme freta! toucherait 2 a 3 nouveau-n~ sur mille naissances
vivantes [Cityroche P., et al., 1979]; en fait, ce chiffre est sans doute au-dessous de Ia vmte,
beaucoup de meres minimisant leurs habitudes alcooliques. On•trouvera egalement chez ces
derniers auteurs une bonne description de l'aspect morpbologique de ces enfants et, notam-
ment, du r~ecissement des feptes pal~brales et de Ia forme du sillon sous-nasal. Mais sur-
tout ces enfants ont un QI situ~ entre 60 et 70.
A.P. Streissguth [1978] trouve un QI moyen de 65, avec. un eventail allant de 16 a 105,
et souligne le parallelisme entre l'intensite des anomalies faciales et Ia severit~ de l'atteinte
intellectuelle.
Si ces donnees, notamment celles qui ont trait a Ia prevalence, se veriflaient, on. serait
peut-«re en Iilesure de faire beneficier Ia population d'une politique de prevention a grande
~chelle~ Mais le probleme est loin.d'@tre simple et illustre a merveille Ia notion de multifac-
torialite qui caracterise Ia psychiatrie infantile.
n y a en amont le pourquoi de l'alcoolisme chronique des meres, question qui debouche
sur des facteurs sociaux et psychologiques, ne serait-ce que Ia non-acceptation de Ia gros- ·
sesse. Bien qu'on ait pu affrrmer r~ent qu~il y avait dans l'alcoolisme une part gene-
112 Cyrille Koupemik, Andre BourgUignon

·tique, cette notion ne s'applique pas a la constitution du SAF: la mere qui a donne nais-
sance a un enfant atteint de SAF aura, si elle .est abstinente, un enfant indemne au cours
d'une grossesse ulterieure [Erb L., 1978].
On pourrait penser egalement qu'en aval une mere alcoolique est generatrice de conflits,
qu'elle n6gllge l'enfant et qu'elle cree une atmosphere d'hospitalisme intrafamilial. Mais une
telle explication ne rend pas compte des anomalies criniofaciales; en outre, le fait de confier
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
un enfant SAF aim substitut matemel n'attenue pas son arrieration [Erb L., 1978).
On ne sait pas tout sur le mode d'action de l'alcool au sein du continuum mere-fmtus.
On peut dire que l'alcoolisme maternel n'agit pas par le biais de la malnutrition qu'll entraine
du fait de la substitution isodynamique des calories : en effet les enfants de meres mal nour-
ries ont un deficit ponderal, les enfants de meres alcooliques chroniques un deficit statural
[Erb L., 1978). On admet lffinckers H.J., 1978) que I'extension de l'espace (mere + amnios
+ fmtus) augmente la toleranCe en ce qui conceme l'organisme matemel, cependant que
l'alcool traverse librement la bairiere hematoencephalique du fmtus; enrm que le ralerltis-
sement de la resorption aggrave encore les risques d'action nocive pour le cerveau.
Au niveau de l'action sur le cerveau, on a constate chez certains feetus une absence de
corps calleux (ce qui peut etre rapproche du classique mais rare syndrome de Marchiafava-
Bignami chez l'adulte). H.J. Hinckers. [1978} a pu mettre en evidence chez d'autres fmtus
des amincissements du cortex, des hydrocephalies. On a pu se demander si l'alcool n'inter-
venait pas a certains moments privllegies et, notamment, ala periode de migration des neu-
roblastes.
Mais,sUrtout, son mode d'action reste mysterieux. L'hypothese de la responsabilite d'Qll
alcool trafique est exclue par L. Erb [1978). Mais ll peut s'ag)r de l'action de prodUits de
degradation de l'alcool (cetohes, aldehydes), de fractions aromatiques. Enfm, et surtout,
on s'est pose la question du r6le eventuel pe l'hypoglycemie'dont on sait qu'elle peut etre
a l'origine d'anomalies de l'organogenese et de microphtalmie [Hinckers H.J. et al. 1978).
Mais, quoi qu'll en soit, .cette J!.Otion d'Un danger alcoolique pour l'integrite de I' enfant
doit etre l'objet d'une large diffusion. n parait s'averer que l'alcool, drogue legale, est plus
dangereux que les drogues illegales, plus dangereux que le tabac et sans doute que les medi-
caments (dont l'action sur l'ensemble mere-enfant, si l'on excepte son aspect strictement
teratogenetique, il'a pas ete suffisamment etudiee). Certains auteurs se sont pose la ques-
tion d'une action des benzodiazepines, analogue a celle de l'alcool.

LA MALNUTRITION

L'etude classique de J. Craviotto et at. U,966J est un modele du genre car elle combine
les approches sociologique, medicate et cognitive. Craviotto fait mention des travaux de Nel-
son et Dean qui ont pu mettre en evidence, chez les enfants en etat de malnutrition severe,
des anomalies EEG a predominance temporale. Ces constatations devraient inciter a une
exploration de la morphologie et de l'hemodynamique cerebrateS a l'aide des moyens les
plus. sophistiques -Ia scannographie, la resonance magnetique et la mesure du debit cere-
bral sanguin. .
n convient d'ajciuter que la malnutrition de la mere gestante elle-meme hypotheque lour-
Developpement des.structures cerebrales du fattus et de /'enfant 113

dement le developpement du cerveau de son enfant. L'histologie, Ia chimie, Ia clinique ren-


voient aux donnees geopolitiques de base - Ia faim dans le tiers monde. ·
On trouvera dans la monographie de Winick [1976]la description clinique des deux etat~
connus sous les noms·de « marasme » et de« kwashiorkor». Le marasme est le fait de
l'enfant en etat de misere alimentaire de Ia naissance a 2 ans et qui paie le lourd prix d'une
carence globale. Le kwashiorkor ou « maladie des cheveux rouges >> est le fait d'un dese-
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
quilibre entre les proteines (absentes) et les hydrates de carbone (en exces). C'est le fait essen-.
tiellement de !'enfant nourri au sein jusqu'a 2 ans et qui est alors brusquement sevre parce
qu'un autre enfant vient de naitre. Dans les deux cas, il y a un lourd dommage cerebral,
qui se solde par ia mort ou par les sequelles neuropsychiques irreversibles.

NUISANCES PSYCHOLOOIQUES

nest sans doute plus difficile d'evaluer les consequences eventuelles du stress, notion dont
on a quelque peu abuse. Neanmoins une etude telle que celle de S.I. Revill et J.A. Dodge
[1978], qui classe les stress selon une echelle d'intensite, semble demontrer qli'il y a une rela-
tion statistiquement valable e~tre le stress et Ia frequence de Ia stenose du pylore.
Enfm tout un ensemble de travaux, portant aussi bien sur l'homme que sur les petits
d'autres especes et tendant a demontrer que Ia negligence et !'abandon se soldent par Ie
retard, l'inadaptation, les anomalies de comportement, n'ont rien perdu de leur valeur. Sans
doute faudrait-illes reprendre avec plus de rigueur scientifique, et moins d'apriorisme, en
un mot elever Ia clameur passionnelle au rang d'observation scientifique.
Ainsi se presente I'etude complexe et riche en points d'interrogation du deveioppement
du cerveau, depuis Ia constitution du tube neural jusqu'a l'adoleseence. n apparatt a l'I!Sprit
non prevenu que Ia rigueur du determinisme programmateur est telle que Ia plus grande pru-
dence doit etre observee en matiere de theories, notamment psychogenetiques.
La deuxieme notion a retenir est celle des variations du tempo qui correspondent peut-
etre aux periodes sensibles. Aces moments le simple retard du programme peut avoir des
effets a distance, et l'environnement intervient de plus en plus a mesure que I' enfant avance
en ige. Au depart Ia mere est a Ia fois environnement et marche-frontiere d.'un environne-
ment plus vaste. Elle apporie les nutriments, mais, si elle-mt\me en manque, elle se fait
l'interprete d'une caience environnementale. Plus tard, non seulement elle nourrit I' enfant
et le protege, mais encore, et ce sans le savoir, elle !'incite, elle lui apprend a etablir les
connexions avec autrui. Son sourire, sa voix, sa tendresse font eclore des synapses et des
dendrites. Aidons-la a decouper pour le mieux l'enveloppe du donne.
114 Cyrille Koupemik, Andre Bourguignon

BENJAMINS J .A., Me KHANN G.M. (1977), HERSCHKOWITZ N., ROSSI N. (1972), Critical
Development, regeneration and aging, in Siegel G.J., periods in brain development, in Ciba Foundation
Wayne-Albers R., Katzman R., Agranoff B.N. (eds), Symposium, Lipids, malnutrition and the developing
Basic neurochemistry, Boston, Little Brown, 2nd ed. brain, Amsterdam, Elsevier, 107-119.
BOURGUIGNON A. (1981), Proposition d'un HINCKERS H.J. (1978), The Influences of alcohol
mod~e neuroblologique pour Ia psychlatrie, Ann. on the foetus, J. Perinat. Med., 6, 3-14.
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)

© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/10/2021 sur www.cairn.info par Silvia Alcalde (IP: 81.0.42.140)
Mid. Psychol., 138, 10, 1216-1225. IVERSEN L. (1979), La cbimie du cerveau, Pour Ia
BOURGUIGNON A. (1989), L 'homme impi'Wu. Sci., 25, 6H6.
Histoire Mturelle de l'homme, Paris, PUF, KOUPERNIK C., DAILLY R. (1980), IMveloppe-
« Questions ». ment neuropsychique du nourrisson, Paris, PUP,
BREESE G.R., MUELLER R.A., LIPTON M.A. 4• ed. rev. augm. •
(1978), Developmental neuropharmacology, in Lip- LEMOINE P., MAROUSSEAU H., BORTEYRU
ton M.A., Dimascio A., Killam K.F. (eds), Psycho- J.-P., MllNUET J.-C. (1968), Les enfants de parents
pharmacology: a generation ofprogress, New York, alc:oollques : anomalies observOOII, a propos de
Raven Press, 609-620. 127 cas, Ouest. Mid., 25, 476-482.
CAYROCHE P., MARIANI P., CARNOT J.-F., LEWIS P .D. (1978), Neurohumoral influences on
SAIGNES F., QUILLON C. (1979), L'embryo- cell proliferation in brain development, Trends in
fa:topatbie alc:oollque. A propos de clnq nouvelles NetmJSCielices, I, 158-159.
observations, Mid. Infant., 86, 539-SSS. MORELL P., NORTON W. (1980), La myeline et
CHANGEUX J.-P., DANCHIN A. (1974), Appren- Ia sclerose en plaques, Poilr Ia Sci., 33, 62-74.
dre par stabilisation selective de synapses en cours NAUTA W., FEIRTAG M. (1979); L'organisation
de do!veloppement, in Morin E., Piatelli-Palmarini du cerveau, Pour Ia Set., 25, Sl-64.
M. (eds.), L 'unit4 de l'homme. Invariants biologi- PETRE-QUADENS 0. (1967), Ontogenesis of para-
ques et rmtversaux cuiJurels, Paris, Le Seull, 320-357. doxical sleep in the h11111an new born, J. Neural. Sci.,
COWAN M. (1979), Le do!veloppement du cerveau, 4, 143-154.
Pour Ia Sci., 25, 94-108. PROCHIANTZ A. (1989), La construction du cer-
COWIE V. (1980), Injury 8nd Insult. Considerations veau, Paris, Hachette.
on tbe neuropathologiall aetiology of mental subnQr- REVILL S.I., DODGE J.A. (1978), Psychological
mallty, Brit. J. Psychlatr., 137, 305-312. determinants of infantile pyloric stenosis, Arch. Dis.
COYLE J.D. (1977), Biochemical aspects of trans- Childh., 53, 66-68.
mission in the developing brain, in Smytbies J .R., ROBAIN 0., LANFUMEY L., ADRIEN J., FAR-
Bradley R.J. (eds), Internat. Rev. Neurobio/. 1 20, KAS E. (1985) Developmental Changes in tlie Cere-
65-103. bellar Cortex after Locus Coeruleus Lesions with
CRAVIOTTO J., DELICARDIE E., BIRCH H.{l. 6-Hydroxy-Dopamine in the rat, Exp. Neural., 88,
(1966); Nutrition, growth and n(lurointegrative deve- lS0-164.
lOpment : an experimental and ec:ological study, ROFFWARG H.P., MUZIO J.N., DEMENT W.C.
Pediatrics, 38, 2, 319-372. (1966), Oritegenetic Development of human sleep
DOBBING J. (1968), Vulnerable periods in develo- cycle dream, Science, ·1s2, 604-619.
ping brain, in Davison J •• Dobbing J. (eds), Applied SCHERRER J. (1980), Ontogenese du systeme ner-
neurochemistry, Oxford, Blackwell Scientific Pub!;, veux. Faits et reflexions, Triangle, J. Sandoz Sci.
287-316. Mid., 20, 1, 13.
ERB L., ANDRESEN B.D. (1978), ·Alcohol STREISSGUTH A.P., HERMAN S,S., SMITH
BYJ1drome. A review of chronic maternal alcoholism D.W; (1978), Intelligence, beliavior and dysmorpho-
on the developing foetus, Clin. Pedlatr., 17, 644-649. genesls in the foetal alcohol syndrome. A report on
HANSON J.W. STREISSOUTH A.P., SMITH 20 patients, J. Pedlatr., 92, 363-367.
D.W. (1978), The effects of moderate alcohol WINICK M. (1976) Mainutrltlan and brain develop-
c:onsmnption during pregancy on foetal growth and ment, New York, London, Toronto, Oxfohl Univer-
morphogenesis,' J. Pedlatr., 92, 457-460. sity Press.

Vous aimerez peut-être aussi