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Revue RAFEC num.

4/2016/ISSN : 1840-7668
Réseau Africain Francophone d’Education Comparée

Revue RAFEC / Education Comparée en Afrique num. 4/2016/ISSN : 1840-7668


EDUCATION INCLUSIVE
EN AFRIQUE FRANCOPHONE
3ème colloque International tenu du 10 au 12 Décembre 2015
à l’ENS de l’Université Abdou Moumouni/Niamey
EDUCATION INCLUSIVE
EN AFRIQUE FRANCOPHONE
Comité scientifique :
Pr Malilka Tefiani (Algérie)
Pr Albert Jovité Nouhouayi (Bénin)
Pr Maxime da-Cruz (Bénin)
Pr Abdel Rahamane Baba Moussa (Bénin)
Pr Jean-Claude Hounmènou (Bénin)
Pr Afsata Paré-Kaboré (Burkina Faso)
Pr Norbert Nikiéma (Burkina Faso)
Pr Gérard Kedrebeogo (Burkina Faso)
Pr Ernest Ilboudo (Burkina Faso)
Pr Pierre Fonkoua (Cameroun)
Pr Pierre-Marie Njialé (Cameroun)
Pr Henri Folliet (France)
Pr Régis Malet (France)
Pr Moussa Daff (Sénégal)
Pr Moustapha Tamba (Sénégal)

Directeur de publication :
Pr Afsata Paré-Kaboré (Burkina Faso)
Rédacteur en chef : Pr Maxime da-Cruz (Bénin)
Rédacteur en chef Adjoint : Pr Amadé Badini (Burkina-Faso)
Secrétaire de rédaction : Dr Clément Bah (Bénin)
Membres :
Pr Lucie Rabaovololona (Madagascar)
Dr Clarisse Napporn (Bénin)
Dr François Sawadogo (Burkina Faso)
Dr Dieudonné Vaidjikè (Tchad)

Ce numéro a été coordonné par :


Dr GOZA Nana Aïcha, Maître de Conférences, ENS/UAM Niamey
Dr Amadou SAIBOU ADAMOU, Maître de Conférences, ENS/UAM Niame
Dr Haoua ISSIAKA, Maître Assistant, ENS/UAM Niamey
Dr Mamane Nassirou MAMANE, Assistant, ENS/UAM Niamey
3

Table des matières


Discours de Monsieur le Recteur de l'Université de Niamey.....................................5
Discours de Monsieur le Ministre des Enseignements Supérieurs de la Recherche et
de l’Innovation..............................................................................................................7

Éducation familiale centrée sur la réussite scolaire et accomplissement de l’enfant..9


Pr PARE-KABORE Afsata

Pour une correction efficace de l’expression écrite en français..................................27


Jean-Claude HOUNMENOU

Neoclassical Literature and Social changes: Writers and their Society......................39


Dr Ibrahim Yekini

Utilisabilité des TICE : les compétences numériques d’opérateurs à l’épreuve de la


pratique en Afrique sub-saharienne francophone.......................................................49
Pr PARE/KABORE Afsata et Dr TIBIRI Simon Pierre

Community actions towards improving school and teacher professional learning in a


south-central Niger school district .............................................................................69

Politique bilingue au Niger, avancées, défis et perspectives......................................87


Dr Mamane Nassirou MAMANE

Pour une éducation bilingue inclusive en Afrique francophone : quel sort pour les
élèves ne maîtrisant pas la langue première ?...........................................................107
GBANGOU Yombo

Réflexion a priori sur le processus d’apprentissage d’élèves utilisant un « cahier


d’activité » en classe de physique.............................................................................131
Eugène Oké, Raphaël Kélani et Albert Ayigbédé
Les représentations sociales de l’alphabétisation des adultes au Burkina Faso face
aux enjeux de la modernité : quelles politiques nouvelles pour un sens nouveau ?.153

La professionnalisation des filières dans le contexte du LMD à la faculté des lettres


et sciences humaines de l'Université Abdou Moumouni de Niamey........................195
Dr ABDOURAHAMANE Mohamed Moctar et Aboubacar MODOU AISSAMI
5

Discours de prononcé par Pr Adam


TOUDOU, représentant Monsieur le Recteur
de l'Université de Niamey
Madame la Première Dame Dr Lalla Malika Issoufou ;
Honorables Députés ;
Monsieur le Ministre des Enseignements Supérieur de la Recherche et de
l’Innovation ;
Madame la Ministre des Enseignements Secondaires ;
Madame la Ministre de l’Education Nationale, de l’Alphabétisation de la
Promotion des Langues Nationales et de l’Instruction Civique ;
Monsieur le Ministre des Enseignements Professionnels et Techniques ;
Monsieur le Gouverneur de la ville de Niamey ;
Mesdames et Messieurs les Partenaires Techniques et Financiers ;
Monsieur le Secrétaire Général de l’Université Abdou Moumouni ;
Messieurs les Directeurs d’Ecoles et Instituts, Messieurs les Doyens des Facultés ;
Mesdames et Messieurs les Enseignants-Chercheurs et Chercheurs de l’UAM ;
Mesdames et Messieurs les personnels administratifet technique,
Chères étudiantes, chers étudiants,
Honorables invités à vos grades, titres et qualités;
Mesdames et Messieurs,
C’est avec un réel plaisir que je prends la parole aujourd’hui, à l’o ccasion de
l’ouverture de ce colloque. L’intitulé du thème de cette rencontre, « Education
inclusive en Afrique francophone : approches linguistique et didactique,
perspectives d’autonomisation », fait la promesse d’une réflexion approfondie et
de réponses pratiques aux problèmes posés par l’éducation des personnes à besoins
spécifiques en particulier et par nos systèmes éducatifs en général.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais rappeler à l’auguste assemblée d’enseignants-chercheurs et de
chercheurs ici présente, ce que la notion d’inclusion est globale et complexe.
L’éducation inclusive est globale dans la mesure où elle ne concerne pas seulement
les enfants dits « différents », frappés par un quelconque handicap. Elle prend en
compte tout ceux qui ont besoin et ont droit à l’éducation : enfants et adultes,
6

L’éducation inclusive est complexe parce qu’elle est plurielle, intégrant et


s’adaptant aux différences biologiques, socio-culturelles et économiques de toutes
les personnes qu’elle prend en charge.
Serge Ebersold, en 2006 déjà, posait à juste titre le principe fondamental sur lequel
doit se fonder l’éducation inclusive : « la question de la différenciation
pédagogique, disait-il, n’est plus l’affaire d’élèves en difficulté, et (…) penser la
scolarisation des enfants qui présentent une déficience, c’est penser ce dont a
besoin tout élève, car ce dont a besoin un élève qui présente une déficience,
n’importe quel élève peut en avoir besoin. Plutôt que de se focaliser sur
l’inaptitude, sur un taux d’incapacité, [il faut poser la question en termes] de la
diversité, ce qui conduit l’école à penser les besoins de tous les élèves. A ce titre-là,
il n’est pas d’élèves à besoins spécifiques, il n’est que des élèves qui, tous, nécessitent
la mise en œuvre de méthodes pédagogiques, de supports et de soutiens qui leur
permettent de réussir, de se construire et de s’ancrer ».
C’est dire que l’essence et la visée de l’éducation inclusive est la justice sociale. Elle
exige une pédagogie différenciée pour répondre à la diversité des apprenants et
une approche systémique où la partie a lien étroit avec le tout.
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais aussi rappeler que le mot Université, avant de désigner l’établissement
d’enseignement supérieur que l’on connaît aujourd’hui, est universitas, signifiant «
communauté » ; il est aussi universus, c’est-à-dire « totalité ». Le propre de
l’université est donc l’inclusion, c’est-à-dire l’ouverture vers tout ce qui existe, pour
l’édification d’une communauté meilleure. Le propre de l’université c’est aussi de
penser, dans l’optique d’élargir les possibilités de l’humaine condition.
Mesdames et Messieurs,
Je ne doute aucun instant que les réflexions qui vont sortir de cette réunion
apporteront à nos systèmes éducatifs et à nos pays respectifs, des informations, et
des propositions d’ordres scientifique, organisationnel, stratégique, matériel,
méthodologique, etc., adéquates à la mise en œuvre d’une éducation à la hauteur
des multiples défis que nous présente la marche actuelle du monde. La visée ultime
de ce colloque, je présume, est qu’aucune personne, pour des raisons qui ne lui sont
imputables, ne soit exclue de la production et du partage du savoir.
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, pour conclure, de renouveler mes vœux les plus chaleureux pour le
succès de vos travaux, et de vous assurer de mon entière confiance en la hauteur
scientifique et en l’expérience des participants qui, j’en suis certain, conduiront les
travaux au succès attendu.
Bon colloque.
Je vous remercie de votre attention
7

Discours de Monsieur Asmane ABDOU


Ministre des Enseignements Supérieurs de la
Recherche et de l’Innovation
Madame la Première Dame Dr Lalla Malika Issoufou ;
Honorables Députés ;
Madame la Ministre des Enseignements Secondaires ;
Madame la Ministre de l’Education Nationale, de l’Alphabétisation de la
Promotion des Langues Nationales et de l’Instruction Civique ;
Monsieur le Ministre des Enseignements Professionnels et Techniques ;
Monsieur le Gouverneur de la ville de Niamey ;
Mesdames et Messieurs les Partenaires Techniques et Financiers ;
Monsieur le Secrétaire Général de l’Université Abdou Moumouni ;
Messieurs les Directeurs d’Ecoles et Instituts, Messieurs les Doyens des Facultés ;
Mesdames et messieurs les participants au Colloque
Mesdames et Messieurs les Enseignants-Chercheurs et Chercheurs de l’UAM ;
Mesdames et Messieurs les personnels administratifet technique,
Chères étudiantes, chers étudiants,
Honorables invités à vos grades, titres et qualités;
Mesdames et Messieurs,
Ma présence à l'ouverture de ce colloque traduit l'engagement du Président de la
République et du gouvernement à œuvrer pour le succès de toutes les activités
scientifiques intéressant l’éducation.
Le 2ème colloque international du RAFEC sur le thème : « Education inclusive en
Afrique francophone : approches linguistique et didactique, perspectives d’autono-
misation » que vous organisez, cadre bien avec les ambitions de notre pays en matière
d’éducation à savoir « une éducation de qualité pour tous sans exclusion ».
Les dispositifs institutionnels en faveur de cette éducation inclusive sont
multiples. Ainsi, la constitution de la 7ème République, du 25 novembre 2010,
stipule en son article 26: « l’État veille à l’égalité des chances des personnes
handicapées en vue de leur insertion et/ou de leur réinsertion sociale…».
La loi d’orientation du système éducatif du Niger (LOSEN 1998) précise en ses
articles 2 et 42 :
8

— l'éducation est un droit pour tout citoyen nigérien.


— l'éducation spécialisée a pour mission l'éducation ou la rééducation et la
formation des citoyens handicapés physiques ou mentaux, afin de faciliter
leur insertion ou réinsertion sociale.
Mesdames et Messieurs,
Plus récemment, le Programme Sectoriel de l’Education (PESF 2104/2024)
souligne : l’objectif du gouvernement est d’offrir à tous les enfants nigériens une
éducation de qualité quel que soit leur milieu de provenance, leur sexe ou leur handicap.
Il faut rappeler que le terme d’éducation inclusive a été consacré par la conférence
de Salamanque, en 1994. La Déclaration issue de cette conférence formule des
orientations pour passer de l'éducation traditionnelle dite " spéciale ", destinée aux
élèves déficients, à une éducation " inclusive " pour des enfants considérés comme
ayant des " besoins éducatifs particuliers ".
Pour l’UNESCO (2011), l’inclusion « est considérée comme un processus visant
à tenir compte de la diversité des besoins de tous les apprenants et à y répondre par
une participation croissante à l’apprentissage, aux cultures et aux collectivités, et à
réduire l’exclusion qui se manifeste dans l’éducation. Elle suppose la transformation
et la modification des contenus, des approches, des structures et des stratégies,
avec une vision commune qui englobe tous les enfants de la tranche d’âge
concernée, et la conviction qu’il est de la responsabilité du système éducatif
général d’éduquer tous les enfants… »
Mesdames et Messieurs
Au Niger, l’éducation des Enfants en Situation d’Handicap a commencé avec la
création de deux écoles spécialisées dont l’une pour non voyants en 1979 et l’autre
pour malentendants en 1980.
L’éducation inclusive a été introduite dans les classes au Niger en 2007 avec l’appui
de handicap International. Ainsi, en 2014, dans la communauté urbaine de
Niamey par exemple, 2304 enfants à besoins éducatifs spéciaux dont 999 filles
sont inscrits régulièrement dans les écoles.
Mesdames Messieurs,
Dans un monde où on prône l’égalité des droits, il n’y a aucun doute que
l’inclusion recommande une nouvelle approche de l’acte d’apprentissage. Ainsi,
l’enseignement ne doit plus se faire selon un mode unique de transmission de
connaissances mais plutôt en fonction de la diversité des apprenants et selon leur
mode d’é vocation (visuel, auditif, kinésique).
Dans cette perspective de développement d’une éducation inclusive pertinente,
nous osons espérer que vos travaux déboucheront sur des réponses adéquates aux
besoins d’apprentissage très divers qui s’expriment dans le cadre de l’éducation
formelle et non formelle. Vous ferez, j’en suis sûr, des propositions qui permettront
à l’enseignement général de répondre adéquatement au flux croissant d’élèves à
besoins spécifiques et à l’enseignement supérieur d’anticiper sur les conditions
d’accueil des futurs étudiants à besoins éducatifs spéciaux.
27

Pour une correction efficace de l’expression écrite


en français

Jean-Claude HOUNMENOU,
Université de Porto-Novo, Bénin

Résumé
Le professeur de français, évaluateur de productions écrites d’apprenants, se
trouve aujourd’hui de plus en plus désemparé, face aux innombrables et
répétitifs problèmes d’erreurs scripturales et de malformations textuelles
auxquels il est quotidiennement confronté dans l’exercice de sa profession,
et cela, qu’il vive en Europe, au Canada, ou en Afrique. La situation est
d’autant plus préoccupante que, la maîtrise de l’écrit étant un indicateur
majeur de maîtrise langagière, le défaut récurrent de maîtrise du français
écrit chez les élèves pourrait malheureusement constituer un signe d’échec
de la pédagogie de cette langue dans les écoles, collège et lycées de l’espace
francophone. D’où la nécessité pour cette pédagogie du français de
s’adapter, en puisant de son vieux trésor de nouveaux procédés, ou en créant
des formules plus rentables. Cette nécessaire démarche de remédiation peut
passer entre autres, par une didactique corrective de l’expression écrite en
français, qui part de l’identification précise et synthétique des types
d’erreurs scripturales les plus fréquemment commises par les apprenants,
pour leur proposer des exercices ciblés, exploitant les techniques de la
manipulation, de la transformation, et surtout de l’observation-imitation.
Et la formation des futurs enseignants de français devrait intégrer cette
stratégie.

Mots-clés : pédagogie du français, erreurs scripturales, remédiation,


observation-imitation, formation des enseignants.
28

Abstract
French language teachers in Africa, Europe or canada, have nowadays to deal
with heavy difficulties, while assessing the written examination of their
students, because those works are filled by numerous writing mistakes.
These situations of frequent writing mistakes made by students, may be a
strong indicator of the failure of French language pedagogy in primary,
secondary or high schools in the French speaking areas. Therefore, it is a
necessity to the French language pedagogy to adjust its strategies, by using
new methods from its old treasure house, or by inventing more effective
methods. This remedying process could be a corrective didactics of school
writings in French language, processing from exact and synthetic
identification of the writing mistakes most frequently made by the
students; afterwards, the students should be given targeted exercises, based
on techniques such as manipulations, transformations, and above all,
observation-imitation. Finally, this remedying strategy should be involved
in the planning ofthe future French language teachers.

Key words: French language pedagogy, writing mistakes, remedying,


observation-imitation, teachers training.
29

Introduction
Le professeur de français, évaluateur de productions écrites d’apprenants, se
trouve aujourd’hui de plus en plus désemparé, face aux innombrables et
répétitifs problèmes d’erreurs scripturales et de malformations textuelles
auxquels il est quotidiennement confronté dans l’exercice de sa profession,
et cela, qu’il vive en Europe, auCanada ou en Afrique.
La situation est préoccupante, car la maîtrise de l’écrit constitue un
indicateur majeur de maîtrise du langagière. Dès lors, le défaut récurrent de
maîtrise du français écrit chez les élèves, pourrait malheureusement
constituer un signe d’échec de la pédagogie de cette langue dans les écoles,
collèges et lycées de l’espace francophone. D’où la nécessité pour cette
pédagogie du français de s’adapter, en puisant dans son vieux trésor de
nouveaux procédés, ou en créant des formules plus efficaces. En quoi
pourrait consister cette adaptation de la pédagogie du français, face à aux
difficultés rédactionnelles persistantes des apprenants ?
Notre projet ici, c’est de partir des types d’erreurs scripturales les plus
fréquemment rencontrés par les enseignants, surtout des collèges et lycées,
lors de la correction des copies, pour explorer quelques pistes pour une
pédagogie de remédiation plus efficace face auxdites erreurs. Nous mettons
notamment l’accent sur des pratiques inspirées des principes de l’acquisition
naturelle des langues, de la théorie psychologique de l’apprentissage social
selon Bandura(1989), ainsi que des procédés pédagogiques de
l’apprentissage par imitation et de l’exécution-répétition, tels que définis,
respectivement par Champy et Eteve(1998), et Tilman et Grootaers(1994).
Enfin, nous indiquerons comment la formation initiale des professeurs de
français, pourrait intégrer cette nécessaire didactique corrective de
l’expression écrite.
1- Les types d’erreurs scripturales les plus fréquents et
leur correction actuelle
1-1 Typologie des fautes relevées dans les copies d’élèves
Les erreurs scripturales auxquelles le professeur de français est confronté,
particulièrement en Afrique et au Bénin, portent aussi bien sur
30

Sur le plan orthographique et pour ne donner que quelques exemples


répertoriés par nous au cours de notre expérience de professeur de langue
française au Bénin dans les années 80 et 90, les mots et expressions ci-après
sont très souvent mal orthographiés : apparemment, langage, être en train,
entrain, cela, de par, quel que soit, discussion, besoin, inutile, illettré, la
plupart, répercussions, préconiser, précoce, accueil, accueillir, habilité,
cherté, davantage, rémunération etc…..Il s’agit généralement de fautes dues
à des confusions liées à des homophonies, au manque de familiarité avec le
mot, et au défaut d’automatisation des règles.
Quant aux erreurs lexicales, elles se traduisent dans les copies d’élèves par
l’emploi inadéquat de tel ou tel mot, le caractère inapproprié du contexte
d’emploi, l’ignorance du mot juste pour désigner une chose ou un être, la
confusion entre les mots pour raison d’homophonie, de pseudo-
homophonie, ou d’homographie (par exemple dénier et dénigrer, habileté
et habilité).
Ces erreurs lexicales sont habituellement sanctionnées par les professeurs
correcteurs par des expressions comme « expression incorrecte » ; « ce
mot ne convient pas » « familier » ; « incorrection » ; « barbarisme »
etc.
Enfin, c’est surtout sur le plan grammatical que l’on note les erreurs
scripturales les plus fréquentes en français, malformationsde la phrase telles
que l’absence ou l’inadéquation de la ponctuation, l’incomplétude ou le
désordre dans la construction des phrases, la confusion dans l’utilisation des
formes de la phrase, l’utilisation inadéquate des pronoms et des temps
verbaux, etc…. Mais une part importantedes fautes relevées par les
professeurs dans les textes d’apprenant, se situent à un niveau qui déborde
celui de la grammaire au sens classique, limité au champ de la phrase simple.
Comme l’ont si bien montré les travaux de Reichler-Béguelinet al (1990)
sur des apprenants de Suisse francophone ( constats qui peuvent s’appliquer
aussi aux apprenants africains),beaucoup d’erreurs qu’on rencontre dans les
copies de français, sont liées à des problèmes de « mise en texte ». Il s’agit
notamment, de difficultés dans l’usage de la référence déictique ou
cotextuelle, de la mauvaise estimation des connaissances du lecteur, du
maniement inadéquat des anaphores lexicales ou pronominales ; des
inférences mal maitrisées avec le registre de l’oral. Il s’agit également
d’insuffisances liées aux opérations de prise en charge de l’énoncé, à la
cohérence logique et argumentative du texte, et enfin à des maladresses
31

dans le recours à l’intertexte, à travers les citations et les paraphrases.


Ce type d’erreurs est souvent signalé par des commentaires suivants
des correcteurs africains, et même européens : « texte en désordre »,
« Phrase mal placée », « ne va pas avec ce qui précède » « histoire
incohérente » « paragraphe trop lourd » « mauvais style » « n’a pas
de sens » « sans tête ni queue » etc…..
En résumé, mises à part les fautes d’orthographe et de vocabulaire, les fautes
les plus couramment relevées dans les copies d’apprenants, en Afrique et
ailleurs dans l’espace francophone, relèvent de difficultés de construction,
non seulement phrastique locale, mais surtout transphrastiques. En voici
quelques illustrations :
– Le lendemain matin, ils discutaient longuement d’hier.
– On sait que 1933 est l’époque d’entre-guerres, où chaque puissance recrée
leurpuissance, qu’elle soit économique ou militaire.
– Il va sans dire qu’une situation pareille tuera l’homme, non
seulement physiquement, mais aussi mentalement et moralement.
– Lorsqu’il voyait dans le miroir sa nouvelle image d’homme bien
habillé ; il se mit à rire et il était content du résultat.
– Ne pouvant pas vous atteindre au téléphone, dont je n’ai pas votre
numéro, veuillez me contacter pour un autre rendez-vous. (Exemples
empruntés à Reichler-Béguelin et al. 1990).
Mais quels remèdes les enseignants appliquent-ils habituellement à ces
erreurs scripturales de leurs élèves ?
1-2 Les pratiques classiques de correction des erreurs
scripturales en français
Sur ce terrain de la correction des fautes en français écrit dans les classes de
lycée et collège, il convient de distinguer deux sortes de pratiques
pédagogiques correctives : les interventions immédiates de remédiation à
l’o ccasion des comptes rendus de devoir, et le recours à des formules plus
systématiques de remédiation, fournies par les innovations pédagogiques, et
visant à un traitement plus approfondi des erreurs constatées.
32

Les interventions immédiates de remédiation consistent pour les


professeurs à proposer à leurs apprenants, ou à leur faire découvrir la version
correcte et juste, des éléments ou des segments erronés dans leurs textes, en
leur montrant « ce qu’il fallait faire », « ce qu’il aurait fallu écrire ». Les
élèves prennent alors note du mot qu’ils devraient employer dans un
contexte donné, de la bonne graphie de tel et de tel mots, de la façon dont
ils auraient dû construire telle phrase, ou agencer les phrases dans telle
partie de leur texte .
Quant aux formules systématiques de remédiation, elles amènent les
enseignants à proposer à leurs élèves des batteries d’exercices ciblés, des
fiches correctives conçues à dessein, ou l’utilisation d’un matériel didactique
donné, pour développer chez les élèves des automatismes durables, leur
permettant d’é viter les mêmes types d’erreur à l’avenir. Il peut s’agir de
fichiers correctifs rendant capables les apprenants de corriger leurs textes
eux-mêmes, d’aide-mémoire pour la rédaction des textes, ou de
l’implémentation de stratégies d’écriture avancées.
L’utilisation de ces stratégies d’écriture avancées vise à améliorer, selon le
cas, l’assimilation des règles d’orthographe, la maîtrise du vocabulaire, ou la
rédaction des phrases. Sur le plan orthographique par exemple, les stratégies
vont consister à enseigner de façon plus systématique aux élèves les familles
de mots, l’orthographe des mots les plus fréquemment mal écrits,
l’utilisation du dictionnaire orthographique et du vérificateur
d’orthographe etc.
Sur le plan lexical, les stratégies utilisées recourent par exemple à des séances
de remue-méninges pour dresser des listes de mots descriptifs reliés à des
thèmes particuliers, des listes de synonymes, en vue d’enrichir le vocabulaire
des élèves.
Sur le plan grammatical, les enseignants peuvent proposer des phrases-
modèles de complexité croissante dont les élèves doivent employer les
structures, des phrases ou des textes à trous à compléter, sans oublier des
exercices quotidiens de langue écrite.
Mais pour intéressantes que toutes ces formules soient, elles apparaissent
limitées, et n’améliorent pas trop significativement les compétences
scripturales des élèves, d’où le désespoir persistant de nombreux enseignants
et parents d’apprenants. Les mêmes plaintes que l’on entendait depuis les
années 1980 ou 1990, continuent de plus belle, même en plein 21 ème siècle.
33

Par exemple, selon Manesse et al. (2007) décrivant la situation en France, le


nombre d’erreurs d’orthographe grammaticale a augmenté en moins de
vingt ans. Que faire alors ?
2- Pour une pédagogie corrective efficace des erreurs
scripturales en français
Pour une correction efficace et durable des erreurs scripturales commises en
français par les apprenants de l’espace francophone, notamment en Afrique,
il faut que les instances en charge de l’enseignement, ravivent quelques
fondamentaux de la pédagogie, et de la pédagogie des langues en
particulier.
En effet, la remédiation efficace aux déficiences de nos élèves en français
écrit, devrait reposer sur une stratégie fondée sur des choix pédagogiques
inspirés de certains principes de l’acquisition naturelle des langues chez
l’enfant, et de la théorie psychologique de l’apprentissage social ; une
stratégie qui privilégie l’utilisation de procédés comme l’imitation, et
l’exécution-répétition, et qui considère la prolongation du temps
d’apprentissage comme une ressource indispensable.
2-1 Les bases psychopédagogiques de la stratégie de remédiation
Selon Krashen (1983) linguiste et méthodologue américain, l’acquisition,
c’est le processus ou le mode naturel par lequel un apprenant s’approprie des
connaissances ou une langue. C’est un processus d’appropriation de la
langue, qui se fait de façon inconsciente et implicite par le seul bain
linguistique. Dans ce processus d’appropriation, qui concerne d’abord et
avant tout le langage oral, c’est de façon globale, concomittante et solidaire
que l’enfant acquiert tous les éléments constitutifs de la situation de
communication : les composantes phonétiques, lexicales, syntaxiques,
supra-segmentales, pragmatiques, sémantiques et contextuelles.
Quant à la théorie de l’apprentissage social, on la doit à Albert Bandura
(1980), psychologue néo-béhavioriste américain.
Selon lui, les êtres humains, et notamment les plus jeunes, apprennent
davantage de nouveaux comportements, de nouvelles conduites, de
nouvelles habitudes, en observant d’autres personnes.
34

L’apprentissage social ou socio-cognitif, signifie dès lors, que l’information


que les élèves traitent à partir de l’observation des autres personnes, des
choses et des évènements, influence leur façon d’agir, surtout s’il s’agit de
comportements qui font l’objet de récompenses, et sont renforcés
positivement dans la société. D’ailleurs, à l’appui de cette théorie, on peut
observer qu’effectivement, dans toutes les cultures, les enfants apprennent
et se développent, en observant des personnes expérimentées engagées dans
les activités culturelles importantes.
S’inspirant des principes de l’acquisition naturelle du langage et de la
théorie de l’apprentissage social, la pédagogie corrective des fautes en
français écrit va recourir prioritairement à deux techniques :l’imitation, et
l’exécution-répétition.
L’imitation, c’est la correspondance entre le comportement de deux
individus, lorsque cette correspondance résulte de l’observation par l’un
d’entre eux du comportement de l’autre, (Champy&Eteve, 1998)
La technique de l’imitation consiste à mettre l’apprenant en présence d’un
expert, d’un modèle, ou de la production du comportement d’un modèle.
Ce modèle sert alors d’exemple à l’élève, qui doit se comporter en
observateur attentif. Le temps et la mémoire aidant, l’élève finit par
acquérir et reproduire certaines aptitudes et compétences jugées
indispensables par le maître ou le professeur. Le rôle du professeur est alors
de montrer l’exemple, ou d’offrir des modèles, sans chercher à rationaliser
ou systématiser.
En effet, c’est par l’imitation que se font tous les apprentissages naturels
dans l’enfance : parole, gestes, mimiques, ton, grâce, style, manière. Il s’agit
de transférer cette tendance à l’apprentissage de l’écrit.
Pour paraphraser Raymond Renard (1989), l’enfant ne se crée pas un
langage ; il apprend à parler essentiellement par vision, audition et
imitation de ce qu’il a vu et entendu. La pédagogie du français aux niveaux
plus avancés de l’école, du collège ou du lycée,et notamment de l’écrit,
gagnerait à apprivoiser ce procédé.
En ce qui concerne la technique de l’exécution-répétition, elle renvoie à
toutes les formes d’exercices répétitifs, c’est-à-dire d’entraînement
systématique, consistant à répéter des gestes, des contenus ou des
35

procédures simples, pour en faciliter la mémorisation, (Tilman &


Grootaers, 1994).
Il reste maintenant à savoir de quelles façons le professeur va traduire
concrètement ces principes et procédés en activités d’enseignement-
apprentissage en vue d’améliorer les compétences scripturales de ses élèves
en français.
2-2 L’action pédagogique de remédiation proprement dite
Quels que soient la nature et le type de déficiences que le professeur aura
diagnostiqués dans les copies de français de ses élèves,(orthographiques,
lexicales, grammaticales-locales, grammaticales-textuelles), son action
pédagogique va essentiellement consister, à proposer aux élèves concernés,
soit des exercices de copie répétitive, soit des exercices exigeant d’eux
d’écrire ou de réécrire d’après un modèle donné. Ces deux types d’exercice
apparaissent comme les plus pertinents, qu’il s’agisse de la maîtrise d’une
orthographe particulière, de l’enrichissement et de l’adéquation de
l’utilisation du vocabulaire, de la construction grammaticalement correcte
de la phrase, des aptitudes rédactionnelles générales ou de production de
textes ; qu’il s’agisse des capacités rédactionnelles spécifiques à tel genre, à
tel type textuel, argumentatif, narratif, descriptif, conversationnel,
poétique, etc. Ces exercices de copie répétitive, d’écriture ou de réécriture
mimétique, seraient d’autant plus efficaces, qu’ils sont faits sur la durée,
dans le temps scolaire et dans le temps extra-scolaire, à partir de modèles de
phrases ou de séquences textuelles choisis en conséquence, notamment
pour leur intérêt thématique, sociologique, culturel et leur représentativité
au plan scripturo-linguistique.
Et la formation des futurs enseignants de français devrait intégrer cette
philosophie de la correction des fautes en expression écrite.

2-3 Implications pour la formation des professeurs de français


Cette formation des futurs enseignants de français devrait ménager à
l’intérieur de l’Unité d’Enseignement consacrée à la Didactique Spécifique
de cette matière, une composante intitulée « Didactique corrective de
l’expression écrite ». Cet enseignement aurait entre autres pour buts, de
développer chez les élèves-professeurs, les aptitudes ci-après :
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– Etre capable d’é valuer de façon objective et rationnelle des copies


d’élèves ;
– Pouvoir identifier les anomalies présents dans des productions
d’élève ;
– Pouvoir identifier dans un langage précis les types d’anomalie
constatés ;
– Etre capable de proposer la formulation appropriée de l’idée de
l’apprenant ;
– Etre en mesure de choisir des modèles d’écrits pertinents pour
mettre en œuvre une pédagogie de remédiation basée sur l’imitation.

Conclusion
Ce que nous avons essayé de montrer dans cet exposé, qui participe avant
tout de la réflexion fondamentale en pédagogie, c’est que la pédagogie du
français, et notamment du français écrit, doit objectiver et rationaliser ses
pratiques. Pour davantage d’efficacité, elle ne doit pas avoir peur de
retourner vers son passé, afin de puiser de son vieux trésor, des procédés qui,
pour anciens qu’ils soient, gardent toute leur actualité et leur pertinence,
surtout quand il s’agit de remédier durablement aux déficiences des élèves
en expression écrite.C’est le cas des techniques de l’apprentissage par
imitation et de l’exécution-répétition, qui donnent tout leur sens aux
exercices de copie répétitive, et d’écriture –réécriture d’après modèle, et qui
peuvent être pris en compte dans la formation des professeurs de français.
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