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MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA

RECHERCHE SCIENTIFIQUE

UNIVERSITE ALASSANE OUATTARA


UFR : SCIENCES JURIDIQUE, ADMINISTRATIVE ET DE GESTION

MÉMOIRE EN VUE DE L’OBTENTION DU MASTER


RECHERCHE
Option : DROIT PRIVÉ FONDAMENTAL

SUJET :

L’INDIGENT DANS LA COUVERTURE MALADIE


UNIVERSELLE

Sous la direction de :

M. SILUÉ Nanga
Présenté par : Agrégé de Droit privé et Sciences
Criminelles
M’BADAMA SYLVANUS
KEVIN Sous l’encadrement de :

M. KONE OUMAR
Docteur en Droit Privé

ANNÉE ACADÉMIQUE : 2019-2020


AVERTISSEMENT

L’université Alassane OUATTARA n’entend donner aucune approbation ni improbation


aux opinions émises dans ce mémoire.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

I
DÉDICACE

Je désire dédier ce mémoire :

À mon père et à ma mère, pour avoir toujours eu confiance en moi et m’avoir toujours
soutenu à tous les niveaux ;

En témoignage de ma profonde affection et de mon infinie reconnaissance. Que


vous soyez assurés de ma volonté de multiplier les efforts pour atteindre mes objectifs.

II
REMERCIEMENTS

La réalisation de ce travail de recherche n’a été possible que grâce à la contribution


de personnes à qui nous voudrions témoigner notre reconnaissance. De ce fait, nous
exprimons notre infinie gratitude à :

- Monsieur le Professeur SILUḖ Nanga, notre directeur de mémoire, à qui nous


vouons spécialement une reconnaissance infinie pour ses conseils avisés, sa
disponibilité et surtout sa volonté de faire de nous des hommes et des femmes
accomplis.
- Monsieur le Docteur KONE Oumar, pour sa disponibilité, ses conseils précieux,
ses encouragements, et le grand sacrifice consenti pour superviser de mains de maître ce
mémoire.

Trouvez, Chers Maîtres dans ces mots, notre reconnaissance et notre profonde gratitude.

Nos remerciements vont également à l’endroit du corps enseignant dans son ensemble.

À tous nos devanciers dans la recherche et tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à
la production de ce travail.

III
SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Aff. : Affaire

Al. : Alinéa

Art. : Article

Ass. : Assemblée

B.I.T : Bureau International du Travail

Bull. : Bulletin

CA : Cour d’Appel

Cass. : Cour de cassation

C.J.C.E : Cour Justice de la Communauté Européenne

Coll. : Collection

CSCA. Cour Suprême Chambre Administrative

CSCJ : Cour Suprême Chambre Judiciaire

Dr. Soc. : Revue de Droit Social

Ed. Edition

Ibidem : Même référence, au même endroit


Infra : plus bas
INS : Institut Nationale de Statistique
JCP : Juris-Classeur Périodique

JORCI : Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire

JORF : Journal Officiel de la République Française

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

N° : Numéro

IV
Obs. : Observations.

O.I.T : Organisation Internationale du Travail

Op. Cit. : Operecitato, dans l’ouvrage précité

P.: Page

PP : pages

PUF : Presses Universitaires de France

RID : Revue Ivoirienne de Droit

RDT : Revue de Droit du Travail

RRJ : Revue de la Recherche Juridique

RSJ : Revue de Jurisprudence Sociale

S. : Suivant.

Supra : plus haut

Soc. : Cour de cassation, chambre sociale

T. : Tome

V
SOMMAIRE
C:\Users\LENOVO\Desktop\MÉMOIRE M2 L'INDIGENT DANS LA COUVERTURE MALADIE
UNIVERSELLE M'BADAMA KEVIN.docx - _Toc70601735

INTRODUCTION ............................................................................................................................. 1

PREMIÈRE PARTIE : UNE CATEGORIE INCERTAINE ....................................................... 5

CHAPITRE 1 : LES CRITERES OBJECTIFS ............................................................................. 5

SECTION 1 : LES CRITERES DE FOND................................................................................. 6

SECTION 2 : CRITÈRES FORMELS ..................................................................................... 17

CHAPITRE 2 : LES CRITÈRES SUBJECTIFS ......................................................................... 27

SECTION 1 : L’INSUFFISANCE DE RESSOURCES ........................................................... 27

SECTION 2 : L’ABSENCE DE TRAVAIL.............................................................................. 36

DEUXIÈME PARTIE : UNE NECESSAIRE PRISE EN CHARGE COLLECTIVE ............. 45

CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS DE LA PRISE EN CHARGE ........................................ 45

SECTION 1 : LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE .............................................. 46

SECTION 2 : LE DROIT À LA SATISFACTION DU BESOIN ........................................... 53

CHAPITRE 2 : LES MÉCANISMES DE LA PRISE EN CHARGE DES INDIGENTS ........ 64

SECTION 1 : LE DOMAINE DE LA PRISE EN CHARGE ................................................. 64

SECTION 2 : LES MODALITÉS DE LA PRISE EN CHARGE........................................... 72

CONCLUSION................................................................................................................................ 78

VI
INTRODUCTION

« La protection sociale peut être définie comme l’assemblage de diverses techniques


de prise en charge de risques sociaux à un moment donné dans un Etat donné1 ». Le risque
est social parce que si l’évènement survient, il affectera la position sociale, financière ou
économique de celui auquel il arrive. Ce dernier subira une chute de revenu ou perdra une
partie de son patrimoine, ou devra faire face à des dépenses exceptionnelles. Mais le risque
est aussi social en ce sens qu’il est collectif et affecte l’ensemble de la société. La protection
sociale vient atténuer les effets de la survenance de ces risques sociaux à l’égard de personnes
ou catégorie de personne.

L’indigent est en réalité un nouvel acteur de la protection sociale en Côte d’Ivoire 2.


C’est un acteur peu connu par les acteurs du droit de la prévoyance sociale. Nous en avons
pour preuve l’absence, à notre connaissance, de décision de justice le concernant. Or, il est
incontestable que la jurisprudence sociale est abondante voire surabondante dans notre pays.
Il est important de cerner l’indigent, ce nouvel acteur de la protection sociale qui
paradoxalement ne cotise pas comme les autres acteurs de la protection sociale. Il faut donc
jeter les feux des projecteurs sur celui que le droit ivoirien appelle, indigent. C’est dans cette
optique que nous avons choisi de consacrer notre réflexion sur le thème « L’indigent dans
la couverture maladie universelle ».

Aussi, convient-il de cerner les notions d’indigent et de droit de la protection sociale.


S’agissant du vocable indigent, du latin indigens en référence à celui « qui est dans le
besoin », le Grand Robert souligne qu’il s’agit d’une personne « qui manque des choses les
plus nécessaires à la vie3». Pour ne pas être redondant, il est utile de rappeler que le Décret
n° 2018-925 du 12 décembre 2018 fixant les conditions et les modalités particulières
d’assujettissement des personnes économiquement faibles ou démunies au régime
d’assistance médicale de la couverture maladie universelle en son article 1er voit en
l’indigent, une personne économiquement faible ou démunie. Mieux, toujours au sens de

1
F. KESSIER, Droit de la protection social, 6è éd., Dalloz, Paris, 2017, p.5
2
Décret n° 2018-925 du 12 décembre 2018 fixant les conditions et les modalités particulières d’assujettissement
des personnes économiquement faibles ou démunies au régime d’assistance médicale de la Couverture Maladie
Universelle.
3
Grand Robert, Version électronique, Voir mot.

1
cette disposition, il s’agit, de toute personne qui n’arrive pas à s’acquitter de la cotisation du
régime général de base de la couverture maladie universelle. C’est dire qu’est indigente, toute
personne qui n’arrive pas à cotiser à l’assistance de la couverture maladie universelle. Cette
cotisation s’élève à 1000 F CFA. Acteur nouveau du droit de la protection sociale ivoirien,
l’analyse laisse paraitre que ni la doctrine, encore moins la jurisprudence n’ont encore fourni
une définition à l’indigent. Aussi, faut-il distinguer l’indigent de certaines notions voisines ;
la précarité est l’une de ces notions qui suggère une situation sociale fragile, incertaine,
instable. Elle est synonyme de pauvreté et trouve son critère essentiel dans l’insuffisance des
ressources. La vulnérabilité est la situation d’une personne en état de faiblesse en raison de
son âge, de sa maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique. Elle peut être synonyme
de fragilité et renvoie au caractère de ce qui peut être blessé, ce qui peut être facilement
atteint, attaqué. Appréhendée sous l’angle du droit, la vulnérabilité renvoie à l’état d’une
personne qui n’est pas en mesure d’exercer les attributs de la personnalité juridique. En ce
qui concerne le droit de la protection sociale, il faut souligner qu’une définition de cette
notion n’est pas aisée4. Cependant, selon le Vocabulaire juridique, la protection sociale
s’entend comme « l’ensemble de mesures par lesquelles la société entend protéger les
individus contre les risques sociaux5». Pour la Banque Mondiale, elle désigne l’ensemble des
politiques publiques visant à aider les individus, les ménages et les collectivités à mieux gérer
le risque et fournir un appui aux personnes extrêmement pauvres6.

Le Décret n° 2018-925 du 12 décembre 2018 fixant les conditions et les modalités


particulières d’assujettissement des personnes économiquement faibles ou démunies au
régime d’assistance médicale de la couverture maladie universelle a été institué pour protéger
la population contre la survenance du risque social qu’est la maladie. Dans l’esprit du décret
toute personne vivant sur le territoire ivoirien, devrait verser une cotisation mensuelle aux
fins de bénéficier de prestations sanitaires en cas de maladie et ce sans débourser un montant
quelconque. Prenant en compte les capacités financières économiques ou sociales de sa
population, l’Etat a exempté certaines couches de cette cotisation mensuelle sans pour autant
leur retirer la gratuité des prestations en cas de maladie. C’est dans cette catégorie que se

4
F. KESSIER, Droit de la protection social, 6è éd., Dalloz, Paris, 2017, p.2
5
G. CORNU, Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, 12 édition mise à jour, quadrige, puf, 2016,
p.825
6
KESSIER F., droit d la protection social, op. cit., p.3

2
situe l’indigent. Dans la suite de la réflexion, il revient de façon plus simple à dire que toute
personne qui n’arrive pas à s’acquitter de la somme de 1000 F CFA au titre de l’assistance
couverture maladie universelle est une personne économiquement faible ou démunie. Cette
personne peut être traitée d’indigent. En vérité, l’expression « personne économiquement
faible ou démunie », elle-même mérite des clarifications. Elle pourrait renvoyer à des
personnes qui n’ont pas de ressources suffisantes et qui n’en ont jamais eues, ou alors à des
personnes qui avaient des ressources suffisantes mais qui ne les ont plus pour des raisons qui
leurs sont propres ou pour des raisons indépendantes de leur volonté. Encore que là, à aucun
moment il n’est question du moment auquel il faudrait apprécier le statut d’économiquement
faible. Le droit ivoirien semble demander d’évaluer le statut de personne économiquement
faible ou démunie au moment de la souscription à la couverture maladie universelle. Quoi
qu’il en soit, il est loisible d’affirmer que le droit ivoirien ne donne pas une définition claire
de l’indigent, de la personne économiquement faible ou démunie. La détermination des
personnes économiquement faibles ou démunies pour sa prise en charge efficace pose
problème. Dès lors, nous nous permettons de nous interroger de la manière suivante :
Comment le droit de la protection sociale ivoirien encadre-t-il l’indigent ? Permet-il de cerner
aisément cette catégorie de personnes ? Par ailleurs, sa prise en charge est-elle suffisante ?
Les réponses à ces préoccupations ne peuvent se faire en dehors de la législation
ivoirienne, de la jurisprudence et de la doctrine adaptée ainsi que d’autres sources
d’informations. Il s’agira d’analyser le phénomène de l’indigence pour cerner ses tenants et
ses aboutissants. Cela permettra de mieux identifier l’indigent ou la personne
économiquement faible ou démunie. Cette identification nous permettra d’examiner au
mieux les modalités de prise en charge de cette catégorie de personnes voire de toute la prise
en charge sociale en général.

Un tel sujet est d’actualité et ne manque pas d’intérêt, puisque les questions relatives
à l’indigence et/ou la pauvreté, ressurgissent avec force ces dernières années, et constituent
des piliers dans les programmes gouvernementaux en premier7. Il s’agit également d’un sujet
qui porte sur les questions liées à l’emploi en général et au besoin d’accès aux services de
premières nécessités en particulier qui en réalité sont dus à tout être humain. Par ailleurs, la

7
http://www.gouv.ci/_grandossier.php?record152 , consulté le 20 Décembre 2020 à 18 Heure 35 minutes

3
frange de la population dite indigente est en pleine croissance8. Il est alors impérieux pour le
Droit d’anticiper, de cerner et de régir ce phénomène social. Par ailleurs, ce phénomène doit
être suffisamment étudié de sorte à faire des propositions de solutions au législateur pour que
des mesures appropriées soient prises pour la prise en charge juridique de l’indigent étant
donné que ce besoin est actuel mais également futur. Tout cela permettra d’assurer un bien
être aux populations et à atténuer le sentiment de l’exclusion sociale des populations les plus
démunies.

Il ressort qu’il est utile pour une meilleure compréhension de notre sujet de nous
pencher en premier lieu sur l’incertitude de la notion de l’indigent dans la couverture maladie
universelle et à la recherche d’une prise en charge plus globale et collective du phénomène
de l’indigence par le droit de la prévoyance sociale ivoirien. Plusieurs autres cheminements
auraient pu être adoptés. Nous aurions pu aborder le sujet sur le plan de l’identification de
l’indigent puis analyser la protection presqu’inexistante de l’indigent en droit ivoirien. Nous
aurions également pu analyser le sujet sous l’angle de l’amorce d’une prise en compte de
l’indigent dans la protection sociale ivoirienne puis affirmer par la suite que cette prise en
compte est insuffisante. Ces différents angles d’attaque sont opportuns. Toutefois, nous
choisissons d’analyser le sujet sous l’angle de l’incertitude de la catégorie de l’indigent et la
nécessaire prise en charge collective de l’indigent pour être dans la critique et ne pas donner
l’impression que tout va bien. Il s’agit également pour nous de ne pas produire une étude
limitée. Il est question de prendre en compte les études déjà effectuées sur le sujet, d’en
montrer les limites et de proposer par la même occasion des pistes de réflexion qui pourraient
inspirer le législateur. Quoi qu’il en soit cela revient à analyser le caractère incertain de cette
catégorie (Première Partie). Puis mettre en lumière une nécessaire prise en charge collective
(Deuxième Partie).

8
INS, Enquête sur le niveau de vie des ménages, Rapport Définitif, version 1, octobre 2008, p3

4
PREMIÈRE PARTIE : UNE CATEGORIE INCERTAINE

L’analyse sur la question de l’indigence révèle certaines énigmes. La principale est


celle relative à la saisie des contours de la notion. En effet, comme le propre de presque tous
les législateurs africains, les termes sont employés dans les lois à titre formel, mais manque
de précision terminologique de façon substantielle. C’est pourquoi, il convient avant toute
analyse de fond, d’essayer de saisir la notion en examinant tous ses concours.

Cela est d’autant plus justifié que la notion parait nouvelle dans notre droit positif
grâce aux dispositions régissant la protection sociale9. La question de l’analyse notionnelle
est également pertinente en ce sens que la notion en elle-même révèle une certaine complexité
de sa saisie. Pour toutes ces raisons, l’on doit de prime à bord essayer de la saisir. Pour ce
faire, il convient de s’appuyer sur certains critères proposés par les textes.

Il s’agit entre autres des critères formels et substantiels que l’on pourrait qualifier
aussi de critères objectifs (Chapitre 1) et de critères subjectifs (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LES CRITERES OBJECTIFS

En règle générale, toute analyse prend en compte deux éléments essentiels. Il s’agit
des considérations objectives et celles relevant de la subjectivité. L’analyse objective dans
cette partie est en réalité une analyse restrictive. Cela voudrait signifier que les éléments
d’objectivité qui seront relevés dans la présente analyse, se fonderont sur des sources. Celles-
ci sont pour la plupart légales10.

C’est dire que les textes qui fondent la condition de l’indigent feront office de
fondement pour essayer de saisir tous les contours de la question de l’indigent en termes de
définition. Ainsi, l’analyse substantielle de ces dispositions nous révèle des éléments de
définition. En effet, le législateur ivoirien nous propose, dans le cadre de la compréhension

9
Introuvable dans le langage du législateur ivoirien, ce n’est qu’en 2018 que cet acteur fit son apparition en
droit positif ivoirien à travers le Décret n° 2018-925 du 12 décembre 2018 fixant les conditions et les modalités
particulières d’assujettissement des personnes économiquement faibles ou démunies au régime d’assistance
médicale de la Couverture Maladie Universelle.
10
L’indigent étant un nouvel acteur en droit ivoirien, en l’état actuel de nos recherches, à notre connaissance,
le juge n’a encore rendu une décision afférente à l’indigent. D’où l’absence de décision de justice ivoirienne
en la matière.

5
du vocable indigent, certains éléments ou critères objectifs. Ce sont entre autres, les critères
de fond (section 1) et ceux relatifs à la forme (section 2).

SECTION 1 : LES CRITERES DE FOND

En droit, il est de principe que la forme puisse précéder au fond. Cependant, il sera
fait entorse à cet important principe dans le cadre de cette présente analyse. En d’autres
termes, il convient d’emblée de nous appesantir sur les éléments de définition de fond avant
d’en arriver à ceux relevant de la forme.

Ceci dit, notre analyse de la notion d’indigent commencera par les questions de fond.
Ce choix est en effet dicté par la volonté de présenter l’existant, c’est-à-dire ce que le
législateur nous propose comme élément de réponse à la question de la compréhension de
cette notion. Ainsi, pour lui, de façon substantielle, la compréhension de la notion d’indigent
prend en compte une certaine réalité. La principale est celle relative à la capacité
contributive. Dans cette perspective, l’indigent serait celui qui a cette incapacité contributive
(paragraphe1).

Cette approche ou du moins ce critère est-il pertinent ? A priori, selon le législateur


social ivoirien, la réponse affirmative ne devrait souffrir d’aucun doute. Cependant, à la
réalité, ce critère semble ambigu. S’il revêt ce caractère, il va s’en dire que son appréciation
emporterait d’autres conséquences. En effet, l’incapacité contributive est pour notre part, un
critère limité (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’incapacité contributive, un critère ambigu

L’incapacité contributive est l’un des critères, voir le critère principal sur lequel le
législateur se fonde pour définir la notion d’indigent. Sans aller en profondeur dans la quête
de définition de la notion, le législateur a juste évoqué cet élément qui en réalité ne nous
instruit pas davantage.

En tout état de cause, la présente analyse ne pourra ignorer cet élément fondamental.
Il doit être pris en compte étant donné que les dispositions s’y réfèrent. Quoiqu’il en soit,
c’est un critère dont le contenu est ambigu pour plusieurs raisons. Deux justificatifs vont

6
fonder notre raisonnement. En effet, le critère est ambigu parce que d’une part son contenu
est a priori simple (A). D’autre part, son contenu est en réalité complexe (B).

A - Un contenu a priori simple

La notion d’indigent en matière de protection sociale dans notre droit positif est
trompeuse. Elle est trompeuse parce qu’elle présente des aspects ambivalents qui ne
traduisent pas suffisamment l’idée que l’on veut ou que l’on recherche à travers cette notion.
Déjà, il faut noter que son contenu est dual étant donné son caractère à la fois simple et
complexe. Cette dualité de contenu est ce qui rend encore plus trompeur le vocable. A ce
niveau de notre analyse, il conviendra d’essayer de saisir son aspect simpliste.

Ainsi, il ressort de notre texte de référence11 en son article premier ceci : « Bénéficie
d’un régime d’assistance médicale, toute personne économiquement faible ou démunie
sélectionnée dans la base de données établie à l’issue de l’enquête test de revenu par
approximation (PMT) et de la validation communautaire, et enrôlée à la couverture maladie
universelle, ainsi que toute personne admise de plein droit parmi les personnes mentionnées
à l’article 4 du présent décret ».

Ce texte ne nous éclaire pas suffisamment sur la notion d’indigent, cependant, il nous
permet d’en dégager quelques éléments intéressants qui pourraient fonder toute analyse ou
toute tentative de saisie de la notion d’indigent. Ainsi, selon la disposition, l’indigent
s’assimile à une catégorie de personnes. D’une part, « toute personne économiquement
faible », d’autre part, « toute personne démunie ».

En poursuivant, le législateur ivoirien donne une autre définition des notions


assimilables à l’indigent, principalement celle de la personne économiquement faible. Pour
lui, l’économiquement faible est « toute personne dans l’incapacité de s’acquitter de sa
cotisation du régime général de base de la couverture maladie universelle, reconnue comme
tel à l’issue de l’enquête de test de revenu par approximation (PMT) et de la validation
communautaire. »

11
Il s’agit en effet, du décret n°2018-925 fixant les modalités particulières d’assujettissement des personnes
économiquement faibles ou démunies au régime d’assistance médicale de la couverture maladie universelle.

7
De l’économie de la notion d’indigent dégagée du décret, il faut retenir l’idée de toute
personne qui présente des états d’insuffisances, d’incapacité de faire face à une certaine
obligation à la base légale mais à finalité économique et sociale. Cette impossibilité pour
toute personne assujettie de satisfaire à cette obligation détermine selon l’exécutif ivoirien,
sa condition d’indigent. A y voir de prêt, la notion d’indigent semble simple. Cette simplicité
ou du moins ce que l’on peut appeler souplesse trouve certaines justifications. D’abord au
niveau économique, au niveau social, ensuite au plan politique, historique et enfin au niveau
juridique.

Concernant l’aspect économique, il est important de faire un rapprochement entre les


réalités économiques et la situation des personnes pour qui le droit essaie de créer ou
d’aménager des situations qui leur permettent de participer à la vie économique d’un Etat.
En effet, participer par des contributions à la sphère économique par la mise en place des
règles souples et surtout profitables, permet de justifier les liens séculaires entre le juridique
et l’économique. Étant entendu qu’une partie de la doctrine admet ce lien12, c’est donc à
raison que l’on parvienne à la conclusion que la notion emprunte une coloration économique.

Concernant l’aspect social, il faut noter également que les mécanismes de protection
mis en place ont une forte dose du social. En effet, ils visent à assurer au sein de la société
une prise en compte de toutes les couches, surtout celles en situation de détresse. Le droit
saisissant comme l’économie les réalités sociales, la notion d’indigent s’inscrit ou trouve sa
consécration dans cette sphère sociale. Le social ici s’entend à la fois comme une œuvre de
salut public et d’intégration ou d’inclusion populaire.

Au plan politique, la notion s’inscrit également dans une visée politique avec pour
objectif une stratégie de réduction des inégalités. Cela passe nécessairement par
l’élargissement des mécanismes de sécurité sociale à tous les citoyens. Mais, il semble que
la bonne volonté des politiques rencontre toujours des obstacles parce que naturellement ces
inégalités restent parfois insurmontables. Quoiqu’il en soit, l’idée d’indigent trouve sa place
dans les actions des politiques qui en font une catégorie juridique en la classant dans une
catégorie sociale.

12
J. J. SUEUR, « Pour une autre analyse économique du droit », Revue Interdisciplinaire d’étude Juridique,
V. 68, p.107

8
Enfin, sur l’aspect historique et juridique, notons que l’indigent assimilé à un
économiquement faible a des fondements historiques. En effet, le mot indigent ne s’éloigne
pas de celui de l’indigène dont l’étymologique rapproche à la situation d’une personne en
manque. Pris donc dans ce contexte même si son sens premier désigne une autre réalité, il
faut comprendre alors que ce manque ici correspond bien à une situation de précarité.

Tout ceci a permis au juridique de se faire une opinion. En clair, accueillir la notion
et lui reconnaitre une certaine identité propre, même si cette identité apparemment simple est
contestable. Contestable du fait d’une autre réalité qui la compose à savoir sa complexité

B - Un contenu en réalité complexe

On l’a vu, selon le décret-loi de 2018, la notion d’indigent y est présentée de façon
duale. D’une part, elle apparait simple du fait de son assimilation à certaine réalité. D’autre
part, ces réalités traduisent simplement ou sont en adéquation avec les situations sociales,
économiques et historiques auxquelles l’on se réfère.

Cependant, cette simplicité cache en réalité un autre aspect. En effet, la notion est
complexe ; laquelle complexité trouve plusieurs justifications. D’abord, la définition donnée
par l’exécutif est incomplète. L’incomplétude résulte du fait que la notion d’indigent ne
saurait traduire toute la situation juridique de cette catégorie de personne avec ces seuls
éléments décrits par le décret. C’est pourquoi, faut-il lui référer une autre définition encore
plus large. Cette définition extensible sera déclinée dans la suite de notre analyse.

Ensuite, notons que la notion cache d’autres aspects ignorés par le décret. Si l’indigent
est celui qui est incapable de contribuer aux cotisations de la couverture maladie universelle,
alors c’est de l’euphémisme de le considérer comme un économiquement faible. A la vérité,
la couverture maladie universelle (CMU) est une œuvre sociale qui vise à prendre en compte
dans les soins médicaux, toutes les couches sociales. On le sait dans cette couche sociale se
trouve les riches, les moins nantis, les pauvres et les extrêmement pauvres.

La somme minimale contributive est très dérisoire13 pour permettre à toute personne
assujettie à cette obligation de pouvoir y faire face. Malheureusement, la somme

13
Il faut souligner que la somme fixée est de 1000 Franc CFA

9
quoiqu’insignifiante, il arrive que certains assujettis ne puissent pas y contribuer. Dans ces
conditions, le décret leur préfère le vocable indigent. L’indigent pour exprimer leur
incapacité contributive. Mais au-delà de cette appellation, et si nous référons à leur condition
sociale, l’on pourrait les considérer comme pauvres ou extrêmement pauvre. C’est peut-être
la raison pour laquelle l’on emploie également dans le décret le terme « démuni ».

En tout état de cause, il convient d’étendre cette notion. Mais pour le faire, il est
nécessaire de se poser un certain nombre d’interrogations. L’incapacité de faire face à une
obligation financière est-elle uniquement liée à la condition sociale ? Autrement dit, d’autres
raisons ne justifieraient-elles pas cette non contribution ? La réponse à toutes ces questions
nous obligera à étendre la notion. En effet, cette extension dépassera la condition sociale
même des assujettis. Ce qui permettra certainement de revoir le vocable ou du moins
d’ajouter d’autres éléments qui ne sont pas nécessairement liés à la pauvreté, ou encore à la
capacité financière.

Dans cette œuvre d’extension, prenons le cas des chômeurs, des diplômés sans
emplois, des paysans et même les riches. D’abord la première catégorie susmentionnée. Doit-
on comparer ces derniers aux démunis ? Pour y répondre, il faut savoir d’emblée ce que
recouvre la notion de démuni. Sans nous précipiter dans un essaie de définition de la notion,
il faut noter qu’elle sera analysée dans les développements qui vont suivre.

En tout état de cause, le Bureau International du Travail (BIT) définit une personne
au chômage à partir de trois conditions : elle est sans travail, elle est disponible pour travailler
et elle recherche effectivement du travail (BIT, 1982)14.

En d’autres termes, est chômeur, une personne : 1) qui n’a pas travaillé, ne serait-ce
qu’une heure, au cours de la semaine de référence ; 2) qui était disponible pour travailler dans
un délai de deux semaines ; 3) qui a entrepris des démarches spécifiques pour trouver un
emploi au cours des quatre semaines précédant la semaine de référence15. Vu sous cet angle,

14
O. CHARDON, D. GOUX La nouvelle définition européenne du chômage BIT. In « Economie et
statistique », n°362, 2003. La nouvelle Enquête Emploi, l'activité et le chômage. pp. 67-83
15
O. CHARDON, D. GOUX La nouvelle définition européenne du chômage BIT. In « Economie et statistique»,
n°362, 2003. La nouvelle Enquête Emploi, l'activité et le chômage, idem.

10
l’incapacité contributive serait relative à la condition de chômage de l’assujetti. Quid des
diplômés sans emploi ?

A ce niveau également il faut faire remarquer l’emploi est ce qui garantit une certaine
stabilité financière. Cette stabilité financière permettra alors à l’assujetti de faire face à toute
obligation, du moins à celle relative à la couverture maladie universelle. Mais étant dans une
situation de sans emploi, il est incontestable qui n’y ait pas cette capacité financière de faire
face à cette obligation dans un contexte africain. En effet, dans le contexte africain soit du
chômage ou de la situation d’une personne sans emploi, il faut noter la non-assistance de
l’Etat à ces derniers. Contrairement aux pays développés où cette catégorie de personnes
bénéficie d’une certaine aide de la part de l’Etat, en Afrique, cette aide est quasi-inexistante.

C’est pourquoi, la personne sans emploi pourra difficilement contribuer à cette


cotisation. Que dire des paysans et de certains riches ? Concernant les paysans, l’on ne dirait
pas d’eux qu’ils ont une incapacité contributive, mais une inculture de cette pratique aux
intérêts sociaux, économiques et juridiques. Ce qui peut alors l’entrainer dans ce lot de
personnes incapables.

Enfin, au niveau de certains riches, il faut faire remarquer tout simplement leur
négligence ou leur indifférence face à une telle obligation qu’ils trouvent superfétatoire. En
effet, leurs nombreuses obligations relatives à d’autres engagements, peuvent les rendre
indifférents.

En tout état de cause, l’on se doit alors de recevoir partiellement la notion d’indigent
donnée par le décret, tout en essayant de l’étendre à certaines situations. En le faisant, nous
admettons implicitement son caractère restreint. Ce caractère l’est en effet pour les raisons
que nous avons évoquées plus haut. Ce qui permet également d’affirmer la complexité de
cette notion.

Enfin, la notion d’indigent est complexe parce que les comparaisons à elle faites ne
conviennent pas. En effet, l’on ne peut de façon stricte comparer l’économiquement faible à
un démuni. Le démuni va au-delà de la seule capacité financière. Dans une assertion large,
l’on peut admettre cette assimilation. C’est pourquoi, nous rejetons partiellement ce
rapprochement.

11
Si le démuni ne doit pas être assimilé au sens strict du terme à la situation d’une
personne économiquement faible, alors comment pouvons-nous concevoir ce terme ? Le
démuni est toute personne en situation de pauvreté. Le pauvre est selon une partie de la
doctrine « celui qui a un revenu insuffisant pour atteindre un niveau de vie minimum. La
définition, apparemment simple, reçoit de nombreuses acceptions. En effet, le niveau de vie
minimum peut être entendu de façons fort diverses. Dans une conception restrictive, la
pauvreté est définie par une menace précise sur la vie, c’est-à-dire par un critère
physiologique : l’incapacité de l’individu ou de la famille à assurer, par ses ressources
propres, la couverture des besoins essentiels, de telle sorte qu’ils courent un péril mortel »16.

D’autres perçoivent la pauvreté comme : « une absence de protection contre la faim,


le froid ou la maladie »17. En tout état de cause, la notion de pauvreté intéresse nombre de
discipline18. C’est dire que la notion de démuni va au-delà des considérations liées à la
situation économique. Cette situation économique est un pan de définition de la notion de
démuni mais ne saurait couvrir toute cette réalité.

En définitive, l’on retient que la notion d’indigent est une notion complexe pour toutes
les raisons que nous avons évoquées. Au regard donc de tout ce qui précède, nous pouvons
affirmer que l’autre critère donné par le décret à savoir l’incapacité contributive est un critère
limité.

Paragraphe 2 : l’incapacité contributive, un critère limité

Rappelons que l’indigent a été saisi par le décret de 201819. Ainsi des critères ont été
dégagés par ce texte pour décrire la situation ou la condition juridique de l’indigent. Ces
critères tiennent au fait que cette catégorie de personne est assimilable aux personnes
économiquement faibles. Aussi, faut-il ajoute que l’exécutif les compare aux personnes
démunies.

16
D. ROMAN, Le droit public face à la pauvreté. Thèse de doctorat, 2002 p.11
17
J. PARENT, « Introduction », Economie appliquée, 1971, T. 24, pp. 7-8
18
D. ROMAN, Le droit public face à la pauvreté. Thèse de doctorat, 2002, ibid.
19
Art.1er du décret n° 2018-925 du 12 décembre 2018 fixant les conditions et les modalités particulières
d’assujettissement des personnes économiquement faibles ou démunies au régime d’assistance médicale de la
Couverture Maladie Universelle.

12
Que l’on soit en face de l’un ou l’autre des critères, notre analyse personnelle est celle
de la limitation de tels critères. D’une part ces critères sont limités au regard des personnes
assujettie (A). D’autre part, la limite tient au fait de l’unité de ce critère (B).

A- L’appréciation feutrée des personnes assujetties

En voulant définir ou saisir la notion d’indigent, le texte de référence 20 circonscrit le


champ de cette catégorie juridique. Cette circonscription prend en compte en effet une
catégorie bien déterminée de personnes concernées. Ainsi, il ressort du décret que les
personnes concernées sont :

- Les personnes économiquement faibles

- Les personnes démunies

Principalement ce sont là ces deux catégories de personnes qui sont concernées par la
couverture maladie universelle. Même si le décret va plus loin pour définir ou expliciter les
conditions d’affiliation à la couverture maladie universelle. Ainsi, selon le décret, les
personnes pouvant être affiliées sont les personnes de nationalité ivoirienne entrant dans la
catégorie suivante21 :

- Les pupilles de la nation

- Les pupilles de l’Etat

- Pensionnaires des orphelinats et pouponnières publics ou institutions spécialisées


agrées par l’Etat

- Personnes détenues en exécution d’une condamnation ou en attente d’un jugement et


pour le temps que dure leur détention.

- Les pensionnaires des instituts publics des personnes en situation de handicap.

Cette liste présente en effet la catégorie de personnes pouvant être affiliées à la


couverture maladie universelle. En voyant cette liste, il pourrait y avoir une certaine
contradiction. En effet, toutes ces personnes sont-elles considérées comme des personnes

20
ibid
21
Art. 3 du décret précité

13
économiquement faibles ou démunies ? Il faut nuancer la réponse en menant une analyse
large de la situation de chaque personne citée par le décret.

Prenons par exemple le cas de la personne en situation de handicap. Selon le dictionnaire


français, un handicap s’analyse comme « un désavantage social pour un individu donné. Il
résulte d'une déficience ou d'une incapacité qui limite ou interdit d'un rôle normal (en
rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels) 22».
Le vocabulaire juridique23 définit le handicapé comme « toute personne diminuée dans ses
facultés mentales ou corporelles »

Au niveau des sources du droit, sur le plan international la convention n°159 sur la
réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées traite la question.
L’Organisation Internationale du Travail a aussi donné une définition de la notion de
« personne handicapée » en son article premier alinéa premier. Cet article dispose : « Aux
fins de la présente Convention, l’expression personne handicapée désigne toute personne
dont les perspectives de trouver et consolider un emploi convenable ainsi que de progresser
professionnellement sont sensiblement réduites à la suite d'un handicap physique ou mental
dûment reconnu24 ».

Quant au droit comparé notamment en droit français, la loi du 11 février 2005 pour
l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées constitue « un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité
ou restriction de participation à la vie de la société subie dans son environnement par une
personne en raison d'une altération substantielle durable ou définitive d’une ou plusieurs
fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychique, d’un polyhandicap on
d'un trouble de santé invalidant 25». Quid de la définition de la personne en situation de
handicap ?

22
Dictionnaire français, voir le mot.
23
G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op.cit, p.507.
24
Convention n°159 sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, adoptée à
Genève à la Conférence Générale de l’O.I.T en sa 69ème session CIT en date du 20 juin 1983, ratifiée par la
Côte d’Ivoire le 22 octobre 1999
25
Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, JORF n° 36, du 12 février 2005

14
Au niveau interne, le code du travail ivoirien26 a donné une définition à la notion de
personnes en situation de handicap en reprenant celle donnée par l’Organisation Mondiale
de la Santé. Selon donc l’article 12.1 dudit code « est considérée comme personne en
situation de handicap toute personne physique dont l’intégrité physique ou mentale est
passagèrement ou définitivement diminuée soit congénitalement soit sous l'effet d'une
maladie ou d'un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou
à occuper un emploi, s'en trouvent compromises ».
Cette définition ne fait aucunement de cette catégorie de personne une personne
économique faible ou démunie. Son état est juste mental, psychologique. Même dans cet
état, il peut s’avérer que la personne en situation de handicap soit nantie. C’est pourquoi,
cette catégorie ne saurait être assimilable stricto sensu à la situation des personnes
économiquement faibles ou démunies.
Cette raison qui voudrait que les catégories indiquées par le décret ne soient pas toutes
inclusives dans la notion de l’indigent, détermine alors le caractère restrictif de la notion
d’indigent. Ajouté à cela l’unicité du critère déterminé par le décret qu’il convient à présent
d’analyser.
B- Le caractère unique du critère

Aux termes du décret, l’indigent est celui qui est économiquement faible ou démunie,
incapable de contribuer à la cotisation relative à la couverture maladie universelle27. Cette
phrase renferme deux réalités. D’une part le fait que l’indigent soit faible économiquement
ou démunie. D’autre part, le fait qu’il ne puisse pas cotiser, c’est-à-dire dans une situation
d’incapacité contributive.

En réalité même si deux réalités sont déductives de cette condition, ces deux réalités
ne font pas de ce critère une dualité. C’est un critère qui est unique pour une raison principale.
En effet, l’incapacité contributive est la conséquence de la situation d’économiquement
faible. Une personne qui est sans moyen économique et financier, une personne pauvre, une
personne démunie, ne peut quelle que soit la somme, parvenir ou faire face à cette obligation.

26
Loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail, JORCI, n° 74 du 14 septembre 2015
27
Art. 1er du décret précité

15
Au regard donc de ce qui précède, l’on peut donc être en droit d’affirmer le caractère
unique du critère évoqué par le décret. Cette unicité a-t-elle des conséquences ? A priori oui.
La réponse positive conviendrait parce que simplement l’unicité est un autre élément de
limitation du critère. Ce qui justifie l’obligation pour nous d’étendre la notion d’indigent à
d’autres réalités ou situations juridiques. En le faisant, l’on devra créer nécessairement
d’autres critères.

En définitive nous retenons que cette unicité du critère déterminé par le décret reste
pour nous contestable. Les raisons sont d’abord celles que nous avons évoquées. Ensuite, ne
convient-il pas de rechercher d’autres justifications ? La réponse positive conviendrait. En
effet, l’unicité du critère est contestable parce qu’il ne permet pas de mieux cerner tous les
contours de la notion d’indigent. Aussi, notons que cette unicité réduit en effet le domaine
de l’indigence.

Concernant le premier aspect, il faut noter que l’indigent est une notion à la fois
simple et complexe. Simple parce que le décret l’a voulu ainsi à travers les critères
déterminés. Complexe parce que l’analyse approfondie nous permet de sortir des sillons déjà
tracés par le décret. C’est en cela que la limitation de son domaine est un élément de
contestation.

Pour ce qui est du domaine de l’indigence, le décret s’intéresse uniquement à la


couverture maladie universelle28. Ce seul domaine ne traduit pas ou ne permet pas toute
l’étendue du champ juridique de la notion. En effet, l’indigent, hormis le cas de la couverture
maladie universelle, peut se voir également dans le domaine de la sécurité sociale à travers
les champs tels que la retraite au niveau du privé29 comme du public. Le domaine de la caisse
nationale de prévoyance sociale30, le domaine universitaire, le domaine mutualiste, le
domaine rural et bien d’autres domaines encore.

28
En dehors du décret, il n’est fait cas en droit positif ivoirien de la situation des indigents,
29
Dans le titre IV de la Loi n°99-477 du 02 Aout 1999 portant modification du Code de la prévoyance sociale,
JORCI, n° 35 du 02 septembre 1999
30
Loi n°99-477 du 02 Aout 1999 précité

16
SECTION 2 : CRITÈRES FORMELS

Le critère ramène à un élément d’identification. C’est un élément qui sert de


caractéristique à une notion ou à une réalité. En droit, parler de critère appelle communément
à l’établissement d’une distinction et aboutit très souvent à arrêter des intérêts de distinction
qui sont vus comme la suite logique de l’établissement de critères. Nous n’adopterons pas
cette démarche ici dans cette partie de notre travail. Nous nous efforcerons ici de demeurer
dans l’esprit de notre approche. Nous continuerons de nous attarder sur les critères cette fois
de forme, formels ou tout simplement de procédure dans la mesure où nous venons d’évoquer
plus haut une autre série de critères, les critères de fond. Au titre des critères de forme, nous
avons l’exigence d’une enquête (paragraphe I) puis la nécessité d’une validation
communautaire (paragraphe II).

Paragraphe 1 : l’exigence d’une enquête

L’analyse de la caractéristique de personne démunie est issue d’une enquête


préalable. Il s’agit de l’enquête de test de revenu par approximation telle que définie par
l’article 1er du décret fixant les conditions et les modalités particulières d’assujettissement
des personnes économiquement faibles ou démunies au régime d’assistance médicale de la
Couverture Maladie Universelle. La nouveauté de cette procédure dans l’ordonnancement
juridique ivoirien nécessite que l’on s’attarde véritablement sur la notion de cette enquête
(A) mais également sur son déroulement (B).

A- L’enquête de test de revenue par approximation (PMT)

L’enquête ramène à une procédure tendant en général à administrer la preuve d’un


fait. Dans le cadre de l’indigent, le décret de 2018 fixe un type d’enquête visant à établir la
situation de pauvreté, de démuni de l’indigent. L’article 1er dudit décret subordonne la nature
d’indigent à une personne lorsque les caractéristiques de personnes économiquement faibles
ou démunie lui sont rattachées. Toutefois, cela se fait selon une certaine procédure dont le
Proxy Means Testing ou test de revenu par approximation. Ce test s’analyse en une condition
d’existence ou de bénéfice du statut de l’indigent.

17
C’est d’ailleurs ledit article qui nous donne la teneur de ce test. Pour cet article, le
Proxy Means Testing (PMT) ou test de revenu par approximation est une méthode qui établit
une approximation du niveau de vie d’un ménage par des variables corrélées au niveau de
ses dépenses. Les variables doivent être observables, mesurables et relativement stables. Il
est question en réalité d’établir par des indicateurs, le niveau approximatif de vie du ménage,
voire le niveau approximatif de pauvreté du ménage. Cette approche semble soulever
beaucoup de préoccupations. L’appréciation du niveau de vie du ménage laisse entrevoir que
la situation d’indigent est appréciée de façon duale ou collective et non de façon individuelle.
Quoi qu’étant, il est important de faire ressortir de cette définition de l’enquête PMT des
éléments qui méritent commentaires. Nous avons le niveau de vie du ménage qui est
inéluctablement corrélé au niveau des dépenses du ménage. Ces variables qui mettent en
corrélation le niveau de vie du ménage et le niveau des dépenses ne sont pas bien déterminées.
De même, il est exigé que ces variables soient observables, mesurables et relativement
stables.

S’agissant du niveau de vie des ménages, dans le cadre de l’intégration du phénomène


de l’indigence dans le droit de la prévoyance sociale ivoirien, il faut relever que cela tient en
réalité à l’analyse du degré de pauvreté du ménage. Mais déterminer le degré de pauvreté du
ménage n’est pas chose aisée. Il est souvent difficile de définir les ménages pauvres à cause
du manque de données fiables31. Il s’avère parfois impossible de jauger le niveau de vie de
tous les individus notamment dans les pays en voie de développement comme le nôtre où la
plupart des ménages travaillent dans l’informel ou dans l’agriculture traditionnelle. Ces
secteurs d’activités ne font vraiment pas l’objet de données fiables permettant d’établir le
niveau de vie de ces ménages. Même lorsque ces données existent, elles ne sont pas
nécessairement un bon indicateur du niveau de vie des individus pris isolément. De même,
le niveau de vie des ménages est mis en relation avec leur niveau de dépenses. Le niveau de
dépenses est vu comme le critère d’estimation de niveau de vie des ménages. Plus le ménage
dépense, plus il a un niveau de vie élevé et moins il est économiquement faible ou démuni,
moins il est indigent. Cela n’est pas un critère exempt de toute critique dans la mesure où il
soulève plusieurs préoccupations. Parfois, les ménages peuvent opter d’épargner et de

31
N. ATCHESSI, V. RIDDE, « Enquête sur l’efficacité du ciblage des indigents : Rapport partiel sur les
caractéristiques des indigents », op. cit, pp 14-15

18
diminuer considérablement leur dépense et leurs consommations. Leurs dépenses ne
reflèteront pas leur véritable niveau de vie.

Même si les ménages pauvres pouvaient être correctement ciblés, il n’est pas certain
que l’on arriverait à repérer les individus indigents ou pauvres à l’intérieur des ménages. La
pauvreté est un dénuement individuel, mais elle est presque invariablement mesurée à l’aune
des statistiques concernant les ménages. Généralement, on suppose que chaque membre d’un
ménage pauvre l’est également et que chaque membre d’un ménage non pauvre ne l’est pas
non plus. En effet, il se peut que les statistiques des ménages généralement utilisés ne
suffisent pas pour détecter les individus désavantagés qui participent relativement peu à la
consommation globale du ménage ou ont du mal à se prévaloir d’opportunités extérieures au
ménage dont les soins de santé, éducation, services financiers. Il peut arriver que lorsqu’une
personne travaille, son revenu soit partagé équitablement entre tous les membres du ménage
ou qu’un d’eux en prélève une part disproportionnée. On peut alors trouver des personnes
non pauvres dans un ménage pauvre et des personnes pauvres dans un ménage qui ne l’est
pas32.

Par ailleurs, le PMT est vu comme la méthode qui établit une approximation du
niveau de vie d’un ménage par des variables. Toutefois, ces variables ne sont pas déterminées
par le décret de 2018. Ils se rapportent certainement aux variables classiques de l’enquête
PMT mais également à la reconnaissance de la situation de pauvreté dont le décret fait écho
lorsqu’il définit la méthode de la validation communautaire sans en établir véritablement les
éléments caractéristiques.

Quoi qu’il en soit, le décret indique que ces variables doivent être observables,
mesurables et relativement stables. Ce texte se limite à énumérer les critères de ces variables
du PMT sans vraiment les définir. Le caractère observable de ces variables d’indigence se
rapporte certainement aux signes extérieurs de l’indigence facilement vérifiables et capables
de se faire constater par tous. Le critère de la mesurabilité des variables ayant cours dans
l’enquête PMT renvoie semble-t-il, à l’idée d’indicateurs qui permettent de jauger de
l’indigence tout en marquant la démarcation, la frontière d’avec les personnes qui ne rentrent

32
C. CLAVIER, E. DE LEEUW (dirs.), Health promotion and the policy process, 1. ed, Oxford, Oxford Univ.
Press, 2013,

19
pas dans cette catégorie. Il s’agit de faisceau d’indices permettant d’asseoir sur l’échelle
sociale le niveau de vie d’une personne. Pour finir, il faut que ces variables fassent preuve
d’une certaine stabilité. L’idée de stabilité fait penser au fait que les variantes sur lesquelles
s’appuie le PMT doivent exister dans la durée et ne pas être éphémères. Elles doivent se
maintenir dans la durée.

L’enquête PMT ou test de revenu par approximation ainsi que ses éléments
caractéristiques étant abordés, intéressons-nous à présent de façon véritable à son
déroulement.

B- Le déroulement de la PMT

Face à divers problèmes de fiabilité des critères de l’enquête sur le revenu, le plus
souvent les Etats adoptent des formules d’approximations des ressources pour recenser les
personnes économiquement faibles ou démunies. Cette enquête prend pour fondement le
ménage et va reposer sur un ensemble de critères qui vont servir à noter ledit ménage. Ces
critères qui sont généralement restreint, faciles à observer et permettent de déterminer si le
ménage est pauvre. Il peut s’agir par exemple du nombre de membres du ménage, de son
chef (homme ou femme), sa composition démographique, le type d’habitation, les matériaux
de construction et les possessions (radio, téléphone) dont le ménage dispose.

Ces critères ne sont pas exhaustifs et font ressortir un constat ambivalent quant à
l’efficacité de cette enquête. Le test de revenu approximatif au plan du niveau de vie des
ménages a pour bénéfice de réduire sensiblement le nombre de ménages non indigents des
programmes d’aides. Parfois, il va même jusqu’à réduire de moitié le taux d’admissions
erronées. En effet, il peut arriver que bien souvent des ménages soient admis à des
programmes d’aides sur la base de données peu fiables ne reflétant pas leur véritable niveau
de vie. Toutefois, ce genre d’enquête a un inconvénient considérable et dommageable. Il peut
arriver que ce genre d’enquête rejette un grand nombre de personnes qui sont en réalité les
vraies concernées.

Quoi qu’il en soit, il nous importe de nous attarder sur le déroulement du PMT ou test
de revenu par approximation. L’idée serait de s’interroger sur la conduite de cette enquête.
En effet, cette enquête se limite à investir les ménages et à leur poser des questions sur le

20
nombre de membres du ménage, son chef (homme ou femme), sa composition
démographique, le type d’habitation, les matériaux de construction et les possessions (radio,
téléphone) dont le ménage dispose. Les résultats de l’enquête découleront de ces données
quelque fiables qu’elles soient.

Dans la pratique, l’enquête de PMT ou test de revenu par approximation est confiée
aux instituts nationaux chargés des statistiques. Ces organismes vont arrêter une population
cible et vont établir une série de questions dont les réponses traduiront aussi fidèlement que
possible le niveau de vie des ménages et des individus qui composent ces différents ménages.
Par la suite, ces instituent envoient leurs agents investir le terrain. Toutefois, tout porte à
croire que le cas de notre pays est particulier. En effet, il s’avère que l’assujettissement à la
couverture maladie universelle est obligatoire pour toutes les personnes qui habitent le
territoire ivoirien. Dès lors, conformément à ce caractère impératif, tout individu devrait se
rendre dans les services chargés de cette couverture maladie et procéder à son
assujettissement et verser les cotisations prévues à cet effet.

Mais le cas de l’indigent ou de la personne économiquement faible ou encore la


personne démunie est tout autre. En réalité, cette personne est dite économiquement faible
ou démunie justement parce qu’elle n’a pas les moyens financiers nécessaires pour payer ses
cotisations relativement à la couverture maladie universelle.

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas de déclarer simplement que l’on est en situation
d’indigence. Les autorités publiques se chargent d’établir cette situation à la suite de
l’enquête de test de revenu par approximation. Mais le PMT ou test de revenu par
approximation n’est pas la seule condition d’établissement du statut d’indigent. Il faut y
ajouter une autre condition procédurale qui est la validation communautaire.

Paragraphe 2 : La nécessité d’une validation communautaire

La validation communautaire figure en premier dans l’approche qui est donnée par le
décret de 2018 de la personne économiquement faible ou démunie. A la lecture de cette
disposition, la validation communautaire apparait comme un des critères déterminant de
l’établissement de la condition d’indigence qui justifie qu’une personne bénéficie de la
couverture maladie universelle sans cotiser. La validation communautaire apparait comme

21
l’un des critères cumulatifs servant à l’établissement du statut d’indigent. La validation
communautaire est nécessaire et est corrélée à l’enquête de test de revenu par approximation
ou PMT. Il apparait utile, à l’image de ce que nous avons fait pour le PMT, de nous attarder
sur le contenu de la validation communautaire (A) avant d’analyser ses effets (B).

A- Le Contenu

La validation communautaire figure dans la définition de la personne


économiquement faible ou démunie donnée par le décret de 2018 précité en son article 1er
comme un critère ou une condition procédurale de l’établissement de la condition d’indigent.
Cette première utilisation de l’expression « validation communautaire » est faite sans
véritablement définir ce que l’on entend par la validation communautaire.

Toutefois, un peu plus loin, dans le même article du même décret, il nous est donné
de lire ceci : « validation communautaire, la reconnaissance de l’extrême pauvreté du
postulant par sa communauté, en présence des autorités administratives ». A y voir de près,
il est question que la communauté témoigne de la condition d’extrême pauvreté du postulant
au statut de personne économiquement faible. Toutefois, ce témoignage doit se faire en
présence des autorités administratives. Les éléments que nous venons d’énumérer paraissent
apparemment simples. Ce sont ces éléments qui relèvent du contenu de la validation
communautaire.

Il en ressort un élément de fond qui se réfère à l’existence d’une extrême pauvreté du


postulant vérifiable et constatée par tout son entourage. Il y a également deux éléments de
forme qui peuvent être exposés. Il s’agit du témoignage de la communauté quant à la situation
d’extrême pauvreté du postulant, et ce, en présence des autorités administratives. Certes ces
éléments apparemment sont simples mais ils peuvent se révéler complexes.

L’approche de la validation communautaire donnée par le décret parle de la


reconnaissance de l’extrême pauvreté du postulant. Faire référence à la situation d‘extrême
pauvreté du postulant peut ramener à une situation qui a perduré dans le temps. Alors que la
personne économiquement faible est synonyme de la personne démunie dans l’approche de
l’indigent. Pourtant, la personne démunie peut renvoyer à une personne qui avait les moyens
et qui se retrouve plus tard dans une situation ou ces moyens n’existent plus pour quelques

22
raisons que ce soient. Dans tous les cas, pour le droit ivoirien que l’on soit économiquement
faible ou que l’on soit démuni, il faudrait justifier d’une situation d’extrême pauvreté. La
situation d’extrême pauvreté semble aller au-delà de la situation de pauvreté. Elle se révèle
plus grave que la pauvreté et semble révéler les profondeurs de la pauvreté. L’extrême
pauvreté peut s’analyser comme les méandres de la pauvreté et se percevoir comme un cran
en dessous du seuil de pauvreté.

Pour la Banque mondiale, être dans une situation d’extrême pauvreté revient à vivre
avec moi de 1,90 dollar par jour. Selon les estimations récentes de la Banque Mondiale, 10
% de la population mondiale vivait avec 1,90 dollar par jour en 2015, contre 11% en 2013 et
presque 36% en 1990. Par rapport à 1990, le nombre d’habitants vivant dans l’extrême
pauvreté a baissé de 1,1 milliard environ. En 2015, 736 millions de personnes disposaient
de moins de 1,90 dollar par jour pour vivre contre 1,85 milliard en 1990. Deux régions sont
parvenues à ramener le taux d’extrême pauvreté à moins de 3%. Ce sont l’Asie de l’Est-
Pacifique qui compte 47 millions d’habitants sous le seuil d’extrême pauvreté et l’Europe-
Asie centrale qui y est également arrivé avec 7 millions d’habitants sous le seuil d’extrême
pauvreté. Mais l’Afrique subsaharienne abrite plus de la moitié de la population qui vit dans
l’extrême pauvreté dans le monde. Dans cette région, le nombre d’habitants vivant avec
moins de 1,90 dollar par jour a augmenté de 9 millions, pour atteindre 413 millions en 2015,
soit un chiffre supérieur à l’ensemble des autres régions réunies. Si cette tendance se poursuit,
l’Afrique subsaharienne concentrera en 2030 près de 90% de personnes vivant dans l’extrême
pauvreté. En réalité, la population pauvre est majoritairement concentrée dans les zones
rurales, peu instruite, employée dans l’agriculture et âgée de moins de 18 ans.

Il en ressort que la population pauvre est majoritairement jeune, vit de l’agriculture


et se retrouve dans les zones rurales. L’on comprend aisément pourquoi l’Afrique
subsaharienne est haut dans le classement de l’extrême pauvreté. Tous ces éléments
caractéristiques de l’extrême pauvreté sont facilement vérifiables dans nos espaces
géographiques. Il reste d’ailleurs à déterminer si le seuil de l’extrême pauvreté ne devrait pas
être revu à la hausse pour susciter encore plus d’efforts de nos gouvernants. Cela permettrait
de considérer plusieurs personnes dans une situation d’extrême pauvreté et donner aux
gouvernements l’ampleur du travail à fournir pour éradiquer la pauvreté. Maintenir le seuil

23
de pauvreté à 1,90 dollar pour l’Afrique notamment l’Afrique subsaharienne peut s’avérer
trompeur et faire échapper plusieurs personnes de la situation d’extrême pauvreté alors que
la réalité en est tout autre et que le 1,90 dollar par jour est difficilement atteint ou qu’il se
révèle dans son atteinte comme grimper au sommet de l’Himalaya chaque jour pour les
individus concernés.

Au critère d’existence de la situation d’extrême pauvreté, il faut allier la


reconnaissance d’une telle situation par la communauté dans laquelle vit le postulant aux
privilèges accordés à l’indigent. C’est dire que seule la communauté dans laquelle vit le
postulant est apte à reconnaitre, à témoigner de sa situation sociale et financière. Cela signifie
qu’il est utile que le postulant aux privilèges de personne économiquement faible ou démunie
doit être sociable et bien intégré dans la communauté afin que celle-ci le reconnaisse
préalablement et témoigne ensuite de sa situation d’extrême pauvreté. La communauté n’est
pas le seul organe chargé d’attester la situation d’extrême pauvreté du postulant. Il faut par
ailleurs que cette attestation se fasse devant des autorités administratives. C’est une exigence
posée par l’article 1er du décret de 2018 fixant les conditions et les modalités particulières
d’assujettissement des personnes économiquement faibles ou démunies au régime
d’assistance médicale de la couverture maladie universelle. Toutefois, cette disposition ne
dit pas de quelles autorités administratives il s’agit. Devant cet imbroglio, tout porte à croire
qu’il sera question de l’autorité chargée de l’enquête de test de revenu par approximation, ou
de l’autorité chargée de l’assistance à la couverture maladie universelle ou encore de
l’autorité relevant de la communauté attestatrice. Parmi toutes ces autorités, il semble que
l’autorité chargée de l’assistance à la couverture maladie universelle paraisse la plus à même
de participer à la validation communautaire pour lui faire produire des effets de droit quant
à l’assujettissement de la personne économiquement faible ou démunie. Elle parait l’autorité
administrative la plus proche et encline à maîtriser cette réalité des choses.

Quoi qu’il en soit, une fois la validation communautaire faite, elle produit
nécessairement des effets (B).

24
B- Les effets

Les effets se rapportent aux conséquences, aux implications, aux suites à donner
relativement à une chose. En matière de validation communautaire, le décret de 2018 est
clair. L’effet immédiat de la validation communautaire est la reconnaissance de la situation
d’extrême pauvreté de celui qui postule à l’assistance médicale de la couverture maladie
universelle. Il s’agit en réalité pour la communauté de vie du postulant à attester de la
situation d’extrême pauvreté du postulant. Cette attestation peut soulever des inquiétudes si
l’on veut analyser en profondeur les critères dont se sert la communauté pour témoigner de
la situation d’extrême pauvreté du postulant. Les inquiétudes ne se poseraient pas si l’on se
dit que l’appréciation de la situation du postulant se fait selon des critères objectifs et non
des critères hautement subjectifs qui relèveraient de chaque individu de la communauté ou
des individus de la communauté choisis pour témoigner de la situation d’extrême pauvreté
du postulant. Lorsqu’il s’agit de critères objectifs tels que le type d’habitation, les matériaux
de construction et les possessions (radio, téléphone) du postulant, ses dépenses, etc. Ce sont
là des critères objectifs qui souffriront de peu de critiques. S’il arrive qu’elles emportent des
critiques, ces dernières auront le mérite d’être objectives.

Toutefois, si cela devait relever de critères subjectifs cela reviendrait à permettre à


chacun d’asseoir ses propres critères d’appréciation de la situation d’extrême pauvreté du
postulant. Cela reviendrait à faire face à des validations communautaires différentes qui
relèveraient de la même communauté. Cela pourrait introduire une mauvaise appréciation et
parfois même une certaine injustice lorsque l’analyse de la situation d’un individu est
dévoyée du simple fait de la rétention de critères peu objectifs.

Quoi qu’il en soit, à côté de l’effet immédiat de la validation communautaire qui est
la reconnaissance par ses pairs de sa situation d’extrême pauvreté par le postulant. Cette
reconnaissance communautaire n’a d’effet que si elle se fait en présence des autorités
administratives. C’est cet élément qui semble déterminant pour la validation communautaire
et se révèle lui donner effet de droit. La validation communautaire n’a pas pour objet de
s’autodéterminer. Elle produit des effets qui lui sont particuliers. Mais ces effets ont pour
finalité d’aboutir en liaison avec l’enquête PMT ou test de revenu par approximation à
l’établissement en définitive de la situation de personne économiquement faible ou démunie

25
qui se trouve dans l’incapacité de s’acquitter de la cotisation du régime général de base de la
couverture maladie universelle. Le test de revenu par approximation, l’incapacité pour un
individu de s’acquitter de la cotisation du régime général de base de la couverture maladie
universelle ainsi que la validation communautaire sont les critères objectifs d’établissement
de la condition de personne économiquement faible ou démunie voire d’indigent.

Toutefois, les critères d’établissement de la condition de personnes économiquement


faibles ou démunies ne sont pas qu’objectifs. Il existe également des critères subjectifs
d’établissement de la condition d’indigent.

26
CHAPITRE 2 : LES CRITÈRES SUBJECTIFS

Le critère envoie à un élément d’identification, de détermination et


d’individualisation. C’est un élément qui sert à identifier, déterminer une réalité ou notion. Il
sert parfois à asseoir la particularité voire à individualiser une notion ou un individu. Son
association à l’adjectif « subjectif » peut paraître comme un pléonasme étant donné que le
caractère subjectif vient accentuer et amplifier l’identification, la détermination ou
l‘individualisation d’une notion. Toutefois, il apparait utile de s’accommoder de cette
association pour mieux faire ressortir la réalité des critères qui s’apprécie en la personne de
la personne économiquement faible ou démunie voire de l’indigent. Ces éléments qui se
rattachent à la personne de l’indigent se perçoivent dans l’insuffisance de ressources (section
I) mais également dans l’absence de travail (section II) qui est à dissocier de l’insuffisance
de ressources étant donné que l’on peut avoir du travail et être en insuffisance de ressources.

SECTION 1 : L’INSUFFISANCE DE RESSOURCES

Les ressources peuvent avoir plusieurs acceptions. Toutefois, dans le cas de notre
travail le terme « ressources » renvoient à l’ensemble des moyens d’existence disponibles ou
en puissance d’une personne englobant non seulement tous ses revenus, revenus du travail
ou revenus du capital, mais également ses capitaux au moins à titre potentiel. Lorsque ces
moyens d’existence, ces ressources sont insuffisantes, l’on parle de pauvreté voire
d’indigence. Cette insuffisance a des causes (paragraphe I) dont l’analyse nous invite à sa
prise en compte dans les critères de détermination de l’indigence (paragraphe II).

Paragraphe 1 : Les causes

La cause peut ramener en un sens matériel ou physique, à l’élément générateur, la


source, le facteur ou l’origine d’un fait. Il peut également signifier renvoyer au fondement,
au motif ou à la raison du fait auquel la loi attache la vertu de produire un effet de droit et
qui justifie l’application d’une règle de droit. Les causes évoquées dans cette partie de notre
travail peuvent prendre ces sens et ramener aux raisons mais également aux fondements et
faits générateur de l’insuffisance des ressources. Ce sont les raisons qui justifient de

27
l’insuffisance des ressources. Dans ce sens, nous avons les causes endogènes (A) mais
également les causes exogènes (B).

A- Les causes endogènes

Les causes endogènes se rapportent aux causes qui sont intrinsèques à la personne.
Ce sont des raisons de l’insuffisance de ressources qui sont liées à la personne. Il s’agit en
effet des causes liées à la personne et qui engendrent sa situation de personne
économiquement faible ou démunie. Ces raisons sont dues à la personne, à son activité ou à
son inactivité.

La personne économiquement faible peut être saisie en raison de son insuffisance


professionnelle33. Cette insuffisance professionnelle peut se vérifier dans plusieurs cas. Il
peut arriver que la personne soit un professionnel qui fait montre de ses tares professionnelles
dans l’accomplissement de ses missions. Cette insuffisance va engendrer à son égard du
ressentiment de la part de son employeur et subséquemment son maintien à un poste sans
possibilité d’avancement durant plusieurs années. Cette situation peut entrainer une
insuffisance de ressources qui se révèlera plus pernicieuse conjuguée à la cherté de la vie et
du niveau de vie qui ne fait que se dégrader. En effet, au fil des années les dépenses
augmentent, se diversifient et le niveau des dépenses devient insoutenable alors que la
situation financière reste la même et le niveau des revenus ne change guère. L’on comprend
alors aisément pourquoi le législateur en matière de droit du travail attache une importance
particulière à la promotion en milieu professionnel et au relèvement du salaire minimum
interprofessionnel (Smig) dans la mesure où cela est d’une acuité indéniable.

L’insuffisance professionnelle peut se vérifier également au plan du défaut de


diplôme, de compétences, d’organisation ou de véritables qualifications professionnelles.
Dans les zones rurales, tout comme dans les zones urbaines, l’on constate l’existence d’un
secteur informel fort qui a pour acteurs, les rejetés du secteur formel qui ne justifient d’aucun
diplôme ou qualifications professionnelles34. Ces agents économiques font parfois preuve

33
A. HONDA, « L’analyse d’un fonds d’équité à Madagascar ». In : V. RIDDE, J.P. JACOB (dirs.), Les
indigents et les politiques de santé en Afrique. Expériences et enjeux conceptuels, Louvain-La-Neuve,
Academia-L’Harmattan, 2013, pp. 247-273
34
A. HONDA, « L’analyse d’un fonds d’équité à Madagascar » idem

28
d’une véritable absence d’organisation. Ces différentes lacunes ont pour conséquence
d’entrainer une désorganisation de l’activité professionnelle et une irrégularité des revenus
qui entraineront in fine une insuffisance criarde des ressources.

L’insuffisance de ressources peut s’expliquer par ailleurs, par les activités qui sont
exercées par les personnes économiquement faibles. En effet, il s’agit dans la majeure partie
des cas de personnes qui exercent une activité agricole ou une activité liée à l’agriculture.
Ces personnes sont en majorité dans les zones rurales et péri-urbaines.

Pour ce qui est des personnes démunies qui semblent être assimilées aux personnes
économiquement faibles, il faut signaler qu’en plus d’être des personnes qui ne disposent pas
de ressources suffisantes depuis toujours, l’on peut adjoindre des personnes qui disposaient
de ressources suffisantes au départ et qui depuis un certain moment se retrouvent dans une
situation où elles ont perdu tous leurs moyens de subsistance. L’on peut ranger dans cette
catégorie des personnes les retraités, les personnes sinistrées par des catastrophes naturelles.
Ces personnes ont besoin d’appui et font face à une insuffisance de moyens financiers pour
couvrir de lourdes charges.

Quoi qu’il en soit, les causes de l’insuffisance de ressources des personnes ne se


justifient pas toujours en la personne elle-même. Parfois, cette insuffisance de ressources de
la personne économiquement faible ou démunie a des causes éloignées de la personne. Il est
ici question de causes exogènes.

B- Les causes exogènes

Les causes exogènes de l’insuffisance des ressources font référence aux raisons
externes à la personne économiquement faible ou démunies. Ces raisons sont diverses et
tiennent essentiellement à des facteurs naturels, économiques, et politiques35.

S‘agissant des causes naturelles, l’on peut relever plusieurs éléments qui participent
de l’insuffisance des ressources de la personne économiquement faible ou démunie voire de

35
N. ATCHESSI, V. RIDDE, « Enquête sur l’efficacité du ciblage des indigents : Rapport partiel sur les
caractéristiques des indigents », op. cit, p.15

29
l’indigent. Nous pouvons citer la rudesse climatique de certaines régions géographiques36.
Dans ces régions, les populations sont essentiellement rurales et vivent d’activités agricoles
ou pastorales. Les conditions climatiques drastiques sont peu favorables à ces différentes
activités37. Dès lors ces activités auront peu de chance de se développer véritablement et
engendrer les revenus nécessaires et capables de relever le niveau de vie de ces populations.
La rareté des pluies dans les régions désertiques est un véritable problème pour ces
populations et leurs activités38.

De même, l’insuffisance de ressources des personnes économiquement faibles ou


démunies est parfois due à un relief peu favorable aux activités génératrices de revenus. Dans
ces zones les populations ont pour premier obstacle leur propre cadre de vie39. Leur cadre de
vie leur est hostile. Le relief peu favorable est également préjudiciable à la conduite des
activités génératrices de revenus. L’hostilité de ce relief notamment dans les régions
montagneuses va entraver le transport des produits agricoles vers les villes et agglomérations
pour leur commercialisation. Cette situation entraine un manque à gagner et conséquemment
une insuffisance de ressources. Ces régions à relief hostile font généralement partie des
régions les plus pauvres du monde.

La pauvreté des sols peut par ailleurs être évoquée comme causes exogènes de
l’insuffisance de ressources de la personne économiquement faible ou démunie. La pauvreté
des sols s’assimile à l’infertilité de ces sols. Cela va se symboliser par la difficulté qu’auront
les populations à cultiver des sols arides et infertiles. C’est le cas notamment dans le sahel
ou les sols sont pauvres et infertiles et ne favorisent aucune culture40.

Une autre série de causes exogènes générant l’insuffisance des ressources établissant
le statut de personnes économiquement faibles ou démunies tient aux catastrophes naturelles.
Ces catastrophes se vérifient plus pour les personnes démunies étant donné qu’elles ont pour

36
K. KADIO, A. OUEDRAOGO, Y. KAFANDO, V. RIDDE, « Émergence et formulation d’un programme
de solidarité pour affilier les plus pauvres à une assurance maladie au Burkina Faso », Sciences Sociales et
Santé, 35, 2, 2017, pp.43-68.
37
A. HONDA, « L’analyse d’un fonds d’équité à Madagascar » op. cit, pp. 247-273
38
N. ATCHESSI, V. RIDDE, « Enquête sur l’efficacité du ciblage des indigents : Rapport partiel sur les
caractéristiques des indigents », op.cit, p.16
39
K. KADIO, A. OUEDRAOGO, Y. KAFANDO, V. RIDDE, « Émergence et formulation d’un programme
de solidarité pour affilier les plus pauvres à une assurance maladie au Burkina Faso », op. cit, p44
40
K. KADIO, A. OUEDRAOGO, Y. KAFANDO, V. RIDDE, « Émergence et formulation d’un programme
de solidarité pour affilier les plus pauvres à une assurance maladie au Burkina Faso », op. cit, pp.43-67

30
effet en général de détruire ou de diminuer les biens ou possessions des populations. Il s’agit
vraisemblablement des inondations ou des longues sécheresses dans l’espace africain 41. Ces
inondations détruisent les habitations, les commerces, les entreprises des personnes déjà
suffisamment éprouvées par les difficultés financières. Ces personnes vont se trouver
démunies du jour ou lendemain et faire état de personnes économiquement faible. Elles se
retrouvent de ce fait dans une situation d’indigence due à l’insuffisance ou l’inexistence de
ressources financières.

Il existe également des causes économiques de la situation d’indigence. Ces dernières


causes tiennent essentiellement aux échecs des politiques publiques fiscales et budgétaires
des Etats pauvres notamment les Etats africains42. L’échec de ces politiques influent
directement sur la redistribution des revenus qui se fait entre une infime partie des
populations de nos Etats notamment entre les populations les plus riches. Les ressources
naturelles, les richesses des pays pauvres sont inégalement réparties et profitent
paradoxalement aux plus riches en lieu et place de ceux qui en ont vraiment besoin, les
pauvres. Cela induit implicitement la défaillance des choix des priorités et des instruments
qui déterminent l’évolution de la situation économique des nations. L’exemple topique
ramène aux programmes d’ajustement structurels de la Banque Mondiale dans les pays de
l’Afrique subsaharienne avec son lot de privatisation des entreprises publiques, la
dévalorisation de la monnaie et ses corollaires de réduction du niveau de vie des populations
et l’accroissement de la pauvreté et de l’indigence43.

En raison de tous ces facteurs tant intrinsèques qu’extrinsèques à la personne


économiquement faible ou démunie, il apparait important d’intégrer l’insuffisance des
ressources financières dans les critères d’établissement de la situation d’indigence pouvant
donner lieu au bénéfice de privilèges sociaux (paragraphe II).

41
N. ATCHESSI, V. RIDDE, « Enquête sur l’efficacité du ciblage des indigents : Rapport partiel sur les
caractéristiques des indigents », op. cit, p.15
42
K. KADIO, A. OUEDRAOGO, Y. KAFANDO, V. RIDDE, « Émergence et formulation d’un programme de
solidarité pour affilier les plus pauvres à une assurance maladie au Burkina Faso », op. cit, p.45-67
43
N. ATCHESSI, V. RIDDE, 2015. « Enquête sur l’efficacité du ciblage des indigents : Rapport partiel sur les
caractéristiques des indigents », op. cit, p.15

31
Paragraphe 2 : la nécessité de la prise en compte de l’insuffisance des ressources dans
le domaine de l’indigence

L’insuffisance des ressources a une acception plus large. Elle ne se limite pas
uniquement au manque de moyens financiers. Elle va plus loin et se réfère également au
manque de solidarité sociale. Il arrive parfois que les personnes économiquement faibles ou
démunies souffrent doublement et se sentent abandonnées par la société à tous les niveaux.
Parfois, ces personnes-là ont juste besoin de l’attention de la société. L’insuffisance de
ressources ne se limite pas dans leur cas à la simple incapacité de s’acquitter de la cotisation
du régime général de base de la couverture maladie universelle. Cela nécessite à notre sens
une intégration de l’insuffisance de ressources dans la globalité de son acception dans le
domaine de l’indigence tant au niveau des critères (A) qu’au plan des modalités pratiques
(B).

A- Une intégration théorique

L’intégration de l’insuffisance des ressources dans les critères de détermination de


l’indigent revient à intégrer cela dans la détermination de la personne économiquement faible
ou démunie voire indigente. L’indigence est bien souvent comparée à la pauvreté et le critère
économique apparaît comme central dans toute définition de la pauvreté : est pauvre celui
qui n’a pas ou qui n’a que peu44. L’absence ou l’insuffisance de ressources devrait donc
permettre de caractériser, en droit, la pauvreté, et ceci d’autant plus facilement que la garantie
des ressources monétaires constitue une préoccupation essentielle du droit social.
L’assistance ou la prise en charge de certaines formes d’absence de ressources est
alors d’une acuité indéniable.
Le principe d’une intervention collective contre la misère est désormais acquis avec
le décret de 2018 et ce texte consacre l’obligation de l’Etat d’assister les indigents. En
France, la loi 15 juillet 1893 sur l’assistance médicale gratuite, affirme le caractère
obligatoire de l’organisation du service et des dépenses nécessaires à l’assistance des
indigents. Ces principes valent pour toutes les autres lois d’assistance, que ce soit celle du 27
juin 1904 sur les enfants assistés, celle du 14 juillet 1905 accordant aux vieillards, infirmes
et incurables une pension ou un placement gratuit dans un établissement public, celles des 17

44
S. DION-LOYE, « Le pauvre appréhendé par le droit », RRJ, 1995, pp. 460-461

32
juin et 30 juillet 1913 accordant une allocation aux femmes en couches privées de ressources
ou celle du 14 juillet 1913 sur l’assistance aux familles nécessiteuses la notion de “privation
de ressources”, qui lui est préférée, est dotée d’une infinie plasticité. Elle peut être entendue
largement, comme pour les femmes en couches, considérées comme privées de ressources
dès lors qu’elles ne bénéficiaient « pas d’autres ressources que celles provenant de (leur)
travail » selon une circulaire de l’époque28, ou plus strictement, s’appréciant, dans le cas de
l’assistance aux vieillards, infirmes et incurables, comme le « fait de ne pas avoir de revenus
équivalents à ce qui sera reconnu, dans chaque commune, indispensable à l’existence » ou
encore de jouir de ressources supérieures aux taux fixés par les communes mais inférieures
au prix d’entretien dans un hospice. Ce qui, on le voit nettement, interdit toute définition
juridique de la pauvreté sur le critère de l’obtention de l’assistance, puisque le fait d’être
“privé de ressources” pouvait renvoyer à une indigence absolue (principe posé par la loi de
1905), relative (revenus inférieurs aux tarifs des hospices) ou à la simple condition salariale
(loi de 1913)45.
Le risque ou l’insuffisance de ressources liée à une incapacité physique de travailler
constituent des critères substitutifs, utilisés respectivement par l’assurance sociale et
l’assistance publique. Le droit ivoirien n’est pas encore avancé comme le droit français dans
le processus de l’assistance aux indigents. Il n’est qu’au stade embryonnaire. Cela peut
certainement expliquer que le droit ivoirien se limite à considérer l’indigent sur le fondement
unique de l’incapacité de s’acquitter de la cotisation du régime général de base de la
couverture maladie universelle. A le voir, le domaine de l’assistance à l’indigence est
perceptible uniquement pour les soins de santé. Pourtant l’assistance à l’indigent est
pluriforme et ne se limite pas au seul domaine de santé. Il faut aussi y intégrer les logements,
l’allocation chômage, etc. certes nous n’en sommes qu’au début, toutefois, il faudrait y
inclure d’autres critères et aspects étant donné que le besoin est présent, perceptible et urgent.
Et l’intégration du critère de l’insuffisance de ressources va faire ressortir une démarche
globalisante et une meilleure assistance aux indigents. Cette intégration dans les critères ne
peut se faire sans intégration dans les modalités d’assistance.

45
M.-A. BARTHE, B. GAZIER, F. LEPRINCE et H. NOGUES, Protection sociale et RMI, Syros, 1992, p. 61

33
B- L’intégration dans les modalités

L’intégration de l’insuffisance de ressources aura inéluctablement une incidence sur


les modalités de l’assistance aux indigents. Cela va impliquer de facto et de jure une
intégration de l’insuffisance de ressources dans les modalités de l’assistance. Nous allons
nous attarder ici sur deux mécanismes qu’utilise le droit social. Il s’agit du mécanisme de la
garantie des revenus salariaux et de celui des minima sociaux.
Concernant la garantie des revenus salariaux, il faut noter que le prolétaire n’est pas
pensé juridiquement par le code civil, il en est même absent. A ce silence s’oppose la parole
du droit du travail, qui, à travers le principe d’un salaire minimum, tend à assurer une garantie
de ressources aux travailleurs. Les hésitations quant au seuil de fixation de ce salaire
minimum sont connues. Sa définition en France, oscille historiquement entre deux approches.
La première, issue de la “loi d’airain” que les économistes libéraux avaient formulée en leur
temps, renvoie à l’idée d’un minimum vital destiné à garantir ce qui est biologiquement
nécessaire à la survie du travailleur ; une sorte de minimum calorique en quelque sorte. La
seconde se réfère, de façon bien plus extensive, à l’idée d’un minimum social destiné à
assurer ce qui apparaît comme socialement nécessaire à la garantie du niveau de vie46.
Or, le droit du travail est sorti de cette idée de minimum vital pour recevoir celle de
salaire “décent” ou “suffisant” c’est-à-dire « indexé non plus seulement sur les exigences
biologiques de la reproduction de la force de travail, mais sur les exigences sociales résultant
de l’état général de richesse de la société à laquelle appartient le travailleur ». L’idée apparaît
dans les textes fondateurs de l’O.I.T., lesquels prescrivaient dès 1919 le paiement d’un salaire
assurant aux travailleurs « un niveau de vie convenable », elle est reprise dans la Déclaration
universelle de 1948 ou de nombreux instruments internationaux. Elle inspire en 1950 la
création du salaire minimum garanti (SMIG) tendant à assurer un minimum de niveau de vie.
L’idée directrice s’ordonne autour du principe de sécurité économique : la participation au
progrès social et économique par le travail fourni nécessite en retour une protection accordée
au travailleur, protection assurée par la sécurité économique que le salaire minimum garantit.
Dès lors, la tentation est grande de voir dans ce mécanisme juridique le critère de délimitation
de la pauvreté. A priori, le droit postule que la pauvreté commence lorsque les ressources

46
M.-T. JOIN-LAMBERT, Politiques sociales, Presses de Sciences Po & Dalloz, 2e éd., 1997, p.414

34
obtenues se situent en deçà de ce revenu qualifié par la norme elle-même de “minimal”.
L’idée semble d’autant plus fondée qu’elle rejoint les analyses économiques de la pauvreté47.
Celle-ci, classiquement, peut s’appréhender de deux façons. Envisagée sous l’angle de la
pauvreté absolue, sa définition repose sur l’évaluation des besoins minimaux nécessaires à la
survie. L’on serait ici dans un cadre plus proche de l’indigence. Analysée sous l’angle de la
pauvreté relative, elle s’apprécie en termes de niveau de vie moyen ou médian. Dans cette
optique, les seuils de pauvreté sont appelés à s’élever spontanément avec le progrès
technique, les gains de productivité et la hausse générale des rémunérations. La garantie des
revenus assurée par le droit du travail traduit juridiquement ce que la société considère
comme nécessaire de garantir a minima à ses travailleurs. Il est donc possible d’en déduire a
contrario que le droit définit juridiquement la pauvreté comme le fait de bénéficier de
ressources inférieures à ce minimum48. Dans ce cadre, l’on serait en situation d’indigence.
Les minima sociaux, accordés, selon une typologie d’incapacité au travail, se veulent comme
autant de dispositifs conduisant à garantir un montant minimum de revenu, au travers
d’allocations sous conditions de ressources, à des personnes ne pouvant pas tirer de leur
activité, présente ou passé, des ressources suffisantes. En résumé, une insuffisance de
ressources est la condition de l’octroi d’un minimum social.
L’idée couramment avancée veut que les minima sociaux offrent un plancher de protection
contre la pauvreté et que la fixation de leur montant reflète implicitement un seuil de pauvreté
monétaire puisque la finalité de ces dispositifs est justement de soulager la pauvreté49.
Ceci montre bien que le critère juridique de l’insuffisance de ressources est, d’une essence
incontestable. Si, intuitivement, il est facile d’assimiler pauvreté et insuffisance de
ressources, force est de constater que le droit n’offre pas les instruments adéquats pour définir
de façon générale cette insuffisance de ressources. L’on assimile parfois cela à l’absence de
travail.

47
E. ALFANDARI, Action et aide sociales, Dalloz, 4e éd., 1989, pp. 36-37.
48
R. LAFORE, « La pauvreté saisie par le droit », in R. CASTEL et J.-F. LAE (dir.), Le RMI, une dette sociale,
L’Harmattan, 1992, p. 74.
49
S. DION-LOYE, « Le pauvre appréhendé par le droit », op. cit, p.461

35
SECTION 2 : L’ABSENCE DE TRAVAIL

En poursuivant l’analyse de la notion d’indigent en droit ivoirien, l’on se rend compte


de plusieurs critères. D’une part, un critère objectif, d’autre part, un critère subjectif. Le
critère objectif nous est celui qui ressort clairement de la législation en vigueur. Tandis que
le critère subjectif fait appelle à la possibilité d’englober dans le moule de cette notion,
d’autres éléments que d’autres repères juridiques nous offrent.

L’un des éléments parmi tant d’autre que la doctrine nous permet d’appréhender est
l’absence de travail. Cet élément est bien justifié d’abord par sa définition et ses
conséquences. Au niveau de sa définition, il ressort de notre appréciation personnelle que
l’absence de travail est perçue dans le contexte du droit social comme la situation de toute
personne qui n’est dans une relation de travail. Vu sous cet angle, l’absence de travail aurait
pour notion voisine ou pour situation voisine le chômage, le licenciement, la retraite, la
situation des diplômés dans emploi.

En tout état de cause, et ce quelle que soit la situation face à laquelle l’on serait dans
un cas d’absence de travail, il faut noter certaines causes relatives à cet état. Selon les
hypothèses d’absence de travail, les causes ou facteurs sont soit à priori (paragraphe 1), soit
à posteriori (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les facteurs a priori

Le terme a priori usité dans la présente analyse fait référence à une situation juridique
originelle. Une situation qui intervient telle qu’on la conçoit à première vue sans aucune
fioriture. Dans notre cas d’espèce, il s’agira en effet, de donner les facteurs ou causes
originelles de l’absence de travail.

Dans la présente analyse, il s’agira plus d’exposer principalement les causes qui se
révèlent multiples (A) ainsi que les personnes concernées et les modalités de prise en charge
(B).

36
A- Les causes multiples

Dans la situation d’absence de travail, plusieurs facteurs peuvent constituer son


fondement. Ces facteurs sont également appelés cause. Ainsi parmi autant de causes ou
facteurs, nous pouvons citer la politique sociale mise en place par les autorités. Ensuite,
l’attitude de ceux en situation d’absence de travail, de même que ceux qui offrent les services.

Prenons d’abord le cas de la politique sociale mise en place par les autorités. La
politique couvre un vaste domaine. Elle exprime non seulement l’effort collectif d’une
communauté pour protéger ses membres les plus faibles50. Elle se perçoit comme une science
de la gestion des hommes et de tous les phénomènes sociaux, les autorités compétentes51 sont
en principe chargées d’élaborer cette politique en vue de la satisfaction générale. Dans cette
optique, il leur revient alors comme une obligation vis-à-vis des gouvernés.

En matière sociale par exemple, cette politique devrait consister à encourager ou à


promouvoir les investissements en vue de la création des entreprises. Aussi pour les
entreprises déjà créées, mettre en place des politiques visant à emmener les dirigeants sociaux
à embaucher. C’est par exemple le cas des allègements fiscaux et bien d’autres mesures
incitatives. Mais quand ces mesures visant à mettre fin à la situation d’absence de travail au
niveau de l’Etat ne sont pas prises, la conséquence est l’accentuation de cette situation.
L’absence de véritables politiques sociales de la part des gouvernants est alors l’une des
causes de l’absence de travail. Malheureusement cette indifférence est le propre de nombreux
Etats en Afrique.

En outre, comme autre cause, nous pouvons citer l’attitude des personnes concernées
par cette situation. En effet, plusieurs hypothèses sont constatables chez ces derniers. D’abord
l’hypothèse où ils n’ont pas de qualification professionnelle. Cela est certainement la
conséquence d’un manque de formation. L’autre hypothèse est leur indifférence face à la
recherche d’emploi. En effet, les offres d’emplois peuvent exister, mais les demandes non.
Ce qui crée alors un déséquilibre ou une inadéquation ou déficit entre l’offre et la demande.

50
OIT, « Avant-Propos, Politiques Sociales et Protection sociale », Revue Internationale du travail, Vol. 139
2000, n°2, p.123
51
Il s’agit au premier chef de l’Etat au plus haut niveau, du gouvernement avec tous les ministres et
secrétaires d’Etat chargés ou compétents en la matière. Aussi, pouvons-nous pointer du doigt les autorités des
collectivités territoriales.

37
A côté de ces deux hypothèses, une autre devrait être la cause de l’absence de travail.
Celle-ci concerne en effet, les pourvoyeurs d’emploi. L’on a constaté en fait que même avec
les qualifications, même dans la situation où l’on recherche de l’emploi, les entreprises ont
leur propre politique qui conditionne le plus souvent le choix des employés. Le nombre de
place disponibles face aux nombres de demandeurs d’emploi, la qualification de ceux-ci face
aux postes à pourvoir, ne permet toujours pas d’embaucher un grand nombre.

Voilà autant de raisons qui fondent les situations de sans-emplois. Ce qui fait
déboucher notre analyse sur l’aspect principal à savoir les personnes concernées.

B- Les personnes concernées et les modalités de leur prise en charge

Après avoir évoqué les causes multiples et multiformes de la situation d’absence de


travail, la présente analyse va s’appesantir sur les personnes concernées par cette situation et
bien évidemment les modalités de leur prise en charge.

Les causes de cette situation étant variées, il va de soi que les personnes concernées
présentent aussi une certaine diversité. Pour mener à bien cette analyse, nous allons recourir
aux dispositions du code du travail ivoirien52. Dans ce repère en effet, plusieurs situations de
travail y ont été présentées. A partir donc de ces différents cas, nous pourrons donc aisément
déduire les personnes concernées.

Ce détour dans le but de déterminer ces personnes se justifie par le fait que le code du
travail a déterminé les différentes fonctions ainsi que leur réglementation. En dehors donc de
cette loi, l’on ne peut donc inventer une autre situation de travail qui ne serait pas
réglementée. Cette précision faite, il convient à présent de relever dans le code les différentes
situations de travail qui y sont définies.

Il y a plusieurs situations comme nous l’avons relevé. D’abord la situation des


travailleurs journaliers53. Cette catégorie concerne en effet, des travailleurs qui ont un contrat
de travail dont la prestation est accomplie au jour le jour. En d’autres termes, il s’agit des
prestations pour une durée équivalente vingt-quatre heures (24h). Cette forme de travail bien

52
Il s’agit du code du travail ivoirien de 2015 issu de la loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 précité
53
Cf. art. 15.7 du code du travail de 2015

38
que présentant une certaine précarité54, elle (la forme) ne demeure pas moins une catégorie à
prendre en compte. C’est pourquoi, de cette catégorie l’on peut y dégager un premier cas de
personnes concernées par l’absence de travail. Il s’agit des travailleurs journaliers. A leur
niveau l’absence de travail sera causée par une absence d’activité à exécution journalière.

L’autre catégorie concerne le contrat de travail à temps partiel55. Il est défini comme
un emploi dont la durée est inférieure à la durée légale ou conventionnelle du temps plein56.
Cette catégorie prend en compte le cas d’une prestation accomplie de façon incomplète avec
les objectifs ou des finalités différentes selon les Etats. De façon universelle l’on peut avoir
des contrats de travail à temps partiel dans plusieurs hypothèses. Un jeune qui cherche
quelques heures de travail pour financer ses études, un senior en cessation progressive
d’activité, un autre senior qui a perdu son emploi et qui n’en retrouve qu’à temps partiel, une
femme qui travaille à 80 % pendant la période transitoire où ses enfants sont en bas âge, une
femme peu qualifiée qui ne trouve durablement qu’un emploi à faible nombre d’heures mais
de grande amplitude sur la journée, etc.

En tout état de cause, l’absence d’offres relativement à ce type de travail est de nature
à créer une autre catégorie de personnes concernées. Ce sont en effet, la situation des
travailleurs à temps partiels. Nous avons à côté de cette catégorie, le travail temporaire.

Le travail temporaire est une autre catégorie régie par la législation en matière de
travail en droit ivoirien57. Cette forme concerne le cas où une entreprise de travail temporaire
met à disposition d’une entreprise utilisatrice les travailleurs pour accomplir des tâches pour
une durée bien déterminée. Ce type de contrat de travail crée une relation triangulaire. D’un
côté une entreprise qui fournit des travailleurs. D’un autre côté une entreprise utilisatrice et
enfin, les travailleurs temporaires. Ces derniers n’ont aucun lien avec l’entreprise pour
laquelle ils travaillent. Cela entraine certainement des conséquences.

54
A. KONE SILUE, la précarité et droit social ivoirien, thèse pour le doctorat en droit, Université Paris -
10,2011
55
Cf. art. 21.2 du code du travail de 2015
56
F. MILEWSKI, Le travail à temps partiel, conseil économique, social et environnement, Paris, le 6 novembre
2013, p.13. Document consulté le 20 décembre 2020 à 16 heures 30 minutes sur http://www.wkrh.fr/actualites
/upload/etude-travail-temps-partiel.pdf
57
Cf. art. 21.2 du code du travail de 2015 ; Décret n°96-202 du 07 Mars 1996 relatif au travail à temps partiel

39
En tout état de cause, ces derniers sont aussi concernés par la situation que nous
décrivons. En effet, l’analyse est la même, s’il n’y aucune offre de travail temporaire, l’on
serait en présence d’une absence de travail. Les personnes concernées dans ce cas seront alors
des travailleurs temporaires.

Enfin, nous avons deux autres dernières catégories. Il s’agit des personnes engagées
dans les contrats de travail à durée déterminée et celles engagées dans les contrats à durée
indéterminée. Ces deux types de contrats de travail sont également réglementés par le code
du travail58. Si les offres de ces deux types de contrats ne sont émises sur le marché de
l’emploi, c’est évident qu’on soit dans d’autres situations d’absence de travail.

Voilà exposer de façon générale à partir de la législation en matière du travail en droit


ivoirien les personnes concernées à priori par l’absence de travail. En analysant au cas par
cas la situation de ces personnes, il importe à présent de nous pencher sur les modalités de
leur prise en charge. Mais avant, il faut toujours faire un rapprochement avec la notion
d’indigent que nous essayons d’appréhender.

En ayant à l’idée que l’absence de travail est un aspect subjectif de la notion


d’indigent, nous comprenons alors que tous les cas des personnes concernées seront alors
inclus dans le domaine de l’indigence. C’est la raison pour laquelle il crée des mécanismes
de leur prise en charges. Ces mécanismes ne seront pas exhaustivement énumérés dans la
présente analyse parce qu’ils feront objet d’un développement approfondi dans nos
prochaines analyses. Dans cette optique, nous retenons simplement que pour leur prise en
charge, il faut une véritable politique d’emploi et d’insertion à tous les niveaux concernés.

Cependant, même dans l’effectivité de cette prise en charge, il faut aussi voir s’il
n’existe pas d’autres causes. La réponse affirmative conviendrait parce qu’il y a plusieurs
autres causes que l’on pourrait qualifier d’a posteriori. Pour ces causes, il faudra aussi
rechercher les personnes concernées ainsi que leur modalité de prise en charge.

58
Cf. art. 14. 3 du code du travail

40
Paragraphe 2 : les facteurs a posteriori

Les causes ou facteurs a posteriori s’opposent aux facteurs a priori. Rappelons que
les facteurs ou causes a priori sont celles qui concernent ou prennent en compte des situations
primaires. C’est-à-dire les situations des personnes préalablement dans un emploi, ou qui, au
regard des offres et des types de travail disponibles, s’emploient à faire la demande.

Quand la demande ne s’harmonise pas avec l’offre, il faut alors rechercher les causes.
Ces causes sont celles que nous avons déjà évoquées. Concernant les facteurs a posteriori, ils
prennent en compte d’autres réalités. Il s’agit en effet, de la situation des personnes ayant eu
déjà un emploi mais qui ne l’ont plus. Pour ces dernières, plusieurs causes peuvent être
invoquées (A), ainsi que les personnes concernées et les modalités de leur prise en charge
(B).

A- Les causes multiformes

Au niveau des facteurs a priori, nous avons évoqués des causes comme l’absentéisme
des autorités ou encore l’absence de la mise en place d’une véritable politique de création
d’emploi. Aussi, nous avons évoqué au niveau de ceux même concernés, une absence de
qualification, un manque de volonté dans la recherche de l’emploi. Enfin, chez les
pourvoyeurs d’emploi, nous avons mentionné le fait que leur politique interne ne vise ou ne
peut viser à l’emploi de tous. Tout ceci a pour finalité de créer ou de renforcer les situations
d’indigence.

A ces causes au niveau des facteurs a priori, il ajouter d’autres causes. Celles-ci vont
concerner les facteurs a posteriori. Comme indiqué, il s’agira d’analyser la situation des
personnes qui ne sont plus dans une relation de travail. A ce niveau, il faut dire que les cas
sont tout nombreux. Il peut s’agir en effet, dans le cadre des travailleurs journaliers de la fin
de leur prestation ou tâche objet de la conclusion du contrat. En réalité, l’on emploie ce type
de travailleur pour des prestations quotidiennes qui ne sont pas accomplis par les salariés ou
embauchés d’une entreprise. C’est pourquoi, la doctrine considère ce type de travail comme
une précarité59. La prestation étant quotidienne, elle ne saurait s’étaler ou s’étendre dans une

59
A. KONE SILUE, la précarité et droit social ivoirien, op cit, p.

41
certaine durée. La cause à ce niveau est alors la fin ou l’accomplissement de la prestation
journalière.

Pour le travail temporaire, la cause serait principalement l’arrivée de la durée légale


prévue pour ce type de travail60 ou encore l’accomplissement de la tâche qui a nécessité
l’emploie des travailleurs temporaires. Il en sera de même pour les contrats de travail à durée
déterminée, ou encore pour les contrats de travail effectués par saison61.

Enfin pour tout autre contrat, la cause serait alors soit le licenciement, soit la rupture
conventionnelle ou unilatérale du contrat ou encore les problèmes de maladie, de maternité,
de décès. Quand toutes ces situations ou facteurs interviennent, celui qui était dans une
relation préalable de travail se retrouve sans emploi. C’est ce que nous essayons de
conceptualiser en employant le terme « facteur a posteriori ».

Ces situations entraînent inéluctablement des personnes dans son flot. Ce sont ceux-
là que nous avons appelé « personnes concernées ». Il s’agira dans la suite de l’analyse, de
faire mention de celles-ci sans préjudice des modalités de leur prise en charge.

60
Art.11.2 et s. du code du travail, Décret n°96-194 du 07 Mars 1996 relatif au travail à temporaire
61
Art.15.6 du code du travail

42
B- Les personnes concernées et les modalités de leur prise en charge

Après l’exposé des causes de l’absence de travail dans une situation a posteriori, il
est question dans la présente analyse de déterminer les personnes concernées par cette
situation. Au-delà d’une simple exposition, il faut aussi s’intéresser de façon succincte à leur
modalité de prise en charge.

Concernant les probables concernés, il faut noter que leur typologie sera fonction
également du contrat de travail concerné. Rappelons encore que la situation a posteriori est
celle dans laquelle se trouve toute personne ayant été antérieurement dans une relation de
travail. Mais qui, pour certaines raisons62 n’exerce plus cette activité ou dont le contrat a été
rompu.

Dans ces conditions l’on se trouve alors en face de plusieurs hypothèses qui entraînent
chacune une typologie de personnes concernées. Toute fois dans cette tentative
d’énumération de ces derniers, il faut y ajouter ou élargir l’énumération à d’autres domaines
qui ne sont du droit social, mais donc les nouvelles conditions sont régies par les mêmes
règles.

Ainsi, dans un premier temps, il faut mentionner le cas d’un contrat de travail qui est
arrivé à son terme. Dans ces conditions les personnes s’y trouvant sont appelées des retraités.
Ces derniers n’étant plus en fonction par conséquent n’ayant plus de lien contractuel, ils se
retrouvent de ce fait sans emploi. Ces retraités sont principalement du secteur privé. Mais
accessoirement l’on peut y inclure ceux du secteur public et semi-public.

Nous avons également la situation des personnes licenciées pour faute ou pour tout
autre raison. Dans ces conditions, elles se retrouvent sans emploi. Aussi, nous pouvons citer
le cas des personnes intérimaires, la situation des travailleurs temporaires. Également les
travailleurs saisonniers et même journaliers. Enfin l’on n’oubliera pas les travailleurs dans
un contrat à durée déterminée et même indéterminée. Pour tous ces cas les personnes
engagées dans ces types de contrat de travail sont concernées et pour qui il faut des mesures
de leur prise en compte.

62
Ces raisons peuvent être la rupture pour motif personnel ou pour motif économique.

43
Ces mesures pour certains vont prendre en compte la mise en place d’une véritable
politique de réinsertion sociale. Pour d’autres comme les retraités, leur assurer une meilleure
retraite à travers une sécurité sociale renforcée pour leur éviter la situation de l’indigence.

44
DEUXIÈME PARTIE : UNE NECESSAIRE PRISE EN CHARGE COLLECTIVE

Les analyses précédentes ont porté sur la tentative d’appréhension de la notion


d’indigent. Elle donne une apparence simpliste. Cependant nous l’avons fait remarquer, c’est
une notion nouvelle qui n’a pas encore totalement été saisie dans toutes ses dimensions. Dans
le fond cette notion revêt une dose de complexité.

En réalité, le décret a semblé nous présenter des contours de cette notion qui nous
laisse dans un sentiment de perplexité. En effet, la comparaison ou l’assimilation faite avec
certains éléments sociaux-économiques ne nous convainc pas entièrement. C’est pourquoi,
nous lui avons préféré une autre approche ou du moins d’autres éléments de définition pour
compléter la définition donnée par le décret.

La définition objective et celle subjective permettront une meilleure prise en charge


de cette catégorie de citoyen. Cette prise en charge sera complète ou collective de sorte à ne
pas laisser une des catégories pour compte. Qu’elle soit collective ou complète, quels sont
les fondements de cette prise en charge ? Une fois les fondements déterminés, quels
pourraient-être également les mécanismes de cette prise en charge ?

Ces deux interrogations majeures nous invitent explicitement à nous prononcer en


vue de déterminer les fondements de la prise en charge de l’indigent (Chapitre 1), ainsi que
les mécanismes juridiques adéquats de cette prise en charge (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS DE LA PRISE EN CHARGE

Dans le langage usuel, commun ou populaire, le fondement d’une chose désigne les
piliers sur lesquels cette chose s’appuie. En d’autres termes, il s’agit d’un support tenant en
équilibre une construction, un édifice.

Ramenant cette notion en droit, elle désigne tout d’abord la source fondatrice d’une
norme ou d’une règle de droit63. Dans notre cas d’espace les fondements de la prise en charge
désignent les raisons ou les justifications qui vont soutenir l’idée de cette prise en charge afin
qu’elle soit admise.

63
G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op cit, p.469

45
En effet, les indigents n’étant pas les seuls cas sociaux dans un Etat, si l’on requiert
ou réclame leur prise en charge, il faut bien justifier leur prise en charge surtout que ladite
prise en charge est collective. C’est-à-dire qu’elle doit viser toutes les personnes ou tous les
citoyens au-delà de ceux déterminés par le décret.

Toutes ces précisions faites, il convient à présent d’exposer ces fondements. Ceux-ci
sont nombreux mais dans le cadre de la présente analyse nous allons retenir deux. Il s’agit
d’une part de la dignité de la personne humaine (section 1). D’autre part du droit à la
satisfaction du besoin (Section 2).

SECTION 1 : LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE

L’un des fondements de la prise en charge de l’indigent est la dignité humaine. La


dignité humaine est un droit subjectif qui fait partie du grand groupe des droits de l’homme.
Tout être quel qu’il soit, a un minimum de dignité d’honorabilité que l’on doit respecter.
Tous les instruments internationaux de protection des droits de l’homme ont consacré ce
principe du respect de la dignité humaine64. De même, presque toutes les constitutions
modernes l’ont également consacrée65.

C’est dire que la dignité humaine est saisie par le droit dans tous ses domaines66. Le
droit social n’est ou ne peut être en marge de cette saisie pour certaines raisons. L’on peut
retenir principalement que c’est un droit soucieux de l’intérêt économique et social de
l’individu. C’est pourquoi, l’esprit des dispositions tend à protéger le salarié67.

Dans le cadre donc de la prise en charge de l’indigent, sa dignité est l’un des
fondements de cette prise en charge. Au-delà de l’assertion générale de la dignité, il convient

64
Déclaration Universelle des droits de l’homme, adopté et proclamée par l’Assemblée des Nations Unies dans
sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948 ; Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée
le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya, lors de la 18e Conférence de l’Organisation de l’Unité Africain
65
Loi n° 2016-886 du 08 Novembre 2016 portant Constitution de Côte d’Ivoire, JORCI, n°16, spécial du 09
Novembre 2016 ; Loi n° 2015-532 du 20 Juillet 2015 portant Code du travail, JORCI, n° 74 du 14 Septembre
2015, pp.1197-1233 ; la loi n°2019-574 du 26 juin 2019 portant code pénal publié au JORCI n°9 du mercredi
10 juillet 2019
66
Le droit civil, droit administratif, le droit pénal…
67
K. H. ABISSA, Droit du travail, éd. ABC, 2019, p.2

46
de s’appesantir sur un aspect de cette dignité à savoir la dignité sociale (paragraphe 1), avant
de revenir sur la dignité humaine elle-même (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La dignité sociale

La dignité sociale fait partie ou du moins est un aspect de la dignité humaine comme
nous l’avons déjà évoqué. Cette dignité appartient à tout être et est encore plus visible chez
la minorité, c’est-à-dire ceux qui sont dans une situation de vulnérabilité. L’indigent l’étant,
il faut alors trouver les raisons et mécanismes de sa prise en charge.

La dignité sociale se présent alors comme ce catalyseur. Cependant que renferme-t-


elle ? Et comment pourrait-elle jouer ce rôle de catalyseur ? Répondre à ces questions revient
à appréhender la notion de dignité sociale (A) de prime abord avant de démontrer qu’elle
constitue un concept créateur de droits sociaux (B).

A- La dignité sociale68, une notion à appréhender

La dignité sociale est une notion à appréhender pour une meilleure compréhension de
notre position ou de l’idée que nous voulons faire ressortir. D’abord, il faut faire remarquer
que cette notion tire ses fondements dans la notion de droit de l’homme69. Les droits de
l’homme sont en réalité un concept crée pour la défendre l’être humaine dans son honneur
en défendant sa dignité d’être vivant.

Aujourd’hui ce vocable ou ce concept se retrouve un peu partout dans tous les


instruments internationaux de défense de ces droits. Aussi dans presque toutes les
constitutions modernes. Revenant à la définition de la dignité sociale, rappelons qu’elle tire
ses sources de la dignité humaine70. Pour mieux donc la définir, il faut se pencher de prime
abord sur la notion même de dignité. En effet, la dignité est une qualité recommandée au
pauvre pour les consoler de leur pauvreté. La dignité s’exprime le mieux lorsque les pauvres
se taisent.

68
C. BEC, Institutions, Acteurs et pratiques dans l’histoire du travail social, PRESSES, 2013, p.37-51
69
Sur la notion de droit de l’homme Voir J. DUFFAR et H. OBERDOFF, Droit de l’homme et libertés
fondamentales, Paris, Montchrestien, coll. Domat, 2009, 8è ed. 908 pp
70
T. BONI, « La dignité de la personne humaine : de l’intégrité du corps et la lutte pour la reconnaissance »,
puf, Diagène, 2006, n°215, p. 65

47
On le voit avec cette définition lapidaire, la notion n’a de contenance que dans un
contexte. Mais allons plus loin. En effet, c’est un mot dérivé du latin dignitas, ce qui rend
digne, beauté majestueuse, vertu, honneur, considération, estime, prestige. La dignité désigne
aussi une attitude de respect de soi, caractérisée par la gravité, la réserve, la noblesse des
sentiments, la fierté. Elle est inspirée par un désir de respectabilité et traduit le sentiment que
la personne a de sa propre valeur.

On le voit, la notion appelle donc à une prise en considération, le sentiment d’attirance


pour que l’on nous donne une place là où on n’en avait pas. En principe, l’on réclame une
place du fait d’une certaine position défavorable qu’on occupe. Dans ces conditions l’on est
complexé.

En tout état de cause, il faut voir en cette notion, une certaine connotation péjorative
à laquelle l’on tente d’apporter une certaine contenance. La vérité est que ce sont les
marginalisés, les rejetés, les pauvres et de tous ceux qui se trouvent dans une telle situation
qui revendique une certaine dignité, une certaine honorabilité, un certain respect.

Si nous sommes d’accord sur la notion de dignité, que renferme alors cette de dignité
sociale ? Cette notion ira au-delà d’une simple estime de la personne parce qu’elle est plus
profonde. En effet, la dignité sociale est cette considération que toute la société doit avoir des
personnes démunies en vue de leur apporter tout le soutien nécessaire à leur épanouissement
social.

Dans ces conditions pour toute personne en manque de cette dignité ou placée dans
cette conditionnalité sociale, devrait bénéficier de l’assistance sociale multiforme. La
première concerne la sécurité sociale à travers la couverture maladie universelle et de bien
d’autres aspects de cette sécurité sociale71.

On le voit, la dignité sociale est donc cette affirmation ou réaffirmation de l’amour


social collectif, à commencer par les autorités. En outre c’est une notion née de l’analyse
personnelle à travers les fondements de la prise en charge de l’indigent. Leur condition étant
inclue dans la notion ou la finalité de la notion de dignité sociale, il y a lieux donc de mener

71
M. DEMBELE, Le bénéficie de la sécurité sociale par le travailleur Côte d’ivoire, thèse pour le doctorat en
droit, Université Alassane Ouattara de Bouaké, 2019, p.9

48
une véritable politique d’inclusion parce que cette notion est la base ou le fondement de
l’avènement des droits sociaux.

B- La dignité sociale, un concept créateur de droits sociaux

On l’a vu, la dignité est au cœur de plusieurs réalités sociales et juridiques qui
permettent le plus souvent de faire déclencher la machine étatique et même supra étatique.
Lorsqu’on ajoute à ce vocable d’autres éléments de considérations, l’analyse devient encore
plus précise. C’est ce que l’on a fait en entrevoyant l’un des aspects de cette notion à savoir
la dignité sociale, un terme qui mérite encore que l’on s’y attarde pour non seulement une
plus grande compréhension et surtout pour mieux aborder la suite de notre présente analyse

De l’économie donc de tout ce que nous avons dit, il en ressort plusieurs idées
fondamentales relativement à l’idée de dignité sociale. La dignité est un vocable qui peut
s’accompagner de plusieurs autres vocables pour créer ainsi plusieurs expressions. Dans ces
conditions, chacune des expressions aura un contenu différent en fonction donc du contexte.
Prenons les exemples comme dignité familiale, dignité religieuse, dignité politique, dignité
successorale etc. Sans nous attarder sur la définition de toutes ces expressions, nous
réaffirmons tout simplement qu’elles ne revêtent pas toutes les mêmes réalités.

Dans cette optique, il faut voir dans la « dignité sociale », le sentiment d’avoir un
certain positionnement social ou une certaine considération sociale, non seulement de la part
des autorités mais également de la part de tous ceux en état de nous apporter cette
considération ou reconsidération. L’indigent ayant une condition sociale précaire, c’est bien
normal qu’il puisse aspirer à cette considération. La dignité sociale sera alors pour lui un
moyen ou une raison d’être prise en compte dans la société.

En claire, la dignité sociale va fonder toute action que l’on veut mener en faveur des
personnes en situation d’indigence dans la société. La société étant un tissu ou un ensemble
d’éléments qu’on veut homogène, il revient alors à chacun de faire en sorte que ce tissu ne
soit point détérioré. On parle dans ce sens de cohésion sociale.

En tout état de cause, il convient de clarifier encore davantage en quoi, la dignité


sociale est un concept créateur des droits sociaux ? En outre, quels sont ces droits sociaux
crées par la dignité sociale ? A la première question, les réponses sont nombreuses.

49
Commençons déjà pour dire que la réponse se trouve dans l’essence même de la notion.
Aussi, la réponse se trouve dans la finalité recherchée. Cette finalité ou ce que l’on peut
qualifier d’obligation dictée doit tendre à la création de ces droits.

En effet, la finalité est le respect de l’être humain quel que ce soit son positionnement
social. Pour arriver ou pour faire aboutir cet objectif, des mécanismes institutionnels,
politiques et même juridiques sont nécessairement mis en œuvre. Cependant, même au regard
de ces raisons non exhaustives, il reste à déterminer les droits sociaux qui sont nés du fait de
la dignité sociale.

En effet, ces droits sont nombreux et se présentent comme une palissade. C’est une
évidence parce que le premier droit est bien le droit à la sécurité sociale. Ce droit prend donc
en compte la couverture maladie universelle. C’est donc un droit à la santé. Aussi la dignité
sociale étant une notion englobante, il faut y voir des droits autres que le droit à la santé. Ce
sont entre autres les droits comme le droit à un habitat, le droit à l’éducation, le droit à un
travail décent72.

Paragraphe 2 : La dignité humaine

Après avoir épilogué de façon restrictive sur la notion de dignité sociale, il est
question à présent d’analyser le cadre général de la dignité. En d’autres termes, il sera
question à partir de cette notion, de parvenir à démontrer l’existence des droits pour l’indigent
et des devoirs à la charge des autorités.

Avant tout, il convient de revisiter cette notion afin de cerner tous ses contours. Cela
passera donc par une analyse singulière de cette notion (A). Au-delà d’une simple analyse
notionnelle, l’on retiendra que la dignité humaine est le terreau de l’émergence de nouveau
droit (B).

A- L’analyse de la dignité humaine

Du droit à la politique en passant par la philosophie, l’économie, la médecine, les


nouvelles technologies de l’information et de la communication, les approches de la dignité

72
OIT, « Programme de promotion du travail décent en Côte d’Ivoire 2017-2020 », Juillet 2017, pp.1-35

50
humaine sont aussi diverses que les cultures, les savoirs et les croyances qui nourrissent les
débats73. Quoi qu’il en soit, le point de départ du débat est déterminé à partir de certains
éléments factuels.

En effet, « l’intégrité du corps humain, vivant ou mort, sa transformation en objet, en


animal ou en chose nous donne l’occasion de penser la dignité humaine ou son manque74 ».
On le voit, la dignité humaine est un four-tour qui, en fonction de certaines réalités, peut
s’étendre à plusieurs autres. Dans ces conditions, l’on ne peut prétendre à cerner tous ses
contours.

Cependant, nous essayerons de la saisir en remontant à ses origines. Parlant d’origine,


la notion de dignité est très ancienne parce qu’elle remonte à l’origine de la nature humaine
c’est pourquoi l’on parle de dignité humaine. Elle remonte à l’origine de la création humaine
surtout avec la scène de l’assassinat fratricide75. Par cet assassinat, le frère aîné portait ainsi
atteinte à l’intégrité physique de son frère et partant à sa dignité en tant d’être humaine. Au-
delà de cette atteinte, c’est toute la dignité familiale qui était ainsi bafouée.

Par la suite, cette notion va évoluer pour intégrer les coutumes, les mœurs et parvenir
à une consécration la plus extrême. En d’autres mots, les instruments juridiques
internationaux de protection des droits de l’homme76 ainsi que les instruments juridiques
nationaux. Si dans ces instruments le vocable n’est pas toujours désigné comme tel,
cependant, l’on y trouve plusieurs façades ou plusieurs notions la désignant.

En effet, pour être plus extrême, l’on dira que tous ces textes ou l’esprit de ces
instruments traite ou consacre cette notion. Mieux, à chaque niveau de considération de l’être
humain, l’on mesure la nécessité ou l’ampleur de cette consécration. Ainsi, de la
considération de l’être humain en tant qu’enfant, adolescent, adulte ou personne âgée, le
degré d’affirmation diffère.

73
T. DE KONINCK, Gilbert LAROCHELLE, La dignité humaine, PUF, Paris, 2005, p. 30 et s.
74
T. BONI, « La dignité de la personne humaine : de l’intégrité du corps et la lutte pour la reconnaissance »,
op cit., p.67
75
Il s’agit du meurtre ABEL, par son frère CAEN.
76
V° les instruments juridiques précités

51
En tout état de cause, il faut retenir que la notion trouve des échos en tout temps et en
tout lieu et quelle que soit la place de l’humain. Toutefois, étant donné qu’il s’agit d’une
notion à saisir, qu’elle définition appropriée lui donnée ?

Nous retenons simplement que la dignité humaine est un état d’esprit, un mode de
vie, un concept à partir duquel l’être humain quel qu’il soit doit avoir un certain traitement,
une certaine considération en vue de se sentir humain et avoir le goût de l’humanité.
Autrement dit, la dignité humaine est un sentiment de faire participer tous les êtres à la
construction de l’humanité en reconnaissant en chacun, sa place, son rôle joué dans cette
œuvre.

En tant que tel, personne, quelle que soit sa position, son influence, son autorité, son
pouvoir, ne doit attenter à cet état d’être. C’est pourquoi, l’on la considère comme le terreau
de l’émergence de nouveau droit.

B - La dignité humaine, terreau de l’émergence de nouveau droit

La dignité humaine est l’épicentre de toute fiction ou création juridique. Cette


expression consacrée depuis des siècles reste un défenseur idéal de l’homme

D’emblée, il faut apporter certaine clarification de l’idée que nous voulons analyser
dans la présente analyse. La dignité humaine est le terreau de l’émergence de nouveau droit
signifie quoi ? Cette idée signifie qu’avec la dignité humaine, l’on créer tous les droits
possibles. C’est dans ce sens que l’indigent a un certain droit au nom de sa dignité même s’il
ne participe pas la cotisation liée à la couverture maladie universelle.

En effet, la condition d’indigent n’est pas une condition voulue par ceux qui la vivent.
Aussi, en dépit de leur condition, ils n’en demeurent pas moins des personnes humaines
dignes d’un traitement humain. Toutefois, il convient de trouver un justificatif ou les
fondements de toute action que l’on veut mener à leur endroit.

L’idée de dignité humaine est donc cette justification ou ce fondement qui permettra
de créer de nouveaux droits. En tout état de cause, l’on est tenté de de poser plusieurs
questions. D’une part pourquoi ou encore en quoi la dignité humaine est le terreau de

52
l’émergence de nouveaux droits ? D’autre part, quels sont ces nouveaux droits crées par la
dignité humaine ?

Faut-il le rappeler, l’idée de dignité humaine est très ancienne. Elle a évolué avec le
temps ou selon les époques. Chaque peuple certainement la concevait selon ses réalités. Elle
a fini par être admise ou consacrée de façon universelle77. Aujourd’hui, elle s’impose à tous
comme le tremplin ou le fondement de tout interventionnisme. Les sciences juridiques ainsi
que plusieurs autres sciences l’on intégrée en leur sein.

En l’intégrant, c’est une matière implicite voire explicite de lui accorder une certaine
valeur sociale, juridique avec pour conséquence, la création de certains effets juridiques. Ces
effets juridiques peuvent concerner ou prendre en compte de nouvelles normes juridiques.
En matière sociale ou plus précisément en matière de sécurité sociale, les droits créés à partir
de cette notion connus.

En effet, cette notion devient alors comme une fiction juridique qui, dans le cadre de
la sécurité ou protection sociale permettra d’encadrer la situation de l’indigent. Cela engendra
alors l’avènement de certains droits sociaux auquel l’indigent était en principe privé.

Ces droits faut-il le rappeler, sont essentiellement des droits liés à la couverture
maladie universelle. L’on sait en effet que cette couverture permet aux citoyens de bénéficier
des prestations médicales à des coûts réduits de plus de la moitié.

SECTION 2 : LE DROIT À LA SATISFACTION DU BESOIN

Le besoin est défini par le Vocabulaire juridique comme l’état de celui qui ne peut,
par ses seuls moyens, assurer sa propre subsistance. Le besoin peut également renvoyer à un
ensemble d’exigences élémentaires tel que la nourriture, le logement, les vêtements, les soins,
etc. Ce sont des exigences vitales que tout homme devrait pouvoir satisfaire. Si cela est
impossible de par ses propres moyens, il faut faire appel à la solidarité des autres membres
de la société. Il est utile de mobiliser la solidarité sociale parce que tout homme a droit à la
satisfaction du besoin. C’est dire qu’il essentiel que tout individu se loge, se nourrisse ou se

77
G. MEDEVIELLE, « La difficile question de l’universalité des droits de l’homme », Transversalités,
n°107, 2008/3, pp-69 -91

53
vêtisse de par ses propres moyens ou avec l’aide et l’assistance des autres. La satisfaction du
besoin apparait comme un droit inhérent à tout individu et qu’il faut nécessairement
considérer78. Il apparait alors important d’analyser les fondements juridico-philosophiques
(paragraphe I) avant d’aborder les fondements socio-économiques (paragraphe II).

Paragraphe 1 : Les fondements juridiques

Le droit à la satisfaction du besoin est un droit qui ne fait pas l’unanimité au sein de
la doctrine. Pendant que certains auteurs le vulgarisent, d’autres sont réticents. Quoi qu’il en
soit, ces derniers reconnaissent tout de même une logique dans ce droit qui a un caractère
essentiel. Dans cette optique, force est de reconnaître qu’un tel droit repose sur des
fondements (A) qui traduisent de sa judiciarisation (B)

A- La philosophie de la satisfaction du besoin

C’est une chose grave que l’inscription d’un droit nouveau sur la liste des droits de
l’homme », affirmait J. Rivero. Pourtant, il faut se rendre à l’évidence : l’homme détient un
droit opposable à la société à la satisfaction du besoin79. L’homme est un animal social, dont
la sécurité doit être assurée afin que sa liberté puisse être exercée. Or, ce droit à la sécurité
matérielle, tendant à lui garantir la satisfaction de ces besoins, n’est pas en lui-même un droit-
créance. Ou, tout au moins, il ne l’est ni plus ni moins que la liberté. Les deux,
intrinsèquement liés, constituent une aspiration de la personne, une vocation qu’il détient et
que le pacte social doit lui garantir, non seulement en n’y portant pas atteinte, mais, plus
encore, en assurant le contexte juridique et matériel adéquat. C’est un droit naturel, au sens
où il est fondé directement sur la nature humaine. Certes, disant cela, les présupposés d’ordre
jus naturaliste affleurent. « C’est (...) une exigence rationnelle qui fonde le droit naturel de
la personne à son épanouissement »80, écrit A. Sayag, dans sa démonstration du caractère
naturel et subjectif du droit à la satisfaction des besoins. « Plutôt qu’à nier le droit subjectif,

78
« Assistance ». E. ALFANDARI, « L’insertion et les systèmes de protection sociale », RDSS, 1989, p. 646
précise, pour la différencier de la Sécurité Sociale, que si l’assistance peut se définir comme un système
juridique tendant à satisfaire un besoin, elle ne repose sur aucune contribution directe et de nature alimentaire.
79
J. RIVERO, « Sécurité sociale et droits de l’homme », RFAS, n° spécial, juillet 1985, p. 37.
80
A. SAYAG, Essai sur le besoin créateur de droit, LGDJ, 1969, p. 50.

54
la vraie révolution consisterait, sans doute, à le reconstruire en le fondant sur le besoin »
ajoute J. Carbonnier, précisant que « ces besoins sublimés en droits pourraient bien,
légitimement, être qualifiés de droits naturels car ils procèdent de la nature, de la physiologie
de l’homme »81.
Force est sur ce point d’en donner acte : c’est une certaine conception de l’homme,
fondée sur l’examen rationnel de sa nature, qui permet d’affirmer que l’homme doit être à la
fois libre et en sécurité, en sécurité parce que libre, libre par ce qu’en sécurité. L’idée d’un
droit naturel à la satisfaction du besoin ne bouleverse pas pour autant la conception libérale
sur laquelle se fonde notre ordre juridique, en y introduisant des considérations socialisantes
qui lui seraient prétendument extérieures. Les rédacteurs du Code Civil ne s’y sont pas
trompés, en voyant dans le droit de propriété le moyen de parvenir à la satisfaction du besoin.
Portalis, déjà, le reconnaissait : « l’homme naît avec des besoins : il faut qu’il puisse se
nourrir et se vêtir : il a donc droit aux choses nécessaires à sa subsistance et à son entretien.
Voilà l’origine du droit de propriété »82.
Le droit de propriété, droit naturel, se fonde sur la satisfaction du besoin de l’homme.
Le droit à la satisfaction du besoin constitue un droit naturel ayant vocation à être satisfait
par la propriété, le travail, la solidarité familiale ou l’intervention sociale en faveur de la
personne économiquement faible ou démunie83. Les fondements du droit à la satisfaction du
besoin se perçoivent également au plan de la solidarité collective qui veut que l’on vienne en
aide à ceux qui en ont besoin. Cette idée de solidarité et d’entraide sont d’ailleurs les socles
de la prévoyance sociale et de la sécurité sociale. Ce sont des mécanismes d’aide ou
d’assistance qui se fonde sur l’idée de solidarité ou d’entraide entre les hommes peu importe
leur rang social ou les moyens dont ils disposent. Et généralement, c’est le canal du travail
notamment du droit du travail que ces mécanismes de mutualisation utilisent. Toutefois, il
peut arriver que pour lutter contre la misère de l’homme ces mécanismes sortent du champ
du droit du travail et s’intéressent aux personnes qui ont tout simplement besoin d’aide et
d’assistance. C’est le cas avec la saisie du phénomène de l’indigence par le droit ivoirien et
par la couverture maladie universelle. C’est cette philosophie d’entraide, de solidarité qui fait

81
J. CARBONNIER, Droit civil. Introduction, PUF, 21e éd., 1992, p. 306, n° 162.
82
PORTALIS, Discours préliminaire au premier projet de Code civil, rééd. Editions Confluences, coll. Voix
de la cité, 1999, p. 57.
83
X. DIJON, Droit naturel, T. 1, « Les questions du droit », PUF, Thémis droit privé, 1998, pp. 259 et s.

55
émerger le droit à la satisfaction du besoin, socle du statut de l’indigent dans l’assistance à la
couverture maladie universelle des personnes économiquement faibles ou démunies en Côte
d’Ivoire.
Ce droit à la satisfaction du besoin n’a pas que des fondements philosophiques. Il
repose également sur des considérations juridiques et tend à se judiciariser (B).

B- La juridicité de la satisfaction du besoin

Le droit à la satisfaction du besoin, corollaire de la nécessaire sécurité et liberté de


l’homme, constitue donc bien un droit : c’est substantiellement un droit de l’homme, en ce
qu’il se réfère à la nature même de l’être humain ; c’est formellement un droit subjectif, en
ce que l’ordre juridique objectif voit en lui une prérogative reconnue à un individu et
juridiquement protégée, lui permettant, d’exiger un comportement déterminé d’un débiteur
déterminé ou d’exercer directement ses pouvoirs sur une chose déterminée. Le constat en est
d’autant plus assuré que la conception moderne des droits de l’homme lui propose un
fondement certain, celui de la dignité de la personne humaine.
Le droit à la satisfaction du besoin procède directement de la dignité de la personne
humaine. Ce fondement ressort explicitement de la construction des ordres juridiques
nationaux européens contemporains dans l’après-guerre. La dignité de l’être humain est
devenue un principe central de l’immédiat après-guerre, non seulement pour réagir contre les
atrocités nazies mais également parce que, devant un système socio-économique dévasté,
s’est fait jour la nécessité de protéger l’homme contre les fléaux de la misère. L’affirmation
des droits sociaux s’est faite par référence au principe de dignité de l’être humain, principe
qui a constitué la matrice intellectuelle présidant à la reconnaissance des droits sociaux.
Ceci apparaît tout particulièrement en droit international, où les références à la dignité
humaine dans les textes internationaux sont employées dans un contexte économique et
social, constat qui permet d’en déduire que « la dimension sociale de la dignité humaine ne
saurait être ignorée »84.
Car il convient de ne pas perdre de vue une donnée historique essentielle : la première
référence, dans un texte normatif, à la notion de dignité l’a été en matière sociale : c’est la

84
B. MAURER, Le principe de respect de la dignité humaine et la Convention européenne des droits de
l’homme, La D.F., coll. Monde européen et international, 1999, p. 74.

56
Déclaration de Philadelphie, fondatrice de l’Organisation Internationale du Travail, qui
énonce que « tous les êtres humains (...) ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et
leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec
des chances égales ». Le lien entre dignité et droits sociaux se retrouve dans tous les textes
adoptés par la suite, qu’il s’agisse de la Déclaration de Bogota85, de la Déclaration
universelle86, du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, sans que la liste
ne soit exhaustive. Plus récemment, la Déclaration et le Programme d’action adoptés à la
Conférence de Vienne le 25 juin 1993 et ceux du Sommet de Copenhague ont affirmé de
nouveau le lien existant entre dignité et lutte contre la pauvreté, les premiers en affirmant que
« l’extrême pauvreté et l’exclusion sociale constituent une violation de la dignité humaine
»87, les seconds en rappelant que le « développement social » doit être fondé sur la « dignité
humaine » et que la pauvreté est une atteinte à cette dignité88. De même, une recommandation
adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 19 janvier 2000 invite les Etats
membres à reconnaître dans leur pratique et législation internes un droit à la satisfaction des
besoins matériels élémentaires des personnes en situation d’extrême pauvreté, en ajoutant
que la satisfaction de tels besoins répond à un devoir d’humanité de la société, découle de la
dignité inhérente à tout être humain et constitue la condition d’existence de l’homme, ainsi
que de son épanouissement. Enfin, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
réitère le principe, en énonçant, dans son article 34, que « afin de lutter contre l’exclusion
sociale et la pauvreté, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide

85
Article 12 : « Toute personne a droit à l’éducation, laquelle doit être basée sur les principes de liberté, de
moralité et de solidarité humaine. De même, elle a droit à ce qu’on la prépare, au moyen de cette éducation, à
une existence digne », article 14 : « Toute personne a droit au travail dans des conditions de dignité » ; article
23 : « Toute personne a le droit de posséder personnellement des biens pour les besoins essentiels d’une vie
décente, qui contribuent à assurer la dignité de la personne humaine et du foyer ».
86
Article 22 de la DUDH : « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ;
elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité
et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale,
compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays » ; article 23, al. 3 : « Quiconque travaille a
droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à
la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous les autres moyens de protection sociale ». Disposition à
rapprocher de l’article 5 al. 2 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs : «
Tout emploi doit être justement rémunéré. Il convient à cet effet que, selon des modalités propres à chaque
pays, soit assurée aux travailleurs une rémunération équitable, c’est-à-dire une rémunération suffisante pour
leur permettre d’avoir un niveau de vie décent ».
87
Art. I-25 de la DUDH
88
Déclaration et plan d’action adoptés par le Sommet mondial pour le développement social, 12 mars 1995,
Copenhague, § 23 et engagement 5, La D.F., Document d’actualité internationale, 15 juin 1995, spéc. p. 372.

57
au logement destinées à assurer une existence digne à toute personne ne disposant pas de
ressources suffisantes ».
Ce lien entre dignité et droits sociaux se retrouve dans différents ordres juridiques
internes. De nombreuses constitutions européennes soulignent la dimension sociale de la
dignité de la personne et opèrent un rapprochement significatif entre respect de la dignité et
proclamation de droits sociaux. La constitution ivoirienne n’est pas en reste. Elle affirme
clairement dans son préambule son attachement à la dignité de la personne humaine tels que
définie dans les instruments juridiques internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie,
notamment la Charte de Nations Unies de 1945, la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme de 1984, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981 et ses
Protocoles additionnels, l’Acte constitutif de l’Union Africaine de 2001. Selon ce paragraphe
du préambule de la Constitution ivoirienne, la dignité de la personne humaine est promue,
protégée et garantie. Il va alors de soi qu’elle fonde le droit à la satisfaction du besoin dans
la mesure où la satisfaction du besoin donne toute la dimension de la dignité à un individu.
Ce fondement de la dignité de la personne est tellement essentiel pour le constituant ivoirien
qu’il l’évoque à nouveau dans l’article 2 de la même constitution en disant à l’alinéa 3 de
l’article précité que « Tout individu a droit à la dignité humaine ». C’est dire que la dignité
humaine a une valeur cardinale. Cela passe nécessairement par la satisfaction des besoins
qu’éprouve l’individu. Que dire de la dignité d’un individu qui n’arrive pas à se loger, à se
vêtir, à se nourrir ou à se soigner ? Un tel individu n’a aucune dignité. Il est alors
compréhensible que cette valeur essentielle soit à la base du droit à la satisfaction du besoin
dont la promotion et la consécration explicite va donner plus d’amplitude à la notion de
l’indigence, à la solidarité collective, à l’assistance de la personne économiquement faible
ou démunie. Dans la mesure où la satisfaction du besoin vital n’aura plus pour déterminant
la possession de moyens financiers. La satisfaction du besoin vital ne sera plus conditionnée
aux moyens financiers dont dispose l’individu en question. Avec le droit à la satisfaction du
besoin, il suffira d’être un humain pour prétendre à des droits, à des privilèges dont
l’effectivité sera assurée par des mécanismes d’assistance mis en marche par la solidarité
collective, même lorsque les moyens financiers font défaut ou ont toujours fait défaut.

58
Le droit à la satisfaction du besoin basée sur la dignité de la personne humaine va
faire émerger de nouveaux droits et surtout faire l’office du juge89. Ainsi, une décision de la
Cour de Karlsruhe reconnaît, en 1966, qu’une « existence dans la dignité humaine nécessite
un minimum de sécurité sociale »90. De façon plus audacieuse encore, la Cour administrative
fédérale allemande a déclaré que « l’aide sociale pour les besoins de base doit, en vertu de
la dignité humaine, être payée en principe en argent et uniquement dans des cas particuliers
en nature »91. La décision est intéressante à un double titre : d’une part, rejoignant une
jurisprudence antérieure, la Cour souligne que la dignité humaine est en cause quand
l’individu est obligé de vivre dans des conditions économiques dégradantes, d’autre part, elle
considère que toute forme d’aide sociale ne suffit pas en elle-même à assurer le respect de la
dignité : certaines formes d’aide en nature peuvent être de nature à avilir la personne92.
Cet avilissement de la personne se perçoit par l’image que la société se fera d’elle
toutes les fois où elle recevra des vivres pour assurer sa pitance. Cela va inéluctablement
avoir des répercussions sur la vie de la personne économiquement faible ou démunie et
appeler à déterminer les fondements socio-économiques de la nécessité de tenir compte du
droit à la satisfaction du besoin comme critère d’établissement de la situation d’indigence
(paragraphe II).

89
Cour Constitutionnelle, déc. n° 1BVR 220/51 du 19 décembre 1951, T. 1, pp. 97-108 : selon la Cour, les
droits fondamentaux se sont développés à partir des principes de liberté et d’égalité proclamés au XVIIIe siècle.
Leur but principal était alors la protection de l’individu contre l’Etat, perçu comme omnipotent et arbitraire,
mais non celui d’accorder des droits subjectifs à l’assistance publique. Si, au fur et à mesure, l’assistance est
devenue une nécessité pratique, notamment en raison des conséquences de la guerre, cette idée novatrice du
droit à une assistance positive par l’Etat n’a eu qu’une portée très restreinte sur les droits fondamentaux. En
tout état de cause, la référence constitutionnelle à la protection de la dignité de la personne humaine ne vise pas
la protection devant la nécessité matérielle.
90
Cour Constitutionnelle, déc. n° 1BVR20/62 et 27/64 du 20 avril 1966, T. 20, pp. 31-34 : décision implicite,
qui semble déduire un droit subjectif au minimum de sécurité sociale de l’article 1 er de la Loi fondamentale,
mais qui rejette la prétention des requérants, le minimum étant garanti en l’espèce.
91
Cour Administrative Suprême (BverwGE) 72, 354, 362/357 du 16 janvier 1986, 5 C 72.84 : la décision de
l’administration de payer en nature l’aide sociale versée à un sans-abri alcoolique (notamment l’alimentation
en nature par des organismes étatiques en lieu et place de sommes mensuelles) est contraire au principe de
dignité de la personne humaine. En effet, le destinataire de l’aide doit obtenir la possibilité de mener une vie
conforme à la dignité humaine, ce qui inclut la possibilité pour l’adulte de façonner librement la satisfaction de
ses besoins dans le cadre des moyens auxquels il a droit selon la loi.
92
B. JORION, « La dignité de la personne humaine, ou la difficile insertion d’une règle morale dans le droit
positif », RDP, 1999, p. 205. V. aussi H. MOUTOUH, qui voit dans le principe de dignité « un nouveau
correcteur magique des inégalités, davantage compatible avec l’individualisme croissant de nos sociétés
modernes ».

59
Paragraphe 2 : Les fondements socio-économique

Les fondements du droit à la satisfaction du besoin sont divers. Les fondements du


droit à la satisfaction du besoin ne sont pas que philosophiques et juridiques. Ils tiennent
également à des considérations sociales (A) et économiques.

A- Les considérations sociales

Les considérations sociales qui relèvent des fondements du droit à la satisfaction du


besoin sont plurales. Il ne s’agira pas pour nous de procéder à une énumération exhaustive
de tous les facteurs sociaux qui encouragent à la promotion et à la vulgarisation du droit à la
satisfaction du besoin et conséquemment à son intégration dans les critères d’établissement
de la situation de personnes économiquement faibles ou démunies voire d’indigent.

Au plan social, plusieurs facteurs peuvent être évoqués. Nous pouvons avancer la
non-reconnaissance de certaines valeurs culturelles93. En effet, il peut arriver que certains
peuples ou ethnies voient leurs valeurs culturelles fondamentales peu valorisées, peu
reconnues ou pas du tout reconnues. Ces peuples ou ethnies vont se sentir exclues du champ
social et se recroqueviller sur eux-mêmes. Ce repli sur soi va provoquer une certaine
méfiance envers l’école occidentale et entrainer incontestablement un bas niveau d’éducation
prémices de paupérisation de ces populations.

Cela va engendrer une forme d’isolement de ces populations et les couper du reste du
monde. Elles vont vivre en dehors de toutes civilisations94. A l’étape de la mondialisation,
ces populations feront l’objet de retard criard et vont nécessairement se laisser gagner par la
pauvreté étant donné qu’elles vivent recluses sur elles-mêmes et refusent toute pénétration
du développement dans leur mode et style de vie.

Pourtant ces sociétés exclusives ont parfois et presque toujours besoin de l’assistance
de la collectivité. Ces populations ont également des besoins qu’il faut satisfaire. C’est dire
qu’elles sont également concernées par le droit à la satisfaction du besoin qui est un droit

93
A. HONDA, « L’analyse d’un fonds d’équité à Madagascar ». In : V. RIDDE, J.P. JACOB (dirs.), Les
indigents et les politiques de santé en Afrique. Expériences et enjeux conceptuels, Louvain-La-Neuve,
Academia-L’Harmattan, 2013, pp.247-273
94
KADIO K., OUEDRAOGO A., KAFANDO Y., RIDDE V., « Émergence et formulation d’un programme
de solidarité pour affilier les plus pauvres à une assurance maladie au Burkina Faso », Sciences Sociales et
Santé, 35, 2, 2017. Pp. 43-68

60
inhérent à chaque personne humaine. Ce sont d’ailleurs ces personnes en manque complète
de ressources et dans l’incapacité avérée et véritable de s’acquitter de la cotisation du régime
général de base de la couverture maladie universelle qui sont en réalité concernées par le
statut de l’indigent. Il s’agit essentiellement des populations rurales mais également des
peuples minoritaires qui vivent très loin des zones rurales et qui n’ont pas la plupart du temps
accès aux soins de santé en raison de l’éloignement des centres de santé mais également en
raison de la faiblesse des ressources dont disposent les populations pauvres95.

C’est donc fort logiquement que l’Union Européenne considère comme pauvres « les
personnes dont les ressources (matérielles, culturelles, sociales) sont si faibles qu’elles sont
exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l’Etat membre où elles vivent »96. Ce
faible niveau de vie rend compte également des aspects économiques du droit à la satisfaction
du besoin.

B- Les considérations économiques97

Les considérations économiques du droit à la satisfaction du besoin sont diverses et


également essentielles pour ce droit implicite mais peu proclamé. Il s’agit ici de relever les
raisons qui tiennent aux facteurs économiques et qui manifestent le besoin d’un individu qui
doit être satisfait simplement du seul fait qu’il s’agit d’une personne humaine. Les
considérations économiques tiennent essentiellement à des réalités qui reflètent la nécessité
de solidarité et d’assistance envers l’individu concerné qui est en droit d’obtenir la
satisfaction des besoins que ces situations provoquent.

Cela se manifeste nécessairement au plan de la faiblesse des ressources dont disposent


les personnes économiquement faibles ou démunies. Les ressources ici englobent plusieurs
aspects et vont au-delà des ressources uniquement financières. La faiblesse des ressources
renvoie vraisemblablement aux biens et services que l’on possède et dont on dispose. Cette
faiblesse des ressources est analysée en premier plan des possessions notamment les biens et
services. Lorsque l’on parle des possessions, l’on s’oriente tout de suite vers les biens. Mais

95
CLAVIER C., DE LEEUW E. (dirs.), 2013. Health promotion and the policy process, 1.ed, Oxford, Oxford
Univ. Press.
96
Rapport du conseil des ministres du 19 décembre 1984
97

61
les services peuvent également faire partie des possessions dans la mesure où ces services
qui sont fournis par l’Etat se révèlent comme des droits des privilèges à l’actif de l’individu98.
Ces services se révèlent dans ce cadre comme des droits appartenant à l’individu. Ils sont
alors considérés comme des possessions99.

Lorsque ces biens et services sont faibles cela va nécessairement impacter sur le
niveau de vie des personnes concernées. Son influence sur le niveau de vie va se manifester
par la baisse du niveau de vie. Le niveau de vie n’est pas le seul élément de la vie de la
personne économiquement faible ou démunie que détériore la faiblesse des ressources. Cela
commence par la diminution des dépenses de consommation. Les ménages vont réduire
considérablement leurs dépenses pour vivre au niveau de leurs moyens. Ils vont de ce fait
avoir d’énormes manques et se priver de beaucoup de choses. Cela va détériorer leurs
conditions de vie et les rendre misérables. Les individus dans cette situation verront leurs
actifs considérablement réduits et leur qualité de vie va nécessairement en pâtir. Ces
conditions inadéquates de vie vont inéluctablement impacter sur la qualité de vie et entamer
les relations sociales que les personnes économiquement faibles ou démunies voire indigents
entretiendront avec le reste de la communauté100.

L’absence de patrimoine ou d’actifs qui est facilement perceptible lorsqu’il s’agit des
paysans sans terre ou des personnes désirant mener des activités commerciales mais qui sont
confrontées à des difficultés de monter de petits commerces informels dans les banlieues
urbaines pauvres à cause de l’insuffisance de ressources entraine la faiblesse de leur niveau
de vie et touche leur capabilité fondamentale qui n’est rien d’autre que ce que les personnes
sont capables de faire et d’être, en utilisant les ressources dont elles disposent101.

Les personnes dans ces situations ont nécessairement des besoins qui appellent
satisfaction et qui doivent être satisfait en dépit de leur incapacité notoire à les satisfaire.

98
V. RIDDE, « L’accès des indigents aux services de santé au Burkina Faso : un problème public ? », Lien
social et Politiques, 55, 2006, pp.149-163
99
K. KADIO, OUEDRAOGO A., Y. KAFANDO, V. RIDDE, « Émergence et formulation d’un programme
de solidarité pour affilier les plus pauvres à une assurance maladie au Burkina Faso », Sciences Sociales et
Santé, 35, 2, 2017, pp.43-68
100
V. RIDDE, « L’accès des indigents aux services de santé au Burkina Faso : un problème public ? », op. cit,
p.150
101
V. RIDDE L’accès aux soins de santé en Afrique de l’Ouest. Au-delà des idéologies et des idées reçues,
Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2012,

62
C’est le sens de la solidarité collective et de l’assistance sociale déclinée par le décret de 2018
qui intègre l’indigence dans le processus d’assistance à la couverture maladie universelle. Ce
décret détermine également les mécanismes de la prise en charge des personnes
économiquement faibles ou démunies voire indigentes.

63
CHAPITRE 2 : LES MÉCANISMES DE LA PRISE EN CHARGE DES INDIGENTS

Les mécanismes de prise en charge des indigents sont divers selon le lieu considéré.
Ces mécanismes varient en fonction de l’orientation idéologique, politique, sociale ou
économique des pouvoirs publics102. Toutefois, ces mécanismes renvoient aux différentes
méthodes trouvées pour prendre en charge les personnes entrant dans la catégorie des
personnes économiquement faibles ou démunies103. Étymologiquement, le mécanisme
renvoie à un dispositif constitué par des pièces assemblées ou reliées les unes aux autres et
remplissant une fonction déterminée. Les mécanismes de prise en charge de l’indigent se
rapporteraient à l’ensemble des méthodes et moyens mis en place pour parvenir la prise en
charge des personnes économiquement faibles ou démunies. Il s’agit de prime abord
d’analyser ce que met en place la couverture maladie universelle (CMU) afin de prendre en
charge les frais de soins des personnes économiquement faibles ou démunies. Il peut être
question d’une diversité de moyen et méthode. Cette étude ne suffira certainement pas pour
en faire une analyse exhaustive. Par conséquent, nous nous intéresserons au domaine de cette
prise en charge (section I) mais également aux modalités de ladite prise en charge (section
II).

SECTION 1 : LE DOMAINE DE LA PRISE EN CHARGE

Le domaine renvoie en droit à un ensemble de biens corporels, mobiliers ou


immobiliers, appartenant à l’Etat ou aux collectivités locales. Il ramène dans ce sens à un
bien. Mais, il peut également être utilisé pour faire référence au secteur, au champ couvert
par une science ou une technique. Cette partie de notre travail semble s’accommoder de cette
dernière acception du domaine. Le domaine de la prise en charge ramènerait au champ
couvert par la technique de la Couverture Maladie Universelle (CMU). Nous analyserons ce
champ en fonction des personnes qui sont couvertes par la CMU et qui entrent dans la
catégorie des personnes économiquement faibles ou démunies (paragraphe I), mais
également en référence aux matières assujetties (paragraphe II).

102
V. RIDDE « L’accès aux soins de santé en Afrique de l’Ouest. Au-delà des idéologies et des idées reçues »,
Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2012,
103
V. RIDDE, « L’accès des indigents aux services de santé au Burkina Faso : un problème public ? », Lien
social et Politiques, 55, 2006, pp.149-163

64
Paragraphe 1 : Les personnes assujetties

Les personnes assujetties sont les personnes qui peuvent se voir appliquer la
couverture maladie universelle en raison de leur situation d’indigence ou de personnes
économiquement faibles ou démunies. Elles peuvent être de plusieurs catégories et se voir
assujettir à la couverture maladie universelle pour des raisons diverses en tant qu’indigents.
Les raisons de leur assujettissement peuvent être intrinsèques (A) tout comme extrinsèques
(B).

A- Les assujettis en raison de causes intrinsèques

Les causes intrinsèques de l’assujettissement d’une personne à la couverture maladie


universelle relèvent de facteurs ou d’éléments qui tiennent essentiellement la personne de
l’assujetti. Ces éléments ne peuvent s’expliquer ou exister indépendamment de la personne
ou en dehors de la personne. Ces facteurs sont inextricablement liés à la personne de
l’assujetti et ne pourrait s’expliquer sans la considération de l’assujetti. Plusieurs éléments
peuvent de ce fait être évoqués.

La situation d’indigence ou de personne économiquement faible ou encore de démuni


peut avoir un lien avec son état de santé. La santé précaire et délétère de la personne va la
placer dans une situation dans laquelle elle ne peut mener une activité professionnelle et
satisfaire ses besoins vitaux étant donné qu’elle doit toujours faire face à des soins médicaux.
Parfois, la situation atteint une extrême gravité de telle sorte que la personne ne peut vivre
sans assistance médicale régulière. C’est généralement le cas des personnes souffrant du sida
ou de maladies incurables. Ces personnes sont dans l’impossibilité de travailler et de subvenir
de par eux-mêmes à leurs besoins notamment les frais de santé. Pire, ces personnes font bien
souvent l’objet de rejet, d’exclusion par leur communauté104.

Ainsi, dans une étude menée au Burkina Faso portant sur l’identification des
indigents, les infirmiers estiment qu’être un malade sans soutien et être victime ou rejeté par
la société sont les deux critères les plus importants de l’indigence. Pour les accoucheuses
auxiliaires des centres de santé, il s’agit plutôt des personnes handicapées pauvres et des

104
RIDDE V., 2006. « L’accès des indigents aux services de santé au Burkina Faso : un problème public ? »,
Lien social et Politiques, op. cit, p.163

65
malades sans soutien. Enfin, les agents de l’action sociale évoquent plutôt une vulnérabilité
liée à la maladie et l’exclusion. Tous ces professionnels paraissent d’accord sur la
vulnérabilité qu’engendrent les maladies notamment incurables lorsqu’elles sont corrélées
du rejet ou de l’exclusion par la communauté105.

La situation des personnes souffrant d’une déficience mentale est également


préoccupante. Ces personnes communément appelées « fous » ne bénéficient pas de réelles
protections dans nos pays subsahariens qui ont d’autres préoccupations que de les loger et de
les soigner106. Nous ne disons pas que rien n’est fait. Nous disons que ce qui est fait est
insuffisant. En Côte d’Ivoire, des efforts sont faits notamment à Bingerville et à Bouaké avec
des centres ou hôpitaux psychiatriques qui accueillent les malades mentaux. Mais face au
manque de moyens tant financiers, matériels qu’humains, ces malades mentaux jonchent nos
rues et se muent parfois en mendiants. C’est une situation déplorable qui augure de leur
situation de personnes économiquement faibles ou démunies. C’est à se demander si l’on ne
devrait pas envisager une autre catégorie en deçà de l’indigence pour ces personnes. Il est
alors primordial que ces personnes soient couvertes par la couverture maladie universelle.

Il en est de même pour les personnes handicapées dont le handicap est un réel obstacle
à la conduite d’une activité professionnelle107. Parfois, ces personnes sont exclues des
structures formelles d’emploi en raison de leur handicap. Des efforts sont faits dans ce
domaine par les autorités ivoiriennes pour améliorer la situation professionnelle et le taux
d’embauche des personnes en situation de handicap dans la fonction publique tout comme
dans le secteur privé. Quoi qu’il en soit, il faudrait que ces personnes justifient de
qualifications requises pour avoir accès à un emploi et cela passe par l’éducation. Pourtant,
nombre d’handicapés sont dès le départ exclus du système éducatif normal. Et lorsque ces
personnes pour quelques raisons que ce soient, soit en cas d’éloignement des écoles

105
V. RIDDE, « L’accès des indigents aux services de santé au Burkina Faso : un problème public ? », Lien
social et Politiques, 55, 2006, p.152
106
SOORS, WERNER, DKHIMI, FAHDI, B. CRIEL, « Au-delà du concept d’indigence. Les politiques
concernant l’exclusion sociale en Afrique subsaharienne ». In : V. RIDDE, J.P. JACOB (dirs.), Les indigents et
les politiques de santé en Afrique. Expériences et enjeux conceptuels, Louvain-La-Neuve, Academia-
L’Harmattan, 2013, pp. 23-62
107
SOORS, WERNER, DKHIMI, FAHDI, B. CRIEL, « Au-delà du concept d’indigence. Les politiques
concernant l’exclusion sociale en Afrique subsaharienne ». In : V. RIDDE, J.P. JACOB (dirs.), Les indigents et
les politiques de santé en Afrique. Expériences et enjeux conceptuels, Louvain-La-Neuve, Academia-
L’Harmattan, 2013, op.cit, pp.20-21

66
spécialisées pour handicapés ou en raison de manque de moyens financiers des géniteurs, se
retrouvent dans les rues et devant les lieux de culte à mendier pour assurer leur pitance. Ce
serait ironique de leur demander de s’acquitter de la cotisation au régime général de la
couverture maladie universelle.

Ces situations ne se rencontrent pas uniquement en milieu urbain. Elles se rencontrent


davantage en milieu rural. Et l’indigence en milieu rural est souvent corrélée avec le fait de
ne pas avoir de partenaire. C’est le cas des personnes célibataire, divorcée ou séparée, veuve.
En principe, le mariage permet aux femmes et aux hommes d’être socialement reconnus
comme des personnes sérieuses et respectables. Facteur d’intégration sociale, le mariage est
la base de toutes les autres stratégies de sécurité sociale des individus. Alors, les personnes
célibataires, divorcées ou endeuillées, présentent une mortalité et une morbidité liées à
certaines maladies plus élevées, ainsi qu’une moins bonne qualité de vie par rapport à ceux
qui étaient mariés ou cohabitaient avec un partenaire108. Ces facteurs peuvent également
sembler extrinsèques à l’assujetti (B).

B- Les assujettis en raison de causes extrinsèques

Les causes extrinsèques de l’assujettissement à la couverture maladie universelle en tant que


personne économiquement faible ou démunie tiennent aux facteurs extérieurs à la personne
de l’assujetti. Ce sont les raisons externes à sa personne mais dont la survenance a eu des
conséquences sur sa situation personnelle et a fait d’elle une personne économiquement
faible ou démunie voire un indigent.

C’est dans ce sens que le législateur ivoirien introduit la notion d’assistance aux plus démunis
et prévoit secours aux personnes physiques lorsqu’elles ne disposent pas de ressources
suffisantes pouvant leur permettre de s’acquitter du régime général de cotisation à la
couverture maladie universelle. Parfois, cette situation difficile est due à un sinistre, à une

108
SOORS, WERNER, DKHIMI, FAHDI, B. CRIEL, « Au-delà du concept d’indigence. Les politiques
concernant l’exclusion sociale en Afrique subsaharienne ». In : V. RIDDE, J.P. JACOB (dirs.), Les indigents et
les politiques de santé en Afrique. Expériences et enjeux conceptuels, Louvain-La-Neuve, Academia-
L’Harmattan, 2013, op.cit, pp.20-21

67
calamité ou à toute cause jugée de force majeure et indépendante de la volonté du requérant
ou de l’assujetti109.

C’est également le cas des veufs et plus généralement des veuves. Ces personnes se
retrouvent bien souvent dans une situation difficultueuse due à la combinaison de la douleur
de la perte d’un être cher et de la précarité dans laquelle cet être cher nous laisse étant donné
que ce dernier était le pourvoyeur de ressources110. L’association de ces éléments entrainent
une situation difficultueuse notamment dans nos pays où en général, la femme n’a pas
d’activité professionnelle rentable et se voit elle et ses enfants plongés dans une situation
précaire à la suite du décès du mari. Cette situation la rend économiquement faible et
démunie.
Sa situation n’est pas éloignée in fine de celle des réfugiés qui abandonnent tout ce
qu’ils ont pour fuir des conflits armés. Ils laissent tout derrière eux en termes de biens ou de
patrimoine. Ils vivent parfois dans des camps de réfugiés dans des conditions précaires et
insalubres111. Et même en cas de fin du conflit et en cas de retour chez eux, ils doivent
généralement tout recommencer. Ceci étant, lorsqu’ils sont encore dans le pays d’accueil, il
faudrait qu’ils puissent avoir accès aux soins les plus élémentaires. C’est sans doute l’esprit
des autorités publiques ivoiriennes lorsqu’elles donnent un caractère impératif à
l’assujettissement à la couverture maladie universelle pour toute personne se trouvant sur le
territoire ivoirien. Et l’adjonction de l’assujettissement de la personne économiquement
faible ou démunie et exemptée de la cotisation au régime général de la couverture maladie
universelle est salutaire pour les réfugiés dans la mesure où ils se trouvent sur le territoire
ivoirien et que cela leur est certainement applicable s’ils remplissent les conditions
énumérées par le décret de 2018 sur l’assistance à la couverture maladie universelle des
personnes économiquement faibles ou démunies.
C’est dire que plusieurs caractéristiques de l’indigence peuvent être établies. En effet,
les caractéristiques socio-économiques et sanitaires, la capacité fonctionnelle ainsi que la
capacité financière peuvent être retenues. Les personnes entrant dans ce champ sont

109
TOURE L., 2013. « 'À force de fuir les indigents, on ne les connaît pas...'. La difficile question de
l’identification des indigents au Mali ». In : V. RIDDE, J.P. JACOB (dirs.), Les indigents et les politiques de
santé en Afrique. Expériences et enjeux conceptuels, Louvain-La-Neuve, Academia-L’Harmattan, pp. 121-140
110
ibid
111
ATCHESSI N., RIDDE V., Enquête sur l’efficacité du ciblage des indigents : Rapport partiel sur les
caractéristiques des indigents, op.cit, p.15

68
principalement des femmes, des personnes âgées de plus de 45 ans ou des personnes non
mariées. En effet, dans notre contexte socio-économique, les femmes semblaient plus
exposées à l’indigence, surtout les veuves et les femmes âgées. Les inégalités de pouvoir
dans les relations entre les genres, qui affectent l'accès aux ressources et la prise de décisions
sur les questions sexuelles et reproductives, sont fréquentes dans les sociétés ouest-africaines.
Les pratiques nuisibles, telles que le mariage forcé, le lévirat ou la purification des veuves,
demeurent des menaces pour la santé et le bien-être des femmes. A cela s’ajoute le
vieillissement de la population qui apparait également comme un défi majeur. Une femme
risque fort de se trouver, dans la vieillesse, avec ou sans un homme, dépourvue de tout revenu
et de se voir en même temps contrainte d’entretenir ses enfants au chômage ainsi que des
petits-enfants112.
Il peut arriver en outre que la personne soit victime de catastrophes naturelles. Il peut
s’agir de tremblements de terre ou pour les catastrophes naturelles plus connues sous nos
cieux tels que la sécheresse, d’inondation ou de désertification. Ces phénomènes se
rencontrent aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale avec des conséquences plus ou
moins accentuées selon les zones. L’inondation a des effets dévastateurs en zone rurale tout
comme en zone urbaine. Quant à la sécheresse et à la désertification, elles ont des
conséquences dramatiques pour les populations qui vivent essentiellement de l’agriculture et
de l’élevage. Ces personnes vont voir leurs ressources considérablement diminuées et être au
point de non-retour de telle sorte qu’elles se verront entrer dans le giron des personnes
économiquement faibles ou démunies. Leur situation nécessite une assistance à la couverture
maladie universelle. C’est d’ailleurs cette assistance à la couverture maladie universelle qui
semble donner quelques informations sur les matières assujetties par la couverture maladie
universelle.

112
TOURE L., « À force de fuir les indigents, on ne les connaît pas...'. La difficile question de l’identification
des indigents au Mali ». In : V. RIDDE, J.P. JACOB (dirs.), Les indigents et les politiques de santé en Afrique.
Expériences et enjeux conceptuels, op. cit, pp. 121-140

69
Paragraphe 2 : Les matières assujetties

La matière désigne ici ce sur quoi porte l’assujettissement de la personne


économiquement faible ou démunie. Elle renvoie à l’objet de l’assistance qui est portée aux
indigents par les pouvoirs publics. Les autorités ivoiriennes ont opté pour la matière de la
sante notamment la couverture des frais de santé. La matière désignée reste la santé. Cela
dénote d’un domaine hautement restreint de la couverture maladie universelle pour ce qui est
de la personne économiquement faible ou démunie (A). Pourtant, cette catégorie de personne
n’est pas que vulnérable au plan de l’accès aux soins, elles le sont sur divers autres plans.
C’est d’ailleurs pourquoi elles relèguent au second plan bien souvent la santé. C’est pourquoi
nous nous permettons d’exposer dans cette partie de notre travail de façon particulière les
possibilités d’extension de la matière de l’assistance à l’indigent (B).

A- L’assistance restreinte

Le phénomène de l’indigent appelle à une réaction de la société toute entière. En effet,


en raison de la solidarité collective qui fonde toute société humaine, il est fondamental que
la collectivité vienne en aide à l’un de ses membres qui connait des difficultés ou qui fait
preuve d’un manque criard de ressources alors que ce dernier à des besoins et qu’il dispose
d’un droit à la satisfaction de ces besoins.

C’est dans ce cadre que les autorités ivoiriennes à l’instar des systèmes de prévoyance
sociale des pays développés décident de prendre en charge l’accès aux soins de santé des
personnes qu’elles jugent économiquement faibles ou démunies, suite à la procédure
prescrite par décret. C’est dire que l’Etat ivoirien se limite dans le cadre de l’assistance aux
personnes économiquement faibles ou démunies à leur prise en compte dans la couverture
maladie universelle. Cette assistance est obligatoire pour tous ceux qui habitent le territoire
de la République. L’on comprend que pour l’Etat cela aurait été une injustice que d’en faire
bénéficier une frange de la population et non une autre. De même, l’Etat n’a pas voulu mener
une action débonnaire et philanthrope démesurée étant donné que l’assistance aux personnes
économiquement faibles ou démunies, exemptées de cotisations, pèse en définitive sur l’Etat
mais également sur les autres assujettis qui cotisent.

70
Pour l’instant nous en sommes qu’à la couverture maladie universelle pour ce qui est
de l’assistance aux personnes économiquement faibles ou démunies voire aux indigents. La
solidarité collective envers les indigents se perçoit pour le moment au plan de l’accès aux
soins de santé. Certainement que d’autres matières pourront figurer au plan de l’assistance à
l’indigent (B).

B- Les insuffisances de cette limitation matérielle

Il n’est point question à cette étape de notre travail de s’exercer à donner des ébauches
de solutions quant à l’élargissement de la matière de l’assistance à l’indigent. Il s’agit plutôt
de critiquer cette limitation qui est en réalité une insuffisance.
En effet, force est de dire que l’exemption de payer ou de cotiser pour la couverture
maladie universelle qui a été instauré pour le régime d’assistance à la personne
économiquement faible ou démunie ne suffit pas. L’accès aux soins ne se limite pas à la
consultation médicale en cas de maladie ou à l’hospitalisation ou encore à l’opération
chirurgicale. A la suite de tout ceci, il faut payer les médicaments pour recouvrer la santé.
Certes, la couverture maladie universelle donne d’avoir des médicaments à des frais réduits.
Toutefois, ce n’est pas gratuit. Et même réduits, ces frais peuvent sembler exorbitants pour
des gens qui n’ont rien.
Même si les soins étaient gratuits, cela ne suffirait pas. L’indigent a d’autres problèmes
existentiels. L’indigent ne trouve pas à manger. Il se peut qu’il relègue au dernier plan la
santé. Il a d’autres problèmes liés à l’éducation de sa progéniture ou encore au logement. En
effet, les opérations de déguerpissement en raison de travaux publics ou de risques
d’éboulement ou d’inondation ont profondément affecté la vie des populations
économiquement faibles ou démunies résidant dans ces zones. Elles ont porté atteinte à la
dignité humaine (article 1er de la DUDH), aux droits économiques (droits au travail et à la
protection contre le chômage article 23 de la DUDH), sociaux (droits au bien-être de la
famille, article 25 de la DUDH), à la sécurité sociale (article 22 de la DUDH) et culturels
(droit à l’éducation article 26 de la DUDH) des populations déguerpies, ce qui pourrait
constituer une négation de leur droit au logement. Le droit au logement est un droit reconnu
par la DUDH et par le Pacte International relatif aux Droits Économiques Sociaux et
Culturels (PIDESC). Ces instruments de Droits de l’Homme indiquent que les individus, les

71
familles doivent être protégés contre des expulsions des zones visées ou à proximité et leur
garantir un relogement dans des conditions acceptables. C’est dire que la santé n’est pas le
seul domaine ou la seule matière où l’on constate ou vérifie l’indigence. Le logement, le
défaut d’accès à un logement décent est également un critère de l’indigence.

D’autres personnes et notamment d’autres critères peuvent rentrer dans la ligne


d’appréciation du phénomène de l’indigence. Ce peut être le fait d’être malade mental sans
soutien ou être épileptique abandonné. Les enfants abandonnés peuvent également y entrer.
Les orphelins du sida peuvent aussi être pris en compte. La veuve ou le handicapé physique
sans soutien ou encore une femme dont le mari est absent et qui est rejetée par la famille
peuvent en outre être concernés par le phénomène de l’indigence. Il peut arriver qu’une
femme accusée de sorcellerie soit dépouillée de tout et se retrouver démunie.

Toutes ces considérations appellent à l’analyse des modalités de prise en charge (section II).

SECTION 2 : LES MODALITÉS DE LA PRISE EN CHARGE

La situation de l’indigent est telle qu’elle nécessite une prise en charge. En effet,
plusieurs raisons sous-tendent cette idée. La première est d’ordre humanitaire, la seconde
d’ordre socio-économique et la dernière relève de la politique sociale en générale et surtout
du juridique.

Quoiqu’il en soit, cette catégorie de personne doit retrouver sa dignité en matière


sociale et juridique par certains mécanismes de sa prise en charge. C’est ce que nous avons
appelé mécanismes de la prise en charge de l’indigent. Ces mécanismes ou moyens seront
effectifs si leur mise en œuvre est effective. Pour ce faire, il sera question d’analyser dans
une certaine mesure les régimes concernés (paragraphe 1), avant d’entrevoir leur efficacité
(paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les régimes concernés dans le cadre de la couverture maladie


universelle

La mise en œuvre de la prise en charge de l’indigent nécessite certains mécanismes. Ceux-ci


en raison de leur complexité et surtout de leur portée, nécessitent au préalable une certaine
distinction. En effet, la distinction se justifie par le seul souci de la recherche d’effectivité de

72
cette mise en œuvre et surtout par l’efficacité en vue d’atteindre les objectifs recherchés.
Tenant compte de la réalité financière de la population ivoirienne, la couverture maladie
universelle prend en compte deux régimes.

La présente analyse, envisage d’une part le régime contributif (A), d’autre part le régime non
contributif (B).

A- Le régime contributif

D’emblée, il convient d’éluder certaines terminologiques afin de mieux faire


comprendre l’idée que nous voulons analyser, ou du moins, faire saisir notre pensée. Que
faut-il entendre par régime contributif ?

Le régime contributif doit être perçu comme le système de protection social mis en
place par les organes compétents, qui invite les populations à verser une certaine somme en
contrepartie des prestations sanitaires qu’elles devraient recevoir. Autrement dit, le régime
contributif est considéré simplement comme étant un régime de cotisation des couches
sociales avec une capacité financière plus ou moins acceptable dans le cadre de la couverture
maladie universelle.

Cette contribution vise en effet à apporter des soutiens de santé à tous ceux en principe
qui paye le montant déterminé par les textes113. Cette facilité offerte d’accéder aux soins de
santé trouve certaines justifications. En effet, le bien-être ou du moins la santé est
indispensable à la survie de tout être. Fort malheureusement, l’on constate de plus en plus
des populations malades du fait de l’environnement et plus précisément du fait du mode de
vie et de la pollution atmosphérique.

Presque chaque année de nouvelles épidémies se font jour114. Face à cette situation
environnementale délétère, face aux coûts parfois exorbitants des frais médicaux, mais
surtout face aux à la disproportionnalité des réalités économiques et des réalités sanitaires, la
seule solution est la mise en place d’un mécanisme qui concilie ces deux situations.

113
Dans le cadre de la Couverture Maladie Universelle, la contribution sociale s’élève à 1000 fr.
114
Par exemple, la tuberculose, la grippe aviaire, l’Ebola, la Dengue la COVID-19…

73
Cependant, même quand l’intervention de l’appareil étatique se révèle salvateur, en
faisant ressurgir l’Etat providence115, cela apparait toujours insuffisant. En réalité, la situation
de certaines catégories de citoyens nécessite encore plus de providence. C’est pourquoi,
mieux apprécier les mécanismes déjà en place, relever les insuffisances et proposer d’autres
alternatives.

Il faut noter que le système de protection social marqué par la couverture maladie
universelle du fait de certaines autres conditions devient exaspérant. En effet, le système est
devenu plus qu’obligatoire au point où d’autres systèmes privés deviennent caduques
lorsqu’ils ne s’accommodent de ses exigences.

Autre carence, c’est qu’il s’agit d’un système basé uniquement sur les soins de santé
en occultant d’autres réalités sociales.

Finalement, en considérant l’existant, il convient de trouver au niveau de ce seul


système de protection sociale, les contributions en vue de parvenir à son effectivité et surtout
à son efficacité qui supposerait l’atteinte des objectifs ou sa finalité.

Dans cette perspective, nous prévoyons au niveau du régime contributif, une plus
grande sensibilisation. Des campagnes de proximité en vue de toucher une plus grande cible.
En effet, la population ne se trouve pas que dans les villes, une partie importante de la
population vit dans les campagnes. Mais fort malheureusement, il semble que cette
population n’est largement pas prise en compte. Quid du régime non contributif.

B- Le régime non contributif

A côté du régime contributif, le régime non contributif est également prévu par le
décret. Que recouvre cette autre réalité ? En effet, le régime non contributif est celui dans
lequel l’indigent ne cotise pas mais bénéficie des prestations médicales gratuitement. Il prend
en compte les populations vulnérables, et les personnes qui ont une faible capacité financière.

Il s’agit d’une conception de l’Etat où celui-ci étend son champ d’intervention et de régulation dans les
115

domaines économiques et sociaux.

74
Mais la question qui pourrait se poser de prime abord est de savoir si un tel régime
est envisageable ? Dans l’affirmative, comment parvenir à la mettre en œuvre ? Enfin, quelles
pourraient-être les raisons de la mise en œuvre d’un tel régime ?

Concernant la première préoccupation, il convient de noter qu’en principe, le régime


non contributif ne devrait pas être envisagé. En effet, une idée traditionnelle justifie notre
position. Cette idée postule le fait que « la santé n’a pas de prix ». Cette idée quoi que relevant
de la litote est pleine de sens. En réalité, en elle se trouve plusieurs autres idées. D’abord
celle de la cherté du système médical. L’autre idée c’est qu’au regard de cette gratuité, l’on
ne devrait pas envisager sa gratuité. Cependant, au regard des réalités sociales dans nos Etats,
c’est-à-dire au regard de la pauvreté qui caractérise plusieurs citoyens, la gratuité devrait être
envisagée.

En clair, la réalité socio-économique de la plupart des personnes en situation


d’indigence nécessite un régime de protection sociale non contributif. Cette politique qui
voudrait que l’on accède aux soins sans débourser se voit de plus en plus dans les Etats
providence ou encore dans les Etats qui ont un tel niveau de développement que la gratuité
n’emporte aucune conséquence économique.

En tout état de cause, est-il possible de mettre en œuvre une telle politique sociale ?
La pertinence de la question nous invite à une réponse circonspecte. Cependant, sans nous
éloigner de notre objectif, il faut envisager l’hypothèse de sa mise en œuvre. Celle-ci passera
par l’intervention accrue de l’Etat dans la sphère sociale. Toutefois, cette seule intervention
ne pouvant suffire, faut-il envisager aussi l’intervention des organismes privés.

La synergie de ces deux entités pourrait être la solution de la mise en œuvre d’une
telle politique qui pose d’autres questions liées à son efficacité.

Paragraphe 2 : De l’efficacité des régimes

Les dispositifs actuels en matière de couverture sociale de la maladie retiennent des


mécanismes de types contributif et non contributif dont la fonctionnalité est en général
déplorable. Cela dit, il sera question de mettre en exergue l’efficacité problématique du
régime contributif (A) et du régime non contributif (B).

75
A- De l’efficacité du régime contributif

Le régime contributif, déjà souligné un peu plus haut, doit être perçu comme le
système de protection social mis en place par les organes compétents invitant les populations
à verser une certaine somme en contrepartie des prestations sanitaires qu’elles devraient
recevoir.
Une des visées du CNAM116 est d’assurer une prise en charge du risque maladie des
individus en situation d’incapacité avérée de le faire eux-mêmes directement ou par le biais
de mécanismes contributifs. Pour ce faire, la notion d’indigence retenue pour qualifier cette
catégorie de citoyen est, il est vrai, fort complexe à manipuler ; d’où la nécessité de
l’opérationnaliser sur la base des réalités concrètes des différents milieux. La vulnérabilité
économique a fortement augmenté au cours du dernier quart de siècle en raison de
l’appauvrissement grandissant de la population. Non seulement l’incidence de pauvreté (P0)
a presque quadruplé entre 1985 et 2008, passant de 10% à 49%, mais la profondeur de
pauvreté s’est également aggravée, de 13% en 2002 à 18% en 2008 ; ce qui signifie que les
pauvres se sont davantage éloignés du seuil de pauvreté et qu’une augmentation plus
importante de leur niveau moyen de consommation est aujourd’hui requise pour leur
permettre de sortir de la pauvreté117. L’insuffisance des revenus justifie en partie cette faible
fréquentation des structures de santé par la population dans un système caractérisé par le
recouvrement des coûts.
La position des indigents communément appelés demandeur sociaux dans le
dispositif de la couverture maladie universelle est plus que préoccupante pour les promoteurs
de ce projet. Malheureusement le système de représentation des africains n’intègre pas la
question de la prévention des risques sociaux.
La CNAM dans son esprit permettra à cette catégorie de la population de bénéficier
d’un dispositif particulier dont l’organisation permettra de pallier les insuffisances reconnues
trop criardes de ceux actuellement en place.

116
Caisse Nationale d’Assurance Maladie crée par le décret n°2014-395 du 25 juin 2014 afin d’assurer et de
gestion et le service des prestations, recouvrement des cotisations à la couverture maladie universelle instituée
par la loi n°2014-131 du 24 Mars.
117
Ministère d’Etat, Ministère de l’emploi, des affaires sociales et de la formation sociale, Stratégie
Nationale de Protection Sociale, Document de stratégie, Version final, Mars 2013, p.51

76
B- De l’efficacité du régime non contributif

Les systèmes de protection sociale comprennent plusieurs composantes, dont


l’assurance sociale qui est la branche contributive de la protection sociale, les transferts
sociaux et les services d’action sociale qui représentent la branche non contributive. Il est en
théorie relativement extensif car couvre (selon les systèmes de prise en charge) l’ensemble
de la population et différentes catégories : enfants, élèves et étudiants, personnes âgées,
travailleurs, fonctionnaires… Mais le dispositif est de toute évidence complexe car est éclaté
et mettant en présence de nombreux textes. Cela rend son fonctionnement peu cohérent, car
dans la réalité l’Etat ne mobilise pas les ressources nécessaires devant être allouées aux
dispositifs non contributifs qu’il a mis en place et dont, par ailleurs, il ne veille pas
suffisamment au respect des mesures édictées. Or, selon le porte-parole du gouvernement,
pour les populations couvertes par le régime non contributif, l’Etat de Côte d’Ivoire se
substitue à elles118. Ainsi l’application des textes, surtout dans les mécanismes non
contributifs, est problématique car certains textes ne sont pas suffisamment précis, les
populations ne sont pas suffisamment informées. Le manque de ressources clairement
affectées pénalise certains aspects de la couverture sociale de la maladie.
De manière générale, un rôle plus important devrait être accordé à la protection
sociale non contributive. Les dispositifs de protection sociale non contributive (transferts
sociaux, THIMO119, services d’action sociale, etc.) restent particulièrement faibles. Pourtant
ce sont ces instruments qui seraient les plus adaptés aux besoins de protection et de
renforcement des capacités des plus vulnérables en Côte d’Ivoire, notamment dans le
contexte actuel de pauvreté de masse. D’ailleurs, les établissements publics ne disposent pas
de plateaux adéquats pour la prise en charge des malades. Ce constat laisse transparaître que
si le régime non contributif en lui-même est déjà louable quant à la situation financière
précaire de cette catégorie de la population, force est de reconnaitre que beaucoup reste à
faire.

118
http//www.gouv.ci/actualité-article.php?recordID=9910, consulté le lundi 04 janvier à 08 heures.
119
Travaux à Haute Intensité de Main d’Œuvre

77
CONCLUSION

L’indigent dans la couverture maladie universelle, objet de notre étude suscitait une
interrogation. En effet, il s’agissait d’apporter une réponse à la question de savoir si la
définition de l’indigent telle que prévue permet de déterminer la personne économiquement
faible ou démunie en vue d’une meilleure prise en charge ?
À cette question qui constitue le nœud gordien de notre analyse, nous sommes arrivés,
sans hésitation aucune, à la conclusion que le droit ivoirien ne donne pas une définition claire
de l’indigent, de la personne économiquement faible ou démunie. Pis, la détermination des
personnes économiquement faibles ou démunies pour sa prise en charge efficace pose
problème.
Cela dit, toute personne qui n’arrive pas à s’acquitter de la somme de 1000 F CFA au
titre de l’assistance couverture maladie universelle est une personne économiquement faible
ou démunie. Cette personne peut être traitée d’indigent. En vérité, l’expression « personne
économiquement faible ou démunie », elle-même mérite des clarifications. Elle pourrait
renvoyer à plusieurs réalités. Elle peut renvoyer à des personnes qui n’ont pas de ressources
suffisantes et qui n’en ont jamais eues, ou alors à des personnes qui avaient des ressources
suffisantes mais qui ne les ont plus pour des raisons qui leurs sont propres ou pour des raisons
indépendantes de leur volonté. Encore que là, à aucun moment il n’est question du moment
auquel il faudrait apprécier le statut d’économiquement faible. Le droit ivoirien semble
demander d’évaluer le statut de personne économiquement faible ou démunie au moment de
la souscription à la couverture maladie universelle. Quoi qu’il en soit, il est loisible d’affirmer
que le droit ivoirien ne donne pas une définition claire de l’indigent, de la personne
économiquement faible ou démunie. Pourtant, pour arriver à une meilleure prise en charge
de ce nouvel acteur du droit de la prévoyance sociale, il lui faut une définition claire qui
lèvera le doute dans l’esprit de chacun.
La recherche sur le thème l’indigent dans la couverture maladie universelle, vise un
objectif général qui est d’arriver à établir le diagnostic de l’inconvenance, de la complexité
et de l’incertitude de la notion d’indigent. C’est donc à juste titre que les analyses précédentes
ont porté sur la tentative d’appréhension de la notion d’indigent. Et comme, Nous l’avons
fait remarquer, c’est une notion nouvelle qui n’a pas encore totalement été saisie dans toutes

78
ses dimensions120. C’est pourquoi, elle semble s’imbiber d’une dose d’incertitude.
Cependant, elle donne une apparence simpliste. En réalité, le décret a semblé nous présenter
des contours de cette notion qui nous laisse dans un sentiment de perplexité. En effet, la
comparaison ou l’assimilation faite avec certains éléments sociaux-économiques ne nous
convainc pas entièrement.

Pour notre part, l’objectif que nous aurions voulu atteindre était de voir une définition
objective et celle subjective qui permettra une meilleure prise en charge de cette catégorie de
citoyen. Cette prise en charge sera nécessairement complète ou collective de sorte à ne pas
laisser une des catégories pour compte. C’est ainsi que nous lui avons préféré une autre
approche ou du moins d’autres éléments de définition pour compléter la définition donnée
par le décret.
Pour finir, il faut souligner que la mise en œuvre de la prise en charge de l’indigent
passera, certes, par l’intervention poussée de l’Etat dans la sphère sociale. Mais cette seule
intervention ne pourrait suffire, faut-il envisager aussi l’intervention des organismes privés.
La synergie de ces deux entités pourrait être la solution de la mise en œuvre d’une telle
politique. De ce fait, nous invitons chacun à prendre son bâton de pèlerin en vue de permettre
à l’Etat d’atteindre cette noble mission.

120
Pour preuve, à notre connaissance et en l’état actuel de nos recherches, le juge ivoirien n’a pas encore été
saisi pour une affaire afférente à ce nouvel acteur.

79
ANNEXE

80
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

❖ OUVRAGES
1. ABISSA (Kouamé Hervé), Droit du travail, ABC, 2019, 403.p
2. ALFANDARI (Elie), TOURETTE (Florence), « Action et aide sociales », Dalloz,
Précis, Paris, 5e éd., 2011, 882.p
3. CARBONNIER (Jean), Droit civil. Introduction, PUF, 21e éd., 1992, n° 162, p. 306
4. CARBONNIER (Jean), Flexible droit, Pour une sociologie juridique du droit, Paris,
L.G.D.J., 10ème éd, 2007, 493.p
5. CORNU (Gérard), Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, PUF, 12 e
éd. mise à jour, quadrige, 2016, 1102.p
6. DIJON (Xavier), Droit naturel, « Les questions du droit », PUF, Paris, Thémis droit privé, t.1,
1998, 618p.
7. DUPEYROUX (Jean Jacques), BORGETTO (Michel), LAFORE (Robert), Droit
de la sécurité sociale, Dalloz, 18è éd., Paris, 2015, 1297.p
8. EMIEN MIESSAN (Ursène), Droit social, ABC, 2011, 350.p
9. JOIN-LAMBERT (Marie Thérèse), Politiques sociales, Presses de Sciences Po & Dalloz, 2e
éd., 1997, 717.p
10. KESSIER (Francis), Droit d la protection social, 6è éd., Dalloz, Paris, 2017, 916.p.
11. LEFEVRE (Francis), MEMENTO PRATIQUE, social, Paris, 2011, 1429.p
12. MAZEAUD (Henri, Jean, et François), Leçon de droit civil : Introduction à l’étude du
droit, par François CHABAS, t.1, 9ème éd., Montchrestien, 1989, 552.p
13. PORTALIS (Jean Etienne), Discours préliminaire au premier projet de Code civil, rééd.
Editions Confluences, coll. Voix de la cité, 2004, 91.p
14. ROMAN (Diane), Le droit public face à la pauvreté, LGDJ, Bibl. de droit public,
T.221, 2002, 487.p
15. SAYAG (Alain), Essai sur le besoin créateur de droit, LGDJ, 1969, 320 .p
16. TERRE (François), Introduction générale au droit, Dalloz, Paris, 1991, 525.p

81
❖ ARTICLES DE DOCTRINE
1. BONI (Tanella), « La dignité de la personne humaine : de l’intégrité du corps et la
lutte pour la reconnaissance », puf, Diagène, 2006, n°215, pp. 65-76
2. DION-LOYE (Sophie), « Le pauvre appréhendé par le droit », RRJ, 1995, pp.433-
472
3. HONDA (Ayako), « L’analyse d’un fonds d’équité à Madagascar ». In : RIDDE
(Valéry), JACOB (Jean Pierre) (dirs.), Les indigents et les politiques de santé en
Afrique. Expériences et enjeux conceptuels, Louvain-La-Neuve, Academia-
L’Harmattan, 2013, pp.247-273
4. JORION (Benoît), « La dignité de la personne humaine, ou la difficile insertion
d’une règle morale dans le droit positif », RDP, 1999, pp. 197-233
5. KADIO (Kadidiatou), OUEDRAOGO Aboubacar, KAFANDO (Yamba),
RIDDE (Valéry), « Émergence et formulation d’un programme de solidarité pour
affilier les plus pauvres à une assurance maladie au Burkina Faso », Sciences Sociales
et Santé, v.35, 2, 2017, pp.43-68
6. LAFORE (Robert), « La pauvreté saisie par le droit », in CASTEL (Robert) et
LAE (Jean.-François) (dir.), Le RMI, une dette sociale, L’Harmattan, 1992, p. 74
7. MEDEVIELLE (Geneviève), « La difficile question de l’universalité des droits de
l’homme », Transversalités, n°107, 2008/3, pp-69 -91
8. MOUTOUH (Hugues.), « La notion de besoin et le droit », Informations sociales,
2000, n° 86, pp.40-44
9. RIDDE (Valéry), « L’accès des indigents aux services de santé au Burkina Faso : un
problème public ? », Lien social et Politiques, 55, 2006, pp.149-163
10. RIVERO (Jean), « Sécurité sociale et droits de l’homme », RFAS, n° spécial, juillet
1985, p.37-44
11. SOORS (Werner), FAHDI (Dkhimi), CRIEL (Bart), 2013. « Au-delà du concept
d’indigence. Les politiques concernant l’exclusion sociale en Afrique subsaharienne
». In : RIDDE (Valéry), JACOB (Jean Pierre) (dirs.), Les indigents et les politiques
de santé en Afrique. Expériences et enjeux conceptuels, Louvain-La-Neuve,
Academia-L’Harmattan, p. 23-62

82
12. SUEUR (Jean Jacques), « Pour une autre analyse économique du droit », Revue
Interdisciplinaire d’étude Juridique, V. 68, pp.107-144

❖ RAPPORTS
1. ATCHESSI (Nicole), RIDDE (Valéry), Enquête sur l’efficacité du ciblage des
indigents : Rapport partiel sur les caractéristiques des indigents, Montréal, Banque
Mondiale, Université d’Heidelberg, Université de Montréal, 2005, 15 .p
2. CHARDON (Olivier), GOUX (Dominique), La nouvelle définition européenne du
chômage BIT. In Economie et statistique,. La nouvelle Enquête Emploi, l'activité et
le chômage, n°362, 2003, pp. 67-83
3. Déclaration et plan d’action adoptés par le Sommet mondial pour le développement
social, 12 mars 1995, Copenhague, § 23 et engagement 5, La D.F., Document
d’actualité internationale, 15 juin 1995, spéc. p. 372
4. MILEWSKI (Françoise), Le travail à temps partiel, Conseil économique, social et
environnement, Paris, le 6 novembre 2013, p.13. Document consulté le 20 décembre
2020 à 16 heures 30 minutes sur http://www.wkrh.fr/actualites/upload/etude-travail-
temps-partiel.pdf
5. OIT, Avant-Propos, Politiques Sociales et Protection sociale, Revue Internationale
du travail, Vol. 139 2000, n°2, pp.123-127

❖ THESES ET MEMOIRES
✓ THESES
1- DEMBELE (Massa), Le bénéfice de la sécurité sociale par le travailleur Côte
d’Ivoire, thèse pour le doctorat en droit, Université Alassane Ouattara de Bouaké,
2019, 586.p
2- KONE SILUE (Assata), la précarité et droit social ivoirien, thèse pour le doctorat
en droit, Université Paris -10, 2011,482.p
3- KOUADIO (Carine), Le travail décent dans l’espace UEMOA : essaie sur la
condition juridique du travailleur journalier en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Sénégal,
Thèse pour le doctorat en droit, Université Alassane Ouattara de Bouaké, 2019, 493.p

83
4- MAURER (Béatrice), Le principe de respect de la dignité humaine et la Convention
européenne des droits de l’homme, Thèse pour le Doctorat en Droit, Université de
droit, d’économie, et des sciences d’Aix-Marseilles, la D.F., v.1, Monde européen et
international, 1999, 555.p
5- SILUE (Nanga), L’égalité entre l’homme et la femme en Afrique noire francophone :
essai sur la condition juridique de la femme en droit social ivoirien, Thèse pour le
Doctorat en Droit, Université Paris X-Nanterre, 2008, 636.p
6- YAO (Séverin Dje), Le sort des travailleurs face aux difficultés de l’entreprise en
droit ivoirien à la lumière du droit français, Thèse pour le doctorat en droit,
Université de Bordeaux, 2017, 560.p
✓ MEMOIRES
1- KOUADIO (Carine), Le statut du travailleur journalier en côte d’ivoire, Mémoire,
Université Alassane Ouattara de Bouaké, 2013-2014, 108.p
❖ TEXTES JURIDIQUES
✓ Textes internationaux
1. Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948 adoptée par l’Assemblée
Générale de l’ONU dans sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948
2. Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 à
Nairobi, Kenya, lors de la 18e Conférence de l’Organisation de l’Unité Africain
3. Convention n°159 sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes
handicapées, adoptée à Genève à la Conférence Générale de l’O.I. T en sa 69ème
session CIT en date du 20 juin 1983, ratifiée par la Côte d’Ivoire le 22 octobre 1999

✓ Textes Nationaux
1. Loi n° 59-1 du 26 mars 1959 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire,
JORCI n° 21, spécial du 28 mars 1959
2. Loi n° 60-356 du 3 novembre 1960 portant Constitution de la République de Côte
d’Ivoire, JORCI n° 58, spécial du 4 novembre 1960
3. Loi n° 64-290 du 1er août 1964 portant Code du travail, JORCI n° 44 du 17 août 1964
4. Loi n° 95-15 du 12 janvier 1995 portant code du travail, JORCI n° 8 du 23 février
1995

84
5. Loi n°99-477 du 02 Aout 1999 portant modification du Code de la prévoyance
sociale, JORCI, n° 35 du 02 septembre 1999
6. Loi n° 2000-513 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire, JORCI n° 30
du 3 aout 2000
7. Loi n° 2015-532 du 20 Juillet 2015 portant Code du travail, JORCI, n° 74 du 14
Septembre 2015, pp.1197-1233
8. Loi n° 2016-886 du 08 novembre 2016 portant Constitution de Côte d’Ivoire, JORCI,
n° 16, spécial du 09 novembre 2016
9. Décret n° 2018-925 du 12 décembre 2018 fixant les conditions et les modalités
particulières d’assujettissement des personnes économiquement faibles ou démunies
au régime d’assistance médicale de la Couverture Maladie Universelle, JORCI n° 20,
du 11 Mars 2019

10. Loi n° 2019-574 du 26 juin 2019 portant code pénal, JORCI, n° 9 du mercredi 10
juillet 2019
✓ Étrangers
1. Loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, JORF
n° 172, 26 juillet 1985

2. Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées, JORF n° 36, du 12 février
2005

❖ JURISPRUDENCES
1. Cour Constitutionnelle, déc. n° 1BVR 220/51 du 19 décembre 1951, T. 1, pp. 97-108
2. Cour Constitutionnelle, déc. n° 1BVR20/62 et 27/64 du 20 avril 1966, T. 20, pp. 31-34
3. Cour Administrative Suprême (BverwGE) 72, 354, 362/357 du 16 janvier 1986, 5 C 72

85
TABLE DES MATIERES

SIGLES ET ABRÉVIATIONS ....................................................................................................... IV

SOMMAIRE ..................................................................................................................................... VI

INTRODUCTION ............................................................................................................................. 1

PREMIÈRE PARTIE : UNE CATEGORIE INCERTAINE ....................................................... 5

CHAPITRE 1 : LES CRITERES OBJECTIFS ............................................................................. 5

SECTION 1 : LES CRITERES DE FOND................................................................................. 6


Paragraphe 1 : L’incapacité contributive, un critère ambigu............................................... 6
A - Un contenu a priori simple ................................................................................................. 7
B - Un contenu en réalité complexe ......................................................................................... 9
Paragraphe 2 : l’incapacité contributive, un critère limité ................................................. 12
A- L’appréciation feutrée des personnes assujetties ..................................................... 13
B- Le caractère unique du critère ................................................................................... 15
SECTION 2 : CRITÈRES FORMELS ..................................................................................... 17
Paragraphe 1 : l’exigence d’une enquête .............................................................................. 17
A- L’enquête de test de revenue par approximation (PMT) ........................................ 17
B- Le déroulement de la PMT ......................................................................................... 20
Paragraphe 2 : La nécessité d’une validation communautaire ........................................... 21
A- Le Contenu................................................................................................................... 22
B- Les effets....................................................................................................................... 25
CHAPITRE 2 : LES CRITÈRES SUBJECTIFS ......................................................................... 27

SECTION 1 : L’INSUFFISANCE DE RESSOURCES ........................................................... 27


Paragraphe 1 : Les causes ...................................................................................................... 27
A- Les causes endogènes .................................................................................................. 28
B- Les causes exogènes ..................................................................................................... 29
Paragraphe 2 : la nécessité de la prise en compte de l’insuffisance des ressources dans le
domaine de l’indigence ........................................................................................................... 32
A- Une intégration théorique........................................................................................... 32
B- L’intégration dans les modalités ................................................................................ 34

86
SECTION 2 : L’ABSENCE DE TRAVAIL.............................................................................. 36
Paragraphe 1 : Les facteurs a priori...................................................................................... 36
A- Les causes multiples .................................................................................................... 37
B- Les personnes concernées et les modalités de leur prise en charge ........................ 38
Paragraphe 2 : les facteurs a posteriori ................................................................................ 41
A- Les causes multiformes ............................................................................................... 41
B- Les personnes concernées et les modalités de leur prise en charge ........................ 43
DEUXIÈME PARTIE : UNE NECESSAIRE PRISE EN CHARGE COLLECTIVE ............. 45

CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS DE LA PRISE EN CHARGE ........................................ 45

SECTION 1 : LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE .............................................. 46


Paragraphe 1 : La dignité sociale .......................................................................................... 47
A- La dignité sociale, une notion à appréhender ........................................................... 47
B- La dignité sociale, un concept créateur de droits sociaux........................................ 49
Paragraphe 2 : La dignité humaine ....................................................................................... 50
A- L’analyse de la dignité humaine ................................................................................ 50
B - La dignité humaine, terreau de l’émergence de nouveau droit .................................... 52
SECTION 2 : LE DROIT À LA SATISFACTION DU BESOIN ........................................... 53
Paragraphe 1 : Les fondements juridiques ........................................................................... 54
A- La philosophie de la satisfaction du besoin ............................................................... 54
B- La juridicité de la satisfaction du besoin ................................................................... 56
Paragraphe 2 : Les fondements socio-économique .............................................................. 60
A- Les considérations sociales ......................................................................................... 60
B- Les considérations économiques ................................................................................ 61
CHAPITRE 2 : LES MÉCANISMES DE LA PRISE EN CHARGE DES INDIGENTS ........ 64

SECTION 1 : LE DOMAINE DE LA PRISE EN CHARGE ................................................. 64


Paragraphe 1 : Les personnes assujetties.............................................................................. 65
A- Les assujettis en raison de causes intrinsèques ......................................................... 65
B- Les assujettis en raison de causes extrinsèques ........................................................ 67
Paragraphe 2 : Les matières assujetties ................................................................................ 70
A- L’assistance restreinte ................................................................................................ 70
B- Les insuffisances de cette limitation matérielle ........................................................ 71
SECTION 2 : LES MODALITÉS DE LA PRISE EN CHARGE........................................... 72

87
Paragraphe 1 : Les régimes concernés dans le cadre de la couverture maladie universelle
................................................................................................................................................... 72
A- Le régime contributif .................................................................................................. 73
B- Le régime non contributif ........................................................................................... 74
Paragraphe 2 : De l’efficacité des régimes ............................................................................ 75
A- De l’efficacité du régime contributif .......................................................................... 76
B- De l’efficacité du régime non contributif .................................................................. 77
CONCLUSION................................................................................................................................ 78

ANNEXE .......................................................................................................................................... 80

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE ................................................................................................ 81

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