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Avec la fin de la Guerre froide, l’action du Conseil de Sécurité cesse d’être paralysée par le droit de véto des

deux Grands. Ainsi, un nouvel ordre mondial semble pouvoir se mettre en place, fondé sur le droit. A ce titre, le
Secrétaire général Boutros Boutros Ghali propose, en juillet 1992, un « agenda pour la paix » . Une paix qui re-
pose sur le principe de sécurité collective : principe axé sur la coopération et le dialogue entre les États qui com-
posent l’ONU. L’institution créée en 1945, se missionnant depuis cette date à veiller à la stabilité militaire mon-
diale a été dirigé par un certain nombre de secrétaires généraux. Et si tous ont marqué de leur empreinte leur
mandat, celui dont les mandats nous intéresseront aujourd’hui est Kofi Annan. L’homme politique ghanéen a en
effet été secrétaire générale des Nations Unies du 1 er janvier 1997 jusqu’au 31 décembre 2006, le temps de deux
mandats. Une quasi décennie durant laquelle il aura eu l’ambition d’oeuvrer pour la paix et le respect des droits
de l’Homme à travers un grand nombre de missions. La question à laquelle nous tenterons de répondre est : Dans
quelles dimensions a t’il réussi à insuffler un nouvel esprit et à faire renaître l’ONU dans l’après Guerre froide ?
Nous commencerons par présenter un peu plus amplement Kofi Annan avant de contextualiser son arrivée à la
tête de l’ONU. Suite à cela, nous aborderons successivement, ses ambitions et réussites pour l’ONU avant de ter-
miner par les limites qu’ont connu ses mandats.

I Kofi Annan

Né en 1938 au sein d’une famille aristocratique du Ghana, alors colonie britannique, il étudie l’économie puis in-
tègre l’OMS en 1964 et occupe ensuite une série de postes au sein de l’ONU. Après des premières missions avec
des responsabilités économiques, il s’engage dans le début des années 90, au service de la paix alors que le
monde est marqué par de très graves conflits militaires. Marqué par le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 et
par la guerre de Bosnie, sa dévotion à la paix en est accrue. Et c’est dans ce contexte qu’il devient le 7 e secrétaire
général des Nations unies le 1er janvier 1997. On retiendra qu’il s’agit du seul Secrétaire général de l’ONU ayant
accédé aux plus hautes responsabilités par la promotion interne. Le 29 juin 2001, année durant laquelle il reçoit
un prix Nobel de la paix, sur recommandation du Conseil de sécurité, il est réélu pour un second mandat qui ar-
rive à échéance le 31 décembre 2006.

II Contexte post guerre froide

D’abord, dans le contexte de fin de la Guerre froide, le Secrétaire général des Nations unies Boutros Ghali
présente en 1992 un Agenda pour la paix qui comporte quatre types de mission:

• la diplomatie préventive des conflits (peacemaking) : utiliser la médiation et la négociation pour


faciliter la résolution de conflits ;
• le maintien de la paix (peacekeeping) : déployer des troupes de l’ONU pour empêcher les hostilités sur
site, maintenir le cessez-le-feu, protéger les populations
• l’imposition de la paix (peace enforcement) : application de sanctions en cas de menace à la paix telles
que l’usage de la force militaire.

• La consolidation de la paix (peacebuilding) : mission de reconstruction après les hostilités ayant pour
but d’aboutir à une paix durable et la reprise des activités politiques et économiques.

Aussi, depuis cette date, les Nations unies disposent d’un Département des opérations de maintien de la paix,
fournissant un appui administratif et technique aux missions.

Ensuite, l’Organisation des Nations unies fait face à des difficultés diverses au sortir de la Guerre froide :

• Durant la Guerre froide, l’ONU est nettement en retrait compte tenu de la bipolarisation des relations
internationales.
• Aucune des grandes opérations de la première moitié des années 1990 n’a été un succès.
• Boutros Boutros Ghali est en conflit avec les États-Unis, qui s’inquiètent de ce qu’ils considèrent
comme une certaine ingérence dans leurs relations internationales. Il n’est donc pas réélu.

• L’accroissement du terrorisme et des guerres civiles

On peut supposer que c’est à cause de ses multiples facteurs que la diversification de ses missions a
connu des débuts poussifs.

III Ambitions et réussites

C’est dans le contexte précédemment décrit que Kofi Annan arrive à la tête des Nations Unies pour remplacer
Boutros Boutros Ghali dont la présidence de Clinton avait eu la tête. Le diplomate ghanéen arrive avec bons
nombres d’ambitions que l’on retrouve dans son programme de 1997 qui consistait en une rénovation des Na-
tions unies en plusieurs axes qui ont tous pour but de mettre l’humain et les populations civiles au cœur de la
politique de l’ONU. C’est ainsi que celle-ci a été des plus proactives multipliant ses actions  :

- D’abord, son action a consisté à prévenir les conflits armés, notamment en Afrique et au Moyen-Orient,
puisque la décennie 1990 peut être considérée comme une décennie du chaos en témoigne les conflits irakiens
ou Rwandais. Son action a contribué à faire reconnaître en 2005 un droit des Nations unies à intervenir dans les
conflits pour protéger les populations civiles.

-Kofi Annan développe aussi l’idée forte d’un « devoir de protéger » incombant à l’ONU. Cela revient à une
forme de devoir d’ingérence que l’on peut définir comme «le droit d’assistance humanitaire aux victimes de si-
tuations d’urgence » Cette volonté se traduit sous ses mandats par l’augmentation continue des théâtres d'opé-
rations. Les casques bleus sont 20 000 en 1997 et plus de 90 000 en 2006. Et l’ONU intervient maintenant non-
seulement dans les conflits inter-étatiques mais aussi dans les guerres civiles notamment en Afrique où ont eu
lieu environ la moitié de ses 23 interventions.

- Ensuite, l’ONU fixe les objectifs du millénaire qui sont la réduction de la pauvreté et la quête de
développement, non seulement économique mais aussi social et humain à travers par exemple la lutte contre le
SIDA.

- Dans la même optique de mettre l’humain au cœur des préoccupations, Kofi Annan fait signer des
partenariats entre les entreprises, les ONG et les États.
Ainsi, le Global Compact est lancé en 2000 pour que tous les acteurs de la communauté internationale
travaillent dans le même sens.

- Une autre action se fait en faveur de la rédaction d’un nouveau droit international à travers de nouvelles
institutions. Par exemple, avec la Cour pénale internationale instituée en 2002 dans le cadre de l’ONU pour
juger des crimes de guerres et des crimes contre l’humanité. Il a aussi favorisé au sein de l’ONU la création d’un
Conseil des droits de l’Homme.

IV Limites de ses actions

Malgré certaines franches réussites précédemment décrites les mandats de Kofi Annan sont aussi marqués par
des échecs qui sont multiples qui sont principalement axées autour de l’échec du principe de la sécurité globale
et un ascendant pris par l’unilatéralisme sur le multilatéralisme. Les limites de ses mandats sont donc :
• Les Etats-Unis cherchent à marginaliser l’ONU. En septembre 2003, Georges W. Bush relance les attaques,
en évoquant le spectre de la Sociétés des Nations (SDN), qui dans les années 1930 avait échoué à empêcher la
Seconde Guerre mondiale.

•  Elle n’a pu éviter que se constitue un « groupe de contact » constitué des Etats-Unis, de la Russie, de la
France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne qui travaillent conjointement sans prendre en compte les autres
pays.

•  Elle ne parvient pas à faire contrepoids à un « concert de puissances » et abandonne soit aux Etats-Unis,
soit à l’OTAN ou à une coalition d’Etats, le règlement des conflits. La seconde guerre en Irak, en 2003, est
révélatrice de cette mise à l’écart. La décision d’attaquer l’Irak, accusé de posséder des armes de destruction
massive et de soutenir le terrorisme islamiste, est prise malgré les fortes oppositions de nombreux pays et sans
l’aval de l’ONU.

•  En 2002, lors de la création de la Cour Pénale Internationale  pour juger les individus coupables de crimes
contre l’humanité, ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni les Etats du Proche-Orient ne reconnaissent son autorité.

•  Elle se heurte à la difficulté de faire appliquer son droit d’ingérence systématiquement faute de moyens
militaires suffisants.

•  Son action est remise en cause par la crise budgétaire, depuis que les pays contributeurs, au premier rang
desquels les Etats-Unis, refusent de payer leur quote-part. L’ONU est au bord de la faillite.

•  Elle n’a pas d’armée permanente et les missions des casques bleus hésitent souvent entre interposition et
coercition.

• La saga du programme « Pétrole contre nourriture » qui incrimine le ghanéen qu’on tient pour responsable
de l’échec du programme et que l’on accuse d’avoir eu un rôle dans les détournements de fonds de Saddam
Hussein.

Conclusion :

En somme, on peut reconnaître à Kofi Annan une empreinte laissée à l’ONU parmi les plus éminentes, il a en
effet été célébré comme le secrétaire général le plus influent et charismatique de l’ONU depuis sa fondation. Son
œuvre au service de la paix a été reconnue internationalement. D’une certaine manière, il a « réveillé l’ONU » et
a lancé des pistes de réformes que sont la participation élargie de la société civile de l’ONU à travers les ONG,
une attention plus grande portée au développement humain et social et le développement du devoir d’ingérence.
Cependant, son bilan est à contraster car après 2006 l’ONU n’a pas réellement été réformée. Les blocages
perdurent, comme a pu le montrer l’échec de la guerre civile syrienne. Le « devoir de protéger » n’a pas abouti.
Malgré tout, il apparaît difficile de pleinement imputé cela à Kofi Annan puisque comme aimait à le répéter
Boutros Boutros-Ghali, l'ONU n'est jamais que la somme des Etats qui la composent.

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