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Chapitre 1 : LE MONDE AU LENDEMAIN DE LA

SECONDE GUERRE MONDIALE

Introduction

La seconde guerre mondiale est une rupture profonde. Commence, pour certains, après la
guerre un « second XXème siècle ». Ce fut une guerre idéologique, les idéologies prenant en
effet une grande importance. On entre dans l’ère nucléaire, désormais, les progrès de la
sciences peuvent être terrifiants. De ce fait, il apparaît nécessaire de construire la paix pour
éviter le pire. Ceci confirme la toute puissance des États-Unis, seul pays à disposer de l’arme
nucléaire. Les bombes atomiques sont néfastes, elles causes des centaines de milliers de morts
sur le coup et après. Après la seconde guerre mondiale, il y a donc véritablement conscience
que l’humanité est coupable du pire. 1945 est donc bel et bien une année 0. On se demande
alors : est-ce que le monde sera-t-il reconstruit à l’identique ou sur des bases entièrement
nouvelles ?

I/ Le bilan de la Seconde Guerre mondiale

1. hécatombe démographique

La Seconde Guerre mondiale est le conflit le plus meurtrier de l’Histoire, elle comptabilise
environ 60 millions de victimes, contre 9 millions pour la première. C’est une vraie guerre
mondiale, à l’échelle planétaire. Toutefois, les parties du mondes les plus touchées sont
l’Europe, et surtout l’Europe de l’Est avec la Russie, la Pologne et l’Allemagne.

De plus, il existe de nouvelles armes qui tuent plus de civils. D’abord, les victimes sont celles
du système concentrationnaire. De ce fait, on peut compter 15 millions de victimes dues à ce
système, dont 5 à 6 millions de juifs. Les gens ont aussi été victimes de bombardements comme
celui d’Hiroshima, de Nagazaki ou de Dresde (135 000 morts le 8 février 1942). Enfin, on peut
parler des massacres d’otages ou des représailles, l’un des plus connus étant Oradour-sur-
Glane.

La population a aussi souffert de séquelles démographiques, entraînant le déficit de naissances,


les couples ayant été séparés, les enfants ne sont pas nés. De même il y a aussi la malnutrition,
rendant sensibles la population aux maladies, d’où une surmortalité. Les sociétés sont
féminisées, les hommes mourant plus à la guerre, de même, la population vieillit à cause du
manque de naissances. Le tout entraîne alors une reconstruction qui s’annonce difficile. On fait
donc appel à une main d’œuvre étrangère, venant surtout des colonies.

On va aussi assister à d’importants transferts de population. D’abord, la fuite des Allemands


installés en Europe de l’Est devant l’armée rouge. Ensuite, le retour des rescapés du système
concentrationnaire. Enfin, le Service du Travail Obligatoire, STO, les Allemands obligeant les
gens des pays occupés à venir travailler en Allemagne.

2. bilan économique et matériel

On a d’importantes destructions. Elles sont avant tout causées par les bombardements, surtout
pour les villes comme pour Londres. Cependant, les résistantes sabotent aussi routes ou autres
gares. Enfin, la politique de terre brûlée est de casser tout sur son passage pour ralentir la
progression adverse. Mais aussi, deux armées qui se battent provoquent des dommages
collatéraux, comme à Stalingrad (11/1942 – 02/1943), bataille remportée par les Soviétiques.
Cette première défaite allemande deviendra un symbole. La seconde grande bataille symbole
est celle de Berlin, encore une fois remportée par les Soviétiques. L’URSS s’impose donc
comme vainqueur. A cause de cela, les économies sont ruinées et l’appareil productif est
désorganisé.

La reconversion à l’économie de paix est difficile. D’abord, les Alliés sont endettés au profit
des États-Unis, qui représentent l’arsenal des démocraties. Ensuite, on a une pénurie qui
conduit au rationnement, en France, il dure jusqu’en 1949. De même, cela entraîne l’inflation,
une hausse des prix. De ce fait, on a une crise sociale, d’où des grèves. Le développement du
communiste est donc favorisé.

3. Profond traumatisme moral

La Seconde guerre mondiale a été un choc moral dû à la prise de conscience du mépris de la


personne humaine. Ceci entraîne la mise en place de tribunaux exceptionnels : Nuremberg et
Tokyo, organisés par les vainqueurs entre 1945 et 1946. A travers ces procès est introduite dans
le droit international la notion de crime contre l’humanité. Ces procès sont les ancêtres de la
CPI (Cour Pénal Internationale) mise en place en 2002, dépendant de l’ONU, habilitée à juger
tous les crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

La responsabilité collective arrive après la seconde guerre mondiale, comme le sentiment de


culpabilité. En Allemagne, après la guerre, on va assister à un vrai travail de réflexion, ainsi
toutes les grandes entreprises vont donner leurs archives aux historiens. Il n’y a pas de tabou,
de censure. Au Japon, à l’inverse de l’Allemagne, la pays est devenu un peuple victime, il ne
veut rien savoir.

Une ambiance de guerre civile règne dans les pays occupés, on va d’abord le percevoir en
France, en Belgique et en Yougoslavie.

L’Europe est discréditée auprès des colonies. Ainsi, on va assister à une multiplication des
sursauts anticolonialistes. Le 8 mai 1945, jour de capitulation allemande, une insurrection a lieu
à Sétif, en Algérie, et se transforme en massacre. Le 2 septembre 1945, jour de capitulation
japonaise, au Vietnam, Ho Chi-Minh proclame l’indépendance du Vietnam.

Tout montre qu’en 1945, il y a le souhait d’une paix durable et d’un monde plus juste et
meilleur, d’où le succès d’après guerre de l’idéologie communiste.

II/ La construction de la paix

1. La naissance de l’ONU

L’Organisation des Nations Unies est à la base une idée de Roosevelt, comme le fut la Société
des Nations pour Wilson après la guerre de 1914. Après une charte en 1941 évoquant un
système vaste et permanent de sécurité et une volonté en 1943 de transformer les nations unies,
une coalition militaire contre le fascisme, en une organisant destinée à préserver la paix, en
1945, la Charte de San Francisco fait se réunir les 51 états fondateurs de l’ONU, l’organisation
s’installera à New York dès 1946.

L’ONU s’appuie sur plusieurs principes. D’abord, on veut un retour à un certain idéal de
sécurité collective fondée sur une nécessaire coopération internationale, ainsi, chaque État est
l’égal des autres, 1 État = 1 voix. De plus, tout pays agresseur ou violent les Droits de
l’Homme peut être suspendu de son droit de vote à l’Assemblée général ou être victime de
sanctions. Tout conflit doit aussi se régler de manière pacifique, sans aucune ingérence. En
1956, avec l’affaire de Suez, l’idée d’une force armée internationale apparaît. En décembre
1948, c’est l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. L’ONU est donc
le rêve d’une société mondiale capable de régler ses conflits par la négociation plutôt que par
les armes et de promouvoir les droits de l’homme sur la planète.
L’ONU se compose de plusieurs organes. Le premier, l’Assemblée générale, organe de
délibération dont les résolutions sont des recommandations sans force de loi. Le conseil de
sécurité est l’organe responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationale, il vote
les sanctions. Il se compose de 11 membres dont 5 permanents, les États-Unis, la France, le
Royaume-Uni, l’URSS et la Chine, et de 6 membres élus tous les deux ans. Chaque membre
vaut autant seulement les cinq fondateurs possèdent un droit de véto. Le secrétaire général est
élu pour 5 ans, il est au service des autres organismes et représente l’ONU sur la scène
internationale. Des organismes intergouvernementales apparentées à l’ONU dans des domaines
non politiques sont aussi là, destinées à consolider la coopération internationale : UNESCO,
OMS, UNICEF, ESOCOC, Cour internationale de justice de La Haye …

Le « Machin » (dixit De GAULLE), est le reflet des nouveaux rapports de force internationaux
issus de la Seconde guerre mondiale :

→ Exclusion des vaincus et action prépondérante des puissantes victorieuses.

→ Recrutement élargi à l’Asie, Afrique et Amérique Latine dès la décolonisation = entrée de


nouveaux États sur la scène internationale.

→ L’Europe n’est plus au centre du monde des relations internationales, elle perd sa
souveraineté.

2. construction d’un nouvel ordre économique mondial

Le souvenir de 1929 va fortement influencer l’économie mondiale d’après 1945. En 1944 va


être organisée une conférence internationale à Bretton-Woods, près de New York, qui vise à
reconstruire l’économie et la prospérité mondiales. Fort de leur puissance économique, les
USA vont largement influencer les décisions prises. D’abord, le dollar est choisi comme
monnaie du commerce mondial. Ensuite, un Système Monétaire International est mis en place
en favorisant les EU. Enfin, sont créés à Bretton-Woods le FMI, Fonds Monétaire
International, et la BIRD, Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement,
deux organismes censés aider les pays à se reconstruire économiquement.

La crise de 1929 a été la cause du développement du protectionnisme économique visant à


protéger un marché en augmentant les taxes douanières. En 1945, on veut favoriser le libre-
échange, en diminuant considérablement les taxes entre les frontières. En 1947 sont signés les
accords du GATT, General Agreement on Tarifs and Trade. Depuis 1995, le GATT est
remplacé par L’Organisation Mondiale du Commerce.

III/ Vers un nouvel ordre mondial

1. Les deux grands vainqueurs de la guerre

Après la guerre, l’hégémonie des États-Unis est incontestable. Il y a eu peu de morts états-
uniens et aucun combat sur leur sol. Les États-Unis sont une puissance économique et
financière, ils sont sortis plus riche que en 1939 et concentrent ¾ de l’or mondial. C’est aussi
une puissance technologique et militaire, ce qui provoque la fascination des européens pour le
modèle états-unien. C’est aussi la fin de la doctrine Monroe (1832), qui prônait
l’isolationnisme, c’est-à-dire le refus d’intervenir dans les affaires européennes, et le
panaméricanisme, idée selon laquelle tout le continent américain était chasse gardée des États-
Unis. En 1945, c’est la fin de l’isolationnisme, les États-Unis se découvrent une vocation
mondiale, due à une mission divine, ils veulent sauver le monde.

La puissance soviétique, bien que fragile, est tout de même réelle. C’est avant tout une grande
puissance miliaire, d’où le nom de rouleau compresseur pour l’armée rouge, mais c’est aussi
une puissance idéologique et politique qui va bénéficier d’un prestige énorme après la guerre.
C’est enfin une puissance territoriale, l’armée rouge occupant 1/3 de l’Europe en 1945. Malgré
ses problèmes, l’URSS est donc en position de force à tel point qu’elle va annexer du territoire
sans que personne ne dise quoique ce soit, comme les États baltes et la Pologne orientale. En
URSS se pose le problème de sa reconstruction démographique et économique.

Deux grandes puissance idéologiquement opposées sont donc présentes. De fait, la disparition
de leurs ennemis communs va mettre fin à la « Grande Alliance ».

2. Le règlement du conflit

La conférence de Yalta a lieu en février 1945 avec Churchill (Angleterre), Roosevelt (États-
Unis) et Staline (URSS). L’absence de De Gaulle a de fait créé un mythe selon lequel les trois
grands se seraient partagés le monde, cependant, seules des décisions provisoires ont été prises.
Ainsi, Churchill obtient que la France soit puissance occupante, Roosevelt demande une aide
soviétique dans la guerre contre la Japon. On se « partage » aussi des zones d’occupation et les
armées occupantes doivent absolument respecter le principe des élections libres. D’autres
conférences devraient confirmer ces décisions, dont celle de Postdam (été 1945), avec Truman,
Staline et Attlee.

Le déclin réel de l’Europe, avec pour symbole l’Allemagne dont le sort est fixé à Postdam, est
réel. L’Allemagne est divisée en quatre zones d’occupation, autant le pays que Berlin. Le
territoire allemand est réduit au profit de la Pologne, qui a donc subi une translation. La
nouvelle frontière est fixée sur la ligne Oder-Neisse. L’Allemagne perd toute son autorité. Elle
est soumise aux forces d’occupations de par la dénazification, dans le but d’éradiquer tous les
nazis, de par la démilitarisation, absence d’armée, et de par la décartellisation, destruction des
grands groupes industriels allemands confonds dans le nazisme.

Conclusion

Les bombardements sont belles et bien le début d’une ère nouvelle, celle du déclin de l’Europe,
de l’émergence des deux vainqueurs qui n’ont plus rien en commun, celle d’un contexte
difficile de reconstruction politique, économique et sociale. On peut donc se demander si la
paix sera durable.
Chapitre 2 : LES TRANSFORMATIONS
ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DE 1945 À 1973

Introduction

Le terme de « 30 glorieuses » est souvent utilisé pour décrire la période inédite de croissance
régulière de plein-emploi entre 1945 et 1975 qu’ont connue les pays riches et industrialisés. La
croissance de cette période est portée par un certain nombre de facteurs qui seront présentés
dans cette section. Parmi les plus importants figurent le rattrapage de l’économie américaine
par les autres économies industrielles et le rôle stratégique de l’état dans la planification de ce
rattrapage.

I/ Les « 30 glorieuses » : De quoi parle-t-on ?

Entre 1945 et 1973, les pays d’Europe occidentale ainsi que le Japon connaissent une phase
d’expansion économique marquée par une croissance économique et une augmentation
régulière du niveau de vie sans précédent historique à cette échelle. Cette période leur permet
de rattraper le retard économique et technologique sur la puissance dominante, les EU. Cette
période est unique dans l’histoire de l’humanité car elle est une combinaison de
transformations économiques, sociales et politiques qui sont très spécifiques à cette période :
l’expansion de la société de consommation, la généralisation des méthodes tayloristes de
production à un nombre croissant de secteurs, et la mise en place de l’Etat providence.

Dans les années 1980, cette période sera appelée Trente glorieuses à partir du titre de
l’ouvrage que Jean Fourastié publiera en 1979 : Les Trente Glorieuses ou la révolution
invisible de 1946 à 1975. Fourastié lui-même puise aux Trois glorieuses de 1830 ce qui lui
permet d’insister sur le caractère révolutionnaire, c’est-à-dire en somme radicalement nouveau,
de l’accélération du rythme de progression du niveau de vie sur la période, et sur la fluidité
avec laquelle ces transformations radicales s’opèrent dans les principaux pays développés.

L’expression est franco-française et désigne communément la phase de la grande


expansion des économies de l’Europe occidentale et du Japon entre la fin de la Seconde Guerre
mondiale et le premier choc pétrolier. Les autres pays parlent en termes « d’âge d’or »
(Amérique) ou de « miracle économique » (Japon). Dès les années 1970, la croissance
économique ralentit significativement et est affectée par un grand nombre de crises déclenchées
soit par le commerce mondial (crises pétrolières, crise asiatique et des pays émergents de 1996-
97) soit par des mécanismes financiers (crises de dette des années 1980, crise internet en 2001
et crise des subprimes en 2008).

II/ Les caractéristiques macroéconomiques des « Trente Glorieuses »

D’un point de vue macroéconomique, les 30 glorieuses sont caractérisées par :

- Une croissance économique rapide et alimentée par l’investissement et les gains de


productivité : en moyenne, la croissance du PIB est de 5% par an (Graphiques 5.2.1 et
5.2.2 pour les Etats-Unis et la France).
- Peu de fluctuations et pas de crise économique pendant presque 30 ans : le graphique
5.2.1 montre que, dans le cas des Etats-Unis, la croissance est beaucoup plus régulière à
partir des trente glorieuses, notamment grâce à des politiques macroéconomiques
pertinentes et grâce à une grande stabilité des anticipations des agents
- La croissance de la production industrielle est forte, avec un accroissement annuel moyen
d’environ 5 % ; elle est facilitée par un faible coût de l’énergie (pétrole, charbon,
nucléaire) et par le rattrapage technologique des Etats-Unis alimenté par les importations
et les investissements directs dans les pays à niveau élevé de capital humain.

Les 30 glorieuses continuent de marquer les esprits des « baby boomers » parce que la situation
sociale d’une grande partie des ménages s’améliore régulièrement durant cette période sous
l’effet conjugué du plein-emploi, de la croissance régulière des revenus et de la diversification
de la consommation. La montée du niveau général d’éducation accélère aussi la mobilité
sociale ascendante pour une grande partie de la population
En moyenne, le taux de chômage est de 2,6% pour l’ensemble de l’Europe de l’Ouest, 1,6% au
Japon, c’est-à-dire au voisinage du taux de chômage frictionnel résultant du processus
d’ajustement sur le marché du travail.

L’équipement des ménages en biens durables et en logement augmente rapidement pour toutes
les classes sociales puisque le % d’ouvriers possédant une automobile ou une machine à laver
est multiplié par 10 en 20 ans, celui d’ouvriers possédant un réfrigérateur est multiplié par 30

Ces résultats sont en outre d’autant plus remarquables qu’ils ne sont pas accompagnés par
l’inflation, malgré le fait que l’économie soit au plein-emploi de ses capacités. L’inflation ne
s’accélèrera véritablement qu’au début des années 1970 et largement en raison de la croissance
rapide des coûts de production due aux chocs pétroliers. Les politiques économiques de « fine
tuning » keynésiennes mixant instrument monétaire et budgétaire parviennent à limiter les
fluctuations de la croissance ainsi qu’à limiter les déséquilibres comme l’inflation ou les
déficits commerciaux et budgétaires.

III/ Les explications « économiques » des 30 glorieuses : Investissement et gains de


productivité

L’explication des 30 glorieuses n’est pas à rechercher du côté de l’augmentation quantitative du


facteur travail mais plutôt de l’augmentation de la quantité de capital par travailleur et de
l’augmentation conséquente de la productivité du travail.

La croissance démographique est rapide (recul de la mortalité, regain de natalité à partir de


1946 = baby-boom), mais la croissance de la population active reste modérée puisque la
génération nombreuse n’arrive sur le marché du travail qu’à partir de la fin des années 1960.
Avant les années 1970, les migrations complètent les besoins du marché du travail en France,
Allemagne, ou Angleterre, parfois en lien avec les anciennes colonies.

1. Déterminants de la croissance

La croissance régulière de la productivité du travail a plusieurs explications. Tout d’abord, les


transferts de main d’œuvre de l’agriculture vers l’industrie et les services où la productivité est
beaucoup plus forte s’accélèrent. Ensuite, des transferts de technologies s’opèrent des EU vers
l’Europe (plan Marshall) et le Japon sur des secteurs déjà développés depuis la première moitié
du siècle aux EU (pétrochimie, électronique, aérospatiale) et les entreprises industrielles et
tertiaires mettent en place des organisations scientifiques / tayloriste du travail qui stimulent la
productivité. Enfin, la mise en œuvre de ces transferts de technologie requiert de hauts niveaux
d’investissement publics et privés (jusqu’à 25% en RFA et 30% au Japon entre 1950 et 1970).
Comme le capital physique augmente plus vite que le travail, l’intensité capitalistique de la
production augmente partout. Comme chaque travailleur dispose donc de plus de capital et la
production par travailleur (productivité du travail) augmente comme dans le modèle de
croissance de Solow (1957).

2. La mise en place d’un capitalise mixte fortement régulé par l’Etat

Les grandes crises des années 1930 et de la 2 ème guerre mondiale ont provoqué de profondes
mutations du capitalisme dans les pays industrialisés. Au lendemain de la 2GM, les nécessités
de la reconstruction et le souvenir du chômage de masse des années trente et de l’incapacité du
marché à sortir les économies de la récession légitiment une intervention forte de l’Etat dans
l’organisation et la régulation de l’économie. Le capitalisme libéral devient capitalisme régulé
et coordonné par l’état. Pourtant, quel que soit le niveau d’intervention de l’Etat, les
fondements du capitalisme (propriété privée, accumulation et profits, marché, salariat) restent
respectés dans les pays développés. Cependant, les modalités de socialisation/étatisation des
économies varient selon les pays et régions.

En France, la coordination de l’économie par l’Etat prend la forme des nationalisations dans les
secteurs de l’énergie, de la finance et dans les principaux secteurs industriels dès la fin de la
2GM. En transformant le capital d’un grand nombre d’entreprises privées en propriété de
l’Etat, les nationalisations représentent une rupture du principe de l’efficacité de l’appropriation
privée des moyens de production qui est une caractéristique centrale du capitalisme. Cette
rupture est d’abord liée à des justifications politiques (sanctions de la coopération avec les
allemands pendant la 2GM comme pour Renault). Mais elle poursuit également des objectifs
économiques puisqu’il faut reconstruire, et que le capitalisme n’a pas su relever économies de
la crise ni les préparer à la guerre. Les nationalisations sont donc dictées par la défense de
l’intérêt général : orienter l’économie française vers le rattrapage technologique des Etats-Unis
créer des emplois grâce à des investissements élevés dans l’industrie financés par des banques
qui prennent des risques au nom de la collectivité et qui pratiquent des taux d’intérêt bas sous
le contrôle de l’Etat.

La planification incitative en France définit aussi par concertation (patronat, syndicats,


fonctionnaires) de grands objectifs au service desquels sont mis les investissements publics et
la fiscalité. Dans ce cadre, une politique ambitieuse de la recherche est mise en place dès 1958
sur la base d’organismes publics de recherche comme le CNRS. Les décisions collectives et
centralisées sont jugées plus conformes à l’intérêt général que la somme des décisions
décentralisées (la main invisible). Ici, c’est le principe de la supériorité du marché pour orienter
les investissements qui est remis en question. L’Etat français est alors dit « colbertiste » (en
référence à la politique volontariste de développement manufacturier de Colbert le ministre des
finances de Louis XIV) puisqu’il se substitue aux défaillances de l’initiative privée. Lorsque les
investissements privés reprennent de la vigueur à la fin des années soixante, l’Etat français
mène une politique industrielle active de « champions » nationaux sur des secteurs jugés
stratégiques. Le marché reprend alors progressivement ses droits puisque ce sont les évolutions
de demande et de prix qui déterminent ces secteurs sur lesquels est porté l’effort public. La
concurrence est tout de même limitée par une fermeture relative du marché national qui est
privilégié.

Les nationalisations et la planification incitative sont une spécificité française. En Allemagne


ou en Grande-Bretagne, les Etats seront moins interventionnistes et le marché occupera une
place plus grande dans la coordination des investissements et la reconstruction. Parallèlement,
les Etats de tous les pays riches mettent en place des politiques conjoncturelles et structurelles
très actives. Stimulation ou restriction des dépenses publiques et modulations de la fiscalité
permettent d’orienter les comportements des ménages et des entreprises et à contrer les
mécanismes du marché. Les politiques keynésiennes de maintien de la production près du
plein-emploi (keynésianisme pur) ou de stop en go (impur) sont menées dans tous les pays
développés et stabilisent la croissance en atténuant les fluctuations et en contrôlant l’inflation.

Ce dispositif de très forte intervention de l’Etat dans le marché et le capitalisme a créé un


environnement économique et social très stable et donc très favorable à l’accumulation et à la
croissance régulière de la production. Mais la crise des années soixante-dix (stagflation et
chômage de masse), l’épuisement des gains de productivité et de la demande standardisée et
l’intensification de la contrainte extérieure (déficits extérieurs, flottement des changes) et de la
concurrence mondiale remettent en cause ce modèle d’économie mixte.
Chapitre 3 : La guerre froide de 1945-1991
Introduction

La guerre froide est une longue épreuve de force qui s’est engagée, au lendemain de la
capitulation de l’Allemagne hitlérienne, entre les États-Unis et l’Union soviétique. En 1941,
l’agression nazie contre l’URSS faisait du régime soviétique un associé des démocraties
occidentales. Mais dans l’organisation du monde d’après-guerre, des points de vue de plus en
plus divergents opposent les alliés d’hier.

Progressivement, les États-Unis et l’URSS se construisent leurs zones d’influence respectives


et divisent le monde en deux camps antagonistes. La guerre froide n’est donc pas
exclusivement une affaire américano-soviétique, c’est un conflit global qui touche de
nombreux pays, dont notamment le continent européen. Celui-ci, divisé en deux blocs,
devient en effet l’un des théâtres majeurs de l’affrontement. En Europe de l’Ouest, le
processus de l’intégration européenne s’amorce avec le soutien des États-Unis, tandis que les
pays de l’Europe de l’Est deviennent des satellites de l’URSS.

À partir de 1947, les deux adversaires, utilisant toutes les ressources de l’intimidation et de la
subversion, s’opposent dans un long conflit stratégique et idéologique ponctué de crises plus
ou moins violentes. Même si les deux Grands ne s’affrontent jamais directement, ils amènent
le monde à plusieurs reprises au bord de la guerre atomique. Seule la dissuasion nucléaire
empêche un affrontement militaire. Paradoxalement, cet «équilibre de la terreur» stimule tout
de même la course aux armements. Les phases de tensions alternent avec des périodes de
détente ou de réchauffement des relations entre les deux camps. Le politologue Raymond
Aron a parfaitement défini le système de la guerre froide dans une formule qui fait mouche:
«paix impossible, guerre improbable».

La guerre froide s’achève finalement de fait en 1989 avec la chute du mur de Berlin et
l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’Est.

I. Vers un monde bipolaire (1945-1953)

La fin de la Seconde Guerre mondiale ne conduit pas à un retour à la normale mais annonce
au contraire l'émergence d'un nouveau conflit. Tandis que les grandes puissances
européennes, maîtresses de la scène internationale dans les années 1930, sont épuisées et
ruinées par la guerre, deux nouvelles superpuissances dominent la scène internationale. Deux
blocs se constituent autour d’une part, l’Union soviétique, et d’autre part, les États-Unis. Les
autres pays sont désormais obligés de se ranger dans un des deux camps.

Agrandie sur le plan territorial, l'URSS sort de la guerre auréolée du prestige de la lutte contre
l'Allemagne hitlérienne. Elle est galvanisée par sa résistance héroïque à l'ennemi dont
témoigne la victoire de Stalingrad. L'URSS offre aussi le visage d'un modèle idéologique,
économique et social qui rayonne comme jamais avant en Europe. De plus, contrairement à
l’armée américaine, l'Armée rouge n'est pas démobilisée à la fin de la guerre. L'Union
soviétique dispose de ce fait d'une réelle supériorité numérique en hommes et en armement
lourd.

Les États-Unis sont les grands vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale. Leurs pertes
humaines et matérielles sont relativement faibles et même si l’armée américaine est presque
entièrement démobilisée quelques mois après la fin des hostilités, les États-Unis restent la
première puissance militaire. Leur flotte de guerre et leur aviation n’ont pas d’égal et ils ont
jusqu’en 1949 le monopole de l’arme atomique. Ils peuvent en outre s’affirmer comme la
première puissance économique mondiale, tant en ce qui concerne le volume des échanges
commerciaux que la production industrielle et agricole. Les Américains possèdent désormais
les deux tiers du stock d’or monétaire mondial et le dollar devient la monnaie d’échange
internationale de référence.

Peu à peu, les conflits d'intérêts entre les nouvelles puissances mondiales se multiplient et une
atmosphère de méfiance et de peur s’installe. Chacun des deux redoute la nouvelle puissance
de l’autre. Les Soviétiques se sentent encerclés et menacés par les Occidentaux et accusent les
États-Unis de mener une « expansion impérialiste ». De leur côté, les Américains s’inquiètent
de l’expansion communiste et reprochent à Staline de ne pas respecter l’accord de Yalta sur le
droit des peuples libérés à disposer d’eux-mêmes. Il en résulte une longue période de tensions
internationales, ponctuée de crises aiguës débouchant parfois sur des conflits militaires locaux
sans pourtant déclencher une guerre ouverte entre les États-Unis et l'URSS. À partir de 1947,
l'Europe, divisée en deux blocs, se trouve au centre de l'affrontement indirect entre les deux
superpuissances. La guerre froide atteint son premier moment fort lors du blocus de Berlin.
L'explosion de la première bombe atomique soviétique, en été 1949, vient conforter l'URSS
dans son rang de puissance mondiale. Cette situation confirme les prédictions de Winston
Churchill qui, en mars 1946, est le premier homme d’État occidental à parler publiquement
d'un "rideau de fer" qui coupe désormais l'Europe en deux.

A. La paix manquée

La Seconde Guerre mondiale a bouleversée la carte du monde. Le bilan humain et matériel est
le plus grave que l'humanité n’ait jamais connu. L'Europe, exsangue et à bout de souffle, est
en ruine et en proie à la confusion la plus totale: usines et voies de communication détruites,
échanges commerciaux traditionnels rompus, pénuries de matières premières et de biens de
consommation.

Même avant la capitulation des pays de l’Axe, les trois Grands, Américains, Anglais et
Russes, s’efforcent de régler le sort du monde d’après-guerre. Du 28 novembre au 2
décembre 1943, la conférence de Téhéran est la première rencontre au sommet entre Winston
Churchill, Joseph Staline et Franklin D. Roosevelt. Elle trace les grandes lignes de la
politique internationale de l'après-guerre. Les dirigeants parlent notamment du débarquement
en Normandie, alors fixé au 1er mai 1944, du sort de l’Allemagne et de son éventuel
démembrement ainsi que de l'organisation du monde au lendemain du conflit. Ils décident de
confier l'étude de la question allemande à une commission consultative européenne. Deux
autres conférences interalliées vont suivre, l’une à Yalta (du 4 au 11 février 1945), l’autre à
Potsdam (du 17 juillet au 2 août 1945).

Mais très vite, l’étroite alliance de la guerre fait place à la méfiance. Lors des conférences de
paix, les trois Grands s’aperçoivent rapidement que des points de vue de plus en plus
divergents opposent Occidentaux et Soviétiques. Les anciens antagonismes que la guerre a
fait taire resurgissent et les puissances alliées ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un
traité de paix.

1. La conférence de Yalta

Du 4 au 11 février 1945, Winston Churchill, Joseph Staline et Franklin D. Roosevelt se


réunissent à Yalta, au bord de la mer Noire, en Crimée, afin de régler les problèmes posés par
la défaite inéluctable des Allemands. Roosevelt est surtout soucieux d’obtenir la collaboration
de Staline, tandis que Churchill redoute la puissance soviétique. Il voudrait éviter une trop
grande prise d’influence de l’Armée rouge en Europe centrale. Or, à cette époque, les troupes
soviétiques se trouvent déjà au cœur de l’Europe, alors que les Anglo-américains n’ont pas
encore franchi le Rhin.

Les trois Grands s'entendent tout d'abord sur les modalités d’occupation de l'Allemagne:
l’Allemagne serait divisée en quatre zones d’occupation, la France recevant une zone
d'occupation en partie prélevée sur celles du Royaume-Uni et des États-Unis. Berlin, placé en
zone soviétique, serait également partagé en quatre secteurs.

L’URSS obtient le déplacement de la frontière orientale de l’Allemagne jusqu’à la ligne


Oder-
Neisse, plaçant en Pologne presque toute la Silésie, une partie de la Poméranie, une partie du
Brandebourg oriental et une petite région de Saxe. Le nord de la Prusse orientale, autour de la
ville de Königsberg (rebaptisée Kaliningrad) est incorporé à l’URSS. Comme frontière
orientale de la Pologne, Staline impose «la ligne Curzon» qui maintient dans l’orbite de
Moscou tous les territoires ukrainiens et biélorussiens. Les trois chefs d'État signent
également une «déclaration sur la politique à suivre dans les régions libérées», texte qui
prévoit l'organisation d'élections libres et la mise en place de gouvernements démocratiques.

Les États-Unis obtiennent de l’URSS son entrée en guerre contre le Japon et Roosevelt voit
aboutir le projet de l'Organisation des Nations unies (ONU), qui sera créée le 25 avril 1945.

Yalta apparaît comme l'ultime tentative d'organiser le monde sur une base de coopération et
d'entente. Le monde n'est pas encore partagé en deux hémisphères d'influence, mais les
Occidentaux sont contraints d'accepter le rôle de Staline dans les territoires libérés par les
chars soviétiques. L'Europe centrale et orientale est désormais sous l'influence exclusive de
l'Armée rouge.

2. La conférence de Potsdam

La dernière des grandes conférences interalliées se déroule du 17 juillet au 2 août 1945 à


Potsdam, près de Berlin. Six mois plus tôt, en Crimée, Churchill, Roosevelt et Staline avaient
préparé l’après-guerre, mais les promesses de Yalta ne vont pas résister aux rapports de force
sur le terrain. Le climat s’est profondément modifié entre-temps: L’Allemagne a capitulé le 8
mai 1945 et la guerre est finie en Europe. Le Japon résiste avec opiniâtreté aux
bombardements américains, mais les Etats-Unis disposent d’un atout de taille: le 16 juillet a
lieu dans un désert du Nouveau-Mexique le premier essai de la bombe atomique. À Potsdam,
Harry Truman remplace Franklin D. Roosevelt, décédé le 12 avril 1945, et Clement Attlee
prend la tête de la délégation britannique après la défaite de Winston Churchill aux élections
législatives du 26 juillet. Seul Joseph Staline participe en personne à toutes les conférences
interalliées.

L’atmosphère est beaucoup moins cordiale qu’à Yalta. Quelques semaines avant la
capitulation du Reich, l’Armée rouge a réussi à occuper à grande vitesse la partie orientale de
l’Allemagne, une partie de l’Autriche ainsi que toute l’Europe centrale. Conscient de cet
avantage sur le terrain, Staline en profite pour mettre en place dans les pays libérés par les
Soviétiques des gouvernements communistes. Tandis que les Occidentaux se plaignent de
leur impossibilité de contrôler les élections organisées dans les pays occupés par l’Armée
rouge, Staline impose un profond remodelage de la carte de l’Europe orientale. Dans l’attente
des traités de paix, les Anglais et les Américains acceptent provisoirement les annexions
soviétiques ainsi que les nouvelles frontières fixées à la ligne Oder-Neisse. Les accords de
Potsdam entérinent aussi les gigantesques transferts de populations.

Les trois chefs d'État se mettent cependant d’accord sur des modalités pratiques du
désarmement complet de l’Allemagne, de la destruction du parti national-socialiste, de
l'épuration et du jugement des criminels de guerre et du montant des réparations. Les
négociations concluent aussi à la nécessité d'une décartellisation des industries allemandes et
à la mise sous séquestre des puissants Konzern qui doivent être éclatés en plus petites sociétés
indépendantes. Les accords intervenus précédemment sur le régime d’occupation de
l’Allemagne et de l’Autriche sont confirmés.

À Potsdam, des points de vue de plus en plus contradictoires opposent les trois Grands. Il ne
s’agit désormais plus de s’unir pour vaincre le nazisme, mais de préparer l’après-guerre et à
se diviser le « butin ». Ainsi, quelques mois seulement après le communiqué si confiant de
Yalta, des divergences profondes se creusent entre Occidentaux et Soviétiques.

B. Les États-Unis et le bloc de l’Ouest

À partir de 1947, les Occidentaux s’inquiètent de plus en plus de la progression du


communisme: dans plusieurs pays européens, les communistes participent activement aux
gouvernements de coalition (Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Pologne, France, Belgique et
Italie) et réussissent même parfois à écarter les autres partis du pouvoir. La Grèce est en proie
à une guerre civile depuis l’automne 1946 et la Turquie est à son tour menacée.

1. La doctrine Truman

Dans cette atmosphère internationale tendue, le président américain Harry S. Truman rompt
avec la politique de son prédécesseur Franklin D. Roosevelt et redéfinit les grandes lignes de
la politique extérieure des États-Unis. Le 12 mars 1947, le président présente devant le
Congrès américain sa doctrine du containment, qui vise à fournir une aide financière et
militaire aux pays menacés par l’expansion soviétique. Visant explicitement l’endiguement de
la progression communiste, la doctrine Truman pose les États-Unis en défenseurs d’un monde
libre face à l’agression de l’URSS. Des crédits d'environ 400 millions de dollars seront ainsi
accordés à la Grèce et la Turquie. Cette nouvelle doctrine légitimera l’activisme des États-
Unis pendant la guerre froide.
En appliquant la doctrine d’endiguement, les Américains encouragent, entre autres, la Turquie
à rejeter les revendications soviétiques concernant la cession de bases navales au détroit du
Bosphore et ils obtiennent le retrait des troupes russes d’Iran. Entre-temps, depuis mars 1947,
la lutte contre l’espionnage soviétique s’organise et la Central Intelligence Agency (CIA)
devient le service de renseignements américain. Ces changements de la politique extérieure
marquent un véritable tournant dans l’histoire des États-Unis, qui jusqu’ici voulaient rester à
l’écart des querelles européennes. Dorénavant, il n’est plus question pour eux de jouer la carte
de l’isolationnisme.

2. Le plan Marshall et la création de l’OECE

En même temps, le secrétaire d’État américain, George C. Marshall, s’inquiète de la mauvaise


situation économique de l’Europe. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les
échanges commerciaux intereuropéens sont en effet ralentis par le manque de devises et
souffrent de l'absence d'une organisation économique internationale capable d'organiser
efficacement le commerce mondial.

Les États-Unis, qui ont le plus grand intérêt à favoriser ces échanges pour gonfler leurs
exportations, envisagent dès lors de relever l'économie européenne via un programme
structurel d'envergure. Pour eux, il s'agit de protéger la prospérité américaine et d'éloigner le
spectre de la surproduction nationale. Mais la volonté des États-Unis d'accorder une aide
économique massive à l’Europe trouve également son origine dans des préoccupations
politiques. La peur de l'expansion communiste en Europe occidentale est sans doute un
facteur décisif tout aussi important que la conquête de marchés nouveaux. Les Américains
proposent donc de lutter contre la misère et la faim en Europe qui, selon eux, entretiennent le
communisme.

Ainsi, dans un discours qu'il prononce le 5 juin 1947 à l'Université Harvard de Cambridge, le
général Marshall propose à tous les pays d'Europe une assistance économique et financière
conditionnée par une coopération européenne plus étroite. C'est le plan Marshall ou le
European Recovery Program (ERP).

Très intéressées, la France et la Grande-Bretagne convoquent trois semaines plus tard à Paris
une conférence à laquelle ils convient aussi l'URSS dans le but d'élaborer un programme
commun en réponse à l'offre du général Marshall. Mais Viatcheslav Molotov, ministre russe
des Affaires étrangères, refuse catégoriquement le moindre contrôle international et s'oppose
au relèvement économique de l'Allemagne.

L'Union soviétique rejette définitivement l'offre Marshall et dissuade ses pays satellites et la
Finlande voisine de solliciter l'aide américaine. Ceux qui étaient intéressés, comme la Pologne
et la Tchécoslovaquie, doivent s’incliner. Ce refus approfondit la coupure entre l'Est et
l'Ouest de l'Europe.

Finalement, seize pays s'empressent d'accepter le plan Marshall: Autriche, Belgique,


Danemark
(avec les îles Féroé et le Groenland), France, Grèce, Irlande, Islande, Italie (et Saint-Marin),
Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal (avec Madère et les Açores), Royaume-Uni,
Suède, Suisse (avec le Liechtenstein) et Turquie. Ils mettent immédiatement sur pied un
Comité de coopération économique européenne (CCEE) qui dresse un rapport fixant les
tâches prioritaires de l'économie européenne. Mais les Américains exigent que ces pays
assurent eux-mêmes la gestion et la redistribution des fonds. Le CCEE prévoit alors la
création d'un organisme permanent de coopération. Le 16 avril 1948, les seize pays signent à
Paris la Convention qui y établit l'Organisation européenne de coopération économique
(OECE). L'Allemagne de l'Ouest et le territoire de Trieste les rejoignent en 1949. Les
colonies et les territoires extraeuropéens des pays de l'OECE y sont représentés par les
métropoles, les États-Unis et le Canada. Bien qu'ils ne soient pas membres de l'Organisation,
ils participent aussi à tous ses travaux. L'OECE est donc de facto une organisation à vocation
mondiale. En 1960, après l'adhésion effective des États-Unis et du Canada, elle devient
d'ailleurs l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui
connaît par la suite de nouveaux élargissements.

Les États-Unis adoptent en avril 1948 une loi d'assistance étrangère qui crée l'Administration
de coopération économique, l'Economic Cooperation Administration (ECA) qui gère le plan
Marshall. Ils décident d'envoyer un représentant permanent en Europe et d'établir des
missions spéciales auprès de chacun des pays bénéficiaires. Des accords bilatéraux sont
passés entre chaque pays et les États-Unis.

Le programme de relèvement européen se répartit à la fois en subsides et en prêts pour un


montant global d'environ 13 milliards de dollars distribués entre avril 1948 et juin 1951. Au-
delà des investissements de modernisation, l'aide américaine est avant tout utilisée pour
acheter les marchandises indispensables aux économies européennes: produits alimentaires et
agricoles, matières premières, outillages et équipements industriels. Les États-Unis affectent
également des dollars au développement de la production de matériaux stratégiques dans les
colonies européennes où les Américains veulent barrer la route au communisme. En octobre
1948, l'OECE met d'ailleurs sur pied un Comité des territoires d'outre-mer (CTO) qui, à
travers un fonds spécial TOM, incite les pays européens à coopérer avec les États-Unis pour
le développement de l'Afrique.

L'importance politique du plan Marshall ne doit pas être sous-estimée. Par ce soutien, le
président américain Harry Truman veut aider les peuples libres d'Europe à résoudre leurs
problèmes économiques. Mais il s'agit aussi de faire barrage au communisme qui semble
menacer des pays tels que la France et l'Italie. Cette stratégie se révèle payante puisqu'aux
élections d'avril 1948, la démocratie chrétienne l'emporte nettement sur le Parti communiste
italien jusque-là si influent. Le plan Marshall s'accompagne d'ailleurs d'une intense
propagande. C'est ainsi qu'un «train pour l'Europe», rempli de vivres et de denrées
alimentaires, sillonne les pays bénéficiaires pour y exposer les projets entrepris et les résultats
engrangés. La presse et les médias audiovisuels sont également mis à contribution. Car le
plan de relèvement européen est bien une arme de la guerre froide. Mais le plan Marshall
marque aussi l'entrée de l'Europe occidentale dans la société de consommation, symbolisée,
par exemple, par le Coca Cola et les films hollywoodiens. Dès 1948, l'OECE négocie un
accord multilatéral de paiements intereuropéens suivi, en 1949, d'un code de libération des
échanges. De juillet 1950 à décembre 1958, une Union européenne des paiements (UEP)
rétablit la convertibilité des monnaies européennes et lève les restrictions quantitatives des
échanges. L'OECE favorise également la productivité économique en Europe via l'Agence
européenne de productivité qu'elle institue en 1953 pour étudier et diffuser les nouvelles
avancées techniques applicables au secteur industriel. En rassemblant initialement les pays
démocratiques européens dotés d'une économie de marché, l'OECE constitue une première
étape importante sur la voie de l'unification européenne. Elle demeure toutefois un organe de
coopération intergouvernementale qui ne parvient pas à créer une union douanière.

C. L'URSS et le bloc de l’Est

En août 1949, l'URSS fait exploser sa première bombe atomique puis, en 1953, sa première
bombe thermonucléaire. Désormais, son titre de puissance mondiale ne peut plus lui être
contesté. En Union soviétique, Staline continue à gouverner seul. Les tendances de
libéralisation du régime parues pendant la guerre disparaissent à nouveau et le culte de la
personnalité de Staline atteint son paroxysme. Une nouvelle vague de répression est
néanmoins interrompue par la mort de Staline le 5 mars 1953.

1. La constitution du glacis soviétique

Agrandie sur le plan territorial, l'URSS sort de la guerre auréolée du prestige de la lutte contre
l'Allemagne. Si le monde communiste se limite à l'Union soviétique en 1945, il s'étend
ensuite rapidement à l'Europe centrale et orientale, qui forme un glacis, espace-tampon
protégeant l’URSS. La propagande communiste est grandement facilitée par la présence de
l'armée soviétique dans les pays d'Europe centrale et orientale qu'elle a libérés.

Progressivement, les leaders des partis non-communistes sont écartés, soit par discréditation
ou intimidation, soit par des procès politiques suivis d'emprisonnement voire d'exécution.
Trois ans suffisent à l'URSS pour mettre en place des démocraties populaires dirigées par les
partis communistes. Aussi bien la Pologne que la Hongrie, la Roumanie ou encore la
Tchécoslovaquie tombent ainsi, de manière plus ou moins brutale, dans le giron soviétique.
Néanmoins, le refus, à partir de 1948, des communistes yougoslaves de s'aligner sur les
thèses du Kominform témoigne des difficultés de l'URSS à maintenir son emprise sur
l'ensemble des pays situés dans son orbite.

2. La doctrine Jdanov et le Kominform

Le 22 septembre 1947, les délégués des partis communistes d'Union soviétique, de Pologne,
de Yougoslavie, de Bulgarie, de Roumanie, de Hongrie, de Tchécoslovaquie, d'Italie et de
France se réunissent près de Varsovie et créent le Kominform, bureau d'information installé à
Belgrade et qui devient rapidement l'organe de coordination idéologique du mouvement
communiste via l'intermédiaire de son journal Pour une paix durable, pour une démocratie
populaire. Présenté comme une reconstitution du Komintern, le Kominform est en réalité pour
l’URSS un instrument pour contrôler étroitement les partis communistes occidentaux. Il s’agit
de resserrer les rangs autour de Moscou et de vérifier que les communistes européens
s’alignent bien sur la politique soviétique. Ainsi, la Yougoslavie de Tito, accusée de
déviationnisme, sera bientôt exclue du Kominform.

Le délégué soviétique, idéologue du PCUS et bras droit de Staline, Andreï Jdanov fait
approuver par les participants de la réunion la thèse selon laquelle le monde est désormais
divisé en deux camps irréductibles: un camp «impérialiste et anti-démocratique» dirigé par
les États-Unis et un camp «anti-impérialiste et démocratique» dirigé par l’URSS. Cette
doctrine constitue la réponse soviétique à la doctrine Truman. Jdanov condamne
l’impérialisme et la colonisation mais prône la démocratie nouvelle. Il souligne que le bloc
anti-impérialiste s’appuie partout dans le monde sur le mouvement ouvrier démocratique, sur
les partis communistes ainsi que sur les combattants des mouvements de libération dans les
pays coloniaux. En 1947, le monde est donc devenu bipolaire, divisé en deux blocs
inconciliables.

Puis, en réaction au programme Marshall, l'URSS institue, en janvier 1949, une coopération
économique avec les pays du bloc soviétique dans le cadre du Conseil d'assistance
économique mutuelle (CAEM ou Comecon).

D. La division de l’Allemagne

Au cours de l'année 1945, les Alliés commencent à organiser leurs zones d'occupation
respectives en Allemagne. Les Américains occupent le Sud, les Britanniques l'ouest et le
nord, la France le sud-ouest et les Soviétiques le centre de l’Allemagne. Le côté oriental est
administré par la Pologne, sauf la ville de Königsberg (rebaptisée Kaliningrad) et ses
environs, incorporés à l'URSS. Le 30 août 1945, un conseil de contrôle interallié est mis en
place. Berlin est divisée en quatre secteurs et soumise au contrôle administratif de la
Kommandatura interalliée. En 1946, les principaux criminels de guerre sont jugés à
Nuremberg par des juges alliés. Cette même année, le sort des satellites de l'Allemagne et
celui de l’Italie, de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Hongrie et de la Finlande, est réglé à
Paris par des traités de paix séparés.

Le 28 juillet 1946, les États-Unis proposent un plan d'unification économique des zones
d'occupation. Face au refus de la France et de l’Union soviétique, les Britanniques et les
Américains décident d'unir économiquement leurs deux zones pour créer en décembre de la
même année la Bizone. Le 1 er août 1948, la zone d'occupation française intègre la Bizone qui
devient donc une Trizone. Progressivement, l'entente entre les Alliés se détériore et les
organismes quadripartites deviennent ingérables. En mars 1948, le conseil de contrôle
interallié interrompt ses travaux, suivi par la Kommandatura en juin 1948.
1. Le blocus de Berlin

L'Allemagne devient rapidement un champ d'affrontement de la guerre froide. Après avoir


réorganisé politiquement leur zone d'occupation dans l'Allemagne vaincue, les Anglais et les
Américains veulent aussi y relancer la vie économique, ce qui implique une réforme
monétaire radicale. Le 20 juin 1948, les Occidentaux introduisent donc une nouvelle unité de
compte. Le mark allemand, le Deutsche Mark (DM) est introduit dans toutes les zones
occidentales et remplace le Reichsmark par trop déprécié. Cette réforme monétaire permet de
remplir enfin les rayons des magasins de produits qui n'étaient plus alors disponibles que par
le marché noir. Tandis que les communistes s'emparent de presque tous les postes de
commande dans la zone orientale, les conceptions des anciens Alliés sur l'organisation
économique et politique de l'Allemagne deviennent chaque jour plus contradictoires.

Espérant préserver l'unité de Berlin au cœur de la zone soviétique et dénonçant ce qu'elle


considère comme une politique anglo-américaine du fait accompli, l'URSS réagit à cette
initiative le 24 juin 1948 par le blocus total des secteurs occidentaux de Berlin. La ville est
située dans la zone d'occupation soviétique mais les Américains, les Anglais et les Français
sont installés dans leur zone d'occupation respective. Les voies d'accès terrestres, ferroviaires
et fluviales vers Berlin sont coupées jusqu'au 12 mai 1949. Les fournitures de vivres et
d'électricité sont rompues. L'introduction du DM dans les secteurs occidentaux de Berlin en
est la cause officielle, mais l'Union soviétique cherche probablement à réduire l'îlot capitaliste
dans sa zone d'occupation en obligeant les
Britanniques, les Français et les Américains à quitter Berlin. Ceux-ci doivent réagir
promptement: le pont aérien allié, mis en place par le général Lucius D. Clay, s'avère être la
contre-mesure américaine appropriée.

Des milliers d'avions (plus de 270 000 vols au total) apportent chaque jour vivres, matériel de
chauffage et autres objets de première nécessité dans la ville encerclée. En tout, plus de 13
000 tonnes de marchandises sont ainsi livrées chaque jour. Berlin devient l'un des principaux
théâtres de la confrontation entre l'Est et l'Ouest. La division de l'Europe en deux blocs est
consommée. La ville devient un symbole de liberté pour l'Occident. Les habitants de la ville
ne sont plus désormais perçus comme d'anciens nazis qu'il faut punir mais comme des
victimes de la menace soviétique. Quand, le 12 mai 1949, Staline décide de lever le blocus, le
divorce politique de la ville est bel et bien consommé. Deux administrations municipales ont
été mises en place et les Soviétiques ont procédé à la fusion des partis social-démocrate et
communiste. Des élections démocratiques sont par contre organisées à Berlin-Ouest en
décembre 1948 qui voient la victoire des sociaux-démocrates résolument anticommunistes.
La réussite du pont aérien de Berlin permet de faire admettre aux opinions publiques
occidentales le partage inéluctable de l'Allemagne. De part et d'autre du rideau de fer, la ville
de Berlin devient la vitrine des modèles occidental et soviétique. Face au sentiment de
menace soviétique, l'idée du réarmement de l'Allemagne et de son intégration dans une
structure d'unification européenne apparaît de plus en plus prégnante aux yeux des
Occidentaux.

2. La fondation de la RFA

Le 2 décembre 1946, les Britanniques et les Américains décident de fusionner leur zone
d'occupation respective. Avec l'adjonction de la zone française en 1948, l'Allemagne
occidentale devient la Trizone. Du 20 avril au 2 juin 1948, les trois puissances se réunissent à
Londres pour discuter de l'avenir du pays et décident de convoquer une assemblée
constituante, le Conseil parlementaire allemand. Ses membres sont désignés par les
parlements des États fédéraux, les Länder. Ces entités fédérales ont été créées par les
puissances d'occupation en tenant plus ou moins compte des antécédents historiques. Tandis
que l'État de Prusse est aboli par décision alliée, la Bavière est maintenue. Le 1 er septembre
1948, le Conseil parlementaire commence ses travaux à Bonn. Il élit le démocrate-chrétien
Konrad Adenauer à sa tête et élabore la loi fondamentale qui est promulguée le 23 mai 1949.
Cette loi représente la constitution provisoire de la République fédérale d'Allemagne (RFA).
Son adoption par référendum donne lieu aux premières élections législatives pour l'ensemble
de la Trizone. La ville de Bonn l'emporte sur Francfort comme capitale provisoire. La ville de
Berlin-Ouest reçoit le statut de Land mais reste administrée par les Alliés. Il s'agit en effet de
montrer que Berlin-Ouest fait partie de la RFA en dépit de son statut particulier et de
favoriser le développement économique de la ville en accordant notamment des primes aux
entreprises et aux fonctionnaires qui décident de venir s'y installer.

Même si le droit de regard des puissances alliées occidentales limite encore la souveraineté
allemande, la RFA se veut déjà la seule héritière légitime du Reich allemand, dissout lors de
la capitulation sans condition de 1945. L'élection du Bundestag, en août 1949, consacre la
victoire des chrétiens-démocrates (CDU) sur les socialistes (SPD) menés par Kurt
Schumacher et dont certaines positions marxistes effraient parfois les occupants occidentaux.
Les communistes et les libéraux ne récoltent que des résultats marginaux. La CDU, dirigée
par Konrad Adenauer, s'affirme par contre comme la champion du retour de l'économie
libérale. Adenauer, partenaire privilégié des Américains, devient le premier chancelier de la
RFA.

3. La fondation de la RDA

En réaction à la fondation de la République fédérale d'Allemagne (RFA) à Bonn, l'URSS


favorise, en octobre 1949, la proclamation de la République démocratique allemande (RDA)
à Berlin. Berlin-Est devient aussitôt la capitale de la RDA. Les Occidentaux refusent de
reconnaître cet Etat qui, à l'instar de la RFA, a la prétention de parler pour toute l'Allemagne.
Le communiste Wilhelm Pieck devient président de la RDA et Otto Grotewohl, ancien social-
démocrate, est nommé chef du gouvernement. C'est pourtant Walter Ulbricht, chef du Parti
communiste, qui joue le rôle déterminant. Depuis 1946, le Parti social-démocrate (SPD) de la
zone soviétique a en effet été contraint de fusionner avec le Parti communiste (KPD) pour
former le Parti socialiste unifié (SED). Ce parti stalinien, dirigé par des communistes, va
dominer la vie politique de la RDA jusqu'à la fin du régime communiste en 1989.

E. Le renforcement des alliances

Le 22 janvier 1948, Ernest Bevin, ministre britannique des Affaires étrangères, prononce à la
Chambre des Communes un discours dans lequel il dénonce la menace soviétique. Il affirme
sa volonté de développer la coopération de la Grande-Bretagne avec la France et les pays du
Benelux dans le cadre d'une Union occidentale.

Quelques jours plus tard, le coup d'État de Prague du 25 février 1948, par lequel les
communistes prennent avec force le pouvoir en Tchécoslovaquie, donne encore plus d'acuité
aux tensions internationales et aux dangers que fait régner la guerre froide. Le 17 mars 1948,
les cinq pays signent à Bruxelles le traité instituant l'Union occidentale qui ne se prémunit
plus uniquement contre l'Allemagne mais qui vise à prévenir toute agression armée en
Europe.

Ce traité est amendé par les accords de Paris du 23 octobre 1954, fondant l'Union de l'Europe
occidentale (UEO) conséquemment à l'échec de la Communauté européenne de défense
(CED).
Or, les cinq pays européens membres du pacte de Bruxelles prennent rapidement conscience
qu'ils ne peuvent s'opposer seuls à une éventuelle attaque de l'URSS.

Le 11 juin 1948, le Congrès américain vote l’amendement Vandenberg, qui met


définitivement fin à l’isolationnisme américain en autorisant les États-Unis à s’engager même
en temps de paix dans des alliances internationales. La voie est désormais ouverte pour
l’Alliance atlantique. Le 4 avril 1949, douze ministres des Affaires étrangères signent à
Washington le traité instituant l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Aux
Cinq de l’Union occidentale s'ajoutent les États-Unis, le Canada, le Danemark, l'Islande,
l'Italie, la Norvège et le Portugal.

La création d'une alliance euro-américaine est vivement contestée par les communistes du
monde entier. Les négociations atlantiques sont d'ailleurs marquées par les menaces et les
intimidations à peine voilées que formule le Kremlin contre les puissances occidentales. Mais
le climat de peur qui entoure la ratification des traités d'adhésion par les parlements
occidentaux ne fait qu'accélérer les opérations. Le traité d'Alliance atlantique entre en vigueur
le 23 août 1949 et ouvre la voie de la défense de l'Europe de l'Ouest dans un cadre
transatlantique.

En 1953, le nouveau président américain Eisenhower et son secrétaire d’État John Foster
Dulles élargissent la doctrine Truman et mettent en place la politique du roll back, qui vise
non seulement à endiguer le communisme, mais aussi à le refouler. D’où l’obligation de
s’allier militairement avec les pays menacés par l’expansion communiste. Le début des
années 1950 est ainsi caractérisé par la «pactomanie». De nombreux traités comparables à
celui de l’OTAN sont signés: l’ANZUS (Australia, New-Zealand, United States) en 1951,
l’OTASE (Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est) en 1954 et le pacte de Bagdad en
1955.

L’URSS réplique en 1955 par la création du pacte de Varsovie. Suite à l’adhésion de la RFA
au traité de l’Atlantique Nord le 9 mai 1955, les pays socialistes d’Europe de l’Est
s’organisent également dans une alliance militaire. Il s’agit d’un pacte de défense réciproque
en cas d’agression regroupant l’URSS, l’Albanie, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la
RDA, la Roumanie et la Tchécoslovaquie.
F. Les premiers affrontements

À partir de 1947, la guerre froide donne lieu à des conflits localisés, qui opposent les deux
camps sans pour autant déclencher une guerre ouverte entre les États-Unis et l'URSS.

Ainsi, la Grèce est en proie à une guerre civile depuis l’automne 1946 et après avoir laissé
faire le Royaume-Uni, les États-Unis y interviennent activement pour soutenir les forces
anticommunistes. En Chine, l'appui américain va au nationaliste Tchang Kaï-Chek sans que
cela suffise toutefois à freiner l'avancée des communistes soutenus par l'Union soviétique. En
juin 1950, avec l’invasion par les troupes communistes nord-coréennes de la Corée du Sud, la
guerre froide se déplace de l’Europe vers l’Asie du Sud-Est. La région devient le théâtre d’un
conflit idéologique sanglant entre l’Occident et le monde communiste, qui contribue
indirectement à précipiter le réarmement de la République fédérale allemande.

1. La guerre civile en Grèce

Depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de violents combats opposent les


communistes aux troupes gouvernementales qui reçoivent une aide militaire et financière
massive des
Britanniques puis des Américains qui redoutent de voir le pays, le dernier des Balkans à ne
pas être sous hégémonie soviétique, se transformer à son tour en une République populaire.
Voisine de la Turquie, la Grèce constitue donc une zone stratégique et économique de
première importance pour barrer la route à la domination soviétique en Méditerranée orientale
et protéger les ressources pétrolières du Moyen-Orient. Les États-Unis s'engagent ainsi à
préserver l'indépendance et l'intégralité territoriale du royaume en poussant les autorités
politiques à constituer un gouvernement d'unité nationale et à entreprendre une série de
réformes économiques. En engageant une action qui aboutira, en deux ans, à la victoire des
armées royalistes, les États-Unis font d’eux-mêmes le leader incontesté du «monde libre». La
Grèce profite du plan Marshall et s'insère peu à peu dans le système occidental en intégrant le
Conseil de l'Europe en 1949 et l'OTAN en 1951. La fin de la révolte communiste en Grèce,
qui entraîne la mort de plus de 50 000 personnes, marque le terme de la progression de
l'influence soviétique en Europe.
2. La révolution en Chine

Au printemps 1946, la guerre civile éclate en Chine. Les communistes conduits par Mao Tsé-
Tung, aguerris par la résistance face au Japon, promettent une redistribution des terres aux
paysans. Malgré l'appui américain qui se focalise progressivement sur l'Europe, le
gouvernement nationaliste du général Tchang Kaï-Chek est contraint de quitter le continent et
de se réfugier sur l'île de Formose en 1950. La République populaire de Chine est proclamée
le 1er octobre 1949 avec Mao comme président. Les communistes occupent tous les postes-
clés de l'État. Les opposants sont systématiquement arrêtés ou exécutés. Cette victoire
renforce considérablement la position du communisme mondial qui s'étend désormais de la
mer de Chine à l'Elbe. Mais la Chine communiste, qui a certes besoin de l'aide économique
soviétique dans les premières années de la République populaire, n'en est pas pour autant un
simple satellite de l'Union soviétique. Et si elle s'engage auprès de l'URSS dans certains
conflits de la guerre froide, elle ne s'intègre pas pour autant dans le bloc soviétique.

3. La guerre de Corée

Le 25 juin 1950, les troupes communistes de Corée du Nord franchissent le 38 e parallèle qui,
depuis 1945, marque la ligne de démarcation militaire entre le nord – sous influence
soviétique – et le sud – sous influence américaine – du pays. En fait, les affrontements
frontaliers et l'invasion du sud de la péninsule marquent le début de la guerre de Corée. Les
États-Unis, décidés à soutenir les autorités du Sud, profitent d'une absence temporaire du
délégué soviétique au Conseil de sécurité des Nations unies pour engager l'Organisation des
Nations unies (ONU) dans la défense de la Corée du Sud. Ils demandent à l'ONU d'appliquer
le principe de la sécurité collective et de voter des sanctions contre la Corée du Nord. En juin
1950, des forces aériennes et navales américaines débarquent dans la péninsule. Seize pays,
dont la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, participent à la
constitution d'une force internationale sous commandement américain. La Corée du Nord
jouit par contre de l'appui diplomatique de l'URSS et de l'aide militaire de la Chine populaire.

Ayant pu refouler les troupes nord-coréennes jusqu'à la frontière chinoise, le général


américain MacArthur est néanmoins confronté, dès le début de 1951, à une contre-offensive
massive de renforts chinois. Il propose alors au président américain, Harry Truman, de
bombarder la Chine communiste en recourant, s'il le faut, à l'arme atomique. La situation
devient véritablement dramatique: un nouveau conflit mondial paraît imminent. Mais le
président refuse l'emploi de la bombe atomique et la guerre se poursuit malgré d'incessantes
tractations diplomatiques en vue d'instaurer un cessez-le-feu. L'armistice est finalement signé
en juillet 1953 dans le climat de détente internationale que suscite la mort de Staline quatre
mois plus tôt. Les États-Unis offrent cependant une aide économique importante à la Corée
du Sud tandis que l'URSS soutient la Corée du Nord, rendant pour longtemps impossible la
réunification du pays.

Pendant ce conflit, la guerre froide touche assurément à son apogée. Elle débouche en effet
sur une psychose anticommuniste aux États-Unis et ne manque pas d'avoir des effets en
Europe de l'Ouest qui se sent de plus en plus faible face aux deux Grands sur la scène
internationale.

II. De la coexistence pacifique aux paroxysmes de la guerre froide (1953-1962)

Après la mort de Staline en mars 1953, ses successeurs se montrent plus conciliants vis-à-vis
des Occidentaux. À partir de 1955, Nikita S. Khrouchtchev, le nouveau Premier secrétaire du
PCUS, développe une politique de coexistence pacifique. Forte de son avance dans le
domaine thermonucléaire et spatial, l'URSS veut en effet profiter du nouveau climat de paix
dans le monde pour ramener la rivalité qui oppose l'Union soviétique aux États-Unis aux
seuls domaines idéologique et économique.

Aux États-Unis, le président Eisenhower doit tenir compte des dangers d’escalade et des
risques de confrontation nucléaire directe avec les Soviétiques, et opte, dès l’année 1953,
pour une nouvelle stratégie, celle du new look. Celle-ci combine à la fois la diplomatie et la
menace des représailles massives, massive retaliation. En outre, les États-Unis ne détiennent
plus le monopole de l’arme atomique et doivent tenir compte des progrès technologiques de
l’Union soviétique qui, depuis 1949, s’est dotée de la bombe A et dispose de la bombe H en
1953.

La première conséquence tangible de la nouvelle politique soviétique est l'accord sur


l'Autriche en mai 1955. Le traité d'État autrichien met officiellement fin à la situation de
guerre dans l'État alpin et restitue au pays son indépendance sous condition d'une neutralité
permanente.

Or, malgré des signes encourageants, la méfiance et l’opposition idéologique entre les deux
blocs n’ont pourtant pas disparu. En Europe de l’Est, les populations de plusieurs États
satellites essaient de se libérer du joug de Moscou et la guerre froide atteint son paroxysme au
début des années soixante. En Europe, le statut de la ville de Berlin reste un enjeu majeur
pour les deux superpuissances. La construction du mur de Berlin, en été 1961, supprime le
dernier point de passage entre l'Ouest et l'Est. Ailleurs dans le monde, la tension autour de
l'île de Cuba culmine dans le bras de fer qui se joue en octobre 1962 entre John F. Kennedy et
Nikita S. Khrouchtchev au sujet du stationnement de missiles nucléaires soviétiques à Cuba.

Donc, si au milieu des années cinquante, les relations Est-Ouest évoluent et sont placées sous
le signe de la coexistence pacifique, la guerre froide n’a pas pour autant disparu et les
tensions idéologiques entre les deux blocs subsistent.

A. L’accord de neutralité de l’Autriche

Le 15 mai 1955, l’URSS signe, avec les trois puissances occidentales qui occupent l'Autriche
(États-Unis, Grande-Bretagne et France) un traité qui met officiellement fin à la situation de
guerre dans l'État alpin. L'Autriche de l'après-guerre fait en effet souvent office d'avant-poste
pour les Américains et les Soviétiques quand ils veulent prouver leur volonté de dialoguer. En
vertu du nouveau traité d'État, le gouvernement autrichien doit proclamer la neutralité
militaire du pays en échange du départ des troupes d'occupation. Ainsi, la zone d'occupation
soviétique en Autriche orientale est, avec la Finlande, la Norvège du nord et l’île danoise de
Bornholm, la seule région en Europe dont l'Armée rouge accepte finalement de se retirer. La
même année, l'Autriche adhère à l'Organisation des Nations unies (ONU) et au Conseil de
l’Europe.

B. «L’esprit de Genève»

Du 18 au 23 juillet 1955, les chefs de gouvernement des quatre grandes puissances (États-
Unis, Royaume-Uni, France et URSS) se réunissent à Genève. C'est leur première rencontre
au sommet depuis dix ans. Les pourparlers portent à la fois sur la sécurité européenne, sur le
désarmement et sur les relations Est-Ouest. Même si les Quatre ne parviennent pas à un
accord, notamment en ce qui concerne le sort futur de l'Allemagne, la réunion se termine dans
un climat de détente entre les différents protagonistes. On va même jusqu'à parler d'un nouvel
«esprit de Genève» en référence au climat pacifiste qui avait déjà animé la Société des
Nations (SDN) dans la période de l'entre-deux-guerres.
D’autres signes soulignant cette volonté de coexistence pacifique sont notamment la visite du
chancelier de la RFA Konrad Adenauer à Moscou en 1955, le voyage de Khrouchtchev aux
États-Unis en 1959, ainsi que sa rencontre avec le président américain John F. Kennedy à
Vienne en 1961.

Malgré ces signes encourageants, la méfiance et l’opposition idéologique entre les deux blocs
n’ont pourtant pas disparu.

C. La répression de l’insurrection hongroise

En Europe centrale et orientale, avec le décès de Staline et les débuts de la politique de


déstalinisation engagée par le nouveau leader communiste Nikita Khrouchtchev, les
populations de plusieurs États satellites essaient de se libérer du joug de Moscou. La Pologne,
malgré un certain nombre de heurts violents à Poznan, voit la réhabilitation de Ladislas
Gomulka, ancien secrétaire général du Parti ouvrier, arrêté en 1951 et qui devient dès octobre
1956 le nouveau premier secrétaire du comité central du Parti ouvrier unifié de Pologne
(POUP). Il réussit in extremis à éviter une intervention militaire de l'URSS pour mater les
émeutes ouvrières et le coup d'État d'octobre 1956.

En revanche, la situation est tout autre pour l’Allemagne de l'Est et pour la Hongrie. Ces deux
pays subissent en juin 1953 et novembre 1956 respectivement l’intervention militaire de
l'URSS, bien décidée à mettre fin aux insurrections populaires et à réaffirmer ainsi sa volonté
de tenir dans une main de fer son «glacis».

En Hongrie, les intellectuels et les étudiants, aigris par le régime communiste, exigent le
départ des troupes soviétiques et l'organisation d'élections libres et pluralistes. Dans les
années cinquante, la population proteste de plus en plus ouvertement contre la baisse du
niveau de vie et contre l'aliénation de l'indépendance nationale.

Fin octobre 1956, dès la nouvelle de la rébellion polonaise contre la tutelle soviétique, les
opposants politiques hongrois font également connaître leur mécontentement en défilant
pacifiquement dans les rues de Budapest avant d'organiser la lutte armée. Une partie de
l'armée hongroise se range alors du côté des insurgés. Un nouveau gouvernement magyare,
placé sous la direction d'Imre Nagy, prend fait et cause pour les insurgés. Il demande le retrait
des troupes soviétiques et abolit le système de parti unique avant de proclamer le retrait
unilatéral de la Hongrie du pacte de Varsovie et la neutralité du pays.

Le 1er novembre 1956, l'Armée rouge fait mine de se retirer. Mais en vérité, elle continue à
observer le pays qui sombre dans la «contre-révolution». Entre le 4 et le 8 novembre 1956,
Nikita S. Khrouchtchev charge l'Armée rouge de liquider l'insurrection hongroise par la force.
Les troupes soviétiques attaquent en masse et destituent le gouvernement d'indépendance
nationale.

Une répression impitoyable s'abat immédiatement sur la Hongrie et des centaines de milliers
de Hongrois se réfugient à l'Ouest. Le nouveau gouvernement hongrois à la solde de Moscou
rétablit dans le pays un régime dictatorial et referme toutes les frontières. Par cette
intervention musclée au mépris de la démocratie, le prestige de l'URSS dans les pays
d'Europe occidentale tombe au plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais, le
moment choisi par les Soviétiques leur est très favorable puisque le camp occidental,
profondément divisé et affaibli par la crise de Suez qui se trame au même moment, n'est pas
en mesure de réagir de façon appropriée et assiste, impuissant, à l'intervention russe.

D. La construction du mur de Berlin

Dans les années cinquante, la ville de Berlin est toujours divisée entre une partie occidentale,
comprenant les secteurs américain, britannique et français, et une partie soviétique. À chaque
crise internationale, le sort de Berlin fait figure de thermomètre du degré de gravité de la
crise. En effet, les puissances alliées occidentales tiennent absolument à conserver leurs droits
dans l'ancienne capitale du Reich. Pour le gouvernement communiste de la République
démocratique allemande (RDA), Berlin-Ouest est une provocation permanente puisqu'elle
constitue une échappatoire aisée pour un grand nombre d'Allemands de l'Est candidats à
l'exil.

En 1953, le niveau de production en République démocratique d'Allemagne (RDA) affiche


des résultats médiocres. Afin de dynamiser la production, le Parti socialiste unifié (SED),
placé sous la direction du leader stalinien Walter Ulbricht, impose aux travailleurs des
conditions de travail toujours plus contraignantes. Mais il ne promet en échange aucune
amélioration du niveau de vie de la population. Or, les Berlinois de l'Est constatent et envient
la prospérité économique qui s'accroît sans cesse dans les secteurs occidentaux.
Les 16 et 17 juin 1953, des grèves insurrectionnelles éclatent à Berlin-Est et se propagent
rapidement dans toute l'Allemagne orientale. Mais elles sont aussitôt durement réprimées par
l'intervention militaire de l'armée soviétique et causent de nombreuses victimes. L'échec de la
révolte de juin 1953 va entraîner la fuite de plusieurs centaines de milliers d'Allemands de
l'Est vers la République fédérale d'Allemagne (RFA). En moins de dix ans, plus de deux
millions de personnes passent ainsi de l'Est vers l'Ouest.

Pour stopper cet exode massif et continu qui affaiblit notablement l'économie du pays, la
RDA va finalement empêcher le passage à l'Ouest. Des ouvriers est-allemands encadrés par
l'armée construisent, dans la nuit du 12 au 13 août 1961, un mur qui sépare l'Est et l'Ouest de
Berlin en interdisant tout passage.

Résignées, les puissances occidentales ne peuvent protester que verbalement. Lors d'un
voyage à Berlin le 26 juin 1963, le président John F. Kennedy marque sa sympathie pour
Berlin-Ouest en proclamant: Ich bin ein Berliner.

Mais en pratique, la transgression du mur dit «de la honte» est pratiquement impossible. Cette
frontière fermée est le symbole le plus tangible de la guerre froide et du déchirement de
l'Europe.

E. La crise de Cuba

En 1962, une nouvelle épreuve de force s’engage à Cuba: pendant quinze jours, le monde se
trouvera au bord de l’affrontement nucléaire.

Depuis le renversement révolutionnaire de la dictature militaire de Fulgencio Batista en


janvier 1959, l'île de Cuba est dirigée par Fidel Castro. Tout en mettant en place une réforme
agraire, Castro nationalise les propriétés des entreprises américaines sur l'île et s'attire aussitôt
les foudres de Washington. Le dirigeant cubain pro-communiste se rapproche alors de plus en
plus de l'URSS qui se félicite de trouver un nouvel allié dans l'hémisphère occidental et dans
le périmètre de sécurité des États-Unis. Les régimes cubain et soviétique signent
successivement des accords de coopération commerciale puis militaire. Les États-Unis
essaient alors de renverser le nouveau régime en organisant, en avril 1961, un débarquement
d'exilés anticastristes dans la baie des Cochons. L'opération échoue et ne fait finalement que
contribuer au renforcement de Castro. Il attire à Cuba, seul pays communiste du continent
américain, de nombreux révolutionnaires d'Amérique latine et menace le prestige des États-
Unis dans la région. Khrouchtchev décide en effet de livrer secrètement aux Cubains des
fusées offensives à moyenne portée capables de menacer directement le sol des États-Unis.

Le 14 octobre 1962, après avoir repéré des cargos soviétiques chargés de missiles en route
vers l'île, des avions espions américains prennent également des clichés de rampes de
lancement de fusées soviétiques à moyenne portée.

Le président américain, John F. Kennedy, décide alors d'imposer un blocus maritime en


fermant les voies d'accès vers Cuba. La moindre tentative des bateaux soviétiques de forcer la
quarantaine américaine peut à tout moment mettre le feu aux poudres et provoquer un conflit
ouvert entre les États-Unis et l'Union soviétique. L'Europe, et l'Allemagne en particulier,
constitueraient alors immanquablement un terrain d'affrontement.

Mais au dernier moment, après de nombreux contacts entre Moscou et Washington,


notamment par l'intermédiaire des Nations unies, un compromis émerge: les bateaux
soviétiques acceptent de rebrousser chemin tandis que les Américains s'engagent à ne pas
envahir Cuba et à retirer leurs fusées de Turquie. Le 28 octobre, la guerre nucléaire est évitée
de justesse et les deux géants en reviennent aux négociations à propos du désarmement. En
Europe, par ailleurs, la crise favorise le renforcement des liens franco-allemands.

III. De la détente au regain des tensions (1962-1985)

Ayant frôlé la guerre nucléaire, les États-Unis et l’URSS ont tiré les conséquences de la crise
de Cuba. Cet affrontement entre les deux Grands a en effet introduit dans la guerre froide une
sorte d’armistice. En 1963, une ligne directe – le fameux «téléphone rouge» – est établie entre
Washington et Moscou et les deux Grands amorcent un dialogue visant à limiter la course aux
armements. D’autres raisons expliquent aussi la modération des deux parties. Les États-Unis
ont de plus en plus de mal à financer leur présence militaire mondiale et leur engagement
croissant dans la guerre du Viêt Nam, à partir de 1964, est vivement critiqué par l’opinion
publique. En Europe, l’heure est à l’Ostpolitik: la République fédérale d’Allemagne se
rapproche de la République démocratique allemande, de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et
de l’URSS. Comme l'Europe se trouve toujours au centre de la confrontation Est-Ouest, elle
cherche à promouvoir la détente entre les deux blocs militaires. Elle contribue ainsi au
maintien de la paix mondiale et suscite un espoir de réunification du continent au sommet
d’Helsinki en 1975.
Néanmoins, la tentative d'Alexandre Dubcek de libéraliser le régime communiste en
Tchécoslovaquie est écrasée en août 1968 par l'intervention des armées du pacte de Varsovie.
À la fin des années 1970, les deux Grands cherchent à étendre leur influence respective. C’est
surtout la politique soviétique en Afrique et l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS qui
refroidissent les relations américano-soviétiques. Aux États-Unis, c’est le discours America is
back du nouveau président américain Ronald Reagan qui donne le ton de la guerre froide dans
les années 1980. Cette période est notamment marquée par une nouvelle course aux
armements.

A. L’Ostpolitik de Willy Brandt

L'année 1969 marque une rupture dans la vie politique d'Allemagne occidentale. Pour la
première fois depuis la fondation de la RFA en 1949, les démocrates-chrétiens sont exclus du
gouvernement. La coalition sociale-libérale, conduite par Willy Brandt à partir d’octobre,
veut innover en politique étrangère et briser les tabous. Les grandes puissances surveillent de
près le rapprochement Est-Ouest engagé par le nouveau chancelier Brandt. Mais elles laissent
faire.

Un certain rééquilibrage est ainsi entrepris, sans jamais remettre en question les alliances
contractées. Les principaux artisans de la nouvelle politique allemande en faveur de la détente
en Europe sont le chancelier allemand Willy Brandt et son premier conseiller diplomatique
Egon Bahr.

Le 28 novembre 1969, la RFA signe avec l'URSS le traité de non-prolifération des armes
nucléaires. C'est la politique de normalisation et d'ouverture à l'Est, l'Ostpolitik, qui vise à
restituer à la RFA, puissance économique, sa place sur la scène internationale en s'inscrivant
dans le contexte général de la détente Est-Ouest.

La clé de l’Ostpolitik se trouve dans les traités avec l'Est, les Ostverträge. Le premier de ces
traités est signé par la RFA et l'URSS à Moscou, le 12 août 1970. Il est la base de toute
l’Ostpolitik en ce qu'il ouvre la voie à la normalisation diplomatique et confirme le statu quo
territorial. Il exclut tout recours à la force entre les deux États et prévoit le respect de
l'intégrité territoriale et des frontières telles qu'elles existent. Il est rapidement suivi par divers
accords commerciaux – la RFA est le premier client occidental de l'URSS – et les rencontres
entre dirigeants des deux pays se font plus fréquentes.
Le 3 septembre 1971, un accord quadripartite interallié, signé entre les États-Unis, la France,
l'URSS et la Grande-Bretagne, permet de régler notamment les conditions de circulation des
Berlinois de l'Ouest et des Alliés sur les voies de transit.

Par la suite, l'Allemagne fédérale reconnaît les nouvelles frontières occidentales de la Pologne
appelées ligne «Oder-Neisse», acte qu'elle avait toujours refusé précédemment. Après la
signature du traité germano-soviétique, la RFA signe avec la Pologne un traité germano-
polonais à Varsovie, le 10 décembre 1970. Il permet notamment à des ressortissants polonais
d'origine allemande de s'installer en RFA.

Le traité avec la Tchécoslovaquie est le plus difficile à régler, à cause du contentieux résultant
des accords de Munich de 1938 et de la déportation au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale d'une minorité allemande installée sur le territoire tchécoslovaque des Sudètes.

Le 21 décembre 1972, la RFA et la RDA signent à Berlin-Est le traité fondamental qui


consacre la reconnaissance mutuelle des deux États allemands et normalise leurs relations
politiques et commerciales. Le statu quo diplomatique et l'intangibilité de la frontière
interallemande sont reconnus en attendant la perspective d'une réunification. La RDA est
alors également reconnue par les pays occidentaux. La RFA et la RDA deviennent
simultanément membres de l'Organisation des Nations unies (ONU) en septembre 1973.

B. L’entente Est-Ouest

Le 1er août 1975, l'acte final du sommet d'Helsinki clôt la Conférence sur la sécurité et la
coopération en Europe (CSCE) ouverte le 3 juillet 1973. La CSCE se présente comme un
forum de négociations permanentes qui, sans être institutionnalisé, vise à renforcer la
coopération entre des États longtemps antagonistes et, indirectement, à dépasser la division de
l'Europe en blocs situés de part et d'autre du mur de Berlin. Relevant d'une approche euro-
atlantique, y participent de plein droit tous les pays dont le territoire se situe, en tout ou en
partie, sur le continent européen ainsi qu'aux États-Unis et au Canada. De fait, seule l'Albanie
se tient à l'écart de la CSCE. Les trente-cinq participants, membres de l'Organisation du traité
de l'Atlantique Nord (OTAN), du pacte de Varsovie ou neutres, reconnaissent les frontières
établies de facto en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'accord d'Helsinki
porte en outre sur la non-intervention dans les affaires intérieures, sur les questions militaires,
sur la coopération économique, technique et scientifique, sur les principes démocratiques et
même sur la protection de l'environnement.

Le début des années soixante-dix est également marqué par la volonté de détente entre les
deux Grands. Par les traités SALT1 (Strategic Arms Limitation Talks) du 26 mai 1972 sur la
limitation des armements stratégiques, ils s'engagent à ne pas fabriquer d'armes stratégiques
pendant cinq ans, à limiter le nombre de missiles antimissiles ABM et à ne plus construire des
rampes de lancement terrestres. Cet accord n'enlève cependant rien à la puissance des États-
Unis et de l'URSS puisque les deux Grands détiennent toujours un arsenal nucléaire qui rend
possible un overkill, c’est-à-dire que les deux nations possèdent un arsenal nucléaire suffisant
pour pouvoir se détruire l'une et l'autre plusieurs fois.

Autre signe de détente, les États-Unis lèvent partiellement l'embargo commercial instauré à
l'encontre de l'URSS en 1949 et signent avec Moscou un accord commercial en octobre 1972.
La visite de Leonid Brejnev aux États-Unis, en juin 1973, permet également la signature d'un
traité sur la prévention de la guerre nucléaire. Un troisième sommet entre Leonid Brejnev et
Richard Nixon à Moscou et en Crimée en juin-juillet 1974 est moins satisfaisant, car la guerre
du Kippour, opposant Israël et une coalition arabe menée par l’Égypte et la Syrie, pèse sur les
relations entre les deux Grands.

Les accords SALT I ont eu paradoxalement pour conséquence de stimuler la course aux
armements: le développement des missiles à têtes nucléaires multiples, des armes tactiques,
des bombardiers et de la «bombe à neutrons» est en effet accéléré, car ces équipements ne
sont pas couverts par l’accord de 1972. En conséquence, les négociations pour un second
accord SALT traînent en longueur et les dépenses militaires soviétiques et américaines
s’accroissent. Les accords SALT II sont finalement signés le 18 juin 1979: ils limitent le
nombre de lance-missiles et de bombardiers. Or, ils ne sont pas entrés en vigueur, en raison
de l’intervention soviétique en Afghanistan. De plus, les accords SALT II n’empêchent pas le
déploiement en Europe de nouveaux missiles soviétiques à moyen rayon d’action, les SS-20:
à la fin des années 1970, la crise des euromissiles commence.

C. L’écrasement du Printemps de Prague

La détente engage les relations internationales dans une période moins troublée, mais des
crises demeurent. Ainsi, la rupture entre Moscou et la Chine est consommée en 1962 et des
affrontements militaires éclatent autour de la frontière sino-soviétique en 1969. À l’Est, la
contestation du bloc soviétique est surtout le fait de la Tchécoslovaquie. Le Parti communiste
est au pouvoir dans le pays depuis le coup de Prague de 1948. En janvier 1968, le stalinien
Antonín Novotný est mis en minorité et remplacé par un communiste libéral voulant concilier
socialisme et liberté, Alexandre Dubček. Le régime se libéralise au printemps 1968. La
censure est abolie et les Tchèques ont désormais le droit de voyager à l'étranger. Le premier
secrétaire du Parti communiste d'Union soviétique (PCUS), Léonid Brejnev, fait part de son
mécontentement, mais Prague refuse d'obtempérer. Au contraire, au fur et à mesure que les
pressions s'accentuent, la libéralisation progresse.

Le 21 août 1968, profitant de manœuvres qu'ils ont prorogées, les troupes du pacte de
Varsovie, excepté celles de Roumanie, occupent le pays et arrêtent les dirigeants
«déviationnistes». Même si Alexandre Dubček, remis en liberté, reste encore un certain temps
à son poste, il va être remplacé plus tard par le pro-soviétique Gustáv Husák qui surveille la
normalisation.

L'URSS a encore une fois démontré qu'elle n'est prête à accorder qu'une souveraineté limitée
à ses frères du camp socialiste.

Les puissances occidentales et l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) n'ont pas
réagi à l'invasion de la Tchécoslovaquie si ce n'est que par des déclarations de regret.

D. La guerre du Viêt Nam

La «détente» s’accompagne aussi de conflits localisées qui ne remettent pas directement en


cause l’entente entre les États-Unis et l’URSS. C’est surtout le cas de la guerre du Viêt Nam,
qui marque profondément les années soixante et le début des années soixante-dix. Elle
s'intègre dans le cadre général de la guerre froide et de la lutte des États-Unis contre
l'expansion du communisme, mais sans affrontement direct entre les deux Grands. Les
Américains justifient leur intervention militaire au Viêt Nam par la théorie des dominos,
selon laquelle il fallait éviter le basculement d’un pays vers le communisme, car les pays
voisins basculeraient à leur tour. Le but est de prévenir une future domination communiste du
sud-est asiatique.

En 1961, le président John F. Kennedy, convaincu que la Chine communiste soutient


activement le Viêt Nam du Nord, approuve un programme d'action militaire américaine au
Viêt Nam afin de soutenir le gouvernement nationaliste contre la rébellion communiste.
Désireux d'assurer la paix en Asie du Sud-Est et de préserver les intérêts économiques et
politiques des États-Unis dans la région, son successeur, le président Lyndon B. Johnson,
renforce davantage l'engagement américain, en augmentant massivement la présence
américaine qui passe ainsi de 23 000 hommes en 1965 à plus de 540 000 en 1969. Les
rebelles communistes du Viêt Công, soutenus par l'armée du Viêt Nam du Nord, sont
ravitaillés par la piste Hô-chi-minh constituée d'un système de sentiers, de tunnels et de
bunkers que les Américains tentent vainement de détruire. L'URSS et la Chine assistent alors
d'autant plus activement les communistes du Front national de Libération (FNL) par des
livraisons d'armes et de vivres sans toutefois intervenir directement dans le conflit. En février
1965, les Américains procèdent à des bombardements d'objectifs militaires et industriels au
Viêt Nam du Nord. Une guérilla incessante s'ensuit malgré les tentatives infructueuses de
médiation internationale.

En janvier 1968, l'offensive du Têt (nouvel an) des communistes accélère l'escalade du conflit
et plonge l'Amérique, longtemps persuadée de la victoire finale, dans le doute. L'opinion
publique américaine, choquée par les reportages quotidiens à la télévision et les lourdes pertes
en vies humaines, est de plus en plus hostile à la guerre et pousse les États-Unis à se
désengager et à alléger les dépenses militaires.

Après de nouveaux bombardements américains massifs ordonnés par le président Nixon, les
négociations de paix commencent à Paris en mai 1968. Les accords de Paris du 27 janvier
1973 permettent finalement aux États-Unis de se retirer du conflit. Leur allié sud-vietnamien,
laissé seul, succombe deux années plus tard à la pression des Viêt Công et des Vietnamiens
du Nord. La chute de Saigon, le 30 avril 1975, marque véritablement la fin de la guerre du
Viêt Nam. L'intervention des forces américaines dans le bourbier vietnamien pèse sur la
politique des États-Unis et nuit gravement à l'image américaine dans le monde et
spécialement en Europe occidentale.

E. L’expansionnisme soviétique

Même si l’entente entre les deux Grands entraîne un repli stratégique, les États-Unis
continuent à défendre leurs zones d'influence à travers le monde. Ainsi, grâce aux accords de
Camp David, du 17 septembre 1978, qui règlent le retrait israélien de la péninsule du Sinaï, le
président américain, Jimmy Carter, réintègre l'Égypte dans la zone d'influence américaine.
De son côté, à la faveur de la décolonisation, l'URSS cherche à conquérir de nouvelles
sphères d'influence. Depuis James Monroe, président des États-Unis de 1817 à 1825, le
Nicaragua, en Amérique centrale, constitue une zone d'influence américaine. Profitant du peu
d'intérêt que le président Jimmy Carter porte au pays, le front sandiniste réussit à évincer le
dictateur Anastasio Somoza. Très vite, Cuba et l'URSS deviennent les nouveaux alliés du
régime sandiniste.

L'URSS, profitant du dénouement du conflit vietnamien en 1975, prend également pied sur le
continent africain, notamment en Guinée, au Mozambique et en Angola. La chute du régime
impérial éthiopien de Hailé Sélassié en septembre 1974 et l'installation immédiate d'une
dictature communiste dans le plus ancien État africain ne font qu'accentuer l'emprise
soviétique en Afrique au détriment de la Chine. Dans un premier temps, les États-Unis ne
réagissent que mollement et ponctuellement à cette avancée soviétique dans une série d'États
dits à orientation socialiste. Les Américains soutiennent ainsi la guérilla anticommuniste en
Angola.

En revanche, l'invasion de l'Afghanistan par l'armée soviétique, le 24 décembre 1979, entraîne


une réaction beaucoup plus vigoureuse de la part du monde occidental. L'URSS cherche à
soutenir le pouvoir communiste en place confronté à une guérilla contre-révolutionnaire de
plus en plus menaçante. Le président Jimmy Carter ordonne le boycott des Jeux Olympiques
organisés à Moscou en 1980 et décrète un embargo sur les exportations de céréales vers
l'URSS. L'ONU adopte une résolution condamnant cette invasion militaire. Les États-Unis ne
se limitent pas à des condamnations diplomatiques. Durant les dix ans du conflit, les services
secrets américains, la Central Intelligence Agency (CIA), vont soutenir et financer la
résistance afghane moudjahidine.

F. La course aux armements et la «guerre des Étoiles»

Aux États-Unis, le scandale du Watergate aboutit à la démission du président Richard Nixon,


le 8 août 1974. Cette affaire jette le discrédit sur la fonction présidentielle dans une Amérique
déjà traumatisée par la défaite de la guerre du Viêt Nam et en perte d’influence. Cinq ans plus
tard, le 4 novembre 1979, dans un Iran dirigé par l’ayatollah Khomeiny, des étudiants iraniens
occupent l’ambassade des États-Unis à Téhéran et retiennent en otage plus d’une
cinquantaine de personnes. Les États-Unis paraissent impuissants à régler la situation et en
avril 1980, l’opération militaire américaine visant à secourir les otages se solde par un fiasco
et décrédibilise un peu plus la présidence de Jimmy Carter. À ce tableau, il faut aussi ajouter
l’invasion soviétique de l’Afghanistan en décembre 1979, qui provoque un choc dans
l’opinion publique américaine.

En 1980, après tous ces échecs et ces humiliations, les Américains votent à leur tête un
homme déterminé à rétablir l’image des États-Unis dans le monde. Le nouveau président
Ronald Reagan qualifie l’URSS d’«empire du mal» et relance la course aux armements. Sa
présidence est marquée notamment par une augmentation des dépenses militaires et un
renforcement considérable des budgets alloués aux forces armées. La course aux armements
atteint une telle dimension que l’on peut parler d’équilibre de la terreur. La détente est
abandonnée et les interventions directes et indirectes dans le monde augmentent: les États-
Unis soutiennent le Royaume-Uni dans la guerre des Malouines (1982), ils accordent un
appui aux contre-révolutionnaires d’Amérique latine (par exemple les Contras au Nicaragua),
et renversent le régime pro-soviétique de l’île de la Grenade (1983).

À la fin des années 1970, éclate la crise des euromissiles. L’enjeu de cette dure bataille
diplomatique est l’installation par les États-Unis en Europe de missiles de croisière et de
fusées Pershing II, afin d’équilibrer la menace découlant du déploiement en Europe de l’Est
de fusées soviétiques SS-20. Le 28 octobre 1977, le chancelier ouest-allemand Helmut
Schmidt prononce un discours à l’Institut international d’études stratégiques de Londres, dans
lequel il dénonce la menace que fait planer sur l’Europe occidentale le déploiement des
missiles soviétiques SS-20. Ceux-ci menacent en profondeur tous les pays de l’OTAN et les
bases occidentales. L’URSS cherche en effet à avoir une supériorité régionale sur le théâtre
européen. De plus, le renforcement militaire du pacte de Varsovie et sa supériorité numérique
en matériel et en hommes sur l’OTAN remettent en question l’aptitude de l’Alliance
atlantique à appliquer une défense classique forte. Le discours de Helmut Schmidt appelle
donc à une réévaluation de l’engagement nucléaire américain en Europe. Le Vieux continent
devient, une fois de plus, l’enjeu de cette lutte entre les deux blocs. L’accroissement du
potentiel des forces nucléaires du pacte de Varsovie avec l’arrivée des SS-20 soviétiques est
une des raisons qui amènent l’OTAN, à prendre la décision, le 12 décembre 1979, de mettre
en place 572 missiles américains (108 Pershing II et 464 missiles de croisière) en Europe.

Le déploiement effectif des missiles américains à partir de 1983 dans certains pays d’Europe
occidentale (Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Italie et RFA) entraîne, sur décision de
Moscou, l’échec des négociations sur le désarmement à Genève, ouvertes depuis juin 1982.
Cette crise des euromissiles entraîne des campagnes d’action d’envergure des pacifistes
européens qui manifestent contre ce déploiement.

Cette période de tension Est-Ouest favorise la course aux armements dont l’élément essentiel
est le programme de la «guerre des Étoiles» du président américain Reagan.

Le 23 mars 1983, Ronald Reagan annonce un immense programme technologique baptisé


«Initiative de défense stratégique (IDS)» ou «guerre des Étoiles»: les États-Unis seraient
protégés des armes nucléaires adverses par un «bouclier spatial» qui détecterait et détruirait
les missiles balistiques ennemis dès leur lancement.

Le projet américain (qui n’aboutira jamais) entraîne l’URSS dans une folle course aux
armements, dont les coûts financiers et économiques finiront par l’épuiser… Ce n’est qu’en
1985, avec l’arrivée au pouvoir en URSS de Mikhaïl Gorbatchev qui entame des réformes
intérieures pour démocratiser le régime soviétique, que Moscou prend la décision d’arrêter
cette course aux armements effrénée qui ruine le pays. De plus, Gorbatchev affiche sa volonté
de se rapprocher de l’Occident et de reprendre le dialogue avec les États-Unis. Le 8 décembre
1987, les États-Unis et l’Union soviétique signent à Washington le traité sur les forces
nucléaires à portée intermédiaire, qui prévoit la destruction dans un délai de trois ans de tous
les missiles à charges nucléaires et à charges conventionnelles en Europe ayant une portée de
500 à 5 500km, dont les fameux SS-20 et Pershing II. Ce traité est considéré comme le
premier accord réel de désarmement nucléaire et sonne la fin de la course aux armements
entre les deux Grands.

IV. Vers la fin de la guerre froide (1985-1989)

La fin du XXème siècle connaît en Europe de l’Est des bouleversements géopolitiques


majeurs. La chute du mur de Berlin, en novembre 1989, met un terme à la guerre froide et à
ses divisions héritées de la Seconde Guerre mondiale. La fin du glacis communiste emporte
dans sa chute le monde bipolaire structuré autour de la rivalité entre les États-Unis et l’Union
soviétique. Des structures économiques et militaires telles que le Comecon (Council for
Mutual Economic Assistance) et le Pacte de Varsovie sont dissoutes en 1991. Les événements
de la fin des années quatre-vingts marquent le début des retrouvailles entre deux parties du
continent longtemps séparées.
A. Le bloc de l’Est en mutation

À la fin des années quatre-vingts, l’Europe de l’Est traverse des événements politiques et des
transformations économiques qui modifient radicalement les données géopolitiques en
Europe et transforment les institutions et les structures existantes. Longtemps étouffées par
les régimes autoritaires du bloc soviétique, les aspirations des populations à la liberté, à la
démocratie et à la défense des droits de l’homme se manifestent de plus en plus ouvertement
grâce notamment aux réformes introduites en Union soviétique par Mikhaïl Gorbatchev et par
sa politique d’ouverture progressive vers l’Occident.

Déjà affaiblis, les régimes communistes vont rapidement s’écrouler et ainsi favoriser le réveil
des nationalités et des minorités dans les pays satellites de l’URSS, puis en Union soviétique
même. Les manifestations et les grèves se multiplient pour réclamer des réformes politiques
et économiques. La chute du mur de Berlin, en novembre 1989, ne fait qu'accélérer
l’élimination des régimes communistes. Après la Pologne et la Hongrie, les régimes
autoritaires font place à des coalitions élues et pluralistes en Tchécoslovaquie, en République
démocratique allemande (RDA), en Roumanie et en Bulgarie. Les révolutions démocratiques
liquident aussi le pacte militaire de Varsovie et le système d’économie planifiée du Comecon.
L’Union soviétique implose et ne peut empêcher une cascade d’indépendances nationales
dans les États baltes et dans la plupart des Républiques qui composaient l’URSS.
Farouchement opposés à la tournure des événements, un groupe de communistes
conservateurs échoue en 1991 dans sa tentative de coup d’État pour renverser le président
Gorbatchev. La Communauté des États indépendants (CEI), qui comprend certaines
anciennes républiques, remplace l’ancienne Union soviétique. Les anciens pays satellites de
l’Union soviétique, gagnés à la défense des droits de l’homme et aux principes de l’économie
de marché, se tournent immédiatement vers les structures occidentales.

1. La perestroïka et la glasnost de Gorbatchev

Homme d’appareil du Parti communiste de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, à 54 ans,


est nommé secrétaire général du PCUS par le Comité central le 11 mars 1985. Son objectif est
de procéder à une profonde réforme du système soviétique dont la lourdeur bureaucratique
était un obstacle à la reconstruction économique (perestroïka) et en même temps de libéraliser
le régime en permettant la transparence (glasnost), c’est-à-dire une certaine liberté
d’expression et d’information.
Pour mener à bien cette ambitieuse politique, il lui faut limiter les engagements
internationaux de l’URSS et réduire ses dépenses militaires afin d'enrayer le déclin moral et
économique de son pays. D’où le rétablissement du dialogue américano-soviétique sur les
armes nucléaires et le rapprochement avec la Communauté européenne. En même temps,
Gorbatchev met fin à l’engagement soviétique dans les différentes parties du monde: retrait
d’Afghanistan où s’enlisait l’armée russe, pression sur les Vietnamiens pour évacuer le
Cambodge et reprise des relations sino-soviétiques, retrait du soutien de l’URSS au régime
Mengistu en Éthiopie et aux troupes cubaines en Angola, fin de l’aide économique à Cuba et
retrait des troupes soviétiques de l’île, reprise des relations diplomatiques avec Israël et
condamnation de l’invasion du Koweït par l’Irak. Mais c’est en Europe que le désengagement
de Gorbatchev sera le plus marqué à l’égard des pays anciennement satellites de l’URSS.

Populaire en Occident, Gorbatchev l’est beaucoup moins dans son pays où ses réformes
aboutissent à la désorganisation du système de planification centralisée sans que puissent être
mis en place de véritables mécanismes de marché. D’où la baisse de la production, la pénurie
et un mécontentement social s’exprimant par des grèves. Ce mécontentement peut d’autant
plus se manifester qu’avec la «transparence», tout ce qui était censuré des activités de l’État
et de ses administrations peut désormais être révélé et débattu publiquement. La levée des
tabous imposés par le régime communiste, mis à profit par les intellectuels et les dissidents
libérés, permet un jugement critique sur le passé de l’Union soviétique et sur son système
politique, économique et social.

2. L’effondrement du bloc communiste

La politique réformiste de Mikhaïl Gorbatchev en Union soviétique ne peut qu’encourager les


mouvements d’opposition aux régimes communistes dans les pays du bloc soviétique. Les
manifestations se multiplient. Les gouvernements doivent accepter des mesures de
libéralisation, d’ailleurs conseillées par Gorbatchev, mais qui ne seront pas considérées
comme suffisantes.

Les aspirations à la liberté, longtemps contenues par les régimes communistes dans les pays
du glacis soviétique et en URSS même, se manifestent irrésistiblement à la faveur des
réformes tentées en Union soviétique par Mikhaïl Gorbatchev et par sa politique d’ouverture
vers l’Occident. Le maintien de régimes communistes réformés s’avère impossible. Partout
l’emporte la volonté de démocratie politique et de liberté économique. En trois ans, les
régimes communistes s’effondrent et les nationalités se libèrent, d’abord dans les pays
satellites de l’URSS, puis en Union soviétique même. Les structures du bloc de l’Est se
défont avec la disparition du pacte de Varsovie et du Comecon. L’Union soviétique se
disloque en républiques indépendantes.

En Pologne, des réformes économiques entraînent des grèves au printemps et à l’été 1988. Le
mouvement Solidarité réclame le pluralisme syndical. Lors des négociations de la table ronde,
qui permettent la naissance en douceur de la troisième République de Pologne, les dirigeants
communistes polonais légalisent le mouvement social en avril 1989. Ainsi, Solidarność peut
participer aux premières élections semi-légales depuis la Seconde Guerre mondiale. Les
élections des 4 et 18 juin voient la débâcle du Parti communiste et Tadeusz Mazowiecki
devient le premier chef de gouvernement non communiste en Europe de l'Est. Il est nommé le
19 août 1989 et investi à une écrasante majorité par la Diète polonaise le 8 septembre 1989
grâce à une coalition entre Solidarité, le Parti paysan et le Parti démocrate. En décembre
1989, Lech Wałęsa, dirigeant emblématique de Solidarność, remplace le général Jaruzelski
du Parti ouvrier unifié polonais (POUP) à la présidence. Le triomphe des candidats du
syndicat à ces élections a déclenché une avalanche de révolutions pacifiques anti-
communistes en Europe centrale et en Europe de l'Est.

En Hongrie, des manifestations contre le régime se multiplient en 1987 et 1988. L’opposition


s’organise et les réformateurs entrent au gouvernement en juin 1988. Le 18 octobre 1989, la
constitution stalinienne est abandonnée et la Hongrie adopte le pluralisme politique. Dès le
mois de mai, elle avait mis fin au «rideau de fer» la séparant de l’Autriche, permettant ainsi la
fuite vers l’Ouest de nombreux Allemands de l’Est.

En Tchécoslovaquie, un plan de réformes inspirées de celles de l’URSS est adopté en


décembre 1987 mais peu appliqué. Le régime se durcit et réprime les manifestations en 1988.

La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, accélère davantage l’élimination des

gouvernements communistes. En Tchécoslovaquie, l’opposant Václav Havel est élu président


intérimaire de la République à l’unanimité par le parlement de la République socialiste
fédérative le 29 décembre 1989. Dans cette dynamique, le mouvement contestataire Forum
civique remporte les premières élections législatives libres le 8 juin 1990 et reconduit Václav
Havel à la présidence de la République en juillet de la même année. En Hongrie, les élections
législatives du 2 avril 1990 aboutissent à la formation d’un gouvernement du Forum
démocratique. Le 9 décembre 1990, Lech Wałęsa devient président de la République de
Pologne. En Bulgarie, un gouvernement de coalition est formé le 7 décembre 1990 et une
nouvelle constitution adoptée le 9 juillet 1991. En Roumanie, à la suite de manifestations
violentes, le dictateur communiste Nicolae Ceausescu est exécuté le 25 décembre 1989 et une
nouvelle constitution établissant le pluralisme est adoptée le 8 décembre 1991.

Cette transformation s’opère le plus souvent de façon pacifique. Néanmoins, en Roumanie la


révolution contre le dictateur Ceausescu fait couler le sang et l’éclatement de la Yougoslavie
entraîne une longue et cruelle guerre civile.

L’effondrement du communisme soviétique débouche sur la dislocation de l’Union soviétique


confrontée à une crise idéologique, politique et économique. Cause et conséquence de la fin
du communisme, la dislocation de l’empire se précipite. Les structures spécifiques du
«fédéralisme soviétique» accélèrent davantage l’implosion de l’Union soviétique alors
qu’elles étaient destinées, avant tout, à la consolider. À tour de rôle, les Républiques
socialistes soviétiques (RSS) proclament leur souveraineté en été 1991. En décembre de la
même année, certaines de ces républiques, devenues indépendantes entre-temps, redéfinissent
leurs liens respectifs à travers la création de la Communauté des États indépendants (CEI).

B. L’effondrement de la RDA et la chute du mur de Berlin

Tandis que Mikhaïl Gorbatchev libéralise le régime soviétique et que les mouvements
d’opposition au communisme se développent en Europe centrale et orientale, la République
démocratique allemande (RDA) apparaît comme une forteresse inébranlable, solidement
structurée par le Parti communiste appuyé par l’armée et la police secrète, dont les dirigeants
se refusent à toute évolution et comptent sur l’appui des troupes soviétiques stationnées en
RDA.

Toutefois, un courant de contestation se développe, avec l’appui des églises protestantes qui
réclament, à l’automne 1988, une «société à visage humain», puis en 1989 appellent le régime
à se libéraliser. Des «prières du lundi» regroupent de nombreux contestataires qui protestent
contre le régime policier et demandent la démocratisation. Les groupes réformateurs
préconisent «le socialisme à visage humain», troisième voie entre le socialisme stalinien de la
RDA et le capitalisme libéral de la République fédérale d'Allemagne (RFA). Ainsi
l’Allemagne de l’Est pourrait être maintenue et non pas absorbée par l’Allemagne de l’Ouest.
Mais les réformateurs se trouvent vite dépassés. D’énormes manifestations se succèdent,
réclamant les libertés de pensée, de presse, de réunion. La population veut aller plus loin
qu’une réforme de la RDA et du socialisme: elle veut participer à la prospérité de
l’Allemagne de l’Ouest vers laquelle les Allemands de l'Est s’enfuient massivement. Elle
manifeste en faveur de l’unité allemande.

Le gouvernement est-allemand d’Erich Honecker compte sur l’appui soviétique pour sauver
le régime. Mais Gorbatchev, soucieux de ne pas compromettre sa politique de rapprochement
avec l’Ouest, refuse toute intervention militaire et le confirme à Helmut Kohl lors de sa visite
à Bonn le 13 juin 1989. Il essaie de persuader les dirigeants est-allemands de procéder à des
réformes, à l’image de la perestroïka. Comme Honecker s’y refuse, il est remplacé le 18
octobre, en accord avec Moscou, à la tête du Parti communiste par Egon Krenz, Hans
Modrow, favorable aux réformes, devenant chef du gouvernement. Mais il est trop tard. Le 4
novembre, les nouveaux dirigeants sont hués par une foule d’un million de personnes
rassemblées sur l’Alexanderplatz de Berlin-Est. Ils décident alors le 9 novembre d’autoriser
les voyages à l’étranger. Aussitôt des milliers de personnes veulent passer par les postes-
frontières de Berlin, qui doivent s’ouvrir à la foule. Les manifestants commencent à démolir
le «mur de la honte». Plusieurs millions d’Allemands de l’Est vont visiter la «vitrine de
l’Occident» que représente Berlin-Ouest.

Les dirigeants de la RDA promettent alors, le lendemain 10 novembre, des élections «libres et
secrètes» pour mai 1990. Mais la poursuite des manifestations oblige à les avancer au 18
mars. Les réformateurs socialistes sont battus et c’est le chrétien-démocrate Lothar de
Maizière qui devient chef du gouvernement de la RDA, qui se prononce le 12 avril en faveur
d’une Allemagne unie au sein de l’OTAN et de la Communauté européenne.

C. Vers de nouvelles alliances

L’effondrement du communisme au sein du bloc de l’Est et la disparition de l’Union


soviétique mettent fin à la guerre froide. Les nouveaux régimes annoncent rapidement leur
intention de s’adresser à l’Occident pour obtenir l’aide et l’assistance économique nécessaires
pour favoriser la transition. Certes l’aspiration à la propriété et à la modernité qu’incarne
l’Union européenne constitue un moteur pour la transformation des pays d’Europe centrale et
orientale (PECO). Mais l’Union européenne, investie de cette mission historique, doit aussi
s’ingénier à offrir à ces États une perspective, des moyens et une méthode pour leur ouvrir
son espace de paix et de prospérité. La fin du rideau de fer ouvre aussi la voie à une
réunification de l’Allemagne puis de l’Europe toute entière. Les structures doivent également
s'élargir et se transformer pour mieux s'adapter à la nouvelle donne géopolitique à l'Est. À
partir des années quatre-vingt-dix, un processus de désarmement s’engage entre les anciens
ennemis de la guerre froide. Les négociations aboutissent à la signature d’accords qui visent à
réduire progressivement le nombre des forces conventionnelles et nucléaires sur le sol
européen. Les relations entre les États-Unis et la Fédération de Russie tendent également à se
normaliser et les deux pays entament des négociations bilatérales sur la réduction de leurs
armes stratégiques.

Finalement, le 1er juillet 1991 à Prague, les sept pays membres du pacte de Varsovie (URSS,
Bulgarie, Roumanie, République démocratique allemande, Hongrie, Pologne et
Tchécoslovaquie) décident de dissoudre le comité consultatif politique du pacte de Varsovie.

Avec l’effondrement du camp communiste confirmant le ralliement aux valeurs occidentales


(pluralisme politique, économie de marché, primauté du droit), le rôle de la Conférence sur la
sécurité et la coopération en Europe (CSCE) pouvait s’accroître. C’est à la demande de
Gorbatchev que la relance s’opère dans le but de consolider la démocratie et d’accélérer le
désarmement. Le sommet des chefs d’État ou de gouvernement à Paris (19-21 novembre
1990) adopte la charte de Paris pour une nouvelle Europe, rappelant les principes de l’acte
d’Helsinki. La charte salue «la fin de l’ère de la confrontation et de la division» et proclame
la volonté d’«édifier, consolider et raffermir la démocratie comme seul système de
gouvernement». Le sommet décide de donner à la Conférence un caractère institutionnel et
permanent, sans étendre ses compétences. Cela sera réalisé lors du Conseil de la CSCE à
Budapest (décembre 1994) avec la création de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE).

Né de la volonté de s’affranchir de l’héritage communiste et d’accomplir les réformes


nécessaires dans la perspective d’une adhésion totale aux institutions euro-atlantiques, le
groupe de Visegrad est constitué le 15 février 1991 lors de la réunion de József Antall,
Premier ministre de Hongrie, Lech Walesa, président de la Pologne et Václav Havel,
président de la Tchécoslovaquie, dans la ville hongroise de Visegrád. Suite à la partition de la
Tchécoslovaquie en deux États distincts le 1 er janvier 1993, la République tchèque et la
Slovaquie deviennent le troisième et quatrième membre du groupe. Le «Triangle de
Visegrad» (Budapest, Prague, Varsovie) se transforme ainsi en «Visegrad 4» ou «V4»
(Budapest, Bratislava, Prague, Varsovie). Ces quatre pays mettent en place une coopération
politique et économique étroite afin de mieux défendre leurs intérêts communs à l’échelle
européenne. Rapidement, l’action concertée du V4 a contribué au démantèlement du pacte de
Varsovie, à la suppression du COMECON et à la consolidation du processus de transition
démocratique.
L’un des objectifs du groupe de Visegrad est de stimuler les échanges commerciaux entre les
pays signataires. À cet effet, les chefs d’États ou de gouvernements signent le 21 décembre
1991 à Cracovie l’accord de libre-échange centre-européen (ALECE), entré en vigueur le 1er
mars 1993.

Les pays de l’ex-pacte de Varsovie, inquiets pour la stabilité de leurs frontières en raison du
réveil des nationalismes en Europe centrale et d’une possible résurgence de l’impérialisme
russe, ont besoin d’une garantie crédible, qu’ils ne peuvent trouver ni dans le cadre de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ni de la part de l’Union
européenne, mais du côté de l’OTAN et, à travers elle, des États-Unis. Les pays du groupe de
Visegrad demandent également une association institutionnalisée avec l’OTAN et affirment,
le 6 mai 1992, que «leur objectif à long terme est une adhésion pleine et entière à l’OTAN».

Mais, il n’est pas question alors d’étendre l’Alliance atlantique vers l’Est pour ne pas
inquiéter la Russie. L’OTAN adopte un nouveau concept stratégique.

Il n’y a plus de menace militaire globale en Europe et le danger vient désormais des conflits
régionaux liés à des facteurs politiques, économiques, sociaux aussi bien qu’à des
considérations de défense. D’où la nécessité, tout en maintenant un potentiel de défense
collective, de développer le dialogue et la coopération afin de contribuer, avec les autres
organisations, à résoudre pacifiquement des crises touchant à la sécurité de l’Europe. D’où la
création, à l’initiative des États-Unis et de l’Allemagne, d’un Conseil de coopération nord-
atlantique (CCNA) qui commence, le 20 décembre 1991, à réunir périodiquement ministres,
ambassadeurs et experts militaires pour discuter des questions de défense et de sécurité. Le
nombre d’États membres est de vingt-cinq au début (les Seize de l’OTAN, la Russie
représentant l’URSS, la Tchécoslovaquie, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et
les trois pays baltes). Il s’accroît avec l’inclusion, en mars 1992, de onze autres Républiques
de la nouvelle Communauté des États indépendants, auxquelles s’ajoutent l’Albanie et la
Géorgie. Au total 38 membres. La coopération se développe dans tous les domaines et
s’intensifie dans le cadre du Partenariat pour la Paix (11 janvier 1994) visant à établir des
relations militaires de coopération avec l’OTAN (planification, exercices en commun) afin de
développer la capacité de mener à bien des missions dans le domaine du maintien de la paix
sous l’autorité des Nations unies ou sous la responsabilité de la CSCE/OSCE, par la
constitution de groupes de forces interarmées internationales. Ce partenariat est considéré
comme devant jouer un rôle important dans le processus d’élargissement de l’OTAN,
désormais envisagé par les gouvernements de l’Alliance. Cet élargissement se fera
progressivement quelques années plus tard. Le 27 mai 1997 est signé à Paris l'acte fondateur
sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l'Organisation du traité de
l'Atlantique Nord (OTAN) et la Fédération de Russie, créant le Conseil conjoint permanent
OTAN-Russie.

Tous ces événements marquent clairement que le temps de l’affrontement Est-Ouest est
révolu et que la guerre froide entre les deux Grands est finie.

Chapitre 5 : LA DÉCOLONISATION ET L’ÉMERGENCE


DU TIERS-MONDE
Introduction

La Seconde Guerre mondiale a sérieusement ébranlé le système colonial. En effet, les


puissances coloniales ont perdu de leur prestige d'antan: elles ont soit été vaincues et occupées,
comme les Pays-Bas, la Belgique et la France, soit elles sont sorties très épuisées du conflit, comme
ce fut le cas pour le Royaume-Uni. Les peuples colonisés, souvent employés pour renflouer les rangs
des armées alliées en guerre, éprouvent alors le désir de se défaire des liens qui les unissent encore à
une Europe ruinée et exsangue.
De plus, l’émergence de deux grandes superpuissances anticolonialistes, les États-Unis et l’Union
soviétique, et le nouveau contexte international après 1945 favorisent la lutte des colonies pour
l’indépendance. Ainsi, la charte des Nations unies réaffirme le «respect du principe de l'égalité de
droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes». Ce principe avait déjà été évoqué par le
président américain Roosevelt et le Premier ministre britannique Churchill dans la charte de
l’Atlantique signée le 14 août 1941 sur le croiseur américain Augusta au large de la Terre-Neuve.
Au point 3 de cette déclaration solennelle, les deux chefs d’État énoncent le principe suivant lequel
«ils respectent le droit de chaque peuple à choisir la forme de son gouvernement et espèrent que les
droits souverains et l'autonomie de gouverner seront restitués à ceux qui en ont été privés par la
force».

Les peuples colonisés, conscients du nouveau contexte international favorable qui s’offre à eux, se
lancent dans la lutte pour leur indépendance. Cette émancipation des colonies se fera pour les uns
par la négociation, pour les autres par la force.

La décolonisation se fait en deux phases. La première s’étend de 1945 à 1955 et touche surtout les
pays du Proche et Moyen-Orient, ainsi que l’Asie du Sud-Est. La seconde phase commence en 1955
et concerne essentiellement l’Afrique du Nord et l’Afrique noire. C’est en effet la conférence de
Bandung de 1955, réunissant pour la première fois vingt-neuf délégués africains et asiatiques, qui
annonce la décolonisation en Afrique et qui marque l’entrée sur la scène internationale des pays du
tiers-monde.

C’est dans ce contexte que l’Europe communautaire naissante est amenée à réfléchir à ses futures
relations avec les colonies européennes. Pour les puissances coloniales, il s’agit notamment de
trouver un moyen d’arrimer leurs colonies à l’ensemble communautaire en construction et de
sauvegarder en même temps leurs liens historiques avec leurs Empires. C’est très tard dans les
négociations qui vont mener aux traités de Rome, plus précisément en mai 1956 à Venise, que la
France surprit ses partenaires en exigeant l’association de ses territoires d’outre-mer à la future
Communauté économique européenne (CEE). Hormis la Belgique, les partenaires de la France
craignent de se compromettre dans une politique de type néocolonialiste sévèrement condamnée par
les Nations unies. C’est seulement au terme de longues discussions diplomatiques, que les Six
parviennent à trouver un accord: c’est la vision géopolitique eurafricaine de la France qui
l’emporte. Ainsi, les traités de Rome du 25 mars 1957 prévoient, pour une période d'essai de cinq
ans, l'association à la CEE des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) liés à la France, la Belgique,
l’Italie et les Pays-Bas. Ces quatre États ouvrent leurs marchés d’outre-mer à l’ensemble des pays
membres de la CEE, en contrepartie tous les pays membres de la CEE participent au financement de
la mise en valeur de ces territoires d’outre-mer. Concrètement, une zone de libre-échange est
instaurée entre les Six et chacun des pays associés, et un Fonds de développement pour les PTOM
(FEDOM), ancêtre du Fonds européen de développement (FED), alimenté par des cotisations
nationales européennes, afin de financer des investissements d'infrastructure économique et sociale,
est instauré.

À partir de 1960, à mesure que les PTOM accèdent à l'indépendance, cette politique d'association
devient plus contractuelle. La convention de Yaoundé I de 1963 consacre la première coopération
entre la CEE et 18 États africains et malgache associés (EAMA).

À l'occasion du sommet de Paris d'octobre 1972, les États membres de la CEE affirment leur volonté
de renforcer leur effort d'aide et de coopération à l'égard des peuples les plus démunis des pays en
voie de développement (PVD). Or, ils ont des conceptions opposées. Tandis que la France, la
Belgique et l'Italie, défendent une approche régionaliste qui privilégie nettement le continent
africain, les Néerlandais et les Allemands, bientôt suivis par les Britanniques, incarnent la tendance
mondialiste et préconisent une aide matérielle ou commerciale à tous les PVD.

Finalement, l’entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun en 1973 permet à 20 États du


Commonwealth d’entrer dans le champ de l’association. En 1975, la convention de Lomé I crée un
partenariat entre la CEE et 46 États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).

I/ La décolonisation en Asie

Les peuples colonisés d’Asie du Sud-Est sont les premiers à réclamer le départ des Européens
et à revendiquer leur indépendance. En quelques années, toutes les colonies, à l’exception des
possessions portugaises de Goa et de Timor, deviennent indépendantes.

En février 1947, les Britanniques décident d’évacuer l’Inde qui, quelques mois plus tard,
acquiert son indépendance, mais non sans que le pays subisse une partition et voit la naissance
d’un nouvel État, le Pakistan. En 1948, le Royaume-Uni accorde l’indépendance à la Birmanie,
à l’île de Ceylan et, en 1957, à la Malaisie.

De son côté, l’Indonésie subit quatre années de confrontation militaire et diplomatique avec les
Pays-Bas, avant que ces derniers ne reconnaissent l’indépendance des Indes néerlandaises en
décembre 1949.

La France doit aussi faire face aux désirs d’émancipation de ses colonies. Dès 1946, elle
s’engage militairement en Indochine. Huit ans plus tard, la guerre coloniale se conclut par la
victoire du Viêt-minh sur les forces françaises, contraintes de quitter le pays. Le Laos et le
Cambodge accèdent également à l’indépendance.

1. La décolonisation britannique en Asie

Les campagnes de désobéissance civile, que Gandhi a menées en Inde pendant l'entre-deux-guerres,
ont exaspéré le Royaume-Uni. Pays pauvre mais très peuplé, l'Inde entend en effet jouer un rôle
mondial en se faisant le chantre de l'anticolonialisme neutraliste. Mais au sortir de la Seconde Guerre
mondiale, le gouvernement britannique n'a plus les moyens d'affronter une nouvelle guerre
coloniale. Il finit donc par concéder l'indépendance au sous-continent indien en août 1947, mais non
sans devoir faire face à des heurts violents entre la communauté hindoue et musulmane.

Tandis que Gandhi et Nehru, les principaux dirigeants du parti du Congrès, tiennent à l’unité
indienne, la ligue musulmane, dirigée par Ali Jinnah, réclame la création d’un État musulman
indépendant. Les incidents deviennent de plus en plus violents et dégénèrent dans une guerre civile.
En février 1947, les Anglais décident d'évacuer le pays et le 15 août 1947, cette situation aboutit à la
partition du pays en deux États indépendants: L’Inde à majorité hindoue et le Pakistan à majorité
musulmane. La République de l’Inde est proclamée en janvier 1950, une fois la constitution
élaborée, mais elle demeure membre du Commonwealth britannique.

En 1948, deux autres possessions britanniques, la Birmanie et l’île de Ceylan accèdent à


l’indépendance. Seule la Malaisie doit attendre 1957 pour devenir indépendante.

2. L’indépendance des Indes néerlandaises

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Pays-Bas tentent de reconquérir leur


ancienne colonie, qu’ils ont dû abandonner en 1942 aux Japonais. Mais les nationalistes
indonésiens revendiquent l’indépendance de l’archipel.

Alors que le Japon capitule le 15 août 1945, le leader indonésien, Sukarno, proclame
l’indépendance de l’Insulinde néerlandaise. Entre 1947 et 1948, les Pays-Bas lancent deux
grandes interventions militaires. Mais les nationalistes tiennent bon et les Néerlandais, sous la
pression des Nations unies et des États-Unis, doivent céder.

En décembre 1949, après quatre années de confrontation militaire et diplomatique avec les
Pays-Bas, ces derniers reconnaissent enfin l’indépendance des Indes néerlandaises transformée
en République des États-Unis d’Indonésie.

3. La décolonisation de l’Indochine française


La France doit aussi faire face aux désirs d’émancipation de ses colonies. Au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, le 2 septembre 1945 à Hanoï, Hô Chi Minh, chef du mouvement
nationaliste d’obédience communiste, le Viêt-minh, s’empare du pouvoir et décrète au nom du
gouvernement provisoire l'indépendance du pays et proclame officiellement la naissance de la
République démocratique du Viêtnam (RDV). L’empereur Bảo Đại doit abdiquer.

D’octobre 1945 à janvier 1946, les troupes françaises réoccupent militairement la Cochinchine. Le 6
mars 1946, le Français Jean Sainteny, commissaire de la République, et Hô Chi Minh signent un
accord qui prévoit la reconnaissance du Viêtnam comme État libre, intégré au sein de la Fédération
indochinoise et faisant partie de l’Union française.

Mais ces accords ne durent pas. Le 1 er juin 1946, le haut-commissaire Georges Thierry d'Argenlieu
proclame la République de Cochinchine. Le 23 novembre 1946, face à l’accroissement des troubles
et en vue de rétablir l’autorité française dans la zone nord de l’Indochine, la marine française
bombarde le port de Haiphong, faisant près de 6 000 victimes. Le 19 décembre, en représailles, des
éléments du Viêt-minh s’attaquent aux quartiers européens de Hanoï et massacrent des dizaines de
personnes. Hô Chi Minh se réfugie dans la clandestinité pour combattre les Français. C'est le début
d'une guerre qui va durer huit ans. Les troupes françaises se lancent dans une difficile reconquête des
zones tenues par le Viêt-minh et s’engagent progressivement dans une guerre coloniale lointaine et
coûteuse en vies humaines.

À partir de 1949, le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine sont regroupés au sein du nouvel État du
Viêtnam, associé à la France dans le cadre de l’Union française et dirigé depuis la ville de Saigon
par l’empereur Bảo Đại, rentré au Viêtnam en avril 1949.

Pour justifier cette guerre coloniale devant l'opinion publique mondiale en général et du
gouvernement américain en particulier, les autorités françaises la définissent davantage comme une
lutte anticommuniste que comme une guerre coloniale. En effet, dès la fin de l’année 1949, des
troupes chinoises s’installent le long de la frontière du Viêtnam. L’Union soviétique et la Chine
communiste de Mao Zedong accentuent leur soutien (livraison d’armes et de matériel, envoi
d’instructeurs…) aux troupes du Viêt-minh. Ainsi, face à cette menace et avec le début de la guerre
de Corée en juin 1950, les États-Unis se déclarent prêts à aider matériellement l'effort de guerre
français par la fourniture d'armements. La guerre d’Indochine s’inscrit dans la politique
de containment américaine et devient l’un des fronts de la lutte contre l’expansion communiste.
Mais la position française en Indochine ne fait que s'effriter. Les défaites sur le terrain se multiplient
et les pertes militaires françaises ne cessent de s’alourdir. Après la reddition catastrophique du 7 mai
1954 de sa forteresse de Diên Biên Phu, la France réalise qu'elle ne peut plus poursuivre cette guerre
lointaine et onéreuse au seul nom de la lutte anticommuniste.

Les accords de Genève du 21 juillet 1954 mettent fin au conflit et la France est contrainte à quitter le
pays. Le Viêtnam est divisé en deux parties: tandis que le nord du Viêtnam passe sous le contrôle
communiste du leader Hô Chi Minh, une dictature nationaliste s'installe au sud du 17 e parallèle.
L'indépendance du Laos et du Cambodge, proclamée en 1953, est définitivement reconnue. Mais
contrairement à la France, les Américains n’acceptent pas les résultats de la conférence de Genève et
restent partisans de l'indépendance du Viêtnam du Sud.

Aussitôt délestée de la poudrière indochinoise, la France perd une partie importante de son prestige
colonial, ce qui ne fait que renforcer davantage les mouvements indépendantistes qui agitent déjà ses
possessions d'Afrique du Nord.

II/ L’émergence du tiers-monde

Suite aux mouvements d’indépendance, naît un ensemble de pays n’appartenant ni au bloc


occidental, ni au bloc soviétique et partageant certaines caractéristiques, dont le sous-développement
et une croissance démographique importante : c’est le «tiers-monde» (expression forgée par
l’économiste et le démographe français Alfred Sauvy en 1952).

Dans les années 1950, cinq pays asiatiques nouvellement indépendants (l’Inde, le Pakistan, Ceylan,
la Birmanie et l’Indonésie) prennent l’initiative d’unir les pays du tiers-monde pour faire front
commun face à la colonisation. Le 17 avril 1955 s’ouvre ainsi à Bandung en Indonésie une
conférence afro-asiatique qui, pour la première fois, permet aux pays du tiers-monde de s’affirmer
sur la scène internationale.

En 1956, la crise de Suez illustre ces nouveaux rapports de force internationaux. En Égypte, le 26
juillet 1956, le président Gamal Abdel Nasser, chantre du panarabisme, proclame la nationalisation
de la compagnie du canal de Suez. Se heurtant ainsi de front aux intérêts de la France, du Royaume-
Uni et d’Israël, la nationalisation de la compagnie du canal de Suez provoque une épreuve de force
débouchant sur une opération militaire conjointe des trois pays contre l’ancien protectorat
britannique en octobre 1956. Or, la volonté de la France et du Royaume-Uni de sauvegarder leurs
intérêts économiques et financiers au détriment d’un pays en développement va provoquer
l’ingérence de la communauté internationale.
1. La conférence de Bandung

À la conférence de Bandung, du 18 au 24 avril 1955, se réunissent des pays d’Asie et d’Afrique,


nouvellement indépendants, pour affirmer leur volonté d’indépendance et leur non-alignement sur
les puissances mondiales. Sous la présidence du leader indonésien Sukarno, elle réunit 29 pays : 23
d’Asie et 6 d’Afrique. Parmi ses invités, on peut citer Gamal Abdel Nasser pour l’Égypte, le Premier
ministre indien Nehru et Zhou Enlai, Premier ministre de la Chine populaire. S’opposant au
colonialisme, ils incitent les peuples encore colonisés à lutter pour leur indépendance et
revendiquent :

- La décolonisation et l’émancipation des peuples d’Afrique et d’Asie ;

- La coexistence pacifique et le développement économique ;

- La non-ingérence dans les affaires intérieures.

La conférence a une incidence psychologique très importante. Elle exalte en effet les droits
fondamentaux des peuples colonisés et témoigne de leur force de résistance contre la domination
européenne. Sentant leurs positions toujours plus menacées dans leurs territoires d’outre-mer, les
métropoles européennes n’ont bientôt plus guère d’autre choix que de s’orienter toujours plus vers
l’unité et de s’interroger sur les moyens de conserver des liens privilégiés avec leurs colonies. Ainsi,
la conférence de Bandung marque l’entrée sur la scène internationale des pays du tiers-monde.

2. La crise de Suez

À Suez, le tiers-monde remporte une victoire diplomatique importante. En effet, le colonel Gamal
Abdel Nasser, invité à la conférence des pays afro-asiatiques non-alignés de Bandoeng de 1955,
cherche à faire l’unité du monde arabe autour de l’Égypte qu’il dirige depuis juin 1956. Il projette la
construction d’un grand barrage à Assouan pour stimuler la transformation économique et agricole
du pays, mais les États-Unis, qui voient pourtant Nasser comme une alternative au communisme,
refusent de participer au financement massif du chantier. Aussitôt, le 26 juillet 1956, Nasser annonce
son intention de nationaliser la compagnie du canal de Suez, voie d’eau d’une grande importance
internationale dont les actionnaires sont en majorité français et britanniques mais dont la concession
ne doit expirer qu’en 1968. Pour Nasser, les revenus d’exploitation du canal doivent tout simplement
permettre à l’Égypte de financer les travaux d’Assouan.

Les Français, fâchés par l’aide apportée par l’Égypte aux insurgés algériens, et les Britanniques, qui
veulent préserver leur contrôle sur la voie stratégique de Suez, décident de mener une action
militaire concertée en vue de récupérer la mainmise sur l’administration du canal. Ils disposent pour
ce faire du soutien militaire de l’État d’Israël qui, depuis sa création en 1948, se sent directement
menacé par toute velléité d’expansionnisme ou de renforcement arabe. Nasser ne cesse d’ailleurs de
proclamer sa volonté de détruire Israël. Le 29 octobre 1956, les armées israéliennes conquièrent le
Sinaï si précieux pour la protection de l’État juif. Une semaine plus tard, les troupes franco-anglaises
débarquent à Port-Saïd. Le succès de l’opération est total : l’armée égyptienne est défaite en
quelques jours, bien que Nasser ait ordonné de couler une quarantaine de navires afin de bloquer
définitivement le canal de Suez.

Mais les grandes puissances mondiales n’apprécient pas du tout l’action de la France et de la
Grande-Bretagne. L’URSS, qui est en train de liquider l’insurrection hongroise par la force, menace
Paris et Londres de représailles nucléaires. En ce qui les concerne, les États-Unis, pourtant alliés
traditionnels des puissances européennes, se plaignent de n’avoir pas été consultés au préalable. Ils
n’apprécient absolument pas cette politique de la canonnière de type néocolonial et, à travers les
Nations unies, exercent une immense pression financière sur le Royaume-Uni, de sorte que le corps
expéditionnaire franco-anglais doit se retirer malgré la victoire militaire. Israël évacue aussi le Sinaï.
C’est l’Organisation des Nations unies qui prend en charge la remise en état du canal qui est rouvert
à la navigation en avril 1957. Entre-temps, alors que Nasser a ordonné la destruction de nombreux
oléoducs, les pays d’Europe occidentale sont confrontés aux premières restrictions dans
l’approvisionnement d’essence et de carburants.

En fin de compte, Nasser, fort de sa victoire politique et diplomatique, jouit d’un immense prestige
dans le monde arabe. Il exploite à fond son image de martyre d’un complot impérialiste. Les
puissances européennes doivent définitivement reconnaître qu’elles ne sont plus des puissances
mondiales et que leur rôle sur l’échiquier international ne peut plus être que complémentaire à celui
des États-Unis. Il leur devient en effet très difficile de mener une politique mondiale indépendante et
leur influence dans la région du Moyen-Orient devient quasiment nulle.

L’affaire de Suez se conclut donc par une défaite morale et par un fiasco diplomatique pour les
anciennes puissances coloniales, tandis que le colonel Nasser s’érige dès à présent en défenseur de la
cause arabe et en champion de la décolonisation.

III/ La décolonisation en Afrique

Suite à la conférence de Bandung et la crise de Suez, se développe la deuxième phase de la


décolonisation. Celle-ci se situe principalement en Afrique.

En Afrique du Nord, la France doit affronter une grave crise qui débute en Algérie avec le
soulèvement du Front de libération nationale (FLN) en 1954. La guerre se répercute ensuite au
Maroc et en Tunisie et finit par menacer le régime républicain en France même. Les protectorats du
Maroc et de Tunisie se voient accorder leur indépendance sans combat en mars 1956. L’Algérie,
considérée comme une partie intégrante de la France, constitue quant à elle un cas à part. Ce n'est
qu'à la fin d'une douloureuse guerre de huit ans – qui va de l'insurrection de 1954 aux accords
d'Évian de mars 1962 – que l'Algérie devient un État indépendant.

À partir de 1957, c’est au tour des anciennes possessions britanniques, françaises, belges et
portugaises de l’Afrique noire de s’émanciper progressivement.

1. L’indépendance du Maroc et de la Tunisie


a. Le Maroc

Depuis la signature du traité de Fès en 1912, le Maroc était un protectorat français. Or, depuis
la fin de la Seconde Guerre mondiale, les revendications indépendantistes s’intensifient. Déjà
en 1943, le président américain Franklin Roosevelt avait encouragé le sultan marocain Sidi
Mohammed ben Youssef dans sa volonté d’indépendance. Puis, à partir de 1947, ce dernier
prend ses distances à l’égard du protectorat, fait l’éloge de la ligue arabe et soutient l’Istiqlal,
parti de l’indépendance.

Cependant, la nomination du général Juin, chef d´État major général de la défense nationale
(1947), puis du général Guillaume (1951) comme représentants officiels du gouvernement
français à Rabat, montre que la France n’est pas prête à abandonner le Maroc. Dès 1951, le
général Juin, soutenu par les colons conservateurs français, menace de destitution Sidi
Mohammed Ben Youssef s’il ne désavoue pas l’Istiqlal. Sous la contrainte, le sultan cède et
déclare se distancer des nationalistes.

Toutefois, les indépendantistes continuent leur lutte et créent le Front national marocain. Dans
les mois suivants, les tensions ne cessent de monter. Entre 1952 et 1953, plusieurs
manifestations anti-françaises sont réprimées dans le sang. En décembre 1952, les États arabes
réussissent à faire inscrire la question marocaine à l’ordre du jour de l’Organisation des Nations
unies (ONU).

Néanmoins, en 1953, à la suite d’une intrigue du pacha de Marrakech, le Glaoui, fidèle ami de
la France, Sidi Mohammed Ben Youssef est enlevé du palais et exilé à Madagascar. Le
lendemain, il est remplacé par Ben Arafa, candidat du Glaoui. À partir de ce moment, les
nationalistes intensifient leur action et les attentats se multiplient.
Devant la détérioration accélérée de la situation, le gouvernement français est de plus en plus
mal à l’aise face à la pression internationale et décide de faire revenir le sultan. Dès lors, les
choses vont se précipiter. Le 6 novembre 1955, le ministre français des Affaires étrangères,
Antoine Pinay, et Sidi Mohammed Ben Youssef signent les accords de La Celle-Saint-Cloud,
prévoyant le retour sur le trône du sultan, sous le nom de Mohammed V, et l’indépendance du
Maroc. Dix jours plus tard, Mohammed V rentre triomphalement à Rabat. Le 2 mars 1956,
après la signature à Paris de la déclaration commune annulant le traité de protectorat de 1912,
le Maroc accède à l’indépendance. Quelques semaines plus tard, ce sera le tour de la Tunisie.

b. La Tunisie

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Tunisie devient un terrain d’affrontement entre les
Alliés et les puissances de l’Axe. Après plusieurs mois de combats, les forces alliées
parviennent à repousser les troupes ennemies et la capitulation allemande du 12 mai 1943
entérine le retrait des puissances de l’axe de l’Afrique du Nord. Le 15 mai, l’autorité en Tunisie
est transférée à la France libre. Aussitôt, Moncef Bey, bey de Tunis depuis 1942, est révoqué
pour avoir collaboré avec les Allemands et est remplacé par Lamine Bey.

Profitant du mécontentement d’après-guerre et stimulé par l’indépendance de la Libye voisine


(octobre 1951), le parti occidentalisé, le Néo-Destour réclame des réformes. Son leader Habib
Bourguiba, appuyé par la ligue arabe, et le Bey lui-même réclament la constitution d’un
gouvernement responsable.

Tandis que Paris préconise un système de co-souveraineté au sein de l’Union française,


Bourguiba intensifie sa campagne pour l’indépendance de la Tunisie, en s’appuyant notamment
sur l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT). À partir de 1952, la répression s’abat
sur les responsables politiques et Bourguiba est arrêté. Or, le recours au terrorisme amène la
France à réagir. Le 31 juillet 1954, Pierre Mendès France accorde l’autonomie interne à la
Tunisie. C’est finalement le 17 septembre 1955 qu’est installé à Tunis un gouvernement
composé exclusivement de Tunisiens.

Le 20 mars 1956, les négociations franco-tunisiennes aboutissent à l’indépendance totale de la


Tunisie. Les premières élections législatives de l’histoire tunisienne donnent une large victoire
au Néo-Destour et à Habib Bourguiba qui devient président de la République tunisienne. Le 12
novembre 1956, la Tunisie est admise aux Nations unies.
c. La poudrière algérienne

L’Algérie, annexée à la France depuis 1834 et constituée en départements français, est


considérée comme une partie inaliénable du territoire national. Or, depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale, l’Algérie connaît de nombreuses manifestations nationalistes et
indépendantistes. En effet, l’existence d’une forte minorité de colons européens (1 million sur 9
millions d’habitants en 1954) farouchement opposés à la création d’une république algérienne
musulmane empêche l’émergence de toute solution à l’amiable.

À la Toussaint 1954, une trentaine d’attentats éclatent sur le territoire algérien. Il s’agit de la
première action du Front de libération nationale (FLN). Peu à peu, le FLN et sa branche armée,
l’Armée de libération nationale (ALN), se radicalisent et utilisent la guérilla et le terrorisme.

À partir de 1956, le gouvernement Guy Mollet, d’abord partisan d’une politique de négociation,
finit par renforcer son action militaire en Algérie : il y envoie un contingent de plus de 400 000
soldats. Militairement, la France l’emporte, mais elle ne réussit pas pour autant à rétablir
l’ordre. Au contraire, le soutien de la population algérienne au FLN se renforce.

Malgré les tentatives de la France de présenter la question algérienne comme un problème de


police intérieure, l’internationalisation du conflit ne cesse de croître. Les relations avec les
États arabes deviennent de plus en plus tendues et les offensives diplomatiques des pays afro-
asiatiques obligent le gouvernement français à justifier sa politique algérienne devant
l’assemblée générale des Nations unies.

En France, le gouvernement est paralysé. Les dépenses militaires creusent le déficit budgétaire
et les difficultés financières s’aggravent. Finalement, l’impuissance de la Ive République à
rétablir l’ordre en Algérie aboutit à l’effondrement du régime. Les émeutes du 13 mai 1958 à
Alger des partisans de l’Algérie française aboutissent au retour au pouvoir du général de
Gaulle. Il est considéré comme le seul homme susceptible d’éviter la guerre civile et de
restaurer l’unité nationale.

Or, face au gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), créé par le FLN le
19 septembre 1958, le général de Gaulle se rend peu à peu compte que rien n’est possible sans
négociations avec le FLN. Le 16 septembre 1959, il amorce un premier pas décisif en se
prononçant pour les droits des Algériens à l’autodétermination. Dans un discours décisif, de
Gaulle propose trois voies entre lesquelles les Algériens devront choisir : sécession,
francisation ou association. Le général espère sans doute que les Algériens choisiront non la
solution de l’indépendance, mais celle d’une Algérie associée à la France qui garderait ses
prérogatives sur l’économie, l’enseignement, la défense et les affaires étrangères.

Le 8 janvier 1961, 75 % de l’électorat français approuvent par référendum l’autodétermination


des Algériens. L’opinion publique, initialement favorable à la guerre, opte désormais pour la
paix. Deux mois plus tard, le gouvernement annonce l’ouverture des pourparlers avec le
GPRA. Le 11 avril 1961, le général de Gaulle justifie, lors d’une conférence de presse, le
désengagement de la France en Algérie pour des raisons économiques.

Or, les militants de l’Algérie française, qui ont porté de Gaulle au pouvoir, se sentent trahis. La
colère se traduit par des crises politiques, des insurrections et des coups de force. Déjà en
janvier 1960, des militants déclenchent une semaine d’émeutes, la «semaine des barricades».
Puis, en avril 1961, quatre généraux (Challe, Salan, Zeller et Jouhaud) veulent réitérer le coup
du 13 mai 1958, mais cette fois contre de Gaulle. Le putsch militaire d’Alger échoue devant le
refus du contingent et de l’opinion publique de se rallier aux généraux.

Les militants de l’Algérie française créent alors l’Organisation armée secrète (OAS), un
mouvement terroriste civilo-militaire, s’appuyant notamment sur une partie de la population
européenne d’Algérie et une partie de l’armée pour lutter contre l’indépendance de l’Algérie.
Entre 1961 et 1963, l’OAS organise une série d’attentats en France et en Algérie.

Mais ces actions n’empêchent pas la signature, le 18 mars 1962, des accords d’Évian entre le
gouvernement français et des représentants du FNL. Ces accords donnent la souveraineté à
l’Algérie, Sahara compris. La France obtient le maintien de ses troupes pendant trois ans ainsi
qu’une coopération franco-algérienne, protégeant les intérêts économiques de la France,
notamment dans le domaine du pétrole.

Un double référendum conforte ces décisions. Le 8 avril 1962, les électeurs français approuvent
à plus de 90 % les accords d’Évian. Le 1 er juillet 1962, 99,7 % des Algériens se prononcent en
faveur de l’indépendance de leur pays.

L’indépendance devient effective le 3 juillet 1962. Le 4 juillet, Ahmed Ben Bella s’installe à
Alger en qualité de président de la nouvelle république. Pour coïncider avec la date du traité de
capitulation du Dey Hussein en 1830, l’indépendance est proclamée en Algérie le 5 juillet
1962.
Pendant l’été 1962, des centaines de milliers de Français d’Algérie, les pieds-noirs, quittent
précipitamment l’Algérie et retournent en France.

2. L’émancipation de l’Afrique noire


a. La décolonisation de l’Afrique anglophone

L’émancipation de l’Afrique noire se fait progressivement. Les colonies britanniques sont les
premières à se libérer. Le 19 décembre 1955, le Parlement soudanais proclame l’indépendance
du pays. La reconnaissance officielle de l’indépendance du Soudan est accordée deux semaines
plus tard, le 1er janvier 1956.Lee 6 mars 1957, le leader Kwame Nkrumah obtient
l’indépendance de la Côte-de-l’Or sous le nom de Ghana.

Le Nigéria devient indépendant le 1er octobre 1960, la Sierra Leone le 27 avril 1961, le
Tanganyika le 28 décembre 1961 et l’Ouganda accède à l’indépendance le 9 décembre 1962.
Le 29 septembre 1964, le Tanganyika et le Zanzibar fusionnent pour former la Tanzanie.

La décolonisation se fait plus difficilement au Kenya, où sévit, à partir 1952, la rébellion des
Mau-Mau, un mouvement militant qui combat la loi coloniale britannique. Le leader
nationaliste Jomo Kenyatta, accusé d’être un complice des Mau-Mau, est arrêté par les
autorités britanniques. Devenu un symbole de la volonté d’unité nationale, il est relâché en
1961. C’est seulement en septembre 1963 que le Kenya accède à l’indépendance. Jomo
Kenyatta devient le premier président de la nouvelle république.

En Afrique australe, le Nyassaland proclame son indépendance et prend le nom de Malawi (6


juillet 1964) et la Rhodésie du Nord devient indépendante sous le nom de Zambie (24 octobre
1964). En 1965, la minorité blanche au pouvoir en Rhodésie du Sud proclame unilatéralement
l’indépendance et y établit un régime d’apartheid. Les colons blancs perdent le pouvoir
seulement en 1979, et en 1980, les Britanniques accordent l’indépendance à la Rhodésie du Sud
sous le nom de Zimbabwe. Robert Mugabe devient Premier ministre.

b. La décolonisation de l’Afrique noire française

Les événements vont également s’enchaîner dans les colonies françaises issues de l’Afrique
noire. En 1946, la constitution de la Ive République accorde à ces territoires un début
d’autonomie et le droit d’élire leurs représentants dans les assemblées françaises. L’Ivoirien
Houphouët–Boigny et le Sénégalais Léopold Sédar Senghor seront même ministres à Paris. La
loi-cadre Defferre accorde en 1956 une large autonomie interne aux territoires africains. En
1958, le général de Gaulle les laisse choisir entre l’indépendance dans la sécession et
l’appartenance à la Communauté française, présidée par de Gaulle. À l’exception de la Guinée,
toutes les colonies de l’Afrique noire française optent pour la seconde solution. Elles jouissent
désormais d’une large autonomie interne, seules la défense nationale et la politique étrangère
sont du ressort du gouvernement français. Peu à peu, toutes ces colonies demandent à la France
le transfert des compétences. Plusieurs nouveaux États indépendants voient ainsi le jour en
1960 : Cameroun, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Dahomey, Gabon, Haute-Volta,
Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Tchad et Togo.

 L’indépendance du Congo belge

Grâce aux ressources en or, en cuivre et en uranium, le Congo belge est la plus riche de toutes
les colonies européennes en Afrique noire, et ce vaste territoire suscite les convoitises des
grandes compagnies. Le gouvernement belge de son côté a longtemps pratiqué une politique
paternaliste, en refusant toute évolution. En 1960, des émeutes éclatent et la Belgique accorde
brusquement l’indépendance au Congo (30 juin 1960). Mais à peine indépendant, le Congo
devient la proie de massacres d’Européens et sombre dans une guerre civile. Progressiste et
centralisateur, le Premier ministre Patrice Lumumba s’oppose vite au fédéraliste Kasa-Vubu,
désigné comme président de la République. Et bientôt, la riche province du Katanga, dirigée
par Moïse Tschombé, fait sécession et proclame son indépendance. Ces divisions dégénèrent
rapidement en luttes sanglantes et le conflit congolais s’internationalise avec l’intervention des
Casques bleus de l’ONU. En 1961, la situation s’empire encore avec l’arrestation et l’assassinat
de Patrice Lumumba. Les troubles prennent seulement fin en 1965, avec le coup d’État du
général Mobutu, chef de l’armée congolaise.

Le 1er juillet 1962, deux autres territoires sous tutelle belge, le Rwanda et l’Urundi (qui devient
le Burundi) accèdent à la souveraineté.

 L’indépendance des colonies portugaises

Le Portugal a été le premier colonisateur de l’Afrique, mais il est également le dernier à quitter
le continent. En 1961, des émeutes éclatent en Angola, au Mozambique et en Guinée-Bissau,
mais le Portugal refuse de céder et les réprime dans le sang. Peu à peu, les soulèvements se
généralisent et s’organisent autour de mouvements indépendantistes et nationalistes. Il faut
attendre la «révolution des œillets» et la chute de la dictature salazariste au Portugal en 1974-
1975 pour que l’Angola, le Mozambique, la Guinée-Bissau et le Cap-Vert obtiennent leur
indépendance. L’abandon des colonies africaines signifie pour le Portugal la fin de son empire
colonial. Ne reste au Portugal que le comptoir de Macao qui revient seulement en 1999 à la
souveraineté chinoise.

IV/ Les répercussions de la décolonisation sur le processus de l’intégration européenne

La naissance de l’Europe communautaire amène les métropoles européennes à concilier


politique d’outre-mer et politique européenne. En même temps, la désintégration des empires
coloniaux et l’émergence des pays du tiers-monde sur la scène internationale entraînent un
profond changement dans les relations entre l’Europe et les colonies nouvellement
indépendantes ou en voie d’indépendance. Pour les métropoles européennes, il s’agit
notamment de trouver un moyen d’arrimer leurs (anciennes) colonies à l’ensemble
communautaire en construction et de sauvegarder en même temps leurs liens historiques avec
leurs Empires.

Lors de la rédaction du traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) en


1956-1957, les négociateurs se demandent dans quelle mesure il convient d’associer les
colonies à la Communauté projetée. Le concept géopolitique d’Eurafrique, connu depuis
l’entre-deux-guerres, connaît alors un certain regain d’intérêt. Les six États membres de la
Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) s’interrogent alors sur la manière de
concilier la formation d’une union douanière dotée d’un tarif extérieur commun (TEC) avec le
maintien des liens préférentiels historiques entre les métropoles européennes et leurs territoires
d’outre-mer. Ainsi, la France refuse d’ouvrir ses marchés africains à ses partenaires tout en
continuant d’assurer seule la charge financière de leur développement. En pleine guerre
d’Algérie, l’ambition française est également de compenser l’affaiblissement des liens
politiques par un renforcement des relations économiques Europe-Afrique. L’Assemblée
nationale française fait d’ailleurs de l’association CEE-TOM et du marché commun eurafricain
une condition sine qua non de la ratification du traité. Hormis la Belgique, très présente au
centre de l’Afrique, les partenaires de la France craignent par contre de se compromettre dans
une politique de type néocolonialiste sévèrement condamnée par les Nations unies. L’exigence
française fait donc l’objet de vives discussions diplomatiques.

Finalement, le traité de Rome du 25 mars 1957 prévoit, pour une période d’essai de cinq ans,
l’association à la CEE des territoires français, belges, italiens et hollandais et compte deux
volets, commercial et financier. Une zone de libre-échange est instaurée entre les Six et chacun
des pays associés. Les produits tropicaux africains trouvent ainsi de nouveaux débouchés en
Europe alors que les Six écoulent plus facilement leurs produits industriels en Afrique. Sur le
plan financier, le traité crée un Fonds européen de développement (FED) alimenté par des
cotisations nationales européennes afin de financer des investissements d’infrastructure
économique et sociale.

À l’expiration de la période d’essai de cinq ans, la convention d’association est renouvelée


entre les Six et les dix-huit États africains et malgache associés (EAMA). La nouvelle
convention d’association, d’une durée de cinq ans également, est signée à Yaoundé le 20 juillet
1963.

À partir de 1961, un nouvel élément s’ajoute : la première candidature du Royaume-Uni au


Marché commun européen soulève le débat des futures relations entre le Royaume-Uni, les
États du Commonwealth et la CEE et pose plus particulièrement le problème de l’adhésion des
États africains anglophones à l’association EAMA-CEE. Il s’agit donc d’adapter, une nouvelle
fois, la politique de coopération des Communautés européennes aux conditions internationales
nouvelles créées. En 1975, la convention de Lomé I crée un partenariat entre la CEE et 46 États
d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).

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