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Terminale générale Thème 2 – La multiplication des acteurs internationaux dans un

monde bipolaire (de 1945 au début des années 1970)

Chapitre 4 - La fin de la Seconde Guerre mondiale et


les débuts d’un nouvel ordre mondial

La fin de la Seconde guerre mondiale marque le déclassement définitif de l'Europe, ruinée par les
cinq années de ce conflit d'une violence sans précédent et incapable de conserver sa suprématie
mondiale. Les alliés – Etats-Unis, Royaume-Uni, puis URSS – ont affirmé tôt leur volonté de
reconstruire le monde sur des bases pacifiques et démocratiques une fois les puissances de l'Axe
détruites (charte de l’Atlantique). Les Etats-Unis et l’URSS surtout ont assuré la victoire contre les
forces de l’Axe (Japon, Allemagne et Italie) et en tirent un prestige considérable. Alliées, ces puissances
réorganisent le monde et l’Europe lors des conférences de Yalta puis de Potsdam en 1945. Toutefois, en
dépit des organisations internationales crées dès la fin de la guerre afin d'encadrer la réalisation de ce
nouvel ordre mondial politique et économique – l'ONU notamment – de nouveaux facteurs de
conflictualités émergent rapidement. La guerre enfante deux superpuissances – les Etats-Unis et l'URSS
– incarnant des modèles idéologiques antagonistes. Leur confrontation devient incontournable dès 1947.
Un conflit d'un genre nouveau prend alors forme qu’un intellectuel américain, Walter Lippmann, baptise
alors de « guerre froide ». Entre 1947 et le début des années 1970, deux blocs organisés autour des deux
"Grands" (Etats-Unis et URSS) se mettent en place. Il serait toutefois réducteur de limiter l'histoire de
cette période à la guerre froide et à la bipolarisation du monde. L'affaiblissement de l'Europe et la
diffusion des nouvelles idéologies favorisent aussi l'affirmation des revendications nationales dans le
monde entier. Les bases sur lesquelles se reconstruit le monde en 1945 sont-elles bien de nature à réaliser
un nouvel ordre international porteur d’une paix juste et durable ?
Après un bilan du conflit, nous verrons comment est mise en œuvre la reconstruction à l’échelle
internationale et nationale, pour enfin envisager la rapide irruption de nouveaux conflits.

I. Le bilan matériel, humain et moral du conflit


La seconde guerre mondiale a été une guerre totale, une guerre d’anéantissement. À l’image de
sa brutalité, elle laisse un bilan désastreux aussi bien matériellement, humainement que moralement.
Pourtant ses effets sont géographiquement très inégaux.
1. Le bilan matériel
- Destruction des villes et des infrastructures sur les théâtres d’affrontement (60% des villes
européennes ont subit des bombardements).
- Affaiblissement considérable de l’appareil de production détruit ou désorganisé par la guerre
(baisse de 50% des capacités de production des pays européens en moyenne), aussi bien dans le
domaine industriel qu’agricole (nombreuses terres momentanément incultes).
- L’impact sur l’économie est donc majeur. Les pénuries sont massives aussi bien en logements,
en machines qu’en produits de première nécessité.
2. Le bilan humain
Plus de 60 millions de morts au total, soit près de 2,7% de la population mondiale. C’est un bilan sans
précédent :
- Les alliés ont subit plus de 80% des pertes humaines, en grande majorité des civils (2/3) du fait
des bombardements et des crimes des puissances de l’Axe.
- Les pertes sont très inégales d’un pays à l’autre. Elles témoignent dans tous les cas du lourd tribu
payé dans le conflit. Elles peuvent être colossales comme en URSS (la plus haute estimation
donne 27 millions de morts et disparus, dont 8,6 millions de militaires), en Chine (jusqu’à 20
millions). Le Pologne perd 16% de sa population. Même lorsque les pertes sont moins élevées,

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elle n’en restent pas moins des records nationaux (450 000 pour le Royaume Uni et 420 000 pour
les Etats-Unis).
3. Le bilan moral
La brutalité des forces de l’Axe dépasse toutes les horreurs jamais éprouvées auparavant. L’impact
psychologique d’une guerre totale est déjà en soit un traumatisme profond. Ici, il se double de crimes
immondes perpétrés au nom d’idéologies racistes et antihumanistes. La guerre a poussé les démocraties
à mettre en œuvre des réponses inédites. À la spirale de violence engendrée par la guerre, succède une
aspiration à faire justice afin que ces crimes ne restent pas impunis.
Afin de sanctionner les atrocités commises par les nazis et leurs collaborateurs une volonté
d’épuration s’exprime dans l’Europe libérée. Pour la première fois, une justice pénale internationale est
élaborée afin de juger les principaux responsables. Pour le reste de l’épuration, elle se fera, plus ou
moins en profondeur, dans le cadre national. Le procès de Nuremberg, le plus important d’entre eux, se
tient du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 dans la ville même que les nazis avaient choisis pour
promulguer leurs lois antisémites en 1935. Les 24 accusés comparaissent pour complot, crimes contre
la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Ce sont des membres de premier plan de l’appareil
d’Etat nazi qui ne se sont pas suicidés ou qui ont été capturés : Hermann Göring, maréchal du Reich et
second du régime, Wilhelm Keitel, chef d’Etat-major, Von Ribbentrop, ministre des affaires étrangères,
etc.
La notion de crime de l’Humanité trouve ici sa première application judiciaire. Elle désigne des actes
criminels d’ampleur exceptionnels commis à l’encontre d’un groupe humain qui portent atteinte à leurs
droit fondamentaux et à leur dignité. Cela vise bien sûr la déportation, la réduction en esclavage, les
exécutions, les tortures pratiquées par les forces de l’Axe pendant la guerre, mais surtout les génocides
des Juifs et des Tziganes. Ce crime nouveau de génocide est alors définit comme l’ensemble « des actes
commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, comme tel ».
Les séquelles laissées par la guerre sont profondes et divisent les sociétés. Le risque de guerre civile
larvée entre les anciens collaborateurs et les résistants en France ou en Italie n’est pas exclu. Le procès
de Nuremberg doit fournir un modèle de justice à tous les pays qui mènent leur propre politique
d’épuration nationale pour juger les collaborateurs du système nazi. L’unité nationale est donc à
reconstruire également.
Il faut ajouter à cela le choc que constitue les deux premiers emplois de l’arme nucléaire. Dans les
esprits, une prise de conscience se fait jour dont Albert Camus donne l’exemple dans la presse de la
Résistance en France : la bombe atomique fait peser la menace d’une arme à la puissance de destruction
sans précédent, rendant l’humanité capable de s’autodétruire.
L’année 1945 est donc à la fois une année porteuses d’immenses espoirs, notamment celui de créer
un avenir débarrassé des horreurs de la guerre, mais aussi de nouvelles menaces qui obscurcissent déjà
l’horizon.

II. Reconstruire un monde en paix


La fin de la guerre s’accompagne d’une activité intense pour reconstruire concrètement les sociétés
et les économies mais aussi pour doter les relations internationales d’une architecture capable de garantir
l’instauration d’une paix juste et durable.
1. Le projet d’un nouvel ordre international
Entre 1945 et 1947, l’administration américaine, emmenée d’abord par le président Roosevelt puis
par Truman (1945-1952), tente de réorganiser les relations internationales, en particulier lors des grandes
conférences alliées de Yalta en février puis de Potsdam en août-sept 1945. Il y est décidé avec l’URSS

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et le Royaume Uni un maintien d’une présence militaire alliée en Allemagne et en Autriche découpées
en zones d’occupation. De la même manière, les États-Unis occupent le Japon et gardent des bases en
Asie de l’Est (Philippines, Corée du Sud). Le principe de l’organisation d’élections libres dans les États
européens libérés est actée afin de reconstruire l’Europe sur des bases démocratiques.
Les États-Unis apparaissent alors comme une puissance mondiale sûre de son système politique,
économique et social qu’elle tente d’ériger en modèle. « L’arsenal du monde libre » est devenu « l’atelier
du monde » : ils assurent 50% de la production industrielle mondiale, 25% du commerce, détiennent les
2/3 de la flotte commerciale et les 3/4 du stock d’or mondial (endettement des alliés et confiscation du
trésor de guerre nazi et japonais). Cette superpuissance pousse les Etats-Unis a renoncer à
l’isolationnisme et à assumer le leadership mondial. Dès 1944, avait été décidé la mise en place d’un
nouveau système de régulation de l’économie mondiale par les Accords de Bretton Woods. Le dollar et
le libre échange deviennent les piliers d’une nouvelle économie monde américaine.
Pour parachever cette construction institutionnelle, Roosevelt, avant de mourir, parvient à faire
accepter aux alliés la création de l’ONU (Organisation des Nations Unies). Le 26 Juin 1945, la Charte
de Nations Unies est signée à San Francisco et donne naissance à un ordre mondial fondé sur un système
d’arbitrage entre les états qui remplace la SDN dans sa mission d’assurer la paix. Cette organisation
intergouvernementale installée à New York se voit dotée d’institutions qui reposent fondamentalement
sur l’égalité souveraine des États qui siègent dans une assemblée générale chargée d’adopter des
résolutions pour répondre aux difficultés internationales qui relèvent de sa compétence.
En effet, l’ONU porte la mission de faire triompher le droit et la coopération dans les relations
internationale. L’emploi de la force, toute guerre d’agression en d’autres termes, est interdit par la
convention de fondation dont l’efficacité est garantie par la présence des grandes puissances (États-Unis,
URSS, France, Royaume-Uni, Chine) au sein d’un conseil de sécurité apte à faire appliquer les
résolutions. C’est le principe de la sécurité collective. L’ensemble des membres sont responsables du
respect des décisions communes et doivent être amenés à mettre leurs moyens à disposition des Nations
Unies pour en assurer l’exécution : cela peut aller de sanctions contre un contrevenant à une intervention
militaire. Idéalement, les Nations unies sont pensées sur le modèle d’un gouvernement international au
fonctionnement démocratique. L’organisation doit promouvoir le respect des droits de l’Homme, mais
aussi le progrès économique et social de tous les peuples. En quelques années, toute une série
d’organismes internationaux sont créer dans les plupart des domaines qui intéressent la coopération
internationale (l’UNESCO pour l’éducation et la culture, l’OMS pour la santé, l’UNICEF pour
l’enfance, la FAO pour l’agriculture et l’alimentation, etc.)
Comme toute organisation internationale, la faiblesse des Nations Unies tient à ce qu’elle reste une
instance de coopération qui repose sur le bon vouloir des États dont elle dépend en terme de moyens
humains et financiers. Plus grave, les 5 membres permanents du conseil de sécurité qui sont les garants
de son efficacité et dont la collaboration est indispensable pour éviter le retour de tout conflit majeur
disposent d’un droit de véto qui peut potentiellement paralyser son fonctionnement et leur donne le droit
de se dérober aux règles communes. En cas de désaccord majeur entre eux, l’ONU risque de ne pas
pouvoir être à la hauteur de ses missions.
2. Un projet de reconstruction politique, économique et social à l’échelle
nationale : l’exemple du programme du CNR en France
Le nouveau système international est complémentaire de la reconstruction nationale de chaque État.
Il faut pour l’heure effectivement réponde au plus urgent et organiser la rebâtir les nations ruinées par
la guerre. La France fournit un exemple de l’élan qui anime l’Europe de l’Ouest d’après guerre.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’État français a connu une des périodes les plus dramatiques
de son histoire : occupée, divisée, la France a été emmenée par les autorités de Vichy dans une dérive
dictatoriale et collaborationniste qui a remis en cause jusqu’à sa légitimité internationale et décrédibilisé
son administration. Cependant, la France est l’un des plus vieux État-nations du monde et la continuité

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des fonctions étatiques a été maintenue par les forces de la France libre, dotée dès 1944 d’un
gouvernement provisoire de la République (GPRF) qui contribue à la libération du pays. Le Général de
Gaulle qui en est devenu le chef, avait présidé par l’intermédiaire de Jean Moulin à la création en 1942
d’un conseil national de la Résistance (CNR) chargé de représenter les différents mouvements de la
Résistance (Combat, Libération Nord et Sud, Franc-Tireur, Front national).
En mars 1944, à la veille de la libération, le CNR se met d’accord sur un programme de reconstruction
d’une France républicaine plus démocratique et plus sociale. Une fois le pays libéré, il est prévu de
restaurer la République, de rétablir le suffrage universel élargi aux femmes et de mener l’épuration
contre les collaborationnistes. C’est surtout le volet économique et social qui se veut novateur. L’objectif
principal est la mise en place d’un État interventionniste (un État keynésien, intervenant
économiquement et socialement).
Dès 1945, la Banque de France est nationalisée afin de permettre à l’État de contrôler la monnaie.
Les grandes banques ainsi que les grandes entreprises de l’énergie (Charbonnages de France, EDF), du
transport (SNCF) sont elles aussi nationalisées. L’État devient le premier entrepreneur, le premier
investisseur du pays et emploie près de 10% des actifs. De plus, De Gaulle crée en janvier 1946 un
commissariat général au Plan, destiné à orienter le développement de l’économie française. L’État veut
financer et planifier la reconstruction et la modernisation du pays. Ces réformes n’engagent pas pour
autant la France sur la voie du socialisme, car la planification demeure indicative et incitative, et de
larges pans de l’économie restent aux mains des entreprises privées : il faut parler d’une économie mixte.
La Sécurité sociale est créée le 22 mai 1946. Financée et gérée par les employeurs et les salariés, elle
couvre les principaux risques auxquels sont confrontés les Français (maladie, vieillesse, chômage) et
encourage la natalité (allocations familiales). C’est véritablement la naissance de l’État-providence qui,
par la redistribution des revenus, augmente le niveau de vie, soutient la consommation et donc la
croissance économique. Le préambule de la constitution de 1946 définit des droits sociaux intangibles
(droit au travail, droit syndical, droit de grève, droit à l’accès à l’instruction et à la culture) ainsi qu’une
égalité entre les sexes (22 avril 1944, droit de vote). La reconstruction des villes permet de multiplier
les HLM (Habitations à Loyer Modéré, créées en 1947) pour accueillir les enfants du baby-boom.
Bien que les Trente glorieuses trouvent une partie de leurs fondements dans ces mesures, la
reconstruction n’en demeure pas moins une tâche immense et progressive. Les conditions de vie ne
s’améliorent que doucement. Le rationnement est maintenu en France jusqu’en 1949 car les pénuries
sont difficiles à résorber faute de matériel et de moyens financiers. La misère frappe toujours une partie
de la population (notamment les plus âgés) et les tensions sociales sont fortes (de graves grèves éclatent
en 1947).
L’immédiat après-guerre est donc une période très féconde marquée par un intense renouveau. À
toute les échelles, les innovations institutionnelles traduisent une volonté de renforcer la coopération et
la solidarité nationale et internationale. La démocratie n’est plus seulement politique, mais aussi sociale.
Les États apparaissent comme les seuls capables d’assurer non seulement la reconstruction, mais aussi
le bien être des populations. Le meilleur modèle à suivre pour y parvenir fait cependant rapidement
l’objet d’un débat acharné. Nombreux sont ceux, surtout dans les classes populaires et dans les colonies,
qui craignent de rester à l’écart des promesses de ce nouvel ordre mondial et qui voient dans le
communisme un espoir plus sûr que dans les promesses des démocraties libérales. De nouvelles tensions
viennent par conséquent peser rapidement sur le climat international.

III. L’irruption de nouveaux conflits


Les attentes que génère la fin de la 2GM sont confrontées à l’ampleur des défis qu’il faut surmonter.
La réalité géopolitique mondiale est loin d’être encourageante. Les divergences entre les Alliées éclatent
inexorablement au grand jour. De surcroit, la promesse contenue dans la charte de l’ONU du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes (le droit à l’autodétermination) suscite dans une large partie du monde

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des aspirations nationalistes que contrarie la restauration par les Européens de leurs Empires coloniaux.
Les contradictions du projet de nouvel ordre mondial aboutissent donc très vitre à de nouveaux conflits.
1. Le début de la guerre froide
1.1. La rupture entre les Etats-Unis et l’URSS
L’année 1947 marque le début de la guerre froide. En mars 1947, le président des États-Unis, Harry
Truman, prend l’initiative d’un changement de politique extérieure : mettant en cause la grande alliance
qui avait lié son pays à l’URSS, il affirme l’intention de son gouvernement de contenir l’expansion
communiste en Europe et dans le monde par une politique de « containment », d’endiguement. La
doctrine Truman repose sur une vraie lecture idéologique du monde : le libéralisme contre le
communisme, deux modèles antagonistes entre lesquels la paix est impossible. Le 5 juin de la même
année, son nouveau secrétaire d’État, le général Georges Marshall, lui aussi partisan d’une attitude
intransigeante vis-à-vis de l’URSS, propose au nom du gouvernement des États-Unis une aide financière
et économique aux Pays européens ruinés par la seconde guerre mondiale. Les États-Unis rompent ainsi
avec l’isolationnisme et décident de s’engager pour répondre aux attentes des pays d’Europe de l’Ouest,
inquiets des progrès du communisme en Europe de l’Est et du risque de propagation à l’Ouest. Il s’agit
donc, derrière les intentions généreuses, de lutter contre l’influence idéologique de l’URSS par l’arme
économique et d’affirmer la puissance américaine.
(voir corrigé étude de texte sur le plan Marshall)
Théoriquement ouvert à tous les européens, soviétiques inclus, le plan Marshall officialise la coupure
de l’Europe en deux camps. Staline interdit aux pays satellisés d’Europe de l’Est, notamment la
Tchécoslovaquie qui l’avait accepté, d’adhérer à l’organisme chargé de coopérer avec les américains et
de répartir l’aide : l’OECE (organisation européenne de coopération économique). En revanche, l’URSS
réplique par la création du CAEM, (Conseil d'aide économique mutuelle) qui lie les pays communistes
entre eux. Dans les pays d’Europe de l’Ouest, les partis communistes dénoncent le plan Marshall comme
une entreprise d’asservissement de l’Europe et une manifestation de l’impérialisme du système
capitaliste. À partir de ce moment, les communistes qui sont tenus à l’écart des gouvernements ouest-
européens.
La réplique soviétique suit logiquement dès septembre 1947. Andreï Jdanov, un proche collaborateur
de Staline, est chargé d’organiser le Kominform, l’internationale communiste par laquelle Moscou
contrôle et coordonne étroitement l’action des différents partis communistes dans le monde. Jdanov,
dans la doctrine qui prend son nom, dénonce en effet l’impérialisme américain auquel il oppose la vraie
démocratie soviétique. Il propose le soutien de l’URSS a tous les mouvements antiimpérialistes qui
voudraient œuvrer au renversement de l’impérialisme et du capitalisme. L’URSS se présente alors
comme porteur d’un mouvement historique d’émancipation des classes sociales et des peuples opprimés
auxquels il promet une société plus juste et plus équitable. L’antagonisme idéologique entre l’Est et
l’Ouest est clairement posé.
1.2. Les premières crises géopolitiques : un affrontement bipolaire élargi progressivement
au monde
Le plan Marshall manifeste ostensiblement la libre adhésion des pays d’Europe de l’Ouest au camp
américain qui se structure en un véritable bloc soudé. Cependant, la rupture diplomatique provoque par
contre-coup l’achèvement de la satellisation des pays d’Europe de l’Est par l’URSS. En février 1948, le
Coup de Prague manifeste clairement la fermeture du rideau de Fer derrière lequel se trouve la zone
d’influence soviétique. En Tchécoslovaquie, comme dans les autres pays d’Europe de l’est libérés par
l’armée rouge, des élections avaient été organisées. Sous la pression soviétique, elles ont souvent été
émaillées d’irrégularités ou de violences afin de favoriser les communistes. En dépit de cela, les
Tchécoslovaques étaient parvenus à préserver leur démocratie et à instaurer en 1945 un gouvernement
d’union nationale (le front national) dans lequel les communistes étaient minoritaires. En 1948, les

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communistes tchécoslovaques déclenchent un coup de force à l’instigation de Moscou. Le ministre de


l’intérieur, communiste, nomme des commissaires de police communistes pour s’assurer le contrôle de
la police. La crise politique que déclenche les protestations des autres partis est l’occasion de forcer la
main au président pour qu’il pousse les ministres non-communistes à la démission. Cette décision, en
apparence légale, est en réalité obtenue sous la menace des milices communistes qui défilent armées
dans le centre-ville de Prague. Dénuée de moyens de résister, la démocratie tchécoslovaque est renversée
et le parti communiste prend le contrôle du gouvernement.
Le coup de Prague provoque une vive émotion en Occident. La peur d’un coup de force communiste
est accréditée par les faits. Le Blocus de Berlin mis en place par les soviétiques en 1948 afin de chasser
les occidentaux de Berlin ouest achève de démontrer que le rapport de force est engagé. Toutefois, une
vraie guerre est très improbable. Le pont aérien organisé par les alliés permet de contourner le bouclage
de la ville. Staline qui comprend que les occidentaux sont de plus en plus perçus par les Allemands
comme des sauveurs met fin au blocus en mai 1949. La crise aboutit la même année à la création de
deux Allemagne de part et d’autre du rideau de fer (la RFA à l’ouest et la RDA à l’Est). Les Etats-Unis
comprenne alors la nécessite de nouer une alliance miliaire avec les pays d’Europe de l’Ouest – l’OTAN
(organisation du traité de l’Atlantique nord) – afin de leur permettre d’assurer la défense de l’Europe
de l’Ouest en maintenant une présence miliaire importante (13 bases américaines et 50 000 hommes
sont installés rien qu’en France).
C’est alors à l’Asie orientale de devenir à son tour le théâtre de la guerre froide. La victoire militaire
des communistes en Chine et la proclamation de la république populaire de Chine par Mao en 1949
donne à l’expansion communiste une tournure spectaculaire. La guerre froide prend même la forme
d’une véritable guerre en Corée en 1950. Les Etats-Unis interviennent pour empêcher la conquête de la
partie sud du pays par le nord communiste. Ils tissent alors à travers le monde, toute une série d’alliances
pour parachever l’encerclement du monde communiste (l’OTASE, l’ANZUS, le pacte de Rio, et.). Le
monde parait bel et bien coupé en deux au début des années 1950.
2. Revendications nationalistes et décolonisation
La division bipolaire du monde que provoque la guerre froide n’est pas la seule menace de conflit.
De nombreuses revendications nationalistes troublent le retour à la paix. Le déclin des puissances
européennes permet en effet la remise en cause du système colonial par lequel ils avaient assujetti
l’essentiel de l’Afrique et une grande partie de l’Asie. Deux conflits majeurs permettent d’illustrer les
mécanismes de ce processus de décolonisation qui déstabilise profondément les relations internationales
à partir de 1945.
2.1. La création de l’État d’Israël au Proche orient en 1948
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux juifs d'Europe, rescapés de la Shoah, souhaitent
s'installer en Palestine alors sous administration britannique au titre d’un mandat reçu de la SDN en
1920. Se pose le problème de l'indépendance de ce territoire où cohabitent difficilement Arabes et Juifs.
On compte déjà 600 000 juifs en 1946 en Palestine sur 1,8 millions d’habitants. Les Britanniques, plutôt
arabophiles et peu favorables à la création d’un Etat juif, résistent mal à l’activisme des organisations
sionistes qui militent pour la création d’un État hébreu. Alors que le mandat doit prendre fin en 1948,
les Britanniques, dépassés, décident de se désengager de la région dès 1947. Ils laissent la main aux
Etats-Unis et à l’ONU pour arbitrer le conflit. En 1947, l'ONU réalise un plan de partage de la Palestine
qui prévoit un État juif et un État arabe de superficies égales. Jérusalem, ville sainte des trois
monothéismes, devait avoir un statut international. Ce plan ne sera jamais appliqué. La ligue arabe refuse
tout plan de partage vécu comme une intrusion extérieure de type colonial. Devant le blocage de la
situation, le 14 mai 1948, lorsque les Anglais se retirent, les Juifs proclament la naissance de l'État
d'Israël. Le lendemain, les États arabes voisins (Égypte, Syrie, Jordanie, Liban, Irak, Arabie Saoudite)
attaquent Israël. Ils sont vaincus et Israël occupe 78% du territoire de la Palestine (la ligne frontière issue
de l’armistice est qualifiée de « ligne verte »). 700 000 Palestiniens sont expulsés de chez eux et trouvent

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refuge dans les pays voisins (Liban, Syrie, Jordanie, Égypte). Les territoires palestiniens restant sont
annexés par les États arabes : la Jordanie s’empare de la Cisjordanie, l’Égypte de Gaza. L’État
palestinien ne voit donc pas le jour. En revanche, la reconnaissance d’Israël par les Etats-Unis et l’URSS
lui permet d’entrer à l’ONU en 1949. C’est le début d’une succession de guerres entre Israël et les pays
arabes qui dure jusqu’en 1979, mais aussi d’un conflit avec le peuple palestinien qui n’a toujours pas
trouvé de solution aujourd’hui.
2.2. La guerre d’Indochine (1945-1954)
La décolonisation débute surtout en Asie. L’occupation japonaise d’une grande partie de l’Asie de
l’Est et du Sud-Est pendant la guerre a profondément décrédibilisé les puissances coloniales.
L’Indochine française a par exemple été sous contrôle japonais. Ces derniers laissent la résistance
communiste vietnamienne – le Viet Minh – dirigée par Hô Chi Minh proclamer l’indépendance de la
colonie lorsqu’ils se retirent en 1945. La France hésite à en reprendre le contrôle. Contre l’avis du
général Leclerc qui avait été envoyé par De Gaulle, les nouveaux dirigeants de la IVe République
décident de reconquérir la « perle » de l’Empire colonial français. C’est en effet la plus riche colonie
d’exploitation dont dispose la France et qui lui permet d’accéder au marché chinois. La conservation de
l’Empire apparait comme une manière de maintenir le rang et le prestige international de la France. De
surcroit, les Etats-Unis sont amenés progressivement à soutenir la France dans cette guerre afin
d’empêcher une victoire communiste dans une région déjà menacée de « contagion » (guerre civile
chinoise).
En dépit d’un déséquilibre important de la puissance militaire (guerre asymétrique) en faveur de
l’armée française, la guerre tourne à l’avantage du Viêt Minh. Les troupes françaises ne sont pas assez
nombreuses pour contrôler davantage que les villes. De surcroit, le Viêt Minh choisit la tactique de la
guérilla qui lui permet de se fondre dans la population locale, d’utiliser sa connaissance du terrain et
d’user son adversaire. En France, la guerre est de plus en plus impopulaire. Couteuse, elle est de plus en
plus poursuivie grâce aux subsides américaines. Malgré quelques victoires, l’armée française ne parvient
pas à détruire la résistance indochinoise qui peut compter à partir de 1949 sur le soutien de la Chine.
En 1953, la mort de Staline fournit aux Etats-Unis l’occasion de stabiliser la situation en Asie en
négociant avec les forces communistes. La France qui a abandonné l’espoir de remporter la guerre, tente
une dernière opération militaire en installant un camp retranché au cœur du territoire contrôlé par le Viêt
Minh pour tenter d’arriver en position de force dans les négociations : c’est la bataille de Diên Biên Phu.
La stratégie française est déjouée par la mobilisation exceptionnelle du Viêt Minh qui parvient à écraser
les troupes françaises. La France doit renoncer à imposer ses conditions dans le traité qui doit conclure
la guerre. Par les Accords de Genève signé en 1947, elle accepte d’abandonner l’Indochine qui est
partagée en 4 États : le Laos, le Cambodge, une République démocratique du Viêtnam au Nord contrôlée
par les communistes et une République du Viêtnam au Sud soutenue par le gouvernement français. La
guerre en réalité se poursuit au Viêtnam du Sud entre le gouvernement et la résistance communiste – le
Viêt-Cong – soutenue par le Nord. Sont déjà posés les germes de la guerre du Vietnam.

Conclusion
La tableau qu’offrent les relations internationales au lendemain de la Seconde guerre mondiale est
extrêmement contrasté. La tentative de créer un nouvel ordre mondial autour de l’ONU est le fruit d’une
ambition sans précédent d’organiser les relations internationales sur les bases de la coopération et du
droit. La démocratie, en particulier sociale, apparait comme un gage de paix. En France, comme dans
beaucoup d’autres démocraties libérales d’Europe de l’Ouest, la mise en place de l’État providence vise
à reconstruire le pays pour assurer le bien être de la population par la solidarité. Néanmoins, une rupture
idéologique et bientôt géopolitique majeure se dessine entre les deux nouvelles superpuissances. Le
monde se coupe en deux blocs et se déchire sur l’idéologie la plus à même de répondre aux défis de la
paix. Les aspirations nationales des peuples colonisés ou soumis à l’hégémonie occidentale favorisent

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par ailleurs l’expansion du communisme. Bien que l’URSS se soit imposée par la force en Europe de
l’Est, elle apparait au contraire dans les colonies qui cherchent à s’émanciper comme un potentiel allié.
Paradoxalement, dans un monde en quête d’unité et de paix, de nouvelles divisions émergent et le
déchirent à nouveau.

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