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La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial

La Seconde Guerre mondiale est une rupture majeure dans l’histoire du monde ; en effet, elle constitue un
traumatisme moral qui amène les vainqueurs à forger des institutions qui empêcheront qu’une telle horreur se
répète.
Pourtant, dès les lendemains de la guerre, la rivalité entre les deux grands vainqueurs, les Etats-Unis et
l’Union soviétique, débouche sur un conflit d’un type nouveau, auquel s’ajoutent bientôt d’autres tensions,
selon un ordre international bien différent de celui que rêvaient les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale.
Quel ordre international émerge au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ?

I/ Le monde en 1945 : bilan de la guerre et espoirs d’un monde nouveau


1) Un monde profondément meurtri
* La Seconde Guerre mondiale est la plus meurtrière de toutes les guerres : elle a occasionné entre 50 et 60M
de victimes ; parmi elles, pour la première fois (et à l’inverse de la Première Guerre mondiale), les civils sont
majoritaires (30M).
C’est la dimension mondiale du conflit, la radicalité idéologique et la puissance de feu (jusqu’à la bombe
nucléaire) qui expliquent un tel bilan.
Les génocides ont entraîné la disparition de la moitié des Tsiganes et les 2/3 des juifs d’Europe.
Mais ce bilan est inégal selon les pays : l’URSS a perdu 26M de personnes (dont 2/3 de civils), la Pologne
20% de sa population (95% des juifs polonais) ; à l’opposé, les Etats-Unis « seulement » 300 000 soldats (et
aucun civil).

* S’y ajoutent des millions de blessés et 50 millions de gens sur les routes à la fin de la guerre : déportés
libérés et soldats démobilisés qui tentent de rentrer chez eux, déplacés qui fuient les combats ou les
changements de frontières (parmi eux, 12 millions d’Allemands).
La violence et la mort se prolongent après la libération : aux Pays-Bas, 25 000 personnes meurent de faim au
printemps 1945 ; guerre civile en Grèce entre monarchistes et communistes ; pogroms antisémites en Pologne.

* La libération des camps (début 1945) provoque un choc moral, les images prises par les armées atteignent
rapidement les opinions publiques horrifiées.
Les bombardements nucléaires sur le Japon font surgir la peur d’une apocalypse nucléaire.

* Les destructions matérielles sont immenses : la Pologne, le Japon, l’Allemagne sont des champs de ruines.
L’approvisionnement est difficile, ce qui prolonge les pénuries jusqu’à la fin des années 1940 dans de
nombreux pays (tickets de rationnement en France jusqu’en 1949).
Seuls les USA sortent enrichis matériellement : ils détiennent en 1945 50% de la production industrielle
mondiale.

2) Régler le sort des vaincus et reconstruire


* Face à l’énormité des crimes commis par l’Allemagne, les Alliés décident d’en juger les principaux
dirigeants encore en vie lors des procès de Nuremberg (novembre 1945-Octobre 1946), par un Tribunal
militaire international (auquel participent les 4 grands vainqueurs de l’Allemagne).
Le tribunal les juge en s’appuyant sur des témoignages, des images (photos, vidéos), des actes administratifs,
et sur la base de chefs d’accusation comme les crimes contre la paix (guerre d’agression), crimes de guerre
(non-respect des « lois de la guerre ») et crimes contre l’humanité (= assassinat, extermination, …, contre
des populations civiles, ou bien les persécutions, pour des motifs politiques, raciaux ou religieux) ; ce chef
d’accusation est créé à l’occasion des procès et est rétroactif (il s’applique à des faits commis avant sa
formulation ; principe exceptionnel en droit).
Parmi les 23 dirigeants nazis jugés à Nuremberg, 12 sont condamnés à mort, considérés comme les plus
directement impliqués dans l’ensemble de ces crimes de l’Etat nazi (idéologues, ministres, haut-
commandement militaire).
Au Japon, les procès de Tokyo (1946-48), menés par les USA, aboutissent à 7 condamnations à mort, dont
celle de Tojo, chef du gouvernement.
Ces procès ont permis la mise en place d’une justice internationale, même s’ils ont pu être critiqués par la
suite pour avoir été une « justice des vainqueurs », et, dans le cas de Nuremberg, d’avoir occulté la spécificité
des génocides.

* Vis-à-vis du reste de la population allemande, les Alliés s’engagent à dénazifier (NSDAP interdit),
démocratiser (rééducation politique), et démilitariser. Les membres du NSDAP sont classés en fonction de
leur implication (coupables principaux jusqu’à « suiveur ») et traités de manière inégale ; beaucoup d’anciens
nazis sont rapidement amnistiés et s’intègrent dans les sociétés des deux parties de l’Allemagne (en particulier
à l’Ouest).

* La défaite de l’Allemagne entraîne des modifications territoriales, l’Allemagne perd ses territoires à l’est de
la ligne Oder-Neisse, attribués à l’URSS et à la Pologne, qui elle cède ses territoires de l’est à l’URSS. Ces
modifications de frontières entraînent le déplacement de millions de personnes.

* En France, la libération permet la mise en œuvre, au moins partielle, du projet de refondation républicaine,
énoncé dans le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) le 15 mars 1944, alors que le pays
est toujours dirigé par Vichy et occupé :
- restauration de la République et création d’un Gouvernement provisoire de la République française
(GPRF), présidé par De Gaulle, qui restaure l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire libéré (fin de
l’année 1944) ; le régime de Vichy est dissous, ses principaux dirigeants sont jugés (Pétain condamné à mort
mais gracié par De Gaulle ; Pierre Laval condamné à mort et exécuté) ; la justice mène une épuration légale
(élimination des collaborateurs de la vie politique et sociale), après les débordements de l’épuration sauvage
des débuts
- extension du droit de vote aux femmes, pour approfondir le caractère démocratique de la République ;
l’Union française se substitue à l’Empire colonial, sans grand changements (sauf pour les DOM)
- dans le domaine économique, le programme du CNR (inspiré par les socialistes et les communistes, mais
avec l’appui d’hommes de droite, dont De Gaulle) veut détruire les puissances capitalistes dans des secteurs-
clés, pour les punir d’avoir collaboré avec l’Allemagne (Renault est nationalisée) ou pour donner à l’Etat les
moyens de la reconstruction : nationalisation des mines, de l’énergie (EDF), des banques et assurances, des
transports (Air France ; SNCF, depuis le Front Populaire)
- dans le domaine social, le programme du CNR annonce la mise en place d’un Etat-providence (Etat qui
couvre les besoins sociaux et les risques individuels), sous la forme de la Sécurité sociale (1945) : allocations
familiales, invalidité, maladie, vieillesse.

3) Vers un monde nouveau ?


Voir EMC : les institutions internationales

II/ Un monde de tensions nouvelles (1945-1948)


1) Des tensions croissantes entre les deux Grands
* Les tensions entre les deux grands vainqueurs de la Seconde guerre mondiale apparaissent dès la fin du
conflit : l’URSS cherche à imposer des communistes au pouvoir dans les pays qu’elle a libérés ; les
bombardements nucléaires sur le Japon sont une démonstration de force des USA.
En 1946, dans son discours de Fulton, l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill dénonce le
« rideau de fer » établi par l’URSS sur la moitié est de l’Europe.

* Les « déclarations » de Guerre froide interviennent en 1947 :


- dans un contexte de déstabilisation communiste dans plusieurs pays sous influence américaine, le président
américain énonce en mars 1947 la doctrine Truman : il oppose deux « modèles », l’américain caractérisé par
la liberté, et le soviétique par l’oppression ; le rôle historique des Etats-Unis est d’aider les « peuples libres »
(libérés par les Etats-Unis) à endiguer la poussée communiste, grâce à une aide matérielle que permet la
puissance économique et financière des USA ; cette doctrine trouve son application dans le Plan Marshall
(plan d’aide à la reconstruction économique de l’Europe) proposé en juin 1947 à tous les pays européens,
URSS comprise, et acceptés par les états d’Europe occidentale, Allemagne de l’ouest comprise ; avec ses 13
Md$ d’aide, le Plan Marshall est une manière de renforcer l’influence des Etats-Unis sur cette moitié du
continent et de définir une ligne de partage entre les deux Europe
- la réponse soviétique est énoncée par Andreï Jdanov, un des collaborateurs de Staline ; la doctrine Jdanov
(septembre 1947) dénonce l’« impérialisme » américain et fait de l’URSS le chef de file de la résistance à la
domination mondiale des Etats-Unis ; l’URSS répond par l’arme idéologique au défi économique lancé par
les Etats-Unis ; le Kominform (organisation internationale des partis communistes) est le relais de cette
influence soviétique

2) La naissance d’un monde bipolaire


* La Tchécoslovaquie a été libérée de l’occupation nazie par l’Armée rouge, ce qui vaut aux communistes un
immense prestige et des succès électoraux (40% des voix aux premières élections). A la libération se met en
place, derrière le rideau de fer, une démocratie parlementaire, dirigée par un « Front national », coalition entre
non-communistes et communistes (dont le chef du gouvernement, Klement Gottwald, et au ministère de
l’intérieur).
En février 1948, les ministres non-communistes démissionnent pour protester contre le noyautage de la police
par le PC ; le président (non-communiste) Edvard Benes tente d’empêcher Gottwald de les remplacer par des
ministres communistes, en vain.
Ce « coup de Prague » met fin au fragile équilibre démocratique du pays et permet la mainmise du parti
communiste sur le pays, qui connaît rapidement une stalinisation radicale : procès politiques, terreur menée
par la police politique, collectivisation. Le gouvernement, qui avait initialement accepté le Plan Marshall, finit
par le refuser.
Dans le camp occidental en formation, le « coup de Prague » est un révélateur des ambitions de Staline et des
communistes, et des risques encourus dans des pays où le PC est puissant (France, Italie) : les pays d’Europe
de l’ouest demandent aux Etats-Unis un traité d’alliance pour endiguer le communisme, c’est l’OTAN, créée
en avril 1949.

3) Des tensions au Proche-Orient


* Le Proche-Orient (pays au sud-est de la Méditerranée) n’échappe pas aux tensions de Guerre froide : c’est
un espace stratégique en raison de sa situation au carrefour de trois continents (à proximité de l’URSS, où les
Etats-Unis veulent l’endiguer : Turquie, Iran au Moyen-Orient : plus à l’est), des enjeux pétroliers et du
retrait des puissances mandataires européennes.

* Dans l’entre-deux guerres, la Palestine, où vivaient jusque là essentiellement des Arabes musulmans (les
Palestiniens), devient un mandat britannique (une colonie temporaire que le pays mandataire doit
accompagner vers l’indépendance) et voit un afflux de juifs européens qui appliquent le sionisme, idéologie
qui les incite à quitter l’Europe, où la montée de l’antisémitisme les met en danger, et à établir en Palestine
un Foyer national juif, où ils seront en sécurité.
La Shoah confirme cette sombre prédiction et entraîne un nouvel afflux de rescapés. Les tensions entre juifs et
Arabes (qui les voient comme des Européens venant coloniser leur terre) s’accroissent ; le Royaume-Uni
renonce à son mandat et le confie à l’ONU.
En novembre 1947, les Nations-Unies proposent un plan de partage de la Palestine :
- deux états, l’un juif, l’autre arabe, cohabiteront en Palestine
- Jérusalem, ville sainte pour les deux peuples, sera sous administration internationale
Le plan de partage est accepté par les autorités juives, mais refusé par les Palestiniens et les états arabes
voisins, en particulier l’Egypte.
Le 14 mai 1948, les juifs proclament la naissance de l’Etat d’Israël ; le lendemain, les états arabes voisins
les attaquent. Cette première guerre israélo-arabe tourne à l’avantage d’Israël, qui étend par la conquête son
territoire.
Pour les Palestiniens, c’est la Nakba (catastrophe) : des centaines de milliers d’entre eux sont chassés de
leurs terres, et les parties de leur territoire non conquises par Israël sont occupées par les pays arabes voisins
(Egypte et Transjordanie), il n’y a donc pas d’état palestinien.

Conclusion
L’effroyable bilan de la Seconde Guerre mondiale amène les vainqueurs à mettre en place des institutions qui
doivent garantir la paix et la naissance d’un monde nouveau.
Mais la rivalité croissante entre les deux Grands débouche sur un affrontement planétaire, la Guerre froide,
cadre des relations internationales pendant 40 ans.

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