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1.

Mise en scène de la scène 6 : où placer Néron ?

La présence de Néron sur scène est primordiale, il est le metteur en scène


de cette tragédie qui va se dérouler devant ses yeux. La scène 6 est une
scène à témoin caché. Cet observateur témoin doit être visible pour le
spectateur et pour Junie. Sa présence sur scène va, d’une part, effrayer
plus Junie et créer par là une atmosphère de terreur et de panique chez le
personnage. D’autre part, dans cette scène Néron se dévoile sans
apparaître puisqu’il est le dramaturge de cette scène. Si j’étais metteur en
scène, j’opterai pour une mise en scène moderne : les spectateurs assis sur
des chaises à droite et à gauche et les acteurs joueront comme dans grand
couloir et je mettrai Néron caché au fond à droite (le couloir qui mène au
palais) caché derrière une poutre. Il doit être visible de temps en temps
pour, notamment, voir l’effet des paroles de Britanicus. Néron, croyant
inventer une tragédie, ne fait, dans une certaine mesure, que reproduire
des situations inventées par Agrippine.

2. A qui s’adressent les paroles de Britanicus ?

Les paroles de Britanicus s’adressent à Junie et aux spectateurs. Les


paroles Junie sont à la fois destinées aux spectateurs, elles nous rappellent
la situation, elle doit aussi, à l’insu de Britannicus, jouer le rôle que lui a
imposé Néron. Donc ses paroles s’adressent à Néron et Britanicus. Elles
ont un double sens.
3. Pourquoi cette scène est-elle particulièrement tragique ?
La scène 6 de l’acte 2 de Britanicus reproduit la structure tragique
traditionnelle, celle de la tragédie grecque, dans laquelle un personnage,
croyant trouver le bonheur, rencontre le malheur, étant à la merci d’une
puissance supérieure qui travaille à sa perte à son insu.
Ainsi, dans sa structure, la scène 6 met en place l’empereur tout puissant Néron,
qui veut par jalousie, faire souffrir son rival, et transformer en scène de rupture
ce qui devait être un rendez-vous amoureux : Britannicus arrive devant Junie
tout heureux du rendez-vous amoureux que lui a ménagé Narcisse, ignorant que
la rencontre est un piège, et il va d’abord « jouer » lui aussi, mais jouer un jeu
précieux, faisant comme s’il doutait de l’attachement de Junie pour lui, et
s’attendant, comme d’ordinaire dans ces scènes d’amour convenues à ce que la
femme aimée lui donne de nouveaux témoignages de son attachement : ainsi le
tragique vient précisément d’une part que, s’attendant à un duo amoureux
que ne veut ni ne peut absolument pas jouer Junie, il sera complètement
refroidi par son attitude pour le moins réservée, et que d’autre part, il sera
amené, pour faire ces galanteries, à prononcer des mots qui vont le mettre
en danger.
Le tragique du personnage de Britannicus est donc double : d’une part il est
l’artisan de sa propre perte, mais aussi il est la victime d’une « catastrophe »
jouée par Junie sous la contrainte de Néron.
Nous voyons par là comment Britannicus est conforme à ce que dit Aristote
du personnage tragique qui, pour exciter terreur et pitié, ne doit être ni tout à
fait bon ni tout à fait méchant. Il en est ici exactement de même, car le
véritable tragique de Britannicus est qu’il doit sa perte à son aveuglement.
Le tragique propre de Junie est donc d’abord de se trouver partagée entre
deux désirs contradictoires : assurer le salut de Britannicus (et donc lui
dissimuler son amour), ou ne pas le faire douter de la réalité de cet amour (et
donc provoquer sa perte). Si elle le sauve, c’est qu’elle perd son amour.
Le second aspect du tragique de Junie consiste à essayer de le sauver, et à ne
pas être comprise dans ses efforts pour le sauver.
Junie incarne donc elle aussi, mais dans une moindre mesure, les deux
aspects principaux du tragique : un écartèlement entre deux désirs
incompatibles, et une action qui, au lieu d’assurer le salut des deux amants va
provoquer leur perte.
Le personnage de Néron incarne dans la scène 6 de l’acte II, où il se dévoile
sans apparaître, puisqu’il en est en quelque sorte le dramaturge, les
principaux aspects du tragique racinien : l’impossible libération de l’ordre
ancien, la fatalité qui consiste à être agi, alors qu’on croit agir, enfin la nécessité
de justifier par un crime la cruauté d’un dieu qui n’aime pas sa créature.
C'est une situation dramatique à fonction cathartique : elle exerce la
crainte et la pitié : les héros sont impuissants mais pas inactifs. Mais
quoiqu'ils fassent, cela n'empêche pas la fatalité.

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