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Cours du 05 et 07-12-2022

Andromaque
PERSPECTIVE d’ETUDE : De quoi l’amour est-il le nom
dans Andromaque ?
IV, 5 et V, 1
Hermione est-elle coupable ?
➢ Hermione est-elle une anti-héroïne ?
➢ Hermione est-elle infréquentable ?

Table des matières


Enquête préliminaire : qui est Hermione ? ............................................................................................. 2
Une généalogie lourde ........................................................................................................................ 2
Un personnage faussement marginal ................................................................................................. 2
Faire-valoir d’Andromaque ............................................................................................................. 2
Personnage majeur ......................................................................................................................... 2
Une place ingrate dans la pièce........................................................................................................... 3
REQUISITOIRE CONTRE HERMIONE......................................................................................................... 3
Une nature violente............................................................................................................................. 3
Une incapacité à gérer sainement une relation .................................................................................. 3
PLAIDOIRIE EN FAVEUR D’HERMIONE ..................................................................................................... 4
Déresponsabilisation ........................................................................................................................... 4
Vulnérabilité ........................................................................................................................................ 4
Poids de la fatalité ............................................................................................................................... 4
Conclusion ............................................................................................................................................... 5
Ouverture de conclusion ..................................................................................................................... 5
Enquête préliminaire : qui est Hermione ?
Une généalogie lourde

Hermione est l’aboutissement de la terrible lignée des Atrides (à elle aussi, son mal vient de
plus loin…) qui compte des fratricides (Thyeste), des pères prêts à sacrifier leur fille
(Agamemnon). Sa mère est la cause de la guerre de Troie et en amont figure le dieu de la
guerre, Arès : forte teneur conflictuelle dans son parcours.
On note qu’elle est même en bout de cette chaine tragique et sanguinolente.

Un personnage faussement marginal


Faire-valoir d’Andromaque
▪ Pas le personnage-éponyme (=titre) (Andromaque)
▪ 1er au 2e paragraphe de la 2nde préface, parallèle entre les 2 personnages féminins
principaux : d’un côté le maximum de la fureur (Hermione) « emportements » vs la
douleur (Andromaque) (« les larmes d’Andromaque »)
Personnage majeur
▪ Dès le début de la 1e préface, mentionnée par Racine
▪ Dans la liste des personnages, elle occupe la 4e position
Entre les héros grecs maudits et les domestiques = charnière, entre deux mondes
Doublement caractérisée (deux appositions « fille d’Hélène, accordée avec Pyrrhus »),
comme Pyrrhus, comme Oreste = fait partie du trio amoureux resserré
▪ Sur 28 scènes en tout, Hermione a 11 scènes quand Pyrrhus en a 9 et Andromaque 7
scènes.
Hermione, des trois personnages-clés, est la plus présente, mais (paradoxe choquant) elle
est peut-être la moins satisfaite à la fin => proportion inverse entre degré de manigance
et le taux de réussite.
Question : pourquoi dans ce cas appeler la pièce Andromaque ?

Une place ingrate dans la pièce


Hermione ouvre l’acte II et l’acte V
RAPPEL les deux actes où se joue, se noue l’action sont les III et IV
o Hermione arrive tard (II)
o Hermione part trop tôt (V, 2)
o Hermione n’a pas les actes décisifs => impression d’un personnage en trop,
qui ne trouve pas sa place
- Oreste (III,1 et V,4) et Hermione (V, 1) sont les seuls à devoir assumer une parole
repliée sur elle-même, solitaire, monologuée (vie intérieure oui, mais isolement)
- 1e réplique : « Je fais ce que tu veux. Je consens qu’il me voie. » (v.385) rigidité du
personnage dans l’alexandrin saccadé ; intégration dans son discours d’autres
instances ; prédominance de la première personne ; emprise sur Oreste (« il »)
qu’elle encadre par les deux marques de la 1e personne (« je » / « me »). = manière
de se présenter ambivalente.
- Dernière réplique « […] Et c’est assez pour moi / Traitre, qu’elle ait produit un
monstre comme toi. »

REQUISITOIRE CONTRE HERMIONE

Une nature violente


• Inaptitude à gérer son humeur : accumulation d‘interrogatives et exclamatives : une
demi-douzaine pour le IV, 5 et une bonne dizaine de marques de ponctuation
émotive au V, 1.
• Tempérament cruel, nature destructrice : V, 1 « venger », « courroux », « rage »,
« hais » (termes placés à l’hémistiche ou à la rime : ils résonnent) ; noirceur dans le
personnage : « trépas » ; « funeste »

Une incapacité à gérer sainement une relation


• Omniprésence, égocentrisme anaphore en « Je » vers 1356-1359et v. 1361-63 ;
v.1365
• Invective, insulte « Ingrat », « perfide » (IV, 5)
• Ton menaçant : « crains encor d’y trouver Hermione » (IV, 5 au vers 1386) et
autoritaire : « Qu’il périsse ! » (Injonction au subjonctif), suite d’impératifs « va » en
anaphore « Va lui jurer », « Va profaner », « Va, cours » (IV, 5)

PLAIDOIRIE EN FAVEUR D’HERMIONE

Déresponsabilisation
• Dédouanement : La faute de Pyrrhus qui lui demande l’impossible
Vers 1371-72 « […] Mais du moins
Ne forcez pas mes yeux d’en être les témoins. »
Pyrrhus lui demande d’assister à son union non avec elle mais avec Andromaque, sa rivale =>
Pas la place qu’Hermione se sent d’assumer => Hermione hors-jeu et quasi forcée de revenir
au dernier endroit où elle voudrait être. Par conséquent, dans l’espace du vers également, on
observe un phénomène de dérèglement, manifesté par l’enjambement qui fait qu’une phrase
excède un vers, nous forçant à un raccord malaisé d’un vers à l’autre pour obtenir la totalité
du sens.

Pyrrhus (Eric Ruf) et Hermione (Léonie Simaga), Comédie Française, Mise en sc. Muriel Mayette, 2010

Vulnérabilité
• Décentrage et mise à distance de soi (comme lors d’un dédoublement de la
personnalité = système de défense psychique). Ce qui le matérialise, l’énallage
(« Hermione » à la 3e personne alors que, locutrice, elle devrait dire « je »).

Poids de la fatalité
Personnage très perturbé : « Sa mort sera l’effet de l’amour d’Hermione ? » : allitérations en
[m] et en [r] + assonance en [o] = Hermione apparaît come l’union déjà en germe et
irrémédiable des contraires radicaux « mort » et « amour », plus haut dans l’alexandrin. Elle
semble déjà annoncée (la fatalité est étymologiquement, la sentence déjà prononcée et ou la
situation déjà acté) par ce mélange de mort et d’amour.
Conclusion
Bilan
Même si RACINE se concentrer sur les larmes d’Andromaque, Hermione n’est pas un
personnage bâclé pour autant. Elle est, avec Pyrrhus ou Oreste, une incarnation du
personnage tragique « ni tout à fait bon ni tout à fait méchant » (préface d’Andromaque),
« ni tout à fait coupable ni tout à fait innocente » (préface de Phèdre) => permet au
spectateur d’exercer son jugement critique (moral) mais aussi sa pitié (identification toujours
possible au personnage)

Ouverture de conclusion
Une autre héroïne racinienne dépitée : Roxane dans Bajazet (1672) acte III, scène 7

ROXANE, seule.

De tout ce que je vois que faut-il que je pense ? Non, non, rassurons-nous. Trop d’amour m’intimide.

Tous deux à me tromper sont-ils d’intelligence ? Et pourquoi dans son cœur redouter Atalide ?

Pourquoi ce changement, ce discours, ce départ ? Quel serait son dessein ? Qu’a-t-elle fait pour lui ?

N’ai-je pas même entre eux surpris quelque regard ? Qui de nous deux enfin le couronne aujourd’hui ?

Bajazet interdit ! Atalide étonnée ! Mais, hélas ! de l’amour ignorons-nous l’empire ?

Ô ciel ! à cet affront m’auriez-vous condamnée ? Si par quelque autre charme Atalide l’attire,

De mon aveugle amour seraient-ce là les fruits ? Qu’importe qu’il nous doive et le sceptre et le jour ?

Tant de jours douloureux, tant d’inquiètes nuits, Les bienfaits dans un cœur balancent-ils l’amour ?

Mes brigues, mes complots, ma trahison fatale, Et sans chercher plus loin, quand l’ingrat me sut plaire,

N’aurais-je tout tenté que pour une rivale ? Ai-je mieux reconnu les bontés de son frère ?

Mais peut-être qu’aussi, trop prompte à m’affliger, Ah ! si d’une autre chaîne il n’était point lié,

J’observe de trop près un chagrin passager. L’offre de mon hymen l’eût-il tant effrayé ?

J’impute à son amour l’effet de son caprice. N’eût-il pas sans regret secondé mon envie ?

N’eût-il pas jusqu’au bout conduit son artifice ? L’eût-il refusé, même aux dépens de sa vie ?

Prêt à voir le succès de son déguisement, Que de justes raisons… Mais qui vient me parler ?

Quoi ! ne pouvait-il pas feindre encore un moment ? Que veut-on ?

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