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(2021)
la poésie, la nature, l’intime
TEXTE 1 (suite de 5 fragments tirés de « L’écorce incertaine»)
Le texte
Introduction
• Hélène Dorion propose depuis le début des années 80 une poésie (parfois
du roman également ainsi que des livrets d’opéra ou des collaborations
avec des artistes peintres et photographes) à la croisée d’un lyrisme
traditionnel (Sylvia Plath, Emily Dickinson comme références) et de
l’exploration d’un paysage (dans la lignée d’un Lorand Gaspar ou d’un Ph
Jaccottet). Son écriture, volontiers qualifiée de « transparente » la
placerait parmi ces auteurs (Armand Robin, Henri Thomas…) que l’on peut
soupçonner d’être faussement simples.
• Le « recueil », même si l’autrice n’aime pas ce terme (donnant l’impression
d’un amas informe et disparate que le livre, composé en plein
confinement et œuvrant comme un ré-ancrage en soi en pleine pandémie
qui nous coupa les uns des autres) est visiblement composé, animé d’un
principe de récurrence (scandé par « mes forêts »), balisé par quatre
épigraphes précédant quatre sections, comme les quatre éléments, les
quatre points cardinaux ou les quatre saisons.
Situation
• « L’écorce incertaine» première des quatre sections est la plus fournie (25
poèmes) (à titre de comparaison, Les cahiers de Douai en comportent 22) la plus
morcelée aussi, en ce que les poèmes, courts, se succèdent en se signalant
chaque fois par un titre.
• L’unité de « L’écorce incertaine» se réalise sur du concret: « l’arbre », « les
feuilles », « l’humus » tout semble décomposer la forêt avec l’impression d’un
démantèlement alors même que la suite de poèmes permet aussi d’en voir la
diversité et la complexité.
=> D’emblée le lecteur est amené à se poser la question de l’interprétation de ce
qu’il a sous les yeux: les composantes de la forêt et de l’arbre sont-elles autant de
signes d’émiettement ou au contraire, signes d’une approche détaillée attentive à
une réalité sylvestre dont on ne voudrait rien manquer?
• A noter que juste avant on avait « le tronc », et juste après, arrivera « l’humus ». Il
semble qu’un mouvement vertical descendant (dimension catabatique?) nous
fasse aller du feuillage au sol
Premières impressions
• Tel que le texte est découpé, la suite de cinq fragments ne présente aucune
régularité formelle: on commence par un nonnain, on finit par un septain,
on a aussi un poème de 13 vers, qui ne correspond à aucune strophe
répertoriée.
• Le texte est versifié mais la poésie ne systématise pas l’emploi de la
majuscule liminaire, pour faciliter la linéarité de lecture d’un vers à l’autre.
• Pas de rimes, mais des échos sonores. Volonté de faire naturel et non pas
artificiel ou sophistiqué.
• Le lexique ne présente aucune difficulté.
• La suite, de l’espace global (l’île) à la branche à la feuille à l’écorce semble
décrire un double mouvement: zoom du plus large au plus détaillé, et du
plus superficiel au plus épidermique (l’écorce étant directement en contact
avec l’arbre et mobilisant le sens du toucher).
Acquis, lacunes et indices
• Le projet de lecture qui reposerait sur la mise à jour d’une description
locative ou d’une attention portée au végétal pour lui-même, dans une visée
botaniste ne tient pas, ne serait-ce que parce que
• - on n’a pas d’indice spatio-temporel (de quelle île parle-t-on? Quelle
hémisphère? A quelle saison?) ni aucune information sur l’arbre (espèce?
Santé? Taille, physionomie, composantes précises?) : aucun ancrage, aucune
détermination = pas dans une visée réaliste ni même particulariste
• Les termes sont désignés par des ensembles génériques puisque tout au
long du poème on retrouve l’emploi d’articles définis: « l’île », « l’arbre »,
« l’horizon », « le mur ». = volonté d’un discours universel + affirmation,
en début de recueil, à un moment où son esthétique à venir, se dessine pour
nous lecteurs, d’une écriture pudique, métaphorique = parti-pris d’écriture
fort tel que la nature extérieure traduit la nature intérieure de la poétesse
qui ne se dévoile pas immédiatement pour elle-même.
Hypothèses de lecture : dynamique générale
• Ton distant et parole apparemment objective au début, puisque la
description est à la troisième personne (« la point de l’arbre », « l’île »,
« leur vie ») => « nous » au 2e poème => « soi » au 3e => « je » au 4e
puis « nous » au dernier poème = mouvement initiatique de réaffirmation
de soi mais moins comme une fin que comme une étape vers le discours
universel et le partage d’une expérience humaine commune.
• Le récit se gâte-t-il ou s’améliore-t-il ?
• - des marques de négativité (voc. de la rupture et de la violence) dès le
début,
• Des réponses poétiques, parades et antidotes à la brutalité (images:
métaphores, comparaisons, musicalité du poème) dès le début aussi.
Le meilleur et le pire sont présents depuis le début: moins une évolution
linéairement spectaculaire qu’un apprentissage de l’acceptation et une
logique de résilience.
Mouvements du texte (selon le découpage fourni)
• PREMIER MOUVEMENT
« L’ile », « la branche », « les feuilles »
= zoom, comme une réappropriation de soi