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Texte 7: Le soleil (relire, couper, intro autre)

INTRO: “Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or” dit Charles Baudelaire, l’auteur du poème
faisant l’objet de notre étude aujourd’hui. Celui-ci est un célèbre poète du XIXe siècle, connu
notamment pour son recueil de textes poétiques Les Fleurs Du Mal. Dans ses poèmes, Baudelaire se
met en scène; il est en proie au spleen, à la tristesse et à la mélancolie et se décrit comme une sorte de
génie maudit. Pour autant, le poème auquel nous nous intéressons va aux antipodes de cette morosité:
Le Soleil, est le 87e poème des Fleurs du mal présent dans la section Tableaux Parisiens, il est écrit en
alexandrins et se compose de deux huitains ainsi que d’un quatrain. Deux personnages sont présents
au cours du poème: le soleil et le poète. Au fil de celui-ci, Baudelaire multiplie les analogies entre lui
et le soleil; ils ont le même pouvoir d’embellissement. Ainsi, nous pouvons nous demander comment
le poète définit son pouvoir comme celui de transformer la boue en or. Nous nous intéresserons tout
d’abord au cadre parisien ensoleillé que dépeint le poète et dans lequel il cherche l’inspiration. Puis,
nous nous attacherons à expliquer le rôle d’alchimiste du soleil qui transforme la boue en or. Enfin,
nous verrons que Baudelaire, à l’image du soleil, embellit la laideur.

MOUVEMENT 1: Dans un cadre parisien ensoleillé, le poète cherche l’inspiration


- (v.1-2) Le poète installe d’abord le cadre spatio-temporel du poème par la description d’un
milieu parisien miséreux et sale. Par le complément circonstanciel de lieu “Le long du vieux
faubourg”, Baudelaire décrit un cadre urbain qualifié par l'adjectif “vieux” à connotation
péjorative. Aussi, le terme “faubourg” désigne les quartiers situés à la périphérie de la ville,
souvent plutôt pauvres. Puis, l’expansion du nom qui suit "où pendent aux masures les
persiennes” donne quelques spécificités sur le faubourg et met l’accent sur son aspect délabré
par l’emploi du terme dépréciatif “masures”(vers 1) qui, par ailleurs rime avec le mot
“luxures” (vers 2) permettant ainsi le rapprochement entre la misère du lieu et la débauche qui
y règne. Ainsi, le lieu est bas sur le plan social (faubourg) et sur le plan moral (puisque
l’endroit suggère cacher des conduites immorales : luxures).
- (v.3) Le troisième vers s’articule sur le complément circonstanciel de temps “Quand le soleil
cruel frappe à traits redoublés” : Baudelaire décrit donc un moment ensoleillé et chaud de la
journée qui peut s'opposer aux descriptions données dans les deux premiers vers. Ici, le terme
« soleil » est associé à l’adjectif “cruel” ainsi qu’au verbe “frappe” qui contribuent à le
personnifier. Le Soleil est donc présenté comme dynamique et violent. Son action s’exerce
avec vigueur comme l’indique l’expression « à traits redoublés » qui renvoie à la métaphore
des « traits » pour désigner ses rayons. Tel un dieu en colère (rapprochement possible avec le
dieu Apollon), le soleil, en proie à ses fureurs, lance ses flèches.
- (v.4) Ensuite, la mise en place d’un rythme binaire / “sur la ville et les champs, sur les toits et
les blés” / par la reprise de la préposition “sur” permet de créer une certaine régularité
associant le contexte urbain (“villes” et “toits” ) et rural (“champs et “blés”). Ce rythme
régulier met en exergue la puissance du soleil dont la lumière émise est universelle : il éclaire
tous les espaces.
- (v.5) C’est seulement au cinquième vers que la proposition principale centrale du poème est
énoncée. Le poète fait également sa première apparition, par l’utilisation du pronom
personnel “je”. On comprend ainsi que les quatres premiers vers du poème constituent le lieu
d’entrée en scène du poète qui s’avance dans un espace parisien sale, délabré et ensoleillé..
Baudelaire qualifie l’écriture poétique par la périphrase: “fantasque escrime”. D’après lui,
écrire est un combat. Cependant contrairement au jeu d’escrime qui s’exerce à deux, le poète
est seul face à cette lutte poétique.
- (v.6) Par l’animalisation du poète à travers le verbe “flairant”, ce dernier est rapproché à la
détresse. En effet, il cherche dans “tous les coins”, le déterminant “tous” exprimant sa
détermination, “les hasards de la rime”. Ici, le nom “les hasards” sous-entend qu’il n’est pas
sûr de trouver ses rimes, étant une périphrase pour évoquer l’inspiration poétique. En d’autres
termes, le poète est à l'affût de son inspiration comme un animal cherche de la nourriture.
Ensuite, le verbe “trébuchant” évoque une avancée difficile. Ce dernier est suivi par “sur les
mots comme sur les pavés”. Cette comparaison met en place une analogie entre la promenade
et l’inspiration du poète: son inspiration est bancale tout comme le décor. Finalement, le
verbe “heurtant” évoque une idée de violence, de choc: le poète trouve enfin l’inspiration.
L’adverbe “parfois” rend compte que cette eureka ne prend pas toujours place. Par ailleurs,
par l’adverbe de longueur de temps dans “depuis longtemps rêvés”, le poète nous fait
comprendre qu’il cherchait cette inspiration depuis une longue période. Ainsi, à travers une
anaphore d’une même forme verbale, une analogie entre la recherche de l’inspiration et d’une
promenade dans un cadre délabré est mise en place.
Transition : Après avoir décrit un paysage sale, pauvre et peu accommodant, Charles Baudelaire
change complètement de point de vue en décrivant dans sa deuxième strophe le Soleil comme un astre
bienfaiteur en le rapprochant même de son être, le poète.

Mouvement 2; Le soleil, un alchimiste qui transforme la boue en or


- (v.9) Dans le premier vers de la deuxième strophe, il commence par appeler le Soleil “père
nourricier” en utilisant une périphrase et une personnification, et insinue que ce dernier est
une source nécessaire à la vie: “ennemi des chloroses”. Cet éloge s’oppose aux précédentes
descriptions faites (cruel).
- (v.10) Au second vers, il use d’une syllepse, “ les vers comme les roses” dans laquelle le nom
commun “vers” admet plusieurs sens bien distincts. En effet, s’il est question de verre de
terres, nous pouvons interpréter que le Soleil éveille tout simplement la nature par sa chaleur.
Cependant, si nous admettons que les vers sont des vers poétiques, ceci peut nous amener à
penser que le Soleil dont parle le poète est en fait une métaphore, une périphrase, pour parler
de lui-même: un lien étroit est mis en place entre les pouvoirs du Soleil et ceux du poète.
Par ailleurs, l’antithèse entre les “vers” et les “roses” nous ramène à l’idée que le soleil éveille
tout, sans préférence, que ce soit la boue ou l’or, comme le poète qui évoque dans ses poèmes
des sujets inspirants la beauté et des sujets inspirant la laideur.
- (v.11) Au vers suivant, on remarque une matérialisation des soucis, qui “s’évaporent”. Cela
permet d’insister sur l’idée d’un “père nourricier” permettant aux hommes d’oublier leurs
problèmes. Cependant, ces soucis évaporés puis condensés redescendront sur Terre pour
continuer à inquiéter les êtres mortels: ce soulagement est éphémère.
- (v.12) Au quatrième vers, un zeugme attire particulièrement l’attention “ remplit les cerveaux
et les ruches de miel”. Si “miel” est le complément du seul nom “ruches”, au sens littéral il
serait donc question d’un soleil accordant gracieusement sa chaleur à la nature, abondance et
prospérité. Seulement, si ce terme se rattache également à “cerveaux”, cela signifierait que le
miel dont il est question ici serait une métaphore de la joie.
- (v.13) Ensuite, on note une périphrase: “porteurs de béquilles” signifiant littéralement
personnes âgées ou infirmes. Cette périphrase permet un oxymore avec le verbe “rajeunir”
employé juste avant. Au vers suivant, le poète évoque que le Soleil est capable de rendre ces
vieillards “gais et doux”, deux adjectifs mélioratifs, comme des “jeunes filles”. Autrement dit,
par miracle, le Soleil-alchimiste, donc le poète selon interprétation, offrirait ainsi aux
vieillards une cure de jouvence. Il aurait la capacité de rajeunir ou d’embellir les éclopés ou
les délaissés, il serait doté de capacités miraculeuses permettant de transformer la boue en or.
- (v.15- 16) Dans les deux derniers vers de cette strophe, nous pouvons une fois de plus
interpréter le symbole du Soleil telle qu’une métaphore cherchant réellement à désigner le
poète. En effet, si nous prenons le sens premier du texte, ces derniers cherchent une fois de
plus à mettre en exergue les capacités divines du Soleil. Cependant, les “moissons” peuvent
aussi être une métaphore des vers et des poèmes que le poète ira cueillir et cultiver en temps
voulu quand les saisons le lui permettront. Par ailleurs, le nom commun “coeur” qualifié par
l'adjectif qualificatif “immortel”, peut être une périphrase signifiant l’âme humaine du poète,
figée dans le temps, cherchant l’inspiration presque comme une Parole Divine dans le grand
cycle de l’univers. Le verbe “fleurir” permet d’insister sur la culture de mots que fait le poète
au cours de sa vie.
Transition : Strophe bien plus lumineuse et joyeuse que la première dans son énumération des
pouvoirs du soleil. Le rapprochement entre inspiration poétique et lumière du soleil est parachevée par
la dernière strophe, qui explicite la comparaison soleil/poète.

Mouvement 3: Le poète, à l’image du soleil, embellit la laideur


- (v.17) Tout d’abord, nous retrouvons la locution conjonctive “ainsi que”, outil de
comparaison qui permet immédiatement de mettre en lien le poète et le soleil. La comparaison
se poursuit avec le double sens du verbe “descend”. En effet, ce dernier peut signifier que le
soleil darde ses rayons sur la ville depuis les hauteurs ou bien que le poète “descend dans les
villes”, se promène, afin de chercher l’inspiration. Le fait de descendre sous-entend que le
poète occupe une position élevée, à l’instar du Soleil ou d’une divinité.
- Au vers 18, Baudelaire use d’une opposition entre le verbe “ennoblir” et l’adjectif “viles”.
Cette dernière rappelle le parcours et l’idée que le Soleil tout comme le poète ont la capacité
de transformer la boue en or. Ce sont des alchimistes, qui influent le cours du “sort”.
- Au vers 19, le terme “roi” permet au poète de se placer au même niveau qu’un monarque: il
se décrit, lui et le Soleil, de manière élogieuse. Par ailleurs, le groupe prépositionnel “sans
bruit et sans valets” souligne le fait qu’ils opèrent sans l’aide de personne: se sont des génies
solitaires.
- Pour clore la boucle, Baudelaire souligne que le poète visite ‘tous’ les lieux de misère tout
autant que “tous” les palais luxueux (mise en emphase à l’aide de la répétition de l’adverbe
tous) à travers l’opposition entre “hôpitaux” et “palais” au vers 20. Un poète ne fait donc pas
de discrimination face au monde, et le considère sous toutes ses facettes, sûr de son pouvoir
de transformer la boue en or. Le soleil, semblable au poète, brille sur tous les lieux, riches ou
misérables. On retrouve ici une idée chère à Baudelaire selon laquelle toute chose à sa place
en poésie, même le « mal » : c’est-à-dire ce qui est laid, pauvre, jugé méprisable, ou immoral,
ces derniers étant des sources d’inspiration.

CCL: Ce poème commence par mettre en scène un poète en mal d’inspiration dans un Paris délabré
et ensoleillé, avant de céder la place dans la deuxième strophe à un éloge de la puissance solaire. Par
un jeu de double sens, Baudelaire invite son lecteur à mettre en parallèle les pouvoirs du soleil avec
ceux du poète, tous deux créateurs de beauté, de joie et de vie, même dans un monde de laideur et de
vice. La dernière strophe développe explicitement cette comparaison. La figure du poète maladroit
cède donc la place à celle du puissant alchimiste qui peut tout. Ce poème propose donc un éloge de la
toute-puissance de la poésie. Le poète est un véritable mage qui apporte la beauté, la jeunesse, la vie,
la guérison. Comme le dieu Hélios, le poète voit tout et peut choisir d’éclairer ce que la poésie n’a pas
voulu voir jusqu’alors : c’est donc une définition nouvelle de la poésie qui est donnée où le thème
moderne de la ville et ses laideurs a sa place dans la poésie tout autant que les roses, les moissons et le
miel. Ouverture : ex : « L’albatros » permet de multiples comparaisons.

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