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Texte 1: «L’Ennemi»

Introduction:

Charles Baudelaire, auteur du XIX° siècle est surtout connu pour son œuvre majeure Les
Fleurs du Mal, parue tout d’abord en 1857, puis condamnée pour «outrage à la morale
publique et aux bonnes mœurs» est rééditée en 1861, expurgée de 6 poèmes. Ce poète est au
carrefour de diverses influences comme le romantisme, le parnasse et le symbolisme dont il
sera un des précurseurs. «L’Ennemi» est un sonnet, forme qu’il se propose de remettre au goût
du jour et de réinventer. Il se situe dans la section «Spleen et Idéal», première section du
recueil. Ce poème reprend un thème classique de la littérature, emprunté aux romantiques: le
temps qui passe. Je vais à present procéder à la lecture du texte […]

En quoi ce texte repose-t-il sur une métaphore filée des saisons caractérisant ainsi la fuite du
temps?

Ce poème est composé d’un mouvement correspondant à chaque strophe, qui


représentent les 4 saisons de l’année et allégoriquement de la vie. Le 1er quatrain évoque l’été,
époque de la jeunesse déchirée, le 2 ème quatrain retrace la période de la vieillesse, automne de
la vie, et annonce la mort. Enfin, le 1 er tercet exprime un espoir de renouveau comme un
printemps espéré, démenti aussitôt par le 2ème tercet qui déplore l’action dévastatrice du
temps, que l’on peut assimiler à un hiver synonyme de mort

Le 1er quatrain évoque une jeunesse déchirée

Tout d’abord, le premier quatrain se compose de 2 parties complémentaires délimitées par la


ponctuation. À l’évocation de la jeunesse fait suite un bilan décourageant. Le premier mot qui
introduit ce quatrain est «ma», il renvoie un passé révolus de l’auteur. S’ajoute à ça le temps des
verbes qui sont au passé : passé simple « fut » ou passé composé « ont fait » cela montre la
déconnexion au present de l’auteur, plongé dans un aspect achevé de l’action. Enfin, la forme
verbale est négative : négation restrictive.

Cette jeunesse est d’un coté associée à un paysage d’été, avec « soleil » et « fruits vermeilles »,
ainsi que celle du vocabulaire météorologique « orage » « la pluie ». Mais, vise surtout à faire un
bilan contrasté, de la vie de l’auteur, d’ombre et de lumière. Le premier vers l’illustre lors du
portrait d’une jeunesse bouleversante avec les antithèses « ténébreux orages » et « brillants
soleils ». Cette alternance entre sombre et clair est métaphoriquement celle de l'espoir et du
désespoir, des élans vers l'idéal et du poids du spleen. Celle ci est accentué par les rimes ABAB
avec des sonorités que s’alternent entre douces et dures, ainsi qu’une une allitération du R avec
« tonnerre » et « ravages ».

Dans ce début de quatrain, nous avons une comparaison entre tumultes de la vie et quelques
moments meilleurs tout de même peut présents «çà et là», et le participe passé «traversé » au
vers 2 souligne justement la brièveté de ces moments de bonheur. Ces premiers vers formes un
tableau de sa jeunesse qui reste surtout négative, avec « ravage » qui renvoie à la destruction. Il
présente son cœur comme un jardin, dévasté, où il reste peu de fruits vermeils qu’il associe aux
mauvais moments passé dans son enfance qui ont été tellement impactant qu’il oublie les peu
de bons moments passé, avec notamment une subordonné de conséquences « qu’il reste en
mon jardin, bien peu de fruits vermeils » v4.C'est le résultat d'une jeunesse orageuse.

Le 2ème quatrain retrace un âge mûr détérioré

Une nouvelle étape dans la vie du poète attire l'attention, on passe de l'été à l'automne. Les
saisons sont les représentations symboliques des étapes de la vie. L'automne est la saison de la
maturité. Il fait apparaître une suite chronologique, l'automne après l'été dans laquelle l'image
du jardin est prolongée et aggravée, nécessite alors d’être réparé.

Le deuxième quatrain s'ouvre sur une constatation résignée qui apparaît comme la conséquence
sur le plan de la pensée de la première strophe avec « Voilà que » qui est présentatif. C'est un
résultat donné en deux étapes successives avec aussi « et que ». Ainsi, on retrouve deux
subordonnées « j’ai touché l’automne des idées » et « faut employer la pelle et le râteau ». Au
v5 « l’automne des idées » montre la fin de son inspiration poétique. Mais « Pour rassembler à
neuf les terres inondée » montre qu’il veut renouveler ses inspirations, rassembler à neuf veut
dire remettre du nouveau dans sa vie, il y a de l’espoir dans le contexte négatif dans lequel il est
pour remettre sa vie en état . Le poète évoque l'idée d'un travail régénérateur, d'un espoir de
renouveau qui tranche avec le pessimisme. Un renouveau dans la création. Un projet de travail
apparaît qui demande du matériel et des efforts, évoqués avec « pelle » et « râteau » au v6.

Mais, la terre a subi les dégâts de l'eau. L'action de creuser est ressentie au travers des sonorités
plutôt agressives. Idée de peur, de vide, thème de la mort dominent. Le champ lexical de l'eau
est omniprésent dans le poème, « pluie, orage, inondé ». Les terres inondées revoient au thème
des ravages et de la destruction. Ce dernier vers est une comparaison et une personnification.
L’eau creuse de grands trous donc il y a tellement de pluies qui représentent les malheurs, que
les problèmes s’accumulent et créer des vides en lui, qui sont comme des tombeaux référence à
la mort. Ce quatrain est l’automne dans la chronologie du poème. Il montre de l’espoir mais que
son enfance l’a quand même énormément détruit, elle fait un pas dans l’hiver, montrant que la
vie et l'inspiration sont ravagées par le temps.

Le 1er tercet est l’espoir d’une inspiration nouvelle

Le premier tercet suggère une hypothèse « Et qui sait » cette phrase interrogative indirecte est
presque optimiste et apparaît comme un élan d'espoir. Cet élan prend appui sur les images de la
strophe précédant dans le cycle des saisons, l'automne, puis l'hiver associé à la mort, font
espérer le renouveau du printemps « fleurs nouvelles ».

L'enchaînement des images conduit à une interprétation qui se situe sur le plan de la nature «
automne », « eau », « sol lavé », « fleurs nouvelles » . L’évocation des fleurs nouvelles est une
métaphore de la création qui signifie des nouvelles bonnes choses qui arrivent dans sa vie et
donc il en rêve. Les Fleurs renvoies aussi au titre du recueil : on rattacher les fleurs à l’idéal,
Baudelaire rêve ces fleurs et donc du renouvellement de son inspiration. Il rêve de nouveaux
évènements, de bons moments. Cependant il se demande si les bonnes choses dont il rêve
arriveraient à survivre dans ce sol lavé. L'enchaînement des symboles conduit à considérer les «
fleurs nouvelles » comme le printemps des idées, c'est à dire un renouvellement de l'inspiration
après une purification qui s'apparente à un rite. Le « mystique aliment » prend alors une valeur
religieuse et rédemptrice. Les souffrances pourraient nourrir la création poétique.
Il n’es cependant pas certains de l’arrivée des fleurs nouvelles, alors «Trouverons » montre une
action qui pourront se réaliser, « ferait » est un conditionnel qui est une hypothèse. Le probable
montre que ce n’est pas un espoir assuré, ce qui limite l’espoir du poète. Bien que la question
n’a pas de destinataire en particulier, le tercet se présente sous forme de question, le lecteur
peut alors se questionner lui-même.

Le 2ème tercet montre l’action destructrice du temps

Ce deuxième tercet apporte d’abord une expression de la souffrance : le premier hémistiche du


vers 12 est un double cri du désespoir « Ô douleur ! ô douleur! ». Cette double interjection
lyrique montre la douleur puissante du poète assigné à une prière. Ce tercet est le plus sombre
de ce sonnet, il montre l’action destructrice du temps.

L'action dévorante et irrémédiable de celui ci est montré lorsque le temps est assimilé à un
monstre, il est nommé au vers 12 par une périphrase « l'obscur Ennemi », au vers 13. Aussi, le
temps est personnifié « le Temps mange la vie », on à une Majuscule à Ennemi il s’apparente à
un nom propre, c’est une personnification qui renvoie au titre. Son action est exprimée sous
forme d'images réalistes et horribles « mange la vie », « ronge le cœur », ces actions sont
présentées comme l'action d'un parasite dévastateur. Il se nourrit, des forces vives de l'être
humain, « croît et se fortifie » par la destruction. Le temps mangent l’hiver le temps ronge le
cœur ce qui fait penser à l’hiver. L’Ennemi s’attaque au cœur qui va représenter la vie, ainsi on a
l’idée monstrueuse du temps par le vampire.

Dans le dernier vers c’est la victoire du temps et la mort de l’homme. On retrouve une évolution
contradictoire, l’homme est sur la destruction et l’ennemi sur la croissance. Le poème se veut
universel puisque le pronom personnel « nous » au vers 13 englobe tous les humains. Ce poème
qui va au-delà de l’expression du drame personnel , l’auteur montre un aspect tragique de la
condition humaine.

Conclusion :

Ainsi, le sonnet se construit sur une métaphore des saisons, allant de l’été à l’hiver qui est
synonyme de mort. Le temps est vu de façon très négative comme un adversaire impitoyable
qui se nourrit du sang du poète pour vivre et le laisse exsangue. Son action sur l’homme est
dévastatrice et destructive. Ce sonnet est révélateur du spleen du poète qui vit le temps avec
effroi.

Baudelaire emprunte aux romantiques le thème du temps synonyme d’angoisse et de


mélancolie. On pourra citer le poème de Lamartine « Le Lac ». Il renouvelle cependant ce
thème en créant une image de monstre terrifiant avec lequel le poète mène une lutte acharnée
mais inégale puisque le temps triomphera toujours. Grâce à la poésie, il met en mots ce malaise
existentiel et peut ainsi l’exorciser. La fonction de la poésie est alors d’apporter un remède aux
souffrances humaines.

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