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Lecture linéaire Une charogne

Intro: notes sur l’auteur et l’oeuvre.


Cet extrait provient de la section “spleen et idéal”. Si le premier terme du titre, Spleen , est
l’illustration de cet « ennui » cette “mélancolie”, l’organisation interne de la section inverse
ce titre, car les premiers poèmes de cette section traduisent l’effort pour accéder à l’« idéal ».
Dans “une charogne”, il s’agit d’un véritable tableau de vanité. Mais ce poème réussit le tour
de force d’introduire la vie dans la mort et la beauté dans l’horreur. Soudain, le cadavre en
décomposition va se mouvoir en tableau et en musique.
Comment ce poème devient un véritable art poétique d’un genre nouveau?
mouvements strophe 1: injonction à lui-même
2 la description, véritable hypotypose
3 dernière strophe: conclusion du poète

1 L’injonction du poète à lui-même:

-Le poème commence par une injonction: “rappelez-vous” et s’adresse à sa propre “âme”.
Cette adresse sera cependant à comprendre dans le sens amoureux (puisqu’il est destinée en
réalité à Jeanne Duval, évoquée à la fin du poème).
1er vers: un alexandrin très régulier (4+2+4+2) Rappelez-vous// l'objet //que nous vîmes,
//mon âme, dans une strophe (quatrain) qui alterne l’alexandrin et l’octosyllabe. Construite
sur 2 rimes, le poète présente dès le début une opposition lexicale entre termes positifs
“âme”, “doux” et péjoratifs “infâme, cailloux”. C’est déjà une introduction à l’alternance
beauté (du vers, du poème) et horreur (du sujet cf “tu m’as donné ta boue, j’en ai fait de
l’or”).

2 hypotypose.

-S’ensuit un long portrait des strophes 2 à 9 (presque tout le poème!) qui, par sa taille, relève
de l’hypotypose. Il s’agit d’une longue description, si précise qu’elle donne à voir et rend
l’objet vivant, c’est une figure de style à rapprocher de l’art de la peinture en quelques
sortes… ça tombe bien, si on se rappelle la bio de Baudelaire. Les détails vont abondés.

Strophe 2: elle s’ouvre sur une provocation. qui fait d’un objet peu poètique, un sujet érotique
(jambes en l’air, femme lubrique) cela renvoie à une image de la femme qui est misogyne.
L’adjectif “cynique” est à comprendre -aussi- dans son étymologie “kunikos” en grec: qui
concerne le chien, il faut y entendre l’idée de “chienne”, pas besoin de développer l’érotisme
sous-jacent et/ou la misogynie. Il faudra rappeler que c’est justement et très précisément une
chienne qui interviendra à la fin du poème. On ne peut que s’interroger sur le besoin d’une
telle précision.

Strophe “: évoque l’oeuvre de la nature et fait d’elle une sorte de cuisinier. cf la comparaison
“comme afin de la cuire à point”. Ceci perpetue le cycle qui rejoint destruction/construction,
cf Lavoisier “rien ne se perd, rien ne se créén tout se transforme” ou encore la référence
bilbique dans la Genèse: car tu es poussière et tu retourneras à la poussière”. L’ironie est ici
détectable: la beauté du jour est l’occasion de célébrer la pourriture, qui relève à la fois de la
cuisine mais aussi de la sexualité (comme on peut le voir en revenant en arrière avec lit/
ventre/ jambes en l’air)

Strophe 4: introduit un “et” biblique (Et le ciel…). on retrouve souvent cette conjonction en
début de phrase dans ses poèmes, (c’est le cas strophe 7 Et ce monde/ strophe 10: Et pourtant.
La 4 s’achève sur l’oxymore “carcasse superbe” ce qui marie le beau et le laid, caractéristique
non négligeable des Fleurs du mal. On remarquera justement la comparaison “Comme une
fleur s’épanouir”, rappel de cette esthétique: à partir du laid, il fera du beau.

Strophes 5 6 et 7: abondent en détails et en réalisme. Les contemporains de Baudelaire les ont


trouvées obscènes. Et rien ne nous est épargné! v 17 les mouches v 19 les larves. Le cadavre
est certes inerte mais c’est tout un élan vital qui se met en place, celui-ci étant rendu par les
verbes d’action “bourdonnaient, sortaient, coulaient, descendait, montait”. On notera
l’opposition entre ces 2 derniers verbes. il y a encore “s’élançait”. Les verbes d’action
renforcent le côté épique de cette description. La métaphore “noirs bataillons” renvoie au
vocabulaire militaire. Ajouté à cela les hyperboles “tout cela”, “ce monde” (pour désigner les
insectes, plus loin, strophe 8). Paradoxe de corps (nort donc) qui “vivait”

Strophes 8 et 9 à la fin de l’hypotypose sont intéressantes car elles effectuent un


rapprochement avec l’art.
La 8: la musique tout d’abord. “rendait une étrange musique” mais aussi le rythme déjà
annoncé strophe précédente v 27 Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
(allitération en V)et enfin la peinture “les formes” “ébauches” “toile” “artiste”. ce
rapprochement est légitimé par le travail de la prosodie (rythme 3X4) Les mouches/
bourdonnaient/ sur ce ven/ tre putride. On remarque aussi le jeu sur les sonorités (assonances
en ou qui peut évoquer ce joli petit monde qui grouille). Et l’hypotypose en général (précision
du tableau). Riche en images, ces strophes accumulent les comparaisons “comme” “on eût
dit” ou les métaphores “enflé d’un souffle vague”. (cette allitération en ff peut évoquer le
souffle, donne l’impression que cette faune grouillante fait enfler le ventre comme si on
soufflait comme dans un ballon)
Cette référence à l’art fait prévaloir la prédominance de lart sur la nature (thème cher à
Baudelaire) car seule possibilité de faire vivre ce qui est condamné à périr.

3. conclusion du poète
3 dernières strophes qui commencent par “et pourtant”: une dernière mention canine rappelle
le sens premier du terme “cynique” et achève de montrer le sordide de la situation. (Quand
nous croyons que l’horrible description est finie, il en ajoute encore)
Il est rappelé ici la présence d’une tierce personne, symbolisée au début par “mon âme”, en
réalité il s’adresse à la femme aimée, ce que montre le vocabulaire propre à l’amour courtois
(Moyen-Age) “Vous, mon ange et ma passion” “étoile de mes yeux” soleil de ma nature”.
“reine des grâces”. Dans ce poème Baudelaire rappelle à l’être aimé sa condition de mortelle,
ce qui rappelle la poésie de Ronsard. Il est associé au thème artistique du “memento mori”,
pas forcément pour inviter à profiter du jour (carpe diem) comme le fait Ronsard mais pour
mieux affirmer la supériorité de l’art sur l’éphémère de la vie, l’art sait garder “la forme et
l’essence divine” des “amours décomposés”.

CCl: c’est un poème relevant à la fois de l’éloge et du blâme. Un poème ironique s’adressant
à une femme aimée, pour lui rappeler sa beauté, certes, mais qui se transformera en
pourriture. On peut faire un rapprochement avec un autre poème “remords posthume” mais
aussi de nombreux poème de Baudelaire rappelle le caractère inéluctable de la mort l’horloge,
danse macabre.

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