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Textes ou passages travaillés dans l’œuvre intégrale :

Section “Spleen et Idéal” : Elévation

Introduction :

Baudelaire, poète de la modernité, publie son grand recueil Les Fleurs du mal en 1857. Il expérimente en
passant du romantisme, au mouvement parnassien, puis en insufflant le symbolisme. De même, il remet
au goût du jour la forme oubliée du sonnet, et popularise le poème en prose (Spleen de Paris, 1869). Il
mène une vie de tourments et de difficultés dont l’angoisse se retrouve dans son concept central du
Spleen (humeur dépressive).

Le poème « Élévation » se situe dans la section « Spleen et Idéal » du recueil Les Fleurs du mal. Il est au
tout début en troisième position derrière « L’Albatros ». Comme son titre l’indique, il expose une
élévation, une ascendance, un chemin vers l’Idéal.

Problématique :

Comment ce poème exprime-t-il la vision baudelairienne de l’Idéal et de la poésie?

Plan :

Le texte peut se décomposer en trois mouvements, suivant les trois phrases du poème. Tout d’abord, les
deux premières strophes montrent l’élévation de l’esprit du poète. Ensuite, le deuxième mouvement
décrit l’Idéal. Enfin, les deux derniers quatrains posent la question de la possibilité de cet Idéal pour
Baudelaire.

I. L’élévation de l’esprit du poète. (Les deux premiers quatrains).

Strophe 1 :

– premier vers qui s’articule sur d’un parallélisme avec la répétition de la locution adverbiale « Au-
dessus »: « Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées ».

– Alexandrin, comme dans tout le poème, avec le parallélisme accentué par la césure à l’hémistiche.
L’élévation débute en montant « étangs » aux « vallées ».

– énumération qui continue avec le deuxième vers: « Des montagnes, des bois, des nuages, des mers ».
Tout le sol et sa nature sont surplombées même les nuages.

– Le déterminants « des » marque la distance prise par rapport au sol, duquel de nombreux « étangs,
bois…. » sont visibles.

– Les deux vers suivants à des hauteurs extraterrestres. Pour bien marquer l’élévation extrême,
hyperbolique, la locution au-dessus est remplacée par « Par delà ».

– Le vers 3 répond, correspond avec le vers 1, même parallélisme ici céleste : « Par delà le soleil, par delà
les éthers »( les éthers signifient l’atmosphère).

– Le vers 4 finit l’élévation à un niveau stellaire, qui devient inconnu: « Par delà les confins des sphères
étoilées ».
– La strophe nous emmène de l’étang à la Voie lactée, du réel à l’imaginaire, du terrestre au céleste, du
fini à l’infini.

– Correspondances baudelairiennes verticales qui va vers l’Idéal. Correspondances avec les rimes entre
la terre et le ciel (« vallées » et « étoilées ») et la mer et le ciel (« mers » et « éthers »).

Strophe 2 :

– La deuxième strophe débute par « Mon esprit », le déterminant possessif introduit le caractère lyrique
du texte. Et nous apprenons que c’est l’esprit qui voyage.

– Personnification d’ailleurs de l’esprit que le poète tutoie: « tu te meus avec agilité ». L’esprit possède
un corps.

– Cette personnification s’amplifie au vers suivant avec la comparaison « comme un bon nageur qui se
pâme dans l’onde ». (Ici, se pâmer doit se comprendre comme vivre une sensation très agréable).

– cette impression positive se lit encore au vers 7 avec l’adverbe « gaiement ».

– Le vers 8 se concentre totalement sur les sensations de l’esprit « Avec une indicible et mâle volupté »
puisque le terme volupté renvoie au plaisir sensoriel, à la jouissance. L’adjectif « mâle » nous rappelle
que c’est l’esprit de Baudelaire, du poète.

– De nouveau correspondances ici entre l’élévation et les sensations.

II. L’Idéal. (Troisième strophe).

– Dans ce neuvième vers adresse, prière, exhortation à l’esprit : « Envole-toi », une nouvelle fois
personnification.

– Opposition avec le sol blâmé de manière péjorative : « miasmes morbides ». Le terrestre est décrit
comme maladif, agonisant.

– Nouvelle exhortation: « Va ». Comme si le verbe, les mots étaient magiques et pouvaient se


transformer en action grâce à la poésie.

– antithèse « purifier dans l’air supérieur » avec les « miasmes morbides » du vers précédent. Le céleste,
l’atmosphère est un remède face à l’empoisonnement du sol.

– Référence divine aux cieux, à la pureté, à la purification de l’âme.

– Le vers 11 emprunte encore aux connotations religieuses avec la comparaison « comme une pure et
divine liqueur ». On peut y voir une référence aux dieux de l’Olympe et à leur boisson favorite,
l’ambroisie, nectar délicieux assurant l’immortalité.

– La périphrase « Le feu clair » évoque le soleil. L’idée de clarté se répète dans le vers avec à la fin
l’adjectif « limpides ». Cette image de lumière et de clarté rappelle une nouvelle fois la lumière divine.

– Enfin, les quatre éléments parcourent le poème: la terre, l’eau, l’air et le feu. La nature se confond
avec les idées.

III. L’impossibilité de l’Idéal pour le poète? (Les deux dernières strophes)


– Dans les vers 13 et 14 le registre pathétique apparaît pour la première fois, champ lexical de la
souffrance morale : « ennuis », « vastes chagrins », « existence brumeuse ».

– Incursion du Spleen pour l’instant dans une élévation vers l’Idéal.

– Les soucis humains et terrestres empêchent l’élévation comme du lest empêcherait le décollage d’une
montgolfière : « chargent de leurs poids ».

– Surtout, au vers suivant, passage de la première personne du singulier à la troisième : « Heureux celui
qui ». On assiste à une mise à distance du poète. Il ne parle plus de lui. Le bonheur semble ne pas le
concerner.

– Encore l’élévation et l’envol: « aile vigoureuse », périphrase pour un ciel ensoleillé « champs lumineux
et sereins ». Loin donc des chagrins et de la brume.

– Dernière strophe qui débute par le pronom démonstratif « Celui ». Baudelaire répète cette mise à
distance de lui-même. Il s’agit toujours de l’esprit « les pensers », mais plus du sien.

– Comparaison avec un oiseau « comme des alouettes ». L’alouette est un véhicule, un médiateur de
l’esprit du sol « vers les cieux » (v.17-18).

– cet envol permet à l’homme de sortir de sa cage, de son enfermement, d’acquérir sa liberté: « libre
essor ».

– Le tiret de l’avant dernier vers annonce la chute, la fin du poème.

– « Qui plane sur la vie » s’applique à « Celui » qui s’est élevé et peut regarder de haut.

– La fin porte sur la poésie, la supériorité du poète qui déchiffre la nature, voit derrière les apparences,
avec l’enjambement entre les deux derniers vers: « et comprend sans effort/ Le langage des fleurs et des
choses muettes! ».

– La paronomase entre « essor » et « effort » insiste sur l’élévation qui transcende et offre la facilité de
la vision du monde et de la nature, de sa beauté « fleurs », « choses muettes ».

– À noter enfin que ce symbolisme ne peut s’exercer que sur la nature et les choses. Dans tout le
poème, les humains sont absents à part Baudelaire et « Celui », son double pour qui l’Idéal est possible.
Pour lui, on ne sait pas…

Conclusion :

Le poème progresse de l’élévation du sol terrestre vers des hauteurs célestes. Ensuite, ces cieux atteints,
l’esprit se rapproche du divin. Seulement, cette sérénité, ce bonheur semble concerner une autre
personne, un autre homme avec le passage à la troisième personne du singulier pour les deux dernières
strophes, comme si Baudelaire ne pouvait entièrement se défaire du Spleen.

Le poème présenté la vision de l’Idéal de Baudelaire : une élévation infinie permettant de voir le monde
entièrement. Cet Idéal, cette élévation offrent une pleine compréhension de la nature et des objets. Cet
Idéal ouvre la perspective symboliste de la poésie, la mission du poète de transfigurer le réel, de le
transformer en allant au-delà des apparences.
« Élévation » répond à « L’Albatros », au poème précédent dans le recueil. L’oiseau majestueux dans les
aires devient misérable sur le sol, en bas parmi les hommes. Alors que sans la société humaine, la
fuyant, le poète s’approche du soleil et de Dieu.
Section “Spleen et Idéal” : L’Albatros
Présentation de l’auteur :

Charles Baudelaire, né en 1821 et mort en 1867, incarne pour beaucoup la figure du poète maudit.
Dandy parisien, dépensier à profusion, amoureux expansif, dépressif chronique, drogué, alcoolique,
misogyne incurable, poète de génie, on a pu dire de nombreuses choses sur Baudelaire, dont beaucoup
sont vraies …

Installé à Paris à l’âge de 21 ans, il dépense une bonne partie de l’héritage familial avant que sa mère ne
décide de le placer sous tutelle, ce qu’il vit comme une humiliation. Toujours est-il qu’il est dès lors
obligé de travailler pour vivre, et devient donc, en 1845, critique littéraire.

Ce travail lui permet de continuer à fréquenter les cercles littéraires, et à vivre d’excès. Il entame à cette
époque une liaison avec l’actrice Jeanne Duval qu’il évoquera dans plusieurs poèmes des Fleurs du Mal.
En 1847, le jeune poète rencontre Marie Daubrun, qui sera sa deuxième maîtresse importante.

L’année suivante, Baudelaire découvre Edgar Alan Poe dont il devient le traducteur en français. En plus
de la grande beauté de ses traductions, Charles Baudelaire tire de cette expérience une grande source
d’inspiration pour sa poésie

Présentation de l’œuvre :

C’est en 1857 qu’il publie son chef-d'œuvre : Les Fleurs du Mal. Dès sa sortie, le recueil est mis en
procès, et finalement condamné pour “délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs”. Ce
verdict est un choc pour Baudelaire, qui tout de même rencontre un immense succès pour son recueil.

De fait, Les Fleurs du Mal est un recueil éclectique, entre Romantisme, Parnasse et Symbolisme, lyrique
parfois dans les poèmes d’amour dédiés à ses deux grandes maîtresses. Mais dans ce recueil, il s’agit
surtout pour Baudelaire, de se faire alchimiste poétique, c’est à dire d’utiliser la poésie pour accomplir le
Grand Œuvre de transformer la boue en or. Sublimer par les vers, la laideur du réel, tel est son
accomplissement.

Présentation du poème :

Présent au début du recueil, le célèbre poème “L’albatros” assimile le poète à l’oiseau : superbe dans
son univers, le ciel, mais ridicule et maltraité parmi les hommes du commun.

Problématique :

Ainsi, nous pourrons nous demander de quelle manière Baudelaire évoque sa condition d’homme et de
poète.

Plan :

Pour mener cette analyse linéaire du poème “L’albatros”, nous suivrons les mouvements du texte.
D’abord la description de l’oiseau dans les airs dans la 1ère strophe, ensuite, la description de l’oiseau à
terre dans les strophes 2 et 3, enfin, la comparaison du poète et de l’albatros dans la dernière strophe.

I. La description de l’oiseau dans le ciel


Strophe 1

Le premier quatrain n’est en fait qu’une seule longue phrase qui évoque la grandeur, la large envergure
de l’albatros. Le rythme lent imposé par la juxtaposition et les nombreux compléments circonstanciels et
expansions du nom (“pour s’amuser” ; “sur les gouffres amers” ; “vastes oiseaux des mers” ; “qui
suivent”) imagent le vol majestueux et calme de l’oiseau.

Les jeux de sonorités participent également de cette évocation de la majesté de l’oiseau. On relève une
allitération en -v “vastes” ; “voyage” ; “navire” qui peut laisser entendre le vol de l’albatros. Une
assonance en -an “souvent” ; “indolent” ; “glissant” peut également donner un effet de beauté et de
grâce.

Enfin, l’oiseau est désigné par l’hypallage “vastes oiseau des mers”. Ici, l’adjectif vaste s’appliquerait plus
logiquement à la mer. Ainsi, le poète insiste de manière hyperbolique sur la grandeur de l’oiseau.

Hélas, malgré cette majestueuse grâce de l’albatros, on voit qu’il est victime des hommes. Le premier
mot du poème est l’adverbe de fréquence “souvent” qui dénote l’habitude. Accompagné du présent à
valeur itérative “prennent”, cet adverbe renforce l’idée d’une scène qui se produit régulièrement.

Par ailleurs, le pluriel appliqué au nom “albatros” (des albatros) laisse entendre que la scène est
régulière, et touche de nombreux oiseaux de cette espèce. Le choix du verbe prendre donne également
une impression de violence : l’oiseau ne peut pas s’échapper.

Le complément circonstanciel de but “pour s’amuser” illustre la cruauté des hommes. Pour eux, la
torture à venir de l’oiseau n’est qu’un jeu, un passe-temps.

On remarque également dans ce vers que les marins sont désignés par la périphrase “hommes
d’équipage”. On peut gloser que cette périphrase permet au poète de faire apparaître le mot
“hommes”, et donc de préparer l’extension de son propos à l’ensemble de la société.

Au niveau de la versification, les vers 1-2 comprennent un enjambement (le sujet et le verbe de la
phrase sont dans 2 vers différents). Ce débordement de la phrase sur 2 vers évoque lui aussi la grandeur
de l’oiseau, mais également sa gaucherie. On peut entendre les vers trébucher, comme l’oiseau lorsqu’il
est pris par les marins.

La cruauté des marins est soulignée par la proposition subordonnée relative “qui suivent”, complément
de l’antécédent “des albatros”. On voit ici que les oiseaux sont parfaitement inoffensifs et que les
marins s’attaquent à eux sans raison.

Le dernier vers de la strophe évoque pourtant la danger que courent les hommes sur la mer.
L’allitération en -s/z/f “glissant sur les gouffres amers” évoque le vent qui se lève et pourrait facilement
balayer le bateau. Le groupe nominal “gouffres amers” sur lequel glisse le navire connote également
cette idée de danger.

Ce danger, l’albatros n’y est pas soumis, le vent n’est pas son ennemi, ni les gouffres marins qu’il
survole. Aussi est-il sur ce point supérieur aux hommes.

II. La description de l’oiseau à terre

Strophe 2
La description de l’albatros change complètement une fois qu’il est déposé au sol. Il passe de
majestueuse créature volante à ridicule oiseau au sol. Les strophes 2 et 3 racontent son calvaire,
maltraité par les marins qui représentent la société.

Au niveau des sonorités, on remarque que l’assonance en -an est remplacée par une allitération en -p
dès le vers 5 : “peine” ; “déposés” ; “planches”. Cette allitération laisse entendre la violence subite par
l’oiseau.

On note également l’allitération en -l au vers 7 et 8 : “l’azur” ; “maladroit” ; “laisse” ; “leurs” ; “ailes” ;


“blanche”. Cette dernière peut suggérer l’idée que les grandes ailes de l’albatros, atout dans le ciel sont
maintenant un handicap. Elles prennent trop de place et le gênent, comme le “l” dans ces vers.

La scène se déroule rapidement. Alors que la première strophe évoquait le vol lent de l’albatros, la
seconde strophe commence par la locution adverbiale « À peine » qui montre que l’oiseau n’a pas le
temps de s’adapter à son nouvel environnement.

Ce nouvel environnement est aussi bien le pont du bateau, désigné par la métonymie “les planches”
qu’une scène de théâtre, que peut suggérer cette métonymie. Ainsi, les marins s’apprêtent-ils à tourner
l’oiseau en ridicule pour se divertir autour de son triste spectacle.

Au vers suivant, l’antithèse entre le groupe nominal « rois de l’azur » et ses adjectifs « maladroits et
honteux » met en valeur la transformation et la dégradation de l’albatros.

Cette dégradation est également suggérée par l’arrivée, vers 7 et 8 de l’assonance en -eu
“piteusement” ; “leurs” ; “grandes” ; “ailes” ; “d’eux”. Cette sonorité, beaucoup moins gracieuse que
l’assonance en -an de la première phrase évoque le ridicule de l’oiseau.

Notons également la comparaison “comme des avirons” qui désigne les ailes de l’albatros. L’image est
étrange, car pour les humains, les avirons permettent d’avancer, alors que les ailes de l’oiseau ne sont
qu’un handicap une fois posé au sol.

Strophe 3

Dans la troisième strophe, le rythme se saccade, les phrases se raccourcissent. On voit que l’albatros a
perdu toute la grâce de son mouvement aérien et se retrouve à trébucher au sol. Cette strophe, évoque,
par des jeux de mots et de rythme, la moquerie de l’oiseau.

L’antithèse entre le groupe nominal “voyageur ailé” et ses adjectifs “gauche et veule” confirme la
maladresse de l’albatros posé au sol.

Le poète laisse entendre sa plainte par les 3 phrases exclamatives de cette strophe. On peut sentir qu’il
plaint l’oiseau, mais ne peut lui venir en aide. Par ailleurs, on remarque que l’oiseau, par les noms qui le
désignent et les adjectifs qui le qualifient, est progressivement personnifié et se rapproche du poète :
“voyageur” ; “gauche” ; “comique” ; “infirme”

On entend également dans les mots choisis, par des jeux d’homophonie, les mauvaises plaisanteries des
marins ridiculisant l’oiseau : “ce voyageur ailé” peut s’entendre “ce voyageur est laid”. On trouve
d’ailleurs un écho au vers 10 (“comique et laid”).
Les verbes d’action au présent de l’indicatif montrent les hommes torturant et se moquant de l’albatros.
Le lecteur peut avoir pitié du pauvre oiseau avec lequel jouent des marins “pour s’amuser”.

Enfin, l’oxymore finale de la troisième strophe « l’infirme qui volait » désigne l’albatros entre liberté́ et
soumission. On retrouve dans le poème les champs lexicaux de la domination et du déclassement qui
corroborent cette opposition : « vastes oiseaux » v. 2, « rois de l’azur» v. 6, «grandes ailes» v. 7, «prince
des nuées» v. 13, «se rit de» v. 14, «ailes de géant» v. 16 / « déposés » v. 5, « maladroit et honteux »,
v.6, « piteusement » v. 7, « traîner » v. 8, « gauche et veule » v. 9, « boitant » v. 12, « exilé » v. 15

III. La comparaison du poète et de l’albatros

Strophe 4

La dernière strophe donne au lecteur la clé du poème : l’albatros est une allégorie du poète et de sa
condition d’artiste. Dans la société, il n’est qu’un homme dont on se moque, mais dans son univers de
création poétique, il est supérieur et libre.

La comparaison du vers 13 exprime clairement le rapprochement entre le poète et l’albatros. On voit


que l’oiseau est désigné par la périphrase élogieuse “prince des nuées”, ce qui permet d’une part de le
personnifier, et d’autre part d’insister sur sa grandeur, et donc sur celle du poète.

On remarque par ailleurs que le nom “Poète” porte une majuscule, ce qui le rapproche d’une figure
divine. Il apparait donc que le poète porte en lui la même opposition que l’albatros. Il est un être
supérieur, mais incapable de vivre parmi les hommes qui le tournent en ridicule et le font souffrir.

Ainsi, comme l’albatros, le poète est insensible aux attaques violentes qu’il reçoit : il “se rit de l’archer”
et “hante la tempête”. Il est en fait intouchable dans son monde de poésie. L’utilisation du verbe hanter
est intéressante car elle peut suggérer que le poète, comme un fantôme, est forcé de vivre parmi les
hommes, mais n’est que traversé par leurs attaques.

Enfin, le poète est voué à la solitude, comme l’indique l’adjectif “exilé” (v.14) Il est un incompris, il ne
reçoit que des “huées”. La fin du poème voit la fusion du poète et de l’albatros s’achever. Le poète est
finalement désigné comme l’albatros, car on ne sait plus à qui s’applique le déterminant possessif “ses
ailes de géant”.

Aussi, les ailes peuvent-elles désigner métaphoriquement le pouvoir poétique du poète, qui est un don,
mais une malédiction parmi les hommes, car il le condamne à la solitude. En effet, le poète ne pourra
jamais se comporter comme les autres hommes. C’est le sens qu’il faut donner au dernier vers : “ses
ailes de géants l’empêchent de marcher.”

Certes, le poète peut bien plus que “marcher”, c’est à dire se fondre dans la masse. Son pouvoir lui
permet de s’élever au-dessus des hommes. Mais Baudelaire nous rappelle ici que toute médaille
possède un revers. L’utilisation du verbe négatif “l’empêchent” exprime cette impossibilité finale de
vivre parmi les autres hommes.

Conclusion :

1. Rappel du développement
Ce poème, en évoquant d’abord la majesté d’un albatros capturé par des marins, puis sa déchéance une
fois posé au sol, opère finalement une comparaison entre le sort de l’oiseau et celui du poète.

2. Réponse à la problématique

En s’appuyant sur l’allégorie de l’albatros, Baudelaire évoque en réalité sa condition de poète, âme
divine ayant chuté sur terre. Il affirme sa dualité, celle d’être un homme maltraité par ses pairs, mais
également un individu supérieur capable de s’élever au-dessus de ces bassesses par la poésie.

3. Ouverture

Ce poème, par l’oiseau qu’il met en scène et la réflexion sur la figure du poète, peut évoquer le poème
“La nuit de mai” d’Alfred de Musset, où un pélican, image du poète, offre son coeur pour nourrir ses
petits. Cependant, c’est surtout du thème de l’alchimie poétique qu’il faut rapprocher le poème
“L’albatros”. En effet, le lecteur lit bien ici une transformation, la sublimation d’un être maladroit et
inadapté en un être supérieur, par la parole poétique.
Textes ou passages travaillés dans l’œuvre intégrale :

Préambule (de “Les mères, les filles, les sœurs” à “les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.”)

Présentation de l’auteur et de l'œuvre :

Olympe de Gouges, née Marie Gouze en 1748, est une femme de lettres et militante politique féministe
majeure du XVIIIe siècle. D’abord mariée à un homme qu’elle n’aime pas et qui lui donne un fils, elle fuit
à Paris vers 1770. C’est là qu’elle commence une nouvelle vie libre (elle fréquente des hommes, mais ne
se remarie jamais) marquée par son fort engagement politique. Elle meurt guillotinée sous la Terreur, à
cause de son opposition à Robespierre et de sa prise de position contre l’exécution du roi Louis XVI.

Elle Lutte contre l’esclavage, pour les droits des femmes, pour une réforme du mariage, pour les droits
des enfants illégitimes, pour une révolution non-violente et contre la peine de mort. Cet engagement
politique diversifié nous permet de la rattacher au mouvement littéraire des lumières. Pourtant, malgré
une érudition indéniable, on dit qu’elle ne savait pas écrire et dictait ses textes, ce qui peut expliquer la
dimension orale, rhétorique et discursive de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

Rédigée en 1791, en réponse à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, longtemps oubliée,
et republiée dans son intégralité en 1986, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est un
texte pionnier du féminisme français. Plus qu’un simple essai, il s’agit d’un projet de loi abordant
différents thèmes, comme l’égalité homme-femme, mais également l’institution du mariage et le droit
des enfants illégitimes, ou encore la religion.

Présentation du passage :

Situé après l’adresse à la reine et l’apostrophe aux hommes, le préambule est un petit texte permettant
d’introduire les 17 articles de la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Olympe de
Gouges y présente sa thèse principale, ainsi que des arguments forts pour l’égalité politique des
hommes et des femmes.

Problématique :

Comment ce préambule permet-il à Olympe de Gouges d’introduire les articles de sa Déclaration et


d’insister sur leur nécessité ?

Plan :

Pour mener cette analyse linéaire du préambule de la Déclaration de la femme et de la citoyenne, nous
suivrons les mouvements du texte. D’abord la thèse du texte du début du passage à “Assemblée
nationale.” Ensuite, les arguments de l’auteur de de “Considérant” à “bonheur de tous.” Enfin,
l’introduction des articles de la déclaration de “En conséquence” à la fin de du passage.

I. La thèse du texte

D’emblée, le préambule de la DDFC (déclaration des droits de la femme et de la citoyenne) mentionne


l’ensemble des femmes par une énumération tripartite l.1 « Les mères, les filles, les sœurs » à laquelle
ODG (Olympe de Gouges) adjoint l’apposition « représentantes de la nation ». Elle montre ici clairement
sa volonté de représenter chaque femme, et de parler en leur nom à toutes. Enfin, l’utilisation d’une
énumération en 3 temps montre qu’il s’agit bien d’un texte rhétorique, où le discours cherche à
marquer les esprits.

Il est intéressant de noter ici que la femme est représentée par rapport à l’homme, et au sein de la
famille, par les noms « mères, filles, sœurs ». Ainsi, Olympe de Gouges vise l’unité et ne rejette pas
l’homme. Elle tend à intégrer la femme dans la société politique plutôt que d’en exclure l’homme.

C’est par le terme de « nation » (l.1) que le texte passe de la sphère familiale à la sphère politique,
passage souhaité pour les femmes par Olympe de Gouges.

C’est ensuite par un verbe conjugué au présent « demandent » (l.2) qu’Olympe de Gouges va formuler
sa thèse : les femmes doivent avoir une place égale aux hommes en politique. L’utilisation du présent
souligne l’urgence d’action.

Enfin, cette demande de constituer les femmes en “Assemblée nationale” (l.2) reprend la constitution de
l’assemblée nationale après l’échec des états généraux de 1789. On voit donc bien qu’elle souhaite
s’inscrire dans le mouvement révolutionnaire pour l’étendre aux femmes, qu’il a ignoré.

II. Les arguments de l’auteur

Dans le deuxième paragraphe, Olympe de Gouges cherche à convaincre, par des arguments clairement
exposés, de la nécessité d’intégrer les femmes en politique. Pour cela, elle utilise de nombreux
connecteurs logiques qui renforcent le sérieux et la solidité de son discours : « considérant que » (l.3) ; «
afin que » (l.5,7,9).

Elle réutilise la construction tripartite, cette fois sous la forme d’une gradation : « l’ignorance, l’oubli ou
le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des
gouvernements » (l.3) pour affirmer que la société paye cher le fait de nier à la femme ses droits
naturels. En effet, en ne connaissant pas, en oubliant, ou pire en refusant volontairement (gradation) les
droits des femmes, les sociétés nuisent à leur fonctionnement.

C’est face à ce constat qu’ODG propose d’introduire son texte de loi : « ont résolu d’exposer une
déclaration solennelle » (l.4).

Elle exprime, sous la forme d’une énumération tripartite d’adjectifs épithètes « les droits naturels,
inaliénables et sacrés de la femme » (l.5) l’idée que l’égalité entre l’homme et la femme est naturelle et
voulue par Dieu. Ainsi, elle pose le fait que le refus de ces droits va à l’encontre des lois naturelles et
divines. Ici, l’utilisation d’une énumération en 3 temps est intéressante, puisqu’elle peut rappeler le
rythme ternaire de la sainte trinité (le père, le fils et le saint esprit), et donc donner une dimension
divine au propos.

La déclaration d’ODG a pour but de « constamment » (l.6) rappeler l’importance de l’égalité de droits
des hommes et des femmes. L’adverbe complément circonstanciel de temps « constamment », repris
par les CCT « sans cesse » (l.6) et « à chaque instant » (l.8) souligne la nécessité d’un combat de tous les
instants pour inscrire cette égalité dans les habitudes d’une société.

L’utilisation de la métaphore médicale des « membres du corps social » (l.6) est également intéressante
puisqu’elle souligne l’absurdité pour un corps d’opprimer l’un de ses membres. Aussi, la nation doit-elle
travailler de concert pour se mouvoir et avancer correctement.
Cette égalité apparait dans les paroles d’ODG sous la forme d’un parallélisme : « les actes du pouvoir des
femmes, et ceux du pouvoir des hommes » (l.7) qui permet de les placer sur un pied d’égalité jusque
dans la structure du texte.

Enfin, ODG finit par affirmer que les « réclamations des citoyennes » (l.9) seront toujours dirigées vers le
« maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous » (l.10). On constate, avec
cette nouvelle énumération tripartite, qu’ODG veut rassurer les hommes. Les femmes ne cherchent pas
à prendre le pouvoir pour leur intérêt propre, mais dans l’intérêt commun, celui d’abord de la
constitution, puis du bonheur général.

On peut parler d’une hyperbole pour ce dernier objectif, car « le bonheur de tous » se rapprocherait
d’un paradis sur terre.

III. L’introduction des articles de la déclaration

Cette dernière partie est de nouveau introduite par un connecteur logique : « En conséquence » (l. 12)
qui permet de souligner le fait que l’auteur s’appuie sur les arguments précédemment cités pour
proposer ses articles. Son discours est construit avec méthode.

La périphrase suivante « le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrance maternelle
» est intéressante puisqu’elle prend le contrepied de l’idée dominante de l’époque, celle que les
hommes sont supérieurs à la femme. Ce qui peut davantage surprendre un lecteur contemporain, c’est
que les caractéristiques qui permettent à ODG de placer la femme au-dessus de l’homme sont la beauté
et la maternité. Cela montre bien qu’elle est encore marquée par l’image réductrice de la femme de son
époque (belle, et qui fait des enfants).

Cette périphrase est utilisée comme sujet des verbes « reconnaît et déclare » (l.13) pour donner la
parole à toutes les femmes. Ici, ODG s’efface, ce n’est plus elle qui parle, mais l’ensemble du sexe
féminin, soit toutes les femmes de la société dont elle n’est plus que le porte-voix.

L’introduction des articles de la déclaration se fait « sous les auspices de l’Être suprême » (l.13). C’est
donc dans le respect, et avec le soutien de Dieu qu’elle veut donner à la femme une place égalitaire avec
l’homme. En mentionnant Dieu dans cette dernière phrase, elle gomme son image subversive, et inscrit
sa démarche dans le respect des bonnes mœurs.

On peut finir en remarquant que certains noms communs prennent une majuscule dans le texte d’ODG
pour souligner leur importance à ses yeux. « Être » qui désigne Dieu, mais également « Droits » ; «
Femme » ; « Citoyenne » et plus tôt dans le texte « Assemblée » et « Constitution ».

Ainsi, ODG montre bien dans l’ensemble de ce préambule que sa déclaration œuvre avant tout pour la
révolution, pour une société saine, qu’elle place la politique et le divin avant l’intérêt personnel des
femmes.

Conclusion :

1. Rappel du développement

Ce passage condense le propos du reste du texte. Olympe de Gouges y formule clairement sa thèse : les
femmes doivent accéder au pouvoir politique comme les hommes. Elle donne ensuite plusieurs
arguments, notamment l’idée que l’inégalité des sexes est contre-nature, et responsable de tous les
troubles de la société. Enfin, elle porte la voix de chaque femme pour présenter les articles de lois
qu’elle propose.

2. Réponse à la problématique

Ce texte est d’une impressionnante efficacité polémique. En peu de mots, et avec une oralité toujours
maîtrisée, Olympe de Gouge parvient à convaincre de la nécessité de son projet de loi. D’abord en
dressant le constat d’une société malade, puis en offrant des solutions concrètes. Elle parvient toujours
à rester éloquente tout en se défendant d’une image trop subversive qui lui nuirait.

3. Ouverture

Ce texte marquant ouvre la voie à de nombreux essais, pamphlets ou discours politiques marquants
portés par des femmes. On peut penser par exemple au discours de Simone Veil pour la dépénalisation
de l’IVG, ou plus récemment à celui de Christiane Taubira en faveur du mariage pour tous.
De l’article 1 à l’article 6

Introduction :

Olympe de Gouges (1748-1793) est une femme de lettres progressiste qui a milité pour la condition de
la femme et l’abolition de l’esclavage.

Elle dénonce par exemple l’oppression subie par les esclaves d’Afrique dans L’heureux naufrage (1784),
ce qui lui valut à la fois le succès et le scandale.

À la faveur de la Révolution, elle s’oriente vers une carrière politique afin de défendre l’égalité entre les
femmes et les hommes.

Olympe de Gouges considère en effet que les femmes n’ont pas suffisamment récolté les fruits de la
Révolution à laquelle elles ont contribué.

Son féminisme combattif et sa réécriture de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
font d’elle une des figures précurseurs du féminisme moderne.

Elle meurt guillotinée en 1793 pour un manifeste dans lequel elle dénonçait les crimes de la Terreur.

Nous allons étudier ici les six premiers articles de la Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne (1791), l’œuvre la plus connue d’Olympe de Gouges.

L’écrivaine réécrit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pour souligner que les
femmes en ont été écartées.

Problématique :

En quoi cette réécriture féministe de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen promeut-elle
l’égalité entre les hommes et les femmes ?

Plan :

Dans les deux premiers articles, Olympe de Gouges affirme que la liberté et l’égalité entre les femmes et
les hommes sont inscrites dans la nature.

Puis, dans une deuxième partie, correspondant au troisième article, l’homme et la femme sont
considérés comme le fondement de la nation égalitaire.

Enfin, dans une troisième partie, des articles quatre à six, cette constitution promeut la justice et la
liberté pour les deux sexes.

I – La liberté et l’égalité sont inscrites dans la nature (Articles 1 et 2)

Le premier article stipule d’emblée que «La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits.»

Le présent de l’indicatif a ici une valeur de vérité générale : il énonce des principes d’égalité et de liberté
qui se veulent permanents et incontestables. Le présent de l’indicatif désigne également des
changements que l’auteure veut voir apparaître dans l’immédiat.

Pour Olympe de Gouges, la liberté et l’égalité entre la femme et l’homme sont des principes naturels
puisqu’ils sont présents dès la naissance.
Cette notion est très importante car Olympe de Gouges fonde sa Constitution sur la nature. Selon elle,
l’égalité entre les sexes est naturelle mais a été pervertie par les lois humaines. Elle souhaite donc que
les lois reconnaissent et protègent l’égalité naturelle entre les sexes.

On remarque les noms singuliers introduits par des articles définis à valeur générale : « La femme », «
l’homme ». Ce texte de loi a une visée universaliste.

La réécriture du célèbre article premier de la DDHC de 1789 est également ironique.

Dans la DDHC de 1789, l’article premier stipule que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux
en droits », les hommes représentant le genre humain.

Olympe de Gouges détourne cet article pour en faire un combat féministe où la femme lutte pour
obtenir les mêmes droits que les hommes.

Olympe de Gouges réduit ainsi le substantif « homme » de la DDHC de 1789 au genre masculin. Quant à
la femme, elle devient sujet de la phrase : « La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. »

Olympe de Gouges reprend néanmoins à l’identique la suite de l’article 1, qui reconnaît les distinctions
sociales : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »

Une société peut donc demeurer égalitaire malgré l’existence d’inégalités sociales, tant que les
personnes les plus favorisées concourent au bon fonctionnement de la société (« l’utilité commune » ).

Cet article initial est donc une réécriture quasi-littérale de l’article premier de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789.

Mais Olympe de Gouges y donne une place à la femme. Sa réécriture est audacieuse car l’auteure
montre que le substantif « homme » dans la DDHC de 1789, censé désigner le genre humain dans son
ensemble, participe en réalité d’une invisibilisation des femmes.

Le deuxième article réécrit également l’article 2 de la DDHC de 1789, auquel il ajoute la mention de la
femme.

En mentionnant la femme avant l’homme (« de la femme et de l’homme« ), l’auteure témoigne du


combat des femmes pour être reconnues.

Olympe de Gouges pose comme fondement de la société la défense « des droits naturels et
imprescriptibles de la femme et de l’homme ». Les deux adjectifs (« naturels et imprescriptibles » )
insistent sur le caractère naturel de ces droits : la constitution ne fait en réalité que mettre par écrit des
principes de la nature.

Les droits fondamentaux en question « sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à
l’oppression. »

Dans l’article 2 de la DDHC de 1789, « la résistance à l’oppression » légitime le soulèvement populaire


contre la monarchie.

Mais la réécriture de cet article par Olympe de Gouges suggère que l’oppression peut également venir
des révolutionnaires eux-mêmes.
En accordant aux femmes un droit de résistance à l’oppression, Olympe de Gouges légitime le combat
des femmes pour l’égalité entre les sexes.

II – L’homme et la femme sont au fondement de la nation égalitaire (Article 3)

L’article 3 porte sur la notion de nation : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement en la
nation ».

Il s’agit d’une reprise littérale de l’article 3 de la DDHC de 1789. Le pouvoir n’appartient plus à un
souverain, mais à l’ensemble des individus, considérés comme une Nation.

La souveraineté est ainsi détenue par la communauté entière, et non plus par des groupes (« nul corps
») ou des personnes (« nul individu ») défendant leurs intérêts contre ceux des autres.

Mais Olympe de Gouges prolonge l’article 3 de la DDHC de 1789 par une proposition subordonnée
relative qui précise la définition de la nation : « la nation, qui n’est que la réunion de la femme et de
l’homme ».

La militante rappelle ainsi que les femmes ne doivent pas être écartées de la nation. La conjonction de
coordination « et », qui supprime toute hiérarchisation, exprime cette égalité entre les sexes.

La négation restrictive « ne…que » exclut toute définition de la Nation qui n’inclurait pas les femmes.

III – La justice et la liberté pour les deux sexes (Articles 4 à 6)

À mesure que les articles s’enchaînent, le tableau de la société idéale d’Olympe de Gouges se précise.

Ainsi, l’article 4 définit «La liberté et la justice», qui «consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui;
ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme
lui oppose».

Il s’agit d’une réécriture ironique de l’article 4 de la DDHC de 1789 qui énonce que « La liberté consiste à
pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a
de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. »
Dans la DDHC de 1789, la liberté des uns s’achève là où commence celle des autres.

Olympe de Gouges réécrit cet article avec une ironie grinçante puisqu’elle énonce que la liberté de la
femme est bornée par la tyrannie des hommes.

Ainsi, au principe de réciprocité de la DDHC (chaque Homme jouit d’une liberté qui ne nuit pas à autrui)
elle décrit une inégalité de fait : la liberté des femmes est bornée par celle des hommes.

Ce texte est contestataire car il souligne que la tyrannie n’est pas représentée par un régime politique, à
savoir la monarchie absolue. La tyrannie est représentée ici par un genre : celui des hommes, qui
opprime les femmes.

L’hyperbole «tyrannie perpétuelle» assimile même cette oppression à un règne immémorial (=très long).

Pour Olympe de Gouges, la Constitution doit rendre à la femme sa liberté naturelle (« rendre tout ce qui
appartient à autrui » ).
Cette définition suggère encore une fois que la liberté de la femme est naturelle. La Constitution ne
ferait que restaurer une égalité naturelle corrompue par la société.

Olympe de Gouges se fonde d’ailleurs sur deux arguments d’autorité : elle s’appuie en effet sur « les lois
de la nature » et celles de la « raison« , censées être incontestables .

Olympe de Gouges s’inspire de l’observation des espèces menées par les scientifiques où elle a constaté
que dans la nature les relations entre mâles et femelles sont fondées sur la réciprocité.

Quant aux «lois […] de la raison», elles désignent les principes philosophiques des Lumières dont la
Révolution se veut la mise en acte.

L’article 5 s’enchaîne de manière fluide grâce à l’épanadiplose (=reprise en début de phrase de la fin de
la phrase précédente) en « Les lois de la nature et de la raison ».

La reprise de cette expression légitime la démarche d’Olympe de Gouges qui entend simplement faire
respecter les lois de la nature et de la raison.

L’article 5 précise les limitations du droit à la liberté : il s’agit des lois qui « défendent toutes actions
nuisibles à la société ».

Le substantif « femmes » n’apparaît pas dans cet article 5, Olympe de Gouges voulant montrer que cette
constitution ne défend pas seulement les femmes, mais tout un chacun.

L’intérêt des femmes n’est en effet pas une cause opposée aux principes révolutionnaires : pour Olympe
de Gouges, la défense des femmes s’inscrit pleinement dans le processus révolutionnaire censé instituer
une société égalitaire.

Les lois sont d’ailleurs « sages et divines ». Ces adjectifs élogieux qui ne figurent pas dans la DDHC de
1789 montrent que la sacralité du pouvoir ne réside plus en la personne du roi, mais dans les lois qui
retranscrivent celles de la nature et de la raison.

Si ces lois interdisent les comportements nuisibles, elles offrent également une grande liberté : « nul
peut être contraint à faire ce qu’elles n’ordonnent pas. » Les lois représentent donc la condition de la
liberté, et pas seulement une liste d’interdits.

Mais pour que ces lois soient «sages et divines», il y a une condition énoncée dans l’article 6 : «La loi
doit être l’expression de la volonté générale.»

Olympe de Gouges réécrit subtilement l’article 6 de la DDHC de 1789 en modifiant le groupe verbal « La
loi est » par « La loi doit être ».

L’auteure affirme ainsi que la constitution de 1789 se contredit et doit être réformée. Elle n’est pas
encore l’émanation de la volonté générale puisqu’elle exclut les femmes.

Olympe de Gouges modifie également la suite de l’article en ajoutant la présence des femmes au sein de
la nation «toutes les citoyennes et tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par
leurs représentants, à sa formation.»
En antéposant le nom féminin, elle exprime une prise de pouvoirs des femmes sur les hommes. Il s’agit
aussi d’un changement de philosophie car Olympe de Gouges remplace l’homme, catégorie abstraite
dans la DDHC de 1789, par le particulier, caractérisé par l’appartenance sexuelle.

Cet article jette les fondements de la démocratie représentative où chacun s’exprime.

Comme dans la DDHC de 1789, la loi est désignée comme en « formation », c’est-à-dire qu’elle est le
fruit du débat, qu’elle peut évoluer, qu’elle n’est pas figée, d’où l’espoir d’Olympe de Gouges de
modifier les lois en faveur des femmes.

Les modifications opérées par Olympe de Gouges sur la Déclaration de 1789 consistent également en
suppressions : le fait que la loi protège et punisse ne figure plus dans cette déclaration, comme pour ne
pas insister sur ce que les lois ont de contraignantes.

Elle conserve en revanche le principe fondamental d’égalité devant la loi, « toutes les citoyennes et tous
les citoyens, étant égaux à ses yeux ».

De nouveau la présence de « citoyennes » est un ajout contestataire.

La suite de cet article affirme le droit pour les femmes et les hommes d’être « admissibles à toutes
dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autre distinction que celle de leurs
vertus et de leurs talents. » Olympe de Gouges expose une conception distributive de la justice qui doit
répartir les places et dignités en fonction du mérite de chacun.

Elle exprime également sa légitimité, en tant que femme, à publier et à débattre sur le champ politique.

Mais elle affirme bien sûr ce même droit pour toutes les femmes. Cette nouvelle société se veut donc
fondée sur le mérite, et non plus sur la naissance ou le sexe.

Elle milite pour que la mobilité sociale (=fait de changer de classe sociale) soit possible aussi bien pour
les femmes que pour les hommes.

Conclusion :

Nous avons montré en quoi cette réécriture féministe de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen promeut l’égalité entre les hommes et les femmes.
Olympe de Gouges procède à des modifications subtiles, souvent de l’ordre du détail, mais qui
contestent fortement les prétentions égalitaristes de la Déclaration des droits de l’Homme et de Citoyen
de 1789.
L’écrivaine n’a de cesse de reprocher à la Constitution d’avoir occulté les femmes, qu’elle place au cœur
de cette réécriture.
Ce faisant, les principes révolutionnaires sont d’autant mieux mis en œuvre, car ils ne se limitent à
aucun individu.
Il se dégage de ces articles l’enthousiasme d’une révolutionnaire qui maîtrise les subtilités du langage
juridique, et aspire à prolonger la Révolution.
Le postambule s’adresse aux femmes pour leur insuffler l’énergie et l’enthousiasme de défendre cette
nouvelle constitution qui va dans leur intérêt.
Postambule (de “Femme, réveille-toi” à “vous n’avez qu’à le vouloir.”)

Présentation de l’auteur et de l'œuvre :

Olympe de Gouges, née Marie Gouze en 1748, est une femme de lettres et militante politique féministe
majeure du XVIIIe siècle. D’abord mariée à un homme qu’elle n’aime pas et qui lui donne un fils, elle fuit
à Paris vers 1770. C’est là qu’elle commence une nouvelle vie libre (elle fréquente des hommes, mais ne
se remarie jamais) marquée par son fort engagement politique. Elle meurt guillotinée sous la Terreur, à
cause de son opposition à Robespierre et de sa prise de position contre l’exécution du roi Louis XVI.

Elle lutte contre l’esclavage, pour les droits des femmes, pour une réforme du mariage, pour les droits
des enfants illégitimes, pour une révolution non-violente et contre la peine de mort. Cet engagement
politique diversifié permet de la rattacher au mouvement littéraire des Lumières. Pourtant, malgré une
érudition indéniable, on dit qu’elle ne savait pas écrire et dictait ses textes, ce qui peut expliquer la
dimension orale, rhétorique et discursive de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

Rédigée en 1791, en réponse à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, longtemps oubliée,
et republiée dans son intégralité en 1986, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est un
texte pionnier du féminisme français. Plus qu’un simple essai, il s’agit d’un projet de loi abordant
différents thèmes, comme l’égalité homme-femme, mais également l’institution du mariage et le droit
des enfants illégitimes, ou encore la religion.

Présentation du passage :

Situé après les articles de la Déclaration, le postambule est une véritable composition d’Olympe de
Gouges. Elle y lance un appel aux femmes pour qu’elles la rejoignent dans sa lutte pour l’égalité. Elle y
développe ensuite plusieurs thèmes, comme ceux de l’esclavage et du mariage.

Problématique :

Comment ce postambule cherche-t-il à mobiliser les femmes dans la lutte pour l’égalité ?

Plan :

Pour mener cette analyse linéaire du postambule de la Déclaration de la femme et de la citoyenne, nous
suivrons les mouvements du texte. D’abord l’appel aux femmes du début du passage à “femmes, quand
cesserez-vous d’être aveugles ?” Ensuite, la prise de conscience de “Quels sont les avantages” à “tout,
auriez-vous à répondre.” Enfin, l’exhortation à agir de “S’ils s’obstinaient” à la fin de du passage.

I. L’appel aux femmes

Le postambule commence, comme un discours, avec un exorde adressé à toutes les femmes de façon
assez familière. L’utilisation de l’impératif présent et du tutoiement « réveille-toi » permet à ODG de se
rapprocher des femmes à qui elle s’adresse.

On note également la métaphore du sommeil (verbe réveiller) qui reproche d’emblée aux femmes leur
inaction : elles doivent prendre conscience (éveil) de leur condition pour lutter.

Ensuite, ODG évoque « le tocsin de la raison » qui représente métaphoriquement la Révolution. S’il « se
fait entendre dans tout l’univers » (hyperbole), il devrait pouvoir réveiller les femmes. ODG réemploie
donc l’impératif présent : « reconnais tes droits » pour inciter les femmes à se battre.
Cette première phrase est marquée par la parataxe (suppression des mots coordonnants dans une
phrase complexe) qui traduit l’urgence d’action.

ODG s’attache dès la seconde phrase à faire sentir aux femmes comme la situation est propice à un
changement de leur condition : elle fait l’énumération en gradation des caractéristiques négatives de
l’ancien régime, supprimées par la Révolution « Le puissant empire de la nature n’est plus environné de
préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges ». On voit également que la Révolution a
rétabli un ordre plus naturel et sain.

Mais si la Révolution a permis de libérer « l’homme esclave », de « briser ses fers » (métaphore filée +
hyperbole), elle a oublié la femme. Le parallélisme « Devenu libre, il est devenu injuste » reproche
directement aux hommes d’avoir utilisé les femmes pendant la Révolution, sans les laisser ensuite
profiter des graines qu’elles ont semées.

Enfin, la dernière apostrophe exclamative « Ô femmes ! femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ?
» ne s’adresse non plus à la femme en général, mais à la multitude, en témoigne l’ajout du -s du pluriel.
On note ici la première d’une longue série de questions rhétoriques, procédé argumentatif visant à
pousser les femmes à réfléchir à leur condition. La métaphore de l’aveuglement, qui remplace le
sommeil, se trouve dans la lignée des Lumières qui voulaient éclairer les hommes en combattant
l’obscurantisme.

II. La prise de conscience

Dans la deuxième partie, ODG veut pousser les femmes à réfléchir à leur condition. Pour cela elle
emploie une série de questions rhétoriques, auxquelles elle répond directement. « Quels sont les
avantages que vous avez recueillis pendant la Révolution ? » La réponse prend la forme d’un
parallélisme qui accentue l’idée que la Révolution n’a pas amélioré la condition des femmes, mais a
empiré sa situation.

La Révolution est décrite comme une défaite pour les femmes. Elles avaient au moins un certain pouvoir
sur la faiblesse des hommes, en luttant pour leur émancipation, elles se sont condamnées à subir leurs «
injustices ». ODG insiste sur leur défaite avec la métaphore : « votre empire est détruit ».

ODG est convaincue que l’égalité H/F est une loi naturelle. Elle incite la femme à réclamer ses droits et
son patrimoine qui sont fondés sur « les sages décrets de la nature ». Il s’agit d’un argument d’autorité
qui s’appuie sur l’idée qu’à l’état naturel, les mâles et femelles sont égaux, et que la société a déréglé la
nature.

ODG rassure ensuite les femmes avec la question rhétorique « qu’auriez-vous à redouter pour une si
belle entreprise ? » Elle en profite pour dénoncer les deux systèmes au service de l’oppression de la
femme : la religion et la politique.

La périphrase « le législateur des noces de Cana » désigne le Christ, les noces de Cana, l’épisode des
Évangiles où il change l’eau en vin, et son « bon mot », une phrase qu’il adresse à sa mère : « Femme,
qu’avons-nous de commun en cette affaire ». ODG montre ici que la religion chrétienne justifie
l’oppression des femmes.

Par la suite, cette « morale » « longtemps accrochée aux branches » et « plus de saison » (métaphore
filée de la nature = la Révolution est un changement d’époque comme on change de saison) a été
reprise par les législateurs (hommes politiques) pour justifier le sort des femmes. On voit que la formule
du Christ est quasiment reprise : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? ». Sauf que cette
fois, ODG se permet une réponse : « tout ». Ce pronom marque un changement radical où les femmes
affirment leur parfaite égalité avec les hommes.

III. L’exhortation à l’action

Dans la dernière partie, ODG veut pousser les femmes à prendre leur destin en main. Pour cela elle les
guide de manière concrète.

D’abord, elle utilise une subordonnée circonstancielle de condition : « s’ils s’obstinaient, dans leur
faiblesse … » pour anticiper la réaction de l’homme et conseiller la femme sur la marche à suivre. Elle
renverse la situation où les hommes sont en position de force en affirmant qu’ils sont faibles en refusant
de donner ses droits à la femme.

On note qu’ODG reproche aux hommes de ne pas pleinement appliquer les principes révolutionnaires
en excluant la femme : « en contradiction avec leurs principes ».

ODG propose donc des solutions non plus théoriques, mais concrètes aux femmes. En témoigne
l’utilisation de l’impératif présent : « opposez courageusement la force de la raison aux vaines
prétentions de supériorité ». Elle dit exactement aux femmes ce qu’elles doivent faire. On note
l’antithèse « force de la raison / vaines prétentions de supériorité » qui souligne l’idée que le pouvoir
masculin n’est que prétention (donc pas réel) alors que les femmes disposent de la force de la vérité qui
finit toujours par triompher.

On remarque aussi dans ce dernier mouvement, la fréquence des verbes d’action : opposez / déployez /
réunissez qui souligne la nécessité d’agir et de prendre la lutte en main.

ODG emploie également un vocabulaire guerrier « les étendards de la philosophie », qui la rapproche du
mouvement des Lumières donc de la lutte contre l’obscurantisme, pour « éclairer » la population.

Avec « vous verrez » (futur), ODG promet des résultats pour motiver les femmes.

On voit qu’elle critique directement les hommes : « ces orgueilleux, nos serviles adorateurs » en
inversant les positions (de maître à esclave) avec l’adjectif “serviles”.

Enfin, on rappellera que même si ODG critique le système oppressif de l’institution catholique, elle ne
remet pas l’autorité de Dieu en question, comme le montre la périphrase « l’Être suprême ». Elle utilise
de nouveau cet argument d’autorité que l’on trouvait dans le préambule pour affirmer qu’elle lutte avec
l’aval de Dieu.

La dernière phrase de cet extrait se veut un ultime encouragement. En effet, elle ne donne plus
d’exemple précis, mais utilise la locution « quelles que soient ». La femme est maintenant prête à
affronter toutes les « barrières » (métaphore) qu’elle rencontrera, à condition de « le vouloir ». Cette
conclusion affirme que la femme ne peut rester passive, et doit prendre son destin en mains.

Conclusion :

1. Rappel du développement
Ce passage prend appui sur le reste du texte pour exhorter les femmes à réclamer ce qui leur est dû.
Olympe de Gouges tente d’éclairer les femmes et de les guider. Elle sait que son combat ne peut pas se
gagner seule. Elle donne ensuite plusieurs arguments, sous la forme de questions rhétoriques, pour
affirmer aux femmes que la Révolution n’a pas amélioré leur condition, et que le moment est favorable
pour continuer la lutte. Enfin, concrétise son propos et donne des instructions précises aux femmes : en
leur réitérant que seule leur volonté et leur action auront raison de l’obstination des hommes.

2. Réponse à la problématique

Ce texte est celui de la DDFC qui s’approche le plus d’un discours oral. ODG s’appuie sur un ensemble de
procédés oratoires pour s’adresser aux femmes comme à une assemblée et tenter de leur insuffler la
volonté de se battre pour leurs droits. Elle se veut encourageante, mais ferme, rappelant sans cesse que
l’inaction est inacceptable.

3. Ouverture

Ce texte marquant ouvre la voie à de nombreux essais, pamphlets ou discours politiques marquants
portés par des femmes. On peut penser par exemple au discours de Simone Veil pour la dépénalisation
de l’IVG, ou plus récemment à celui de Christiane Taubira en faveur du mariage pour tous.
(De “L’abbé de Châteauneuf la rencontra” à “oser suivre ce modèle.”) - Femmes, soyez soumises à vos
maris – Voltaire – 1768

Introduction :

Siècle des Lumières a vu naître le combat de nombreux écrivains-philosophes contre l’obscurantisme et


les injustices.

Voltaire, auteur notamment de contes philosophiques (Candide, Zadig), du Dictionnaire philosophique,


est l’un d’eux.

Dans son œuvre Mélanges, il dénonce la place laissée aux femmes dans la société et les inégalités
engendrées.

Le pamphlet « Femmes, soyez soumises à vos maris » est fondé sur un récit enlevé et polémique.

Juste avant l’extrait étudié, le narrateur rapporte une discussion qu’il a eue avec l’abbé de Châteauneuf
au sujet de Mme la maréchale de Grancey.

Voltaire dresse le portrait mélioratif d’une femme respectueuse, honnête, généreuse mais enfermée
pendant quarante ans dans un cercle restreint d’amis et de lectures mondaines.

Sa soif de lire a alors commencé par Racine, Montaigne et Plutarque, jusqu’à ce que Saint Paul la mette
hors d’elle.

Problématique :

En quoi ce texte constitue-t-il, pour Voltaire, un véritable plaidoyer pour la défense de la condition
féminine ?

Plan :

Dans un premier temps, nous analyserons les deux positions antagonistes de l’abbé et de la maréchale.

Dans un deuxième temps, nous analyserons le discours polémique de la maréchale de Grancey.

Puis, nous étudierons les arguments lui permettant de défendre la condition féminine.

Enfin, dans un quatrième temps, nous verrons que Voltaire va jusqu’à repenser l’éducation de la femme.

I – Deux positions antagonistes (De « L’abbé de Châteauneuf la rencontra » à « oui madame »)

Le narrateur rapporte la rencontre, puis la discussion entre l’abbé de Châteauneuf et la maréchale dont
l’attitude décrite par une hyperbole (« toute rouge de colère ») est inhabituelle et apporte une touche
comique et théâtrale au récit.

La maréchale explique son état par la découverte d’écrits dont Voltaire retarde savamment la
révélation. En effet, l’article indéfini « un livre qui traînait… » permet de ne pas nommer immédiatement
l’ouvrage.

La maréchale évoque d’ailleurs le livre en question avec désinvolture comme le suggère l’expression «
par hasard » et le verbe modalisateur « je crois ».
Puis elle rapporte la nature de ces écrits de façon nonchalante, avec l’emploi de l’adjectif indéfini «
quelque » qui met l’ouvrage à distance : « quelque recueil de lettres ».

En revanche, elle restitue précisément les propos qu’elle a lus : « Femmes, soyez soumises à vos maris ».

La succession des propositions juxtaposées très courtes souligne l’indignation grandissante de la


maréchale et la violence de son rejet, catégorique : « j’y ai vu ces paroles : femmes, soyez soumises à
vos maris; j’ai jeté le livre. »

L’abbé s’offusque d’un tel acte, comme le souligne la ponctuation expressive de sa réplique : «
Comment madame ! Savez-vous bien que ce sont les épîtres de Saint Paul ? »

La découverte de l’auteur de l’ouvrage, un apôtre, est comique car l’attitude de la maréchale ne laissait
pas présager un auteur d’une telle autorité.

La maréchale, libre d’esprit, assume son propos : « il ne m’importe de qui elles sont ».

Sa franchise est patente car elle ne cache pas son jugement ; elle va jusqu’à affirmer que « l’auteur est
très impoli ».

Aussitôt, elle compare la lettre lue aux échanges épistolaires qu’elle peut avoir avec son mari : les deux
auteurs sont aux antipodes à ses yeux.

Voltaire fait de la maréchale une femme simple mais forte, capable d’exprimer le fond de sa pensée,
même devant un homme d’église.

L’adverbe de négation « Jamais », mis en exergue en début de phrase, laisse transparaître un caractère
affirmé et déterminé : « Jamais Monsieur le maréchale ne m’a écrit dans ce style« .

Elle fait également preuve d’une certaine malice, en associant l’apôtre à des considérations terre-à-terre
: « je suis persuadée que votre Saint-Paul était très difficile à vivre ».

Par sa question fermée (« était-il marié ? »), elle cherche à comparer sa situation conjugale à la relation
que prône Saint Paul.

II – Le recours au registre polémique (De « Il fallait que sa femme fût » à « me dire encore : Obéissez ? »)

Voltaire met en évidence l’exaspération grandissante de la maréchale.

Elle prend d’abord la femme de Saint-Paul en pitié, comme l’indique la phrase : « il fallait que sa femme
fût une bien bonne créature ».

Puis elle compare la vie maritale de Saint-Paul avec la sienne, comme le souligne la proposition
subordonnée circonstancielle d’hypothèse : « Si j’avais été la femme d’un pareil homme…« .

L’expression « un pareil homme » souligne le mépris et la colère de la maréchale, qui met Saint-Paul à
distance.

Sa passion transparaît dans son vocabulaire familier : « je lui aurais fait voir du pays ».

Elle répète la phrase qui l’a marquée : « Soyez soumises à vos maris ! ». La répétition de cette injonction
à la forme exclamative souligne sa colère.
Afin de persuader son interlocuteur, elle imagine une phrase qui lui semble plus appropriée, comme en
témoigne l’énumération de qualités : « Soyez douces, complaisantes, attentives, économes ».

Mais elle récuse le choix du terme « soumises » qu’elle remet en cause dans une question : « et
pourquoi soumises, s’il vous plaît ? » .

L’exemple qu’elle convoque est audacieux, voire irrévérencieux, tant elle désacralise la condition de la
femme.

En effet, elle rappelle le vœu de fidélité qu’elle a prononcé en épousant M. de Gracey mais ajoute
aussitôt « je n’ai pas trop gardé ma parole, ni lui la sienne ».

Face à l’abbé de Châteauneuf, cet aveu d’adultère résonne avec force.

Mais ce n’est qu’une étape dans le raisonnement de la maréchale. Elle ajoute une nuance lexicale
importante : « ni lui ni moi ne promîmes d’obéir ».

La double négation (ni…ni) et les parallélismes dans ces deux phrases indiquent que la maréchale se
positionne dans une situation d’égalité et de réciprocité avec son mari.

La suite de sa réplique est structurée par des questions interronégatives, inaugurées par une question
fermée : « Sommes-nous donc des esclaves ? »

D’emblée, par le terme « esclave« , elle montre que cette injonction à la soumission féminine est contre-
nature.

Les interrogations suivantes visent à pousser l’interlocuteur, pour qui Saint Paul est un éminent disciple,
dans ses retranchements et à condamner fermement la soumission de la femme.

La suite de son raisonnement est à la fois empreint d’humour et révélateur de son ressenti.

La maréchale de Grancey rappelle en effet les sacrifices qu’une épouse fait lorsqu’elle est enceinte,
période désignée avec esprit par la périphrase « une maladie de neuf mois, qui quelquefois est
mortelle.«

Puis, elle rappelle les « très grandes douleurs » de l’enfantement, ainsi que la récurrence des
menstruations, désignées par la périphrase précieuse « des incommodités très désagréables pour une
femme de qualité » et par l’expression « douze maladies ».

Absurdité supplémentaire, la suppression de ces menstruations peut tuer la femme : « et que, pour
comble, la suppression d’une de ces douze maladies par an soit capable de me donner la mort » .

Grâce à ces propos à la fois virulents et empreints d’humour, Voltaire montre que la femme donne de sa
personne et fait preuve de courage tout au long de sa vie.

L’attitude des hommes est ainsi implicitement désignée comme ingrate et cruelle par l’expression « sans
qu’on vienne me dire encore : Obéissez ? »

III – La défense de la condition féminine (De « Certainement la nature » à « l’origine de leur supériorité
»)

Après cette rhétorique polémique, la maréchale reprend une argumentation directe plus calme.
Elle ne se révolte pas sans raison. En effet, elle affirme que la nature « nous a fait des organes différents
de ceux des hommes » et qu’il y a bien une complémentarité biologique (« en nous rendant nécessaires
les uns les autres » )

Mais admettre cette différence physiologique ne permet pas de conclure à la soumission de la femme à
l’homme. C’est ce dont témoigne la phrase : « elle [la nature] n’a pas prétendu que l’union formât un
esclavage ». La soumission dans laquelle les femmes sont tenues correspond donc à une situation
contre-nature.

Elle cite un célèbre vers de L’École des femmes de Molière (Acte III, scène 2), lancé par le barbon
Arnolphe à Agnès : « Du côté de la barbe est la toute-puissance ».

Voltaire, par l’intermédiaire de la maréchale, se moque du premier degré de l’attribut masculin : « Mais
voilà une plaisante raison pour que j’aie un maître ! »

Sous la plume de Voltaire, la maréchale ironise en effet comme le souligne l’antiphrase « plaisante
raison » .

Elle tourne en ridicule ce vers, par l’interjection « quoi ! » et la description triviale et péjorative du
physique masculin : « le menton couvert d’un vilain poil rude, qu’il est obligé de tondre de fort près ».

Sur un ton humoristique, elle montre l’absurdité qu’il y a d’instaurer une sujétion de la femme à
l’homme pour un motif aussi prosaïque.

Avec ironie, elle prétend accepter la supériorité physique des hommes, par un comparatif de supériorité
(plus forts que) : « je sais bien qu’en général les hommes ont les muscles plus forts que les nôtres».

Mais cette concession permet de mieux saper les fondements d’une telle opinion : « J’ai peur que ce ne
soit là l’origine de leur supériorité. » . Autrement dit, la supériorité masculine ne repose que sur la force
physique et n’est donc pas légitime.

IV – La nécessaire refondation de l’éducation féminine (De « Ils prétendent avoir aussi » à « oser suivre
ce modèle »)

La maréchale dénonce un autre lieu commun qui sert d’argument fallacieux pour justifier la soumission
de la femme : la « tête mieux organisée » des hommes leur permettrait d’accéder à des fonctions
politiques et d’êtres d’habiles gouverneurs.

Le choix des verbes introducteurs suggère d’emblée que ces arguments sont le fruit de l’orgueil masculin
: « Ils prétendent« , « Il se vantent » .

Puis, la force de caractère de la maréchale éclate dans l’usage du pronom de la première personne (je)
et le futur à valeur de certitude : « je leur montrerai des reines qui valent bien des rois ».

Elle convoque l’exemple de Catherine II à l’appui de sa démonstration, servant ainsi d’argument


d’autorité pour apporter du crédit à sa thèse.

Par le présent à valeur d’habitude, elle énumère les actions menées par la princesse allemande : son
réveil matinal, son objectif (« travailler à rendre ses sujets heureux »), sa capacité à gouverner (« dirige
toutes les affaires, répond à toutes les lettres »), son ouverture artistique.
L’amplitude de la phrase, avec trois propositions relatives successives, et la triple répétition du
déterminant « toutes » restituent la grandeur et le rayonnement des actions de la princesse : « qui
dirige toutes les affaires, répond à toutes les lettres, encourage tous les arts, et qui répand autant de
bienfaits qu’elle a de lumières » .

Avec la dernière proposition subordonnée « qui répand autant de bienfaits qu’elle a de lumières »,
Voltaire loue l’intelligence et la raison d’une princesse accomplie.

Le portrait mélioratif se conclut sur la phrase, « son courage égale ses connaissances », qui met en
valeur deux qualités traditionnellement attribuées aux hommes (le courage et le savoir).

En regard de ce portrait mélioratif, la maréchale dénonce l’attitude des hommes, en France, qui laissent
les femmes dans un couvent, élevées « par des imbéciles qui nous apprennent ce qu’il faut ignorer, et
qui nous laissent ignorer ce qu’il faut apprendre ».

La structure en chiasme (apprennent/ignorer/ignorer/apprendre) restitue l’enfermement intellectuel


dans lesquelles sont tenues les jeunes filles.

Le vocabulaire cru (« imbéciles » ) renforce l’indignation de la maréchale.

Son combat se situe donc sur l’éducation de la femme : elle s’érige contre ceux qui la maintiennent dans
l’obscurantisme.

Dans sa dernière réplique, la maréchale de Grancey se positionne non plus seulement en épouse, mais
se projette en femme de pouvoir, comme en témoigne la phrase : « Pour moi, si j’avais un État à
gouverner, je me sens capable d’oser suivre ce modèle ».

Le présent de l’indicatif (« je me sens capable » ) à la place du conditionnel attendu (je me sentirais


capable) suggère que les femmes sont prêtes à endosser un rôle politique immédiatement.

Conclusion :

Ce texte écrit au XVIIIè siècle est un véritable coup d’éclat.

Voltaire s’empare de la condition féminine. Il dénonce le fait qu’elle soit déterminée par l’éducation
religieuse, par le mariage et par des stéréotypes.

L’abbé, représentant de la tradition et du sexe masculin, prend peu la parole. Seule la maréchale
condamne avec virulence les propos de Saint Paul qui enjoignent à la soumission de la femme à son
mari.

Voltaire a recours à l’argumentation indirecte, aux registres polémique et ironique, au rythme soutenu,
au noble exemple d’une princesse afin de réduire à néant l’idée qu’une subordination de la femme à
l’homme soit possible.

Ce texte s’achèvera sur la victoire de la maréchale qui qualifiera Saint Paul d’hérétique.

Dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791, Olympe de Gouges défendra
également la condition de la femme en soulignant que sa soumission à l’homme est contre-nature.
Textes ou passages travaillés dans l’œuvre intégrale :

L’avis de l’auteur (de “Quoique j’eusse pu faire” à “l’instruire en l’amusant.”)

Introduction :

Dès sa parution en 1731, Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut fut jugé immoral et
frappé par la censure.

Le roman de l’abbé Prévost (1697-1763) constitue le tome VII des Mémoires et aventures d’un homme
de qualité.

Le personnage fictif qui s’en dit l’auteur, M. de Renoncour, fait une pause après les six premiers tomes
des Mémoires pour raconter l’histoire particulière du chevalier Des Grieux.

Le texte en question est l’avis de l’auteur, c’est-à-dire un texte liminaire qui précède le récit lui-même.

Problématique :

En quoi cet avis liminaire permet-il de construire la figure de l’auteur et attiser la curiosité du lecteur ?

Plan :

Après avoir affirmé son identité (I), l’auteur dresse le portrait du personnage principal, M. Des Grieux
(III). Enfin, dans un troisième temps, il confère à son récit une dimension morale explicite (III).

I – L’affirmation de l’identité d’auteur (De «Avis de l’auteur» à «la première source de cette règle»)

D’emblée, le titre éclaire le lecteur sur la nature du récit: il s’agit d’un « avis de l’auteur », c’est à dire
d’un texte d’ouverture informatif.

Le terme auteur vient du latin auctor et signifie non seulement celui qui crée mais aussi celui qui se
porte garant.

Paradoxalement, c’est le personnage fictif, M. de Renoncour, qui se porte garant du récit, alors qu’il
s’agit de l’abbé Prévost.

Il assume d’accorder aux Aventures du Chevalier des Grieux une place de choix, pour deux raisons.

Tout d’abord, parce qu’il s’agit d’un thème nouveau et autonome, comme le suggère la proposition
circonstancielle de cause « n’ayant point un rapport nécessaire ».

Ensuite, parce qu’il s’agit d’ « un récit de cette longueur » qui mérite d’être mis en exergue. Il assume
donc son récit et l’édition séparée.

La figure qui se dessine est celle d’un auteur soucieux de son lectorat. Ainsi l’utilisation du verbe d’état
«il m’a semblé » et du conditionnel passé « aurait interrompu trop longtemps » montre les précautions
rhétoriques qu’il prend.

Son souci de ne pas digresser et de garder «le fil de ma propre histoire» témoigne d’une attention
portée aux lecteurs.
Dans ce pacte proposé aux lecteurs, l’auteur se présente en toute humilité («tout éloigné que je suis de
prétendre à la qualité d’écrivain exact »).

Par ailleurs, l’insertion latine des deux vers 43 et 44 de l’Art poétique d’Horace confère au récit à venir le
patronage d’un poète reconnu, une dignité littéraire certaine: «On dira tout de suite ce qui doit tout de
suite être dit; on réservera pour plus tard la plupart des détails».

Au-delà de l’autorité latine, l’auteur s’en remet aussitôt à un précepte au présent de vérité générale: «le
bon sens est la première source de cette règle.»

L’auteur s’affirme ainsi avec humilité comme un auteur non professionnel mais guidé par le bon sens.

II – Le portrait du chevalier Des Grieux (De «Si le public a trouvé quelque chose» à «tableau que je
présente»)

L’auteur rappelle qu’il s’agit d’une histoire dont il a été témoin. Le champ lexical du plaisir permet d’
imaginer que son récit a déjà trouvé des lecteurs attentifs : «quelque chose d’agréable et d’intéressant»;
« satisfait » .

La litote qui suit, «il ne sera pas moins satisfait de cette addition», laisse présager une suite qui attire
l’attention.

Le nom du personnage principal surgit : M. Des Grieux. Et la précision «un exemple terrible de la force
des passions» attise la curiosité du lecteur.

La construction de la phrase complexe développe le portrait de M. Des Grieux et promet déjà un


personnage complexe et un récit aux nombreuses intrications.

L’auteur donne une opinion tranchée sur le personnage. En effet, c’est « un jeune aveugle»: cette
métaphore va être explicitée par les nombreuses propositions subordonnées relatives successives.

Tout d’abord, des Grieux «refuse d’être heureux»: cette première indication souligne un caractère
contradictoire qui est illustré par l’expression «se précipiter volontairement dans les dernières
infortunes » .

Ce caractère contradictoire est amplifié par les antithèses qui suivent. Ainsi, aux qualités indéniables du
chevalier, désignées par l’expression « tous les avantages de la fortune et de la nature» et le superlatif
«le plus brillant mérite», l’auteur oppose le choix d’une «une vie obscure et vagabonde».

Ensuite, il «prévoit ses malheurs, sans vouloir les éviter». L’auteur reconnaît toutefois à Des Grieux une
capacité à identifier les malheurs, une sensibilité : « qui les sent et qui en est accablé».

Mais il lui reproche son aveuglément, mis en valeur par les deux négations lexicales : « sans vouloir les
éviter« , «sans profiter des remèdes qu’on lui offre sans cesse».

Enfin, ce deuxième mouvement s’achève sur le constat d’un homme pétri de contradictions, comme
l’indique la série d’antithèses: «un caractère ambigu, un mélange de vertus et de vices, un contraste
perpétuel de bons sentiments et d’actions mauvaises.» L’énumération en rythme ternaire de plus en
plus longue, restitue la complexité du personnage.
La phrase finale «Tel est le fond du tableau que je présente» fait écho, par l’emploi du lexique pictural, à
l’expression précédemment utilisée «J’ai à peindre».

Il s’agit d’un portrait à charge, dénué d’empathie qui propose au lecteur une vision partiale du récit
avant de commencer.

III – La portée morale du récit (De « Les personnes de bon sens » à « l’instruire en l’amusant »)

Après avoir esquissé le portrait peu flatteur de son personnage, l’auteur adopte à nouveau une posture
plus large.

L’usage du futur (« ne regarderont point », « on y trouvera ») semble assoir la certitude de l’auteur : son
récit est tout sauf « un travail inutile ».

En flattant les lecteurs avertis, « personnes de bon sens », qui sauront apprécier la portée morale de son
ouvrage, Renoncour critique déjà par anticipation les détracteurs futurs de son récit, auxquels ce bon
sens fait défaut.

Il confère d’emblée à son récit une double ambition : celle de plaire (« le plaisir d’une lecture agréable »)
et celle d’instruire (« l’instruction des mœurs »).

Cet extrait s’achève sur une affirmation essentielle : « c’est rendre, à mon avis, un service considérable
au public que de l’instruire en l’amusant ». Par ce récit, l’auteur se transforme en pédagogue, dans le
droit héritage de la devise classique de Molière : castigat ridendo mores (corriger les mœurs en riant).

Son œuvre sera donc fondatrice sur le plan de la peinture des sentiments et aura une portée morale.

Conclusion :

Cet avis de l’auteur est déterminant pour l’orientation du lecteur.

En effet, il permet à l’auteur d’asseoir son autorité : il est garant d’une histoire dont il a été témoin, il en
révèlera la vérité, sans fard et en toute humilité.

Avant même le début du récit, la curiosité du lecteur est attirée par le portrait du personnage principal
qui est dressé : le chevalier Des Grieux est un homme ambivalent, au destin tragique guidé par la
passion.

Au-delà du plaisir qu’il retirera de la lecture, le lecteur trouvera également une dimension morale : le
récit sera donc à la fois plaisant et édifiant.

Si la portée morale de l’œuvre est affichée par l’auteur, le scandale de ce roman sera pourtant immédiat
: Manon Lescaut fut censuré en France pour son immoralité.
La première rencontre (de “J’avais marqué le temps de mon départ d’Amiens.” à “qui a causé, dans la
suite, tous ses malheurs et les miens.”)

Introduction :

L’abbé Prévost a rédigé l’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut en 1731. Jugé
scandaleux, le roman est condamné en 1733 et 1735.

Manon Lescaut met en scène la passion naissante du chevalier des Grieux pour Manon Lescaut.

C’est pour l’abbé Prévost l’occasion de réaliser un traité de morale sur les dangers de la passion.

Néanmoins l’abbé Prévost est une personnalité complexe, dont la vie oscille entre vocation religieuse et
les plaisirs mondains. Cette scène de rencontre entre De Grieux et Manon Lescaut est marquée par cette
ambiguïté.

Situé dans la première partie du roman, le texte proposé constitue un topos de la rencontre amoureuse.

Problématique :

En quoi cette rencontre amoureuse pose-t-elle les jalons d’une passion funeste ?

Plan :

Dans un premier mouvement, de « J’avais marqué le temps » à « aussitôt » , le chevalier Des Grieux fait
le récit rétrospectif de sa rencontre avec Manon Lescaut.

Dans un deuxième mouvement, de « mais il en resta une » à « maîtresse de mon cœur » , il peint la
naissance du sentiment amoureux.

Dans un troisième mouvement, de « Quoiqu’elle fût encore mois âgée » à « tous ses malheurs et les
miens » , nous étudierons que cette rencontre déterminante scelle indéniablement le destin des
personnages.

I – Le récit d’un souvenir (De « j’avais marqué le temps » à « aussitôt »)

L’extrait en focalisation interne s’ouvre par un récit rétrospectif. Il permet ainsi d’entremêler le souvenir
lui-même et son récit distancié.

C’est ce que le lecteur constate dès les deux premières phrases grâce à l’usage du plus-que-parfait («
j’avais marqué le temps ») et à sa reprise grandiloquente (« que ne le marquais-je »).

Le chevalier Des Grieux ne cache aucune émotion quant au souvenir qu’il va relater. En effet, l’utilisation
de l’interjection « hélas », de la tournure exclamative introduite par « que » et du conditionnel passé («
j’aurais porté ») souligne d’emblée le regret.

L’expression « toute mon innocence » peut se comprendre de deux manières : par le jeune âge et par
l’absence de péché, alliance qui sous-tend tout le texte.

L’expression du regret se lit également dans la phase « je devais quitter cette ville ». Le destin du
personnage semble scellé dès le début.
Cette première partie définit un cadre spatio-temporel précis, par l’usage des noms des villes (Amiens,
Arras) et par le champ lexical du temps (« la veille », « le temps », « un jour plus tôt »).

La scène décrite est banale : un cadre urbain (« hôtellerie », « coche », « voitures »), une promenade
avec un ami, une scène de rue dont les deux amis sont témoins à partir du passage au passé simple : «
nous vîmes … et nous le suivîmes ».

La négation restrictive « Nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité » propose une justification de
la scène que le lecteur ignore encore.

Ce premier mouvement s’achève sur une observation anodine, comme le soulignent la tournure
impersonnelle (« il en sortit ») et le déterminant indéfini (« quelques femmes »).

Les deux amis sont spectateurs d’une scène de rue et le regard du narrateur âgé pique la curiosité du
lecteur.

II – La naissance du sentiment amoureux (De « mais il en resta une » à « maîtresse de mon cœur »)

La conjonction de coordination adversative « mais » fait émerger une femme, vue par Des Grieux qui
devient spectateur ébloui.

Dès lors, cette seule femme devient l’objet de toutes les attentions du chevalier.

Elle se détache et n’agit pas de la même façon que les autres : c’est ce que montre l’antithèse « se
retirèrent » / « s’arrêta » : les autres femmes « se retirèrent aussitôt » -telle était la fin du premier
mouvement ; mais elle, « s’arrêta seule dans la cour ».

De plus, l’intérêt du chevalier se traduit par l’emploi de l’adverbe intensif (« fort jeune ») et par son
acuité visuelle : chaque détail fait l’objet d’une description afin de cerner au mieux l’identité de la
femme.

Ainsi l’homme plus âgé qui l’accompagne « paraissait lui servir de conducteur » : le verbe d’état suggère
que le chevalier n’est plus spectateur passif dans une rue mais spectateur obnubilé par une seule
femme, qui fait des suggestions.

Il ne sera fait aucune mention de la description physique de cette femme ni de son nom. Seule
prédomine l’expression lyrique de l’émotion du chevalier, à travers l’emploi de l’intensif « si charmante
».

La construction même de la phrase épouse l’état « enflammé » du narrateur.

En effet, ce qui ressemble à un coup de foudre se traduit dans le souffle de la phrase : le complément
circonstanciel de conséquence dont l’importance émotionnelle est capitale se trouve relégué en fin de
phrase.

Les mots se précipitent, s’enchevêtrent : « moi qui… », « ni… », au point de nécessiter une incise « moi,
dis-je ».

L’état amoureux dans lequel se trouve le chevalier est intense : « je me trouvai enflammé tout d’un coup
jusqu’au transport ».
Dans le détail, il souligne que cette rencontre a bousculé la personne qu’il était : auparavant indifférent
aux femmes, mesuré comme l’indique la proposition subordonnée relative « dont tout le monde
admirait la sagesse et la retenue », il est désormais passionné.

De connotation religieuse, l’adjectif métaphorique « enflammé » fait signe vers l’enfer et répond à l’«
innocence » perdue évoquée au début de l’extrait.

Ce changement brutal de personnalité oppose donc deux périodes de la vie de des Grieux : l’une
marquée par deux défauts qu’il nomme (« timide et facile à déconcerter ») ; l’autre désormais placée
sous le sceau de l’audace, comme l’illustre la phrase « je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur ».

La périphrase « maîtresse de mon cœur » souligne que le narrateur est désormais sous la domination
d’une femme à laquelle il n’a pas encore parlé.

III – Une rencontre déterminante (De « quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi » … à « les miens »)

La scène de rue anodine au détour d’une promenade amicale devient une rencontre déterminante pour
le chevalier dont les sentiments sont déjà à leur paroxysme.

Ainsi, le portrait de cette femme s’esquisse à travers une conversation, retranscrite de façon elliptique
(« elle reçut mes politesses ») et par le discours indirect : « je lui demandai », « elle me répondit ».

Le portrait qui en résulte est ambivalent : la mention de son jeune âge (« encore moins âgée que moi »),
voire de sa naïveté (l’adverbe « ingénument ») tranche avec une assurance marquée (« sans paraître
embarrassée », « elle était bien plus expérimentée que moi »).

L’échange permet ainsi d’attiser la curiosité du lecteur pour cette jeune fille ambiguë.

L’audace du chevalier se traduit par les questions indirectes.

La réponse est indirectement rapportée par la proposition subordonnée conjonctive « qu’elle y était
envoyée par ses parents pour être religieuse ».

La tournure passive de la réponse (qu’elle y était envoyée») rappelle les codes dans l’éducation d’une
femme, et sa soumission à un ordre familial.

L’effet de surprise que provoque cette réponse sur le chevalier est d’autant plus fort qu’il nomme pour
la première fois le sentiment qui l’envahissait : « l’amour me rendait déjà si éclairé ».

Le projet du noviciat de cette jeune fille est reçu avec intensité comme le souligne l’expression
hyperbolique « un coup mortel pour [s]es désirs ».

Contre la naissance des sentiments s’érige donc un obstacle : celui d’une morale religieuse mortifère,
incompatible avec le cœur.

L’échange s’achève sous la forme d’un discours indirect libre – « c’était malgré elle qu’on l’envoyait au
couvent ».

La vie religieuse est présentée comme le dernier rempart contre le « penchant au plaisir » de Manon.

Le péché de chair évoqué à demi-mot est développé par deux propositions subordonnées successives.
La première, « qui s’était déjà déclaré » laisse sous-entendre un passé sulfureux ; la seconde « et qui a
causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens » clôt de façon proleptique et tragique cet extrait
tout en plaçant le lecteur dans un effet d’attente.

Par cette rencontre, le destin des personnages est scellé.

Conclusion :

La rencontre amoureuse racontée par le double regard d’un narrateur jeune et passionné et d’un
narrateur plus âgé et critique place le lecteur au cœur d’une histoire complexe.

Témoin de la naissance des sentiments intenses de Des Grieux, le lecteur assiste, impuissant, aux débuts
de cette passion, à l’étymologie double : à la fois source d’amour et de souffrance, entre sentiments et
interdits, la tragédie se noue déjà.
La mort de Manon (de “Pardonnez, si j'achève en peu de mots un récit qui me tue.” à “Je renonce
volontairement à la mener jamais plus heureuse.”)

Présentation de l’auteur :

Il ne faut pas se laisser abuser par le titre d’abbé par lequel on désigne couramment Antoine François
Prévost d’Exiles. Sa vie est bien loin de l’image du sage religieux, retranché dans son abbaye.

Né en 1697 dans une famille noble, il est d’abord tenté par la religion et suit une éducation jésuite, mais
la fougue de la jeunesse le rattrape et il s’essaie à une carrière militaire. Essai infructueux puisqu’il
revient rapidement à l’état de religieux.

Mais l’envie de vivre sans contrainte le rattrape encore et il quitte l’habit, pour le retrouver bien vite à la
suite d’une rupture difficile.

Finalement, il renonce définitivement à la vie religieuse et s’enfuit, en Hollande, puis en Angleterre. Il


vivra une vie de voyages, de littérature et de salons. Sa popularité lui permettra de revenir en France en
1734 et il reprendra régulièrement l’habit, tout en quittant monastères et abbayes à sa discrétion.

Il meurt en 1763, écrasé par les dettes.

Il est notamment l’auteur des Aventures et Mémoires d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde,
ensemble de romans dont Manon Lescaut est le 7ème et dernier volume.

Présentation de l'œuvre :

Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, publié en 1731 et habituellement désigné
simplement sous le titre de Manon Lescaut, raconte l’histoire d’amour et les aventures de Manon
Lescaut et de Des Grieux, entraînés dans une marginalisation et une déchéance progressive.

Présentation du passage :

À la fin du roman, alors que Manon a été déportée en Louisiane et que Des Grieux l’a suivi, ils sont
contraints de fuir la ville où ils s’étaient établis. C’est lors de cette fuite dans le désert que Manon voit
ses dernières forces la quitter et qu’elle meurt dans les bras de Des Grieux.

Problématique :

Nous nous demanderons comment le récit douloureux de Des Grieux sublime la mort de Manon.

Plan :

Pour mener cette analyse linéaire de la mort de Manon Lescaut, nous suivrons les mouvements du
texte. D’abord un récit douloureux de “pardonnez” à “exprimer”, ensuite la mort de Manon de “Nous
avions passé” à “la fin de ses malheurs approchait”, enfin la peine de Des Grieux de “N’exigez point de
moi” à “la mort sur sa fosse”.

I. Un récit douloureux
Le narrateur commence son récit par une prière à l’impératif : « pardonnez si j’achève en peu de mots
un récit qui me tue. » On voit donc immédiatement qu’il lui est très difficile, même après coup, de
revenir sur ce tragique événement.
Par ailleurs, les mots de cette première phrase contiennent peu de syllabes (1 ou 2) ce qui peut suggérer
les sanglots du personnage, ou tout du moins des difficultés d’élocution liées à sa peine.

Le pronom « vous » est intéressant car il brouille la frontière entre le marquis de Renoncour, véritable
destinataire du récit, et le lecteur. Cela confirme donc l’hésitation qui peut être perçue par l’utilisation
de la deuxième personne du pluriel pour le premier verbe.

Des Grieux annonce donc sa volonté de narrer la mort de Manon, mais sans parvenir à le dire
directement. Aussi nous verrons que Manon n’est nommée que très tard, et qu’avant cela, sa mort est
désignée par des périphrases : « un récit qui me tue » ; « un malheur qui n’eut jamais d’exemple ». De
plus ces périphrases ont également une valeur d’hyperbole ce qui renforce la tristesse de Des Grieux.

On peut également noter que les champs lexicaux du récit et de la tragédie sont associés dans le
premier paragraphe pour souligner la difficulté pour Des Grieux de revenir sur ces événements : « récit »
; « raconte » ; « exprimer » / « malheur » ; « pleurer » ; « horreur ».

Enfin, on voit que Des Grieux ne se sent pas capable de tourner la page. Il affirme : « toute ma vie est
destinée à le pleurer », puis, « je le porte sans cesse dans ma mémoire ». Ici, le présent d’habitude et la
négation « sans cesse » insistent sur le fait que Des Grieux est constamment rappelé à son deuil.

Pourtant, c’est bien ce terrible récit que le narrateur s’apprête à livrer dans le paragraphe suivant.

II. La mort de Manon


On remarque d’emblée le changement de temps (« avions passé » = plus que parfait) qui indique le
début du récit au passé. De plus, le pronom « nous » projette le lecteur dans un temps où Manon était
encore en vie. Notons ici que c’est la dernière fois du passage que les amants sont rassemblés sous ce
pronom.

La première phrase donne une image paisible grâce à l’adverbe complément circonstanciel de manière «
tranquillement ». Cette tranquillité est confirmée par la douceur du propos qui suit : « je croyais ma
chère maîtresse endormie ». On remarque que Manon est ici désignée par une périphrase qui insiste sur
son importance pour Des Grieux. Cependant, le verbe modalisateur « croyais » montre bien que ce n’est
qu’une illusion.

Ici, la mort est associée au sommeil, ce qui donne l’image d’un départ noble et sublime, après tant de
troubles et d’aventures. Ce calme est confirmé par l’attitude de Des Grieux : « je n’osais pousser le
moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil. » Il ne réalise pas encore que sa maîtresse se
meurt.

Toutefois le retour du récit au passé simple « je m’aperçus » avec l’indication temporelle « dès le point
du jour » vient troubler ce court moment d’apaisement dans la vie des deux jeunes amants. En effet, les
mains de Manon sont « froides et tremblantes ».

Par déni, Des Grieux pense qu’elle souffre simplement du froid : « je les approchai de mon sein, pour les
échauffer. Le « sein » désignant le cœur par métonymie, on voit qu’il semble penser que l’amour peut
venir à bout de tous les maux.

Ce déni se poursuit quelques lignes plus tard, quand Manon lui confie qu’elle se sent mourir et qu’il
pense qu’elle exagère : « je ne pris d’abord ce discours que pour un langage ordinaire dans l’infortune ».
Il pense d’ailleurs encore une fois pouvoir la guérir avec son amour : « je n’y répondis que par les
tendres consolations de l’amour. »

Le lexique du toucher dans ces quelques lignes : « touchant » ; « main » ; « échauffer » ; « saisir »
évoque un dernier contact entre les deux amants.

La première fois que Manon apparaît éveillée, désignée par le pronom « elle », elle semble très
diminuée : sa voix est « faible » et elle doit faire un « effort » pour « saisir » les mains de Des Grieux. Elle
est par ailleurs consciente que sa fin est proche et affirme, dans des paroles rapportées au discours
indirect « qu’elle se croyait à sa dernière heure ».

La mort est une nouvelle fois évoquée avec pudeur, sous la forme d’une périphrase, ce qui est un peu
contradictoire quand on voit le comportement des amants dans le reste du récit. Aussi peut-on parler
d’une sublimation dans la mort.

Après cet aveu, Des Grieux prend bien vite conscience de la situation. Ce basculement est exprimé par la
conjonction de coordination « Mais » qui vient contredire son déni et ses faux espoirs.

Ici, on remarque que Manon n’a plus la force de parler, c’est son corps qui exprime son trépas avec des
« soupirs » qui laissent place au « silence », puis ce n’est plus qu’un « serrement de ses mains ». On
constate bien que Des Grieux cherche à rendre de manière précise les derniers instants de Manon.

Si le départ de la vie du corps de Manon est clairement évoqué ici, on peut également noter le passage
du discours indirect au discours narrativisé : “je ne lui répondis que par les tendre consolation de
l’amour” qui évoque la fin de la communication entre les deux amants. La scène se fait en fait de plus en
plus silencieuse, les “soupirs” sont remplacés par le “silence” et le discours est de plus en plus distant de
la scène.

Remarquons ici que les amants sont évoqués tour à tour par les pronoms « je » et « elle ». La disparition
du « nous » évoque une séparation dans la mort.

Finalement, sa mort, silencieuse et calme, est désignée par une périphrase : « la fin de ses malheurs ».
Cela permet de considérer la fin du personnage comme une libération, et de sublimer ses derniers
instants en montrant qu’elle quitte une société qui la marginalise et la violente.

III. La peine de Des Grieux


Après ce récit terrible, Des Grieux réitère sa première prière à l’impératif : il n’est pas capable de
poursuive. Il implore Renoncour, et donc le lecteur : « N’exigez point de moi que je vous décrive mes
sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. » Les propositions subordonnées
conjonctives complétives s’inscrivent dans la modalité négative et refusent un récit qui n’appartient plus
qu’à Des Grieux, seul témoin des derniers instants de Manon Lescaut.

Tout ce qu’il concède à son interlocuteur, c’est une phrase simple et très courte de 3 mots : « je la
perdis. » Ces trois mots toutefois condensent toute la tristesse de Des Grieux.

Le fait qu’il affirme avoir « reçu(…) d’elle des marques d’amour, au moment même qu’elle expirait »
peut donner à voir une expurgation finale des pêchers. Après toutes les souffrances qu’elle a causées à
Des Grieux, ses derniers instants sont consacrés uniquement à un amour pur et sublime.
Mais le lexique tragique vient rapidement remplacer cette ultime manifestation amoureuse : « expirait »
; « fatal » ; « déplorable événement ».

On voit ensuite que Des Grieux emploie un vocabulaire religieux : « âme » ; « Dieu » ; « puni » ; «
misérable » pour accentuer sa peine en lui donnant un caractère de punition divine. Finalement, il se
puni lui-même en confirmant sa marginalisation : « je renonce volontairement à la mener jamais plus
heureuse. » (Sa vie)

Pour clore ce récit, Des Grieux évoque le corps sans vie de Manon (qu’il nomme enfin sans périphrase ni
pronom) : « la bouche attachée sur le visage et sur les mains de ma chère Manon ». L’indication
temporelle « plus de vingt-quatre heures » insiste sur le désespoir du narrateur.

Il est prêt à mourir, mais trouve une dernière nécessité à vivre dans le besoin d’enterrer Manon. On
note une dernière fois la mention du « corps » de Manon, objet d’une grande beauté que Des Grieux
refuse de voir servir de « pâture aux bêtes sauvages » après avoir servi de pâture au vice des hommes.

Le champ lexical de la tombe clôt le passage, soulignant une dernière fois l’impossibilité pour le
narrateur d’accepter le départ de Manon : « enterrer » ; « mort » ; « fosse ».

Conclusion :

1. Rappel du développement

Nous avons pu constater que le récit de la mort de Manon est entouré de deux excuses du narrateur
dans lesquelles il affirme sa difficulté de raconter cet événement. Il donne à voir une mort calme et
paisible, très éloignée de l’agitation qui règne dans le reste du roman.

2. Réponse à la problématique

En offrant au lecteur une dernière image de Manon dans un état d’apaisement, et en montrant la
souffrance de Des Grieux, Renoncour, par qui passe toute la narration de ce roman, sublime la mort de
Manon. L’auteur utilise le topos de la mort en pleine nature, loin de l’agitation de la société, pour
conférer au décès de Manon une image noble, voire de sainteté : tous ses pêchers semblent oubliés, il
ne reste que son amour, dépourvu de tout caractère destructeur.

3. Ouverture

Pour compléter cette explication linéaire de la mort de Manon, il serait intéressant de la comparer à
d’autres célèbres scènes de mort dans le Roman français : on pense par exemple à la mort de Nana, ou à
celle d’Emma Bovary.
Partie II Chapitre 9 (de “J’ai un amant” à “Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble.”)
- Madame Bovary - Gustave Flaubert – 1857

Présentation de l’auteur et de l'œuvre :

Gustave Flaubert est considéré comme le maître du réalisme. Né en 1821 et mort en 1880, celui qui
vouait une si grande importance au style donne naissance en 1856, après 5 ans d’écriture, à son chef-
d'œuvre : Madame Bovary.

La publication en feuilleton fait scandale, et le roman fait l’objet d’un procès pour immoralité.
Finalement acquitté, Flaubert bénéficie par ce procès d’un “coup de pub” qui participe sans doute au
grand succès de son livre.

Ce livre, c’est l’histoire d’Emma, jeune femme malheureuse dans son mariage avec Charles. Elle rêve à
une vie plus romanesque et au grand amour. Éternelle insatisfaite, elle finit par se suicider après deux
liaisons adultères, croulant sous les dettes et vivant dans le mensonge.

Présentation du passage :

Dans la deuxième partie du livre, Emma commence à Fréquenter Rodolphe. Ce passage raconte son
retour dans sa chambre après avoir trompé pour la première fois son mari avec Rodolphe, lors d’une
promenade en forêt.

Problématique :

Cette scène décrit des sentiments nouveaux pour Emma. Nous verrons comment le narrateur ridiculise
le personnage au regard de sa naïveté vis à vis du sentiment amoureux.

Plan :

Pour mener cette analyse linéaire du texte “j’ai un amant” (II,9) de Madame Bovary, nous suivrons les
mouvements du texte. D’abord le bouleversement amoureux du début du passage à “transfigurait.”
Ensuite, l’ivresse du bonheur de “Elle se répétait” à “hauteurs.” Enfin, une héroïne de roman satisfaite
d’elle-même de “Alors elle se rappela” à la fin de du passage.

I. Le bouleversement amoureux

Le passage commence par un adverbe de temps avec une phrase sans pronom personnel : « D’abord ce
fut comme un étourdissement ». Emma ne sait pas d’où vient la sensation, d’où l’utilisation de la
tournure impersonnelle. L’adverbe de temps montre qu’elle décrit la sensation comme elle lui vient, par
étape. On note également la comparaison. Elle n’a pas les mots donc cherche à décrire par
rapprochement d’idées. Le mot étourdissement illustre une sensation physique, bien loin des lectures
d’Emma. On peut donc lire ici les premières traces d’ironie narrative : le narrateur se moque du
personnage qui ne connait rien à la vie, et n’a vécu que par l’intermédiaire de ses lectures. Emma
découvre les sensations de l’amour pour la première fois.

L’énumération « Elle voyait les arbres, les chemins, les fossés, Rodolphe » montre qu’Emma est assaillie
par les sensations et se perd dans le tourbillon des sentiments. Le champ de vision passe du plus large :
« les arbres », au plus petit : « Rodolphe ». On peut aussi penser que les termes sont organisés par ordre
d’importance pour elle (gradation) : dans cette forêt, elle ne voit que Rodolphe. La mention du fossé
suggère une certaine trivialité : il renvoie le lecteur à la relation intime adultère des amants, dans un
fossé. On est ici bien loin de l’idéalisation de la scène par Emma, ce qui peut révéler, une fois encore,
l’ironie du narrateur.

La proposition subordonnée conjonctive circonstancielle de temps « elle sentait encore l’étreinte de ses
bras, tandis que le feuillage frémissait et que les joncs sifflaient » associe le souvenir de l’étreinte
d’Emma à la nature. D’une part il y a un cliché romantique qui se moque de l’idéal amoureux d’Emma,
mais il y aussi une lecture plus triviale : «… le feuillage frémissait et que les joncs sifflaient » peut faire
directement référence au souvenir sexuel. Par ailleurs l’allitération en « F » donne à entendre le
frémissement d’Emma.

En s’observant ensuite dans la glace, elle se découvre changée : le narrateur utilise une hyperbole et une
énumération pour ce changement de perception : « jamais elle n’avait eu les yeux si grands, si noirs, ni
d’une telle profondeur ». L’adoption du point de vue interne permet d’évoquer ce changement physique
par les yeux du personnage, donc rien ne garantit au lecteur qu’Emma n’aie vraiment changée, si ce
n’est dans la façon dont elle se voit. Les mot « profondeur » et « subtil » montrent que, grâce à son
adultère, elle se sent vivre et échapper à l’ennui et à la banalité de sa vie avec son mari. Le mot «
transfigurer » pour décrire son changement d’allure est un mot d’origine religieuse (Jésus change de
forme pour révéler sa nature divine) … Le choix de ce mot est intéressant, et on décèle une forme de
provocation, d’ironie ou d’exagération, à utiliser un mot désignant quelque chose de sacré pour évoquer
les conséquences de l’adultère, contraire à la morale chrétienne.

II. L’ivresse du bonheur

La répétition de « j’ai un amant ! un amant ! » montre le plaisir qu’elle ressent à l’idée d’enfin vivre
l’adultère. Elle a le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’extraordinaire et a besoin de se répéter
le mot « amant » pour pleinement verbaliser et savourer sa victoire.

Ainsi, elle « se délecte » de l’idée d’adultère, d’enfin connaître une grande passion. Le plaisir se trouve,
encore une fois, dans sa perception d’elle-même. On note également que le verbe –se délecter
appartient au champ lexical du plaisir. On trouvera plus tard le mot « savourer »

La comparaison avec « une autre puberté́ » suggère la naïveté d’Emma, presque adolescente, ́ et la
ridiculise aux yeux du lecteur.

Dans la phrase suivante, elle oppose ce nouveau bonheur « ces joies de l’amour, cette fièvre du bonheur
» à l’ennui, désespoir de son passé : « dont elle avait désespéré » (proposition relative). L’utilisation des
pronoms démonstratifs : « ces joies » et « cette fièvre » donne le sentiment qu’elle tente de montrer le
bonheur auquel elle va accéder sans vraiment savoir de quoi il s’agit : on utiliserait plutôt l’article défini
(le, la, les) pour parler de quelque chose de connu et d’identifié.

Le nouveau futur auquel elle aspire est ridiculisé par l’ironie du narrateur. Emma le conçoit comme «
quelque chose de merveilleux ». La périphrase vague montre son enthousiasme démesuré alors qu’elle
n’est pas capable de dire précisément ce dans quoi elle « entrait ». Donc elle se forge de nouveau des
illusions « merveilleuses » à partir de rien, si ce n’est d’un vague sentiment et de son imagination.
Elle imagine un futur où « tout serait passion, extase, délire. » Cette gradation au rythme ternaire,
suggère une perte de contrôle et de contact avec la réalité́. Par ailleurs, « délire » peut être rapproché
de la folie.

Elle rêve ensuite un paysage métaphorique. L’idée de la correspondance entre un état d’âme et un
paysage est très romantique (donc à priori pas réaliste). L’utilisation de clichés romantiques associée à
des hyperboles (« une immensité́ bleuâtre », « les sommets du sentiment ») et à des antithèses («
sommet »/« tout en bas»; «étincelait» /«ombre») la ridiculise dans sa naïveté : elle se pose en héroïne
romantique, convaincue de sa grandeur, qui contemple son ancien monde depuis les hauteurs
métaphoriques de sa passion qu’elle associe à l’accomplissement de soi.

III. Une héroïne de roman satisfaite d’elle-même

La haute image qu’Emma se fait des héroïnes de romans est ridiculisée par les métaphores et
hyperboles qu’elle utilise pour les décrire. Ces héroïnes forment une « légion lyrique de femmes
adultères » qui se met à chanter « avec des voix de sœurs ». Le terme de légion appartient au
vocabulaire militaire tandis que le terme lyrique renvoie à l’art poétique et musical. Ce rapprochement
manque de logique et produit un effet comique.

Cette ivresse se mue en une forme de violence émancipatrice, de révolte rétrospective que le narrateur
exprime par le discours indirect libre « N’avait-elle pas assez souffert ! » L’ironie est palpable : le
narrateur prétend soutenir Emma dans sa colère alors qu’il se moque. Enfin, le verbe à l’imparfait « elle
triomphait » accompagné de l’adverbe de temps « maintenant » montre que sa victoire promet de se
prolonger (valeur non bornée de l’imparfait) par rapport à sa souffrance qui est terminée (valeur
d’accompli du plus-que-parfait). L’adverbe de temps marque un renouveau, et oppose le présent et le
futur heureux d’Emma à son passé malheureux.

Pour décrire ce délire amoureux, le narrateur emploie une métaphore et une hypallage (joyeux devrait
désigner Emma et pas le bouillonnement) « bouillonnement joyeux ». C’est une image comique et
moqueuse, volontairement prosaïque et ridicule.

Dans la dernière phrase, la gradation descendante : « sans remord, sans inquiétude, sans trouble »
montre qu’elle élimine tous les éléments qui pourraient la freiner, jusqu’au plus ténu, afin d’être en paix
avec sa conscience. Elle ne ressent pas le moindre « trouble »

Conclusion :

1. Rappel du développement

Dans ce passage, Emma découvre le sentiment amoureux. Le narrateur emploie la focalisation interne
pour décrédibiliser le personnage en moquant sa naïveté. Aussi, la jeune femme idéalise-t-elle sa
relation adultère en confondant sa vie avec celle des personnages de ses livres.

2. Réponse à la problématique

On constate donc ici que le narrateur se montre assez cynique et cruel. Il paraît d’abord soutenir le
personnage alors qu’il souligne régulièrement le ridicule de son innocence et son ignorance du monde
des sentiments. C’est également une manière de rappeler qu’elle ne connaît pas l’amour avec Charles et
qu’elle poursuit un idéal impossible (puisque romanesque).
3. Ouverture

Face à cette quête de l’idéal amoureux, impossible de ne pas penser à Louise de Chaulieu, l’une des
deux protagonistes du roman de Balzac : Mémoires de deux jeunes mariées. Elle aussi idéalise l’amour
et finit par mourir après avoir poursuivi un rêve impossible.

Ces deux romans permettent de réfléchir à la condition des femmes au XIXe siècle dans le cadre du
mariage, et, de manière plus générale, aux questions du bonheur et de l’amour.
Textes ou passages travaillés dans l’œuvre intégrale :

Acte 1 scène 14 (de “ARAMINTE - Qu'est-ce que c'est donc que cet air” à “ARAMINTE - Moi, dis-tu ?”)

Introduction :

Marivaux est un des plus grands dramaturges français du siècle des Lumières. Ses comédies critiquent
un ordre social où la naissance prévaut sur le mérite. Elles consistent souvent en des intrigues fondées
sur des jeux d’interversion et de tromperies.

Entre le burlesque et la galanterie, le masque et la vérité, Marivaux interroge également les pouvoirs du
langage. Les Fausses Confidences est une comédie en trois actes et en prose jouée pour la première fois
en 1737 par les comédiens italiens. Dorante est un petit bourgeois amoureux d’Araminte, qui appartient
à la grande bourgeoisie des financiers et lui semble donc inaccessible. Cependant, les fausses
confidences du valet Dubois permettront leur union amoureuse.

Alors qu’Araminte vient de confier à Dorante qu’elle ne veut pas épouser le comte Dorimont, Dubois les
interrompt pour s’entretenir avec Araminte.

Problématique :

Comment Dubois sert-il les intérêts amoureux de Dorante par de fausses confidences adressées à sa
maîtresse Araminte ?

Plan :

Dans la première partie, du début de l’extrait à « un honnête homme », Dubois annonce à Araminte qu’il
démissionne, pour ne pas fréquenter ce « fou » de Dorante. Puis, dans la deuxième partie, jusqu’à «
fantaisies !… », Dubois convainc Araminte de licencier Dorante car il est fou d’amour. Enfin, de « Ah ! » à
la fin, Dubois révèle à Araminte que Dorante est amoureux d’elle.

I – Dubois annonce à Araminte qu’il démissionne pour ne pas fréquenter ce « fou » de Dorante (Du
début de la scène à « ce n’est pas un honnête homme ? »)

L’extrait s’ouvre sur deux phrases interrogatives d’Araminte qui soulignent le trouble de la jeune femme.
La maîtresse de la maison ne maîtrise pas ce qu’il s’y passe, tant l’arrivée de Dorante est source
d’agitations.

La didascalie interne « cet air étonné » nous renseigne sur le jeu de Dubois qui feint la surprise en
apercevant Dorante. Évidemment, Araminte ignore que cette surprise est fausse et qu’il s’agit d’un
stratagème de Dubois.

Le valet annonce alors qu’il démissionne. La litote plaisante « Ce n’est rien », ainsi que ses périphrases
élégantes (« avoir l’honneur de servir madame ») témoignent de son habileté linguistique.

La didascalie (« surprise ») souligne l’étonnement d’Araminte, étonnement qui est aussi celui du
spectateur : la demande de congé du valet Dubois contredit les projets de l’ingénieux valet. Le
spectateur est donc tout aussi surpris et intrigué qu’Araminte. Dubois aurait-il trahi Dorante ?

La stichomythie qui suit accélère le rythme en un jeu de questions et de réponses, où seul Dubois
connaît la vérité.
Dubois est maître dans l’art de créer une attente, par exemple avec l’interrogation « Savez-vous à qui
vous avez affaire ? » qui laisse présager une révélation grave.

Puis Dubois dépeint Dorante en arriviste ambitieux par des tournures péjoratives : « tour d’adresse ».
Cette expression suggère que Dorante est un petit bourgeois aspirant à s’élever.

L’hyperbole « c’est un démon que ce garçon-là. » et l’interjection « Hélas ! » font craindre une
catastrophe. Le spectateur est aussi troublé qu’Araminte tant la description de Dorante par Dubois
contredit l’amitié entre les deux hommes.

Araminte essaie de reprendre l’ascendant par des phrases interrogatives : « Mais que signifient tes
explications ? Explique-toi ; est-ce que tu le connais ? ».

L’impératif « Explique-toi » rappelle l’ascendant social de la bourgeoise sur le valet. Pourtant, c’est la
valet, socialement dominé, qui domine dans cette scène grâce au pouvoir de la parole.

Dubois ne se laisse en effet pas impressionner et maintient l’incertitude et l’intensité dramatique en une
tournure ambigüe, à la fois exclamative et interrogative : « Si je le connais, madame ! si je le connais ! »
La répétition du verbe « connaître » renforce l’intensité dramatique.

Il fournit habilement la preuve irréfutable que Dorante et lui se connaissent : « N’avez-vous pas vu
comme il se détournait, de peur que je ne le visse ? »

À travers cette description de Dorante, Dubois manipule habilement les préjugés sociaux de la haute
société. En effet, il a recours à un stéréotype social et littéraire, celui du petit bourgeois qui s’introduit
dans une riche maison pour y semer le trouble.

La surprise d’Araminte souligne que la jeune femme a une vision positive de Dorante et ressent
certainement des sentiments pour le jeune homme, bien qu’elle ne se les avoue pas encore : « tu me
surprends à mon tour. » Cette phrase tient également de la double énonciation car elle énonce ce que le
spectateur ressent également : de la surprise face au discours de Dubois.

En effet, le début de cette scène 14 de l’acte I remet en question l’intrigue, puisque l’alliance entre
Dorante et son ancien valet Dubois semble brisée. Dubois trahit-il Dorante pour privilégier finalement sa
nouvelle et riche maîtresse ? Le spectateur ne sait plus qui croire.

Araminte semble déçue, car elle interroge encore : « Est-ce que ce n’est pas un honnête homme ? ». Son
incrédulité laisse transparaître ses sentiments amoureux naissants. Mais Dubois insiste : la vérité serait
trompeuse car le galant serait un démon.

II – Dubois dépeint un Dorante fou d’amour (De « Lui ! Il n’y a point de plus brave homme » à « car les
hommes ont des fantaisies… »)

À partir de « Lui ! Il n’y a point de plus brave homme », le portrait dépréciatif de Dorante laisse place à
un portrait élogieux, comme en témoigne la tournure superlative hyperbolique « Il n’y a point de plus
brave homme dans toute la terre »

Ce retournement de situation est comique car ces termes élogieux créent un effet de rupture avec le
début de la scène : « plus d’honneur à lui tout seul », « probité merveilleuse », « pas son pareil ».
Ces contradictions rapprochent Dubois de l’Arlequin de la commedia dell’arte, valet guilleret dont le
déguisement bariolé symbolise un esprit confus.

Le trouble d’Araminte croît et verse même vers la peur : « tu m’alarmes ». Elle lui demande la « vérité »
qui est justement masquée chez Marivaux.

Dubois révèle alors le mal de Dorante : « C’est à la tête que le mal le tient. »

La scène devient alors franchement comique. L‘hyperbole « timbré comme cent » et le comique de
geste « (il se touche le front) » rapproche de nouveau Dubois de l’Arlequin de la commedia dell’arte.

Ce qui surprend Araminte, c’est que la confidence de Dubois contredit les apparences, comme le montre
le verbe de perception : « il m’a paru de très bon sens ». Elle exige donc une « preuve » de « sa folie »
puisque cette dernière n’est pas apparente chez Dorante.

Dubois dépeint alors Dorante comme fou avec le champ lexical de la folie (« fou », « cervelle brûlée », «
un perdu ») mais cette folie est amoureuse (« il extravague d’amour »).

En réalité, cette comparaison entre la folie et l’amour est une analogie précieuse qui met Dorante en
valeur. D’autant plus que Dubois ne manque pas de rappeler les qualités de Dorante dans la même
phrase : « un homme incomparable ».

Cette confidence est plaisante, car elle est vraie (Dorante est fou amoureux d’Araminte) et fausse en
même temps (car elle est réalisée stratégiquement, pour manipuler Araminte).

Le spectateur comprend peu à peu le stratagème. Il entre en connivence avec le valet manipulateur.

La didascalie « un peu boudant » marque le triomphe de Dubois : Araminte boude car elle est charmée
par Dorante et donc déçue de s’en séparer. Ainsi, elle a beau affirmer de façon péremptoire « je ne le
garderai pas », son corps révèle la vérité des sentiments que le langage cache.

III – Dubois révèle à Araminte que Dorante est amoureux d’elle (De « Ah ! Vous m’excuserez » à « Moi,
dis-tu ? »)

Après l’avoir blâmé, Dubois fait l’éloge de son ancien maître : « Pour ce qui est de l’objet, il n’y a rien à
dire. »

Ces variations marivaudiennes rendent la scène plaisante, de même que la variété des registres de
langage qui vont du familier (« Malepeste ! ») aux raffinements précieux.

Par cette confidence voilée, Dubois suscite la curiosité d’Araminte, qui interroge toujours : « Est-ce que
tu la connais, cette personne ? »

Dubois révèle enfin, certain de faire son effet : « c’est vous, madame. » Le présentatif « c’est »
théâtralise cette révélation.

La réponse interrogative d’Araminte témoigne de son trouble : « Moi, distu ? »

Ce dialogue synthétise la dynamique de la pièce : une série de fausses confidences permettent d’aboutir
à une révélation sincère.

Conclusion :
La scène 14 de l’acte I met en scène la première fausse confidence essentielle de la pièce initiée par le
valet Dubois pour servir les intérêts amoureux de Dorante.

Ce dialogue avec Araminte, sous forme d’interrogatoire, souligne la capacité du langage à manipuler,
cacher et révéler.

Le valet, par sa maîtrise du langage et de l’information, est supérieur à sa maîtresse, ce qui remet en
question les hiérarchies sociales.

La dureté de l’ordre social empêche les personnes de fortune différente de s’exprimer leur amour.
Paradoxalement, Marivaux utilise le mensonge pour faire triompher la vérité des sentiments.
Acte 3 scène 1 (de “DUBOIS- Oh ! Oui : point de quartier.” à “Dorante sort”)

Introduction :

Marivaux est l’auteur de comédies du siècle des Lumières.

Le dramaturge critique un ordre social qui tient plus de la naissance que du mérite. Pour se faire, il met
en scène valets, bourgeois et aristocrates en des intrigues complexes, fondées sur des jeux de masques
et de dissimulation.

Les pouvoirs du langage sont au cœur de ce théâtre plaisant et psychologique.

Les Fausses Confidences est une comédie en trois actes et en prose jouée pour la première fois en 1737.
Dorante, petit bourgeois ruiné, aime Araminte qui appartient à la grande bourgeoisie des financiers.

A l’obstacle social, s’ajoute la paralysante timidité des amants. Les stratagèmes ingénieux du valet
Dubois permettront cependant le triomphe de l’amour. (Voir la fiche de lecture pour le bac des Fausses
confidences)

Ce dialogue entre Dorante et Dubois ouvre le troisième acte, et redynamise l’intrigue autour de ce duo
paradoxal et uni.

Problématique :

Nous verrons comment ce dialogue entre Dorante, l’amant timide, et Dubois, l’ingénieux valet, illustre
les virtuoses capacités de ce dernier à manipuler le langage et les personnages.

Plan :

Dans une première partie, du « Oh ! oui : point de quartier. » à « Il faut qu’elle nous épouse », Dubois
affirme à Dorante que leur stratagème doit le faire souffrir pour fonctionner.

De même, dans une deuxième partie, de « Prends-y garde » à « laissez-vous conduire », Dubois
considère que le stratagème doit faire souffrir Araminte pour fonctionner.

Enfin, dans une troisième partie, de « Songe » à la fin de la scène, le valet justifie ses stratagèmes par le
fait que l’amour empêche les amants d’agir.

I – Dubois s’affirme comme le seul maître du jeu (De « Oh ! oui, point de quartier » à « vous aimer en
fraude »)

Le valet Dubois a chargé Dorante de remettre une mystérieuse lettre à Arlequin. Alors que Dorante
hésite à envoyer cette lettre, Dubois l’encourage par une exclamation : « Oh ! oui. Point de quartier. ».

Il manifeste presque de la cruauté à manipuler Araminte, comme en témoigne l’expression familière «


point de quartier » qui signifie « point d’indulgence » et la tournure impersonnelle « il faut l’achever » .
Les stratagèmes du valet à l’encontre de la maîtresse constituent une forme de vengeance sociale.

Dubois est d’autant plus déterminé à faire souffrir Araminte que cette dernière a tenté de « tricher »
avec lui en jouant aussi aux fausses confidences : « elle me fait accroire que vous ne lui avez rien dit ? ».
Dubois, à la fois personnage et metteur en scène de la pièce est pris à son propre jeu de manière
comique, et sent que l’intrigue lui échappe dangereusement : « Ah ! je lui apprendrai à vouloir me
souffler mon emploi de confident ».

Son mécontentement et sa volonté de vengeance créent une situation comique où le maître du jeu
risque de se retrouver prisonnier de son propre piège. Le plaisir de la comédie tient bien sûr à cet
affrontement de stratagèmes.

Mais Dubois est un valet à la confiance infaillible, qui affirme sa toute-puissance comme l’indique le
futur de l’indicatif qui exprime sa certitude « je lui apprendrai ».

Il prépare donc un châtiment pour punir sa maîtresse de lui avoir « souffl(é) (s)on rôle de confident ». Le
jeu de mot sur le verbe « souffler » met en valeur l’amour-propre du valet. « Souffler » signifie en effet «
prendre », « voler » mais rappelle aussi le « soufflet » qui désigne une gifle ou un affront comme si les
stratagèmes entrepris par Araminte constituaient un affront personnel pour le valet.

Le substantif « rôle » appartient au vocabulaire théâtral et crée une subtile de mise en abyme, rappelant
que Dubois est le véritable metteur en scène qui distribue les rôles.

II – Dubois affirme que son stratagème doit faire souffrir pour fonctionner (De « Que j’ai souffert dans ce
dernier entretien » à « laissez-vous conduire »)

Dorante se lamente dans une tonalité tragique : « Que j’ai souffert dans ce dernier entretien ! »

Par une interrogation, il tente de démêler les stratagèmes de Dubois qu’il ne comprend pas, faisant écho
aux propres interrogations du spectateur : « Puisque tu savais qu’elle voulait me faire déclarer, que ne
m’en avertissais-tu par quelques signes ? »

La proposition subordonnée conjonctive de cause (« puisque tu savais qu’elle voulait me faire déclarer
») souligne l’incompréhension de Dorante qui ne perçoit plus la logique des actions de Dubois.

Maître du jeu, Dubois répond ironiquement à Dorante : « Cela aurait été joli, ma foi ! » pour lui faire
comprendre qu’il ne pouvait intervenir dans le tête-à-tête des amoureux.

Néanmoins, Dubois se réjouit de la souffrance de Dorante qui « n’en a parue que plus vraie ». Le verbe «
paraître » associé à l’adjectif « vrai » souligne la primauté de l’apparence dans cette pièce et
l’entremêlement inextricable du mensonge et de la vérité.

Dans la voix du valet résonne celle du dramaturge prenant plaisir à tisser une intrigue à suspens : «
Parbleu ! il me semble que cette aventure-ci mérite un peu d’inquiétude. »

Cependant, Dorante désespère. Il pose une question rhétorique (« Sais-tu bien ce qui arrivera ? ») à
laquelle il répond aussitôt : « Qu’elle prendra son parti, et qu’elle me renverra tout d’un coup ». Le futur
de l’indicatif exprime sa certitude de l’échec des stratagèmes de Dubois, jugés trop périlleux.

Mais Dubois, d’une confiance infaillible, se fait la voix du destin (« Il est trop tard ; l’heure du courage est
passée ») avec une grandiloquence tragique et comique.

Par le pronom personnel pluriel « nous » et l’ordre impersonnel « il faut » (« il faut qu’elle nous épouse.
») Dubois souligne comiquement que le valet et son maître ne forment plus qu’un personnage. Pour
Dubois, le mariage d’Araminte et Dorante constitue une réussite personnelle.
Dorante rejette les avertissements de Dubois (« Prends-y garde ») mais Dubois ironise avec panache face
aux craintes de son maître : « Ah ! vraiment, des confusions ! ».

Avec assurance, il rappelle à Dorante qu’il maîtrise et dirige toutes les ficelles de l’intrigue (« je serais
bien fâché qu’elle la laissât en repose« , « C’est moi qui (…) ai fait venir Marton« ).

Le valet-metteur en scène annonce de plus grands tourments à venir pour Araminte : « elle va en
essuyer bien d’autres ! » Dubois jouit du pouvoir que le langage lui permet d’exercer sur sa maîtresse.

III -Dubois justifie ses stratagèmes par le fait que l’amour empêche les amants d’agir (De « Araminte m’a
pourtant dit » à la fin de la scène)

Dorante ne cesse pourtant de s’inquiéter, comme le montre l’adverbe d’opposition « pourtant » : «


Araminte pourtant m’a dit que je lui étais insupportable. »

Dorante ne cesse pourtant de s’inquiéter, comme le montre l’adverbe d’opposition « pourtant » : «


Araminte pourtant m’a dit que je lui étais insupportable. »

Dubois justifie cependant la colère d’Araminte : « Voulez-vous qu’elle soit de bonne humeur avec un
homme qu’il faut qu’elle aime en dépit d’elle ? » Cette question rhétorique permet à Dubois de
renforcer la cohésion de leur duo, en rappelant à son maître qu’ils vont triompher (« qu’il faut qu’elle
aime« ), Dorante amoureusement, Dubois socialement.

La phrase est évidemment comique car Dubois évoque l’amour comme un ravissement, un vol, comme
le souligne le champ lexical de la force et la contrainte : « il faut« , « en dépit d’elle« , « vous vous
emparez de son bien« , « criera« .

La phrase est évidemment comique car Dubois évoque l’amour comme un ravissement, un vol, comme
le souligne le champ lexical de la force et la contrainte : « il faut« , « en dépit d’elle« , « vous vous
emparez de son bien« , « criera« .*

L’impératif de Dubois souligne l’ascendant du valet, qui réduit Dorante au rang de pantin manipulé : «
laissez-vous conduire. »

Cette réification du maître par son valet conteste subtilement l’ordre social : un personnage socialement
inférieur se montre supérieur en courage et en sagacité.

Dorante rappelle dans une tonalité tragique qu’il aime intensément Araminte (« Songe que je l’aime »),
et craint d’échouer par « précipitation ». Cet entremêlement des registres tragique et comique est
propre à Marivaux où la cruauté pointe toujours derrière le rire.

Mais Dubois rassure encore son ancien maître, avec l’adverbe intensif « bien » : « oui, je sais bien que
vous l’aimez ; c’est à cause de cela que je ne vous écoute pas. » Le point-virgule établit une antithèse
syntaxique. En effet, d’après le valet, c’est justement parce que Dorante est amoureux qu’il est inapte à
séduire Araminte, l’amour étant la cause d’une confusion qui empêche de triompher. La vérité des
sentiments ne pouvant s’imposer d’elle-même, elle requiert les calculs d’« un homme de sangfroid. »

Par la suite d’impératifs, Dubois intime à Dorante chacun de ses mouvements : « laissez faire », « partez
».
L’aisance du valet lui permet, comme un metteur en scène, de gérer l’entrée de personnages (« voici
Marton qui vient à propos »), qu’il sait intégrer à ses stratagèmes (« que je vais tâcher d’amuser »).

L’aisance du valet lui permet, comme un metteur en scène, de gérer l’entrée de personnages (« voici
Marton qui vient à propos »), qu’il sait intégrer à ses stratagèmes (« que je vais tâcher d’amuser »).

Conclusion :

Ce dialogue entre Dorante, l’amant timide, et Dubois, l’ingénieux valet, souligne les capacités virtuoses
du valet à manipuler le langage et les personnages.

Pour Dubois, les personnages sont des objets qu’il manipule pour faire triompher l’amour qui lie
Dorante et Araminte. Paradoxalement, Dorante lui-même n’échappe pas à cette logique de réification
puisqu’il est luimême manipulé à merci par son valet.

Mais c’est que l’amour ne serait pas capable de s’épanouir par lui-même, tant il trouble les personnages,
leur amour-propre et les règles sociales. Les amants requièrent donc l’intervention d’un valet astucieux.

A travers cette pièce, Marivaux se demande si les exigences sociales et les manières galantes ne font pas
obstacle à l’épanouissement amoureux.

Le spectateur, lui, jouit de voir le mensonge faire triompher la vérité.


Acte 3 scène 12 (de “ARAMINTE - Vous donner mon portrait !” à “ARAMINTE - Voici le Comte avec ma
mère, ne dites mot, et laissez-moi parler.”)

Introduction :

Marivaux est un dramaturge du début du XVIIIe siècle, dont les comédies s’inscrivent dans les
préoccupations du siècle des Lumières.

En effet, elles dénoncent les inégalités d’une société où la naissance, et non le mérite, conditionnent
l’existence des individus.

Marivaux met en scène la transgression de l’ordre social par l’amour. Ses comédies se caractérisent par
leur finesse psychologique, et la variété de leurs registres, du burlesque à la galanterie précieuse.

Les Fausses Confidences est une comédie en trois actes joués pour la première fois en 1737. Le titre
oxymorique annonce l’intrigue : Dorante et Araminte s’aiment, mais doivent combattre la différence de
leur rang. Les habiles stratagèmes de Dubois favoriseront leur union.

Dans la scène 12 de l’acte III, Araminte et Dorante se révèlent enfin leur amour.

Problématique :

Nous verrons comment les déclarations amoureuses réciproques d’Araminte et de Dorante font de cette
scène l’acmé (= le point culminant) de la pièce en mettant fin aux fausses confidences.

Plan :

Dans une première partie, de « Vous donner mon portrait » à « « Levezvous, Dorante », Araminte et
Dorante se déclarent leur amour réciproque.

Dans une deuxième partie, de « Je ne la mérite » à « d’avoir trompé ce que j’adore », Dorante révéle à
Araminte les stratagèmes amoureux de Dubois.

Dans une troisième partie, de « Si j’apprenais cela d’un autre » à la fin de l’acte 3 scène 12, Araminte
pardonne à Dorante ses stratagèmes car ils servaient son amour.

I – Araminte et Dorante se déclarent leur amour réciproque (De « Vous donner mon portrait ! Songez-
vous que ce serait avouer que je vous aime ? » à « « Levez-vous, Dorante. »)

Alors qu’il annonce leurs adieux, Dorante demande à Araminte de lui céder le portrait d’elle qu’il a peint
et qu’elle a touché.

L’audace de la demande suscite l’exclamation de la jeune femme : « Vous donner mon portrait ! » En
effet, ce don de son image symboliserait le don de son cœur.

Mais Dorante conteste cette idée, car elle lui paraît inconcevable, comme l’expriment les phrases
exclamatives (« que vous m’aimez, Madame ! Quelle idée !« ) et la question rhétorique « qui pourrait se
l’imaginer ? ». Dorante rappelle ainsi que la différence de fortune entre lui et Araminte prohibe toute
union amoureuse.

Mais Dorante conteste cette idée, car elle lui paraît inconcevable, comme l’expriment les phrases
exclamatives (« que vous m’aimez, Madame ! Quelle idée !« ) et la question rhétorique « qui pourrait se
l’imaginer ? ». Dorante rappelle ainsi que la différence de fortune entre lui et Araminte prohibe toute
union amoureuse.

Son « ton vif et naïf » témoigne de la pureté et de la spontanéité de ses sentiments, comparables à ceux
que Dorante éprouve pour elle. Pour la première fois, Araminte révèle donc ses sentiments amoureux à
Dorante directement, en non en aparté.

L’intensité de cette révélation est renforcée par la théâtralité du présentatif « Voilà » et l’adverbe
d’opposition « pourtant » .

Cette déclaration amoureuse provoque chez Dorante un trouble et une joie paroxystiques, comme
l’exprime l’exclamation tragique : « Je me meurs ! » dont l’assonance en « eu » fait entendre des pleurs.

Araminte met donc fin à ses fausses confidences, et adresse à Dorante la vraie confidence amoureuse
qu’elle a voilée tout au long de la pièce : elle l’aime également.

Le corps accompagne la parole (« se jetant à ses genoux. »), chez ce personnage spontané, qui souffrait
des dissimulations, contrairement aux autres personnages.

Le trouble d’Araminte est tout aussi profond : « Je ne sais plus où je suis. » Les phrases courtes et
hachées témoignent de son incapacité à relier les choses et idées. Le transport amoureux fait perdre
toute maîtrise à la grande bourgeoise. L’intensité des sentiments détruisent les masques sociaux.

L’amante ordonne cependant à l’impératif qu’un semblant de calme soit rétabli (« Modérez votre joie :
levez-vous, Dorante. »), car ces transports sont contraires aux mœurs d’une grande bourgeoise. La
culture galante réfrène donc la spontanéité des comportements amoureux.

II – Dorante révèle ses stratagèmes amoureux (De « Je ne la mérite » à « que j’adore »)

Dorante rejette cependant « cette joie qui [l]e transporte » par l’épanadiplose (répétition d’un mot ou
d’une expression en fin de proposition) « Je ne la mérite pas. Cette joie me transporte. Je ne la mérite
pas, Madame ».

Sa contenance retrouvée (« se lève »), le futur proche (« vous allez me l’ôter« ) et la tournure
impersonnelle « il faut que vous soyez instruite. » annoncent une révélation malheureuse.

Araminte en est « étonnée » : cet adjectif, fréquent dans la pièce, accompagne les incessants
retournements. L’exclamation interrogative d’Araminte appelle la révélation de Dorante : « Comment !
que voulez-vous dire ? »

Le spectateur, mis dans la confidence des stratagèmes amoureux, sait déjà ce que Dorante s’apprête à
révéler. Le spectateur jouit donc d’en savoir davantage que l’amante concernée, et s’interroge quant à
ses réactions.

L’effet d’attente suscité fait de cette scène l’acmé de la pièce, c’est à dire son point culminant.

Dorante révèle les fausses confidences de la pièce, mais insiste cependant sur ce qu’elles ont de vrai, à
savoir l’amour qui les animait : « Dans tout ce qui s’est passé chez vous, il n’y a rien de vrai que ma
passion, qui est infinie ». La tournure restrictive (ne…que) met en valeur l’amour que Dorante porte à
Araminte.
Dans cette longue réplique, l’amant révèle certes les mensonges employés, mais il les justifie par
l’amour. On retrouve ainsi un vocabulaire galant et précieux : « passion » , « infinie » , mon amour » , «
charme de l’espérance » , « tendresse » , « que j’adore » .

La fausse confidences et les stratagèmes sont désignés vaguement par le groupe nominal indéfini « Tous
les incidents » et présentés comme l’œuvre de « l’industrie d’un domestique » fidèle et serviable.

Dorante fait l’apologie de son valet afin de l’innocenter : il est habile (« l’industrie d’un domestique » ) et
aime profondément son maître (« qui l’en plaint » ). Cet éloge de Dubois permet de justifier ses
stratagèmes.

Dorante révèle la vérité en raison de « [s]on respect, [s]on amour et [s]on caractère ». Cette
énumération ternaire illustre son mérite et mettent en valeur ses qualités morales qui pourraient
convaincre Araminte de lui pardonner.

Il est toutefois permis au spectateur de s’interroger sur la sincérité de cet aveu. En effet, Dorante ne se
livre-t-il pas à une fausse confidence en prétendant avoir été « forcé de consentir » au stratagème de
son valet alors que nous l’avons vu y consentir dans l’acte I ? Cette complexité rend l’intrigue
savoureuse.

Cette confidence court quand même le risque de briser l’union entre Dorante et Araminte comme le
souligne l’antithèse « haine » / « j’adore » qui fait accroire à un changement de sentiments d’Araminte :
« J’aime mieux votre haine que le remords d’avoir trompé ce que j’adore. »

L’anaphore en « J’aime mieux » rend la scène solennelle et grave.

L’acmé de cette comédie amoureuse est originale, car dépourvue de la joie caractéristique du genre.

III – Araminte pardonne à Dorante (De « Si j’apprenais cela d’un autre » à la fin de la scène)

Araminte demeure interdite, comme l’exprime le participe présent de la didascalie : « le regardant


quelque temps sans parler. »

Cette suspension de la parole et des mouvements intensifie l’effet d’attente. C’est en effet de la réaction
d’Araminte que dépend le dénouement de la pièce.

Cependant, le spectateur averti, et maîtrisant le schéma actanciel de la comédie, sait qu’Araminte


acceptera cette vraie confidence. Le plaisir est de savoir comment.

L’amante estime qu’elle n’aurait accepté ces révélations de personne d’autre que Dorante. Une
intervention de Dubois aurait par exemple été catastrophique comme en témoigne le verbe
hyperbolique au conditionnel « je vous haïrais » .

Mais cet aveu de la part de Dorante souligne la probité de l’intendant. La conjonction de coordination «
mais » et la locution d’insistance « vousmême » mettent en valeur cette exception : « mais l’aveu que
vous m’en faites vous-même ».

Paradoxalement, cet aveu renforce donc l’amour d’Araminte pour Dorante, ce qu’elle exprime par la
gradation ternaire « Ce trait de sincérité me charme, me paraît incroyable, et vous êtes le plus honnête
homme du monde. »
La tournure superlative « le plus honnête homme du monde » place Dorante sur un piédestal, faisant
oublier les mensonges employés par Dorante dans la pièce.

Mais Araminte veut justifier les stratagèmes de Dorante non pas seulement avec le coeur mais avec des
arguments rationnels : « Après tout, puisque… ».

La proposition subordonnée circonstancielle de cause « puisque vous m’aimez véritablement » justifie


ainsi logiquement les ruses de Dorante : « ce que vous avez fait pour gagner mon coeur n’est point
blâmable. » Araminte souligne un lien de cause à effet entre l’amour de Dorante et les ruses employées.

Sa réponse se conclut sur une maxime à valeur universelle comme le souligne la tournure impersonnelle
:Il est permis à un amant de chercher les moyens de plaire.

La comédie s’achève donc, comme une fable, sur une morale explicite énoncée par un personnage : le
mensonge est vertueux s’il cherche le dévoilement de la vérité.

Notons qu’Araminte, elle, cache ses stratagèmes amoureux à Dorante, et se montre se faisant moins
honnête que lui.

Ce dernier s’exclame de joie, stupéfait d’être aimé : « Quoi ! la charmante Araminte daigne me justifier !
»

La scène d’amour s’achève cependant sur l’arrivée du couple d’opposants : « Voici le comte avec ma
mère ». Le rebondissement redynamise la pièce, en retardant le dénouement final par une ultime
épreuve.

Les deux impératifs (« ne dites mot, et laissez-moi parler ») expriment la détermination d’Araminte,
prête à les affronter.

Conclusion :

Nous avons vu que les déclarations amoureuses d’Araminte et de Dorante font de cette scène 12 de
l’acte III l’acmé de la pièce (= son point culminant) en mettant fin aux fausses confidences.

L’intensité des sentiments ôte les masques des personnages, et souligne l’égale sensibilité que partage
les individus, indépendamment de leur appartenance sociale.

Cette scène galante s’achève sur le message de la pièce de Marivaux : paradoxalement, la dissimulation
peut être le véhicule de la sincérité amoureuse, qui justifie tous les stratagèmes.

Les ruses et fausses confidences proviennent en effet des obstacles que les normes sociales opposent à
l’amour.
Acte III Scène III (de “Camille, cachée à part” à “la sève du monde tout-puissant. (Il sort avec Rosette) ”) -
On ne badine pas avec l’amour - Alfred de Musset – 1884

Introduction :

Publiée en 1834 et représentée à la Comédie Française en 1861, On ne badine pas avec l’amour est une
pièce de théâtre qui s’ancre à la fois dans la biographie d’Alfred de Musset et dans le mouvement
romantique dont il se réclame.

En effet, la liaison passionnée de ce dernier avec George Sand et leur correspondance nourrit l’action qui
relie Perdican et Camille, deux jeunes gens promis l’un à l’autre depuis leur enfance.

Mais Camille rompt cette promesse en faisant le choix du couvent.

Dès lors, la scène 3 de l’Acte III constitue une forme de vengeance de la part de Perdican.

En présence de Camille, il déclare son amour à Rosette, la sœur de lait de Camille.

Cette convention théâtrale est en réalité orchestrée par Perdican, véritable organisateur de cette mise
en scène, dont le but est de faire souffrir Camille.

Problématique :

En quoi cet extrait révèle-t-il à la fois le caractère manipulateur de Perdican et son romantisme exacerbé
?

Plan :

Dans un premier temps, nous étudierons la mise en abyme dramatique de cet extrait.

Dans un deuxième temps, nous analyserons l’expression lyrique de l’amour par Perdican.

Enfin, dans un troisième temps, nous comprendrons l’enjeu de ces portraits féminins opposés.

I – Une mise en abyme dramatique (De «Que veut dire cela ?» à «Vous me donnez votre chaîne d’or ?»)

L’extrait s’ouvre sur une situation de triangle amoureux original.

En effet, comme l’indique la didascalie initiale («Camille, cachée, à part»), Camille se trouve sur scène,
observatrice des actions et propos de Perdican.

Elle est donc contrainte à se cacher et à parler en aparté. Le spectateur est donc conscient du procédé
de double énonciation et est complice de cette scène.

Une mise en abyme (procédé de théâtre dans le théâtre) est donc à l’œuvre : Perdican joue son rôle à
l’excès afin de séduire Rosette et humilier Camille.

Les trois interrogations qui vont en gradation (elles sont de longueur croissante) reflètent
l’incompréhension de Camille, sa stupeur, voire son indignation : « Que veut dire cela ? Il la fait asseoir
près de lui ? Me demande-t-il un rendez-vous pour y venir causer avec une autre ? »

La situation est en effet paradoxale: elle se voit confier un rendez-vous pour assister à une déclaration
d’amour qui ne la concerne pas.
Les termes «cela», «la» et «une autre» soulignent la distance qu’elle prend avec Rosette, qui n’est
d’ailleurs pas nommée.

Seule la curiosité motive Camille à assister à cette scène.

La mise en scène orchestrée par Perdican est explicite à travers la didascalie «à haute voix, de manière
que Camille l’entende».

La déclaration est d’emblée une envolée lyrique dans la mesure où elle commence par «Je t’aime,
Rosette !».

Elle est absolue et enflammée, comme l’illustrent la répétition «toi seule» ainsi que le recours à
l’impératif («prends ta part», «donne-moi ton cœur»).

Les propositions juxtaposées suggèrent la passion amoureuse qui anime Perdican.

Cette «chère enfant» apparaît comme la maîtresse de son cœur, et ce, depuis longtemps.

L’expression «voilà le gage de notre amour» affirme l’union de Perdican et Rosette, par l’emploi du
déterminant possessif «notre» qui réunit les deux jeunes gens dans une seule entité que forme le
couple.

Cette expression est suivie par une didascalie hautement symbolique: «Il lui pose sa chaîne sur le cou».

Leur amour est donc scellé par le don de ce bijou, ce qui laisse Rosette interdite, seulement capable de
montrer son étonnement.

Les multiples tirades de Perdican et les brèves répliques de Rosette montrent le décalage entre les deux
personnages : l’un maîtrise l’art de la rhétorique et de la manipulation; l’autre, timide, se contente
d’acquiescer.

II – Le romantisme à l’œuvre ou l’expression lyrique de l’amour (De «Regarde à présent cette bague» à
«Il a jeté ma bague dans l’eau»)

Perdican n’arrête pas sa déclaration au don de ce premier bijou.

L’utilisation de la bague confère à sa tirade une dimension dramatique car il s’agit de la bague de
Camille.

Il continue à mettre en scène sa déclaration, par l’utilisation de l’impératif présent («regarde» utilisé à
trois reprises, «lève-toi»,«rapprochons-nous»)

Tout répond au canon d’une déclaration romantique: la bague, le cadre de la fontaine et par la suite,
l’appel à la Nature comme garante de leur amour.

Sa tirade se poursuit avec deux interrogations rhétoriques mettant en évidence l’harmonie qui les unit:
«tous les deux», «appuyés l’un sur l’autre», «ta main dans la mienne».

Ce jeu tend à la perversité car Camille, certes silencieuse, assiste bien à la scène.

Ainsi, lorsque Perdican jette la bague dans l’eau de la fontaine, le geste a une portée dramatique car le
bijou avait été donné par Camille.
L’envolée lyrique de Perdican se poursuit dans le jeu avec les reflets des deux amants dans l’eau.

Une fois encore, l’accumulation de propositions juxtaposées souligne un rythme particulier, comme si
Perdican se laissait emporter par ses sentiments : « Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui
revient peu à peu ; l’eau qui s’était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands
cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras
enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage : regarde ! »

Perdican décrit les mouvements de l’eau qui font bouger leurs reflets : de nombreux verbes d’action
personnalisent l’image des amants («a disparu», «revient», «reprend son équilibre», «tremble»,
«courent»).

Le présent d’énonciation et les mentions temporelles rendent la scène vivante («peu à peu», «patience,
nous reparaissons», «déjà je distingue», «encore une minute»).

Le lecteur-spectateur assiste à la peinture des reflets mouvants des amants enlacés.

La réaction de Camille, sous forme d’aparté, est un constat amer et bref. L’emploi du passé composé
constate une relation révolue: «Il a jeté ma bague dans l’eau.»

III – Deux portraits féminins antithétiques (De «Sais-tu ce que c’est que l’amour» à fin de l’extrait )

La tirade de Perdican est construite de façon circulaire: à la phrase initiale «Sais-tu ce que c’est que
l’amour, Rosette?» répond, par écho et de façon plus intense, «O Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est
que l’amour?».

Perdican se mue en véritable poète et fait appel aux éléments naturels comme garants de leur amour.

En effet, il mentionne «le vent», «la pluie du matin» qui devient métaphoriquement des perles ranimées
par «le soleil».

Son enthousiasme se traduit par deux serments solennels faits à la Nature («par la lumière du ciel», «par
le soleil que voilà»).

Le lyrisme de Perdican se fait donc grandiloquent afin de persuader son interlocutrice.

Sa déclaration passionnée exprimée à l’exclamative («je t’aime!») est nuancée par une appréhension de
ne pas être aimé en retour: ainsi, les interro-négatives («n’est-ce pas», «on n’a pas flétri» et «on n’a pas
infiltré») soulignent son désir d’amour absolu et réciproque.

Il fait du présent la quintessence de leur amour: «ton sang vermeil», «te voilà jeune et belle dans les
bras d’un jeune homme».

Il accuse de façon sous-jacente l’éducation religieuse – de Camille – de rendre un cœur insensible.

Le choix de Camille d’embrasser la vie au couvent l’oppose radicalement à la jeune Rosette, libre de ses
sentiments, comme le souligne les antithèses disposées en forme de chiasme :

« on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ;
te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. »
Les références au choix de Camille (« sang affadi« , « religieuse » ) sont encadrées par les références à la
jeunesse et à l’amour, façon de signifier que ce choix est celui d’un tombeau.

La réponse de Rosette dénote toutefois son manque de culture et sa maladresse: elle appelle ainsi
Perdican «monsieur le docteur», ce qui rompt l’envolée lyrique de son interlocuteur.

De plus, face à la passion de Perdican, elle semble embarrassée et ne peut répondre que quelques mots:
«je vous aimerai comme je pourrai».

Perdican construit sa réponse en soulignant d’abord leur différence de classe et de culture («tout
docteur que je suis et toute paysanne que tu es»).

Mais le parallélisme vise en réalité à rapprocher les deux jeunes gens, dans un effet de miroir.

Puis, Perdican fait un véritable contre-portrait de Camille.

Cette dernière est présentée de façon péjorative: par l’utilisation de la première expression «ces pâles
statues fabriquées par les nonnes», il souligne implicitement la froideur de Camille créée par son
éducation religieuse.

Ainsi, derrière le pluriel (« ces pâles statues » ), le lecteur-spectateur devine Camille qui a «la tête à la
place du cœur» et qui n’est capable que de «répandre dans la vie l’atmosphère humide de [ses]
cellules».

Il poursuit par le portrait peu flatteur de Rosette, exprimé par la négation («tu ne sais rien», «tu ne lirais
pas» «tu ne comprends même pas le sens des paroles que tu répètes»).

À première vue, Rosette apparaît donc comme une femme inculte, simple.

Rosette, ingénue, est désormais persuadée de l’amour de Perdican; sa fierté se lit dans sa courte
réplique exclamative «Comme vous me parlez, monseigneur !»

La dernière tirade de Perdican qui clôt l’extrait fait un portrait de Rosette et rappelle son manque
d’éducation, puisqu’elle ne sait pas lire.

Mais aussitôt, Perdican oppose à ce constat un savoir supérieur : celui de comprendre le langage de la
nature, comme l’indique l’énumération «ces bois et ces prairies, ces tièdes rivières, ces beaux champs
couverts de moissons, toute cette nature splendide de jeunesse.»

Rosette est donc valorisée par les verbes «tu sais» et «tu reconnais».

Le lyrisme de Perdican se lit dans le fait qu’il serait l’élu de Rosette, comme le confirme le futur à valeur
de certitude dans l’expression «tu seras ma femme» et dans la métaphore «nous prendrons racine
ensemble dans la sève du monde tout-puissant». Perdican dépeint un amour absolu au point de se
fondre dans l’univers.

Conclusion :

Perdican se montre maître du jeu théâtral : c’est lui qui monopolise la parole, c’est lui qui sait comment
faire souffrir Camille sans la nommer.
Pour être persuasif, il use de son lyrisme grandiloquent : son amour est pur, à l’instar de la Nature, et
absolu, comme l’Univers.

Mais en déclarant sa flemme à Rosette, il dresse un portrait de Camille en filigrane.

Il lui reproche ainsi son austère éducation religieuse qui la conduit à fuir ses propres sentiments
amoureux.

La dernière scène de la pièce donnera raison à Perdican : Camille révèle la manipulation à Rosette,
avoue son amour à Perdican, provoquant ainsi la mort de Rosette.

Cette pièce s’inscrit dans la lignée des pièces de Marivaux, comme les Fausses Confidences ou Le jeu de
l’amour et du hasard, où les jeux de cache-cache amoureux ne sont légers qu’en apparence.

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