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Explication linéaire n°2: “Spleen” de baudelaire

Introduction:
Charles Baudelaire se situe à la croisée des mouvements du Romantisme, du
Parnasse et du Symbolisme. Il publie une première fois son recueil intitulé Les
Fleurs du Mal en 1857.Mais le livre fait l’objet d’un procès pour atteinte à la
moralité.
La place du poème est significative : d’une part, ces 4 poèmes sont situés presque à
la fin de la section « Spleen et idéal », ce qui marque la victoire du Spleen sur l’Idéal.
D’autre part, ce poème est le dernier, comme pour insister sur la gravité et la
dimension irrémédiable de ce « Spleen ».

Nous nous demanderons comment Baudelaire transforme le plomb du spleen en


or poétique.

Dans un premier temps nous étudierons d’abord l’installation de l'atmosphère


propice à l'apparition du Spleen. Puis dans un second temps, comment les deux
derniers quatrains (4 et 5) montrent la défaite absolue de l’âme du poète et la
victoire du spleen. Mais paradoxalement nous montrerons aussi que le poète
parvient aussi à faire de ce spleen un objet poétique.

I. L’atmosphère qui suscite l’apparition du spleen:


Strophe 1:
Les termes monosyllabiques du 1er hémistiche rythmés par les allitérations en [p], [b] et
[k] créent un effet de martèlement écrasant (« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un
couvercle » (v.1)). Les noms liés à l’air (« Le ciel », « l'horizon », « le jour ») décrivent un
paysage assombri par le contexte. L'ensemble crée un effet de rapetissement du ciel et
une sensation d’étouffement, un sentiment d'oppression.
« Le ciel » est le sujet des verbes « pese[r] » (v.1), « embrass[er] » (v.3), « verse[r] » (v.4). Il
orchestre l'enfermement.
La métaphore « verse » appliquée au « jour » lui donne un aspect non plus aérien mais
liquide, voire pâteux (sombre) : l'oxymore « jour noir » évoque un poison dans lequel
nous sommes progressivement noyés.Le champ lexical de l’angoisse est donc déjà très
présent dans ce premier quatrain qui ressemble à une plainte funèbre.

Strophe 2:
Du « ciel » (v.1) du premier quatrain, nous passons à la « terre » (v.5) au début du
deuxième : c'est donc une progression du haut vers le bas qui nous est racontée étape
par étape. ». L'espace est non seulement étroit, mais il se désagrège : l’eau décompose les
matériaux puisque ses « plafonds » sont « pourris » (v.8).
Chez Baudelaire, L'espérance est une allégorie spirituelle liée à l'Idéal. Or, la « chauve
souris » qui « se cogn[e] la tête » se trouve, elle, du côté du grotesque. Cette comparaison
de « l'Espérance » avec un animal de la nuit, qui se retrouve pris au piège et veut
s'échapper du cachot est dégradante : on peut parler de registre burlesque .
Le battement des ailes et les chocs contre les parois sont restitués par les allitérations en
[b], [p] et [t]. La « chauve-souris » n'est même plus un oiseau, mais un animal aveugle aux
ailes atrophiées.

Strophe 3:
Après « le ciel » et « la terre », « la pluie » prolonge le mouvement descendant.
. Paradoxalement, nous assistons à l'élargissement spatial de l’effet carcéral avec les
termes : « étalant » ,« immenses traînées », « vaste prison ». On passe donc du « cachot »
exigu à la « vaste prison ». On pourrait croire à une libération mais au contraire, l’effet
carcéral se renforce puisque c’est maintenant la pluie qui trace les barreaux de ce cachot.
Mais on franchit une nouvelle étape dans l'allégorie : l'intériorisation se poursuit
jusqu'au « cerveau ». La pluie, qui rassemble le ciel (strophe1) et la terre (strophe2) par
ses « barreaux » accentue encore l’effet d’emprisonnement étouffant. Il y a là un effet
inverse aux correspondances verticales qui permettaient de s’élever vers l’idéal. Ici les
traits verticaux de la pluie imitant des « barreaux » transforment le monde en une prison
angoissante et sans issue.
La “chauve-souris” est un animal aveugle, les « araignées » sont « muet[tes] » : l'allégorie
foisonne de détails, mais en même temps le poète est progressivement privé de ses
sens. Le spleen, comme les araignées, paralyse la pensée.
II. Une victoire du spleen?
Strophe 4:
Le poème bascule avec le connecteur temporel « tout à coup » qui marque une rupture
brutale avec le silence évoqué dans le quatrain précédent. Le champ lexical du vacarme
surgit brusquement : « Des cloches » devient le sujet de verbes d'action particulièrement
énergiques , « sauter », « lancer » , et sont ainsi personnifiées. Les cloches expriment donc
une douleur atroce comme le souligne l'adjectif hyperbolique « affreux hurlement ».
Les assonances en [i] omniprésentes, font écho à des cris inarticulés, qui échappent à
l'humanité.
Les « cloches » représentent le passage du temps et rythment la vie, du carillon de
l'horloge au glas de la mort, elles sont finalement un symbole de deuil.

Strophe 5:
Le poète n’est plus qu’un débris osseux avec « mon crâne » (v.20) . Cette plainte qui
accompagne la mort n'est entendue par personne comme le souligne la double négation
« sans tambours ni musique ». L'expression « sans tambour ni trompette » est
habituellement employée pour décrire la retraite d'une armée vaincue. En effet, ici, le
combat qui oppose « l'Espoir » et « l'Angoisse » est déjà terminé, comme en témoignent
les participes passés (« vaincu », « incliné ») . Le vacarme, c’était encore la lutte, la
résistance. Après la crise, plus un bruit : c’est la défaite et la mort.
deux allégories signifées par des majuscules (« l'Espoir » et « l'Angoisse ») qui sont mises
en scène très concrètement comme au théâtre.
Le nom « Angoisse » renvoie à une violence physique, morale et même de torture.
L'adjectif « atroce »,annonce le « drapeau noir » final,et est un symbole de la mort. Enfin,
l'adjectif « despotique » confirme qu'il s'agit bien d'une reddition. « L’Angoisse »
victorieuse a pris possession du poète. Et avec les dernier mois du poème mon âme, c est
la défaite totale de l âme du poète et de son esprit.

Conclusion:
Dans ce quatrième « Spleen », Baudelaire retrace la progressive et l’implacable
installation du Spleen : cette invasion concerne d’abord le monde extérieur, associant le
lecteur à cette contamination de l’atmosphère, puis, à la fin du poème, le spleen prend
définitivement possession de l’intériorité mentale du poète. La fin du poème ressemble
donc à une « scène », voire au tableau final d’une pièce de théâtre avant que ne tombe le
rideau, qui nous bouleverse, et par lequel le poète, de cette « boue », à produire du «
beau », de « l’or ».

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