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L'Albatros

Élévation
Correspondances
Ennemi
Le flambeau vivant
L'invitation au voyage
Chant d'automne
Spleen
À une passante
Le couvercle

L'albatros
Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal
Le poème L'Albatros, de Charles Baudelaire, est extrait de "Spleen et
idéal", la deuxième partie du recueil Les Fleurs du mal. Cette partie évoque
l'homme déchiré entre l'aspiration à l'élévation et l'attirance pour la chute,
déchirement à l'origine de la tristesse nommée spleen, indissociable de la
condition humaine et qui finit par triompher.
Ce poème a été inspiré à Baudelaire lors d'un voyage sur un navire qui devait
le mener juqu'aux Indes, mais qui finalement s'est achevé sur l'île Maurice.
L'albatros traduit chez Baudelaire la conscience d'être différent des autres.
Baudelaire a recours à une image très suggestive pour dépeindre sa propre
condition dans une société qui l'ignore complètement. L'image de l'albatros
capturé évoque l'idée d'un être totalement étranger au monde qui l'entoure.
Baudelaire faisait partie de la génération des poètes maudits, c'est-à-dire non
compris par les gens de son époque. Les trois premières strophes concernent
l'albatros tandis que la dernière est dédiée au poète.

Problématique : Il s'agira de découvrir la signification allégorique du poète.


Annonce des axes

I. La parabole du poète oiseau


1. Une double analogie
2. L'élévation

II. Un univers soumis à de fortes tensions


1. Le jeu des antithèses
2. Le jeu sur les sonorités
3. Le mouvement des phrases

III. Les symboles d'une chute


1. Une image symbolique
2. La portée des images

Commentaire littéraire

I. La parabole du poète oiseau

1. Une double analogie

Le poème L'Albatros est fondé sur une double comparaison. L'albatros est
personnifié étant donné que le poète est comparé à l'oiseau. Grâce à un réseau
de personnification, les trois premières strophes comparent l'albatros à un roi
déchu ("roi" vers 6), à un voyageur ailé tombé du ciel. La quatrième strophe
explicite le symbole en faisant du poète, par une comparaison et une métaphore
hyperbolique, un "prince des nuées" (vers 13) aux "ailes de géant" (vers 16). Exilé
parmi les hommes, la vie de l'albatros apparaît donc comme une parabole qui
définit l'existence du poète. Le poète et l'albatros sont associés dans la dernière
strophe et cette association oblige à une réinterprétation : le voyageur ailé
devient le poète, les hommes d'équipage : la foule et les planches : le théâtre
social.
2. L'élévation

- La verticalité, l'aspect aérien. L'albatros est évoqué dans toute sa grandeur


comme le confirme l'enjambement des vers 1 et 2 qui suggère l'immensité des
espaces que l'albatros a à parcourir. Cette notion de grands espaces est
renforcée par l'hypallage du vers 2 ("vaste oiseau des mers" = oiseau des vastes
mers).
- L'aspect sublime : Au-dessus de l'horizontalité médiocre (la société), l'oiseau
donne une impression de majesté, fait de fluidité, comme l'eau sur laquelle
vogue le navire mis en relief par l'harmonie suggestive du vers 4 en "v", "s" et
"f".
- L'isolement, la solitude : Il y a le monde d'en haut et le monde d'en bas et la
communication entre les deux est difficile, voire impossible.
- La situation de la victime : l'albatros mais en même temps, le poète est agressé
par les moqueries des marins (vers 11 et 12) puis par l'archer et les huées (vers
14 15).

II. Un univers soumis à de fortes tensions

1. Le jeu des antithèses

Le poème de Baudelaire donne de l'albatros deux visions radicalement


opposées : autant l'oiseau en vol est un oiseau majestueux à l'allure souveraine
désigné par la périphrase du vers 16 : "les rois de l'azur", autant lorsqu'il se pose
il paraît ridicule :
- les "ailes" du vers 7 qualifiés des deux épithètes "grandes" et "blanches" / "les
avirons" (vers 8).
- la beauté du vers 10 / la laideur du vers 10.
- du vol royal (vers 3), on passe au boitement de l'infirme (vers 12).
Ces oppositions sont soulignées par des antithèses :
- "roi" (vers 6) / "maladroit" et "honteux" (vers 6).
- le "voyageur ailé" (vers 9) / "gauche" et "veule" (vers 9).
- "naguère si beau" (vers 10) / "comique" et "laid" (vers 10) de plus, ici, la rime
intérieure croisée associe encore à l'idée de l'albatros celle d'un animal ayant
perdu son rang et son titre de "roi"
- "infirme" / "volait" (vers 12).

2. Le jeu sur les sonorités


Le jeu sur les sonorités renforce le contraste. La majesté de l'oiseau en vol
est rendue par l'assonance en "en" (vers 1, 2, 4, 13, 14, 16) et l'allitération en "v"
(vers 1, 2, 3, 4). La déchéance de l'albatros se traduit sur le plan phonétique par
une sorte de dégradation et l'assonance en "en" est désormais associée à des
mots dont le sens ou les connotations sont négatives ou péjoratives. Le destin
funeste de l'oiseau est prédit par l'allitération en "s" du vers 4 : "gouffres amers".
La troisième strophe accumule des sonorités qui produisent un effet désagréable
avec l'assonance en "e", assonancedéjà présente dans la strophe précédente
avec "eu" de "honteux" au vers 6, "piteusement" au vers 7, "à coté d'eux" au
vers 8 et l'allitération en "c" et en "gu" comme "gauche" au vers 9 et la
cacophonie "comique et laid" du vers 10. Ainsi, le jeu des sonorités accentue la
différence de l'animal au fur et à mesure du poème ce qui est renforcé par la
disposition en chiasme des sonorités du vers 11.
=> Lien interne : Commenter les allitérations et assonances

3. Le mouvement des phrases

Il prend une valeur descriptive. On notera en particulier :


- Une ample phrase, bien balancée pour présenter l'oiseau en vol dans la
première strophe.
- Une nouvelle phrase dans la deuxième strophe très ample mais cette fois avec
une nuance d'ironie pour présenter l'oiseau posé sur les planches.
- Dans la troisième strophe, une série de trois phrases exclamatives plus courtes,
au rythme plus haché pour traduire la souffrance de l'albatros.
- Dans la quatrième strophe, une phrase en deux parties qui explique la
dimension symbolique de la comparaison avec l'oiseau, il récapitule
l'opposition.

III. Les symboles d'une chute

1. Une image symbolique

L'image de la chute
A prendre au sens physique et au sens moral du terme, la chute du poète oiseau
est suggérée par des images symboliques : perdant la liberté dont il jouit quand
il "hante la tempête" (vers 14). C'est une métonymie du climat pour désigner le
lieu, il est désormais prisonnier des "planches" au vers 5, synecdoque pour
désigner le pont du navire. On note le caractère ridicule de l'oiseau lorsqu'il est
en dehors de son élément car un roi sur une planche, ce n'est pas sa place.
L'anacoluthe des deux derniers vers ("exilé" est au masculin singulier, on attend
donc un sujet au masculin singulier mais on a "ses ailes" qui est au féminin
pluriel) accentue le déchirement du poète entre ses deux vies : celle de la réalité
et celle de l'idéal. L'art est pour Baudelaire une affaire personnelle : le poète ne
se mêle pas au public vulgaire. Leurs cultures sont trop éloignées. Le poète doit
donc s'exiler, être seul et cette singularité s'est cristallisée dans le symbole de
l'albatros.
2. La portée des images

L'albatros est désigné par les expressions suivantes : des périphrases aux vers 2,
3, 6, 9, 13, 19 qui ont toutes une valeur emphatique : de périphrase en
périphrase, c'est tout l'aspect majestueux et souverain qui est déployé. La
dernière strophe développe la comparaison entre le poète et l'albatros. C'est la
même souveraineté dans la solitude mais c'est la même déchéance lorsqu'il
redescend au niveau de l'humanité vulgaire.
La comparaison entre l'oiseau et le poète permet de dégager la
signification allégorique du poème : comme l'albatros, le poète est victime de la
cruauté des hommes ordinaires comme les hommes d'équipage au vers 1 qui ne
sont pas des "indolents compagnons" (vers 9). De plus, les "nuées" du vers 13 /
"huées" du vers 15. Les marins du vers 11 agacent et provoquent l'animal. Le
poète est donc déchiré entre le monde sublime (la poésie) et la vulgarité
dégradante de la société. Bien plus, l'agressivité des hommes qui se manifeste
par les huées de la foule va jusqu'à une volonté de meurtre symbolisée par
l'archer du vers 14. On n'hésitera pas à mettre à mort le poète symboliquement
mais il reste un homme incompris. L'albatros poète se moque des flèches qui ne
peuvent l'atteindre. Il est exilé, c'est-à-dire étranger du milieu dans lequel il vit
et est très mal vu et ses ailes, c'est-à-dire le génie, le gênent.

Conclusion

Selon Baudelaire, la place du poète dans la société est comparée à un


albatros : majestueux dans le ciel, son élément, mais ridicule sur terre et au
contact des hommes. De même, le poète se situe au-dessus du commun des
hommes pour ses poèmes, mais mêlé à la foule, il n'est rien et devient ridicule.
Baudelaire faisait ainsi partie de la génération des poètes maudits, c'est-à-dire
non compris par les gens de son époque.

Ce poème est lié à un moment de sa vie : son voyage (Ile Maurice , famille). Un
ami qui a écrit sa biographie évoque un incident qui se serait produit dans ce
voyage. Des hommes d'équipage aurait torturé un albatros blessé échoué sur le
pont. Baudelaire se serait battu avec un matelot pour faire cesser cette torture.

Forme : les 4 quatrains en alexandrins avec des rimes croisées. Couleur sonore
en « e » qui s'annonce à la fin du poème.

Structure : 2 parties : l'oiseau et le poète. L'adjectif « semblable » fait le lien


d'analogie entre la 3ème et la 4ème strophe.

Albatros 1 à 3

2 visions s'opposent :
Où : 1 à 4
Qui : c'est « le roi de l'azur », « vaste oiseau » « indolent » quand ils sont dans
les airs, ils sont majestueux, grands"
« à peine... que »
4 à 12 : renversement. L'albatros est sur les planches, il est désormais «
maladroit » « honteux ». Il est inadapté à la vie en communauté sur terre aux
côtés des matelots. C'est un oiseau infirme.
Le poète 4

« Prince des nuées »


« planche » « sol »
Le poète devient « exilé ». Peu de lien logique malgré une liaison forte
d'opposition (asyndète = absence de liaison : juxtaposition soulignant un lien
logique fort, souvent l'opposition) Structure très notée avec analogie dans les
strophes 2 e 3 avec à l'intérieur une opposition.

On remarque que l'évocation, la description de l'oiseau correspond au double


regard du poète.

1ère strophe :
Le titre se caractérise par son article défini qui a une valeur généralisante.
Baudelaire est partie d'une expérience unique qu'il élargit à la condition des
albatros et à la condition des poètes. La 1ère strophe nous montre l'albatros
dans son domaine.
(v1) : souvent / pour s'amuser / les hommes d'équipage
(v2) : 6/6 ; (U3)4 : 3/3/3/36 ; (v4) : 6/6

Ce qui caractérise l'ensemble de son rythme : le premier vers connaît une


accélération comme un oiseau prenant son envol, puis les autres vers qui
évoquent aussi bien le vol ample de l'albatros avec sa coupe et ses ailes
régulières, et le rythme régulier du bateau sur les eaux. Cela met en valeur sa
majesté, son aisance.
Baudelaire joue sur la syntaxe, qui contribue au rythme « indolent compagnon
de voyage » et « vaste oiseau des mers » sont des GN ici en opposition. Elle
joue le rôle de retardement de la relative. « Qui suivent ». On attend le COD. La
structure syntaxique crée un ralentissement qui correspond au vol de l'oiseau,
qui vit sans se presser, indolent. Cela crée des effets de suspension, de pauses.
Ce vol nous est aussi rendu sensible par les sonorités. 5 nasales « en, on, an »
qui suggère des sons amples. Allitération « v » et « s » qui suggèrent le
glissement. L'envergure importante des albatros permet de tenir pendant les
tempêtes l'infini. Cela nous suggère implicitement la majesté des poètes. «
indolent » : lent, nonchalant .

Baudelaire aime cette attitude un peu paresseuse du chat mais aussi chez la
femme. Car cette attitude s'oppose à l'agitation de la société où l'on commence
à adorer l'argent.
Valeur symbolique des « gouffres amers » l'eau salée mais aussi ce monde du
spleen qui risque d'engloutir le poète.

Le rapport entre l'albatros et les hommes : v2 : « prennent ». Les albatros sont


en réalité prisonniers des hommes, d'un point de vue symbolique cela prépare
au poète prisonnier de la foule qui ne le comprend pas.
L'homme apparaît ici cruel, insensible à la beauté du poète. La foule est
insensible, pour la plupart, à la beauté, symbole de la société tournée vers
l'argent, l'utile.

2ème strophe :
Voici l'albatros prisonnier des hommes. Les éléments qui accentuent la dualité
de l'albatros :
« A peine que » : mutation rapide.
« monter sur les planches » : théâtre, lieu où l'on va être exhibé, montrer avec
connotation négative. 1er sens des planches du pont : métonymie (figure de
substitution) Synecdoque (la partie pour le tout).
« déposer » polysémie: mettre, poser à terre. Mais le CO « roi » change le sens.
Le roi est détrôné « déposer un roi » : lui retirer sa souveraineté. Les oiseaux
perdent leur majesté sur le sol.
De « grands » et de « majestueux », ils deviennent « piteux » et « maladroit ».
On a un chiasme (v.6-7 » :; accentue le contraste en mettant des images
négatives en opposition à son passé, ils sont en déchéance.
Cette opposition est accentuée par le (v8) : ces ailes deviennent des « avirons
». Il rame ; c'est une avancée pénible qui demande de l'effort. L'albatros, au
contact des autres est déchu ' « traîner ».
Le symbole sous-jacent : quand le poète sera au contact des hommes, il perdra
sa noblesse.

3ème strophe :
Royauté par la suite. Elle va faciliter l'analogie, elle accentue le côté victime de
l'albatros.
Dans le 2ème vers, on retrouve « ce », on passe d'une généralité au cas unique
d'un seul oiseau et du voyageur. « Ce voyageur » qui introduit la
personnification de l'albatros et des phrases exclamatives qui montrent bien la
présence du locuteur.
Le côté maladroit de l'albatros se retrouve dans la syntaxe (v9) « comme il »
caractéristique de la voie orale. A l'écrit on n’en reprend pas le sujet par un
pronom. Le côté oral correspond à cette dégradation. L'expression aussi a
perdu sa noblesse par des tournures familières. Allitérations en gutturales qui
suggèrent le brûle - gueule sur le bec.
Cette strophe permet la transition et souligne bien la dualité de l'albatros. C'est
une strophe très expressive avec la présence du locuteur sensible dans les
souffrances que subit l'oiseau : le poète.

4ème strophe :
Les albatros deviennent poètes « les rois de l'azur » , « le prince des nuées » :
ciel d'orage, de tempête dans lequel se meurt le poète, comme le poète dans le
spleen. « se rit de l'archer » : il s'en moque, il est intouchable. « archer » : sous
l'ancien régime, l'archer représente l'officier de police et de justice.
Dans sa jeunesse, Baudelaire était suivi par un tuteur et Il avait à faire avec la
justice. On voit ici le poète dénonçant et essayant de prendre ses distances par
rapport à cette société. Mais le poète, loin des hommes, est obligé de remettre
les pieds sur terre.
« exilé » il est inadapté à la société des hommes
« ailes de géants » désigne sa poésie, sa capacité à s'élever vers l'idéal.
Le poète est maître de sa création mais c'est justement cela qui lui est un
handicap. Il sait voler mais ne sait pas marcher. Il est gêné par cette société
matérialiste.
« nuée », « tempête » influence du romantisme. Baudelaire va passer 20-30
1ère années dans l’art romantique. Il va être un fervent défenseur du
romantisme jusqu'à ce qu'il le dépasse.
Les 2 derniers vers montrent l'autre aspect du poète incompris et inadapté au
monde des humains du fait de sa grandeur, de son art. Cette inadaptation est
rendue par un procédé syntaxique.
« exilé » devrait être opposé au sujet de la phrase. Il y a rupture de
construction (=anacoluthe). « Ses ailes ».
Rupture qui a un effet stylistique : elle vient souligner le décalage qu'il y a entre
le poète et les autres hommes.
Dans cette assimilation du poète à l'albatros, elle n'est pas totale, même s'il y a
les ailes : il n'est pas ridicule, mais simplement victime de l'incompréhension.

On apprécie l'unité des images. L'incompréhension, le poète refoulé, bafoué


par la foule + le désir d'élévation.

Elévation
Baudelaire - Les Fleurs du mal

Élévation est un poème de Charles Baudelaire, il est le troisième de la


section «Spleen et Idéal» du recueil Les Fleurs du mal publié en 1857.
Forme du poème
Élévation est un poème composé en cinq quatrains d’alexandrins. Les
rimes embrassées créent un effet d’attente dans ce poème à tonalité
lyrique. La valeur de protection que ces rimes suggèrent confirme que le
poète ne se sent exister que dans cet « air supérieur » qui le protège de
l’imperfection du monde ici-bas, ce « monde rêvé » où il « cherche ce que
la réalité ne peut lui offrir », pour reprendre les termes de Gérard de Nerval.
Baudelaire, précurseur du symbolisme respecte dans cette œuvre la forme
classique des poèmes, bien que les poètes symbolistes soient plutôt portés
sur l’innovation: vers impairs, inégaux et libres.
Définition du titre
L’élévation peut être définie de différentes façons:
* L’élévation est un mouvement d’ascension, c’est l’action d’atteindre un
niveau plus élevé.
* L’élévation est aussi définie comme le moment de la messe suivant la
consécration où l’hostie et le calice sont élevés par le prêtre.

Thèmes du poème
Le poème traite de plusieurs thèmes propres au symbolisme tels que le
dégoût de la société, la nature, l’évasion, la recherche de l’Idéal et le
Spleen.
Le dégoût de la société
Le dégoût de la société est un thème récurrent dans le poème, il est
désigné implicitement comme étant un agent causal du désir d’évasion et
du Spleen.
Plusieurs figures de style permettent d’entrevoir cet aspect du poème:

«Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides»


Une métaphore désignant la société et l’existence humaine du poète,
comme étouffants tels des miasmes.

«Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse»


Le poète qualifie par la métaphore «brumeuse» sa vie comme étant difficile
à comprendre et incertaine.

«Ennui», «Chagrin»,«Existence brumeuse», «Poids».


Le champ lexical du chagrin accentue l’impression de nécessité du départ
tant l’ennui est vaste.

Désir d’évasion
L’évasion est la façon d’atteindre l’Idéal.
«Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées, Des montagnes, des bois,
des nuages, des mers»
L’accumulation des termes «montagnes» «bois» «nuages» «mers»,
accentue le désir de libération, le désir de s’envoler au-dessus de tout.

«Par delà le soleil, par delà les éthers,


Par delà les confins des sphères étoilées»
L’anaphore «Par delà», souligne le désir de s’éloigner le plus loin possible
à une distance telle où il se trouverait plus haut encore que l’infinité.

La Recherche de l’Idéal
L’idéal purifie, rend l’être qui l’atteint meilleur et plus heureux.
Les multiples comparaisons montrent l’aisance du poète lorsqu’il se trouve
dans cet idéal:
« (…) Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde(…)»
« Celui dont les pensées, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor(…)»
«(…)Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.»

L’être dans l’Idéal est supérieur,car il perçoit plus que le commun des
mortels:
«(…)[Il] comprend sans effort Le langage des fleurs et des choses
muettes!» L’idéal serait atteint par la poésie, car seul le poète est apte à
déchiffrer les symboles.

Le Spleen/L’élévation incomplète
Bien que l’élévation soit décrite de façon abondante, elle ne semble pas
être atteinte par l’auteur. «Heureux celui qui… », est deux fois répété.
L’emploi du pronom démonstratif «Celui», révèle que l’auteur ne se voit pas
comme l’être qui a atteint le bonheur par l’Idéal.

L’exclamation finale laisse entrevoir le désespoir du poète lorsqu’il voit


l’Idéal qu’il ne peut pas atteindre: «Le langage des fleurs et des choses
muettes!»

Introduction

Elévation est le troisième poème de la section "Spleen et Idéal" de Les Fleurs du


Mal de Charles Baudelaire, après l'Albatros, qui relate la chute du poète et le malaise
qui le prend a vivre chez les hommes du commun, voilà le poème inverse. Le titre est
polysémique : l'élévation est l'action de s'élever, le mouvement d'ascension ; le
résultat de cette action, la supériorité dans le voce liturgique, le moment de la messe
ou le prêtre éleva l'hostie. Ce poème, composé de cinq quatrains d'alexandrins aux
rimes embrassées, met en scène le mouvement d'élévation du poète qui vit dans un
monde de duel en connaissant une libération permise par le langage poétique.
Annonce des axes

I. Le mouvement d'élévation
II. Un monde duel
III. La libération permise par le langage poétique
Commentaire littéraire

I. Le mouvement d'élévation

- La structure du poème
Les deux premiers quatrains de Elévation forment une phrase avec dans Q1
(quatrain 1) des compléments de lieu qui évoquent la nature terrestre puis la nature
céleste (introduites par les locutions "au-dessus" et "par-delà" repesées), et dans Q2
la principale avec adresse à "mon esprit". Les rimes de ces deux quatrains sont
importantes : Q1 "vallées" et "mers" représentent le bas tandis que "éthers" et
"étoilées" représentent le haut => on note une opposition de sens mais un
rapprochement par la rime; Q2: "agilité" et "volupté" représentent l'abstrait tandis
que "onde" et "profonde" représentent le concret => renforcement du sens avec
l'embrassement des rimes. Q3 continue cette adresse avec une exhortation à
poursuivre ce mouvement puis avec les deux derniers quatrains, nous avons une
généralisation sur le bonheur du poète dans ce moment: après l'exhortation, c'est la
réflexion sur l'envol avec le passage à la deuxième personne du singulier … la
troisième.

- L'envol
Champ lexical du mouvement "au-dessus", "par-delà", "meus", "agilité"‚ "sillonnes",
"envoie-toi", "va", "air supérieur", "aile vigoureuse" (métonymie), "s'élancé", "vers
les cieux", "libre essor", "plane sur la vie".
Cet envol est aussi évoqué par l'allitération du [m] dans Q3 ("miasmes morbides",
"comme", "limpides") qui montre la lourdeur du monde terrestre, par l'assonance de
[eu] dans Q4 ("brumeuse", "heureux", "peut", "vigoureuse", "lumineux") qui montre
la legato acquise par le poète.
==> un mouvement progressif qui part de la réalité terrestre et qui s'en éloigne
progressivement; la courbe dynamique d'un être qui réussit un arrachement
libérateur "loin" des contingences matérielles, de l'ici-bas.

II. Un monde duel

On note une opposition entre le spleen et l'idéal.


SPLEEN / IDÉAL
- Le monde de la matière: "miasmes" / Le monde de l'esprit: "esprit", "indicible"
- Le monde de l'ombre: "bois", "montagnes", "nuages" / Le monde de la clarté:
"soleil", "éthers", "onde", "air", "limpides", "lumineux ", "feu clair"
- Le monde du désespoir: "ennuis", "vastes chagrins" / Le monde de l'espoir et du
plaisir: "sereins", "heureux", "gaiement", "mâle volupté"
- Le monde de l'impureté: "chargent de leur poids" / Le monde de la pureté:
"purifier", "pure et divine", "immensité", "profonde "

⇒ Dans l'écartèlement entre le monde terrestre, terrain du spleen et le monde


aérien de l'idéal, le poète arrive peu à peu à se libérer des contraintes terrestres
pour accéder au bonheur, à montrer son aisance dans la vie ailleurs, et ce, grâce à
l'écriture poétique.

III. La libération permise par le langage poétique


- Le rythme poétique au vers 1, le rythme renforce le parallélisme entre les deux
parties du vers, construites sur la répétition de la locution "au-dessus", cette
répétition met en valeur les différents éléments du vers. De nombreux
enjambements marquent l'envol (vers 7-8, vers 15-16, vers 19-20). La diergol du
vers 10 (purifier) soutient l'élan et agrandit l'espace.

- Les comparaisons:
Elles ont pour rôle d'appuyer le monde de l'idéal : vers 6 "comme un bon nageur"
pour l'esprit ; vers 11 : "comme une pure et divine liqueur" pour le feu; vers 7 :
"comme des alouettes" pour les pensées. Ce monde de l'idéal est marqué par les
sensations‚ réelles et concrètes : la nage, la boisson et la vue des oiseaux.
Symbole de l'alouette : par sa façon de s'élever très rapidement dans le ciel ou de se
laisser brusquement tomber, cet oiseau est un médiateur entre la Terre et le Ciel ;
son envol le matin représente la joie manifeste de la vie, l'élan de l'homme vers la
joie; c'est un oiseau de bonne augure.

- Une activité spirituelle:


Champ lexical : "mon esprit", "les pensers", "comprend" impératifs dans Q3.
L'altitude amplifie l'intelligence du poète, son rapport...
La réalité: il peut alors interpréter tous les symboles, les mystères : "comprend sans
effort / Le langage des fleurs et des choses muettes" vers l9-20, retrouver les
correspondances et servir de messager parce qu'il est libéré des contraintes
terrestres (l'adjectif attribut "heureux" est mis en valeur par l'inversion au vers 15),
l'isolement du distique final avec le tiret montre l'allégement du réel au profit de
l'immatérialité des signes du langage.

Conclusion
Apres la chute douloureuse et humiliante de l'Albatros, le poète change de
situation et découvre le bonheur du mouvement qui symbolise la vie (après
l'immobilisation forcée sur le navire des hommes d'équipage). Ce bonheur est
physique et spirituel, le poète est tout-puissant. Le poème Elévation, qui se trouve
au début de la section qui a trait à la condition du poète, est une profession de foi.
Le mouvement du poème, des mots correspond au mouvement de l'esprit.

Correspondances
Baudelaire
Les Fleurs du mal

Introduction

Appelées aussi « synesthésies », les Correspondancesdésignent les rapports


entre le monde matériel et le monde spirituel. D’après Charles Baudelaire, seuls les
artistes savent déchiffrer le sens des analogies qui permettent de passer du monde
des perceptions à celui des idées.
Annonce des axes
I - Un texte qui montre l'homme face à la nature
A - Prédominance de la nature sur l’homme
B - Confusions de l’homme par rapport à la nature
C - La nature envoie des signaux que l’homme doit déchiffrer
II - Un texte qui met en évidence l'esprit des sens
A - Relevé des 5 sens
B - Synesthésie
C - Influence de l’esprit sur les sens

Commentaire littéraire

I - Un texte qui montre l'homme face à la nature

A - Prédominance de la nature sur l’homme

- vers 1 : métaphore "La nature est un temple" : connotation religieuse


- thème de l'intégralité du quatrain : la nature et l'homme

B - Confusions de l’homme par rapport à la nature

- champ lexical de la confusion


- antithèse "vaste comme la nuit et comme la clarté"

C - La nature envoie des signaux que l’homme doit déchiffrer

- comparaisons : faire comprendre la nature à l’homme par des choses qu’il connaît
déjà

II - Un texte qui met en évidence l'esprit des sens

A - Relevé des 5 sens


- vue ("observent, regards familiers, couleur")
- ouïe ("longs échos, sons")
- toucher ("doux")
- odorat ("parfum, ambre, musc, benjoin, encens")
- goût ("parfums frais, chair d’enfant")

B - Synesthésie

- vers tétramétrique (vers 8) : solution du problème


- parfum : mot avec lequel correspondent les 5 sens

C - Influence de l’esprit sur les sens

- vers 14 : chute du sonnet "transport de l’esprit et des sens"


Conclusion
Le poème Correspondances de Charles Baudelaire est un dialogue entre
l’homme et la nature. Selon Baudelaire, la nature détient le pouvoir de transporter
l’esprit et les sens de l’homme.

Introduction :

Quatrième poème des Fleurs du Mal. Dans l'Albatros et Elévation, Baudelaire fait état
de deux mondes parallèles: celui de "l'azur" qui correspond à "l'idéal", au céleste et
celui des humain, terrestre fait de sensations. Cette théorie, qui rappelle la théorie de
Platon sur les idées, est reprise dans Correspondances. Baudelaire analyse les moyens
d'établir une communication entre ces deux mondes, rôle du poète. Pour cela, deux
types d'analogies sont suggérées: les corresqpondances verticales (monde
terrestre/monde supérieur) et horizontales (entre les différentes sensations. Le poète
semble y jouer le rôle de "déchiffreur de symboles".

Les deux quatrains énoncent la théorie des correspondances tandis que les deux
tercets l'illustrent. Ainsi, en même temps qu'il expose sa théorie, Baudelaire la met en
pratique.

Nous étudierons ce poème en trois parties correspondant au découpage du sonnet:

I. Premier quatrain
II. Deuxième quatrain
III. Les deux tercets

Premier quatrain
Il est construit sur l'équilibre homme/nature
temple, piliers CL du religieux et nature: lieu privilégié de la
description de la nature communication mystique
+ évocation par analogie des avec le divin
arbres et de la voûte des
feuillages
confuses paroles épithète qui connote le nature lieu intermédiaire
symbole à déchiffrer + verbe: mais aussi signifiant
message
vivants piliers adjectif édifiant l'homme et la nature
appartiennent au vivant et
leur communication doit être
possible (le terme de
correspondances renvoie,
chez les mystiques aux
rapports entre les règnes)
l'homme noter la position symétrique les V 1,2: la nature
en début de vers avec La les V 3,4: l'homme
nature
passe connote le provisoire l'homme n'agit pas sur la
nature: statut de récepteur
non d'émetteur
temple, pilier... forêts de métaphore filée verticalité et message:
symboles + reprise explicite des correspondances
confuses paroles (nature mystique)
qui l'observent sujet: nature la nature émet et l'homme
reçoit
objet: l' (l'homme)
regards familiers épithète complicité une relation bienveillante
s'établit
paroles, regards auditif, visuel le lien passe par deux types
de perceptions
Deuxième quatrain
prolonge le premier en le précisant...
échos, sons, répondent progression vers un langage le déchiffrage du symbole du
compréhensible plus confus au moins confus
comme de longs échos... une quatrain construit sur deux Parfaite cohésion de
ténébreuse et profonde unité, comparaisons imbriquées l'ensemble: analogies entre
vaste comme la nuit + ponctuation légère perceptions sensorielles
etcomme la clarté...les elles-mêmes comparables à
parfums, les couleurs et les ds correspondances entre les
sons se répondent éléments de la nature (échos,
confondent)
Comme de longs échos qui KDLKKDLKD harmonie imitative: échos
de loin se confondent O ON O ON ON qui répètent l'idée des
correspondances
Allitérations
+ assonances
ténébreux, nuit, clarté, échos, interactions sensations correspondances horizontales
sons auditives et visuelles
Les parfums, les couleurs et reprise de la correspondance liens entre les sens
les sons se répondent précédente + sensation
olfactive ajoutée + verbe + mise en valeur de la phrase
d'interaction + seul vers non clef de la théorie des
coupé à l'hémistiche correspondances
strophes 1 et 2 nombreux pluriels diversité, richesse des
symboles
nature / temple association symboliques + impression générale d'unité,
clarté / nuit unité de totalité et de cohérence
unité dans la diversité

(remarquer en + la régularité
des alexandrins 6/6 sauf vers
8)
Les tercets
illustrent la théorie des synesthésies (correspondances horizontales entre les sensations)...
Il est comparaisons qui établissent la polysémie de l'adjectif
des parfums fraiscomme des la technique des permet de passer de sens en
chairs d'enfants, correspondances sens: odorat, toucher, ouïe,
Doux comme les vue
hautbois,verts comme les comparé - adjectif
prairies polysémique - mot de +
liaison- comparant
connotations: innocence,
pureté (enfants), harmonie
musicale (hautbois), nature
printanière (prairie)
corrompus, riches et connotation morale + autre type de suggestion:
triomphants opposition aux parfums renvoit à une spiritualité
précédents + (reprise du rapport
sensibilité/spiritualité )
termes appréciatifs et même (surtout?) les parfums
dépréciatifs "corrompus"! = les fleurs du
mal (sens 1)
l'ambre, le musc... et l'encens connotent l'exotisme des suggestion de plus en
plus complexes, raffinées...
Ayant l'expansion des choses diérèse ex/pan/si/ion insistance sur la puissance
infinies suggestive de ces parfums
+

épithète hyperbolique un pouvoir de suggestion


illimité
Qui chantent les transports de transports: intensité des on retrouve la théorie des
l'esprit et des sens. sentiments correspondances: les sens
provoquent par l'intensité des
l'esprit et les sens: alliance perceptions l'accès au
réactualisée spirituel

Conclusion :

Poème fondateur de la poétique de Baudelaire (et à terme du mouvement


symboliste), Correspondances réussit le tour de force d'exposer une théorie tout en la
mettant en pratique. Il s'agit de déchiffrer les symboles que nous transmet la nature
afin d'accéder à un univers supérieur (spirituel). Pour cela, il faut accepter l'idée
d'une mobilisation des sens en synergie.

Au-dela de la théorie, on trouve l'exotisme, la pureté et la corruption... autant de


thèmes omniprésents dans les Fleurs du Mal.

Introduction :
Le sonnet des "Correspondances" est la pièce IV de la première section de l'oeuvre
"Les Fleurs du Mal" intitulée "Spleen et Idéal". Ce poème est essentiel dans l'oeuvre
car on en fait souvent le point de départ du Symbolisme (au sens étymologique, le
symbole est un signe de reconnaissance). Ce sonnet comporte une des clefs de la
poésie baudelairienne : la nature. Elle joue un rôle d'intermédiaire entre l'humain et
le divin. Le poète la déchiffre grâce à sa sensibilité, alors que l'homme ordinaire
perçoit les mystères du monde mais ne possède pas les instruments du
déchiffrement.
• Annonce du plan : la théorie des correspondances est énoncée dans le premier
quatrain, détaillée dans le second, puis illustrée dans les tercets par des
exemples.
I) PREMIER QUATRAIN
"La nature est un temple où de vivants piliers"
• Le poème s'ouvre sur une métaphore : "temple". C'est un espace sacré (en
latin, templum est un espace délimité à l'intérieur duquel les devins et les
prêtres pouvaient voir les hospices). La nature est donc mystérieuse.
• La métaphore se prolonge ensuite avec la personnification des "piliers". L'unité
du monde est ainsi représentée par les images superposées de la Nature,
univers végétal, et du temple, architecture de pierre au caractère sacré. La
métaphore est celle de la "forêt-cathédrale", fréquente dans le courant
romantique (cf. "Le génie du christianisme", 1802, Chateaubriand). En effet,
les forêts ont été les premiers temples de la divinité, et les hommes en ont
repris leur architecture dans leurs constructions : la verticalité des arbres et
les "vivants piliers" forment ainsi une analogie.
• L'expression "La Nature est un temple" exprime une idée d'unité. Baudelaire
désigne ici un univers qui existe derrière les apparences. Le grand thème
baudelairien développé est donc celui de la quête de l'unité.
"Laissent parfois sortir de confuses paroles"
• La nature délivre des messages sibyllins et mystérieux qui ne peuvent être
interprétés par des initiés. Le rapprochement des termes "paroles" et
"symboles" connote l'impossibilité du langage. C'est une création poétique à
double accès, à la fois caché et curieux. Le poète déchiffre donc des signes.
"L'homme y passe à travers des forêts de symboles"
• L'homme est ici présenté comme un voyageur provisoire. Mais dans cette vie
de voyageur réceptif, il est l'objet des observations de la Nature, vivante et
personnifiée, nous en donnant ainsi une vision panthéiste. Le poète associe
concret et abstrait par l'expression "forêts de symboles".
"Qui l'observent avec des regards familiers"
• Le terme "familiers" est le lien entre l'homme et la nature. En effet, la Nature,
vivante, peut être perceptible à l'homme (C'est la philosophie de la
Renaissance).
II) SECOND QUATRAIN
"Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sens se répondent."
• Ce second quatrain est un prolongement du premier par la reprise de
messages et d'analogies. Par exemple, le lien entre l'homme et la nature se
note par deux types de perceptions : les perceptions auditives ("confuses
paroles") et les conceptions visuelles ("regards familiers").
• La reprise du terme "échos" par le terme "sons" au début du quatrain et le
terme "répondent" à la fin soulignent l'existence d'un langage de la Nature.
• Ce quatrain est construit sur une comparaison : le comparant est le vers 5 et le
comparé le vers 8. Les quatre vers sont donc indissociables, d'autant plus
qu'aucune ponctuation forte n'est présente, celle-ci qui est normalement
indispensable aux comparaisons du poète. Cette expression exprime l'unité
des perceptions. Le langage de la Nature aboutit à une unité symphonique,
une harmonie, mais qui n'est pas logique. Le poète exprime d'ailleurs
l'unification des sensations par l'assonance en [on], voyelle sourde et nasale.
• Les termes "ténébreuse" (pour le vulgaire) et "profonde" (pour le poète) sont
identiques. L'expression "profonde" montre que le poète comprend ces
analogies, et les interprète. Il unifie les sensations reçues par la "nuit" et la
"clarté" car elles donnent un sentiment d'immensité, qui est souligné par le
terme "vaste".
• Le vers 7 présente une antithèse formée par une nouvelle comparaison, qui
est englobée par un effet d'encadrement. Celui-ci est souligné par les rimes
embrassées de la strophe.
• Au vers 8, le thème des correspondances énumère ce qui relève de l'ouïe, de
l'odorat et de la vue, et affirme l'existence d'une analogie entre les différents
registres des sensations.
III) LES DEUX TERCETS
"Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants."
• Les deux tercets constituent l'illustration de la deuxième strophe, avec
l'apparition des théories des correspondances horizontales entre les
sensations. Les correspondances verticales reflètent le monde divin (idée de
Platon). Dans les correspondances horizontales, les différents sens trouvent
l'un par l'autre de subtils renforcements.
• Dans ce premier tercet, on note deux étapes dans l'illustration de la théorie
des correspondances. Toutes les deux sont consacrées aux parfums. Les
perceptions olfactives sont dominantes. En effet, l'approche du monde par les
odeurs joue pour Baudelaire un rôle essentiel. Les perceptions permettent au
poète d'entrer dans un monde de sensations et de compréhension
analogique. La sensibilité et l'esprit, par l'intelligence, sont mis en éveil.
• L'expression des analogies passe par le schéma suivant : élément comparé,
adjectif polysémique, mot introducteur de la comparaison, élément de
référence. Par exemple "Il est des parfums" (élément comparé), "frais"
(adjectif polysémique), "comme" (mot introducteur de la comparaison), "des
chairs d'enfants" (élément de référence). Notons que la reprise de la sonorité
dans les deux hémistiches, les assonances en [ai] et [f] donnent une musicalité
au vers. Il s'agit d'une comparaison tactile (frais / chairs d'enfants) assez
originale.
• La première comparaison, qui est attendue, est faîte par la musique et la
couleur. Baudelaire essaie d'établir un lien avec les sensations et suggère une
sensation par une autre, grâce à la métaphore ("Doux" : adjectif polysémique,
"vert" : impression visuelle et affective).
• Les tercets sont reliés entre eux par un distique. Il y a une antithèse entre les
termes "frais" et "corrompus". Le terme "corrompus" est un caractère moral
où le rejoignent l'abondance et la plénitude. Ainsi, les parfums violents
éveillent l'âme à l'univers et la luxure, et à une perte dans l'infini.
"Avant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens."
• Vers 13 : "L'ambre" et "le musc" sont d'origine amicale alors que "le benjoin"
et "l'encens" sont d'origine végétale. Ils apparaissent dans une perspective
platonicienne, un mode d'accès sensible à l'infini.
• Vers 14 : Le terme "chanter" désigne l'euphorie de celui qui accède à ce
monde. Le terme "transports" désigne l'élévation de l'âme. "L'esprit et des
sens" exprime une inspiration sensuelle et spirituelle. Le poète est comparé
aux mystiques qui découvrent l'unité du monde.
Conclusion :
Fondant ses inquiétudes profondes et ses aspirations esthétiques dans une
métaphysique, Baudelaire donne la formule de la poésie moderne : charme et clé du
monde, plaisir et connaissance. Le rôle du poète est de découvrir les affinités
nouvelles dans l'infini des correspondances possibles, afin de faire éprouver aux
hommes l'unité de l'univers. Ce texte peut être rapproché à "Voyelles", poème de
Rimbaud.

L'ennemi
Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal
Introduction

Le temps est l'une des plus obsédantes composantes du spleen de Charles


Baudelaire(« L'horloge », « le goût du néant »). Omniprésent, étouffant, il se révèle
douloureusement à chaque étape de la vie en y imposant un bilan désespérant.
Lapersonnification, l'utilisation de la majuscule et de l'article défini font de lui, par
excellence, le monstre que l'homme doit craindre. Le temps entretient avec l'homme
et en particulier avec le poète (qui se met en cause personnellement dans le texte)
des liens de domination quasi vampirique et le maintient dans un état d'aliénation qui
brise toute espérance et toute forme d'inspiration.

Le poème L'ennemi, tiré du recueil Les Fleurs du mal, souligne qu'il est donc
doublement redoutable sur le plan humain et sur le plan poétique.

Le sonnet est construit sur une métaphore filée :


- Premier quatrain : La jeunesse est comparée à un été bouleversé par les
vicissitudes du temps.
- Deuxième quatrain : Le bilan négatif de la maturité, qui est comparée à
l'automne. On note l'annonce de la mort.
- Premier tercet : Espoir d'un renouveau qui s'apparente au printemps.
- Deuxième tercet : démenti catégorique : la présence destructrice du temps
s'oppose à tout développement et à toute croissance nouvelle (=l'hiver).

Annonce de l'analyse linéaire

Analyse linéaire

Premier quatrain

Il se compose de deux parties complémentaires délimitées par la ponctuation (vers


1-2 et vers 3-4). A l'évocation de la jeunesse fait suite un bilan décourageant.
La caractérisation de la jeunesse passée : la jeunesse est présentée comme
ponctuée par une alternance d'ombre et de lumière (« çà et là », « ténébreux »,
« brillant »). Cette alternance est métaphoriquement celle de l'espoir et du
désespoir, des élans vers l'idéal et du poids du spleen.
Le bilan décourageant est souligné par le passé composé « on fait » (vers 3) et par
la proposition de conséquence. C'est le résultat d'une jeunesse orageuse. La
métaphore se poursuit dans l'image du jardin (la vie) dévasté et presque
entièrement dépouillé de ses productions comme en automne.
L'idée d'alternance soleil / pluie est soulignée par la ponctuation forte (« ; » et
« . »).

Deuxième quatrain

Il s'ouvre sur une constatation résignée qui apparaît comme la conséquence (« Voilà
que », vers 5) sur le plan de la pensée de la première strophe. C'est un résultat
donné en deux étapes successives (« voilà que »... « et que », vers 5 et 6).
Il fait apparaître une suite chronologique (l'automne après l'été). L'image du jardin
est prolongée et aggravée (dévastation et nécessité de réparation).
L'utilisation de termes concrets (« pelle », « râteaux ») et l'accumulation des images
font de cette strophe une illustration visuelle des désastres du temps.
Ces désastres préfigurent la mort, comme le suggère la comparaison du vers 8 («
comme des tombeaux ») : la vie et l'inspiration sont ravagées par le temps.

Premier tercet

Il suggère une hypothèse (« et qui sait ») qui apparaît comme un élan d'espoir. Cet
élan prend appui sur les images de la strophe précédante dans le cycle des saisons,
l'automne, puis l'hiver associé à la mort, font espérer le renouveau du printemps («
fleurs nouvelles », vers 9).
L'enchaînement des images conduit à une interprétation qui se situe sur le plan de la
nature (« automne », « eau », « sol lavé », « fleurs nouvelles »).
L'enchaînement des symboles (saisons = représentation symbolique des étapes de la
vie) conduit à considérer les « fleurs nouvelles » comme le printemps des idées, c'est
à dire un renouvellement de l'inspiration après une purification qui s'apparente à un
rite. Le « mystique aliment » prend alors une valeur religieuse, « les fleurs »
évoquant le titre d'un recueil (Les Fleurs du Mal).

Deuxième tercet

Il apporte un démenti catégorique qui s'exprime en deux temps :


L'expression de la souffrance : le premier hémistiche du vers 12 est un double cri du
désespoir, peut-être une invocation suppliante (« Ô douleur ! ô douleur ! »).
L'action dévorante et irrémédiable du temps : le temps est assimilé à un monstre : il
est enfin nommé alors qu'il était omniprésent dans la métaphore des saisons puis
désigné par une périphrase (« l'obscur Ennemi », vers 13) qui insiste sur son
hostilité et sur le caractère caché de son action.
Celle-ci, exprimée sous forme d'images réalistes et horribles (« mange la vie », «
ronge le cour ») est restée présentée comme l'action d'un parasite dévastateur.
Il se nourrit (« croît et se fortifie », vers 14) des forces vives de l'être humain et
peut être en lui, par la destruction de l'aliment mystique toute possibilité
d'inspiration nouvelle.

Conclusion
L'ennemi est révélateur du spleen Baudelairien, de l'angoisse qui étreint le poète,
quand il constate les ravages du temps sur son organisme. Grâce à l'art, il met en
forme ce malaise existentiel, ce qui constitue une manière de l'exorciser.
L'écriture apparaît alors comme un remède à l'usure du temps et au dégoût de soi
qu'inspire au poète sa dégradation progressive : l'art permet d'opposer la résistance
de l'intelligence à la force corrosive de la nature. Le poète survit alors par sa parole.

LE FLAMBEAU VIVANT

Introduction
« Le Flambeau vivant » est un sonnet qui appartient à ce qu’on appelle
traditionnellement « le cycle de Madame de Sabatier », l’une des principales muses
de Baudelaire avec, entre autre, la fameuse Jeanne Duval. Il est d’ailleurs intéressant
de noter que la teneur des poèmes dédiés à Madame de Sabatier diffère grandement
de celle des œuvres écrites pour Jeanne Duval. Cette dernière, en effet, est une « belle
d’abandon », séduisante et insaisissable, qui enivre et trouble le poète. Madame de
Sabatier, au contraire, est perçue comme une madone salvatrice et lumineuse. Le titre
du poème que nous allons étudier suffit pour s’en convaincre : la métaphore initiale
désigne les yeux d’une muse bienfaitrice qui irradie littéralement le poète. La femme
pourrait-elle ainsi incarner le fameux « Idéal » baudelairien ? (problématique) C’est ce
que nous allons tenter de prouver à travers notre étude. Après avoir évoqué l’éloge
d’une femme solaire, nous chercherons à identifier les raisons d’une telle admiration.
Nous nous pencherons enfin sur l’attitude du poète vis-à-vis de son « ange gardien ».
I/ Eloge d’une femme solaire
a) Un éloge poétique sous forme de blason
– Le sonnet de Baudelaire reprend la forme traditionnelle du « blason », très
courant dans la lyrique amoureuse (chanter une partie du corps de la femme, c’est
évidemment la célébrer). Ici, il s’agit pour le poète de dédier ses vers aux yeux de
Madame de Sabatier. Le titre le suggère d’emblée avec le recours à la métaphore du
« flambeau vivant » (répétée de plus au vers 8 sous forme renversée « vivant
flambeau »). Dans le corps même du poème, les yeux sont directement nommés, à
deux reprises : « ces Yeux » (v.1) et « Charmants Yeux » (v.9). Notons au passage la
présence de la majuscule qui signale d’emblée l’admiration du poète à leur égard. Ce
choix d’un blason consacré aux yeux de la femme aimée est
particulièrement topique de la poésie amoureuse : les yeux sont généralement
considérés comme « le miroir le d’âme », ils constituent une sorte de passage entre le
monde du dehors (physique) et le monde du dedans (psychique).
– Tout le poème est construit sur la double description de ses yeux féminins (une
description physique et une description de leur effet sur le poète). On peut citer par
exemple le vers initial « ces Yeux pleins de lumières » (description physique, visuelle)
et « Ils conduisent mes pas » (v.6).
– Les yeux de la femme sont sans cesse personnifiés (= on leur prête des
caractéristiques humaines) : ils « marchent » (v.1), ils chantent. Autant d’indices qui
permettent de les considérer, bien évidemment, comme métonymiques de la femme
(= le poète évoque la femme à travers l’un de ses aspects, ici, ses yeux).

b) Une femme supérieure


– Non seulement le poète célèbre la Femme, mais il en souligne le caractère
éminemment supérieur, quasi divin. Il suffit pour s’en convaincre de repérer les
nombreux termes qui ont trait auchamp lexical de la divinité ou de la religion :
« Ange » (v.2, avec une majuscule), « divins » (v.3 et mis en exergue grâce à sa place
au niveau de la césure) ou encore « mystique » (v.9, = relatif au mystère de la foi). La
femme apparaît ainsi comme une déesse, voire une Vierge biblique qui inonderait le
poète de sa Lumière bienfaisante.
– En effet, tout le poème est fondé sur l’évocation de la luminosité constitutive
de la Femme : « flambeau », « lumières » (v.1, avec un recours au pluriel très
signifiant), « feux diamantés » (métaphore du v.4), « vous brillez » et « clarté » au
vers 9, « jour », « le soleil » (v.11), « flamme » ou encore « Astres » (v.14). Le sonnet
est ainsi saturé par le champ lexical de la lumière ce qui, là encore, confère à la femme
un caractère surnaturel et divin. En effet, la lumière est symbole de supériorité, aussi
bien dans la Bible que dans la mythologie antique : « Phoebus/ Apollon » signifie « le
brillant », Dieu dans la Bible s’exclame « Fiat lux » (= que la lumière soit », etc.

c) Une évolution signifiante au sein même du poème


– On note une dynamique au sein même du poème : la femme semble croître en
puissance et en supériorité au fil des vers. Ainsi ses yeux, « pleins de lumières » au
vers 1, deviennent « divins » au vers 3. Dans le premier quatrain ils « marchent »
devant le poète et le « conduisent » dans la seconde strophe.
– Autre évolution signifiante dans les deux tercets : le poète évoque d’abord « le
soleil » (au vers 10) qui ne peut éteindre la flamme des « cierges ». La présence du
déterminant article défini (« le ») signale le caractère unique de l’astre (et pour cause,
il n’y a, aux dernières nouvelles, qu’un seul soleil). Pourtant, dans le second tercet, le
vocable change légèrement : il s’agit non plus d’évoquer l’effet du soleil sur des
cierges, mais le rapport de supériorité de la femme : « Astres dont nul soleil ne peut
flétrir la flamme ! » (v.14). Ainsi, la singularité du soleil est oubliée : quand bien même
il y en aurait plusieurs, aucun n’aurait suffisamment d’éclat pour concurrencer la
brillance des yeux féminins (et, à travers eux, la femme dans sa totalité).
– Dernière évolution signifiante : la rupture énonciative au sein du poème. On
passe dans les deux premiers quatrains à une description, les yeux sont évoqués à la
troisième personne du pluriel puis, dans le sizain, le poète passe à l’apostrophe
« Charmants yeux, vous brillez » (v.9) comme si, à force de l’évoquer, le poète voyait
devant apparaître devant lui, en pensée, la femme aimée. La magie opère. D’absente,
la femme devient présente. Cette rupture est liée à la forme même du sonnet(rappel :
le sonnet est une forme à effet, le passage des quatrains au tercet s’effectue
généralement par un changement ou un renversement, ce qui est parfaitement
le cas ici.)
II/ Une femme-guide salvatrice
a) La femme-guide
– La femme est très clairement envisagée comme un guide pour le poète, comme
en témoigne surtout l’omniprésence du champ lexical du mouvement : « ils marchent
devant moi » (v.1), « devant mes yeux » (v.4), « Ils conduisent mes pas » (v.6) ou
encore « Vous marchez » (v.13)
– Cette impression est évidemment renforcée par les nombreuses références à
la lumière, symbole s’il en est du guide. Cf. = l’étoile du berger, la lumière divine au
bout du tunnel, le buisson ardant vers lequel se dirige Moïse dans l’Ancien Testament,
etc. Baudelaire reprend à son compte une imagerie bien connue, à la fois populaire et
littéraire. (NB : dès que cela est possible, ce genre de références élargissantes est le
bienvenu dans vos travaux, aussi bien pour l’oral qu’à l’écrit, dans le commentaire
composé et la dissertation)

b) Un guide moral proche de la figure christique


– La lumière peut être interprétée de différentes façons dans ce poème. Dans un
premier temps, elle apparaît métaphorique de la pureté de la femme. Une pureté
spirituelle qui n’est pas sans rappeler la figure du Christ, des Anges ou encore, et de
manière plus pertinente ici, de la Vierge Marie.
– On le note en particulier dans le vers 5 « Me sauvant de tout piège et de tout
péché grave » : le terme de « péché » renvoie à la parlure biblique tandis que le
participe présent « sauvant » peut faire écho à la rédemption offerte par Dieu. Pour
poursuivre sur l’analogie biblique, on pourrait dire que le poète est une sorte de brebis
égarée qui retrouve sa voie grâce à la figure féminine. Cela paraît d’autant plus probant
qu’on trouve au vers 2 une référence à « un Ange » (un ange gardien ?) qui semble
avoir transmis à la femme son pouvoir. (Rappel : ce genre d’interprétations religieuses
est tout à fait permis dans la poésie baudelairienne, vous pouvez ainsi rappeler, lors
de votre commentaire à l’oral, la section des Fleurs du mal intitulée « La Révolte »
dans laquelle on retrouve des personnages bibliques incontournables comme Saint-
Pierre ou encore Abel et Caïn.)

c) Une muse poétique


– La lumière, c’est aussi la métaphore de l’inspiration poétique et de la muse. La
femme dans le sonnet joue également ce rôle puisque ses yeux « conduisent » les
pas du poète « dans la route du Beau » (vers 5). Ils lui permettent ainsi de créer, du
point de vue artistique. D’autres termes appuient cette interprétation, comme les
références nombreuses aux chants « charmants » (v.9, rappel : « charme » vient du
latin carmen qui signifie « le chant ». Baudelaire, excellent latiniste, connaît cette
étymologie et l’exploite à de nombreuses reprises dans ses poèmes), « vous chantez »
(v.12) et « vous marchez en chantant » (v.13). La femme est pareille à une sirène à
ceci près que son chant ne tue pas, il donne la vie, il réveille l’inspiration du poète « le
réveil de mon âme » (v.13).
– Et pour cause, la femme est belle (et sa beauté ne peut qu’inspirer le poète) :
le sonnet, rappelons-le, est consacré à ses yeux, d’une brillance époustouflante. Ils
sont même comparés à des diamants (v.4) et dépasse en éclat le soleil.
– Grâce à sa beauté, la femme est donc bel et bien une muse. C’est en ce sens
qu’on peut (entre autre) interpréter le titre : « Le Flambeau vivant » : la femme « passe
le flambeau », elle est un agent de transmission, elle insuffle au poète la grâce
poétique dont il a besoin.
– L’inspiration poétique prouvée dans le poème même : c’est peu dire, lorsqu’il
écrit ce sonnet, Baudelaire est inspiré et certains procédés d’écriture témoignent de
cette richesse de la création poétique qui se déploie sous les yeux du lecteur : notez
par exemple le recours à la rime léonine (= deux syllabes ou plus en commun entre
les termes à la rime). Ex : « aimantés »/ « diamantés », rime d’autant plus intéressante
qu’elle joue de plus sur une inversion de lettres ce qui, visuellement, rend les deux
mots encore plus proches !

III/ Les sentiments nobles du poète


a) Un amour incommensurable
– Première évidence (mais je vous rappelle que l’évidence à, dans une moindre
mesure, toujours sa place dans un commentaire de texte) le poète est amoureux de la
femme. Outre l’éloge auquel il s’adonne, on le repère aussi au sein même du texte
avec la reprise du motif traditionnel de la flamme pour évoquer métaphoriquement
l’amour : « feux » (v.7), « flambeau » (titre + v.8), « flamme » (v.11 et 14). La plupart
du temps, la « flamme » renvoie à un amour-passion, qui consume et qui brûle les
ailes (voir par exemple dans Phèdre, de Racine). Ce qui est intéressant ici, c’est que
Baudelaire récupère la métaphore courante mais en modifie légèrement le sens : la
flamme, dans ce cas précis, n’a rien d’une flamme qui brûle. Les flammes de l’amour
ne proviennent pas d’un quelconque enfer (c’est parfois le cas chez Baudelaire) mais
ont quelque chose de divin, de pur et de bienfaisant.

b) Une douce soumission


Face à pareil « être de lumière », le poète ne peut que se soumettre, se laisser guider
en toute confiance. La femme est ainsi présentée « devant [lui] » (v.1), ouvrant le
chemin. Plusieurs expressions font ainsi allusion à la soumission du poète : « Tout
mon être obéit » (v.8) ou encore au vers précédent : « Ils sont mes serviteurs et je suis
leur esclave ». Attention ici à l’interprétation : a priori, le vers signale une certaine
réciprocité entre la femme et le poète, chacun obéissant à l’autre mais il n’y a pas
équivalence entre les termes : « serviteurs » renvoient à un service libre, volontaire (la
femme est au service du poète, elle est sa muse et son guide) tandis que l’ « esclave »
n’est pas libre. Faut-il en conclure pour autant que le poète est malheureux dans sa
condition d’esclave ? Non, évidemment, il se fait esclave parce qu’il a une confiance
totale en la femme qu’il aime. C’est la raison pour laquelle il serait bon de parler de
« douce soumission ».

c) Une admiration hyperbolique, à l’image du pouvoir thérapeutique de la


femme sur le poète

– La femme apparaît bel et bien dotée d’une sorte de pouvoir thérapeutique dans
ce sonnet : elle détourne le poète des « cierges brûlant » (v.10), symbole de la veillée
funèbre, pour réveiller son âme et le conduire vers le Bien et vers le Beau. Un tel
ascendant positif provoque évidemment amour, soumission mais aussi admiration.
– Cette admiration s’illustre notamment par le recours massif aux tournures
hyperboliques dans le poème : « pleins de lumières » (v.1), « très savant » (v.2), « tout
piège » et « tout péché » (v.5), « Tout mon être » (v.8) ou encore le final « Astres dont
nul Soleil ne peut flétrir la flamme » (avec une belle allitération en [f]).
– Impression ainsi créée : la femme est TOUT pour le poète.
– Vous pouvez aussi relever l’assonance en [an] qui martèle l’intégralité du
poème : « devant », « ange », « sans », « aimantés », « secouant », « devant »,
« diamantés », « sauvant », « vivant », « flambeau », « charmant », « brûlant »,
« chantez », « chantant » : la répétition constante d’un même son traduit peut-être ici
l’obsession du poète pour la femme, une obsession qui n’a ici rien de négatif (par
opposition à « Sed non satiata » ou au « Serpent qui danse ».)

Pistes pour une conclusion : Poème éminemment positif de Baudelaire (ceux-là se


comptent sur les doigts de la main) et qui témoigne du pouvoir salvateur de la femme
qui incarne très clairement ici le fameux « idéal » de Baudelaire et fait office de miroir
d’un monde supérieur autrefois connu (cf. l’esthétique baudelairienne). Vous pourriez
ouvrir sur la poésie surréaliste du XXème siècle (qui se réclame en partie de
Baudelaire) et dans laquelle on retrouve l’esthétique du blason : « La courbe de tes
yeux », Eluard ou « Enigme » d’Aragon.
L'invitation au voyage
Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal

Introduction

L'Invitation au voyage est extrait de Spleen et Idéal, première partie des Fleurs
du mal, de Baudelaire.
Poème inspiré par Marie Daubrun : l'amour est ici spirituel et non sensuel.
Il ne s'agit pas d'un voyage mais d'une promesse de voyage épanouissant le rêve.
Composition originale : 3 strophes séparées par un refrain, heptasyllabes et
pentasyllabes : le poème présente une forte musicalité.
Commentaire littéraire

I. Des tableaux

- Un triptyque (tableau en 3 parties)


femme paysage : 1ère strophe
Un intérieur : 2ème strophe
La ville : 3ème strophe

II. Un lieu magique

- Imaginaire, souhait de voyage


- Le lieu est idéal parce qu'imaginaire.
- Correspondance entre la femme aimée et le paysage qui permet une évasion
- Lointain, chargé d'exotisme
- Parfait : concilie les contraires (calme-voluptés; charme-traitres yeux...)

III. Un balancement jusqu'à l'idéal

- L'impression de paix et de tendresse est suggérée par les sonorités douces en


"on" et les allitérations en "m".
- Bonheur des sens (lumière, paysage; sensation de chaleur (vers 39, 40);
voluptés).
- Plénitude : 3ème strophe : présent de l'indicatif ---> bonheur atteint
recherche d'un état parfait: vers 25,26: harmonie parfaite entre
homme et âme
- Une dilatation du temps et de l'espace : on ne sent pas le temps (vers 4 : "aimer
à loisir").
Conclusion
Pour Baudelaire, imaginer le voyage suffit puisqu'il s'agira d'un voyage idéal. Pour
imaginer ce voyage, la présence de la femme est nécessaire. Le poète considère ici
une femme très proche de son coeur et de son esprit. Baudelaire est toujours à la
recherche d'un art de vivre dans lequel les sens sont importants et l'esthétique
aussi.

Annexe : étude préliminaire


1ère strophe : Invitation au voyage
Comparaison entre la femme et le paysage
2ème strophe : Description de la chambre
3ème strophe : Paysage de ville

Chaque distique (composé de 2 vers) comporte 5 syllabes, c'est un pentamètre ou


pentasyllabe. Il y a aussi une heptasyllabe (7).
Vers 23 : " orientale " à Diérèse (prononcer une syllabe en 2 temps).
L'emplacement des diérèses (V10, V23, V38) prouve la régularité des rythmes. Les
mots illustrent l'exotisme, illustrant le pays.
Les heptasyllabes embrassent des distiques de pentasyllabe. Les heptasyllabe sont
des rimes féminines (e muet).

ETUDE DE LA 1ère STROPHE :

- V1-2 : riche, " s ", " eu " et " r ". Masculine. Autres sons : " on " et " a " ce qui
renforce la rime.
- V 3-6 : riche, " s ", " en ", " b " et " l ". Féminine
- V 4-5 : suffisante, " i " et " r ". Masculine
- V 7-8 : riche, " ou ", " ill " et " é ". Masculine
- V 9-12 : riche, " a ", " r " et " m ". Féminine
- V 10-11 : suffisante, " i " et " eu ". Masculine
- V 13-14 : suffisante, " t " et " é ". Masculine

ETUDE DE LA 2ème STROPHE :

- V 15-16 : suffisante, " z " et " en ". Masculine


- V 17-20 : riche, " en ", " b " et " r ". Féminine
- V 18-19 : suffisante, " eu " et " r ". Masculine
- V 21-22 : suffisante, " f " et " on ". Masculine
- V 23-26 : riche, " t ", " a " et " l ". Féminine
- V 24-25 : suffisante, " r " et " es "

ETUDE DE LA 3ème STROPHE :

- V 29-30 : pauvre, " au ". Masculin


- V 31-34 : suffisante, " on " et " d ". Féminine
- V 32-33 : suffisante, " i " et " r ". Masculine
- V 35-36 : suffisante, " ch " et " an ". Masculine
- V 37-40 : riche, " i ", " é " et " r ". Féminine
- V 38-39 : riche, " d ", " o " et " r "
REPETITIONS DE SON :

- 1ère strophe : " on ", " en ", " a ", " aimer ", " i ", " eu ", " é ", " s ", " m ", " l ", " t
" et " r ".
- 2ème strophe : " d ", " m ", " eu ", " an ", " l " et " r "
- 3ème strophe : " é ", " au ", " d ", " l ", " a ", " s ", " canaux " et " monde ".

ENJAMBEMENTS :

- V 15-16-17
- V 2-3
- V 7-8-9

Tous les vers de L'invitation au voyage s'enchaînent sans qu'il n'y ait de rejet
et de contre-rejet ce qui renforce l'harmonie. L'harmonie est aussi
accentuée par des vers courts sans césure (coupure).

INTRODUCTION
"L'invitation au voyage", poème constitué de trois strophes entrecoupées d'un
même distique répété trois fois, fait partie de la section "Spleen et idéal" du
recueil les Fleurs du Mal, que Baudelaire publie en 1857. Ce poème, composé
en vers hétéromètres, est supposé avoir été écrit pour sa muse, Marie Daubrun,
une actrice dont les "yeux verts" ont longtemps hanté les textes baudelairiens –
devenus ici de "traîtres yeux" (vers 11). Comme souvent dans la poésie
baudelairienne, le corps de la femme est prétexte à rêverie : dans ce texte, c'est à
un rêve de voyage que la vision du corps féminin amène le poète.
En quoi le voyage immobile auquel se prête le poète décrit-il l'idéal baudelairien
?

Après avoir considéré l'amour de la femme comme point de départ de la rêverie,


nous considèrerons le thème du voyage, mobile et immobile, dans le poème. Ce
voyage permet à Baudelaire d'exprimer sa vision d'un idéal, comme l'indique la
sous-partie du recueil dans laquelle le texte s'inscrit.
NB. Cette problématique et ce plan sont bien entendu des propositions, qui visent
à aider l'élève dans sa compréhension du travail de Baudelaire, dans sa
préparation du commentaire de texte, ou encore de l'oral de baccalauréat.
Il est donc tout à fait possible d'évoquer le texte sous un autre angle, en
envisageant des axes de lecture différents. De même, ils ne permettent pas de
décrire les différents aspects du texte dans toute leur exhaustivité.
LA FEMME ET LE DESIR DE VOYAGE
C'est la muse du poète, en ce cas précis Marie Daubrun, qui déclenche le rêve
du voyage.

LE POINT DE DEPART A LA REVERIE


Ce voyage n'est pas effectif : il s'agit d'une "invitation", comme l'indique le titre ; et
donc à la fois d'une suggestion et d'une invocation.
Cette invocation s'adresse à une femme, comme on le voit lors de la double
apostrophe du premier vers : "Mon enfant, ma soeur". L'usage du pronom
possessif "mon", ainsi que de deux termes évoquant une famille que le poète n'a
jamais eu (Baudelaire n'avait ni enfant, ni soeur), montre assez l'affection, la
proximité qu'entretient le poète avec la femme qu'il veut faire voyager.

L'usage de l'impératif ("Songe" v. 2, "Vois" v. 30) suggère l'insistance du poète,


qui veut entraîner la femme dans un voyage onirique ; tout comme le ton laudatif
ou encore l'anaphore et l'hyperbole que présentent les vers 3 et 4 ("Aimer à loisir
/ Aimer et mourir"), avec le caractère définitif porté par l'usage de l'infinitif,
suggèrent la persuasion dont veut faire preuve le poète.

L'INTIMITE
Le poète entretient une relation intime avec la femme aimée. Cela se comprend
dans l'alternance des pronoms personnels de la première et de la deuxième
personne du singulier dans la première strophe ("mon", "ma" v. 1, "te", v. 6, "mon"
v. 9, "tes" v. 11, etc) ; ainsi qu'à travers l'adverbe "ensemble", suivi d'une
exclamation (v. 3). De même, l'alternance des rimes masculines et féminines des
premiers vers évoque l'intimité d'un couple.
Le champ lexical onirique, mais aussi la mention de la chambre avec le pronom
possessif "notre" au vers 17 suggèrent l'intimité sexuelle, tout comme les
mentions des "rares fleurs" (v. 18), le champ lexical de l'odorat ("odeurs",
"senteurs") ou encore la mention de la "langue" au vers 26, qui s'entend d'abord
dans le sens de "langage", mais qui prend également la forme d'une syllepse de
sens (double sens) pour évoquer la bouche aimée.

LA FEMME-MONDE
La femme aimée est non seulement le point de départ du voyage onirique
qu'entreprend le poète, mais aussi sa destination : "Au pays qui te ressemble !"
(v. 6). Aussi le poète n'hésite-t-il pas à faire une analogie entre des paysages et
les yeux de la femme, analogie basée sur la brume du ciel pour l'un des
comparés, et causée par les larmes pour l'autre : "Les soleils mouillés / De ces
ciels brouillés / Pour mon esprit ont les charmes / De tes traîtres yeux" (v. 7 à 9).

De même que le voyage rêvé du poète se subordine à la femme, le monde se


subordine à elle : le poète peint à sa muse le tableau d'un monde qui serait à ses
pieds. Ainsi, du vers 32 au vers 34, il prétend que les "vaisseaux" sont venus du
bout du monde pour subvenir aux besoins de la femme : "C'est pour assouvir /
Ton moindre désir / Qu'ils viennent du bout du monde".
Le champ lexical de la totalité, qui marque la fin du poème en particulier, rappelle
la totalité de la femme, et nous renvoie à son importance dans l'univers
baudelairien : "tout" (v. 24), "ton moindre désir" (v. 33), "bout du monde" (v. 34),
"la ville entière" (v. 37), "le monde" (v. 39).

VOYAGE MOBILE, VOYAGE IMMOBILE


Ce voyage, auquel le poète invite la femme aimée, est un voyage certes rêvé,
mais qui donne lieu à une description très vivante.

UN VOYAGE ONIRIQUE
Le voyage, dans ce poème, est paradoxal : s'il est le thème principal du texte, il
est pourtant un voyage rêvé, non précisé. Il s'agit d'un voyage immobile, qui se
fait au travers d'un rêve : l'onirisme est prégnant.
Il se manifeste à travers un champ lexical : "songe" (v. 2), "chambre" (v. 17) ;
mais aussi à travers l'idéalisme qui s'exprime dans le distique répété à trois
reprises, sous forme d'épanadiplose ("Là, tout n'est qu'ordre et beauté / Luxe,
calme, et volupté").

Le caractère non accompli du voyage se comprend également à travers l'usage


du conditionnel dans la deuxième strophe ("décoreraient" v. 17, "parlerait" v. 24).
L'aspect "mystérieux" (v. 10) des espaces à découvrir va également dans le sens
de l'onirisme. La diérèse souligne l'adjectif.

UN AILLEURS FLOU
L'onirisme du voyage se développe dans la description très peu précise,
absolument floue, des lieux que les voyageurs seraient amenés à visiter.
Ainsi, aucun toponyme n'est mentionné. Au contraire, de nombreuses sortes de
paysages se succèdent, sans logique : des "champs", des "canaux" (répété, v. 29
et 37), la "ville" (v. 37), mais aussi la mer, suggérée par des termes comme
"vague" (v. 20, adjectif qui peut constituer une syllepse de sens – s'entendre dans
les deux sens). La seule indication géographique pointe vers l'est, point cardinal
vers lequel le jeune Baudelaire avait entrepris un voyage forcé en 1839 : le poète
évoque ainsi la "splendeur orientale" (hyperbole) au vers 23. A noter que
l'orientalisme était une mode à la moitié du XIXème siècle, quand Baudelaire
rédige son recueil.

L'atmosphère des paysages se caractérise par son manque de visibilité : "Les


soleils mouillés / De ces ciels brouillés" : notez ici l'adjectif "brouillé", qui évoque
la brume à travers une métaphore, ainsi que l'oxymore "soleils mouillés", et le jeu
d'allitérations en consonnes liquides, imitant le bruit de l'eau.

UNE PEINTURE VIVANTE


Bien que ce voyage soit un voyage immobile et rêvé, la peinture que le poète en
fait est avant tout vivante. Le procédé de l'hypotypose (tableau animé) est ainsi
utilisé dans les deuxième et troisième strophes : le tableau que fait le poète des
endroits visités durant le voyage est animé, mouvant, vivant.

La personnification de certains éléments décrits vient soutenir cette hypotypose,


le plus souvent au moyen de verbes d'action : "mêlant" (v. 19), "parlerait" (v. 24),
"dormir" (v. 30), "dont l'humeur est vagabonde" (v. 31), "Ils viennent du bout du
monde" (v. 34), etc.
La comparaison des paysages au corps féminin est un autre moyen de rendre
vivante la description : vers 7 à 11.

L'AILLEURS IDEAL
Ce voyage rêvé est l'occasion pour le poète d'évoquer ses idéaux.

UN TABLEAU LAUDATIF
Tout d'abord, le ton choisi par le poète est extrêmement laudatif. Les champs
lexicaux qui le marquent en sont de bons exemples : champs lexicaux de la
lumière, de la beauté, de la richesse, de l'exotisme, de la sensualité.
Le ton généralement enthousiaste, rythmé par les exclamations, tient également
de la description méliorative ; tout comme l'usage des superlatifs ("les plus rares
fleurs" v. 18).

L'abondance d'épithètes dans la deuxième strophe souligne le caractère positif


de la description.
UN TABLEAU COMPLET
Cette abondance d'épithètes nous rappelle également que le tableau qui est créé
par le poète est un tableau complet : il décrit dans les moindres détails, puis
résume sa description par l'adverbe totalisant "tout" au vers 24, mais aussi à
chaque début du distique ("Tout n'est qu'ordre et beauté (...)").
L'usage des pluriels ("leurs odeurs" v. 19, "vagues senteurs" v. 20, "Les riches
plafonds / Les miroirs profonds" v. 21 et 22, etc) ramène encore à une description
totale, de même que la diversité des paysages évoqués (cf. II), et aussi la
mention des sens (ouïe – "parlerait", vue, odorat – "fleurs", "odeurs").

UN TABLEAU MUSICAL
Le voyage imaginé l'est sur un ton très musical, la musique étant une thématique
très importante de la poétique baudelairienne (cf. Poème "la Musique").
Ainsi, les jeux sur les sonorités (paronomase aux vers 7 et 8, par exemple, ou
encore sonorités similaires des vers 18 et 20) réveillent une tonalité musicale du
texte, déjà rendue évidente par la répétition de trois distiques, au moyen d'une
épanadiplose : "Là, tout n'est qu'ordre et beauté / Luxe, calme, et volupté". Ce
rappel constant de deux vers, qui contrastent par leur brièveté avec le reste des
strophes, évoque évidemment la structure d'une chanson populaire, avec son
alternance couplets / refrain.
De même, le rythme des vers est absolument musical : le choix de l'hétérométrie,
et de l'alternance entre pentasyllabes et heptasyllabes, n'empêche pas le poète
de conférer une certaine régularité à son texte : les diérèses (v. 10 et 11 par
exemple) venant toujours rattraper un pied manquant.

LA SOMME DES IDEAUX BAUDELAIRIENS


L'ailleurs, évoqué de manière extrêmement positive, est donc l'occasion pour le
poète de rappeler ses idéaux, qu'il égrène dans les distiques constituant
l'épanadiplose : "Là, tout n'est qu'ordre et beauté / Luxe, calme, et volupté". Ces
vers, plus qu'une énumération, présentent une accumulation des idéaux
baudelairiens.
L'ordre
Rappelons-nous que Baudelaire classifiait soigneusement ses poèmes ! C'est le
cas évidemment dans le recueil les Fleurs du mal : les sous-parties contiennent
des poèmes classés selon les thèmes évoqués.
La beauté et la volupté
La beauté et la volupté féminines sont deux grands idéaux baudelairiens, qui lui
valurent notamment sa condamnation pour outrage aux bonnes mœurs lors de la
publication des Fleurs du mal. Ils s'expriment notamment dans le poème, à
travers des évocations déjà relevées (I).

Le luxe
Le luxe, la richesse, l'opulence, est une obsession de la poétique baudelairienne.
Elle peut s'expliquer par la biographie du poète, qui a toujours été dépendant
financièrement de sa famille (mise sous tutelle par son beau-père, l'officier
Aupick).

Le calme
Le calme, l'apaisement, qui reviennent comme des leitmotivs dans une poésie
qui est, par accès, torturée, se comprend ici dans le rythme apaisé des vers, ainsi
qu'à travers l'imagerie évoquée (canaux, bateaux, chaleur du soleil, etc).

CONCLUSION
C'est à travers la femme, point de départ et destination à la fois, que Baudelaire
peut rêver un voyage immobile, qui lui permet d'évoquer ses plus grands idéaux
de poète. Cette thématique du voyage onirique, mais aussi du voyage lié à
l'évocation sensuelle du corps féminin, se retrouve dans d'autres poèmes du
recueil, à l'instar de "Le Serpent qui danse" ou de "la Chevelure".

Chant d'automne
Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal
Introduction

Chant d'automne a été publié en 1857 dans la section "Spleen et Idéal"


recueil Les fleurs du Mal de Charles Baudelaire.

Thèmes :
- Spleen et Idéal
- Amour
- La mort
- Les saisons

Chant d'automne est constitué de 7 quatrains, avec des vers en alexandrin,


et des rimes croisées. Le poème est en 2 parties majeures (I et II).
Analyse linéaire du poème

- Au premier mot, on apprend que quelque chose va arriver.


- Nous plongerons : le poète attire l'attention du lecteur.
- La première strophe avec ses mots ténèbres, Adieu, et chocs funèbres
laissent penser à la mort.
- vers 4 : ce vers montre une image du bois que nous utilisons pour le
chauffage, une image qui représente l'hiver.
- A la 2ème strophe, le saut soudain, le passage de l'automne à l'hiver est
très rapide, et inattendu.
- Vers 5-6 : enjambement.
- Ces mots représentent l'humeur caricaturée de l'hiver, la vision de cette
saison où il fait froid et mauvais (exemple : haine - peur de la maladie, ou
horreur - la mort…).
- Labeur dur et forcé : On a l'impression de travailler plus et quand on finit il
fait nuit, il faut gagner assez pour se payer le bois…
- Enfer polaire : oxymore ; le soleil est chaud, lumineux mais l'hiver, bien
que toujours là, la chaleur et la lumière n'atteint plus les hommes, arrêtée,
enfermée par le froid.
- Vers 8 est la première allusion à l'amour.
- Vers 9 : chaque bûche qui disparaît dans le feu, c'est de l'argent qui part,
de la chaleur en moins.
- Vers 10 : métaphore au vers 9 qui compare la mort d'une pendaison, le
bruit du claquement de la tête et de la corde quand elle se tend est pour le
poète le même bruit de la bûche qui tombe pour brûler. C'est dû à
l'importance que prend un morceau de bois ; il est non seulement la chaleur,
mais la vie.
- Les vers 11 et 12 sont une autre métaphore de l'esprit de Baudelaire qui
dit ressembler à une tour (forme de l'homme) qu'on abat avec des coups
(coups durs de l'hiver ; peuvent être moraux, financiers,…).
- Cette métaphore continue à la strophe suivante ; le choc devient
monotone, trop habituel, sans oublier la mort si présente (cercueil).
- Durant ces dernières strophes, on se croyait en hiver, mais ce n'est que
l'automne : montre combien le temps est long, avec le souvenir de l'été et
l'appréhension de l'hiver.
- La deuxième partie nous semble incohérente au départ, avec le mot
J'aime, douce beauté… mais le mot mais et amer établi la relation avec la
première partie du poème.
- Ni le boudoir, ni l'âtre : Métonymie.
- Vers 19 et 20 : Baudelaire remet les pieds sur terre et laisse le spleen
s'installer à la place de l'Idéal, perdu dans son malheur et cherchant
quelque réconfort que la femme ne peut lui donner, car il a besoin de cette
chaleur de la nature ; le soleil, donc l'été.
- Vers 22 : Appel au secours, de besoin d'aide.
- Mère : besoin d'amour maternel, besoin d'affection et protection.
- Amante : Besoin de passion, de plaisir.
- Sœur : complicité.
- Ephémère : Besoin d'un moment qui casse la monotonie.
- Ce dernier quatrain, plein d'exclamation est comme une révolte, et un
dernier espoir vers le beau temps.
- La tombe attend… : A nouveau la mort, proche tout au long du poème.
- Les 3 derniers vers sont encore une recherche désespérée vers la femme
puis le beau temps (…rayon jaune et doux…).

Conclusion

Dans le poème Chant d'automne, on peut remarquer deux grandes "forces"


montées l'une contre l'autre : le spleen et l'idéal, ou plus mystique, Eros
(amour) et Thanatos (mort). D'où Thanatos, fils de Nyx (la nuit) et Hypnos
(le sommeil) prend une forme très importante dans le poème.
Le titre, Chant d'automne est un chant plaintif, demandant de l'aide contre
l'hiver, le malheur, l'horreur…

Plan d’analyse :
Axe 1 : Le spleen baudelairien
1 – Par la sensation
2 – Par l’émotion
Axe 2 : Le spleen par la fuite du temps, la déception et le regret
1 – La fuite du temps
2 – Le regret et l’évocation de la mort
- Introduction :

Ce poème est le 56ème des "Fleurs du Mal" et est inspiré par Marie Daubrun.
En analyse formelle, on distinguera 7 strophes, les 4 premières faisant référence à la finalité
humaine, les 3 dernières à la fuite du temps.
D'un spleen, l'auteur se rassure par la femme qui vient calmer son chagrin et sa sensation de
mal-être et de mal-aimé.

Axe 1 : Le spleen baudelairien


1 – Par la sensation

Dans "Chant d'automne" de nombreuses sensations sont mises en évidence pour mieux
marquer la sensation de tristesse, de nostalgie et de regret (spleen).

On retrouve ainsi une sensation auditive provoquée par le bruit du bois faisant référence aux
moyens mis en oeuvre durant l'hiver. De ce fait, l'hiver est rapproché de la mort qui est
soutenue par des termes tels que "cercueil" (l.14), "choc funèbres" (l.3), "froides funèbres"
(l.1).
Cette sensation d'angoisse et de peur envers la mort se voit accentuée par la sensation du
froid ("les froides ténèbres" (l.1) mais aussi du chaud "été trop court" qui renvoie aussi un
sentiment de nostalgie.
2 – Par l’émotion
L'évocation des sensations auditives mais aussi tactiles amène l'auteur voire le lecteur à tirer
des conséquences émotionnelles des événements.
Baudelaire semble ainsi désemparé et évoque sous forme d'accumulation des sentiments de
faiblesse aux vers 5 et 6 : "tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère, haine, frissons,
horreur, labeur dur et forcé".
L'auteur semble être pris en otage, enfermé dans le spleen et dans une sorte de folie.
Axe 2 : Le spleen par la fuite du temps, le réconfort par la femme
1 – La fuite du temps

La fuite du temps est la ligne directionnelle des 4 premières strophes.


L'auteur se sent submergé et attiré par la mort ("plonger" ligne 1, "tombe").
Un sentiment de regret envahit ainsi Baudelaire condamné à la finalité humaine. Comme
dans d'autres poèmes les thèmes principaux implicitement évoqués sont la vieillesse, la
nostalgie d'un idéal et l'angoisse. Ces notions sont soutenues par des rythmes binaires puis
ternaires.
2 – La femme
Evoquant la confidente de Baudelaire, Marie Daubrun, celle-ci apporte un souffle
nouveau dans le spleen baudelairien et de ce fait console l’auteur. Le sentiment d’angoisse
de ce dernier s’atténue ainsi.
Le champ lexical de la pureté, de la beauté sont ainsi à distinguer : "beauté", "amour",
"soleil", "rayonnant", "tendre coeur".
Les exclamations de Baudelaire montrent que ce dernier implore (« …aimez-moi, tendre
cœur ! ») et profite de cet événement qui rend plus gai son destin grâce à cette femme, il voit
ainsi un moyen de lutter contre ses angoisses et sa tristesse. Cette volonté de savourer ce
moment se remarque par « Ah ! Laissez-moi… goûter » et « douceur éphémère ».

Conclusion :
Ce poème sensibilise par l'émotion et les sentiments. Il joue sur la condition d'homme de
l'auteur par l'angoisse et la peur de la mort mais aussi par la volonté d'être aimer.
De ce fait, "Chant d'automne" tire son originalité d'un spleen baudelairien prononcé qui
amène paradoxalement à une harmonie par l'intermédiaire de la femme.

Spleen
LXXVI - J'ai plus de souvenirs...

Baudelaire - Les Fleurs du mal

Introduction

Ce poème porte le titre de Spleen dans Les Fleurs du mal et illustre les diverses
formes du malaise de vivre. Dans ce poème, écrit à la première personne, Charles
Baudelaire fait un bilan désespérant de son existence.
Projet
Après avoir étudié la mise en page et le fonctionnement général du texte, nous
étudierons le texte en suivant son mouvement.
Le vers 1 : le poète annonce son bilan.
Les vers 2 à 24 : il fait un inventaire chaotique de ses souvenirs.
Les vers 15 à 18 : il ne connaît plus que l'ennui.
Les vers 19 à 24 : passage à la deuxième personne. Il est étranger à lui-même et
au monde.

Mise en page et fonctionnement


Le poème a une forme irrégulière, il n'est pas régulièrement disposé en strophe
comme par exemple le LXXVIII.

- Il est fragmenté en ensemble inégaux 1 vers - 13 vers - 10 vers, si on tient compte


du blanc, des tirets (vers 8-18). Cela fragmente encore ces ensembles de 13 vers et
10 vers ; ces blancs et ces tirets découpent des ensembles qui ont leur unité.
L'ensemble donne une impression d'irrégularité.
- Le poème fonctionne par accumulation d'images apparemment disparates, le
cerveau du poète est successivement un meuble (vers 1-4), une pyramide (vers 5-
6), un cimetière (vers 7-8), un vieux boudoir (= salon)(vers 11-14), un granit (vers
19-21) et un sphinx (vers 22-24).
- Le spleen c'est le contraire de l'harmonie, c'est le chaos de l'âme.

=> La mise en page d'une part et le fonctionnement d'une autre part donnent une
impression de chaos.

Analyse linéaire du poème

I. Vers 1

- Le vers se prononce d'un seul tenant -> cela donne une impression d'immensité.
- Dans ce vers, Baudelaire donne l'impression d'être une immense mémoire, las, il a
tout vu ; il utilise une hyperbole très expressive.
- Ce vers est une ouverture, annonçant la suite, la tonalité : la lassitude.

II. Vers 2 à 14

Baudelaire fait l'inventaire de ses souvenirs à l'aide de métaphores.

A) Quelles métaphores ?

- Difficultés matérielles ; bilan (vers 2), procès (vers 3), quittances (vers 4) : écho
de Baudelaire qui dilapidait l'héritage paternel, plein de dettes => souvenirs
humiliants, douloureux.
- Souvenir d'amours ; romances (vers 3), billets doux (vers 3).
- Souvenir du poète : vers (vers 3), romances (vers 3).
- Souvenir d'art : les pastels, les pâles Boucher (vers 13) => Baudelaire a vécu sa
petite enfance dans les œuvres d'art de son père et est devenu critique d'art.
- Tout ses souvenirs sont dévalorisés car ils sont accumulés, mélangés dans un bric à
brac (vers 2 à 4).
B) Vers 6 à 8

- Le cerveau du poète devient une pyramide, un caveau, un cimetière, la métaphore


transforme ses souvenirs en ossements. Sa mémoire devient champ de cadavres.
- La lune n'éclaire même plus sa mémoire devenue cimetière (abhorré = tenue en
horreur)(vers 8)

C) Vers 9 à 10

- Des remords importants le condamnent.


- Sa mémoire est comme un cadavre rongé par les vers (= remords qui hantent le
poète). Il a le sentiment qu'il a échoué en tant que poète.
=> Le spleen s'attaque au poète et non à l'homme.

D) Vers 11 à 14

Sa mémoire est successivement un meuble, un cimetière, puis ici un vieux boudoir :


- On y trouve des fleurs, des modes (= dentelles), des objets d'art, des Bouchers.
- Il y règne le désordre, les objets sont proches du néant, anciens, démodés (roses
fanées, modes surannées, parfums éventés).
- Les sensations auditives (pastels plaintifs (vers 12)) rendent compte de
l'impression visuelle ; il y a correspondance.
- Toutes ces sensations expriment l'absence de vie. "Seuls" (vers 14) est en rejet :
les objets sont multiples mais seuls par rapport à la vie.

A la fin de cet inventaire de sa mémoire, Baudelaire éprouve une sensation de vide,


de néant ; il ne lui reste plus que l'ennui.

III. Il ne reste au poète plus que l'ennui. Vers 15 à 24.

A) Vers 15 à 18

- "L'ennui naît de l'absence de curiosité, de désir. Ce que je sens c'est une absence
totale de désir. A quoi bon ceci ? A quoi bon cela ? C'est le véritable esprit du
spleen." Lettre de Baudelaire à sa mère en 1857. L'ennui est présenté ici sous la
forme de la dérision (vers 17).
- La seule immoralité promise à l'homme en proie au spleen c'est l'ennui. La
sonorité, le rythme et les métaphores sont significatifs de cet ennui ; rime obsédante
en "é" (vers 11-18).
- Les métaphores :
Le temps qui dure est comme un vieillard boiteux (vers 15) ou comme un hiver (vers
16) : le mouvement est contrarié : ça n'avance pas. Le spleen est comme l'hiver de
l'âme.
- L'ennui entraîne la mort de l'âme, de l'être, le poète étranger à lui-même et oublié
va se pétrifier et sombrer dans la mort.

B) Vers 19 à 24

- "Désormais" (vers 19) marque une conséquence de l'ennui ; l'ennui débouche sur
la mort ; la matière vivante devient granite. L'apostrophe est dérisoire, moqueuse, le
poète est étranger à lui-même ; il appartient au monde minéral. Sphinx = granite.
- Non seulement étranger à lui-même, oublié du reste du monde (vers 22-23). Ce
n'est même plus une curiosité archéologique.
- Le poète est comme un vieux sphinx qui ne chante plus qu'au soleil couchant
(contrairement à la statue de Memnon prés de Louxor : à la suite d'un séisme les
vibrations du soleil levant lui font faire un bruit). C'est un symbole, Baudelaire ne
sait plus que dire de la mort et la disparition.

Conclusion
Baudelaire en tant qu'homme et poète est victime du spleen :
- Pour l'homme, sa mémoire est un cimetière où ne règne que l'ennui.
- Pour le poète, il est paralysé, il ne sait plus que dire la mort.

Poétiquement Baudelaire exprime son spleen par une accumulation de métaphores,


apparemment chaotiques mais en fait très liées.

Proposition de plan pour une étude non linéaire de


Spleen - LXXVI

I. Composition du poème

- Soin typographique
. Vers 1 indépendant = synthèse du poème
. Déséquilibre des strophes = déséquilibre intérieur
. Présence de tirets = mise en valeur de 8 -> moi baudelairien mort
19 -> dédoublement

- Composition
. Vers 1 indépendant
. 2° strophe = souvenir chaotique, Baudelaire envahit par le passé
. 3° strophe = gradation tragique -> la vie le quitte et le pétrifie

II. Les composantes du spleen

- Spleen = mal mental dont la relation avec le temps est déformée


. Baudelaire dépassé par le temps
. La fuite du temps est un thème obsédant de Baudelaire

- L'ennui, fruit de la morne curiosité

- Mal morbide, Baudelaire hanté par la Mort


. Endroits mortuaires
. Récurrence mort

- Le spleen est despote.


. Cimetière romantique # cimetière baudelairien
. Légende de Memnon

III. Ecriture romantique et symboliste


- Tonalité lyrique : le moi de Baudelaire s'exprime
. Autobiographie
. Tutoiement
. Spleen = forme aggravée des premiers romantiques

- Correspondance :
. Définition
. Ame sans espoir
. 20, le granit = pétrifie, ne vit plus
. 21, Sahara = géographie sentimentale -> Mal mental

A une passante
Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal

Introduction
A une passante est un sonnet qui appartient aux tableaux parisiens, il est donc
lié à l'inspiration de la vie. L'univers urbain offre à Baudelaire des sujets de description,
de narration, de réflexion. Mais le poète ne reste pas extérieur au spectacle de la rue.
Il y participe à la recherche de rencontres décisives en quête de symboles qui font de
ces spectacles et de ces rencontres les reflets d'un monde complexe, celui de la
condition humaine, celui de sa propre vie. En ce sens, chaque rencontre est
importante.
Le sonnet est construit sur un thème romanesque, celui de la rencontre. Mais il
est traité dans une tonalité typiquement baudelairienne. On trouve l'éblouissement de
l'attirance féminine, la recherche d'une nouvelle espérance pleinement heureuse et
l'échec d'une relation qui laisse le poète désemparé.
Annonce des axes

I. La rencontre
II. Les réactions du poète
III. Les réflexions du poète

Commentaire littéraire

I. La rencontre

Cette rencontre se réalise dans un contexte sonore. Le contexte va être souligné


par son aspect déplaisant. C'est tout le vacarme de la rue moderne qui est exprimé
d'abord :
- par la personnification de la rue
- par la distance entre le sujet "la rue" et le verbe "hurlait", comblé par la présence
de l'adjectif "assourdissante"
- par deux hiatus (succession de deux voyelles appartenant à des syllabes
différentes, ici "rue assourdissante" et "moi hurlait") qui sont, eux aussi évocateurs de
vacarme. Il est important dès le premier vers de faire saisir que si la rencontre, la
communication entre le poète et la passante ne passe que par le regard, c'est que la
communication verbale est impossible.

La présence exceptionnelle de la passante est d'abord marquée par l'insistance


que met le poète à souligner son allure par le rythme ample de la phrase qui s'étend
sur quatre vers et qui contient son portrait en mouvement. Le vers 2 est ponctué de
façon à délimiter des groupes de longueur croissante et précède la régularité des vers
3 et 4. Dans le vers4, les quatre groupes de trois syllabes impriment rythmes et
harmonies de la démarche. Quant au vers 5, il constitue du point de vue de la structure
une sorte d'enjambement sur le deuxième quatrain et surtout élargit le portrait en
apportant des éléments d'ordre moral. Ici, la beauté morale se joint à la grâce du corps
et aboutit à l'idéalisation de la beauté dans l'expression "avec sa jambe de statue".
Dans le 1er quatrain, il faut aussi retenir l'expression "en grand deuil" qui évoque la
tristesse et le malheur. Baudelaire a expliqué que la notion de tristesse accompagne
pour lui celle de beauté.

II. Les réactions du poète

Le narrateur, face à cette apparition, ne peut être qu'un spectateur "paralysé",


"fasciné", "médusé", souligné part le terme "crispé" au vers 6. Le narrateur a une
réaction émotionnelle incontrôlée. La comparaison au vers 6 "comme un extravagant"
souligne l'opposition des attitudes entre "elle" et "lui". Dans les vers 3 et 4, la régularité
s'oppose à l'irrégularité du vers 6. Il faut attendre le vers 8 pour trouver le complément
d'objet direct du verbe "buvais". Le verbe boire dénote l'avidité alors que le participe
"crispé" indique que la paralysie de l'attitude du poète est à la fois ardente et timide.

Dans le vers 7, Baudelaire est sensible au regard de la femme, regard agrandi à


la dimension d'un ciel d'orage : "livide", "bleu gris".
Nous retrouvons là les deux composantes de l'amour baudelairien. Les sonorités
de "douceur", de "fascine" et de "plaisir qui tue" donnent une impression de sentiments
agréables, de glissement. Deux mono syllabes : "qui tue".

III. Les réflexions du poète

Changement de ton : on passe du vouvoiement au tutoiement. Le poète s'adresse


directement à la femme. La réflexion fait suite à la description. Au vers 9 s'établit une
rupture suivie d'interrogation. Le vers 9 résume symboliquement une rencontre avec
la passante : le pète est illuminé "un éclair", puis désemparé "la nuit". Il y a donc un
renversement.
La rencontre appartient au passé et la femme ne sera plus l'objet de
contemplation que dans un futur mystique : vers 11. Cette forme interrogative appelle
une réponse affirmative donc un espoir : vers 10. Il s'agit là d'une galanterie précieuse
mais surtout, il faut comprendre que la femme ici, a permis d'apercevoir. La triple
exclamation du vers 12 scande les étapes de la dégradation de tout espoir. Le vers 13
tire sa force d'un paradoxe. La construction en chiasme (je, tu, tu, je) souligne qu'il
existe une apparente similitude de destin (chacun fuit en ignorance de cause) ce qu'il
ne fait que les éloigner davantage l'un de l'autre. Au vers 14, c'est un appel voué à ne
pas être entendu. Là encore, il y a une sorte de paradoxe. Le conditionnel passé rejette
tout accomplissement dans l'irréel mais le verbe aimer exprime une certitude, celle de
l'amour. Le deuxième hémistiche concentre tout le mystère de la rencontre et toute
l'amertume du poète. La passante s'est-elle détournée par indifférence, Par pudeur,
par fierté ou par cruauté ? Baudelaire a exprimé ici le drame de l'incompréhension
entre l'homme te la femme.

Conclusion

Accumulation de détails qui inscrivent le poème A une Passante dans un


contexte social et moral. On devine un personnage qui vit mal la médiocrité de la vie
et qui saura utiliser ses qualités physiques pour changer son existence. On perçoit déjà
que son avenir sera prometteur.

A – Présentation de l’auteur :

Charles Baudelaire (1821-1867) est l’un des poètes français du XIX° les plus célèbres.
Il rompt avec l’esthétique classique et offre à la modernité une place de choix dans sa
poésie (tant du point de vue des thèmes abordés que des bouleversements dans
l’écriture poétique). C’est l’un des premiers à vouloir libérer l’art de toute
considération morale ou éthique. Il participe donc au renouvellement des thèmes
poétique (cf. le poème « Une charogne »). Très jeune il mène une vie en marge des
valeurs bourgeoises dans lesquelles il a grandi. Après le baccalauréat on l’envoie donc
en voyage dans l’espoir que cela le ramène dans le droit chemin. Il mènera pourtant
une vie fort dissolue à son retour à Paris.

Il se consacre alors à l’écriture et travaille comme journaliste. Il rédige notamment


des critiques d’art.

1857 : 1ère parution du recueil Les Fleurs du Mal : procès pour « offense à la morale
religieuse » et pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ».
1861 : nouvelle édition augmentée de 32 nouveaux poèmes, mais allégée des textes
interdits.

1869 : publication posthume du recueil Le Spleen de Paris.

B – Lecture analytique :

Introduction :

La poésie accorde souvent à la femme le statut de muse. Objet de l’amour ou de


l’admiration du poète, elle se fait alors source d’inspiration : de sa vue ou de sa
pensée, naît le poème. Ainsi, le sonnet intitulé « A une passante », publié dans le
recueil des Fleurs du Mal en 1861 par Charles Baudelaire, naît-il d’une rencontre aussi
inattendue que violente avec une inconnue mystérieuse, une rencontre idéale qui
plonge cependant rapidement le poète dans un nouvel état de spleen. On peut ainsi
lire ce sonnet comme une version moderne de l’innamoramento.

Problématique :

Il s’agira donc d’analyser comment la lyrique amoureuse renouvelée par la modernité


relève d’une esthétique du choc.

Plan :

I – Le choc de la rencontre

II – Une femme de choc ou la vision paroxystique du poète

III – Une rencontre vouée à l’échec

I – le choc de la rencontre :

Cette rencontre propose une vision moderne de l’innamoramento. La modernité est


d’abord liée au cadre et aux circonstances de cette rencontre. Le poème se situe en
effet dans la section « Tableaux parisiens » du recueil qui évoque la ville de paris dans
son actualité et sa dimension moderne.

1 – le cadre :

La rencontre se déroule dans un univers urbain:


– termes relevant du champ lexical de la rue : « la rue » + le titre « A une passante »
qui désigne une inconnue croisée dans la rue

– c’est un lieu extérieur dénué de toute intimité

Cet univers, présenté à travers le regard du poète, apparaît inhospitalier

– ce dont témoigne l’adjectif « assourdissante »

– on note également l’animalisation de cette rue dans la proposition « autour de moi


hurlait »

– le groupe prépositionnel « autour de moi » suggère un poète cerné, malmené

– on peut parler d’agression sonore ; impression de vacarme : ceci est traduit


notamment par l’allitération en [s] du v 1 qui mime cette agression sonore. Même
chose pour l’allitération en [R] qui traduit l’agression : « La Rue assourdissante autour
de moi hurlait »

Le poète que l’on imaginer éventuellement à la terrasse d’un café est comme isolé.
Ceci est traduit par l’isolement par la coupe irrégulière du pronom « moi » à l’entame
du v 6 ainsi que par le redoublement de la première personne « Moi, je ». De la
même façon, le pronom « moi » au v 1 semble signifier une certaine marginalité, que
confirme l’image de l’extravagant rencontrée au v 6.

Ces éléments renvoient à un état de mal-être : le SPLEEN baudelairien. Ceci explique


que le poète semble figé alors que la jeune femme incarne au contraire, par
contraste, la mobilité.

En dehors de la vision de cette femme, cette ville est assimilée à la nuit du poète (v
9), métaphore de l’état du poète.

Cet état de spleen conditionne sans doute la violence de cette rencontre.

2 – Un « coup de foudre » :

C’est en effet un coup de foudre que relate ici Baudelaire, ainsi que le signifie l’image
de l’éclair au v 9.

La violence de cette rencontre aussi soudaine qu’inattendue est traduite par le v9 :


– antinomie de la lumière et de l’obscurité, renchérie par des termes qui suggèrent
une certaine intensité : la nuit = obscurité totale, absolue/ l’éclair est une lumière
intense, qui aveugle.

– L’adverbe « puis » signifie la successivité extrêmement rapide de ces états

– Les points de suspension suggèrent l’aveuglement, l’éblouissement du poète

– L’exclamation souligne l’intensité, la violence des sentiments

– Le terme « nuit » se trouve en outre mis en relief par la proximité de l’exclamation


et par sa position à la césure (hémistiche).

– De plus l’adjectif « fugitive » indique le caractère fulgurant, éphémère de cette


vision

– Le tiret isole ce 1er hémistiche et insiste sur le sentiment de vide et de néant qui
succède à l’éblouissement

On perçoit en outre une violence latente grâce à tout un réseau lexical distillé au fil
du texte : « hurlait » v 1/ « crispé » v 6/ « l’ouragan » v 7/ « tue » v 8.

Si cette violence infuse ainsi le sonnet c’est parce qu’elle reflète l’état du poète,
toujours soumis à des sentiments extrêmes. On peut parler d’état paroxystique du
poète, qui, en raison d’une hypersensibilité, ne peut vivre les choses comme le
commun des mortels.

II – Une femme de choc ou la vision paroxystique du poète :

Face à cet état de spleen qui caractérise le poète en mal d’Idéal, la femme devient
quête d’Idéal, muse susceptible de conduire le poète à la création poétique et au
Bonheur.

1 – La beauté idéale :

Le choc produit par cette femme s’explique d’abord par sa beauté. Le poète en
propose une vision méliorative :

– termes comme « longue, mince » « majestueuse » « fastueuse » : ils mettent en


valeur la silhouette
– on note la beauté sculpturale de cette femme : « noble »/ « fugitive beauté » v 9 +
analogie avec une œuvre d’art suggérée par la métaphore « avec sa jambe de statue
»v5

Le poète insiste également sur son élégance, notamment dans sans son déplacement.

Cette grâce est soulignée par le rythme du v 2 lui-même, consacré à l’apparition


soudaine de cette femme. La multiplication de coupes qui crée un effet de cadence
majeure (groupes de mots de plus en plus longs : 2-2-3-5) mime le déplacement
majestueux, la démarche alerte de cette femme

De la même façon il insiste sur sa légèreté : longue, soulevant, balançant, le feston et


l’ourlet. L’allitération en [L] imite cette légèreté.

En outre les gérondifs « soulevant, balançant » suggèrent une certaine vivacité, et


confère à sa démarche un rythme dansant et gracieux.

Sa beauté est également signifiée par l’hypallage « main fastueuse » : il s’agit ici pour
le poète de souligner le raffinement de cette femme, une idée que se trouve
renchérie par la rencontre à la rime des deux adjectifs « majestueuse » et « fastueuse
».

Le terme éclair peut aussi souligner l’éclat de cette beauté.

Cette femme semble incarner une beauté idéale, paroxystique, qui ne peut que
transporter le poète. Elle détone au milieu de ce lieu agressif et inhospitalier et elle
cristallise tous les espoirs du poète.

2 – Une femme cependant duelle :

Cette femme porte d’abord une part de mystère :

– il s’agit d’une inconnue, l’article indéfini du titre le souligne, elle n’est désignée que
par son action (elle passe). Le titre souligne son anonymat. Même chose au v 3 « Une
femme »

– sa description est extérieure.

– Cette femme est donc une belle inconnue, et le poète insiste sur cet incognito avec
les verbes « j’ignore » et « tu ne sais »
Toutefois il lui suppose une douleur avec l’expression « en grand deuil » renchérie par
l’image « douleur majestueuse » : elle semble incarner la douleur mais elle semble
aussi composer avec cette douleur (faire avec elle), comme si elle la dépassait : ce
que suggère le contraste entre le vêtement de deuil et la légèreté de la démarche.

La métaphore « son œil, ciel livide » évoque aussi cette douleur.

Mais on note également qu’il insiste sur la dualité de cette femme :

– opposition entre sa légèreté et sa douleur

– antithèses du v 8 « La douceur qui fascine et le plaisir qui tue »

– l’absence de coupe dans ce vers suggère la coexistence de ces deux pouvoirs, leur
exercice simultané.

– La conjonction de coordination ET souligne également cette coexistence

– A noter que cette antithèse est renchérie par le parallélisme de construction (GN +
relatif+ verbe).

La femme semble destructrice sous des apparences de douceur. Cette idée est
également traduite par la métaphore céleste du v7 « ciel livide ». Le terme livide peut
signifier une certaine platitude, un état où rien de se passe, tandis que le mot «
ouragan » connote le déchainement et la violence des éléments. Cette image suggère
la passion amoureuse et sa dimension dévastatrice. Baudelaire renouvelle ainsi le
motif de la passion et de l’amour dual.

Ces pouvoirs se trouvent illustrés dans le poème même par l’évocation des réactions
du poète :

– au v 6 « crispé comme un extravagant » : une notation qui connote une certaine


douleur. Le terme extravagant évoque même la folie

– v 10 « Dont le regard m’a fait soudainement renaître » : le verbe renaître témoigne


du pouvoir salvateur, du pouvoir de vie de cette femme. Si on le relie au terme «
éclair », on constate même que cette femme illumine le poète, le sort de sa nuit et de
son spleen.

– Mais le terme « nuit » évoque en contrepoint la mort, un état léthargique.


On peut cependant se demander si cette femme est réellement duelle ou si ce n’est
pas plutôt le poète qui connaît un état de schize, entre le spleen et son rêve, son
désir d’idéal. Il semble en effet transposer l’oscillation des différents états à l’origine
de son malaise sur cette rencontre et sur cette femme.

III – Un état qui voue finalement la rencontre à l’échec :

A peine évoquée cette rencontre apparaît vouée à l’échec.

1 – Une communication impossible :

– l’idée est présente dès le titre : la passante est par définition celle qui ne reste pas,
avec laquelle la communication est impossible. Le terme suppose un mouvement, un
déplacement et il s’oppose alors à la fixité du poète, suggérée notamment par le
participe passé « crispé ».

– il suggère également une présence éphémère, qui ne peut pas s’inscrire dans la
durée. La vue de cette femme tient du mirage.

– Cette idée se trouve reprise au v 3 avec le verbe « passa ». Ce verbe est conjugué au
passé simple, un temps qui indique que l’action est totalement achevée, coupée du
présent

– A cela s’ajoute l’idée de la fuite contenue dans les expressions « fugitive beauté »
au v9 et « tu fuis » v 13

– L’enjambement du v 9 sur le v 10 mime ce passage extrêmement rapide

En outre, à la légèreté, au deuil assumé de la femme s’oppose la douleur intensément


ressentie et exprimée du poète. Ainsi qu’en témoigne la ponctuation expressive des
tercets. On note en effet 5 points d’exclamation, dont 3 dans le vers 12

A cela s’ajoute les champs lexicaux de la douleur et de la folie (extravagant, fascine).

Cette folie, cette schize est perceptible finalement dans le discours qu’il tient dans les
tercets. Il recourt en effet à la 2ème personne : « Ne te verrai-je », alors qu’il
évoquait logiquement la passante à la 3ème personne. Il semble ainsi d’adresser à lui
même.

Cette introspection coïncide avec un constat d’échec qui se traduit par une difficulté
à parler. Ainsi le v 12 est-il un uniquement composé de phrases non-verbales ne
comportant que des CC de temps et de lieu, comme s’il ne parvenait plus à structurer
ses pensées.

2 – Le poids du spleen :

Il semble manifeste que le spleen l’emporte finalement et empêche le poète


d’accéder au bonheur, à l’Idéal auquel il aspire. Il reste englué dans son mal-être qui
opère comme une fatalité.

Son destin apparaît ainsi tragique :

– le climat tragique est entretenu par le deuil de la femme qui laisse planer l’idée de
la mort

– par la « folie » du poète qui opère comme une mort symbolique au bonheur

– par le recours au conditionnel passé deuxième forme au v 14 « que j’eusse aimé »


c’est le mode de l’irréel

Ce tragique est également souligné par le parallélisme de construction du v 14 « O toi


que j’eusse aimé, ô toi qui le savais » : ce vers semble signifier qu’une communion
existait mais qu’elle ne pouvait se concrétiser. Leurs destins ne peuvent pas se
croiser, un peu comme si le poète était inapte au bonheur.

Cette idée est également exprimée par le chiasme du v13 « Car j’ignore où tu fuis, tu
ne sais où je vais », une figure qui exprime avec lucidité que leurs existences sont
condamnées à rester décroisées.

Conclusion :

La modernité de ce sonnet réside dans le cadre de la rencontre, dans le


bouleversement de quelques habitudes poétiques (notamment l’enjambement) mais
surtout dans le renouvellement du motif de l’innamoramento. Le poète insiste en
effet sur la violence des sentiments paroxystiques qu’il éprouve. Si cette rencontre
fugitive illumine un instant sa nuit, il n’en éprouve qu’une frustration et une douleur
plus intense lorsque la vision de la jeune femme se dissipe, cédant de nouveau la
place au paysage urbain agressif. Mais si la femme ne parvient pas à le conduire à
l’Idéal, la muse qu’elle incarne demeure à l’origine de cette œuvre.

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