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FICHE DE RÉVISION :

L’ALBATROS
Introduction :

Baudelaire, poète de la modernité, publie son grand recueil Les Fleurs du mal en 1857. Il
expérimente en passant du romantisme, au mouvement parnassien, puis en insufflant le
symbolisme. De même, il remet au goût du jour la forme oubliée du sonnet, et popularise le
poème en prose (Spleen de Paris, 1869). Il mène une vie de tourments et de difficultés dont
l’angoisse se retrouve dans son concept central du Spleen (humeur dépressive). Le poème
« L’Albatros » est le troisième poème des Fleurs du mal après le prologue constitué par « Au
lecteur », et le premier poème « Bénédiction » qui introduit la section « Spleen et Idéal ».
Dans ces quatre quatrains en alexandrins à rimes croisées, alternativement féminines et
masculines, Baudelaire nous décrit la rencontre brutale entre des marins et des albatros.

En quoi ce petit poème constitue-t-il un apologue sur l’intolérance de la société humaine ?

I- Un thème prosaïque, banal. (Première strophe)

● Le premier mot du premier vers, l’adverbe « Souvent » marque en même temps la


répétition, le caractère habituel de l’évènement qui va suivre, et une entrée rapide et
directe dans le poème.
● « Pour s’amuser » évoque le but léger, le divertissement recherché.
● « les hommes d’équipage » renvoient à un groupe indéterminé, sans identité,
quelconque.
● Au Vers 2, seule occurrence du titre, avec le mot « albatros ». Les autres évocations de
l’albatros se font par des périphrases et des métaphores, comme dans la suite du vers
« vastes oiseaux des mers » périphrase laudative qui insiste sur l’envergure majestueuse
du volatile.
● Au Vers 3, un portrait moral de l’albatros est esquissé : « Qui suivent, indolents
compagnons… » : attitude inoffensive et plutôt rassurante.
● Le vers 4 change d’atmosphère, notamment avec l’expression « gouffres amers »,
métaphore d’une mer avec des grandes vagues, des grands creux. Paronyme avec
« amers » qui rappelle évidement la sonorité de « la mer ». Le verbe « glissait » affirme
aussi la présence de l’eau.
● Le rythme binaire des vers mime la houle de la mer.
● Image saisissante du gouffre, renforcée par l’allitération en « r » : navire, gouffre, amers.
Cette allitération dure, après la tranquillité des trois premiers vers, annonce la suite
difficile dans les strophes suivantes. 
● Ce premier mouvement inscrit dans cette première strophe nous pose le cadre du poème
: la mer, un bateau, un équipage et un oiseau, un albatros.
II- La rencontre cruelle entre les marins et l’albatros. (Strophes 2,3)

● Vers 5: « À peine », locution adverbiale soulignant comme dans le premier vers avec
« Souvent » l’immédiateté. 
● Mais surtout vers 5, nous trouvons le terme « les planches », une synecdoque pour le
pont du navire, les planches étant les éléments qui constituent le pont. De plus, « les
planches » est une syllepse, qui à côté du sens propre énoncé, désigne le théâtre, la
scène. Alors, l’albatros est en représentation pour le plaisir d’un public, les marins.
● Le vers 6 est construit sur un parallélisme antithétique : la périphrase métaphorique
« rois de l’azur » s’opposent dans le rythme binaire aux adjectifs péjoratifs « maladroits et
honteux ». Cette opposition, que l’on retrouve par la suite dans le poème, s’inscrit dans
une opposition plus vaste et plus spirituelle entre le ciel et le sol.
● Au vers 7, « Laissent piteusement » étire le temps, avec la langueur de « Laissent » (qui
admet aussi le caractère subi de la situation pour l’albatros), et les quatre syllabes de
« piteusement » qui poursuit le registre pathétique débuté par « maladroit et honteux »,
presqu’un début de personnification de l’albatros, qui éprouve des sentiments.
● « Les grandes ailes blanches » s’opposent une nouvelle fois au début du vers, et renvoient
à la différence entre la majesté de l’oiseau dans les cieux, mais l’inadéquation de ses
attributs sur le sol.
● Le vers 8 rappelle le lieu de l’action, le pont du navire avec la comparaison « Comme des
avirons », et l’inutilité des ailes dans le bateau. Les difficultés de l’oiseau sont aussi
suggérées par les allitérations en « r » et « qu »: « Rois », « azuR », « maladRoit »,
« Que », « Comme », « Côté ».
● La deuxième strophe se concentre sur les interactions entre l’albatros et les hommes
d’équipage. 
● Le vers 9 reprend la construction antithétique et binaire déjà vue dans la strophe
précédente : « Voyageur ailé, gauche te veule ! ». Une nouvelle fois, on constate le
balancement entre l’aventure dans les airs (voyageur) et le ridicule sur le sol (gauche et
veule), le courage du voyageur se transforme en peur sur le sol.
● L’antithèse de nouveaux se remarque au vers suivant : « Lui, naguère si beau, qu’il est
comique et laid ! ». La beauté et la laideur, encore l’idée du ridicule et l’opposition entre
le passé dans les airs « naguère », et le présent sur le plancher « est ».
● Les deux vers suivants se concentrent sur la cruauté gratuite des hommes, qui usent de
violence envers l’animal : « L’un agace son bec avec un brûle-gueule », et se moquent de
lui « L’autre, mime en boitant, l’infirme qui volait ! ».
● Ici, se lit une critique de la vulgarité des hommes, de leurs plaisirs mesquins et violents,
ainsi que de leur jalousie, eux incapables de voler et d’avoir autant de majesté.
● Cette strophe possède un registre fortement pathétique qui dépeint la souffrance morale
et physique de l’animal, ainsi qu’une portée satirique sur les comportements humains.

III- Le poète, un albatros humain. (Strophe 4)

● La chute du poème dans la dernière strophe se lit dès le premier mot : « Le Poète ». La
majuscule met en exergue l’importance du mot, ainsi que la noblesse qu’y confère
Baudelaire. 
● L’adjectif « semblable » nous indique que les trois premières strophes constituaient une
métaphore filée, « au prince des nuées » confirme le caractère noble, royal de l’oiseau,
mais surtout maintenant du poète qui comme ce dernier habite les cieux, les « nuées ».
● Le vers 14 montre bien l’intrépidité, l’habileté, et le courage de l’albatros/poète dans les
cieux quand il fait face à la tempête. Les simples hommes paraissent dès lors peu de
chose par rapport à ce combattant de l’orage.
● Seulement, si le poète partage la majesté de l’albatros dans les cieux, c’est à dire pour lui
dans l’écriture, l’inspiration, dans l’univers de la sensibilité et de l’imagination, il devient
lui aussi ridicule et inadapté sur le sol, au niveau des autres êtres humains.
● Les deux derniers vers du texte sont de nouveau antithétiques par rapport aux deux
précédents. Après avoir présenté la face conquérante et supérieure du poète, Baudelaire
termine par sa situation désespérée dans le monde réel.
● « Exilé sur le sol » renvoie à l’oiseau sur le pont, seul sans ses congénères, et de la même
manière le poète, donc Baudelaire, ressent la solitude de sa position dans le monde des
hommes. Il est exclu, car un géant parmi eux, car différent.
● « Les huées » sont les moqueries des hommes, les rires des hommes d’équipage.
D’ailleurs, l’assonance en « é » fait entendre ses rires, ses « huées »: « nuées », « Exilé »,
« archer », « huées », « marcher ». 
● Les derniers mots du poème reprennent encore l’image de l’albatros sur le pont avec ses
grandes ailes blanches « Ses ailes de géant l’empêchent de marcher ». Le poète est fait de
la même manière pour les cieux, pour voler au-dessus des hommes. Il apparaît comme
une créature féérique, magique…. mais incapable de « marcher », de faire comme le
commun des mortels.
● Cette dernière strophe pose le propos, le thème du poème, qui est le poète, Baudelaire
lui-même. L’albatros tant décrit auparavant n’était qu’un avatar de l’auteur victime de la
cruauté humaine, alors qu’il se sent comme supérieur et majestueux dans l’azur de
l’esprit, des sensations et des émotions.

Conclusion:

Ce petit poème se présente comme la description d’un albatros, qui attrapé par des marins
se retrouve malmené, en proie à la bassesse humaine et aux plaisirs vulgaires d’hommes du
peuple. La multitude haineuse et jalouse maltraite la solitude superbe et fragile. Le poème
se déploie par étapes bien compréhensibles : une situation initiale (les albatros suivent le
navire), des péripéties fâcheuses, puis une chute en forme de morale. C’est à la fin que nous
comprenons l’essence même de la réflexion, à savoir que les trois premières strophes
constituent une métaphore filée de la situation du poète dans la société. Ainsi, le poème,
sans en avoir l’air, ressemble à un apologue. Le choix d’un animal, ici l’albatros, lui confère
même un air de fable. La construction mise en exergue, les oppositions nombreuses, et la
chute surprenante offrent une argumentation poétique avec une illustration persuasive dans
les trois premières strophes et une morale convaincante dans la dernière.
Selon Baudelaire, la place du poète dans la société est comparée à un albatros : majestueux
dans le ciel, son élément, mais ridicule sur terre et au contact des hommes. De même, le
poète se situe au-dessus du commun des hommes pour ses poèmes, mais mêlé à la foule, il
n'est rien et devient ridicule. Baudelaire faisait ainsi partie de la génération des poètes
maudits, c'est-à-dire non compris par les gens de son époque.
 « Élévation », nous retrouvons bien l'envie aérienne, autrement dit la recherche désespérée
de Baudelaire pour s'échapper du mal de vivre

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