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Parcours « la comédie sociale »

Texte 1 – Les courtisans (Du Bellay, Les Regrets, 1558, « sonnet 150 ».)
INTRODUCTION
L’illustre poète de la playade Joachim Du Bellay né en 1522 et mort en 1560 a publié le
recueil des Regrets dont est extrait le sonnet que nous allons étudier en 1558, à Paris.
Le recueil rassemble des sonnets composés entre 1553 et 1557 alors que le poète séjourne à
Rome auprès de son oncle le cardinal Jean Du Bellay. Dans l’agitation d’une ville en pleine
reconstruction, confronté aux intrigues et à l’amoralité privatif de la cour du Pape Jules 3, le
poète prend la plume pour décrire les malheurs et les espoirs d’un exilé à Rome.
Dans le sonnet 1, Du Bellay emploi le terme de commentaire pour définir ses poèmes. Le
commentaire se veut à la fois le récit pour mémoire de faits qui constituent un moment de la
vie de l’auteur, et les réflexions qu’avec une certaine distance l’auteur porte sur ses faits.
Cette double fonction du sonnet commentaire apparait nettement dans les sonnets satiriques
qui figurent au centre du recueil. S’appuyant sur la tradition de la satire, celle d’Orace,
d’Erasme, le poète s’attache à décrire les défauts et les vices incarnés par le personnage du
courtisan. Mais, au lieu de maintenir le lecteur dans un climat d’humour et de bonhomie, Du
Bellay nous fait entrer dans le tragique de la condition humaine comme dans le sonnet 150
que nous allons étudier en nous demandant comment Du Bellay se sert de la concision de la
forme du sonnet pour se livrer à une amère satire des courtisans.
Pour répondre à cette problématique, après avoir procédé à la lecture du sonnet, nous verrons
d’abord comment le poète jette, dès le premier quatrain, un regard lucide et sans concession
sur les courtisans ; puis, nous verrons que le poète poursuit sa critique dans le deuxième
quatrain et premier tercet en observant comment les courtisans calquent leurs comportements
sur celui de leurs maitres ; enfin nous étudierons dans le dernier tercet, comment l’art de la
pointe permet au poète de souligner le vide intérieur de ces êtres qui n’existent qu’à travers
leurs maîtres.

LECTURE LINEAIRE
Premier quatrain.
- L’apostrophe « seigneur » permet à Du Bellay de prendre à témoin un seigneur
(probablement le Duc d’avançon qui est le dédicataire du poème.) : il devient le
confident du poète.
- Le pronom « je » marque l’implication du poète.
- La dénégation « ne saurais » montre que le poète se refuse à toute concession envers
un comportement qui lui parait indigne.
- C’est un observateur jugeant, le champ lexical du regard et du jugement se croisent
« regarder d’un bon œil ». Ça montre que le poète juge ceux qu’il a pu côtoyer à la
cour du Pape ou ceux qu’il côtoie à la cour d’Henri 2. Sa désapprobation se fonde sur
une expérience personnelle authentique et justifie les sentiments d’amertume.
- Le déterminent démonstratif « ces » et le COD « vieux singes de cour », réduit les
courtisans à des animaux qui ne savent rien faire. Cela montre que l’objet de sa
critique est d’emblée désavoué. Le pluriel rassemble les courtisans en un groupe
indistinct. L’animalisation (qui découle de la métaphore) permet de stigmatiser la
capacité d’imitation des courtisans et la capacité à ruser. -> peut faire penser à
l’animalisation « on n’apprend pas au vieux singe à faire la grimace ».
Parcours « la comédie sociale »
Texte 1 – Les courtisans (Du Bellay, Les Regrets, 1558, « sonnet 150 ».)
- La proposition subordonnée relative « ne savent rien faire (…) pompeux appareil. »
complément de l’antécédent « singe » s’étend sur trois vers. Cela permet de compléter
cet exquis saisissant portrait des princes.
- On pourra relever comment la précision du trait renforce l’idée du blâme, notamment
par la tournure restrictive « ne savent rien faire sinon ; contrefaire » qui montre leur
seul savoir-faire, singer (la noblesse de la démarche et la somptuosité du vêtement,
donc les signes extérieurs de grandeur).

Deuxième quatrain.
- 4 propositions subordonnées conjonctive compléments circonstanciels de condition
sont mises en valeur par l’anaphore par la conjonction de subordination « si ». (s’il
ment ; si leur maitre ; si qlqn devant eux ; s’il le reçoit mauvais)
- Les courtisans sont confondus indistinctement avec les pronoms « ils ; eux ; es », cela
les ramène tous à avoir le même comportement.
- Ces pronoms s’opposent à l’individualité du maître, « leur maître » au singulier. Ce
dernier n’est d’ailleurs pas épargné par les critiques, les verbes d’actions « moquer ;
mentir » révèlent ses piètres qualités morales.
- Le poète suggère que les courtisans s’inspirent d’un bien mauvais modèle. La capacité
d’imitation des courtisans réapparaît avec le champ lexical de la comparaison et de
l’imitation dans la continuité du premier quatrain « feront le pareil ; afin de lui
complaire ».
- Ça les conduit a porter de faux témoignages « plutôt auront-ils vu » et
antithèse/chiasme au vers 8 « La lune en plein midi, à minuit le soleil. » : le réel est
retourné. Ce sont des faux témoignages, justifié par le verbe « voir » , dans le but de
plaire au maître « afin de lui complaire ». Cette soumission révèle en creux la critique
de celui qui exerce le pouvoir.
- L’emploi du futur simple de l’indicatif souligne le caractère automatique et inévitable
du comportement des courtisans « feront le pareil ; diront le contraire »

Premier tercet.
- Antithèse et parallélisme de construction « si quelqu’un reçoit un bon visage/ s’il le
reçoit mauvais » : l’homme de pouvoir parait versatile.
- Ils adoptent le comportement du maître en exagérant -> proposition subordonnée de
condition « es le vont caresser », montrant un bon accueil et « ils le montrent au
doigt » explicitant la moquerie.
- Dans la proposition subordonnée conjonctive « es vont le caresser, bien qu’ils crèvent
de rage », le poète montre l’hypocrisie des courtisans. La violence de l’image
hyperbolique est à la hauteur du sentiment intérieur. Du Bellay montre en un vers que
la soumission et la haine régissent les rapports humains à la cour.
- Enfin le poète souligne la solitude de celui qui à la faveur ou défaveur du maître avec
le pronom indéfini « quelqu’un », le pronom 3ème personne du singulier « il » et le
COD du verbe caresser « le ». Il est l’objet de tous les regards, tantôt objet de louange,
tantôt objet de condamnation selon l’humeur du maître.
Parcours « la comédie sociale »
Texte 1 – Les courtisans (Du Bellay, Les Regrets, 1558, « sonnet 150 ».)
- Dans l’ensemble du sonnet, on retrouve le champ lexical de la grandeur « prince ;
maître ; roi » ;

Dernier tercet.
Il repose sur une pointe permettant de souligner le vide intérieur de ces êtres qui n’existent
qu’à travers leur maître. Ce tercet marque l’apogée du sonnet et ménage une chute au dernier
vers ou la réflexion est plus profonde.
- La conjonction de coordination « mais » indique un revirement. Il s’agit en fait de
mettre en valeur ce que le poète juge d’insupportable « ce qui plus contre eux quelque
fois me dépite » -> l’implication du poète placée dans la position de celui qui isolé,
observe et juge les courtisans apparaît dans l’opposition du pronom COD « me » et du
complément « contre eux »
- Au vers 13, c’est au visage changeant du souverain que correspond le visage hypocrite
que les courtisans montrent, ils sont positionné « devant le roi », complément
circonstanciel de lieu. On s’interroge sur le modèle original de ces copies pour
montrer encore que la critique des courtisans s’étend à celle des puissants.
- Enfin au vers 14, l’anecdote du rire ne dénonce pas seulement. La chute ou on
retrouve le balancement de l’alexandrin avec césure à l’hémistiche « ils se prennent à
rire et ne savent pourquoi », c’est un automate malgré eux comme le montre le verbe
« prendre ».
- Leur être et conscience se dissolve entièrement dans la volonté du maître. L’ignorance
exprimée dans le dernier hémistiche nous parait à la fois grotesque, soulignant le
ridicule et tragique, montrant l’impuissance du poète face à des hommes qui
abandonnent toute humanité.

Conclusion.
- La satire à laquelle se livre Du Bellay est traditionnelle. Erasme s’est aussi livré à la
satire des courtisans.
- La critique de la vie de cour n’épargne pas la figure des grands (modèle à la morale
peu exemplaire.)
- La forme de ce sonnet permet une interrogation sur l’homme et le pouvoir –> 3 figures
se dessinent :
1. Une figure lointaine et ambigüe (le seigneur à un rôle de confident mais les
puissants ont un visage changeant modifiant la destinée des hommes.)
2. La figure des courtisans réduite par la servitude et l’hypocrisie à l’état de
marionnettes consentantes qui ne vivent qu’à travers les souverains et perdent ce qui
les faits d’humains.
3. La figure du poète, lucide qui devient en quelque sorte spectateur plein d’amertume
de cette comédie sociale qui se joue devant lui.
Enfin, la force de l’écriture poétique parvient en quelques traits à dénoncer la comédie
sociale (question de renouveau de l’homme, de sa liberté et du tragique de sa
condition.).

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