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commentairecompose.fr /a-la-musique-rimbaud/
Dans cet univers militaire et menaçant, Rimbaud dresse dans «A la musique» une galerie
de portraits satirique de la bourgeoisie provinciale (I) pour évoquer la place
marginale du poète (II) et donner une définition nouvelle de la poésie (III)
Le champ lexical des métiers ou de l'étiquette sociale montre que Rimbaud passe en
revue la bourgeoisie de Charleville-Mézières : « gandin », « notaire », « rentiers », «
bureaux », « cornacs », « épiciers retraités », « voyeux ». Il offre ainsi au lecteur un
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tableau sociologique de Charleville.
Rimbaud souligne ainsi que les bourgeois sont obnubilés par l’argent.
Les personnes se confondent même avec leurs professions et n’ont pas d’existence
propre comme le montre la synecdoque «Les gros bureaux» (v.10) désignant
ironiquement les employés de bureaux.
Bourgeois, Daumier
« Le banquier », Daumier
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B – La critique de la bêtise et des artifices bourgeois
Cette rigidité transparaît dans dans la forme géométrique de l’espace dans lequel
évoluent ces bourgeois – des carrés ou des cercles : «Place de la gare», «Sur la place»,
«Square», «au milieu», «Autour».
Rimbaud joue avec le terme «square» qui désigne une place mais qui signifie aussi « le
carré » en anglais, suggérant la rigidité et le conformisme des bourgeois.
D’ailleurs, dans l’espace bourgeois, la nature est bridée par l’artifice comme le montre le
champ lexical du jardinage : «taillée», «mesquines pelouses», «square», «les arbres et
les fleurs», «au milieu du jardin», «bancs verts», «gazons verts».
Plus rien n’est naturel dans cet espace. Même la couleur verte est artificielle puisque le
vert des bancs provient de la peinture : « les bancs verts » (v.13). L’univers bourgeois
n’est qu’une parodie de la nature.
En effet, le « square » est organisé comme une scène de théâtre comme le montre le
champ lexical de la comédie : «Square», «L’orchestre», «aux premiers rangs»,
«parade», «à lorgnons», «chant des trombones».
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La diérèse ironique « sé/ri//eu/se/ment » (au lieu de « sé/rieu/se/ment) montre le
caractère pompeux et ostentatoire des bourgeois fiers de leurs connaissances
géopolitiques (« les traités »).
Pire, les « officieux cornacs » au vers 11 assimilent les bourgeois à des éléphants (les
cornacs sont les personnes chargées de conduire les éléphants).
II – La place du poète
Cette opposition entre les 6 premiers quatrains et les 3 derniers montre la séparation
entre Charleville et le poète.
Il est celui qui dit «non» comme le montrent les tournures négatives (lexicales ou
grammaticales) : «débraillé», «indiscrètes», «Je ne dis pas un mot».
Le poète est à la marge dans un univers masculin et militaire comme le montre le champ
lexical de l’armée : «orchestre militaire», «schakos», «fifres», «trombones»,
«pioupious».
Cet univers militaire est une allusion à la guerre franco-prussienne qui se prépare et
nourrit l’antimilitarisme de Rimbaud.
Le poète souhaite fuir cet univers militaire et masculin pour se tourner vers la sensualité.
Le lieu, la «Place de la Gare» , représente d’ailleurs une ligne de fuite, une chance de
départ.
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Dans les trois dernières strophes, le champ lexical de la féminité se substitue à
l’univers militaire : «les alertes fillettes», «Elles», «leurs yeux», «corsage», «bottine»,
«bas», «Elles».
Les dernières strophes évoquent les parties du corps féminin comme un blason
poétique : «yeux», «cous», «mèches folles», «corsage», «frêles atours», «dos divin»,
«courbe des épaules», « bottine», «le bas». (Le blason est un court poème qui fait l’éloge
d’une partie du corps féminin)
♦ La femme est abordée d’abord sous son aspect mystique : «leurs yeux», «dos divin»;
♦ Le regard devient plus sensuel comme le suggère le champ lexical du regard : «je
regarde», «je suis», «j’ai bientôt déniché», «je reconstruis».
Les points de suspension aux vers 33, 35 et 36 suggèrent le désir amoureux contenu et
pudique :
J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
– Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
– Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…
Pour Rimbaud, la sensualité et le lyrisme est une manière d’être. C’est ce que montre le
jeu de mots entre « être » et « suivre » qui sont homonymes une fois conjugué à la
première personne :
Suivre la sensualité est une manière d’être qui contraste avec l’existence normée et
rationnelle de la bourgeoisie de Charleville.
Transition : Si Rimbaud donne une place marginale du poète dans la société, il donne
surtout une définition nouvelle à la poésie.
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Le titre du poème « A la musique » se présente comme un hommage à la poésie qui,
traditionnellement, est issue de l’art d’Orphée, poète et musicien dans la mythologie
grecque.
Les rimes croisées du quatrain reproduisent le rythme binaire des marches militaires.
♦ Dans les trois dernières strophes, la musique devient plus sensuelle et désordonnée
comme le suggère le champ lexical du mouvement : «tournent», «mèches folles»,
«atours», «courbe», «me viennent».
Ce mouvement reproduit les tournoiements d’une valse enivrante qui est la musique
lyrique et amoureuse par excellence.
La poésie a d’abord pour sujet et objet le « moi » comme le dévoile la place du moi
dans le dernier vers : «- Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres».
Les tirets énigmatiques aux vers 25, 34 et 36 semblent être le signe d’un dialogue
intérieur que le poète mène avec lui-même.
Cette multiplicité du « moi » préfigure le « Je est un Autre » qu’il écrira dans la Lettre à
Paul Demeny (15 mai 1871).
De ce point de vue, la poésie est l’antidote à la guerre que connaît la France à cette
époque. Là où la guerre démembre les corps, la poésie, animée par l’amour, les
reconstruit.
A la musique, conclusion
6/7
Dans « A la musique » , Arthur Rimbaud chasse la médiocrité, la rationalité
bourgeoise pour laisser place à la sensualité brimée par l’ordre bourgeois.
7/7