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Analyse lineaire n°8

Juste la fin du monde


L’épilogue

introduction
Jean-Luc Lagarce est un homme de théâtre accompli qui a touché à tous les métiers du
domaine puisqu’il a été comédien, metteur en scène, directeur de troupe et dramaturge.
Malgré sa mort prématuré en 1995 à l’âge de 38 ans, il laisse derrière lui une oeuvre riche et
unique qui rencontrera un succès posthume.
Juste la fin du monde est une pièce de théâtre mettant en scène Louis, qui revient auprès 12
ans d’absence annoncer sa mort prochaine à sa famille. Toutefois, Louis part de chez les siens
sans avoir pu délivrer son lourd secret. La maison, lieu du huit-clos familial, garde en son sein le
non-dit de sa mort . Ce passage correspond à l’un des monologues de Louis mais également à la
dernière page de la pièce. Situé après le drame en lui-même, il a lieu quelques mois plus tard. Le
texte fonctionne ainsi comme une prosopopée. Il semble que Louis parle depuis sa tombe, il
raconte le souvenir estival d’un cri qu’il n’a pas poussé et qu’il regrette. En quoi cet épilogue
apporte-t-il une fin éclairante au drame familial qui a précédé ?

Mouvements
Mvt 1: L.1 à 4 -> la mort de Louis
Mvt 2: L. 5 à 8 -> La narration du souvenir
Mvt 3: L. 19 à la fin -> Le cri silencieux
Prosopopée
Figure de rhétorique par
laquelle on fait parler et
Procédés majeurs et intéprétations agir une personne que l’on
évoque (absent, défunt ..)
Mvt 1: La mort de Louis

-> « après ce que je fais » : l’épilogue s’ouvre sur une prosopopée énoncé au présent à valeur
de futur proche comme l’induit l’adverbe de temps « après »

-> « je pars »: série de phrases inhabituellement brève => confère un effet dramatique au
propos et d’autant plus dramatique que les actions s’enchaînent « je pars/je ne revient plus
jamais/ je meurs »
-> Brouillage temporel => allusion aux 4 premières lignes du prologue, crée de l’incompréhension
chez le lecteur et questionne sur le fait qu’il soit mort ou non.
Mvt 2: La narration du souvenir

-> Narration du souvenir accompagné d’une forte présence du présent et du présentait


« c’est » => Le but étant de rendre le récit du souvenir vivant de nouveau.

-> l’adverbe « encore » peut être syllepse de sens, il peut sous entendre ici:
- « que je raconte une fois encore » ou « que je raconte avant de me taire »
-Ou comme deuxième sens que confirme la parenthèse qui suis, au futur antérieur « après
j’en aurai fini » qui sous entend après sa mort
=> désigne premièrement un souvenir né durant ces années d’absences qui a marqué Louis et
qu’il a précédemment raconté de nombreuses fois. Cependant, ce souvenir résonne de manière
troublante avec un souvenir réel de l’auteur raconté dans le journal de Lagarce.

-> Anaphore à trois reprises de « c’est » => présente le souvenir de manière assez prosaïque,
sans lyrisme, le situant dans un cadre spatio-temporel relativement précis: « c’est l’été, c’est
pendant ces années/ c’est dans le sud de la France ».

-> « Je me suis perdu, la nuit dans la montagne » => Le dramaturge opère un zoom sur le
cadre du souvenir: « la nuit, dans la montagne/ le long de la voie ferré »
On peut ainsi l’interprété par deux sens: - propre (cadre spatial)
- hypothèse d’une métaphore où la voie ferré
représenterais en réalité le chemin vers
la mort et indiquerais de cette façon une mort
imminente .
-> « parce que je me suis perdu / Je n’y risque plus rien » => indication sur les sentiments
égaré de Louis ou encore de peur. Révèle son état d’esprit. Fait également référence à la
solitude ressentie .

-> « la maison où je vis » => Louis parle de sa maison où il vit sans sa famille et non la maison
familial. On remarque que ce souvenir est en partie liée avec « la maison où il vit » qu’il
cherche à rejoindre par le chemin le « plus court » . Il s’agit donc, après ce huit-clos
éprouvant s’étant déroulé « dans la maison de la mère et de Suzanne » de rejoindre sa propre
maison, après s’être perdu. C’est selon Louis le seul moyen de se retrouver, comme le prouve le
futur à valeur de certitude « c’est ainsi que je me retrouverai » .

-> « plus court » => désigne le moyen le plus court vers la mort
Métaphore du Viaduc:
-> « Viaduc immense » => désigne un pont symbolique entre deux mondes
-> l’adjectif « immense » associé au verbe « il domine » => donne une image majestueuse et
impressionnante. Cependant le fait que Louis apparaisse « seul dans la nuit » vient fragilisé
cette image (du pont).
-> « à égale distance du ciel et de la terre » => révèle en réalité à la distance entre le
monde des vivants et celui des morts.

Mvt 3: Le cri silencieux

-> « ce que je pense/ c’est cela que je voulais dire » => représentation de l’oeuvre, les
parenthèse ici sont un paradoxe car elles ne contiennent pas d’informations secondaire et
révèlent ici l’essentiel parce qu’elles résument l’intrigue de la pièce. »

-> utilisation du conditionnel: « C’est que je devais pousser un grand er beau cri »
=> formulation hypothétique qui permet de distancier la réalité
Louis évoque alors au conditionnel, un cri qu’il aurait voulu pousser mais il reste silencieux
tout comme il est resté silencieux face à ses proches, ne pouvant exprimer ce cri qui dort
en lui, s’interdisant le bonheur, lui qui porte depuis l’enfance , le masque du malheur et de
l’abandon (référence à la tirade d’Antoine).

-> description méliorative et épanorthose : « un grand et beau cri, c’est un long et joyeux
cri (..) »
=> révèle un paradoxe avec le sentiment de déception du lecteur que Louis décrit de
manière hyperbolique et qui ne correspondrais pas réellement à la réalité. Louis se corrige
afin de décrire le cri de façon plus réaliste .On y constate alors un contraste entre l’idéal et
la réalité et une recherche de la vérité.

-> « ce bonheur là » : périphrase qui reprend le cri


=> révèle que le bonheur de Louis repose sur le dire et la parole. Soulève à la thématique de
la crise du language.

-> « hurler » => gradation qui part du cri

-> utilisation de la conjonction de coordination « mais » => marque ici la déception totale

-> Polyptote du verbe « faire » => marque le côté dramatique


-> utilisation du passé composé => marque le caractère irrémédiable de la chose.
-> « Je me remet en route » => thématique de la solitude qui revient

-> Plan typographique avec la dernière phrase


-> mystère de cette dernière phrase par « oublis » => révèle un paradoxe, qui est une
manière de justification par la mauvaise foie et qui se traduit par la lâcheté. Est un
paradoxe car Louis n’a pas oublié de poussé ce cri.

-> utilisation du terme « oubli » => montre qu’il ne contrôle pas ses sentiments, paradoxe
avec le prologue où Louis disait vouloir maîtriser ses sentiments.

Conclusion
Lagarce place donc Louis dans une situation d’ironie tragique. Il rate tous ses rendez-vous :
avec sa famille, avec l’art et avec le bonheur.
Lagarce joue sur les distorsions temporelles pour substituer l’auteur au personnage : « ce sont
des oublis comme celui-là que je regretterais » peut faire entendre la voix autobiographique
de l’auteur comme un regret d’avoir lui aussi raté des occasions de la vie.

Ouverture possible:
-> film de Xavier Dolan avec la dernière scène où l’oiseau représente la
mort (peut être une référence Baudelairienne)
-> Dans l’Antigogne de Sophocle, le chef de choeur dans cette pièce
dit: « un trop grand silence me paraît aussi lourd de menace qu’une
explosion de cri inutile »

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