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Explication 3 : Juste la fin du monde, extrait de la deuxième partie, page 102-

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• Introduction :

JFM fut écrit par Lagarce en 1990 (un an et demi après l’annonce de sa séropositivité). Cette pièce,
d’abord refusée par tous les comités de lecture, ne sera créée qu’en 1999, 4 ans après la mort de
l’auteur. Elle met en scène le retour d’un « fils prodigue» moderne, ou, en tout cas, le retour d’un
fils resté longtemps éloigné et absent de sa famille.
L’extrait que nous allons étudier se situe à la fin de la pièce à la fin de scène 3 de la Deuxième
partie , juste avant l’épilogue, au moment du départ de Louis, départ que Suzanne aurait voulu
retarder (empêcher) ce qui suscite de part d’Antoine de l’agacement, puis de la colère puis, en
fin de scène 2, une crise de larmes face à ce qu’il prend pour une mise en accusation de tous
contre lui. Alors Catherine a demandé à Louis de partir, ce qu’il s’apprête à faire. Mais, dans une
sorte de défoulement au sens psychanalytique du terme, sous le regard des femmes qui restent
maintenant à l’écart, Antoine recommence à parler à Louis et on sent en lui le besoin de tout dire,
d’expliquer, de raconter leur histoire, d’aller au fond des choses. L’extrait que nous allons étudier
est la fin du soliloque sous forme de lamento d’Antoine , les deux dernières « coulées de lave »
remontées des profondeurs de son être et la réaction de Louis.

LECTURE

Projet de lecture : Comment cette crise théâtrale révèle t-elle ici la pronfondeur des êtres ?
Plan : Tout d’abord nous verrons la synthèse des sentiments révélès par Antoine puis nous étudirons
ensuite la réaction de Louis

• Développement détaillé :

L. 1 à 39 : LA DERNIERE « COULEE DE LAVE » (SYNTHESE DES


SENTIMENTS REVELES PAR ANTOINE)

Il s’agit là d’une synthèse de tout ce qu’Antoine a dit jusqu’à présent à son frère. Elle s’écoule
en fait en deux coulées, bien distinguées par la disposition (séparées par un blanc) et dont la
deuxième développe et précise manifestement la première qui en pose les idées essentielles :
A l. 1- 12 : un « synopsis » une première phrase qui pose les grands
points de ce qu’Antoine veut dire
1- l. 1 à 4 : la stigmatisation de l’attitude de Louis ressentie comme accusatrice et
culpabilisante par Antoine : où on remarque que « Tu » est toujours sujet alors que les
pronoms renvoyant à Antoine sont en fonction de complément et notamment d’objet « Tu es
là » « tu serais ainsi » par opposition « à m’accuser » « devant moi » ce qui, associé à la
répétition du mot « accuser » et à l’accent mis sur l’attitude physique « à te mettre debout
devant moi pour m’accuser » (formule inchoative qui suggère une intention et une direction
dans le mouvement) reproduit bien l’angoissante impression d’être mis en accusation et
écrasé que peut ressentir Antoine (tout le début de la scène l’explique d’ailleurs, Louis a
toujours prétendu qu’on ne l’aimait pas et ils se sont toujours sentis coupables de cela)
C’est d’autant plus angoissant que c’est informulé, comme le souligne le complément de
manière « sans mot » répété et scandé en épiphore. Là encore, on voit combien le langage (et
ici aussi son absence de la part de Louis) est un signe révélateur de l’incommunicabilité
familiale, d’autant plus ici qu’Antoine se trompe certainement : le spectateur sait que Louis
n’est pas là pour accuser son frère mais pour annoncer sa mort.
2. l. 5- 9 : d’où la « pelote » de sentiments mêlés ressentis par Antoine à l’égard de
Louis
En effet ce qui est exprimé l. 5à 12 est suggéré comme un enchaînement de sentiments qui
sont des causes et conséquences les uns des autres par la polysyndète (l’accumulation des
conjonctions de coordination « Et » l. 5, 7, 8, 10)
l. 5-6 : D’Où,donc : sa PITIE envers Louis , un sentiment qui lui permet peut-être
d’inverser le rapport de force, de « reprendre la main » (on remarque en effet que cette fois
dans « je te plains » « j’ai de la pitié pour toi », cette fois, c’est Antoine qui est le sujet,
l’agent et Louis l’objet de cette pitié).
c’est en effet d’abord ce sentiment qui se détache nettement et qu’il tient à affirmer : à
travers sa conséquence « je te plains » + la répétition du mot « pitié » et cela en dépit du fait,
exprimé en épanorthose « c’est un vieux mot » que ce mot soit un peu démodé, il tient à le
dire parce que c’est cela qu’il ressent profondément .
Le rapport entre le fait qu’il se sente culpabilisé par Louis et cette pitié peut paraître
paradoxal (c’est bizarre d’avoir pitié de quelqu’un qui vous met en accusation) mais en fait,
cela s’explique : malgré tout, même si Antoine pense que le malheur de Louis est un malheur
joué, surjoué, un « malheur soit-disant », d’une part il perçoit que Louis se retrouve enfermé
dans ce rôle (voir plus haut p. 100 « tu ne saurais t’en défaire, tu es pris à ce rôle ») , d’autre
part, il sent peut-être ce que ce rôle joué de tout temps par Louis implique de solitude et de
peur de la vie et des autres, enfin, malgré tout, il s’agit peut-être encore de la même sorte de
pitié qu’il éprouvait enfant pour son frère liée à la fragilité plus grande, pense-t-il, de Louis.
C’est en tout cas, ce que suggère la suite : On s’aperçoit là qu’Antoine commence à revenir
(malgré lui peut-être ?)sur l’accusation violente de mensonge , de « soit disant malheur » qu’il
a lancée à la tête de Louis (voir p. 100).
Il faut alors rappeler, dans ce contexte d’une pièce tragique qui affirme depuis le
prologue ses liens avec la tragédie antique grecque, que la « pitié » est un des deux ressorts
essentiels (horreur et pitié) du tragique selon son grand théoricien , Aristote. Dans cette pièce
nourrie par la conception antique de la tragédie, on ne peut qu’en conclure qu’Antoine perçoit
son frère comme un personnage tragique.
l. 7-9 : cette pitié se mêle à d’autres sentiments eux-mêmes mêlés et même emmêlés
puisqu’il ne peut les exprimer à part l’un de l’autre (d’où impression de « pelote »
psychologique bien sombre et embrouillée mais où la parole d’Antoine met malgré tout un
peu de lumière et d’ordre) : « la peur » « l’inquiétude » « la colère » , la peur et l’inquiétude
pour Louis qui se dégagent de la sédimentation des épanorthoses qui montrent à la fois qu’il
peine à exprimer son sentiment et, en même temps, qu’il veut vraiment dire cela : « et de la
peur aussi »+ « et de l’inquiétude » épanorthose , légèrement moins forte mais dans le même
ordre d’idées et suggérant une préoccupation, un esprit jamais tranquille (< latin inquies :
« qui a l’esprit agité, qui ne peut trouver le calme, le repos »)+ en la périphrase « j’espère
qu’il ne t’arrive rien de mal » en épanorthose encore de renforcement en ce sens qu’elle
précise les idées de « peur » et d’ »inquiétude » en les concrétisant un peu .
cette inquiétude et cette peur d’Antoine pour Louis étant sans doute difficiles à bien
exprimer car paradoxalement aussi mêlées à la « colère » bien perçue comme en opposition
« malgré toute cette colère »
Et déjà alors se dit une vraie affection pour ce frère qui le met en colère, le
culpabilise et pour lequel il s’inquiète tant.
l. 10-12 : d’où, sans doute, une sorte de retournement de l’accusation qu’il porte
depuis le début de cette 3 (et même depuis la scène 2) , le retournement du reproche sur
lui-même :
« et je me reproche déjà (tu n’es pas encore parti)
Le mal aujourd’hui que je te fais »
Finalement, la boucle se boucle de manière assez tragique pour Antoine qui retombe dans
cette culpabilité qui le met tellement en colère (noter là encore le jeu des pronoms, JE cette
fois sujet et Te objet « le mal que je te fais »), tout seul, face juste à l’attitude de Louis (qu’il
n’interprète pas bien, le silence de Louis est parce qu’il ne peut pas dire ce qu’il a à dire, parce
qu’il ne veut pas leur faire de mal, le monologue qui ouvre la Seconde partie nous l’a appris
et alors se glisse là l’idée d’un beau gâchis).
Mais, face à ce silence, à cette absence de réaction de Louis (et c’est là qu’il est
important qu’il s’agisse de théâtre, c’est-à-dire, d’interactions, d’un champ d’énergie ... )
Antoine manifestement veut essayer une dernière fois et curieusement, la dernière coulée de
lave est une sorte de grande épanorthose qui reprend dans l’ordre tout ce qu’il vient de dire en
le précisant ou renforçant

II : l 13 à 38 REPRISE DE TOUS CES SENTIMENTS en une deuxième et


dernière coulée de lave , point par point en une sorte de longue épanorthose

1) l. 13 à 16 : on croit d’abord qu’il s’agit d’une pure réitération du sentiment d’être accusé
par Louis :
même début « Tu es là », trois courts mots qui suffisent à rappeler toute la densité de la
présence de Louis pour Antoine et sur 5 lignes ensuite, l’assonance en [a] va faire résonner ce
« là » (« accables » « ça » « vois » « toi »)
mais ensuite, contrairement au passage précédent, A. se limite au présent, il supprime le lien
avec ce à quoi il s’attendait (« je savais que tu .... ») pour s’immerger, plus largement, sans
plus évoquer le sentiment d’être mis en accusation par Louis, dans le sentiment présent qui
est celui du poids exercé par Louis sur lui : impression de poids bien soulignée par
* trois fois le verbe « accables (= au sens concret et propre « faire succomber sous un poids »
< originellement du sens de « faire tomber un arbre » ), mot qu’il sent un peu vieilli (« on ne
peut plus dire ça » ) mais qu’il reprend malgré tout
* le rythme appuyé de l’anaphore et de l’assonance en [a]
Et lancée avec agressivité à l’adresse de Louis à travers cette attaque de la proposition sur le
pronom personnel « tu » (4 fois !) avec en plus, un élargissement du nombre de « victimes »
de « tu m’accables » à « tu nous accables » (« m’ » et « nous » COD , en position de subir et
non d’agir)
On retrouve là cette esthétique de la répétition, du ressassement, du retour si adaptée à ce
théâtre de ce qui n’a pas été dit et qui fait mal peut-être justement parce que ça n’a pas été dit
( cad ce que l’on appelle en psychanalyse, le défoulement de ce qui a été longtemps refoulé)
17 – 18 : d’où , à nouveau, Antoine dit sa « peur » pour son frère, une peur qu’il dit
même explicitement (par la comparaison « j’ai encore plus peur pour toi » )plus grande que
lorsqu’il était enfant , bizarrement, alors qu’il a pris conscience de la part de mensonge qu’il y
avait dans les plaintes de Louis.
Alors, comment comprendre cette peur encore agrandie ? Antoine l’explique ensuite à
nouveau par la douleur de lui (l. 28) mais déjà on peut se demander à nouveau s’il n’a pas une
sorte de pressentiment de la maladie de son frère , quelque chose de confus en regardant Louis
mais qui suffit à faire renaître la vieille peur, et plus intense encore (voir PP sc 11 quand
Antoine a refusé violemment que Louis lui parle par peur de se « noyer » dans ce qu’il a à
dire, comme s’il avait pressenti la nouvelle )
Cependnat Antoine ne sait pas véritablement que son frère a une nouvelle tragique à leur
apprendre (même s’il en a une perception inconsciente) et il va donc expliquer sa peur en
l’appuyant sur une comparaison entre lui-même et Louis :
3) l. 19-27 : comparaison entre lui-même et Louis
a)lui-même :
l. 19- 21 : auto exhortation à se satisfaire de ce qu’il a
manifestement ici Antoine cherche à échapper à la lamentation sur son propre sort et cherche
à se persuader lui-même de se satisfaire de ce qu’il a. D’où une très involontairement
pathétique auto-exhortation :
on sent l’effort dans l’affirmation contournée : « je ne peux rien reprocher » (au lieu de dire
« j’apprécie » ... ) et encore plus nettement dans la formulation indirecte « je me dis que » (=
je me raisonne, j’emploie des arguments pour me raisonner) qui affecte d’un bémol la
représentation qui se veut certes positive de son existence (termes positifs « paisible et
douce ») mais on sent derrière ces termes l’idée de monotonie et banalité, une vie sans accroc
et sans exaltation, surtout quand on se rappelle cette réplique d’Antoine dans PP sc 11 lançant
à Louis p. 77 « tout n’est pas exceptionnel dans ta vie (...) c’est une petite vie, aussi »
Et c’est très pathétique en effet quand on se rend compte de tout ce que cette satisfaction
décidée et affichée recouvre de complexe et d’insatisfaction profonde (ou, en tout cas, de
sentiment d’être écrasé sous des responsabilités que le départ de son frère lui a imposées et
dont il ne veut pas).
l. 21-22
D’où ( toujours ce sens consécutif de la conjonction de coordination « et » ) l. 21-22 , le
retournement de la critique, du reproche contre lui-même : et que je suis un mauvais
imbécile », termes péjoratifs disant à la fois la faiblesse d’intelligence (« imbécile » et la
méchanceté (« mauvais »). Antoine se reproche désormais « d’avoir failli se lamenter » ce qui
nous paraît (comme à Louis sans doute et aux trois femmes qui assistent à la scène comme un
chœur antique désolé et impuissant voir p. ) pour le moins un euphémisme car Antoine se
lamente depuis de longues minutes mais c’est sans doute si nécessaire et impulsif de sa part, si
impérieux, (comme une coulée de lave) qu’il n’en est pas absolument conscient. En tout cas,
il refuse cette image de lui-même, il se la reproche, il s’efforce de voir sa propre vie de
manière positive et il essaye visiblement de se maîtriser.
. c) l. 23- 27 : le deuxième terme de la comparaison : Louis décrit en opposition quasi
terme à terme à lui-même et non sans une certaine ambiguité, ambivalence dans le ton
(des éloges certes mais non encore totalement dépourvus d’une sorte d’ironie)
ce sentiment de manquer à ce qu’il doit, de ne pas bien se conduire est (et c’est bien le
problème) est exacerbé par la comparaison avec l’attitude de Louis, en face de lui, attitude
qu’Antoine ressent et décrit (avec une certaine rage encore ) comme absolument opposée à
travers la locution conjonctive d’opposition « alors que » (l. 12)
* le silence de Louis opposé à sa propre logorrhée , ce qu’Antoine souligne avec énergie et
sans doute un peu de rancune (sensible dans l’émotion de l’interjection « ô » et l’adverbe
d’insistance « tellement » de silence « silencieux, ô tellement silencieux » ). En opposition
implicite aussi à « imbécile » car ce silence signifie à la fois la force et l’intelligence de Louis
selon Antoine (car « imbécile »< latin imbecillis qui signifie « faible »)
* puis l. 26 la bonté de Louis, détachée, deux fois affirmée là encore dans une
épanorthose de renforcement « bon, plein de bonté en opposition à l’épithète de
« mauvais » qui le qualifiait lui-même, avec un mélange sans doute là encore de rancune (il
préfèrerait que son frère soit plus méchant, ce serait moins dévalorisant pour lui) et
d’admiration (qui n’exclut cependant pas le doute que ce soit partiellement une apparence
fausse)
* l27 + en opposition , en effet, à la logorrhée verbale très agressive d’Antoine l’attitude
pleine de réserve, lointaine et distanciée aussi de Louis (« tu attends » en début de verset,
détaché par la virgule ) impression encore renforcée par la métaphore du repli sur soi :
et c’est bien là, sans doute , le problème d’Antoine, il ne peut pas atteindre Louis, il ne
parvient pas à communiquer vraiment avec lui. Ce qui fait obstacle, c’est précisément ce repli
sur sa « douleur intérieure » et là encore, on sent dans l’esprit d’Antoine un mélange de
sentiments presque contradictoires et certainement très inconfortables : « replié sur ton infinie
douleur intérieure dont je ne saurais pas même imaginer le début du début » : contrairement à
ce qu’il a dit auparavant de manière très agressive (voir p. 100) , ici, dans cette métaphore, on
ne sent plus vraiment qu’Antoine accuse son frère de tricher, de mentir, de prendre une
posture d’artiste tourmenté pour qu’on s’occupe de lui . Il semble admettre cette douleur de
Louis mais, en même temps, cela a un prix pour lui : cela s’accompagne d’une
déconsidération de lui-même (je ne suis pas capable de comprendre cela, c’est au-dessus de
moi qui manque de finesse, de culture, d’intelligence ... ) . Pourtant, cette phrase amère vis-à-
vis de lui-même ne nous semble pas non plus tout à fait dépourvue d’ironie et contient encore
un peu, sans doute , d’un reproche à son frère : tu me crois incapable de comprendre « le
début du début » de ta douleur car tu me penses plus grossier que toi.
Quoi qu’il en soit, il y a là le constat très triste d’une incommunicabilté entre eux qui
s’accompagne d’un complexe d’infériorité d’Antoine résumé par la double négation « je ne
suis rien » (par rapport à toi) « je n’ai pas le droit » (de te reprocher ce que tu es, de te
demander davantage). Un complexe d’infériorité dont le revers est la grande admiration pour
Louis qui sourd, perce (plus haut , plusieurs fois Antoine a dit que, lui, il n’a « rien
d’exceptionnel ». Ce qui signifie bien sûr, à rebours, que, pour Antoine (comme pour
Suzanne, comme pour leur mère), Louis est quelqu’un d’exceptionnel. Exceptionnel parce
qu’il est différent mais pas seulement.
4) d’où l. 31-38 déclaration d’amour fraternel parallèlement à une déconsidération de
lui-même
ce long quasi monologue d’Antoine débouche en effet sur une déclaration extrêmement
touchante et pathétique. Car quel amour, quel besoin du frère aîné mais aussi quel sentiment
d’être délaissé par lui se disent dans ces mots de l’abandon « quitteras » « laisseras ») et
surtout dans ce glissement bouleversant du « nous » au « je » dans la phrase : « et lorsque tu
nous quitteras, lorsque tu me laisseras... »
Amour pour Louis et son triste corollaire : une mauvaise image de soi sur laquelle se clôt cette
si longue tirade en forme de lamento :
*dans la reprise de « je ne suis rien » en « je serai moins encore » Antoine laisse voir
combien son estime de soi dépend de sa relation avec son frère. Il sera « moins encore » parce
qu’il s’en voudra terriblement de ne pas avoir su, de ne pas avoir pu lui parler comme il
l’aurait fallu, comme il l’aurait voulu (cf PP sc 8 les mots de la mère «ils ont su que tu
revenais et ils ont pensé qu’ils pourraient te parler »),
* d’où son « ressentiment » (c’est-à-dire sa « rancune, le fait de se souvenir avec rancune
et animosité ») contre lui-même : à nouveau, la boucle se referme pathétiquement sur
lui, sur le regret, le remords, le reproche contre lui-même :
et le jeu des pronoms est ici aussi très pathétique , l’omniprésence l. 29 à 35 du pronom « je »
associé à « rien » deux fois et repris deux autres fois en tant que complément d’attribution
« me reprocher » « ressentiment contre moi-même ». On ne saurait mieux dire le malaise
profond et la rancune contre soi-même. En même temps, il y a sans doute un peu de rage
d’Antoine englué dans cette fatalité de toujours finalement se sentir coupable dans sa relation
à son frère, cette culpabilité qui l’a empoisonné, qu’il refusait pourtant avec tant de rancoeur
plus haut.

III l. 39 à la fin : REACTION DE LOUIS

A) l. 39-40
- l. 39 « Louis ? » le mode interrogatif et l’ellipse ouverte de la phrase est évidemment une
façon de donner la parole à Louis, de quêter une réponse.
- l. 40 : fidèle à lui-même, et surtout très enfermé en lui-même,sans doute aussi assez choqué
et bouleversé par tout ce qu’il vient d’entendre , Louis « botte en touche », s’arrange pour ne
pas répondre comme on l’a déjà vu faire (voir par exemple p. 54 avec Catherine) en renvoyant
la question « Oui ? « en même temps, malgré tout, il ne ferme pas la discussion. Il gagne
plutôt du temps avant de parler.

B)Pour autant, Antoine ne perd pas toute dignité car il finit par reprendre une sorte de
contrôle, une fois ce « défoulement », cette catharsis accomplis et il assume assume,
« J’ai fini. / je ne dirai plus rien » cette fois phrases très courtes affirmant sa reprise de
contrôle et aussi suggérant une nécessité accomplie
Et quand il ajoute « Seuls les imbéciles, ou ceux là saisis par la peur auraient pu en rire » il
revendique la dimension complexe et grave de ce qu’il a dit (seuls des idiots qui ne
comprennent rien à cette complexité mais aussi des êtres insensibles, ou bien d’autres qui, par
« peur » affecteraient de rire pour se protéger)

C) Et Louis ? « je ne les ai pas entendus » certes, il reste corseté , ne sachant comment


faire, et il répond peu mais, cette fois, il répond par autre chose qu’un petit sourire malgré
tout, sa réponse n’est-elle pas d’une grande bonté et ne dit-elle pas une profonde
compréhension de son frère et peut-être un profond regret (remords) de ce chagrin dans lequel
il le laisse et qui sera évidemment encore décuplé à l’annonce de sa mort.

• Conclusion :

Ainsi, dans cet extrait de Juste la Fin du Monde, Antoine montre son affection et ses sentiments
pour son frère on l’observe grâce à la peur qu’il a pour Louis, même si il y a quand même de la
colère au fond de lui malgré tout. Et on observe que Louis est capable d’avoir de la compation pour
les autres et notamment pour son frère, il est capable de souffrir avec lui et fait preuve d’une grande
bonté.

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