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Introduction

Grand dramaturge français, Jean-Luc Lagarce a écrit Juste la fin du monde en 1990,une pièce qui ne sera
jamais montée de son vivant. Cette pièce possède un aspectautobiographique puisque comme l’auteur,
le protagoniste Louis va mourir du SIDA.On y raconte le retour de Louis auprès de sa famille après 12 ans
d'absence pourleur annoncer sa mort prochaine. Au cours de la pièce, chaque personnage va tour àtour
exprimer ses reproches à Louis et à son départ. L’extrait que nous allons étudierest la tirade de Suzanne :
sœur cadette de Louis, elle s’est senti abandonnée lors deson départ et par l'absence de nouvelles. Elle
s’adresse à son frère, mais l'absencede didascalies et de réponses peut laisser penser au lecteur qu’il
s’agit en réalitéd’un monologue.

II. Lecture
Problematique: Comment la communication familiale est questionnee par suzanne dans cet extrait?

III-STRUCTURE

Premier Mouvement <parfois.. lettres elliptiques>

Titre: Le reproche de Suzanne a Louis


(l.25 à 54) : reproches concernant le silence de Louis. - Insistance de Suzanne sur la rareté des lettres
envoyées par Louis : anaphore de l’adverbe temporel « parfois »(3 occurrences l.25, 26, 31).

.- Elle se reprend pour mettre le verbe au présent, ce qui suggère que ces envois ne se sont jamais
interrompus :«Parfois, tu nous envoyais des lettres / parfois tu nous envoies des lettres » l.25-26
(polyptote). - Elle adopte un ton ironique et accusateur afin de signifier à Louis que ses lettres la
déçoivent :

• « ce ne sont pas des lettres, qu’est-ce que c’est ? » l.34 : question rhétorique à laquelle elle répond
aussitôt elle-même.

• « de petits mots, juste de petits mots, une ou deux phrases, / rien » l.35-36 : gradation descendante
(jusqu’au pronomnégatif hyperbolique « rien », mis en évidence par son rejet à la ligne suivante) +
connotation péjorative de l’adjectif« petits » et de l’adverbe « juste » traduisent la frustration de
Suzanne. On comprend qu’elle aurait attendu de longueslettres, des nouvelles détaillées de son frère.

• Suzanne tâtonne, s’interroge, cherche à exprimer ce qu’elle pense de la façon la plus précise : «
comment est-cequ’on dit ? » l.36.

• Elle finit par se satisfaire de l’adjectif « elliptiques » l.37 (=qui comportent des blancs, des omissions,
difficiles àcomprendre) et reformule ensuite toute sa phrase en citant son propre discours, présentant sa
pensée sous sa formedéfinitive, d’où la présence des guillemets : « ‟Parfois tu nous envoyais des lettres
elliptiques”. » l.38Ses lettres sont à l’image de Louis qui se livre peu à sa famille (ils ne savent rien de sa
vie loin d’eux).-

Deuxieme mouvement: <Pensais que... plus encore>l.7-20

Titre: La representation que Suzanne a pour Louis


L’emploi de l’imparfait « je pensais » (3 occurrences, l.32, 36, 38) montre une rupture
dans l’esprit deSuzanne : ce temps verbal sous-entend qu’elle ne pense plus la même chose
aujourd’hui. La jeune adulte qu’elle ests’est détachée de l’enfance et de ses illusions.

• Commentaire de Suzanne entre parenthèses, ironique : « (ce que j’ai pensé lorsque tu es parti) » l.33.
Elle se moquede ses illusions sur son frère lorsqu’elle était enfant.

• Suzanne reformule « lorsque tu es parti » l.32-33 en « lorsque tu nous as faussé compagnie » l.34
(épanorthose).L’euphémisme qu’elle emploie (« tu nous as faussé compagnie ») sous-entend un
reproche : Suzanne a vécu ce départcomme un abandon, voire une trahison.

• « (là que ça commence) » l.35 : encore un commentaire de Suzanne entre parenthèses, ironique. Elle
sous-entendque c’est à ce moment-là que commencent les problèmes de la famille, au moment du
départ de Louis.- Les multiples reformulations de Suzanne pour exprimer ce qu’elle pensait, enfant, être
l’avenir de son frère,soulignent qu’elle n’était déjà pas très au courant de sa vie à cette époque :

• « je pensais que ton métier, ce que tu faisais ou allait faire dans la vie, / ce que tu souhaitais faire dans
la vie » l.36-37 : était-il déjà écrivain comme le sous-entend « faisais » ? ou était-il encore en train de
faire ses études (« allaitfaire », « souhaitais faire ») ? épanorthose

• « je pensais que ton métier était d’écrire (serait d’écrire) » l.38 : le passage de l’imparfait « était » au
conditionnel(à valeur de futur dans le passé) « serait » témoigne à nouveau de cette ignorance.
polyptote- Suzanne fait une pause (signalée par les tirets) dans ses reproches et exprime l’admiration
que la famille(=« nous » l.40) éprouve pour Louis en raison de son talent d’écrivain :

• « - et nous éprouvons les uns et les autres, ici […] une certaine forme d’admiration / c’est le terme
exact, unecertaine forme d’admiration pour toi à cause de ça - » l.40-42. La répétition de « une certaine
forme d’admiration »met en avant ce sentiment partagé par tous les membres de la famille pour Louis.•
« tu le sais, tu ne peux pas ne pas le savoir » l.40 : leur admiration pour Louis est telle qu’il ne peut
l’ignorer.• Elle commente le terme « admiration » qu’elle emploie : « c’est le terme exact » l.42. Toujours
la recherche du motjuste.

- Elle précise encore ce qu’elle avait pensé que serait l’avenir de son frère :

• « je pensais que ton métier était d’écrire (serait d’écrire) » l.38« ou que, de toute façon, / si tu en avais
la nécessité, / si tu en éprouvais la nécessité, / si tu en avais, soudain,l’obligation ou le désir, tu saurais
écrire » (épanorthose + 3 propositions subordonnées circonstancielles de condition)l.43-46 = Elle
pensait donc que Louis pourrait employer son don d’écrivain aussi bien pour survivre (cf «
nécessité »,« obligation ») que par plaisir (comme le suggère le terme « désir »)

.• « tu saurais écrire » l.46 (conditionnel à valeur de futur dans le passé), mis en valeur en fin de ligne :
met enévidence le don d’écriture de Louis.

• Ce don pouvait lui servir à tout : on le voit à travers le complément circonstanciel de but « pour te
sortir d’unmauvais pas ou avancer plus encore » l.47

Troiseme mouvement : <Mais jamais...les autres>l.21-27

Titre: L'incomprehension par rapport a la facon qu'a Louis de s'exprimer par


l'ecriture.
Dans les 2 dernières phrases, Suzanne reproche à Louis de ne pas partager son don avec eux, de le
réserveraux autres :

« Mais jamais, nous concernant, / jamais tu ne te sers de cette possibilité » l.48-49 : la conjonction de
coordination« mais » l. 48 introduit une rupture dans l’expression de son admiration pour son frère,
l’anaphore de l’adverbe« jamais » (4 occurrences, l.48, 49, 50, 52) et de l’expression « tu ne te sers » (3
occurrences, l.49, 50, 52) traduit laplainte de Suzanne

.• Opposition entre « nous » et « tu » l.48 à 53 : matérialise la rupture qui s’est installée au sein de la
famille entreLouis et les siens

.• Il n’a pas d’excuse pour ne pas leur écrire puisqu’il est écrivain : Suzanne tâtonne, utilise plusieurs
termes du champlexical du talent pour évoquer le don d’écriture de Louis, « cette possibilité » l.49, ce «
don » l.49 (2 occurrences),« cette qualité » l.50, 52 (2 occurrences) = épanorthose.

• Elle commente le terme « don » (entre parenthèses) : « (on dit comme ça, c’est une sorte de don, je
crois) » l.49. Elles’interroge toujours sur la pertinence des mots qu’elle utilise.

• La didascalie interne « tu ris » l.49 montre que Louis ne prend pas la mesure de l’amertume et de la
déception deSuzanne, même s’il rit sans doute de la manière dont sa famille l’a sacralisé.• Elle
commente le terme « qualité » (entre tirets) et en profite pour critiquer Louis en sous-entendant qu’il n’a
pas dequalités : « - c’est un mot et c’est un drôle de mot puisqu’il s’agit de toi - » l.51. Ironie

.• Elle interprète les courtes formules de Louis dans ses lettres comme une forme de mépris à leur
égard, exprimé àtravers 2 tournures négatives : « Tu ne nous en donnes pas la preuve, tu ne nous en
juges pas dignes » l.53. Anaphore

.• Pour finir, dans la dernière phrase, elle accuse Louis de réserver son talent pour « les autres » l.54,
pronom indéfini(désigne ses lecteurs, ceux avec qui il vit maintenant, qui sont de son milieu – Louis est
un « transfuge de classe », il achangé de milieu) qui s’oppose ici au pronom personnel « nous » (la
famille, ceux qui sont restés avec la mère, quiont un complexe d’infériorité vis-à-vis de Louis).
ConclusionSynthèse VI:

L’absence a creusé entre Louis et les membres de sa famille un fossé, un vide qui se
traduit parl’impossibilité de dialoguer. Louis, fidèle à lui-même et à ses « lettres elliptiques »,
n’intervient pas dans le discoursde Suzanne, qui se transforme donc en un soliloque. Celle-ci tâtonne
puis finit par réussir à exprimer sa tristesse :l’absence a été trop longue, Louis n’a pas maintenu
suffisamment le lien avec les siens, et cet extrait montre que leregret et les reproches ont pris le pas sur
l’amour et l’admiration. Cette troisième scène annonce donc déjà l’échec del’entreprise de Louis.

Ouverture : Apparaît ici la crise personnelle de Suzanne, qui révèle l’ambiguïté de ses sentiments à
l’égard de Louis.En effet, elle se montre tout d’abord prête à tout pour qu’il se sente chez lui et qu’il
reste, comme le montre la scène 1de la 1ère partie, dans laquelle elle exprime ses regrets qu’il soit venu
en taxi, et qu’elle ne soit pas allée le chercheren voiture ; elle lui présente Catherine. Dans cette scène 3
de la 1ère partie, elle éclate en reproches. La suite de la1ère partie montre que Suzanne ne cesse de se
mettre en colère contre Antoine pour se rapprocher de Louis, maisqu’en réalité elle est plus proche
d’Antoine, comme le révèlent la scène 7 de la 1ère partie et l’intermède, scène 8

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