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Juste la fin du Monde,


Lagarce, partie 2 scène 2 :
analyse
Par Amélie Vioux • 1 août 2020 • 2 commentaires

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Voici un commentaire linéaire pour le bac de


français de la partie II scène 2 de Juste la fin
du monde (1990) de Jean-Luc Lagarce.

L’extrait analysé va de « Catherine : Elle ne te


dit rien de mal, tu es un peu brutal, on ne peut
rien te dire… » jusqu’à « Louis – Je crois aussi. »

Juste la fin du monde, partie


II, scène 2 : introduction
Jean-Luc Lagarce écrit Juste la fin du monde
en 1990 alors qu’il se sait déjà atteint du sida et
condamné à une mort prématurée.

Il mourra en effet à l’âge de 38 ans, en 1995.

Juste la fin du monde évoque le retour de


Louis, 34 ans, dans sa famille pour annoncer
sa maladie et sa mort prochaine.

Mais la communication au sein de la famille


est difficile. Le retour de Louis est un
catalyseur qui réveille les souffrances des
autres membres du clan familial. (Voir la fiche
de lecture complète de Juste la fin du monde
de Lagarce)

Dans cette scène 2 de la deuxième partie,


Louis n’a toujours rien révélé et envisage son
départ.

Antoine, son frère, a organisé son départ mais


Suzanne, sa sœur, vient changer le plan initial,
ce qui contrarie Antoine, qui manifeste sa
mauvaise humeur.

Suzanne reproche alors à Antoine d’être


« désagréable » ce qui provoque une dispute.
Le conflit s’envenime.

Problématique
Dans quelle mesure cette scène montre-t-elle
l’échec du langage qui ne parvient pas à
réconcilier les individus ?

Plan de lecture linéaire


Dans un premier temps, de « Elle ne te dit rien
de mal » à « vous êtes terribles, tous, avec moi »
, un conflit se déclenche à partir du mot
« brutal » qui fait réagir Antoine.

Dans un deuxième temps, de « Non, il n’a pas


été brutal » jusqu’à « ce que je voulais juste
dire » , Antoine se défend en clamant son
innocence.

Dans un troisième temps, de « Toi, non plus, ne


me touche pas ! » à « Je crois aussi » , la rivalité
fraternelle éclate de façon irréconciliable.

I – Le déclenchement du
conflit
(de « Catherine : Elle ne te dit rien
de mal » à « Antoine : Vous êtes
terribles, tous, avec moi» )
La dispute a déjà éclaté entre Antoine et
Suzanne au sujet du mot « désagréable ».

Pour apaiser les tensions, Catherine se pose en


médiatrice de la relation entre Suzanne et
Antoine : « Elle ne te dit rien de mal / tu es un
peu brutal, on ne peut rien te dire / tu ne te
rends pas compte / parfois tu es un peu brutal
/ elle voulait juste te faire remarquer ».

On remarque que le discours de Catherine est


en chiasme, suivant la structure ABCCBA :
« Elle ne te dit rien de mal / tu es un peu
brutal, on ne peut rien te dire / tu ne te rends
pas compte / parfois tu es un peu brutal / elle
voulait juste te faire remarquer ».

Cette construction en chiasme révèle une


parole fermée sur elle-même, inefficace, qui
ne trouve pas d’issue.

Les modalisateurs « un peu », « un peu »,


« juste » essaient de calmer l’irruption des
pulsions dans le débat familial.

Catherine est une tierce-personne, la seule à


ne pas avoir de lien de sang avec les autres
personnages. Pourtant, elle ne parvient pas à
dépassionner le débat.

Sa parole crée presque un effet comique car il


y a un décalage entre l’intention de paix et la
colère que son discours provoque chez
Antoine.

On assiste encore une fois à l‘inefficacité de la


parole qui trompe celui qui l’utilise et dont les
intensions ne parviennent pas à atteindre leur
destinataire.

Antoine rebondit sur le mot « brutal » sous


forme de question (« Je suis un peu brutal ? »)
pour développer sa tirade.

Ce rebond est d’autant plus ironique que le


terme a échappé de la bouche de Catherine
dont l’intention initiale était de pacifier les
relations.

Lagarce nous montre l’essence


fondamentalement polémique de la parole.
La parole veut unir, réconcilier mais elle divise
fatalement car l’incompréhension règne entre
les individus.

La phrase négative « Non » suivie de la


négation totale « ne…pas » souligne cette
opposition entre les individus : « Non. / Je ne
suis pas brutal. »

Antoine par sa fragilité – un seul mot le met


hors de lui – se met en position de bouc-
émissaire, comme le montre le jeu
d’opposition sur les pronoms personnels :
« Vous êtes terribles, tous, avec moi ». Le
« moi » en fin de proposition place l’individu
seul face à la collectivité comme dans la
tragédie.

L‘adjectif « terribles » fait écho à la terreur et la


pitié qui selon Aristote sont les deux
composantes du tragique.

Le tragos, le bouc-émissaire, est seul contre


les autres. C’est exactement ce que ressent
Antoine qui a l’impression qu’un véritable
procès se trame contre lui.

II – Antoine clame son


innocence
(de « LOUIS – Non il n’a pas été
brutal » à « ce que je voulais juste
dire »)
La phrase de Louis « Non il n’a pas été brutal »
reprend le terme « brutal » qui est le chef
d’accusation, mais en le niant.

Louis joue ici le rôle de l’avocat par le


redoublement adverbial de la négation « Non
il n’a pas… ».

Louis vouvoie aussi Catherine (« je ne


comprends pas ce que vous voulez dire »), ce
qui met une distance entre les personnages.

Mais Antoine n’apprécie pas l’intervention de


Louis.

A travers l’exclamation (« Oh toi ça va, « la


Bonté même » ! »), le frère cadet donne une
interprétation hostile à la bienveillance
apparente de la phrase « Non il n’a pas été
brutal ».

Comme précédemment avec Catherine, la


tentative de Louis d’apaiser les tensions se
retourne donc contre lui. Lagarce montre
l’échec de la parole qui ne parvient pas à
réconcilier les individus mais uniquement à
manifester des divergences.

Antoine utilise une expression idiomatique


(c’est à dire une expression toute faite) « la
Bonté même » pour faire ironiquement de
Louis l’allégorie de la Bonté.

La majuscule à « Bonté » vient renforcer ce


statut mythique de l’aîné dont les vertus
rayonnent dans la famille. Mais les guillemets
soulignent l‘ironie de cette louange.

Antoine dénonce le jeu théâtral de Louis.


Selon lui, Louis mimerait la Bonté pour mieux
asseoir sa domination, son calme, sa maîtrise
de la situation.

On perçoit le mécanisme du conflit qui se


déclenche à partir d’un mot – ici le mot
« brutal » – puis contamine tout le discours en
soulevant des querelles sans rapport avec
l’objet initial du conflit.

Le dialogue devient un lieu d’affrontement,


une arène.

La didascalie interne (« Je n’ai rien, ne me


touche pas ») suppose un geste affectueux ou
apaisant de Catherine à l’égard d’Antoine. Mais
le geste, comme la parole, ne parvient pas à
réunir les individus qui restent fatalement
enfermés en eux-mêmes.

Antoine amorce alors sa défense par une


plaidoirie qui rappelle la rhétorique judiciaire.

Il clame son innocence par la répétition de


l’expression « je ne voulais rien faire de mal ».

Puis il distingue le vouloir et le faire : « je ne


voulais rien de mal », « je voulais juste dire » ,
« ce qui me semblait bien » / « fasse mal ».

Cette distinction entre l’intention et les actes


permet d’affirmer la pureté de son intention
et d’utiliser le principe du droit pénal (Code
pénal 121,3 : « Il n’y a point de crime ou délit
sans intention de le commettre ».)

Le champ lexical de la parole et l’insistance


sur le verbe « dire » (« disais seulement », « juste
dire », « je n’ai rien dit », « je disais ») suggèrent
la difficulté des mots à exprimer l’intention.

Mais Antoine s’embourbe dans ses propres


mots comme le montrent l’antithèse entre les
propositions « je ne voulais rien faire de mal »
et « il faut toujours que je fasse le mal ».

L’épanorthose (figure de style qui consiste à


nuancer et corriger ce qui vient d’être dit) rend
sa parole labyrinthique, une parole où la vérité
se perd.

III – La rivalité fraternelle


éclate
(de « toi, non plus, ne me touche
pas ! » à « Louis : je crois aussi« )
La didascalie interne (« toi, non plus, ne me
touche pas ») indique un geste fraternel de la
part de Louis, rejeté violemment par Antoine.

La syntaxe suggère la séparation des


personnages, avec le « toi » désignant Louis,
isolé au début d’une phrase hachée par les
virgules : « toi, non plus, ne me touche pas ! ».
Antoine s’enferme dans son statut de victime
et refuse tout soutien.

La référence à « la bête curieuse » rappelle


encore une fois le bouc-émissaire, le tragos
sacrifié.

Il souligne l’injustice de la situation selon lui à


travers un vocabulaire moral : « il n’y a rien de
mauvais dans ce que j’ai dit« , « ce n’est pas
bien, ce n’est pas juste » .

Puis, par un jeu de pronoms personnels,


Antoine oppose le « je « et le « il » (« il fait
comme il veut, je ne veux plus rien / il dit qu’il
veut partir et cela va être de ma faute » La
structure syntaxique reproduit le face-à-face
des deux frères.

En désignant son frère à la troisième personne


du singulier, Antoine révèle l’hostilité latente
qui a toujours existé entre eux.

Le champ lexical de la faute (« trompé », « ma


faute », « chose juste », « contre moi ») suggère
qu’Antoine ne peut se débarrasser de la faute
tragique.

Il se laisse alors emprisonner par les mots


comme le montre le parallélisme à la fin de sa
réplique : « je disais seulement / je voulais
seulement dire (…) je disais seulement, / je
voulais seulement dire »). Ces répétitions
presque farcesques font penser au théâtre de
l’absurde de Samuel Beckett, comme la pièce
En attendant Godot, où le tragique côtoie le
burlesque.

La rivalité fraternelle, latente jusque-là, prend


soudain une expression directe et saisissante :
« Tu me touches : je te tue ».

L’asyndète marquée par les deux points (« : »)


indique une condition (« Tu me touches » )
mais la relation de cause à conséquence
exprimée sans conjonction suggère
violemment l’imminence du fratricide. La
juxtaposition des propositions rend la menace
plus pressante.

Jean-Luc Lagarce souligne l’échec du


langage. La querelle qui se déclenche au
départ sur le simple mot « brutal », s’envenime
jusqu’au meurtre symbolique que le présent
de l’indicatif rend plus réaliste.

Louis et Antoine rappellent les fratries


tragiques comme Abel et Caïn dans l’ancien
testament (Abel, fils aîné d’Adam et Ève, tue
Abel son frère cadet).

Ils ne peuvent plus coexister ni partager le


même espace d’où l’intervention de la Mère
« Laisse-le Louis » . L’allitération en « l » vient
apaiser la situation.

Catherine exhorte Louis à partir : « Je voudrais


que vous partiez / Je vous prie de m’excuser,
je ne vous veux aucun mal / mais vous
devriez partir ». Comme au début de l’extrait,
sa réplique est en forme de chiasme, fermée
sur elle-même, montrant son incapacité à aller
à la rencontre de l’autre.

Catherine cherche toujours l’apaisement mais


celui-ci ne peut plus se faire que dans la
séparation.

Louis abdique : « je crois aussi. »

Juste la fin du monde, 2ème


partie, scène 2, conclusion
Cette scène met en lumière l’échec du
langage qui ne parvient pas à réconcilier les
individus mais uniquement à renforcer les
divergences.

À partir d’un simple mot – l’adjectif « brutal » –


une querelle se déclenche et s’envenime
jusqu’au meurtre fratricide symbolique.

Chaque personnage reste enfermé à l’intérieur


de lui-même. Cette scène violente constitue le
point culminant de la pièce et rend
désormais impossible toute annonce de Louis
à sa famille, précipitant la chute de la pièce.

Tu étudies Juste la fin du


monde ? Regarde aussi :
Juste la fin du monde, prologue
Juste la fin du monde, partie 1 scène 1
Juste la fin du monde, partie 1 scène 2
Juste la fin du monde, partie 1 scène 3
Juste la fin du monde, partie 1 scène 8
Juste la fin du monde, partie 1 scène 9
Juste la fin du monde, partie 1 scène 10
Juste la fin du monde, partie 2 scène 1
Juste la fin du monde, partie 2 scène 3
Juste la fin du monde, épilogue
L’étymologie grecque du mot crise, Krisis,
vient du verbe Krinein qui signifie discerner,
juger, décider. En quoi cette étymologie
éclaire-t-elle votre lecture de Juste la fin du
monde ? (Dissertation)

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2 commentaires

Paul
26 juin 2021 à 22 h 23 min

Mais comment la première partie de l’extrait


peut-elle constituée le déclenchement du
conflit si ce conflit a déjà éclaté au début de
la scène ?

Répondre

arthur
8 janvier 2023 à 19 h 03 min

Je pense que c’est un peu un « nouveau


déclanchement » avec la critique de
Catherine sur le fait qu’il est brutal

Répondre

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