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LLn°13 : Tu m’accable, Juste à la fin du monde, Jean Luc

Lagarce
Intro :

-Auteur : Voir LL n°11

-Extrait : Écrit en 90 par JLL, Juste à la fin du monde est un huit clos
familial reposant sur l’annonce par Louis à sa famille de la maladie qui le
condamne. L’œuvre ne sera cependant jouée qu’après le décès du
dramaturge. L’extrait étudié clôture la dernière scène de la pièce qui
précède l’épilogue. L. demandé à ce que l’on l’accompagne à la gare.
Antoine, qui n’a quasiment pas parlé de la pièce, passe du non-dit à la
logorrhée verbale. Au cours de son soliloque, A. exprime sa colère et sa
frustration. Toute la souffrance et la rancœur accumulées pendant des
années refont alors surface.

️Lecture de l’extrait

Pb : En quoi cette scène de dénouement aboutit-elle à l’expression d’un


mal être profond révélant une crise non résolue ?

Mouvements :

1ermvt (l.1-23) : Le réquisitoire contre L.


2emvt (l.24-32) : Expression du mal être et de la culpabilité d’A.
3emvt (l.33-fin) : Vers une sortie de crise ? La fragile entente fraternelle

Développement :

1ermvt (l.1-23) : Le réquisitoire contre L.


Antoine cherche à résoudre la crise familiale en révélant, avec lucidité, la
responsabilité de Louis.
Apostrophes incriminantes, accusatrices à l'égard de Louis : le blâme. L1-3
et L11-14 :

L1 à 3 : jeu des pronoms « tu » (Louis) et « moi », « m’» (Antoine) +


répétition du groupe prépositionnel CCL « devant moi " et adverbe « là »
+répétition du verbe « accuser » lexique judiciaire => A. souligne le face-à-
face spatial qui l'oppose à L., comme dans un tribunal
=> Silence de Louis = reproche à l’égard de A. pour le mal qu'il a pu lui
faire, mais l’accusation tacite de Louis a beau être sans mot elle n'en est
pas moins violente pour son frère.

L11-14 :

« tu es là », anaphore, La crise familiale générée par le retour de Louis


donne lieu à un règlement de compte.

« tu », répétition du pronom, Le lamento d'Antoine est un blâme qui


condamne Louis

Action violente de Louis désignée par le verbe « accabler » signifie « faire


ployer sous un poids » ; repris 3X,

=>Antoine étouffe, sa respiration vitale est réduite et démontre d’une


impossibilité de se défendre face aux accusations silencieuses de Louis.

« Je », 1ere pers du singulier vers « nous », 1 ère pers du pluriel Antoine


exprime sa douleur mais exprime aussi celle de la famille due à la violence
de L. => surenchère du reproche.

Mise à jour d'une relation fraternelle pervertie par un rapport de


domination et de manipulation dont Louis est responsable L4-10 et 15-19

L4-9 : « plaindre », « pitié », « peur », « inquiétude », « colère », Lexique


des sentiments, A. exprime des sentiments contradictoires révélant
l'amour qu'il a pour Louis mais également combien l'attitude de son frère
génère de la douleur.
L10 : « reprocher », vb évoquant la culpabilité + advs temporels « déjà »
« encore » « aujourd’hui », => A. glisse vers l'auto-critique, le remords, la
culpabilité : il prend conscience du mal que peuvent causer ses paroles à
L.

L14 : Subordonnée temporelle « lorsque j'étais enfant », plongée dans le


passé familial + la tournure comparative « encore plus que » souligne le
degré d'intensité du sentiment que provoque Louis dans son entourage =>
: La violence de Louis est en relation avec la peur qu'il génère chez ses
proches depuis l'enfance, en se positionnant en être souffrant qui
inquiète son entourage.

Vb de perception « vois », double sens, propre (la vue) et figuré


(clairvoyance) => Antoine, par sa relecture subjective et clairvoyante du
passé familial montre implicitement que Louis pratique le chantage
affectif, en suscitant la peine, la peur

Lexique de la culpabilité, « se reprocher », conséquence du chantage


affectif de L., A. se sent coupable.

Opposition entre le lexique du bonheur, adjs mélioratifs « paisible et


douce », et le voca péjoratif, GN « mauvais imbécile », vb « se lamenter »
+ longue PSCC d’opposition

=> A. se reproche d’être heureux mais également d’être malheureux. Il n’y


a pas d’issue à la culpabilité. Antoine est un être blessé, empêché de vivre
à cause de L. Il confronte alors les douleurs, la sienne et celle de L., dans
une compétition malsaine. Sa douleur est minimisée et mise en balance
avec celle de son frère qui semble plus légitime.
Ironie d'Antoine : une arme contre le misérabilisme de Louis L20-23 :

L20-22 :Exclamation lyrique « ò » + adverbes d'intensité « tellement


», « plein de » + polyptotes « bon/bonté »+parallélisme de construction
traduit l'ironie d'Antoine.

=>ironie de A. face à la douleur cachée et difficile à cerner de L. comme le


montrent les termes « replié » et « intérieure » + négation dans la
PSR L22. L’ironie d’A. sous-entend qu'elle est au-delà de l'imaginable, du
réel elle est indescriptible, adj hyperbolique « infini » L22 A. caricature la
complexité de la douleur de Louis. Cette douleur semble feinte.

L23 : Redondance « le début du début » ; ironie => A. se moque de


l'éloquence qui caractérise L. et de sa posture romantique d'être
souffrant et exceptionnel. Il a compris que l'attitude de L. est feinte, que
L. les a manipulés, lui et la famille, pour les faire culpabiliser.

2emvt (l.24-32) : Expression du mal être et de la culpabilité d’A.


La crise familiale n'est pas résolue et elle est doublée d'une crise
personnelle.

Impossibilité d'exister face à Louis : Antoine, un personnage pathétique


L24-27 :

Si Antoine perçoit avec lucidité la violence de Louis, il n'arrive pas s'en


libérer. Il est rongé par un mal être et un sentiment d'infériorité qui sont
vécus comme une fatalité.

Négations => A. se sent moins exister que son frère, il le sentiment de ne


pas avoir de valeur

La locution adverbiale sans C.O.I. « je n'ai pas le droit » pourrait signifier


qu'Antoine n'a pas le droit de faire des reproches à L. mais également qu'il
n'a pas le droit d'exister.

Adv « encore » renforçant l'adverbe quantitatif « moins » + répétition de


« moins encore » et de l’adv « juste » effet d'insistance sur la petitesse
d’Antoine. => Antoine exprime son infériorité face à l'immense place que
Louis prend dans cette famille, infériorité qui perdurera après le départ de
L., comme le montre le chgt du Présent vers le futur

L26 : « et lorsque tu nous quitteras encore, que tu me laisseras »

PSCC temporelle, projection vers le départ de L

=>déclaration d’amour : A. exprime la perte d'un être cher et en décrit les


conséquences traumatiques. Le passage du collectif familial, avec le
pronom « nous » au ressenti intime d'Antoine, avec le pronom « me »,
individualise la peine d'être abandonné, la rend plus touchante.

Crise personnelle : un personnage rongé par la culpabilité L28-32 :

Le départ de Louis entraîne une crise personnelle chez Antoine

Epanorthose « avec exactitude » / « avec juste le ressentiment » = Errance


langagière tout autant que psychologique, Antoine se bat avec le langage
comme avec son passé

Il est rongé par la culpabilité, Champ lexical du trouble moral et de la


culpabilité

Préposition « contre » + pronom personnel emphatique « moi-même » :


Le combat d’A. devient un combat contre lui-même, comme un poison
corrosif

3emvt (l.33-fin) : Vers une sortie de crise ? La fragile entente fraternelle


La scène se clôt par un rapprochement timide des deux frères, une
compréhension mutuelle.

L33 : « Louis ? », interrogation directe par intonation montante=>la crise


familiale et personnelle n’est pas résolue mais A. tente de renouer le
dialogue.
L34 : « Oui ? », réponse brève, même si L. répond de façon elliptique, les 2
frère n’apparaissent plus antagonistes à la fin de la scène. Le conflit laisse
place à une compréhension mutuelle sur un fragile terrain d’entente.
Le soliloque d’A. se termine par un murmure mais qui conduit à un
rapprochement fraternel timide. L'abcès a été crevé, des vérités ont été
dites et acceptées, des torts reconnus tacitement.
Louis était certes silencieux mais attentif et il s'est ouvert aux souffrances
de son frère, comme le sous-entend la réponse de ce dernier qui est
négative.

Conclusion :

Cette scène illustre bien le drame de la communication et le ressort du


conflit qui sont au cœur de la pièce. Mais il s'agit aussi d'une déclaration
d'amour faite par Antoine à son frère dont le premier abandon l'a déchiré.

Antoine annonce aussi de façon tragique que sa douleur perdurera après


le départ de Louis. Préfigure la mort de L. dont Antoine ignore tout.

Antoine, en dépossédant son frère de la parole, se libère un peu du non-


dit de son enfance. Il fait preuve de clairvoyance, en entrevoyant la vérité
intérieure de Louis et sa part de responsabilité dans la crise familiale. Il
rééquilibre ainsi leur relation et gomme son sentiment d'infériorité.

La scène met en évidence la complexité des relations et familiales mais


aussi celle de la parole qui éloigne et rapproche les membres d'une même
famille.

Ouverture :
Le conflit familial apparait ici comme ressort tragique, de la même
manière que dans la confrontation de Camille avec son frère Horace dans
l'acte IV, scène 5 de la pièce Horace de Corneille.

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